Nationalisme québécois
Le nationalisme québécois est un sentiment et une doctrine politique qui accorde la priorité à l'appartenance culturelle, la défense des intérêts et à la reconnaissance de la légitimité politique de la nation québécoise. Mouvement de pensée et enjeu central de la politique au Québec depuis le début du XIXe siècle, le nationalisme québécois s'est transformé et a connu plusieurs déclinaisons politiques, idéologiques et partisanes.
Le nationalisme québécois est également l'idée centrale du mouvement pour l'indépendance du Québec. Plusieurs groupes et partis politiques se sont réclamés du nationalisme québécois. Les partis politiques dit autonomistes, qui ne souhaitent pas la souveraineté du Québec mais l'élargissement de ses compétences et la défense de sa spécificité au sein du Canada, tel que la Coalition avenir Québec[1], se réclament également du nationalisme québécois.
Histoire
Colonisation française du territoire
La colonisation française de l'actuel territoire du Québec débute de facto au commencement du XVIIe siècle, avec la fondation de la ville de Québec en 1608. Il faut toutefois attendre que la Nouvelle-France devienne une colonie royale en 1663 avant de voir un accroissement significatif de la population. En 1664-1665, le premier recensement compte 2 600 habitants à Québec, 480 habitants à Montréal et 450 habitants à Trois-Rivières[2]. Les politiques de peuplement introduites par Jean Talon, premier intendant de la Nouvelle-France, permettront de tripler la population de la colonie en 15 ans[2]. À l'époque, la colonie doit composer avec un déséquilibre considérable entre le nombre de femmes et d'hommes[3].
La colonisation de la Nouvelle-France s'effectue en reproduisant l'organisation et les rapports hiérarchiques de la France de l'Ancien régime[4]. Les rives du fleuve Saint-Laurent, de la rivière Richelieu et de la rivière Chaudière sont découpées en plus de 200 seigneuries qui seront assignés à des nobles, des institutions religieuses, des officiers, des administrateurs civils ou à de grands bourgeois[4]. Les principales activités économiques sont la traite des fourrures et l'agriculture de subsistance. Le début du XVIIIe siècle est aussi marqué sur le plan stratégique par la signature en 1701 de la Grande Paix de Montréal qui met fin aux guerres franco-iroquoises qui faisaient rage dans la région de Montréal et le Pays-d'en-Haut[5].
C'est sous le régime français que sont érigés le Vieux-Québec, le Vieux-Montréal, Vieux-Trois-Rivières et le Sault-au-Récollet, entre autres. Malgré un peuplement du territoire qui s'accélère à partir des années 1710, le nombre d'habitants de la Nouvelle-France demeure grandement inférieur à celui des Treize Colonies britanniques. Alors que la Nouvelle-France compte près de 55 000 habitants dans les années 1740, les colonies britanniques comptent près de 905 000 habitants. Montréal, situé à la confluence de plusieurs bassins hydrographiques, devient rapidement une plaque tournante du commerce des fourrures. On y compte plus d'une centaine de négociants dans les années 1750. Alors que débute la guerre de Sept Ans en 1756, la colonie compte approximativement 75 000 habitants[2].
L'Acte de Québec et la révolution américaine
« […] tous les sujets Canadiens de Sa Majesté en ladite province de Québec […] pourront aussi tenir leurs propriétés et possessions, et en jouir, ensemble de tous les usages et coutumes qui les concernent, et de tous leurs autres droits ce citoyens, d'une manière aussi ample, aussi étendue, et aussi avantageuse, que si les dites proclamation, commissions, ordonnances, et autres actes et instruments, n'avoient point été faits, en gardant à sa Majesté la foi et fidélité qu'ils lui doivent, et la soumission due à la couronne et au parlement de la Grande-Bretagne[6]. »
— Article VIII de l'Acte de Québec,
La guerre de la Conquête est l’aboutissement du conflit commercial continu entre les intérêts coloniaux français et britanniques en Amérique du Nord depuis le XVIIe siècle. Elle débute officiellement avec le déclenchement de guerre de Sept Ans au cours de laquelle elle est le théâtre militaire nord-américain. Elle se termine avec la prise de Louisbourg en 1758, Québec en 1759 et Montréal en 1760 par l'armée britannique. La passation du territoire à la Couronne britannique sera officialisée par le traité de Paris en 1763.
La Proclamation royale de 1763 promulguée par le roi George III crée la Province de Québec. Le changement de régime entraine l’exode d'environ 4000 Français. Parmi eux on compte les personnalités les plus riches, influentes, et un tiers de la noblesse de la défunte colonie française[7]. Le nouveau régime britannique voit aussi l'arrivée de dizaines de marchands anglais qui bénéficient des privilèges octroyés par la Proclamation royale; seuls les hommes de confession protestante ou huguenote sont admis aux postes administratifs de la Province de Québec[8]. La situation précaire et l'isolement des Français, appelés Canadiens, restés en Amérique du Nord amènent alors l’effritement de leurs réseaux commerciaux au profit de grandes compagnies britanniques comme la Compagnie de la Baie d'Hudson et la Compagnie du Nord-Ouest[8]. Le premier gouverneur britannique de la province de Québec, James Murray, est chargé d'appliquer les instructions royales, c'est-à-dire, faire de l'anglais la langue officielle et l'assimilation des enfants francophones à l'école anglaise et au protestantisme et l'abolition des droits seigneuriaux[9]. Toutefois, face à la réticence générale de la population, du peu de ressources à sa disposition et de la volonté des autorités britanniques de supplanter les nobles français[10], Murray adopte et défend devant le Parlement britannique une position de conciliation[11]. La position de Murray, impopulaire chez les marchands britanniques, entraînera la fin de son mandat de gouverneur en 1766 et son départ pour l'Europe[11]. Murray est remplacé par Guy Carleton en 1668 qui partage lui aussi une certaine volonté de conciliation avec la majorité francophone et catholique du Québec. Par conséquent, les autorités britanniques sont contraintes, face à l'instabilité grandissante dans les Treize colonies[12], d'accorder aux Canadiens des concessions. Ces concessions seront officialisées par l'Acte de Québec en 1774.
L'Acte de Québec révoque la Proclamation royale et octroie aux Canadiens le droit de pratiquer librement la religion catholique et garantit le maintien du droit civil français[12] qui assure, implicitement, la dualité linguistique[13]. L'Acte maintient également le régime seigneurial dans la Province de Québec ce qui réjouit l'élite seigneuriale canadienne qui siégera désormais au Conseil législatif de la colonie, une instance non élue[14]. L'Acte de Québec provoque de vives réactions parmi les marchands de Montréal et de Québec qui exigent une assemblée législative élue et le maintien de l'interdiction pour les francophones catholiques d'occuper une fonction publique[12].
Dans les Treize colonies, l'Acte de Québec est interprété comme une énième provocation, un acte intolérable, dont l'entrée en vigueur en mai 1775 arrive tout juste après le début des premières hostilités entre la Grande-Bretagne et la Province de la baie du Massachusetts à Lexington et Concord. Les Patriots américains accusent les autorités britanniques de favoriser les catholiques francophones au détriment des protestants qui désirent coloniser la vallée de l'Ohio[12]. La Révolution américaine entraîne l'instauration de la loi martiale dans la Province de Québec le 21 juin 1775 à la suite de la prise du Fort Ticonderoga par les colonels américains Ethan Allen et Benedict Arnold. L'invasion américaine du Québec se poursuit au cours de l'année 1775 avec la prise du fort Saint-Jean (Saint-Jean-sur-Richelieu) et de Montréal en novembre. Le 31 décembre 1775, les armées américaines sont défaites lors de la bataille de Québec. À Montréal, les Américains ne parviennent pas à rallier les Canadiens qui refusent de se battre dans un ou l’autre des camps[15]. L'armée continentale se retire entièrement du Québec en mai 1776. La guerre d'indépendance des États-Unis se conclut par les traités de Paris et de Versailles de 1783 et l'arrivée d'entre 35 000 et 40 000 Loyalistes[16] dans la nouvellement formée Amérique du Nord britannique soit les colonies de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et la Province de Québec. Environ 2000 loyalistes s'installent dans la vallée du Saint-Laurent[17]. La Couronne britannique indemnise et octroie des terres de 200 à 1 200 acres et de l'équipement agricole à chaque famille loyaliste s'établissant dans la Province de Québec. La plupart des loyalistes de la Province, environ 7500[17], s’établiront dans le Golden Horseshoe, sur la rive ouest du lac Ontario.
L'arrivée de ces milliers de Loyalistes au cours des années 1780 contraint le gouvernement britannique à doter la province d'institutions parlementaires, une assemblée législative et un conseil législatif, similaires à celles des colonies voisines de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Dès 1784, des Canadiens et Britanniques de la Province de Québec forment des comités et lancent une pétition afin que le gouvernement britannique crée une Chambre d'assemblée dans la colonie[18]. Le gouvernement britannique pour sa part souhaite diviser le territoire en deux pour mettre un terme aux différends qui opposent les Canadiens aux nouveaux colons britanniques[18].
Naissance des institutions parlementaires et du Parti canadien
« Les Anglais d'un côté formant la minorité à laquelle est lié le Gouvernement, et les Canadiens de l'autre formant la majorité à laquelle est attachée la masse du peuple; la chaleur de ces divisions nationales passe de la Chambre d'Assemblée dans le peuple, tout le pays se trouve divisé en deux partis ; le parti Anglais du Gouvernement d'un côté, et la masse du Peuple de l'autre. »
— Mémoire au soutien de la requête des habitants du Bas-Canada à S.A. R., 1814
L'Acte constitutionnel de 1791 est sanctionné par le roi George III le 10 juin 1791 et entre en vigueur le 26 décembre[18]. Il scinde la Province de Québec en deux colonies distinctes dotées chacune d'un conseil législatif et d'une chambre d'assemblée : le Haut-Canada, aujourd'hui connu comme l'Ontario, et le Bas-Canada aujourd'hui connu comme le Québec. Il faudra près de deux ans pour que les habitants de la colonie se familiarisent avec les règles parlementaires britanniques[18].
La Première législature du Bas-Canada est élue lors des élections générales qui ont lieu du 24 mai 1792 au 10 juillet 1792[19]. Les 50 députés élus sont polarisés entre le Parti canadien, majoritaire et principalement francophone, et le Parti bureaucrate anglophone et minoritaire. L'assemblée qui siège dans la ville de Québec se rencontre pour la première fois le et établit que l'anglais n'a pas de préséance sur le français dans le procès-verbal de la Chambre.
Confrontations de 1805 à 1810 entre le Parti canadien et l'administration coloniale britannique
Fort de ses connaissances juridiques et constitutionnelles et militant réformiste depuis les années 1780, le juriste Pierre Bédard, député de Northumberland (Charlevoix), s'impose dès 1800 comme chef du bloc canadien majoritaire et premier leader politique élu du Bas-Canada[20]. Ce dernier fait preuve d'une grande érudition sur les auteurs constitutionnels et juridiques de l’Angleterre et des idéologies, des philosophes et la pensée politique moderne malgré le peu de ressources documentaires disponibles à l'époque à Québec[21]. Cette grande connaissance des principes constitutionnels britanniques l'amène à confronter directement l'oligarchie coloniale en défendant la démocratie et la responsabilité ministérielle[21].
Les débats sur le financement des prisons et des palais de justice qui débutent en 1805, lors de la quatrième législature du Bas-Canada, entraînent une forte polarisation dans l'assemblée. Jusqu'en 1805, c'est le gouvernement impérial qui défrayait la grande majorité des coûts des prisons et des palais de justice du Bas-Canada[22]. Le piètre état des prisons était devenu un enjeu de sécurité car certaines trop délabrées ne pouvaient assurer la garde des prisonniers qui «s'en [évadaient] quand bon leur semble»[22]. Le débat sur la levée d'une nouvelle taxe pour la construction de deux nouvelles prisons à Québec et Montréal oppose les intérêts agricoles et marchands de la colonie. Les intérêts agricoles, principalement canadiens-français, souhaitent un taxe sur les importations tandis que les intérêts commerciaux, principalement canadiens-anglais, souhaitent une taxe sur les terres[22]. Les intérêts agricoles, majoritaires et francophones, remportent le débat et le vote et parviennent à faire sanctionner la loi par le gouverneur général[22]. La minorité anglophone s'oppose drastiquement à cette nouvelle loi et fait appel de la décision, sans succès, devant le Parlement britannique accusant les Canadiens de compromettre le commerce dans la colonie[22]. Les marchands iront jusqu'à demander de révoquer les droits accordés aux Canadiens par les lois de 1774 et 1791. Le journal de langue anglaise The Quebec Mercury est fondé en 1805 pour défendre les intérêts britanniques[21].
En réponse au Quebec Mercury, Pierre Bédard, ainsi que les députés François Blanchet, Denis-Benjamin Viger, Jean-Thomas Taschereau, fondent en octobre 1806 le journal de langue française Le Canadien qui défend les opinions de la majorité de l'assemblée face à l'arbitraire de l'administration coloniale britannique[20]. La séparation des pouvoirs, notamment entre le législatif et le judiciaire, et la responsabilité ministérielle sont les principes les plus ardemment défendus par le journal à l'époque.
Le journal Le Canadien devient un outil d'éducation politique dont la circulation sera relativement limitée par le gouverneur James Craig à partir de 1808[21]. La question de l'éligibilité des juges, débattue en 1809, entraîne une confrontation directe entre le l'Assemblée, le conseil législatif et le gouverneur. Insatisfait de l'opinion de l'Assemblée, qui souhaite empêcher les juges de devenir députés, James Craig dissout la cinquième législature du Bas-Canada en 1809 puis, devant le maintien de la position de l'Assemblée, la sixième législature du Bas-Canada le 1er mars 1810[21]. Le 17 mars, le gouverneur fait saisir le journal Le Canadien et son imprimeur Charles Lefrançois est arrêté. Le 19 mars, Pierre Bédard, François Blanchet, Denis-Benjamin Viger, Jean-Thomas Taschereau et une vingtaine d’autres personnes associées au journal sont emprisonnés en pleines élections générales[21]. Cependant, Pierre Bédard et plusieurs autres sont réélus et siègent à la septième législature du Bas-Canada. Londres condamne les actions du gouverneur Craig[21] qui, malade, retourne en Angleterre en juin 1811. Il est remplacé par le gouverneur d'origine suisse George Prévost en octobre. La guerre anglo-américaine éclate en 1812 et Pierre Bédard est nommé juge de Trois-Rivières par le gouverneur.
Guerre anglo-américaine de 1812
Alors que l'Europe est le théâtre des guerres napoléoniennes, les États-Unis déclarent la guerre au Haut et au Bas-Canada en juin 1812. L'invasion des Canadas était anticipée. Dès avril 1812, le gouverneur Prévost, aidé du soutien inconditionnel de l'Église, ordonne la mobilisation d'une unité d'infanterie légère pour le Bas-Canada. Cette unité formée à Québec porte le nom des Voltigeurs et se compose de volontaires canadiens-français commandés par le major Charles-Michel de Salaberry[23]. Les soldats Voltigeurs sont promis cinquante arpents de terre et 5 Livres Sterling en compensation[24].
La milice du Bas-Canada compte, sur papier, près de 60 000 hommes. Toutefois dans les faits la mobilisation connaît de nombreuses ratés, particulièrement dans les paroisses de l'Ouest de l'île de Montréal. Les déserteurs sont nombreux[24]. Pour s’assurer de la participation des Canadiens-français aux combats, le gouverneur Prévost reçoit la légitimation doctrinale de l'Église et réprime sévèrement la désertion[24]. Le 1er juillet 1812, l'opposition à la conscription entraîne une manifestation à Lachine, l'intervention de l'armée fait un mort et plusieurs blessés[25]. À partir d'août 1812, les autorités militaires du Bas-Canada ont recours à une cour martiale pour condamner une centaine de miliciens déserteurs à des peines d’emprisonnements et à des châtiments corporels[26]. Plusieurs officiers canadiens-français subissent également la cour martiale pour patronage, insubordination, ivresse ou mauvais jugements[26].
Louis-Joseph Papineau et le mouvement patriote
« Notre langue, nos institutions et nos lois »
— Devise du journal Le Canadien à partir de 1831
Le mouvement réformiste obtient l'appui de la majorité des représentants francophones, mais également celui de plusieurs libéraux anglophones. Un nombre important de chefs réformistes et patriotes étaient d'origine britannique ou irlandaise, dont John Neilson, Wolfred Nelson, Robert Nelson, Edmund Bailey O'Callaghan, Daniel Tracey, Thomas Storrow Brown.
Deux courants existaient au sein des réformistes du Parti canadien, renommé Patriote. Le premier courant, jugé modéré, était composé de citoyens admirant les institutions britanniques et souhaitant que le Bas-Canada ait un gouvernement plus responsable envers les représentants du peuple. Le second courant, jugé plus radical, était composé de citoyens pour qui l'attachement aux institutions britanniques était plutôt conditionnel et ceux-ci admiraient secrètement ou ouvertement les institutions républicaines des États-Unis et de la France. Ce fut ce second courant qui devint dominant au sein du parti patriote à partir des années 1830. Comme l'ont montré Louis-Georges Harvey (Le Printemps de l'Amérique française) et Stéphane Kelly (La petite Loterie), le républicanisme des Patriotes avait puisé plusieurs de ses arguments et de ses thématiques dans le langage révolutionnaire américain et dans le discours du Country Party anglais, qui s'était opposé à l'influence corruptrice de la Couronne sur les parlementaires et la société à la suite de la révolution anglaise du XVIIe siècle.
La survivance, la colonisation et le nationalisme canadien-français
Même s'il continue à être défendu et promu jusqu'au début de XXe siècle, le nationalisme libéral et républicain issu des idées révolutionnaires américaines et françaises commence graduellement à décliner après 1841, c'est-à-dire après l'Union des Canadas qui place l'ancienne majorité franco-catholique du Bas-Canada en état d'infériorité dans un Canada-Uni, et se retrouve bientôt en position marginale face à un nationalisme libéral plus modéré qui s'accommode de l'impérialisme britannique et encore plus face à l'ultramontanisme du clergé catholique.
La montée en puissance d'un nationalisme catholique, qui dominait encore la société québécoise jusqu'aux années 1950, marqua profondément la pensée politique du Canada français pendant tout un siècle. Face à la crainte de l'assimilation par la majorité anglophone, les nationalistes renforcèrent le modèle des sociétés de type traditionnel en rejetant l'idée que le peuple est souverain et que l'Église et l'État doivent être séparés. Ils acceptèrent l'autorité de la couronne britannique au Canada, défendirent sa légitimité et prêchèrent l'obéissance à la domination anglo-saxonne. Ils renforcèrent les valeurs conservatrices en censurant essentiellement toutes les idées et la littérature du siècle des Lumières et des communautés libérales et scientifiques de la France, des États-Unis et de la Grande-Bretagne. Cette censure affecta sévèrement ce qui est aujourd'hui considéré comme le développement social, économique et culturel normal de la province de Québec.
La survie du peuple se ferait donc par l'obéissance à l'État, le contrôle des institutions sociales par l'Église et la promotion des valeurs traditionnelles et familiales ayant pour but l'accroissement du nombre de Canadiens français catholiques (la «revanche des berceaux»). Cette idéologie de la survivance ne sera sérieusement ébranlée qu'après la Seconde Guerre mondiale.
Nationalisme civique québécois
Depuis la Révolution tranquille, les Canadiens français du Québec se nomment « Québécois », afin de souligner leurs différences culturelles et historiques. Depuis cette Révolution tranquille, l'identité culturelle du nationalisme québécois a changé peu à peu, dans une manière réfléchissant le laïcisme et les autres traits de la Révolution elle-même.
La culture québécoise évolue, et on en voit la mesure avec des auteurs tels que Michel Tremblay et Jacques Ferron, ou certains chanteurs tels que Félix Leclerc, Gilles Vigneault et Robert Charlebois et les chanteuses Pauline Julien, Louise Forestier et Diane Dufresne. Une identité propre se développe au Québec.
Un sujet ayant occupé une place importante de la politique québécoise et canadienne depuis la conquête anglaise a été, et reste toujours, la possible indépendance du Québec par rapport au reste du Canada.
Reconnaissance officielle de la nation québécoise
Divers événements historiques ont amené de fait à la reconnaissance de la nation québécoise. Dans le Renvoi sur une opposition du Québec à une résolution pour modifier la Constitution[27], en 1982, la Cour suprême du Canada en énonce d'ailleurs certains qui ont amené à la reconnaissance implicite du Québec en tant que société distincte.
En 2003 et en 2006, l’Assemblée nationale du Québec ainsi que la Chambre des communes du Canada ont respectivement adopté une résolution reconnaissant la nation que forment les Québécois, quoique sous une formulation et en des circonstances différentes[28],[29].
Le , lors du Conseil général spécial de l’aile québécoise du Parti libéral du Canada, des militants libéraux fédéraux engagent un débat national en adoptant à plus de 80 % une résolution appelant le gouvernement du Canada à reconnaitre la nation québécoise au sein du Canada. Un mois plus tard, la dite résolution fut reprise au Parlement tout d’abord par le Bloc québécois, puis par le premier ministre du Canada, Stephen Harper[30],[31],[32],[33],[34],[35],[36],[37],[38],[39],[40],[41],[42],[43].
Le , le premier ministre canadien dépose une motion visant à reconnaître « que les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni »[44]. Elle fut acceptée par 266 voix contre 16 le [45]. Elle vient par ailleurs en réponse à une motion bloquiste rejetée par 233 voix contre 48[46].
Alors que la portée et le sens du vocable « Québécois » désigne en français toutes personnes résidant au Québec, la version anglaise de la motion adopta ce même terme, mais sous-entendant probablement, selon sa définition anglaise, une distinction entre le sens ethnique (Québécois) et étatique (Quebecker)[47]. Cependant, dans le contexte d'une version anglaise, cela crée une ambiguïté dans son interprétation.
« Son utilisation, au sein d’une phrase anglaise, peut très bien signifier qu’on a tout simplement voulu employer la langue commune des Québécois pour nommer la nation québécoise, [dans un sens étatique], plutôt que la langue maternelle d’une des minorités qui se trouvent au Québec. Et si le mot « Québécois » devait pouvoir receler un second sens dans le contexte de la version anglaise, il faudrait, selon les règles d’interprétation, retenir le sens non ambigu qu’il a dans la version française. Comme l’a bien dit M. Harper, [en son titre de premier ministre dont les discours sont subordonnés à la Constitution], il n’appartient pas au Parlement fédéral de définir la nation québécoise mais bien à l’Assemblée nationale. Or, pour cette dernière, sont Québécois toutes les personnes qui résident au Québec et qui se considèrent telles[48]. »
Alors que Stephen Harper rappelle à plusieurs reprises que cette résolution ne constitue pas un « amendement constitutionnel ni un texte juridique », la présentant comme « une déclaration de reconnaissance et un geste de réconciliation »[49],[50], Claude Morin publie une tribune dans Le Devoir dénonçant un calcul politique et une « astuce verbale » sans sens, les conditions pour une réelle reconnaissance n’étant pas réunies selon lui[51].
À la suite de cette motion, bien qu'un sondage révèle que 70 % des Canadiens (77 % en excluant le Québec) rejettent l’idée selon laquelle les Québécois forment une nation, les députés de la Chambre des communes du Canada sont légalement des représentants de leur circonscription électorale et à ce titre, le partage des votes en chambre représente la volonté de la majorité canadienne. Pour leur part, les Québécois francophones sont majoritairement en accord avec la notion de nation québécoise, avec 71 % d’approbation[52],[53],[54],[55], soit près de 57 % de la population totale du Québec[56].
Pendant la campagne électorale de l’élection fédérale canadienne de 2008, le premier ministre Stephen Harper a déclaré, à Chicoutimi (Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec), qu’il était normal d’être nationaliste lorsque l’on fait partie d’une nation. Il a aussi précisé que les Canadiens anglais devaient respecter ce fait historique et a aussi tenu à rappeler qu’il évoquait la nation québécoise dans ses discours, tant au Québec qu’ailleurs au Canada[57].
Le , lors de la première allocution d'un président français en exercice à l'Assemblée nationale du Québec, Nicolas Sarkozy a utilisé l'expression « nation québécoise » pour désigner le Québec[58].
Notes et références
- UN NOUVEAU PROJET POUR LES NATIONALISTES DU QUÉBEC
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- L'épée de Damoclès électorale hante la Chambre des communes
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- Le PLC doit reconnaître le Québec comme nation - Les deux auteurs de la résolution parlent haut et fort
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- Le pays rejette en bloc l’idée que le Québec est une nation », La Presse (Montréal),
- Hélène Buzzetti, « La nation divise le pays ! », Le Devoir, samedi 11 novembre 2006.
- Charles Taylor, Rapprocher les solitudes. Écrits sur le fédéralisme et le nationalisme au Canada, 141 p.
- Sondage Crop, 6 décembre 2006
- Rencensement de 2006 : la population québécoise est francophone à plus de 80 %.
- « Entrevue exclusive — Les conservateurs ouvrent la porte aux nationalistes », Cyberpresse, 20 septembre 2008.
- Assemblée nationale du Québec, Cérémonie protocolaire à l'occasion de la visite officielle du président de la République française, M. Nicolas Sarkozy. Consulté le 28 décembre 2008.
Bibliographie
Ouvrages
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- Denis Monière. Pour comprendre le nationalisme au Québec et ailleurs, Montréal : Presses de l'Université de Montréal, 2001, 148 pages (ISBN 2-7606-1811-0)
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- Fernande Roy. Histoire des idéologies au Québec aux XIXe et XXe siècles, Montréal : Boréal, 1993, 128 pages (ISBN 2-89052-588-0)
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- Michel Sarra-Bournet (dir.), avec la collabor. de Jocelyn Saint-Pierre, Les nationalismes au Québec, du XIXe siècle au XXIe siècle, Québec : Presses de L’Université Laval, 2001
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- Michel Venne (sous la dir.). Penser la nation québécoise, Montréal : Québec Amérique, Collection Débats, 2000
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- Saël Gueydan-Lacroix. « Le nationalisme au Canada anglais : une réalité cachée », dans L'Agora,
- Stéphane Kelly. « De la laine du pays de 1837, la pure et l'impure », dans L'Encyclopédie de l'Agora, Cahiers d'histoire du Québec au XXe siècle, no 6, 1996
- Stéphane Paquin. « La revanche des petites nations », dans L'Action nationale,
- Antoine Robitaille. « La nation, pour quoi faire? », dans Le Devoir,
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- Caroline Roy-Blais. « La montée du pouvoir clérical après l’échec patriote », dans le site Web Les Patriotes de 1837@1838, 2006-12-03
Anglais
- Claude Bélanger Quebec nationalism
Ouvrages
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- Gilles Gougeon (1994). A History of Quebec Nationalism, Lorimer, 118 pages (ISBN 1-55028-441-X) (except online)
- Susan Mann (2002). The Dream of Nation: A Social and Intellectual History of Quebec, McGill-Queen's University Press; 2d edition, 360 pages (ISBN 0-7735-2410-X) (excerpt online)
- Robert McKim et Jeff McMahan ed., (1997). The Morality of Nationalism, Oxford University Press, 384 pages (ISBN 0-19-510392-0) (online excerpt)
Journaux, périodiques
- Jocelyne Couture, Kai Nielsen, and Michel Seymour (ed). « Rethinking Nationalism », in Canadian Journal of Philosophy, Supplementary Volume XXII, 1996, 704 pages (ISBN 0-919491-22-7)
- Rémi Daniel, « Zionism and Québécois nationalism: An initial comparative analysis », Nations and Nationalism, DOI:https://doi.org/10.1111/nana.12679
- Will Kymlicka. « Quebec: a modern, pluralist, distinct society », in Dissent, American Multiculturalism in the International Arena, Fall 1998, p. 73-79
- Francois Rocher. « The Evolving Parameters of Quebec Nationalism », in JMS: International Journal on Multicultural Societies. 2002, vol. 4, no.1, pp. 74-96. UNESCO. ISSN 1817-4574
- Michel Venne. « Re-thinking the Quebec nation », in Policy Options, January-February 2000, pp. 53-60
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Conseil de la Souveraineté du Québec
- Parti québécois
- Bloc québécois
- « Option nationale »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?)
- Parti indépendantiste
- Association internationale des études québécoises
- Le Rond-Point des sciences humaines
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