Jacques Soustelle
Jacques Soustelle, né le à Montpellier (Hérault) et mort le à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), est un ethnologue, homme politique et académicien français.
Pour les articles homonymes, voir Soustelle.
Jacques Soustelle | |
Jacques Soustelle en 1958. | |
Fonctions | |
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Ministre de l'Information | |
– (6 mois et 1 jour) |
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Président | René Coty |
Président du Conseil | Charles de Gaulle |
Gouvernement | de Gaulle III |
Prédécesseur | André Malraux |
Successeur | Roger Frey |
– (5 mois et 22 jours) |
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Président du Conseil | Charles de Gaulle |
Gouvernement | de Gaulle I |
Prédécesseur | Henri Bonnet |
Successeur | André Malraux |
Ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé du Sahara, des DOM-TOM et de l'Énergie atomique | |
– (11 mois et 23 jours) |
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Président | Charles de Gaulle |
Premier ministre | Michel Debré |
Gouvernement | Debré |
Prédécesseur | Bernard Cornut-Gentille |
Successeur | Robert Lecourt |
Ministre des Colonies | |
– (2 mois et 5 jours) |
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Président du Conseil | Charles de Gaulle |
Gouvernement | de Gaulle II |
Prédécesseur | Paul Giacobbi |
Successeur | Marius Moutet |
Député français | |
– (7 mois et 12 jours) |
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Élection | 21 octobre 1945 |
Circonscription | Mayenne |
Législature | Ire Constituante |
Groupe politique | UDSR |
– (7 ans, 5 mois et 21 jours) |
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Élection | 17 juin 1951 |
Réélection | 2 janvier 1956 |
Circonscription | Rhône |
Législature | IIe et IIIe (Quatrième République) |
Groupe politique | RPF (1951-1955) URAS (1956-1958) |
– (2 mois et 9 jours) |
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Élection | 30 novembre 1958 |
Circonscription | 3e circonscription du Rhône |
Législature | Ire (Cinquième République) |
Groupe politique | UNR |
Successeur | Charles Béraudier |
– (5 ans et 22 jours) |
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Élection | 11 mars 1973 |
Circonscription | 3e circonscription du Rhône |
Législature | Ve (Cinquième République) |
Groupe politique | NI |
Prédécesseur | Édouard Charret |
Successeur | Michel Noir |
Secrétaire général du Rassemblement du peuple français | |
– (4 ans) |
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Prédécesseur | Création du parti |
Successeur | Louis Terrenoire |
Gouverneur général de l'Algérie | |
– (1 an et 4 jours) |
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Prédécesseur | Roger Léonard |
Successeur | Georges Catroux |
Biographie | |
Nom de naissance | Jacques Émile Yves Soustelle[1] |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Montpellier (Hérault) |
Date de décès | |
Lieu de décès | Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) |
Sépulture | Cimetière Saint-Martin de Miribel |
Nationalité | Française |
Parti politique | UDSR (1945-1946) RPF (1951-1955) UNR (1958-1959) |
Conjoint | Georgette Fagot |
Diplômé de | ENS Ulm |
Profession | Ethnologue |
Homme de gauche, membre de la France libre pendant la Seconde Guerre mondiale, il est ensuite député, secrétaire général du RPF, gouverneur général de l'Algérie au début de la guerre et plusieurs fois ministre (Information, Colonies, etc.).
Fervent partisan de l'Algérie française, il soutient l’OAS, puis s’exile. Il fait un retour en politique à la fin des années 1960 et retrouve un siège de député en 1973. Il est élu à l’Académie française en 1983.
Biographie
Famille
Jacques Soustelle est issu d'une famille protestante d'origine cévenole et ouvrière[2]. Il est le fils de Jean Soustelle (1886-1945), comptable et de Germaine Blatière (née en 1888)[3]. Son père quitte le foyer familial au moment du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Du fait de l'absence de son père, il est élevé « aux limites de la modestie et de la pauvreté » par sa mère, ses tante et grand-tante maternelles, ainsi que par son grand-père, qui meurt en 1918.
Ethnologue américaniste
Élève brillant, mais plutôt solitaire et timide, Jacques Soustelle suit des études primaires à Villeurbanne puis, en 1920, grâce à une bourse, intègre en huitième le lycée du Parc à Lyon, où il fait ses études secondaires en lettres et philosophie — il obtient le 2e prix national de philosophie au concours général devant Maurice Schumann, et son baccalauréat avec mention « très bien » en 1928.
Après une seule année de préparation, il est reçu dès l'année suivante, à l'âge de dix-sept ans et demi et avec un total de points jugé « exceptionnel », premier au concours de l’École normale supérieure, devant Jean Bérard et Victor-Henry Debidour.
Jacques Soustelle est diplômé d’ethnologie en 1930 (18 ans), agrégé de philosophie (reçu premier en 1932)[4] et docteur ès lettres en 1937 (25 ans). Il se marie le à Caluire avec Georgette Fagot, de deux ans son aînée, et étudiante en histoire-géographie à l'université de Lyon.
Disciple de Paul Rivet, pour lequel il avait « une admiration sans bornes », il étudie la vie des Indiens Lacandons et la survivance de la civilisation maya dans le monde contemporain.
Jacques Soustelle est polyglotte, s’exprime en nahuatl et il a une bonne connaissance des langues mayas. Il travaille en collaboration avec sa femme Georgette, également ethnologue. Ensemble, de à , ils étudient les Otomi. Ces travaux font l'objet d'une importante thèse — La famille otomi-pame du Mexique central — publiée dans la collection des Travaux et Mémoires de l'Institut d'ethnologie en 1937, après Mexique, terre indienne en 1936.
Il est nommé sous-directeur du musée de l'Homme par Paul Rivet en 1938 et chargé de cours au Collège de France, à l’École nationale de la France d'outre-mer, ainsi que professeur à l’École pratique des hautes études à partir de 1951.
Par la suite, il a de nombreuses occasions de poursuivre ses travaux sur les civilisations du Mexique[5], notamment durant son exil.
Entre 1980 et 1985, en tant que directeur du Centre d'études et de recherches anthropologiques à l'université de Lyon-II, il dirige des fouilles au Nayarit (Mexique).
Président du Groupe PACT, il est chargé de coordonner, sous l'égide du Conseil de l'Europe, les techniques appliquées à l'archéologie dans dix-sept pays européens.
En 1980, le gouvernement mexicain lui décerne le titre de commandeur de l'ordre de l'Aigle aztèque et, en 1981, il reçoit le prix international Alfonso-Reyes.
Intellectuel pacifiste d'avant-guerre
Marxiste internationaliste (anti-stalinien), il participe aux revues Masses, Spartacus (dirigées par René Lefeuvre), parfois sous le pseudonyme de Jean Duriez. En avril 1935, il écrit dans L'Humanité son premier article d'ethnographie destinée au grand public[6].
Il est également membre du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA)[7]. Jacques Soustelle est alors pacifiste de conviction, comme une bonne partie des intellectuels de la gauche de l’entre-deux-guerres.
Il dénonce pourtant en 1938 les accords de Munich. Il devient l'un des secrétaires généraux avec Jacques Solomon de l'Union des intellectuels français pour la justice, la liberté et la paix (UDIF), en opposition au CVIA. Il garde longtemps une réputation d’homme de gauche, ce qui le rendra suspect aux yeux des ultras de l’Algérie française.
Se trouvant au Mexique au moment de la déclaration de guerre, il rentre en France pour y être mobilisé et il est renvoyé en comme chargé de mission à Mexico, où il devient l'adjoint de l'attaché militaire français en .
Choix de la France libre pendant la Seconde Guerre mondiale
Opposé à l'armistice du 22 juin 1940, il rejoint immédiatement les Forces françaises libres (FFL) à Londres. Le général de Gaulle le charge d'organiser un comité de soutien au Mexique, puis après un voyage à Londres en et , de superviser ces comités dans toute l'Amérique latine.
Ses efforts permettent de rallier de nombreux Français d'outremer, et ils court-circuitent la diplomatie pétainiste sur l'ensemble du continent.
Commissaire à l'information de la France libre
Il entre ensuite au Comité national français de Londres (Gouvernement de la France libre, puis de la France combattante), où il assume le Commissariat national à l'information en 1942[8]. Il dirige alors les services de presse, notamment Radio Londres sur les ondes de la BBC avec l'émission Honneur et Patrie animée par le porte-parole de la France libre, Maurice Schumann avec qui il doit partager un appartement.
Jacques Soustelle contrôle également à l'époque Radio Beyrouth, Radio Brazzaville, Radio du Cameroun, Radio Nouméa et Radio Papeete. Il supervise La lettre de la France combattante et des cycles de conférences à travers l'Angleterre.
Les bureaux du commissariat ont dû alors déménager au 1 Carlton Gardens, non loin des bureaux du Comité, au 4 Carlton Gardens à Londres[9].
Membre du cabinet de Charles de Gaulle, il est nommé à 31 ans à Alger le , à la tête de la Direction générale des services spéciaux (DGSS). Il s'efforce de réaliser la fusion de l'ancien BCRA de la France libre avec le Service de renseignements d'Alger afin d'intervenir aux côtés de la Résistance intérieure.
Après la Libération de Paris, il conserve la direction des services spéciaux, réorganisés en Direction générale des études et recherches (DGER) de 1943 à 1944 par le Comité français de la Libération nationale. Il y reste jusqu'en et est brièvement nommé Commissaire régional de la République (préfet) à Bordeaux à la Libération, en remplacement de Gaston Cusin en .
Ministre du gouvernement provisoire de la République française
Ministre de l'Information dans le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) le , il rejoint l'Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR). Il est « parachuté »[10] en Mayenne, soutenu par Francis Le Basser et Jacques Foccart. Yves Grosrichard le suit dans sa campagne en Mayenne. Il est le seul élu[11] avec 20 % des voix dans une liste composée de trois résistants et sous l'étiquette Union républicaine et sociale et d'Action paysanne. Il devient député à la Ire Assemblée constituante. Il est ministre des Colonies le dans le GPRF. Après la démission du général de Gaulle, il quitte le gouvernement[12]. Député sortant, il conduit une liste Rassemblement des gauches républicaines (RGR), et est battu en juin 1946[13]. Il n'a pas réussi à s'implanter localement contrairement au démocrate chrétien Robert Buron.
Engagement gaulliste au RPF
Il soutient l’action du général de Gaulle. Il est à ses côtés lors du discours de Strasbourg amenant la création du Rassemblement du peuple français (RPF). C'est à Jacques Soustelle que le général de Gaulle confie au début de 1947 l’organisation du RPF. Il en devient le premier secrétaire général de 1947 à 1951, et y défend une opposition intransigeante aux partis de la Troisième Force.
Sur les terres d'Édouard Herriot, il est élu député RPF du Rhône en juin 1951. Il prend la présidence du groupe parlementaire RPF à l’Assemblée nationale[14]. Lors d'une crise ministérielle en , pressenti pour prendre la présidence du Conseil[15], il doit renoncer sur l'injonction du général de Gaulle, qui refuse toute compromission. Il est considéré comme partiellement responsable des dissensions au sein du RPF qui, le , finissent par aboutir à une scission[16]. Il est élu conseiller municipal à Lyon en 1953. Député influent, il vote l'investiture de Pierre Mendès France le .
Partisan résolu de l'Algérie française
Il est nommé gouverneur général de l'Algérie au début de la guerre (du au ) par Pierre Mendès France. Mendès France, en le choisissant, dit vouloir pour résoudre la crise algérienne un homme « ouvert aux idées de progrès et inébranlablement déterminé à maintenir l'unité et l'indivisibilité de la République, dont fait partie l'Algérie »[17].
La politique de Jacques Soustelle, ethnologue de formation, c’est l'intégration des Algériens musulmans à la citoyenneté française.
Il constate rapidement la trop faible administration de l'Algérie, et afin d'y remédier, il est à l'initiative, dès 1955, de la création des sections administratives spécialisées (SAS)[18].
Mal accueilli à son arrivée en Algérie le par les pieds-noirs, il devient néanmoins un adversaire déterminé du Front de libération nationale (FLN), sous le coup des massacres d'août 1955 dans le Constantinois.
Le nom de Jacques Soustelle devient alors étroitement lié à la guerre d’Algérie.
Le député Jacques Soustelle est réélu le sous l’étiquette gaulliste des Républicains sociaux. De cent vingt députés gaullistes élus en 1951, ils ne sont qu'une vingtaine à être réélus au parlement, en 1956.
Élu président du Conseil, Guy Mollet le remplace comme gouverneur général de l'Algérie par le général Catroux, qui n'exercera jamais ce mandat, et sera remplacé par Robert Lacoste. Le , une foule énorme veut s'opposer à son retour en métropole[19]. Après avoir quitté l'Algérie caché dans le coffre d'une voiture, en , il fonde avec l'ancien résistant Claude Dumont, l’Union pour le salut et renouveau de l'Algérie française (USRAF), qui regroupe les partisans les plus déterminés de l'Algérie française.
Il œuvre, dans les derniers temps de la IVe République, pour le retour du général de Gaulle au pouvoir, ce dernier étant un espoir fort pour beaucoup de pieds-noirs. Il ne participe pas directement aux événements du 13 mai 1958, mais il contribue à rallier une partie de la population algéroise[20] au général de Gaulle. Il devient ministre de l'Information dans le gouvernement de Gaulle (de 1958 à 1959), marquant la fin de la IVe République.
Il défend une politique favorable à l’État d'Israël, et de fermeté et de guerre contre le FLN, en prônant toujours l'intégration de tous les citoyens à la citoyenneté française en Algérie.
Pour le référendum de 1958 et les élections législatives de 1958, de Gaulle donne des consignes pour que la liberté de vote en Algérie soit totale, Jacques Soustelle (en tant que ministre de l'Information) comme les militaires présents en Algérie s'efforcent d'obtenir le « Oui » et l'élection de candidats favorables à l'Algérie française. Une intense propagande, associée à des entraves répétées à la liberté d'expression des partisans du « Non » et des candidats libéraux, est développée. Les résultats sont sans appel : au référendum, 96,5 % des votants d'Algérie se prononce pour le « Oui » ; aux élections législatives. Les 64 députés, 43 musulmans et 21 Européens élus, sont tous favorables à l'intégration de l'Algérie à la France[21].
Jacques Soustelle est réélu député en 1958 sous l’étiquette Union pour la nouvelle République (UNR), dont il est membre du comité central.
Lors de la création de l'UNR, Jacques Soustelle semble en être l'homme fort, aux yeux de l'opinion publique, mais la suite apportera plusieurs démentis. Il tente de se faire élire président de cette nouvelle formation politique, mais l'organisation se dote uniquement d'un secrétaire général, en la personne de Roger Frey. Il soutient l'alliance politique de l'UNR avec les autres défenseurs de l'Algérie française comme Georges Bidault (de l'aile droite du MRP), Roger Duchet (du CNIP) et André Morice (Centre républicain), mais cette position est condamnée le 16 octobre 1958 par le comité central de l'UNR et par de Gaulle lui-même : le choix des candidats aux élections législatives de 1958 se fera sur des critères de fidélité à de Gaulle, plutôt que sur les convictions à propos du maintien de l'Algérie dans le giron français.
De fait, Roger Frey est préféré à Jacques Soustelle et à Léon Delbecque pour sélectionner les candidats[21].
Il reste un proche du président de Gaulle et entre au gouvernement avec le portefeuille de ministre de l'Information, du au . Il subit le une tentative ratée d'assassinat par Ouraghi Mouloud du FLN sur la place de l'Étoile à Paris[22].
Il devient ensuite ministre délégué auprès du Premier ministre Michel Debré, chargé du Sahara, des DOM-TOM et de l'Énergie atomique (de 1959 à 1960). Il fonde en 1959, avec Georges Bidault, Léon Delbecque et Robert Lacoste, le Rassemblement pour l’Algérie française (RAF), dissout en 1962, lors de l’indépendance.
Aux côtés de l'OAS
Les choix du général de Gaulle pour l’avenir de l’Algérie sont pour lui une immense déception. Il entre en conflit avec le général et se prononce résolument pour l’Algérie française. Il est alors démis de ses fonctions gouvernementales, le , après la semaine des barricades. Il est exclu du mouvement gaulliste UNR, en raison de ses positions sur l’Algérie française.
Après l'échec du putsch des généraux, auquel il n'a pas participé, et dont il n'a pas même été prévenu, Jacques Soustelle, menacé d'arrestation et informé de cette menace, part en exil à Rome, dès .
Démissionnaire du conseil municipal de Lyon en , comme de son fauteuil de directeur administratif de la Manufacture des tabacs de Lyon, il laisse ces deux sièges à l'ancien résistant André Girard.
Après un bref retour à Paris et la tenue d'une conférence de presse clandestine, le , dans laquelle il expose son accord avec les objectifs de l'Organisation armée secrète (OAS) et son action en faveur du maintien de l’Algérie au sein de la République française, il est poursuivi pour atteinte à l’autorité de l’État. Un mandat d’arrêt est lancé contre lui, mais il bénéficiera des années plus tard d'un non-lieu. Il ne veut pas rentrer en France avant les autres exilés. Ce qu'il fera en 1968.
Années d’exil en Europe
Il vit en exil en Belgique, en Autriche, au Portugal et en Italie de 1962 à 1968[23], et sa correspondance avec sa femme, restée en France, est rédigée en nahuatl, qu'il essaie aussi de faire pratiquer par ses doctorants mexicains. Il en rapportera trois ouvrages.
Avec Georges Bidault, Antoine Argoud et Pierre Sergent, il constitue le comité exécutif du Conseil national de la résistance (CNR) le à Rome, mais, à la différence d'Antoine Argoud et de Pierre Sergent, il ne sera jamais membre de l'OAS.
Pendant cette période, Jacques Soustelle est présenté comme un fasciste par la gauche, et comme un agent des Juifs par ceux qui relèvent son soutien au sionisme face au nassérisme et au mouvement de libération des peuples, qu’il a rencontré en Algérie.
Il rejette pourtant toute idée antidémocratique ou raciste et antisémite dans Sur une route nouvelle, publié en 1963 :
- Le choix de la démocratie (p. 12) : « Je répète… que je reste républicain et démocrate ; que je condamne tout régime d’arbitraire et estime indispensable à la liberté des citoyens l’équilibre des pouvoirs et le pluralisme des opinions débattues et exprimées sans contrainte ; qu’à mes yeux l’État ne trouve sa justification que dans les progrès qu’il rend possibles, la paix qu’il assure, la culture qu’il aide à se répandre, l’égalité des chances qu’il garantit impartialement à tous. » ;
- Le combat pour la liberté de conscience (p. 13) : « La haine de certains imbéciles à l’égard de la maçonnerie me la rendrait plutôt sympathique, de même que les sottises de certains anticléricaux me pousseraient plutôt du côté de l’Église, mais, cela dit, je ne vais ni à la Loge, ni à la messe. » ;
- Le soutien au sionisme (p. 13) : « Il est parfaitement exact que, depuis des années, j’ai exprimé sans équivoque mon admiration et mon soutien à l’État d'Israël et mon adhésion de non-Juif à la cause du sionisme. »
Lors de l'élection présidentielle de 1965, il appelle à voter pour Jean Lecanuet au premier tour, puis François Mitterrand, au second tour.
Retour dans la vie politique
Il est encore en exil hors de France lorsqu’il décide de revenir à la vie politique et se présente aux élections législatives des 5 et 12 mars 1967, où il annonce sa candidature[24] et fait campagne à l’aide d’un enregistrement magnétique. Il bénéficie de la loi d’amnistie générale sur les événements d’Algérie de , il fait l’objet d’un non-lieu en octobre suivant.
De retour en France le , après avoir été amnistié, il soutient Alain Poher, président du Sénat, lors de l'élection présidentielle de 1969. Il devient professeur en 1970 à l'École pratique des hautes études.
Il fonde un nouveau parti : le Mouvement national Progrès et Liberté, et est réélu conseiller municipal de Lyon en 1971. Il est élu aux élections législatives des 4 et 11 mars 1973[25], où il se présente contre son ancien colistier, le député gaulliste Édouard Charret, compromis dans des affaires de proxénétisme[26],[27] et siège dans le groupe des non-inscrits.
Il siège également en 1973 à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à l’Assemblée de l’Union de l'Europe occidentale. En 1974, il rejoint le groupe des réformateurs démocrates sociaux et, la même année, soutient la loi Veil légalisant l’avortement, en fustigeant des adversaires obtus :
« Il est choquant, par exemple, d’assister à certaines campagnes qui tendent à assimiler systématiquement à je ne sais quelle résurrection du nazisme toutes les opinions qui ne sont pas celles de certains intégristes. Nous sommes ici quelques-uns qui savons ce qu'est le nazisme pour l'avoir combattu lorsqu'il existait et lorsqu'il constituait un danger réel pour la France et pour la démocratie. Nous n'avons pas de leçons à recevoir de publicistes qui assènent cette accusation à tout propos et hors de propos »[28].
Il est vice-président du conseil régional de Rhône-Alpes de 1975 à 1977. Il se présente à la mairie de Lyon en 1977, mais est battu par le maire sortant Francisque Collomb[29], comme il le sera aux élections législatives de 1978 par Michel Noir.
En , il accompagne le président Valéry Giscard d'Estaing au Mexique, et lui sert de guide[30].
Il apporte un soutien et une caution morale à Maurice Papon dès 1981[31].
Un dernier scandale terminera sa carrière : il est impliqué dans au moins une affaire financière portant sur 38 millions de dollars au Paraguay. Jacques Soustelle est alors le gérant d’une société d’études parisienne (Société d’études pour les relations internationales) et utilise ses bonnes relations avec le dictateur Alfredo Stroessner, qu'il couvre d'éloges, pour l’obtention de contrats, conclus sans appel d'offres et souvent douteux. L’argent provenant du Paraguay est placé sur le compte de suisse d'une société panaméenne de Jacques Soustelle. Entre autres, en 1981, sa société se voit attribuer la construction d'une cimenterie pharaonique, dont le coût final se montera à quatre fois le devis.
À la chute de Stroessner en 1989, la justice incarcère l'ancien ministre de l'Industrie et cite Jacques Soustelle à comparaître[32]. Selon le journal communiste L’Humanité, Jacques Soustelle aurait mis cette société à la disposition de la secte Moon, dont il aurait présidé des réunions[33].
Académicien et dernières années
Le , Jacques Soustelle est élu à l’Académie française, au fauteuil 36, laissé vacant par Pierre Gaxotte. Il est élu le même jour que Léopold Sédar Senghor. Il est reçu par le gaulliste Jean Dutourd.
Il meurt d'un cancer généralisé le à l'hôpital américain de Neuilly-sur-Seine[3]. Jean-François Deniau lui succède à l’Académie française le .
Jacques Soustelle est inhumé au cimetière Saint-Martin de Miribel[34].
Décorations
Décorations françaises
- Commandeur de la Légion d'honneur
- Médaille de la Résistance française avec rosette par décret du 24 avril 1946[35]
- Commandeur de l'ordre du Mérite saharien, de droit en tant que ministre du Sahara[36]
Décorations étrangères
On retiendra[37] :
L'Amérique latine
- Les Maya, Paris, Flammarion/Arthaud, 1982/2008, 253 p. (ISBN 2-08-200446-5)
La France libre
- Envers et contre tout :
- T.1 : De Londres à Alger. Souvenirs et documents sur la France libre, 1940-1942, Robert Laffont, 1947, 470 p.
- T.2 : D’Alger à Paris, souvenirs et documents sur la France libre, 1942-1944, Robert Laffont, 1950, 457 p.
La politique
- Aimée et souffrante Algérie, Paris, Plon, , 305 p.
- L’Espérance trahie : (1958-1961), L'Alma, , 326 p.
- La page n'est pas tournée, La Table ronde, 1962, 238 p.
- Vingt-huit ans de gaullisme, Éditions de la Table Ronde, (réimpr. 1971), 473 p.
- Sur une route nouvelle, Paris, Éditions du Fuseau, , 315 p.
- La Longue Marche d’Israël, Paris, Fayard, 1968, 338 p.
- Lettre ouverte aux victimes de la décolonisation, Paris, Albin Michel, , 190 p. (ISSN 0755-1789).
Notes et références
- Assemblée nationale, « Jacques, Emile, Yves Soustelle - Base de données des députés français depuis 1789 - Assemblée nationale », sur www2.assemblee-nationale.fr (consulté le )
- Devenu agnostique lors de ses études supérieures, Jacques Soustelle conserve un attachement pour le protestantisme dont il parle parfois au cours de sa carrière, qui le conduit à se rendre devant l'Assemblée annuelle du Christianisme social en 1955 pour défendre l'auto-détermination algérienne, et à faire organiser un service religieux protestant pour ses obsèques. Voir l'ouvrage de Geoffrey Adams : The Call of conscience: French Protestant responses to the Algerian War (1954-1962), Wilfrid Laurier University Press, 1998, (ISBN 9780889209053), 296 pages, p.3 (lire en ligne).
- Marc Francioli, Jacques Soustelle : L'ami qui a défié De Gaulle, Éditions du Rocher, , 316 p. (ISBN 978-2-268-08056-7, lire en ligne)
- « Les agrégés de l'enseignement secondaire. Répertoire 1809-1960 », Ressources numériques en histoire de l'éducation ; consulté le 2 janvier 2022.
- Jacqueline de Durand-Forest, « Jacques Soustelle (1912-1990) - In memoriam », Journal de la Société des Américanistes, no Tome 76, , p. 229-235 (lire en ligne)
- Parti communiste français Auteur du texte, « L'Humanité : journal socialiste quotidien », sur Gallica, (consulté le )
- Contrairement à beaucoup de ses notices biographiques, par exemple le Who's Who, Jacques Soustelle n'a jamais appartenu à la direction du CVIA.
- Il cède sa place en 1943 à Henri Bonnet.
- « Epopée de la France libre : podcast et réécoute sur France Culture », sur France Culture (consulté le )
- Comme à la même époque, et au même endroit : Robert Buron.
- Pour Robert Buron : « le laïcisme de Soustelle et de Le Basser n'avait rien de provocant, mais enfin il suffisait à leur retirer la confiance des milieux catholiques et, par ailleurs, les laïcs avaient encore la possibilité, soit de s'affirmer plus franchement avec la liste de Camille Lhuissier ».
- Félix Gouin lui aurait, selon lui, proposé le ministère de l'Éducation nationale.
- Il ne se représente pas en novembre 1946. Sa défaite provoque la démission du maire de Laval : Francis Le Basser.
- Ce groupe est composé de 120 députés sans grandes expériences parlementaires. Dans l'opposition, le RPF vit un véritable ostracisme de la part des autres partis politiques alors que certains de ses parlementaires tentent, malgré tout, de renouer les contacts contre l'avis du général de Gaulle qui refuse toute compromission.
- Il ne refuse pas la possibilité de former un gouvernement en acceptant d'engager des consultations à la demande de Vincent Auriol.
- Vingt-sept députés RPF votèrent l'investiture du gouvernement d'Antoine Pinay contre l'avis du général de Gaulle. Ils sont alors exclus.
- Charles-Robert Ageron, De « l’Algérie française » à l’Algérie algérienne, Paris, Editions Bouchène, (ISBN 978-9961-9662-5-9, lire en ligne), p. 441-454
- Grégor Mathias, Les sections administratives spécialisées en Algérie : Entre idéal et réalité (1955-1962), Paris, L'Harmattan, coll. « Histoire et perspectives méditerranéennes », , 256 p. (ISBN 2-7384-6669-9, lire en ligne)
- Ce sera ensuite une émeute le 6 février suivant lors de la venue de Guy Mollet à Alger.
- Où il s'est rendu en échappant à la surveillance de la police.
- Serge Bernstein, La France de l'expansion, La République gaullienne (1958-1969), 1989.
- Djamel Belbay, « Soustelle échappe de peu à un attentat en plein paris », sur http://www.memoria.dz, (consulté le ).
- Christian Duverger, Encyclopædia Universalis [en ligne] (lire en ligne), « SOUSTELLE JACQUES (1912-1990) »
- Il n'a pas été condamné pénalement.
- Assemblée Nationale, « Jacques, Emile, Yves Soustelle - Base de données des députés français depuis 1789 - Assemblée nationale », sur www2.assemblee-nationale.fr (consulté le )
- Les bordels de Lyon, Le Nouvel Observateur, 21 août 1972.
- Affaire dite des « Écuries du Roy », du nom de la boite de nuit du Vieux Lyon dans laquelle le député gaulliste Édouard Charret avait ses intérêts. 1970-2011 : flics et voyous la malédiction lyonnaise, article de Richard Schittly.
- Compte-rendu officiel des débats à l'Assemblée nationale, 27 novembre 1974.
- Voir sur catalogue.bm-lyon.fr
- Voir sur ina.fr.
- Communiqué commun en mai 1981 de Jacques Soustelle, Gaston Cusin et Maurice Bourgès-Maunoury : ,.
- « PARAGUAY La presse poursuit ses attaques contre M. Jacques Soustelle », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- « DE L'OAS AU PARAGUAY », L'Humanité, (lire en ligne, consulté le )
- Bertrand Beyern, Guide des tombes d'hommes célèbres, Le Cherche midi, , 385 p. (ISBN 978-2-7491-2169-7, lire en ligne), p. 12.
- « Base des médaillés de la résistance »
- « Ordre du Mérite saharien », sur www.france-phaleristique.com (consulté le )
- Denis Rolland, « Jacques Soustelle, de l'ethnologie à la politique », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 43, no 1, , p. 137–150 (ISSN 0048-8003, DOI 10.3406/rhmc.1996.1807, lire en ligne, consulté le )
Annexes
Bibliographie
- Bernard Ullmann, Jacques Soustelle, le mal-aimé, Paris, Plon, (ISBN 978-2-259-02793-9).
- Denis Rolland, « Jacques Soustelle, de l'ethnologie à la politique, 1939-1943 », Revue d'histoire moderne et contemporaine, t. 43, no 1, , p. 137-150 (ISSN 0048-8003, DOI 10.3406/rhmc.1996.1807, lire en ligne).
- Christian Desbordes, Jacques Soustelle et la défense de l'Occident, Lille, Thèse de doctorat, Université d'Auvergne, Atelier national de reproduction des thèses, 2000, 575 p. (ISBN 2-284-03502-7).
- Louis N. Panel, « Jacques Soustelle et l'Algérie, entre espoirs et rupture », Guerre d'Algérie Magazine, no 10, , p. 46-51.
- Marc Francioli, Jacques Soustelle : L'ami qui a défié De Gaulle, Éditions du Rocher, 2015, 360 p. (ISBN 978-2268077482).
- Alain Herbeth, Jacques Soustelle, l'homme de l'intégration, Paris, L'Harmattan, 2015.
- Yves Maxime Danan, République Française Capitale Alger, 1940-1944, Souvenirs, L'Harmattan, Paris, 2019.
- Alain Herbeth, Jacques Soustelle, l'ami d'Israël, préface de Charles Benfredj, Paris : Fauves éditions, 2020 (ISBN 979-1030203196).
- Dominique Saint-Pierre, "SOUSTELLE Jacques", in Dominique Saint-Pierre (dir.), Dictionnaire historique des académiciens de Lyon 1700-2016, Lyon : Éditions de l'Académie (4, rue Adolphe Max, 69005 Lyon), 2017, p. 1235-1237.
Liens externes
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