Préfet de Rome

Le préfet de Rome ou préfet de la Ville (en latin : Praefectus urbanus, ou praefectus urbi, abrégé en PUR, littéralement délégué pour la ville) est une charge non collégiale et non élective, chargée de gouverner la ville. Si les historiens romains mentionnent durant la monarchie romaine et la République archaïque une délégation temporaire et épisodique pour défendre la ville en l'absence des titulaires du pouvoir, la préfecture de Rome n'est une fonction réelle que sous l'Empire.

Période monarchique

La mention de préfet de Rome apparaît chez les historiens antiques : Tite-Live l'indique dans sa narration de la fin du règne de Tarquin le Superbe et de l'organisation de la première élection des consuls[1]. Tacite et Denys d'Halicarnasse disent qu'il avait à titre provisoire les pouvoirs judiciaires du roi lorsque celui-ci quittait la ville. Ils font remonter cette pratique à Romulus[2],[3].

Période républicaine

Aux premiers siècles de la République romaine, les consuls déléguaient à un ancien consul l'administration judiciaire ou la défense de la Ville de Rome en leur absence[2],[4]. Ce rôle ne fut plus nécessaire après la création de la magistrature de préteur urbain, qui pouvait assurer l'administration de Rome en l'absence des consuls.

L'absence de magistrats à Rome pouvait encore se produire dans un cas particulier, lors des Féries latines. Tous les magistrats se rendaient sur le mont Albain pour quatre jours de célébrations, tandis qu'un jeune patricien assurait la garde de Rome avec le titre de preafectus urbi feriarum latinarum[2],[5]. Des inscriptions latines témoignent de ce rôle mineur, assuré en tout début de carrière publique, avant le vigintivirat[6] ou avant la questure[7]. Cette fonction marginale de préfet des Féries latines persiste sous l'Empire[8].

Période du Haut-Empire

Mise en place

Auguste est à l'initiative de la préfecture de la Ville, confiée à un sénateur commandant trois puis quatre cohortes. En 26 av. J.-C., Auguste est absent de Rome. Conscient de l'importance stratégique de la Ville, il décide de nommer un homme pour gérer l'administration de la ville. C'est d'abord Marcus Valerius Messalla Corvinus qui démissionne et laisse sa place à Titus Statilius Taurus[2]. À partir de 13 av. J.-C., des nominations interviennent sporadiquement, mais il faut attendre 27 ap. J.-C., et le départ définitif de Rome de Tibère pour voir la préfecture de la Ville devenir permanente[9].

À l'époque impériale, le préfet de la Ville est toujours un sénateur en fin de carrière, généralement un ancien proconsul d'Afrique ou d'Asie, nommé à ce poste par l'empereur pour son expérience administrative (L'Histoire Auguste qui est une source peu fiable dit que Alexandre Sévère aurait accordé au Sénat le droit de proposer un candidat[10]). La charge était fréquemment conférée à vie[9].

Le préfet de la Ville récupère progressivement les tâches de maintien de l'ordre qui incombaient aux consuls, aux préteurs et aux édiles. Il doit maintenir l'ordre public la journée, la vie nocturne étant laissée au préfet des vigiles. Il surveille les lieux de spectacles, les marchés et le commerce dans les lieux publics. Pour cette mission, le préfet de la Ville dispose depuis Tibère de trois cohortes urbaines[9].

Le bureau du préfet de la Ville devait se trouver dans la Basilique Æmilia puis dans le Temple de la Paix à partir des Flaviens.

Une justice d'exception

Il possède aussi un rôle important dans le domaine judiciaire. Il exerce la justice criminelle dans un tribunal d'exception pour tout ce qui peut menacer l'ordre public, y compris les affaires graves soumises au préfet de l'annone, au préfet des vigiles ou aux magistrats inférieurs. Marginal à ses débuts, ce tribunal devient à partir des Sévères la principale cour de justice criminelle de la Ville et d'Italie, et, au IIIe siècle, elle statue par délégation impériale sur les appels à l'empereur venant de causes civiles[9]. Ce tribunal exerce sa juridiction à Rome et à 100 milles autour de la Ville, comme pour les préteurs[11], et est compétent pour juger toute personne dans ce périmètre, depuis le sénateur jusqu'à l'esclave. Il applique la procédure dite de l'inquisition exceptionnelle (cognitio extra ordinem), d'application courante dans les provinces, mais nouvelle à Rome. Le préfet de la Ville conduit la procédure sans accusateur ni juges, mène lui-même l'interrogation et peut accepter les dénonciations. L'accusé ne peut se défendre que si le préfet l'autorise. Il renvoie ou prononce le jugement à son gré, après une éventuelle consultation de ses conseillers[12].

Période du Bas-Empire

Le découpage de l'Italie en provinces sous Dioclétien a pour effet de réduire le périmètre des cent milles autour de Rome définissant la compétence territoriale du préfet de la Ville[13]. En revanche, la dissolution par Constantin Ier en 312 des cohortes prétoriennes laisse le préfet de la Ville seul maître d'une force armée avec ses cohortes urbaines et seul responsable de la police de la ville. À partir de 315, le préfet de la Ville se substitue aux anciennes magistratures tombées en désuétude pour présider le Sénat, sauf dans le cas de plus en plus rare de présence à Rome de l'empereur ou du consul ordinaire. Le préfet reçoit aussi la direction de la chancellerie sénatoriale, et assure ainsi les communications officielles entre le Sénat et l'empereur. En 331, Constantin élargit les pouvoirs du préfet de la Ville, en lui subordonnant le préfet des vigiles, le préfet de l'annone, le curator aquarum et Miniciae et les autres curatelles, concentrant ainsi tous les grands services urbains dans les mains du préfet de la Ville[14].

Le préfet de la Ville dirige au IVe siècle une importante population de personnel, que Chastagnol évalue à un millier de fonctionnaires, et à quatre mille policiers et pompiers, qui remplacent les trois cohortes urbaines et les sept cohortes de vigiles, à la suite d'une réforme qui se situe entre 368 et 379[15]. Ses compétences administratives sur la ville sont alors multiples[16] :

  • maintien de l'ordre public,
  • contrôle de l'enseignement et des bibliothèques,
  • organisation de l'état-civil,
  • contrôle des poids et mesures,
  • direction des travaux publics,
  • organisation du ravitaillement, ce qui recouvre le stockage et le transport des grains depuis Ostie et Portus jusqu'aux horrea de Rome, ainsi que les distributions d'huile, de viande de porc et de vin.

Liste des préfets de Rome

Pour les 129 titulaires de 290 à 423, voir Les Fastes de la Préfecture de Rome au Bas-Empire d'André Chastagnol (ouvrage cité en bibliographie).

Notes et références

  1. Tite-Live, Histoire romaine, I, 59-60
  2. Tacite, Annales, VI, 11
  3. Denys d'Halicarnasse, II, 12
  4. Tite-Live, Histoire romaine, III, 3 ; III, 8, etc. ; Denys d'Halicarnasse, V, 75, ; VI, 2 ; VI, 42 ; VIII, 64
  5. Strabon, Géographie, V, 3, 2
  6. CIL, VI, 1343, 1424; XIV, 3609
  7. CIL, VI, 1332, 1422 ; IX, 3607
  8. Jacques et Scheid 1999, p. 362
  9. Jacques et Scheid 1999, p. 60
  10. Histoire Auguste, Vie d'Alexandre, 19
  11. Jacques et Scheid 1999, p. 89
  12. Jacques et Scheid 1999, p. 79-80
  13. Chastagnol 1960, p. 23
  14. Chastagnol 1960, p. 60-63
  15. Chastagnol 1960, p. 225 et ss
  16. Chastagnol 1960, p. 264-371
  17. Catherine Virlouvet (dir.), Nicolas Tran et Patrice Faure, Rome, cité universelle : De César à Caracalla 70 av J.-C.-212 apr. J.-C, Paris, Éditions Belin, coll. « Mondes anciens », , 880 p. (ISBN 978-2-7011-6496-0, présentation en ligne), chap. 10 (« Hiérarchies et relations sociales dans l'Empire romain »), p. 679-681.
  18. Hérodien, VII, 9
  19. Xavier Loriot et Daniel Nony, La crise de l'Empire romain, 235–285, Paris, Armand Colin, 1997, 304 p. (ISBN 2-200-21677-7).
  20. Edward Champlin, « Saint Gallicanus (Consul 317) », Phoenix, vol. 36, no 1, , p. 71–76 (ISSN 0031-8299, DOI 10.2307/1087981, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Tite-Live, traduction de Annette Flobert, Histoire romaine, livres I à V, Flammarion, 1995
  • Le Chronographe de 354
  • André Chastagnol, La Préfecture urbaine à Rome sous le Bas-Empire, PUF, , 524 p.
  • André Chastagnol, Les Fastes de la Préfecture de Rome au Bas-Empire, Études prosopographiques II, Nouvelles éditions latines, Paris, 1962, 350 pages
  • André Chastagnol, Le fonctionnement de la préfecture urbaine, La Rome impériale. Démographie et logistique. Actes de la table ronde (Rome, 25 mars 1994), Publications de l'École française de Rome, 1997, p. 111-119. Persée
  • G. Vitucci, Ricerche sulla praefectura Urbi in età imperiale (sec. I-III), Rome, 1956.
  • François Jacques et John Scheid, Rome et l'intégration de l'Empire (44 av. J.-C.260 ap. J.-C.). Tome 1, PUF, , 480 p. (ISBN 978-2-13-044882-2)
  • (en) A.H.M. Jones, J.R. Martindale, J. Morris Prosopography of the Later Roman Empire T.1 et 2, Cambridge, 1971-1992
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