René Dumont-Guillemet
René Dumont-Guillemet (1908-1976) fut pendant la Seconde Guerre mondiale un agent secret français du Special Operations Executive.
Pour les articles homonymes, voir Dumont et Guillemet (homonymie).
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(à 67 ans) Neuilly-sur-Seine |
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Identités
- État civil : René Alfred Dumont-Guillemet
- Nom d'usage : René Dumont
- Comme agent du SOE, section F :
- Nom de guerre (field name) : « Armand »
- Nom de code opérationnel : SPIRITUALIST
- Autres pseudos : Mickey, Conte, Hercule (à Lille)
Parcours militaire : SOE, section F ; grade : lieutenant
Famille
- Son grand-père : Guillemet, sociétaire de la Comédie française
- Sa femme : Raymonde Rougeaux. Leur fils : Michel, né en 1941.
- Sa sœur : Anne-Marie ().
- Ses enfants : Martine Victoria Sechez (), Alain Georges Sechez ().
Éléments biographiques
Premières années
René Dumont-Guillemet nait le 5 avril 1908 à Lyon (3e). D'une famille très bourgeoise, il a une jeunesse aisée mais n'achève pas ses études.
Vers les années 1930, il est décorateur cinématographique, notamment dans des productions de la Paramount. Passionné de sport automobile, il mène un certain train de vie et descend chaque fin de semaine sur la côte d'Azur.
1939 - 1942
Il est mobilisé dans le Jura et s'adonne au ski. En 1940, il est démobilisé. Il dirige alors une entreprise de camionnage. Il habite 58, rue de Monceau, à Paris 8e.
1942 - 1944
En septembre 1942, Sydney Jones est envoyé à Marseille pour monter le réseau INVENTOR. Il fait appel à René Dumont-Guillemet, un ami d’avant-guerre, et à Pierre Picard, son assistant.
En Octobre 1943, sur la suggestion de Sydney Jones, Dumont-Guillemet est envoyé à Londres pour suivre l’entraînement su SOE : un Lysander l'emmène dans la nuit du 16 au 17[1]. Il est donc enrôlé dans l’armée britannique. Il lui alors confié une mission : René Dumont-Guillemet doit établir le réseau action SPIRITUALIST. Parmi les objectifs fixés, il y a le sabotage des usines Bosch Lavalette (St Ouen en Seine-saint-Denis), la reprise de contact avec le réseau FARMER de Lille, dont le chef Michael Trotobas « Sylvestre » a été tué par les Allemands le précédent, et la préparation d'une attaque de la prison de Fresnes dans laquelle sont enfermés de nombreux résistants.
En février 1944, dans la nuit du 5 au 6, en même temps que son opérateur radio Henri Diacono « Blaise », il est parachuté à l’aveugle en Eure-et-Loir, au lieu-dit Le Tronchay de la commune de Laons, à 25 km de Clévilliers, le point visé où il veut prendre contact avec un cousin de sa femme. Peu après son arrivée, il établit le contact avec un groupe qui est volontaire pour réaliser l’attaque de la prison de Fresnes. Ce groupe a même déjà fabriqué et essayé cinquante clés mais le chef du groupe est arrêté et l’opération doit être abandonnée. Il essaye ensuite de capturer Bochler, un ingénieur allemand travaillant sur des sites de fusées, et Jacquet, un concepteur de fusée. Cela n’aboutit pas car Bochler dispose d’une protection rapprochée et Londres renonce à la capture de Jacquet.
A la fin du mois de mars, il établit le contact avec le réseau de Lille, à partir de quoi il s’occupe des deux régions, Paris et Lille.
L’action à Lille est forte et efficace, grâce à la fourniture des équipements par camions depuis Paris : réalisation de sabotages contre les communications allemandes, fourniture de renseignements sur les emplacements de fusées. En Seine-et-Marne, Dumont-Guillemet organise cinq parachutages. À Paris et sa banlieue, il dispose de 5 500 hommes[2]. Il réussit à monter un service de contre-espionnage grâce à ses contacts avec la Gestapo, notamment avec le Dr Muller, un Français qui travaille ostensiblement pour les Allemands. Il est aussi en contact avec le deuxième bureau français et la police parisienne, mais pas avec la police judiciaire.
Dans la nuit du 11 au 12 août 1944, aidé par un comité de réception du village de Saint-Pathus, il récupère l'équipe Jedburgh AUBREY[3] venu aider les résistants dépendant de son réseau. Le 26, il quitte Paris pour organiser la réception de troupes parachutistes dans la région de Meaux. En allant discrètement à l’est de Paris, 500 de ses hommes sont impliqués dans un combat avec les Allemands entre Oissery et Forfry. Ce combat dure trois heures. Ils font prisonniers 30 Allemands. Peu après, cependant, sept chars allemands Tigre et trois chars Panthers infligent de lourdes pertes aux hommes de Dumont-Guillemet. Lui-même s’échappe en se cachant pendant six heures dans le lit d’une rivière.
Dans l'est de la région parisienne (Gonesse, Le Raincy, Corbeil étaient alors en Seine-et-Oise), deux réseaux de la section F ont opéré successivement : d'abord Félix-INVENTOR, dirigé par Sydney Jones, qui fut arrêté en , puis Armand-SPIRITUALIST, conduit par René Dumont-Guillemet, parachuté dans la nuit du 5 au avec Henri Diacono, radio du réseau.
Parmi les groupes avec lesquels René Dumont-Guillemet fut bientôt en contact figurait le Bataillon ANY (nom de code formé avec les lettres paires de la ville du Raincy, commune centrale d'une zone de recrutement comprenant les localités de Bondy, Clichy-sous-Bois, Gagny, Livry-Gargan, Montfermeil, Neuilly-Plaisance, Neuilly-sur-Marne, Noisy-le-Grand, Pavillons-sous-Bois, Villemomble et le Raincy). Le bataillon était constitué de trois compagnies ou « centaines » et était commandé par Charles Hildevert (on l'appelait aussi le « groupe Hildevert »).
Charles Hildevert, né à Lille en 1897, engagé volontaire à 17 ans lors de la Première Guerre mondiale, médaillé militaire, demeurait au Raincy avec son épouse, ses deux fils et ses deux filles. Dès 1942, il avait formé autour de lui un noyau de résistants actifs. Il tenait un commerce de primeurs ; et il semble que ce soit au cours d'un déplacement en Bretagne qu'il entra en contact avec un réseau britannique. Il était donc connu, et c'est ainsi qu'il fut très vite approché par René Dumont-Guillemet...
Bientôt, Hildevert participe à diverses opérations de plasticage, assure des liaisons et reçoit des parachutages d'armes et de matériel. Il reçoit aussi un agent, le lieutenant Chaigneau, des FFL. Avec un camion, il transporte une partie des armes (il les dissimule sous des sacs de pommes de terre ou sous des cageots de légumes) vers des caches situées au Raincy, à Villemomble, à Bagnolet ou à Créteil. Il n'hésite pas à mettre sa famille à contribution.
Le , le bataillon est mobilisé pour se rendre à Oissery, au nord de Meaux. D'autres « centaines » doivent rejoindre... La mission n'est pas précisée ; mais étant donné l'importance des effectifs concernés, il doit s'agir d'une très grosse réception d'armes, de munitions et d'unités parachutistes en vue d'actions sur les arrières de l'ennemi qui est encore au Bourget.
Prévu pour le 25, le départ est reporté au malgré les risques qu'un tel report peut entraîner, et les protestations de tous ceux qui mesurent ces risques ; mais les ordrse sont ce qu'ils sont et le commandant Hildevert, comme le lieutenant Chaigneau, doit s'y soumettre.
La troupe arrive donc le 26 dans la zone prescrite (René Dumont-Guillemet est présent). Bientôt, elle doit se battre contre les éléments ennemis qui passent dans le secteur et demandent des renforts... Ces renforts arrivent, rapidement et en nombre : automitrailleuses sur chenilles, chars Tigre. C'est la 49e Panzerbrigade SS ! Le bataillon ANY est anéanti !
Charles Hildevert et ses deux fils sont tués par un même obus de char. Vingt-sept blessés sont achevés dans un brasier de paille. Et l'on dénombrera 160 morts et 65 prisonniers, ou disparus, dont 13, déportés, ne reviendront pas ! Au Raincy, où l'on déplore 23 victimes, l'émotion est considérable.
Et tout cela au moment même où, à Paris, à quelques kilomètres seulement, le général de Gaulle, les membres du Conseil National de la Résistance et les généraux de la France Libre descendent les Champs-Élysées en triomphe, salués par une foule en joie.
- Il y a eu quelques rescapés
Parmi les prisonniers, deux infirmières, Micheline Vasseur et Jeannine Lefebvre (maintenant Madame Pernette). Elles ont, l'une 25 ans, l'autre 20 ans seulement ; le père de la plus âgée est mort des suites de la guerre 1914-1918 ; toutes deux appartiennent à des familles de quatre enfants ; et toutes deux, parce qu'infirmières, ont été conduites à apporter leur concours aux résistants de la région. Elles font partie de l'expédition vers Oissery et, comme les hommes, elles ont pris le départ à 3 heures du matin, dans la gaîté nerveuse des veilles d'événements importants et dans l'ivresse de l'aventure longtemps attendue...
Le groupe auquel elles étaient intégrées eut, dans l'action, un mort et quatre blessés qui, avec deux blessés allemands faits prisonniers, furent conduits par leurs camarades jusqu'à la râperie de betteraves qui se trouve à deux kilomètres de Saint-Pathus, à l'ouest d'Oissery. Là, les blessés, le mort, les deux infirmières, un malade et un brancardier furent installés dans une dépendance sous la protection d'une trentaine d'hommes. Les soins nécessaires furent donnés aux blessés, en particulier à l'un des Allemands, qui avait une artère coupée et qu'une ligature appropriée sauva d'une mort certaine.
Une heure passa. Vers 11 h 30, le poste entend des coups de feu au loin. Soudain, des Allemands approchent en tirant ; ils lancent des grenades contre le bâtiment et incendient les granges... Le moins blessé des deux Allemands propose d'agiter à la porte un drapeau blanc (en fait un linge blanc sur lequel Jeannine Lefèbvre trace une croix rouge au mercurochrome) et manque de peu d'être tué par une grenade lorsqu'il se montre... Les Allemands entrent dans le local et parlent aussitôt de fusiller tous les Français ; mais la plupart finissent par partir, emmenant avec eux les deux blessés allemands, le malade français et le brancardier ; les autres restent, armés des mitraillettes prises aux combattants du groupe, pour garder les blessés français, les infirmières et le mort...
Dans la journée, un prêtre et des médecins des environs viennent réconforter les malheureux et, comme un autre mort français a été trouvé dans le voisinage, le prêtre récite les prières pour les deux défunts... Le soir, vers 20 heures, un char allemand portant la croix rouge emmène les deux infirmières et les blessés français jusqu'au château d'Yverny, plus près de Meaux, où ils retrouvent vingt autres prisonniers appartenant au groupe Hildevert. Les blessés sont transférés dans une ambulance et les infirmières conduites devant un général qui les interroge sommairement. On leur propose alors de rester passer la nuit au château ; mais elles déclinent l'offre et demandent à accompagner les blessés...
- Et commence une véritable odyssée...
Micheline Vasseur et Jeannine Lefèbvre partent donc avec les blessés, dans l'ambulance allemande qui, toute la nuit, tourne autour de Meaux à la recherche du camp de la Croix-Rouge, qu'elle trouve enfin, dans une clairière proche d'Armentières-en-Brie, c'est-à-dire à une douzaine de kilomètres à l'est de Meaux, juste au nord de Changis. Là, les blessés sont répartis dans les tentes ; et les deux infirmières sont ramenées à Iverny, perdant ainsi définitivement contact avec les blessés...
Mais leur voyage n'est pas terminé, loin de là ; nous sommes alors au dimanche , il est 8 heures du matin. Jusqu'à 15 heures, les deux jeunes-filles sont gardées au château d'Iverny ; mais on les embarque alors sur la route de la retraite, dans un véhicule militaire occupé par un officier, son ordonnance et un chauffeur, en tête d'une colonne de chars ; et les voici entraînées dans la fuite de l'ennemi ! Durant plusieurs jours et plusieurs nuits, le convoi traverse des villes et des villages en ruines, parfois encore en flammes, fait de multiples crochets, revient sur ses pas, se heurtant partout à l'avance américaine, s'arrêtant pour éviter les attaques de l'aviation alliée, perdant ainsi un temps considérable... Il dépasse Metz de près de vingt kilomètres, mais y revient enfin, le 1er septembre, et se débarrasse de ses prisonniers : c'est côté allemand, la débâcle, un désordre indescriptible règne partout...
Ce n'est que quatre mois plus tard et après un séjour au fort de Queuleu où l'ennemi les avait incarcérées, que — Metz ayant été enfin libérée par les Américains et l'Armée Leclerc — Michèle Vasseur et Jeannine Lefèbvre pourront rentrer chez elles, retrouver leurs familles et commencer à s'occuper de celles de leurs trop nombreux camarades victimes d'un dernier combat.
Après la guerre
En septembre, René Dumont-Guillemet regagne le Royaume-Uni, avec le capitaine Godfrey Marchant et le sergent Ivor Hoocker, de la mission Jedburgh AUBREY. Il y fait ses rapports et règle sa situation. En octobre, Il est réintégré dans l'armée française avec le grade de lieutenant-colonel de réserve.
Il mène ensuite des activités politiques, en même temps qu'une carrière d'homme d'affaires. Dans les années 1950, il dirige une entreprise de céramique industrielle.
Entre 1955-1958, il est un proche collaborateur de Jacques Soustelle et agit en faveur du retour au pouvoir du général de Gaulle. En 1959, Il se retire de la vie politique.
René Dumont-Guillemet meurt le [5], à Neuilly-sur-Seine.
Reconnaissance
René Dumont-Guillemet a reçu les distinctions suivantes :
- Royaume-Uni : DSO,
- France : Croix de guerre 1939-1945 avec palme, chevalier de la Légion d'honneur, Médaille de la Résistance
Annexes
Notes
- Source : Verity, p. 282.
- Effectif : Créteil 450 ; Maisons-Alfort : 200 ; Bonneuil-sur-Marne : 400 ; Saint-Maur-des-Fossés : 150 ; Charenton : 475 ; Sucy Bonneuil [?] : 75 ; Boissy-Saint-Léger : 50 ; Valenton : 50 ; Villefresne [?] : 30 ; Champigny : 100 ; Noisy-le-Grand : 45 ; Nogent-sur-Marne : 150 ; Rosny : 200 ; Le Raincy : 700 ; Villemomble : 200 ; Bondy : 150 ; Montfermeil : 70 ; Drancy : 400 ; Gagny : 600 ; Chelles : 400 ; Saint-Soupplets : 500. Total : 5695. [Source : Boxshall]
- L'équipe AUBREY comprend captain Godfrey Marchant (Britannique, chef de l'équipe), le capitaine A. Chaigneau (Français, assistant), et sergeant Ivor Hooker (Britannique, opérateur radio). Elle est parachutée sur une DZ située près de Le Plessis-Belleville.
- Source : témoignage de Jeannine Pernette relaté à un journaliste de la Tribune Républicaine de Seine-et-Oise en décembre 1944 et repris dans Libre Résistance, n° 7, p. 3-4
- Jacques Cumont 1991, p. 148.
Sources et liens externes
- Fiche René Dumont-Guillemet : voir le site Special Forces Roll of Honour.
- Michael Richard Daniell Foot et Jean-Louis Crémieux-Brilhac (annot.) (trad. de l'anglais par Rachel Bouyssou), Des Anglais dans la Résistance : le service secret britannique d'action (SOE) en France, 1940-1944, Paris, Tallandier, , 799 p. (ISBN 978-2-84734-329-8) Traduction en français par Rachel Bouyssou de (en) M. R. D. Foot, SOE in France an account of the work of the British Special Operations Executive in France, 1940-1944, London London Portland, OR, Whitehall History Pub. Frank Cass, (ISBN 978-0-7146-5528-4) Ce livre présente la version officielle britannique de l’histoire du SOE en France. Une référence essentielle sur le sujet du SOE en France.
- Hugh Verity (préf. Jacques Mallet), Nous atterrissions de nuit... [« We landed by moonlight »], Viverols (BP 11, 63540), Éd. Vario, , 5e éd., 361 p. (ISBN 978-2-913663-01-5).
- Lt. Col. E.G. Boxshall, Chronology of SOE operations with the resistance in France during world war II, 1960, document dactylographié (exemplaire en provenance de la bibliothèque de Pearl Witherington-Cornioley, consultable à la bibliothèque de Valençay). Voir sheet 4, SPIRITUALIST CIRCUIT.
- Récit des combats d'Oissery
- Jacques Cumont, Les volontaires de Neuilly-sur-Marne du groupe Hildevert et le réseau Spiritualist : le massacre d'Oissery, 1944, Le Mée-sur-Seine, Lys éd. Presse-Éd. Amattéis, (réimpr. 2008), 158 p. (ISBN 978-2-86849-108-4)
- Libre Résistance, bulletin d’information et de liaison, anciens des Réseaux de la Section F du S.O.E. (Special Operations Executive), Amicale BUCK, numéro 7, .
- Photographie de l'équipe Jedburgh AUBREY
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