Château de Saint-Fargeau

Le château de Saint-Fargeau est un château dont l'origine remonte au XIe siècle, situé dans la commune française de Saint-Fargeau dans le département de l'Yonne, en région Bourgogne-Franche-Comté.

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Château de Saint-Fargeau
Période ou style Renaissance
Type Château
Début construction 980
Propriétaire initial Héribert, évêque d'Auxerre
Destination initiale Rendez-vous
de chasse fortifié
Propriétaire actuel Michel Guyot
Protection  Classé MH (1949)
 Inscrit MH (1925, 1949)[1]
Site web www.chateau-de-st-fargeau.com
Coordonnées 47° 38′ 22″ nord, 3° 04′ 19″ est
Pays France
Région Bourgogne-Franche-Comté
Département Yonne
Commune Saint-Fargeau
Géolocalisation sur la carte : Yonne
Géolocalisation sur la carte : Bourgogne

Histoire

À l'origine, Saint-Fargeau était un rendez-vous de chasse fortifié construit en 980 par Héribert, évêque d'Auxerre et fils naturel d'Hugues le Grand et donc frère naturel de Hugues Capet.

Son premier seigneur connu, vers 1060, est Ithier, seigneur de Toucy[2], Saint-Fargeau et pays de Puisaye ; en 1147, Ithier III, son cinquième seigneur, alla en Terre sainte avec Louis VII ; le huitième, Ithier V, mourut au siège de Damiette (1218) ; le onzième, Jean Ier, n'ayant pas eu de fils, Jeanne, une de ses filles, épousa en 1266 Thiébaut II, comte de Bar et lui apporta les seigneuries paternelles.

En 1411, le château soutint un siège, puis les terres passèrent à Louis de Bar, évêque de Verdun et cardinal qui les légua en 1430 à son neveu Jean-Jacques Paléologue, marquis de Montferrat, petit-fils maternel du duc de Bar Robert.

Le , ses fils Jean, Guillaume et Boniface vendirent « les terres et châtellenies de Saint-Fargeau » à Jacques Cœur, mais il fut spolié de ses biens (dont Toucy et Charny) par le jugement de mai 1453.

Le château fut reconstruit après 1453 sur les bases de l'ancienne forteresse par Antoine de Chabannes, comte de Dammartin, grand maître de France, qui l'acquit pour vingt mille écus d'or après la disgrâce de Jacques Cœur ; il commença par construire la grosse tour en 1467, destinée à servir de lieu de retraite jusqu'à la reconstruction complète du château dont la tour deviendrait alors le donjon.

En 1461, Louis XI, devenu roi, se vengea d'Antoine de Chabannes qui l'avait forcé à fuir le Dauphiné lors de sa révolte contre son père en rendant Saint-Fargeau à la famille Cœur et en faisant embastiller Chabannes, qui s'évada, entra dans la ligue du Bien public, reprit le château par la force… et fut peu après rétabli dans ses biens et honneurs. Pour conserver Saint-Fargeau, son fils le comte Jean de Chabannes-Dammartin offrit à la veuve Cœur dix mille écus d'or et une rente de quatre cents livres tournois.

Une des filles de Jean, la comtesse Antoinette de Chabannes-Dammartin, ayant épousé René d'Anjou-Mézières, leur fils Nicolas d'Anjou hérita et obtint l'érection de la terre en comté en 1542 n.s. ; puis la fille de ce dernier, Renée d'Anjou, ayant épousé François de Bourbon duc de Montpensier, Henri III érigea cette terre en duché-pairie en 1576.

L'entrée du château.

Leur fils, le duc Henri de Bourbon, fut le beau-père de Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII, par sa fille Marie de Bourbon-Montpensier, mais la jeune mère mourut en couches en laissant une fille unique, aussi duchesse de Montpensier. De son vrai nom Anne-Marie-Louise d'Orléans, celle-ci était, par son père Gaston, cousine germaine de Louis XIV et fut surnommée « la Grande Mademoiselle ». En 1652, du fait de ses prises de position pendant la Fronde, elle fut exilée à Saint-Fargeau avec ses deux maréchales de camp Gilonne d'Harcourt, comtesse de Fiesque et Anne de La Grange-Trianon, comtesse de Frontenac. Elle fit refaire par l'architecte du roi François Le Vau, entre 1653 et 1657, les quatre façades intérieures du château, façades où l'on distingue encore par endroits son monogramme (AMLO), en majorité détruit par les révolutionnaires ; Jean d'Ormesson, dont l'enfance se passa en partie au château de Saint-Fargeau, a évoqué ces austères murailles dans Un jour je m'en irai sans avoir tout dit[3]. L'épisode est également évoqué dans une lettre de madame de Sévigné[4].

À la suite de son mariage avec Lauzun  sans doute vers 1671[5], cependant encore aujourd'hui le doute demeure  celui-ci hérita de Saint-Fargeau[réf. souhaitée], où il ne résida guère avant de le céder, le , au financier Antoine Crozat ; ce dernier, mis en difficulté à la mort de Louis XIV, le revendit dès le à Michel-Robert Le Peletier des Forts (1675-1740), successivement conseiller au Parlement de Paris, intendant des Finances, ministre d'État, membre de l'Académie des Sciences, époux de Marie-Madeleine de Lamoignon de Bâsville (1687-1744). Il fit construire le pavillon dit « des Forts ».

Vue restituée du miroir d'eau du château de Saint-Fargeau au XVIIIe siècle, depuis la salle des gardes.
Vue restituée du potager de Saint-Fargeau, depuis le lanternon de la tour du château, XVIIIe siècle.

Une réplique d'atelier du portrait qu'il commanda en 1727 à Hyacinthe Rigaud[6] pour commémorer sa nomination comme contrôleur général (1726-1730) fut vendu aux enchères publiques à Paris le [7].

En 1740 le domaine passa à son petit-fils Michel-Étienne, comte de Saint-Fargeau et président à mortier du Parlement de Paris en 1764.

En 1752 un incendie ravagea le château et une partie du bourg et un autre un siècle plus tard (une ardoise gravée exposée sur place en témoigne) détruisirent l'intérieur des deux corps de logis contigus à la chapelle (qui abrite les sépultures XIXe en marbre noir des Lepeletier), anéantissant les anciens appartements de La Grande Mademoiselle, sa galerie et la salle des Gardes qui fut la plus vaste de France lors de sa création.

En 1778, Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau hérita du domaine familial ; député de la noblesse aux Etats Généraux, il devint Président de l'Assemblée le 21 juin 1790 ; conventionnel, il vota la mort du roi et fut assassiné dans un restaurant parisien par un des anciens gardes-du-corps de celui-ci la veille de l'exécution de Louis XVI, le .

La scène fut peinte par Jacques-Louis David, œuvre qui fut achetée à ses héritiers sous la Restauration pour l'énorme somme de cent mille francs, par sa fille unique Louise-Suzanne Lepeletier  ex-première « pupille de la Nation » devenue fervente royaliste  à condition de ne pas le détruire et qui l'aurait donc fait cacher dans un mur de l'immense demeure et à ce jour n'y a pas été localisé[8]. Selon la légende familiale rapportée par Jean d'Ormesson, à chaque génération la mère indiquerait l'endroit secret à sa fille sur son lit de mort. Or, sa grand-mère Boisgelin mourut pendant l'Occupation sans que sa fille, Marie-Henriette Anisson du Perron, marquise d'Ormesson, soit à son chevet… Inhumé au Panthéon après des obsèques solennelles, le corps du régicide fut transféré dans la chapelle du château où il se trouve encore.

« J'ai vu Saint-Fargeau, en ma qualité de planteur de jardins, et ai été enchanté de l'aspect du parc […] Moi qui en ai beaucoup vu et surtout tant planté déjà, je vous avoue que j'envierais presque à M. de Mortefontaine le talent qu'il a déployé ici. »

C’est en 1809 que Léon Le Peletier de Mortefontaine, fils de Louis Le Peletier de Mortefontaine, avait créé le parc paysager « dans le goût anglais » qui a subsisté ; il était l'époux depuis un an de sa cousine Suzanne-Louise Lepeletier de Saint-Fargeau (1782-1829) ; né en 1771, il mourut en 1814.

Leurs deux filles Marie-Louise-Suzanne (1811-1893) et Marguerite-Marie (1809-1890) Le Peletier de Mortefontaine devinrent respectivement comtesse de Talleyrand (x 1830) et marquise de Boisgelin (x 1827), famille qui transmit le domaine aux Anisson du Perron, dont une fille épousa le marquis André d'Ormesson, père de l'académicien Jean.

Un château de papier dans Au plaisir de Dieu

« Un parc immense, les tours, les bosquets, les bancs à l'ombre des tilleuls, les allées entretenues avec soin, les plates-bandes de pensées et de bégonias […] Deux fois par mois, M. Machavoine venait remonter en silence les horloges. Il se glissait dans le billard, dans le petit salon, dans le grand salon, dans la bibliothèque, dans la salle à manger, dans la salle à manger des enfants, dans l'office, dans l'immense cuisine, dans la vingtaine de chambres qui restaient ouvertes toute l'année. Il vérifiait si les pendules, les horloges, les cartels donnaient bien l'heure exacte, et il les remontait. Il m'arrivait de le suivre de pièce en pièce avec une fascination qui m'étonnait moi-même. »

 Jean d'Ormesson[9]

« … Saint-Fargeau dont les propriétaires, les Boisgelin, mènent alors grand train et dont l'équipage de chasse, le Rallye Puisaye, découple en forêt d'Orléans ou en Normandie, à Beaumont-le-Roger […] Les jours de liesse, tout le pays en profitait. Ainsi la marquise, après chaque grande manifestation cynégétique, exigeait de son époux le montant exact des sommes dépensées pour les équipages, les chiens, les chevaux, les invités, afin de distribuer cet argent aux pauvres. La messe solennelle réunissait une foule nombreuse. Au premier rang, les boutons d'équipage, et devant le maître-autel, le meilleur limier que tenait le piqueux… À la sortie, le prêtre bénissait la meute et lui distribuait un peu de pain béni. Les hommes et les chevaux venaient ensuite. »

 Juliette Benzoni[10]

Ces bénédictions ont été filmées vers 1930 où l'on voit Jean d'Ormesson, enfant de chœur, debout sur le grand escalier de la chapelle ; le domaine s'étendait sur trois départements et représentait quelque quinze mille hectares.

Au début du XXe siècle, ses ancêtres maternels y détenaient un portrait de femme attribué à Mignard et celui de la marquise douairière de Boisgelin par Paul Delaroche[11] ; le grand salon a conservé ceux d'Anne-Marie-Louise d'Orléans (représentée initialement en buste sur une toile ovale qui fut insérée dans une effigie d'apparat la représentant en pied devant le château) et de Louis XIV attribué à Rigaud, ainsi que les rideaux et cantonnières du XIXe siècle ornés des animaux héraldiques des anciens propriétaires.

Au XIXe siècle, « deux corps de bâtiments furent aménagés en appartements, l'un comprenant surtout des chambres d'amis qui reçoivent en hiver des invités des chasses à courre », période qu'évoquent la vaste salle à manger « vraiment grandiose, dont le plafond en dôme est orné magnifiquement d'un aigle aux ailes déployées, aux hautes et sévères boiseries[11] », et quelques reproductions de photographies anciennes exposées dans la salle des Gardes.

Les marquis de Boisgelin sont les ancêtres maternels de Jean d'Ormesson qui, avec sa mère, héritière d'un immense domaine peu à peu morcelé, le proposa sans succès à l'État : André Malraux, ministre de la Culture, eu égard à la taille et surtout à la vétusté de la demeure, lui aurait alors suggéré ironiquement d'assortir cette transaction d'un million de francs… En 1968, il fut vendu à une société belge qui le conserva dix ans.

L'écrivain, qui y passait l'été avec ses parents, s'en inspira pour écrire son roman Au plaisir de Dieu. L'adaptation télévisée fut tournée en 1976 au château par Robert Mazoyer, le comédien Jacques Dumesnil jouant le personnage du duc Sosthène de Plessis-Vaudreuil, inspiré de son grand-père, « qui règne en silence [et] ressemble à un Jean Gabin déjà atteint par l'âge mais toujours solide et très droit […] Il y a en lui quelque chose de massif et de chinois qui échappe au cours du temps[12]. »

En 1979, Michel Guyot et son frère Jacques, soutenus par les collectivités locales, acquirent le château et son domaine et entreprirent de le restaurer et de le faire vivre ; certaines chambres de la partie privée du château, qui ont conservé leur décor ancien, sont proposées à la location.

Description

Le château dans son aspect actuel date principalement des travaux réalisés par Antoine de Chabannes entre 1467 et 1488, bien que le premier château en pierre date du XIIIe siècle. Il se présente sous la forme d'un plan pentagonal non-régulier, dont les sommets sont dotés de six imposantes tours de briques roses dont cinq sont surmontées de lanternons qui rappellent celles de Chambord. L'entrée dotée d'un pont levis et encadrée de deux puissantes tours d'artillerie[13].

Au XIXe siècle furent créées dans la cour d'honneur quatre grandes pelouses rondes et ovales ornées en leur centre de corbeilles « qui [en] diminuent sans doute la noblesse mais en atténuent le vide et la monotonie[11] ».

Protection

Le château fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le [1]. Les façades et toitures des communs font l'objet d'un classement au titre des monuments historiques depuis le . Les façades extérieures et sur cour, les toitures, les douves et le parc, sont également classés au titre des monuments historiques depuis le .

Événement

Spectacle historique.

Le château de Saint-Fargeau est ouvert à la visite, pour les parties restaurées tout au moins.

Il héberge également le spectacle historique de Saint-Fargeau, un son et lumière organisé par l'association « Les Amis du château de Saint-Fargeau » afin de financer ses restaurations.

Avec plus de six cents acteurs, soixante cavaliers, des milliers de costumes de toutes époques et de tous genres[14], une vingtaine de véhicules américains de la Libération, un équipage de chasse à courre, une fanfare, le spectacle retrace plus de mille ans d'histoire en passant par Jeanne d'Arc et la Révolution française.

Lieu de tournage

En 1999, le château sert de décor dans un épisode d'Une femme d'honneur, intitulé Son et lumière.

En 2015, une équipe de l'émission Secrets d'Histoire a tourné plusieurs séquences au château dans le cadre d'un numéro consacré à Anne-Marie-Louise d'Orléans, intitulé La Grande Mademoiselle : une rebelle sous Louis XIV et diffusé le sur France 2[15].

Notes et références

  1. « Notice n°PA00113810 », sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  2. M. Déy, Histoire de la ville et du comté de Saint-Fargeau, 1856, impr-édit Perriquet & Rouillé, p. 34.
  3. Éd. Robert Laffont, p. 21 de l'édition Pocket, 2014.
  4. « Le jeudi matin, qui était hier, Mademoiselle espéra que le roi signerait le contrat, comme il l’avait dit ; mais sur les sept heures du soir, la reine, Monsieur, et plusieurs barbons, firent entendre à S. M. que cette affaire faisait tort à sa réputation : en sorte qu’après avoir fait venir Mademoiselle et M. de Lauzun, le roi leur déclara, devant M. le Prince, qu’il leur défendait absolument de songer à ce mariage. M. de Lauzun reçut cet ordre avec tout le respect, toute la soumission, toute la fermeté et tout le désespoir que méritait une si grande chute. Pour Mademoiselle, suivant son humeur, elle éclata en pleurs, en cris, en douleurs violentes, en plaintes excessives, et tout le jour elle a gardé son lit, sans rien avaler que des bouillons. Voilà un beau songe, voilà un beau sujet de roman ou de tragédie, mais surtout un beau sujet de raisonner et de parler éternellement : c’est ce que nous faisons jour et nuit, soir et matin, sans fin, sans cesse ; nous espérons que vous en ferez autant. ».
  5. Arvède Barine, La Grande Mademoiselle sur Wikisource.
  6. Coll. familiale.
  7. Reprod. coul. dans La Gazette de l'Hôtel Drouot, no 21, , p. 72.
  8. Clémentine Portier-Kaltenbach, Histoires d'os, coll. « Pluriel », 2012, p. 91-108.
  9. op. cit., p. 21, 28.
  10. Cent ans de vie de château, I. La Belle Époque, Paris, C. de Bartillat, 1992, p. 38–39, 49, arch. pers.
  11. G. Lanorville, « Le Château de Saint-Fargeau », La Vie à la Campagne, no 72, , p. 166–171.
  12. op. cit., p. 22.
  13. Nicolas Mengus, Châteaux forts au Moyen Âge, Rennes, Éditions Ouest-France, , 283 p. (ISBN 978-2-7373-8461-5), p. 81.
  14. Site officiel.
  15. « Secrets d'histoire ce mardi : La Grande Mademoiselle, une rebelle sous Louis XIV », sur Blogtvnews, (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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