Polyandrie
La polyandrie (polygamie féminine) désigne, chez l'humain, le système dans lequel une femme est mariée simultanément à plusieurs époux[1]. Cette signification est la plus ancienne, attestée depuis 1765[2],[3].
Par extension, ce terme a aussi été employé en botanique et en biologie. Il désigne alors le système d'accouplement par lequel la femelle d'une espèce s'accouple successivement avec différents mâles au cours d'une saison de reproduction.
Étymologie
Attesté depuis 1765 dans l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers[2],[3] avec l'acception d'« état d'une femme mariée à plusieurs hommes en même temps », le mot polyandrie est formé à partir de deux mots grecs, πολύς, polús, « plusieurs » et ἀνδρός, andrós, génitif singulier de ἀνήρ, anếr, « homme mâle » sous l'influence du grec πολύανδρος, poluandros (« abondant en hommes, populeux » et « qui a plusieurs maris »)[4]. Il est donc l'antonyme de « polygynie » qui signifie plusieurs femmes et l'hyponyme de polygamie.
Polyandrie dans les sociétés humaines
La polygamie féminine (ou polyandrie) a pu être observée, comme forme légitime d'union, dans différentes sociétés humaines.
Dans l'Antiquité ou au Moyen Âge
- Elle est mentionnée dans le Rig Veda Samhitaa[5], ouvrage daté entre 1450 et 4008 avant J.-C. selon les sources[6].
- Elle était courante autrefois chez les Guanches aux îles Canaries[7],[8].
- Elle est également attestée à Sparte[9](placée sous l'autorité de son législateur légendaire Lycurgue) dans l'Antiquité, au témoignage de Xénophon, de Nicolas de Damas et de Plutarque, alors que Polybe la décrit en sa forme adelphique ou fraternelle.
- On la retrouve à la même époque chez les Scythes[8], peuple nomade originaire des steppes de l'Asie centrale[10].
- César attribue aussi cette pratique aux Bretons[11]. Selon le celtologue Claude Sterckx, il s'agit là cependant d'une confusion avec la mythologie celtique, où cette pratique concerne des dieux et déesses, aucun élément ne permettant d'attester de cette pratique en réalité[12].
Au XIXe siècle et au XXe siècle
Elle était pratiquée par de nombreux peuples, entre autres :
- chez les Maasaï (Kenya)[8]
- chez les Bororos (Brésil)[8]
- à Madagascar [13]
- chez les Lélé du Kasaï [14],
- chez les Abisis et d’autres tribus du centre du Nigeria[15],
- chez les Zo'és de la forêt amazonienne,
- chez les Guayaki du Paraguay (étudiés par Pierre Clastres),
- il est attesté qu'elle était dominante dans les Îles Marquises jusqu'à l'achèvement de la colonisation[16],[8].
Polyandrie en botanique et en zoobiologie
Les chercheurs en écologie comportementale distinguent : la polyandrie séquentielle (la plus commune) dans laquelle la femelle se reproduit successivement avec plusieurs mâles (ayant un unique partenaire sexuel à chaque fois, elle pond des œufs puis interrompt la relation et passe à un autre partenaire) ; la polyandrie simultanée dans laquelle la femelle possède un grand territoire incluant de petits territoires de reproduction de deux mâles ou plus (ayant simultanément plusieurs mâles qui s'occupent des œufs et élèvent leur progéniture respective). Une variante de cette dernière est la polyandrie coopérative simultanée dans laquelle une couvée mixte est élevée par une femelle et par plusieurs mâles[17].
Polyandrie dans les espèces animales
À l'échelle du règne animal, la polyandrie n'est pas un phénomène exceptionnel avec de nombreux exemples documentés (insectes sociaux, crapauds, chimpanzé, mammifères tels que le lynx roux, l'ours polaire, le lièvre, le phoque gris…)[18]. Elle est plus rare chez les poissons (épinoche) et les oiseaux (0,4 %, notamment chez le jacana et le bécasseau)[19]. De nombreuses femelles de mammifères solitaires, comme le putois d'Europe, peuvent consentir à des accouplements avec plusieurs mâles de suite. Plus souvent, on observe une forme de polyandrie sexuelle dans une monogamie sociale. Ainsi chez certains oiseaux vivant de façon monogame (vie sociale entre un mâle et une femelle partageant un territoire et élevant leurs petits), les chercheurs ont observé un grand nombre de femelles se reproduisant avec un mâle qui n'était pas celui avec lequel elles partageaient le nid (de 3 à 10 % chez la mésange bleue[20] et jusqu'à 76 % chez le mérion superbe). Dans les espèces plus strictement polyandres, les rôles sociaux sont souvent inversés : les mâles assurent souvent la majeure partie de l'investissement parental et les femelles présentent des caractères sexuels secondaires plus exubérants que les mâles (comme chez le phalarope).
Les principales explications pour expliquer la polyandrie dans le règne animal repose sur l'avantage évolutif pour la femelle de se reproduire avec différents mâles. D'une part, cela peut être un moyen d'obtenir des avantages de la part du mâle courtisan qui peut offrir de la nourriture, de l'aide ou sa protection, lors de la parade nuptiale ; ou alors ce peut être une façon pour la femelle d'économiser des ressources énergétiques sinon consacrées à repousser les avances des mâles. D'autre part, il peut s'agir d'une stratégie pour la femelle d'améliorer le sort de sa descendance quand, par exemple, le mâle courtisan subvient à la protection ou à l'alimentation des petits nés de l'accouplement de la femelle avec un précédent mâle.
La polyandrie animale trouve directement son origine dans le conflit sexuel (Voir aussi la guerre des sexes chez les animaux) et pose des problèmes à la théorie néodarwinienne de l'évolution. On considère toutefois que la principale force évolutionnaire expliquant la polyandrie résiderait dans l'intérêt pour la femelle qu'il y a à augmenter la qualité génétique de sa descendance :
- Amélioration : Il peut s'agir d'une stratégie de coping (ou de remédiation) par laquelle la femelle se reproduit avec un mâle de meilleure qualité que le mâle avec lequel elle s'était accouplée au préalable
- Diversification : Le fait de se reproduire avec plusieurs mâles augmente la diversité génétique dans la descendance de la femelle
- Compatibilité génétique : la femelle cherche par ce biais le mâle dont les caractéristiques génétiques sont les plus compatibles avec son propre génome.
- Sélection postcopulatoire : En mettant ainsi le sperme de plusieurs mâles en compétition, elle s'assure que celui qui fécondera ses gamètes sera celui disposant du meilleur capital de fertilisation.
Notes et références
- La polyandrie, sur universalis.fr
- « Polyandrie », dans Trésor de la langue française (lire en ligne).
- « Polyandrie », dans Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (lire sur Wikisource)
- « Polyandre », dans Trésor de la langue française (lire en ligne).
- Prasanna Chandre Gautam, An introduction to the modern English translation of Rig Veda Samhitaa, p. 19
- Prasanna Chandre Gautam, An introduction to the modern English translation of Rig Veda Samhitaa, p. 13
- Françoise Héritier, Paul Lacombe, L'évolution du mariage, 2009, p. 54
- Jean-Philippe Debleds, La Parallaxe de Mercator, TheBookEdition, 2015, p. 310
- Revue historique de droit français et étranger, 1997, Volume 75, Page 28
- Michel Rouche, Attila : la violence nomade, Éditions Fayard, 2009.
- De bello Gallico, V, 14. Alors qu'à Sparte les enfants étaient censés appartenir en commun à la cité tout entière, ici les enfants sont réputés appartenir au premier homme qui a épousé la femme.
- La mythologie du monde celte, pp 74-75.
- Conrad Malte-Brun, Victor Adolfe Malte-Brun, Nouvelles annales des voyages, Gide fils, 1848, Page 106
- Séraphin Ngondo a Pitshandenge, La polyandrie chez les Bashilele du Kasaï occidental (Zaïre): fonctionnement et rôles, Centre français sur la population et le développement, 1996
- Francesco Borghero, Journal de Francesco Borghero, KARTHALA Editions, 1997, Page 208
- Voir en particulier les ouvrages de Ralph Linton et Abraham Kardiner où la pratique de la polyandrie y est décrite avec une bonne précision
- (en) J. David Ligon, The evolution of avian breeding systems, Oxford University Press, , p. 400
- Serge Aron et Luc Passera, Les sociétés animales. Évolution de la coopération et organisation sociale, De Boeck Supérieur, , p. 177
- Étienne Danchin, Luc-Alain Giraldeau, Frank Cézilly, Écologie comportementale, Éditions Dunod, , p. 372
- (en) André Dhondt, « Reproduction and survival of polygynous and monogamous Blue Tit Parus caeruleus », International Journal of Avian Science, vol. 129, no 2, , p. 327–334 (DOI 10.1111/j.1474-919X.1987.tb03176.x).
Voir aussi
Bibliographie
- Sur la polyandrie en Inde et plus particulièrement sur les « femmes manquantes » en Asie, voir le livre de Bénédicte Manier, Quand les femmes auront disparu : l'élimination des filles en Inde et en Asie, Éditions La Découverte, 2006.
- Sur la polyandrie à Sparte, voir Stavros Perentidis, « Sur la polyandrie, la parenté et la définition du mariage à Sparte », dans Alain Bresson et alii (éd.), Parenté et société dans le monde Grec de l’Antiquité à l’Âge moderne. Colloque international (Volos 19-20-), Bordeaux, Éditions Ausonius, 2006 [collection « Études », 12], p. 131-152, avec les renvois aux sources classiques.-
- Slatyer, R. A., Mautz, B. S., Backwell, P. R., & Jennions, M. D. (2012). genetic benefits of polyandry from experimental studies: a meta‐analysis. Biological Reviews, 87(1), 1-33.
Articles connexes
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
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