Paul Jenkins (peintre)

Paul Jenkins, né le à Kansas City dans le Missouri et mort le à New York[1] est un peintre et un écrivain américain des XXe et XXIe siècle, classé par commodité dans les mouvements de l'abstraction lyrique ou encore de l'expressionnisme abstrait alors qu'il est, selon Frank Anderson Trapp[note 1] : « un de ces artistes qu'on aurait du mal à décrire en ces termes, malgré la réciprocité d'influences entre l'Europe et l'Amérique durant l'évolution contemporaine[2]. » D'après Jean Cassou, s'il faut lui mettre une étiquette, celle d'artiste informel lui conviendrait mieux[3].

Pour les articles homonymes, voir Jenkins.

Paul Jenkins
Naissance
Décès
Nom de naissance
Paul Jenkins
Nationalité
Activité
Formation
Mouvement
Conjoint

Biographie

Le Kansas City Art Institute où Paul Jenkins a étudié l'art

Formation

Jenkins commence à étudier l'art au Kansas City Art Institute, tout en travaillant avec le céramiste James Weldon qui aura par la suite une grande influence sur sa peinture. Attiré par le théâtre, il reçoit une bourse qui lui permet de s'inscrire à la Cleveland Play House[4], une école de théâtre, dans laquelle il travaille surtout sur les décors[5]. Mais la Seconde Guerre mondiale interrompt ses activités artistiques. De 1943 à 1945, il est enrôlé dans l'unité des forces de l'air du Corps des Marines des États-Unis où il sert comme pharmacien [5]. Il réussit quand même à installer une sorte d'atelier dans la bibliothèque où il peint des aquarelles, dessine, et écrit des textes. Après la guerre, il s'installe à Pittsburg, Kansas, où il fait partie d'un groupe d'artistes et d'écrivains soutenus par la mécène Gladys Schmidt. Ces artistes exposent à la galerie Outline dirigée par Elizabeth Rockwell [6]. La galerie Rockwell est le point de rencontre des artistes d'avant-garde, elle est fréquentée notamment par John Cage et Merce Cunningham[5]. En 1948 il part pour New York où il commence s'inscrit au Art Students League[7].

Premiers voyages et premières expositions

En 1953, après un voyage en Italie et en Espagne, il s'installe à Paris où il rencontre Jean Dubuffet, Georges Mathieu, Pierre Soulages ainsi que d'autres artistes américains vivant à Paris parmi lesquels le peintre Sam Francis et la sculptrice Claire Falkenstein. Il travaille alors avec des pigments en poudre de Winsor Newton et du chrysochrome (sorte d'émail) En 1955, il a sa première exposition personnelle à la galerie Zoe Dusanne de Seattle, qui lui achète un tableau[8] La même année, il participe au Petit Palais de Paris à l'exposition Artistes étrangers en France[7]. La galerie Stadler de Paris accueille ses œuvres en 1956, tandis qu'à New York, la Martha Jackson Gallery lui consacre une exposition personnelle. John L. H. Baur lui achète le tableau Divining Rod, huile et émail sur toile de 137 × 96,5 cm pour le Whitney Museum of American Art. Cette même année, Paul et Esther Jenkins publient chez George Wittenborn, à New York, le livre Observations of Michel Tapié. L'année suivante Peggy Guggenheim achète à la galerie Stadler de Paris le tableau Osage, huile sur toile de 129,5 × 195,6 cm[9], qu'elle donne au New Orleans Museum of Art[8].

En 1964, il épouse la peintre Alice Baber. Ce mariage est une période de « croissance artistique » pour tous les deux. Ensemble, la même année, ils voyagent au Japon et collectionnent une grande quantité d'art asiatique. Ils divorcent ensuite, en 1970[10].

Évolution de la pensée

Alors qu'il étudiait encore à la Students League, Jenkins s'intéressait déjà aux théories du mystique russe Georges Gurdjieff, en particulier à ses théories sur la transcendance spirituelle et sur sa définition de l'art objectif. Par la suite, Jenkins ayant étudié Carl Gustav Jung et Sigmund Freud, il aurait dû se détacher de sa fascination pour Gurdjieff[11]. Mais Jenkins n'en continue pas moins d'adhérer à la mise en cause de l'art subjectif comme le faisait le maître de l'ésotérisme[12]. Jenkins découvre ensuite les enseignements du bouddhisme zen en même temps que le I Ching traduit du chinois par Richard Wilhem. Sans toutefois comprendre toute la philosophie qui était à la base de l'art oriental exposé dans la William Rockhill Nelson Art Gallery de Kansas city, le jeune artiste s'y attache profondément. Plus tard, il est encore très impressionné par le livre d'Eugène Herrigel Le Zen dans l'art chevaleresque du tir à l'arc (ou selon les versions : Zen et l'Art du tir à l'arc[13].) Dans cet art oriental, Jenkins trouve « quelque chose d'accessible[13]. » qui est à la base de sa recherche artistique.« La beauté qui recèle une violence latente (...), la vie est dangereuse, et ce danger est en partie associé à la beauté[14]. »

Œuvre

Les influences

Inspiré tout d'abord par l'expressionnisme abstrait de la deuxième génération, Jenkins ne se rattache pas vraiment à ce courant, selon Frank Anderson Trapp, qui pense que cette étiquette ne lui convient pas davantage que « celle d'impressionniste de deuxième génération ne conviendrait à un Gauguin, un Van Gogh ou un Seurat(…) Il est extrêmement intéressant de constater que Jenkins quittait les États-Unis pour l'Europe, au moment même où New York était reconnu comme le principal centre d'innovation dans les arts visuels[14]. »

Bien que proche de Jackson Pollock ou de Mark Rothko, Jenkins préfère s'inspirer de Henri Matisse, Vassily Kandinsky. Il étudie également Gauguin Whistler, Mary Cassatt et il se sent « autant chez lui en Europe qu'aux États-Unis, passant facilement d'un pays à l'autre[14]. »

Technique du peintre

Son travail est un mélange des procédés utilisés pour l'émail de potier qu'il a appris avec le céramiste James Weldon, mais également de ceux qu'il a employés pour les décors de théâtre et l'aquarelle. Alain Bosquet a décrit la façon très personnelle qu'avait le peintre d'inventer des méthodes, tout en faisant de son geste une sorte de chorégraphie : « La plus originale consistait à verser les couleurs dans le creux de la feuille ou de la toile qu'il avait incurvée. Ensuite, balancée(…) repliés légèrement ou dépliée, elle forçait les couleurs à se concentrer (…) et partant, à trouver leur forme. La chorégraphie s'augmentait ainsi de la chorégraphie imposée par le peintre[15]. » Bosquet décrit aussi une autre invention de Jenkins : l'utilisation d'une baguette qui tenait lieu de pinceau, ou même d'un couteau d'ivoire pour corriger les formes[16]. Toujours selon Bosquet, il ne faut y voir aucun rapport avec l'action painting.

Phénomènes et prismes

Dès ses premières peintures, l'artiste qui est aussi philosophe, intitule ses tableaux Phénomènes (Phenomena) par association aux noumènes dans le sens que donnait à ce mot Emmanuel Kant, le potentiel nouménal donnant la substance phénoménale [17].« La couleur est une sensation et non une manifestation extérieure de la nature(…) Je veux démentir l'idée que les concepts formels n'ont aucun rapport avec les exigences informelles. La couleur n'est pas une chose simple (…) elle doit être dotée de signification (…) elle n'est pas interchangeable(…) aucune autre couleur ne doit pouvoir la remplacer sur la toile car elle est unique en soi[18]. »

La matière peinture est pour Jenkins un sujet en elle-même. Elle ne représente pas quelque chose, elle « est » (dans le sens : exister)[19]. L'intensité prismatique des couleurs se retrouve dans toutes ses toiles, quel que soit le titre qu'il leur donne (Phénomène ou Phénomène prisme), ce qui exclut toute possibilité de description formelle. « Ses œuvres font plutôt penser à des objets naturels, à des feuilles, par exemple[20] »

Phenomena Prism Emissary [21], (1984, 236,2 × 198,1 cm, est réalisé sur un fond de vernis qui réagit au contact de la peinture produisant un effet de tache d'huile dans l'eau[20]. Phenomena Astral Tundra (1985-1986), acrylique sur toile 195,5 × 401 cm[22] par ses dimensions et sa composition est proche du mural, avec des lignes horizontales sur la partie gauche, et d'autres verticales sur la partie droite. Celle de la partie droite ont un très fort effet figuratif qui est brisé par l'intervention, au milieu du tableau, d'une ligne rouge très forte côté droit et une ligne plus faible, noire et grise côté gauche. Le tableau est présenté sur le site de la Redfern Gallery sous le titre Les Anglonautes [23]

Ces lignes séparatrices sont une manière de canaliser les forces créatrices et de leur imposer une discipline, car pour l'artiste, « Ce n'est pas la méthode qui est signifiante. Elle n'est que la grammaire de l'intention, de la pensée, et de l'idée (...) Mais il y a d'abord la sensation, à la fois perceptive et réceptive. Et avec elle, l'expérience de découvrir et de connaître ce que l'on n'a pas le temps de s'expliquer dans l'instant même[24]. »

Sélection d'œuvres majeures

le Palais des beaux-arts de Lille où Paul Jenkins a été exposé en 2005

Il est possible de voir les œuvres de Paul Jenkins exposées au Palais des beaux-arts de Lille du au sur le site de la « Fondation Demeures du Nord »

Sélection d’expositions :

  • Paul Jenkins, rétrospective, Museum of Fine Arts, Houston, 1971
  • Paul Jenkins, rétrospective, San Francisco Museum of Art, San Francisco, 1972
  • Paul Jenkins, œuvres majeures, Musée Picasso, Antibes, 1987
  • Paul Jenkins, œuvres majeures, Palais des Beaux-Arts, Lille, 2005
  • Un Art Autre autour de Michel Tapié, Christie’s Paris, 2012
  • Paul Jenkins, Galerie Diane de Polignac, Paris, février-

Œuvres localisées

Chrysler Museum of Art de Norfolk (Virginie).

Œuvres non localisées

  • Taino 1953, huile et chrysochrome sur toile 129,5 × 79 cm, non localisé[48]
  • Shooting the Sun 1956, huile et chrysochrome sur toile 162,5 × 129,5 cm, non localisé[49]
  • Eyes of the Dove 1958, huile et chrysochrome sur toile 101 × 76 cm, non localisé[50]
  • Lunar Moth 1958, huile et chrysochrome sur toile 99 × 89 cm, non localisé[51]
  • Phenomena Missing Trinity 1961, acrylique sur toile, 139 × 97 cm, collection privée, Paris[52].
  • Phenomena Leopard Pass 1964, acrylique sur toile 70,5 × 160 cm, collection privée Paris[53]
  • Phenomena Fly Sphinx (1966-1967), acrylique sur toile, 101 × 66 cm, collection privée, Paris[54].
  • Phenomena Track the Wind (1980), acrylique sur toile, 91,5 × 61 cm, collection privée, New York[42].

Bibliographie

  • (en) Kenneth B.Sawyer et Pierre Restany, The Paintings of Paul Jenkins, Paris, Two Cities, , 125 p.
    les éditions Two Cities ont édité une revue bilingue de 1959 à 1964 : Two Cities
  • Michel Conil-Lacoste, Phenomena - Paul Jenkins, Galerie Karl Flinker, Paris, 1976.
  • Alain Bosquet, Paul Jenkins, Paris, Henri Veyrier - Librairie de l'avenue, 1982 et 1990, 63 p. (ISBN 978-2-85199-273-4)
  • Paul Jenkins, œuvres : catalogue de l'exposition au Musée Picasso d'Antibes 18 mai- 28 juin 1987, ouvrage collectif, Antibes, Musée Picasso, , 104 p. (ISBN 2-7186-0321-6)
    l'ouvrage comporte des textes de Frank Anderson Trapp, André Verdet, Paul Veyne, Édouard Jaguer, Michel Tapié, Paul Jenkins, Pierre Restany, Jean Cassou
  • Jean Cassou et Paul Jenkins, Jenkins : Dialogue entre Paul Jenkins et Jean Cassou, Paris, Éditions de la Galerie Karl Flinker, , 67 p.
  • (en) Albert Edward Elsen, Paul Jenkins, New York, Abrams, , 288 p. (ISBN 0-8109-0215-X et 978-0810902152)
  • Albert E. Elsen, Paul Jenkins, Paris, Éditions Horay, 1973

Notes et références

Notes

  1. Mort en 2005, Trapp a été pendant vingt ans directeur du Mead Art Museum à Amherst (Massachusetts).

Références

  1. Décès du peintre américain Paul Jenkins
  2. Frank Anderson Trapp section "Prismes brisés" Collectif Antibes 1987, p. 15
  3. Cassou-Jenkins, p. 10
  4. site officiel de la Cleveland Play House
  5. Frank Anderson Trapp chapitre Prismes brisés Collectif Antibes 1987, p. 9
  6. notice sur la galerie d'Elizbeth Rockwell
  7. Cassou-Jenkins, p. 66
  8. Collectif Antibes 1987, p. 98
  9. voir Osage
  10. (en) Jules Heller et Nancy Heller, « Baber, Alice (1928-1982) », dans North American Women Artists of the Twentieth Century: A Biographical Dictionary, New York, Garland, (ISBN 0824060490, lire en ligne), p. 43–44.
  11. Elsen, p. 52
  12. Elsen, p. 53
  13. Elsen, p. 56
  14. Frank Anderson Trapp section "Prismes brisés" Collectif Antibes 1987, p. 14
  15. Bosquet 1982, p. 38
  16. Bosquet 1982, p. 40
  17. Bosquet 1982, p. 42
  18. Bosquet 1982, p. 45
  19. Frank Anderson Trapp section "Prismes brisés" Collectif Antibes 1987, p. 20
  20. Frank Anderson Trapp section "Prismes brisés" Collectif Antibes 1987, p. 22
  21. voir Phenoma prism emissary
  22. Frank Anderson Trapp section "Prismes brisés" Collectif Antibes 1987, p. 12-13
  23. voir les Anglonautes, tout en bas de l'image figure le titre original
  24. Elsen, p. 159
  25. Elsen, p. 184
  26. Elsen, p. 193
  27. Elsen, p. 185
  28. Elsen, p. 199
  29. Cassou-Jenkins, p. 63
  30. Cassou-Jenkins, p. 67
  31. Elsen, p. 97
  32. Elsen, p. 163
  33. Collectif Antibes 1987, p. 80
  34. Elsen, p. 111
  35. Elsen, p. 113
  36. Elsen, p. 119
  37. Elsen, p. 131
  38. Collectif Antibes 1987, p. 30
  39. Elsen, p. 175
  40. Collectif Antibes 1987, p. 35
  41. Collectif Antibes 1987, p. 34
  42. Collectif Antibes 1987, p. 31
  43. ancienne Fondation Van Gogh
  44. voir la reproduction
  45. Collectif Antibes 1987, p. 28
  46. Collectif Antibes 1987, p. 37
  47. Collectif Antibes 1987, p. 17
  48. Collectif Antibes 1987, p. 55
  49. Collectif Antibes 1987, p. 53
  50. Collectif Antibes 1987, p. 52
  51. Collectif Antibes 1987, p. 56
  52. Restany Sawyer 1961, p. 64
  53. Collectif Antibes 1987, p. 70
  54. Collectif Antibes 1987, p. 81

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