Michael Trotobas

Michael Trotobas, né le à Brighton, dans le (Sussex de l'Est), et mort le à Lille dans le (Nord) , était un agent britannique du Special Operations Executive durant la Seconde Guerre mondiale. Chef du réseau Sylvestre Farmer WO, basé à Lille, il organisa un grand nombre de sabotages industriels et ferroviaires au détriment des Allemands.

Michael Trotobas
Biographie
Naissance
Décès
(à 29 ans)
Lille
Sépulture
Nom de naissance
Michael Alfred Raymond Trotobas
Surnoms
Capitaine Michel, Trott, Joseph Rampal
Nationalité
Activité
Autres informations
Conflit
Distinctions

Biographie

Monument aux morts du réseau Sylvestre Farmer WO.

Michael Trotobas est le fils de Henri Noël Trotobas (1893), employé d'hôtel, originaire de Cuers et d'Agnes Whelan (1893,1923), originaire d'Irlande. À la naissance de Michael, son père blessé, est fait prisonnier à Rossignol en Belgique le 23 août 1914 puis interné dans le camp de prisonniers Gef Lager, à Erfurt en Allemagne. Michael ne le verra qu’à la fin de la guerre. La mère de Michael Trotobas décède en 1923 de la tuberculose.

Michael Trotobas est élève dans un établissement catholique à Dublin. En 1926, sa famille vient en France, d’abord à La Seyne-sur-Mer (Var). Il va alors l’école à Toulon. Il retourne en Angleterre en 1930 et en 1933, il s’engage dans l’armée. Il est affecté au Régiment de Middlesex à Mill Hill Londres. Il est promu sergent en 1937. En 1939, il fait partie du corps expéditionnaire britannique, à la 3e division commandée par le général Montgomery. Grâce à sa parfaite connaissance du français, il repère des agents allemands infiltrés dans la population, à Lille et à Gondecourt.

Le 10 mai 1940, il entre en Belgique. Repassant la frontière, il reçoit la mission de tenir ferme entre Wattrelos et Estaimpuis. Il brise l’assaut allemand et contre-attaque au pas de charge. Une vingtaine de ses hommes sont tués. le 26 mai suivant, c'est le début du rapatriement du corps expéditionnaire britannique. Trotobas est blessé à la tête au moment d’embarquer dans l’un des derniers bateaux.

Le 10 janvier 1941, il est promu sous-lieutenant. Il rejoint le SOE, section F (française) et suit l’entraînement correspondant. Il est promu capitaine. Le 14 juillet, En chantant la Marseillaise, des habitants de Wattrelos défilent devant les tombes, surmontées de l’Union Jack, des soldats britanniques morts en mai 1940. Sa première mission en France et l'évaluation des possibilités d’organiser des réseaux subversifs. Le 6 septembre, avec cinq autres agents (Benjamin Cowburn, Victor Gerson, George Langelaan, Jean du Puy, André Bloch), il est parachuté d’un bombardier Whitley à Tendu, au nord d’Argenton-sur-Creuse (Indre) et réceptionné par Georges Bégué, assisté de Max Hymans (ancien député de l'Indre) et d'Auguste Chantraine, maire de Tendu et propriétaire du terrain. Le 27 octobre, il est arrêté et emprisonné à Limoges, puis à la prison de Périgueux, où il se lie d'amitié avec Pierre Séailles.

En mars 1942, il est transféré au camp d'internement de Mauzac, en Dordogne et en juillet, il s'évade de Mauzac le , avec dix camarades (voir l'article évasion de Mauzac). En août, il participe en zone sud (pas encore envahie) à un parachutage d’armes et franchit les Pyrénées, et rentre à Londres, via Lisbonne. Il suggère au SOE d’organiser un réseau dans la région de Lille, ce que le SOE accepte. Il demande à repartir en France.

Sa deuxième mission en France est l'organisation d'un réseau action dans le nord de la France. En novembre, dans la nuit du 17 au 18, en compagnie de son opérateur radio Arthur Staggs et du chef du réseau MUSICIAN, le Canadien Gustave Biéler, il est parachuté d’un bombardier près de Beaune-la-Rolande (entre Pithiviers et Montargis, dans le Loiret). Il vient constituer le réseau FARMER dans la région de Lille. Le matin du 18, ils prennent le train pour Paris à la gare d'Auxy-Juranville. Arrivés à Paris, ils confient Gustave Biéler, qui s'est blessé à l'atterrissage, à Marie-Louise Monnet et sa fille, 38 avenue de Suffren, à l'étage en dessous de celui des sœurs Germaine et Madeleine Tambour du réseau Prosper.

Michael Trotobas est hébergé quelque temps dans la famille de Pierre Séailles, à Paris. Il confie à sa sœur, Simone Séailles, la tâche d'assurer les liaisons avec Gustave Biéler « Guy ». À Lille, Trotobas ne retrouve pas l'amie sur laquelle il comptait. Il ne connaît personne d'autre, il n'a pas d'argent, il n'a pas de point de chute. Dans un café, il rencontre Denise Gilman, qui deviendra sa compagne et collaboratrice directe. Dans un autre café, il rencontre un représentant en livres, Emmanuel Lemercier, à qui il se confie et qui lui propose de l'héberger et de l'aider. C'est le premier agent du réseau Sylvestre-FARMER, dont l'état-major comprend Georges Bayart, ancien combattant de la première guerre mondiale et diffuseur de La Voix du Nord clandestine, et Pierre Séailles[1]. Le recrutement se poursuivra rapidement dans tout le Nord-Pas-de-Calais jusqu'à atteindre, en , 800 membres, où les cheminots sont en nombre[1], répartis entre de nombreux groupes dans tous les départements du nord (Nord, Pas-de-Calais, Somme, Aisne). En décembre 1942, arrestation d'Arthur Staggs, son opérateur radio. La communication est donc interrompue. Mais les Allemands ne découvrent pas qui il est, et le relâchent : il doit disparaître. Trotobas est alors conduit à utiliser les moyens radio du réseau HERCULE pour prendre contact avec Londres. Trotobas exige de tous qu'ils prononcent un serment[2].

En février 1943, premier déraillement réussi. Quarante wagons sont sévèrement endommagés et la ligne Lens-Béthune est interrompue pendant deux jours. Le 11 avril, premier parachutage d’armes à Aubry-du-Hainaut et le 13 mai, deuxième parachutage d’armes. Les actions se développent alors sur un rythme intensif : les actions principales du réseau sont des sabotages d'usines, des déraillements de trains. Mais il y a aussi les renseignements transmis à Londres, pour orienter les bombardements et éviter les pertes civiles inutiles, ainsi que l'aide à l'évasion des agents en danger. En Juin, Trotobas vient à Paris pour prendre contact avec le réseau Prosper-PHYSICIAN. C'est à ce moment-là que ses dirigeants, Francis Suttill, Andrée Borrel et Gilbert Norman, sont arrêtés ; et il manque lui-même de l'être. Le 26 juin, dans la nuit du 26 au 27, conduisant un groupe d'agents déguisés en gendarmes, il se rend aux ateliers de construction de la SNCF à la Compagnie de Fives-Lille dans le quartier lillois de Fives. Un ingénieur de l'usine Jean Chieux, chef du groupe de Steenwerck, a fourni les plans[1]. En deux heures, ils réussissent à placer les charges, détruisant 22 transformateurs et neutralisant l'usine pendant deux mois. À son rapport à Londres « Opération exécutée », Trotobas obtint pour réponse : « Bien joué Stop Prière envoyer photos ». Il retourne donc sur place, se fait passer pour un cadre de la SNCF et prend les photos exigées (en se faisant aider par des Allemands), et les fait parvenir à Londres en les accompagnant d'un simple mot : « Avec les salutations de la Résistance ». Trotobas et ses compagnons avaient fait ce que la RAF n'avait pas encore réussi  : neutraliser ce site industriel, le deuxième par ordre d'importance dans sa catégorie en France, qui produit des locomotives utilisées par l'Allemagne. En été 1943, multiplication des arrestations, il change souvent d’adresse. En octobre, le réseau provoque quatre déraillements en cinq jours et en novembre, plusieurs usines de Lille sont sabotées.

Le 26 novembre, dans la nuit du 26 au 27, les Allemands[3] arrêtent une équipe de parachutage en action[4] dont son adjoint britannique, le lieutenant François William Michael Reeve, nom de code Olivier. Le 27 novembre, sur dénonciation de son adjoint Olivier (Il aurait dénoncé Trotobas sous la torture en moins de deux heures), les Allemands cernent la maison du 20 boulevard de Belfort. Dès qu'ils frappent à la porte, Trotobas comprend ce qui se passe et tire à travers la porte, tuant le chef de l'équipe et blessant grièvement son adjoint. Il tente une sortie, mais est abattu d’une rafale de mitraillette, ainsi que sa compagne, Denise Gilman. Le réseau, malgré les pertes importantes, poursuit ses activités, dirigé par Pierre Séailles.

Distinctions

Reconnaissances

  • Devenu une figure légendaire de la Résistance dans la région du Nord-Pas de Calais, "Michel" repose avec quelques-uns de ses compagnons dans le monument érigé à la mémoire des morts du réseau au Cimetière de Lille-Sud, section 92A.
  • En tant que l'un des 104 agents de la section F du SOE morts pour la France, Michael Trotobas est honoré au Mémorial de Valençay (Indre).
  • Tendu (Indre) : une stèle commémore le parachutage clandestin du . Lieu-dit Les Cerisiers.
  • En 2018, une plaque bleue honorant sa mémoire a été dévoilée sur le site de sa naissance à Brighton.

Notes et références

  1. Michel Marcq, « Le capitaine Michel entre en scène et fait sauter le théâtre », dans Cent ans de vie dans la région, Tome 3 : 1939-1958, La Voix du Nord éditions, Hors série du 17 juin 1999, p. 18.
  2. Voici le texte du serment :
    « JE JURE de ne jamais révéler à quiconque les noms des membres de notre organisation et d'ensevelir en moi-même tous les renseignements qui pourraient parvenir à ma connaissance.
    JE JURE d'obéir fidèlement et en toutes circonstances aux chefs que j'ai librement acceptés.
    JE JURE de me tenir jour et nuit à la disposition des armées alliées.
    LE TOUT IMMEDIATEMENT APRES AVOIR PRETE SERMENT ET SOUS PEINE DE MORT POUR TRAHISON. AINSI M'AIDE DIEU.
    NOUS NOUS ENGAGEONS à aider la femme et les enfants d'un membre de l'organisation dans le cas de l'arrestation ou de la fuite de celui-ci pour raison valable. »
  3. Selon les références, il s'agit soit de la Gestapo, soit du SD (Sicherheitsdienst), soit plus probablement de la GFP (Geheime Feldpolizei, ou Police secrète de l’armée en campagne)
  4. Cette équipe était constituée comme suit : René Édouard, Alexandre Maury, Pierre Ditte, Constant Miseron, Charles Roger, Roger Savaux, Alexandre Phalempin, François Darras, et le lieutenant François William Michael Reeve « Olivier ».

Liens externes

  • (en) Fiche Michael Trotobas, avec photographies : voir le site Special Forces Roll of Honour
  • Site consacré au réseau Sylvestre-Farmer
  • Michael Richard Daniell Foot, Des Anglais dans la Résistance. Le Service Secret Britannique d'Action (SOE) en France 1940-1944, annot. Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Tallandier, 2008, (ISBN 978-2-84734-329-8). Traduction en français par Rachel Bouyssou de (en) SOE in France. An account of the Work of the British Special Operations Executive in France, 1940-1944, London, Her Majesty's Stationery Office, 1966, 1968 ; Whitehall History Publishing, in association with Frank Cass, 2004.
    Ce livre présente la version officielle britannique de l’histoire du SOE en France.
  • Étienne Dejonghe et Yves Le Maner, Le Nord-Pas-de-Calais dans la main allemande, La Voix du Nord, 1999.
  • Étienne Dejonghe (dir), L'Occupation en France et en Belgique, 1940-1944, actes du colloque de Lille, 26-, Revue du Nord, 1987-1988.
  • Grégory Célerse, La Traque des résistants nordistes, Les Lumières de Lille, 2010.
  • E.H. Cookridge, Mettez l'Europe à feu : organisation et action du SOE en Europe occidentale : 1940-1945, Fayard, 1968.
  • Danièle Lheureux, Les Oubliés de la Résistance : Sylvestre Farmer, Paris, France-Empire, 1988, (ISBN 2-7048-0587-3)
  • Danièle Lheureux, La Résistance "Action Buckmaster" Sylvestre-Farmer, Roubaix, Le Geai Bleu, 2001-2002, 2 volumes :
    • vol. I : Avec le capitaine "Michel", 2001, (ISBN 2-914670-01-X) ;
    • vol. II : Après le capitaine "Michel", 2002, (ISBN 2-914670-044).
  • Colonel Rémy, La Résistance, Idées & Éditions, 1984
  • Colonel Rémy, Avec les Ch'timis, France-Empire.
  • Alain Guérin, Chronique de la résistance, Omnibus, 2000.
  • Adieu Mauzac, téléfilm de Jean Kerchbron, 1970. Dans ce téléfilm, qui relate l’évasion du camp de Mauzac du , le rôle de Michael Trotobas est joué par Jacques Harden.
  • https://genealogietrotobas.jimdofree.com/micha%C3%ABl-trotobas/ Site consacré à la généalogie et l'histoire de la famille Trotobas.
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