Renaud Van Ruymbeke
Renaud van Ruymbeke, né le à Neuilly-sur-Seine, est un magistrat français.
Pour les articles homonymes, voir Van Ruymbeke.
Naissance | |
---|---|
Nationalité | |
Formation | |
Activité | |
Père | |
Fratrie |
Juge d'instruction, il a notamment conduit les enquêtes politico-financières dans l'affaire Urba, l'affaire des frégates de Taïwan et l'affaire Clearstream 2.
Biographie
Origines
Renaud van Ruymbeke naît en 1952 à Neuilly-sur-Seine, fils d'André Van Ruymbeke, ancien élève de l'École nationale d'administration (ENA ; promotion Croix-de-Lorraine), administrateur civil honoraire, ancien directeur général de l'Union laitière normande, ancien président de la Société Formançais. Il est le frère d'Olivier van Ruymbeke, également, ancien élève de l'ENA (promotion Henri-François-d'Aguesseau), ancien maître des requêtes au Conseil d'État, et de l'historien Bertrand Van Ruymbeke. Son grand-père Paul dit Bobby et trois de ses grands oncles, belges, ont été footballeurs à l'Olympique de Marseille.
Carrière
- 1975 : commence sa carrière de magistrat en février[1].
- 1977 : après une maîtrise en droit, il sort de l'École nationale de la magistrature et est nommé juge d'instruction à Caen.
- 1983-1985 : substitut du procureur de la République à la section financière de Caen. Il quitte le parquet pour rester indépendant[2].
- à : maître de conférences à l'École nationale de la magistrature.
- : il est nommé conseiller à la Cour d'appel de Rennes.
- fin 1991 : il est détaché à la chambre d'instruction à la Cour d'appel de Rennes.
- 1996 : signataire de l'Appel de Genève contre la corruption[3].
- : il rejoint le tribunal de grande instance de Paris comme premier juge d'instruction[4], au pôle financier.
- 2013 : nommé premier vice-président chargé de l'instruction du tribunal de grande instance de Paris[5].
- 2019 : admission à la retraite[6].
Affaires judiciaires notables traitées
Affaire Urba
En 1992, Renaud Van Ruymbeke conduit une perquisition au siège du Parti socialiste, alors dans la majorité. Ce serait la première perquisition en France chez un parti politique au pouvoir. Selon Daniel Mayer, « il s’agit de salir […] l’ensemble de la démocratie représentative. » et pour Laurent Fabius, « s’il continuait à être plus anti-socialiste qu’anti-corruption, [il pourrait peut-être] y avoir une affaire Van Ruymbeke ». Enfin François Mitterrand estime que les « procédures sont assez bizarres »[2]. Choqués par le terme « inculpation », la majorité introduira l’expression « mise en examen » dans la procédure pénale[2].
Affaire Clearstream 2
Magistrat instructeur de l'affaire des frégates de Taïwan, il a reçu plusieurs courriers anonymes d'un corbeau cherchant à attirer son attention sur plusieurs personnalités politiques et/ou économiques.
Dès , il se laisse entraîner par Jean-Louis Gergorin dans un arrangement non prévu par le code de procédure pénale : un rendez-vous secret non acté avec le vice-président d’EADS Jean-Louis Gergorin chez son avocat Thibault de Montbrial.
Le « corbeau » est donc connu depuis toujours du magistrat, qui a prétendu ensuite avoir voulu protéger la vie de son témoin, lequel s'affirmait en danger de mort.
Après une première lettre de dénonciation reçue le , Renaud van Ruymbeke fait interpeller le vice-président d'EADS Philippe Delmas à Toulouse, en pleine inauguration par Jean-Pierre Raffarin d'une nouvelle chaine de montage de l'Airbus A380. Il sera rapidement innocenté.
En , Renaud van Ruymbeke reçoit ensuite un cédérom contenant 16 121 comptes Clearstream et une deuxième lettre intitulée « Le bal des crapules ». Cette lettre contient une liste de 895 comptes prétendument clos par Clearstream. Apparaissent six comptes de la Banca Populare di Sondrio, en Italie dont Stéphane Bocsa et Paul de Nagy seraient titulaires. Il s'agit d'une allusion à Nicolas Sarkozy, dont le nom complet est Sarkozy de Nagy Bocsa, et dont les deuxième et troisième prénoms sont Stéphane et Paul[réf. nécessaire].
Des noms de personnalités politiques comme « J.-P. Chevènement », « A. Madelin », « D. Strauss-Kahn » sont associés[réf. nécessaire]. Des commissions rogatoires internationales sont adressées à l'étranger, en particulier à Sondrio, en Italie, via le parquet financier de Milan. La réponse italienne n'arrive qu'en : tout est négatif.
Renaud van Ruymbeke va mettre un certain temps à admettre qu'il a fait l'objet d'une manipulation. Les noms de personnalités ont été rajoutés aux listings de Clearstream. L'enquête préliminaire ouverte sur les autres comptes est classée sans suite en . Une procédure est lancée pour dénonciation calomnieuse. Début , il est établi que Jean-Louis Gergorin a fait contacter le juge Renaud van Ruymbeke par son avocat Thibault de Montbrial.
Le , le ministre de la Justice Pascal Clément a demandé à Renaud Chazal de Mauriac de recueillir les explications du juge van Ruymbeke sur l'affaire Clearstream 2 et le , il a ajourné la promotion du juge au poste de président de chambre à la cour d'appel de Paris. Finalement c’est à cause de cette procédure qu’il a pu rester aussi longtemps au pôle financier[2].
Dans son rapport rendu public fin , l'Inspection générale des services judiciaires (IGSJ) se montre rude pour van Ruymbeke. L'IGSJ retient trois griefs susceptibles de constituer « un manquement aux devoirs de son état de magistrat et de son devoir de loyauté » :
- Il n'aurait pas dû entendre, hors procédure, Jean-Louis Gergorin, l'ancien vice-président d'EADS.
- Il aurait dû informer ses collègues Henri Pons et Jean-Marie d'Huy, saisis de l'affaire Clearstream 2, que Jean-Louis Gergorin était le corbeau de l'affaire des frégates de Taïwan.
- Il n'aurait pas dû montrer des pièces de sa procédure à un autre acteur de l'affaire, l'informaticien Florian Bourges. Un épisode que Renaud van Ruymbeke a toujours contesté.
Début , le garde des Sceaux Pascal Clément a renvoyé le magistrat devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) par un courrier exposant que le magistrat avait « manqué aux obligations de prudence et de rigueur », de « loyauté » et de « discrétion professionnelle »[7],[8]. Après six ans de procédure et une dernière audience du magistrat par le CSM, la garde des Sceaux Christiane Taubira a annoncé qu'elle ne réclamerait aucune sanction contre le juge le [9],[10]. Finalement, le CSM blanchit intégralement Renaud Van Ruymbeke, confirmant l'abandon de toutes poursuites[11],[12].
Autres affaires
- 1979 : affaire Robert Boulin[13]
- 1991 : il reprend l'affaire du financement occulte du PS (affaire Urba-Sages et Trager, dont Thierry Jean-Pierre a été dessaisi).
- 1994 : enquête sur le financement occulte du Parti Républicain[1].
- 1997-2000 : meurtre de Caroline Dickinson à Pleine-Fougères[14].
- 2001 : affaire Elf avec Eva Joly et Laurence Vichnievsky[3],[15], affaire des frégates de Taïwan qui se prolongera avec l’affaire Clearstream 2.
- 2008 : affaire Jérôme Kerviel[16].
- 2010 : volet financier de l'affaire Karachi.
- 2009 : abus de confiance aggravé, « escroquerie aggravée, recel en bande organisée et blanchiment en bande organisée », liés au financier Bernard Madoff[17].
- 2013 : affaire Cahuzac avec Roger Le Loire[18].
- 2016 : Favoritisme et abus de biens sociaux sur l'attribution de l'emplacement de la Roue de Paris[19].
- 2016 : fraude à la TVA sur les quotas de carbone[20].
- 2017-2018 : affaire Richard Ferrand[21].
- 2018-2019 : affaire Tsunekazu Takeda avec Stéphanie Tacheau[22].
- 2019 : Corruption dans le conditions de la candidature de Doha pour organiser les championnats du monde d'athlétisme 2017[23].
Prise de position
Le , répondant à une question sur les déclarations de Nicolas Sarkozy et de François Fillon appelant à « éliminer les zones d’ombre » de la finance mondiale que sont les paradis fiscaux, le juge Renaud van Ruymbeke a dénoncé sur France Inter l’hypocrisie des politiques[24] :
« Il est un peu dommage que nos dirigeants n’aient pas lu l’appel de Genève, il y a douze ans, en 1996, lorsque nous avons dénoncé tout cela. Nous avons mis tout cela sur la place publique. Les citoyens et la presse ont été prévenus. Nous avons dénoncé ces « trous noirs ».
On nage en pleine hypocrisie. Depuis 1996, il n’y a eu aucune volonté politique d’éradiquer sérieusement les paradis fiscaux. Alors, je suis un peu surpris. En fait, pas vraiment… C’est un petit peu comme si, après une catastrophe on se désole que les signaux d’alerte n’aient pas fonctionné. Mais cela fait des années qu’on parle de ces signaux ! Il faut attendre une catastrophe pour avoir de grandes déclarations. Les paroles, c’est bien, les actes c’est encore mieux. Nous n’avons vu aucun acte positif concernant l’éradication des paradis fiscaux. S’il doit y en avoir demain, tant mieux. Mais, permettez-nous d’exprimer un certain scepticisme… En fait, on nage en pleine hypocrisie depuis des années.
Nous avons dénoncé la honte que constituent ces paradis fiscaux : ils permettent à ceux qui ont le plus de moyens de camoufler leur argent, de se soustraire à l’effort collectif. C’est quelque chose de totalement injuste. Ces petits pays qui s’enrichissent sur le secret bancaire et sur cette hypocrisie politico-économique protègent ceux qui fraudent l’impôt bien sûr, mais aussi des trafiquants de drogue, de la corruption, ou des dictateurs africains qui ont des comptes bien garnis. Tout cela sans que personne ne s’en émeuve. »
Dans la culture populaire
- Dans le film L'Enquête (2015), consacré aux enquêtes du journaliste Denis Robert sur les affaires Clearstream, il est interprété par l'acteur Charles Berling.
Publications
- Le Juge d'instruction, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », (ISBN 978-2715402768).
- Mémoires d'un juge trop indépendant, Paris, Éditions Tallandier, , 304 p. (ISBN 979-1021044081).
Notes et références
- Laïd Sammari et Bernard Violet, Enquête sur un ministre et ses amis, Paris, Seuil, , 252 p. (ISBN 2-02-023831-4)
- Patrick Cohen, « avec Renaud van Ruymbeke », sur www.europe1.fr,
- Renaud Van Ruymbeke, 30 ans de feuilletons politico-judiciaires - Le Monde.fr
- Décret du 8 mars 2000 portant nomination de magistrats
- Décret du 6 août 2013 portant nomination (magistrature)
- Arrêté du 4 février 2019 portant admission à la retraite (magistrature) et arrêté du 11 mars 2019 modifiant l'arrêté du 4 février 2019 portant admission à la retraite et maintien en fonction (magistrature)
- « Renvoyé devant le Conseil supérieur de la magistrature, le juge van Ruymbeke contre-attaque »,
- Alain Salles, « Rapport mesuré du Conseil supérieur de la magistrature à l'encontre de M. Van Ruymbeke », Le Monde, (lire en ligne)
- Taubira ne réclamera aucune sanction contre le juge van Ruymbeke - LCI.fr - 03 octobre 2012
- Abandon des poursuites contre Van Ruymbeke - Le Figaro.fr - Laurence De Charette - 4 octobre 2012
- Interview Le juge Renaud Van Ruymbeke: "Si la justice dépend du pouvoir politique, il y aura toujours une suspicion", lecho.be, 10 juillet 2020, par Julien Balboni
- Clearstream : Van Ruymbeke blanchi, jdd.fr avec AFP, 17 octobre 2012 : l'Union syndicale des magistrats, syndicat majoritaire des magistrats, indique saluer "le signal que cela donne. [...] Renaud van Ruymbeke fait partie de ces magistrats inquiétés parce qu'ils enquêtent sur des dossiers gênants [...]Dans cette logique, nous souhaitons qu'il en soit de même envers des collègues ayant fait preuve d'indépendance dans leurs enquêtes".
- Mort de Robert Boulin : la justice n’a plus beaucoup de temps si elle veut percer le mystère, Gilles Gaetner, atlantico.fr, 12 septembre 2015
- « Portrait du juge van Ruymbeke », sur www.nouvelobs.com,
- Renaud Van Ruymbeke, un soliste de la lutte anti-corruption - Le Point.fr - 3 octobre 2012
- Van Ruymbeke, un juge en solo - L'Express.fr - Anne Vidalie - 26 mai 2012
- « Affaire Madoff : le juge Van Ruymbeke chargé de l'enquête en France »,
- David Bensoussan, « Portrait - Roger Le Loire, doyen du pôle financier du TGI de Paris - Atypique », Challenges, semaine du 3 octobre 2013, pages 52-55.
- « Grande roue de la Concorde : la justice annule la mise en examen de la ville de Paris et allège celle de Campion »
- « Procès de la taxe carbone: la faute du juge Van Ruymbeke », sur lexpress.fr, (consulté le )
- Anticor, « Affaire Ferrand : ouverture d’une information judiciaire »,
- « L’homme fort des JO de Tokyo 2020 mis en examen pour « corruption active » », sur Le Monde, (consulté le )
- « Championnats du monde d'athlétisme 2017 »
- « Paradis fiscaux : les trous noirs de la finance mondiale », sur /www.franceinter.fr
Voir aussi
Bibliographie
- Gilles Gaetner, Roland-Pierre Paringaux, Un juge face au pouvoir, Paris, Grasset, (ISBN 2-246-48681-5)
- Denis Robert, La justice ou le chaos, Paris, Stock, 1996
- Fabrice Lhomme, Renaud van Ruymbeke, le juge, Privé, 2006 (ISBN 2-35076-048-0)