Éric Dupond-Moretti
Éric Dupond-Moretti, né Éric Dupond le à Maubeuge (Nord), est un avocat et homme politique français possédant également la nationalité italienne.
Pour les articles homonymes, voir Éric Dupont (homonymie) et Moretti.
Éric Dupond-Moretti | ||
Éric Dupond-Moretti en 2017. | ||
Fonctions | ||
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Garde des Sceaux, ministre de la Justice | ||
En fonction depuis le (2 ans, 1 mois et 28 jours) |
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Président | Emmanuel Macron | |
Premier ministre | Jean Castex Élisabeth Borne |
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Gouvernement | Castex Borne |
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Prédécesseur | Nicole Belloubet | |
Biographie | ||
Nom de naissance | Éric Dupond | |
Surnom | « Acquittator » « L'Ogre du Nord » |
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Date de naissance | ||
Lieu de naissance | Maubeuge (France) | |
Nationalité | Française Italienne[1],[2] |
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Conjoint | Isabelle Boulay (depuis 2016) | |
Profession | Avocat | |
Résidence | Hôtel de Bourvallais (Paris 1er) |
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Ministres français de la Justice | ||
Avocat pénaliste pendant plus de trente-cinq ans, il est réputé pour le nombre d'acquittements qu'il a obtenus.
En , il est nommé garde des Sceaux, ministre de la Justice au sein du gouvernement Jean Castex, puis est reconduit à ce poste en dans le gouvernement Élisabeth Borne.
Situation personnelle
Origines et formation
Né Éric Dupond, il est le fils unique de Jean-Pierre Dupond, ouvrier métallurgiste originaire de l'Avesnois, et d'Elena Moretti, femme de ménage d’origine italienne[3]. Il perd son père à l'âge de 4 ans, sa mère l’élève alors seule[4]. Il fait ses études secondaires au lycée catholique Notre-Dame, à Valenciennes, où il obtient son baccalauréat[5].
Sa vocation d'avocat puise ses origines dans son histoire familiale[6]. Son grand-père maternel, immigré italien, est retrouvé mort en 1957 dans des conditions suspectes, le long d'une voie ferrée. Son oncle dépose une plainte sans qu'une enquête soit ouverte[7]. Ceci le décidera à choisir la voie du droit pénal. Dupond-Moretti dit : « Je pense que c’est à l’origine de cette vocation. Cela y participe à l’évidence[4]. » Comme plusieurs grands pénalistes orphelins de père (Robert Badinter, Georges Kiejman, Hervé Temime), son enfance est marquée par ce sentiment d'injustice[8]. Mais le véritable déclic a lieu à 15 ans en 1976 lorsqu'il entend à la radio l'annonce de l'exécution de Christian Ranucci[9].
Dans son livre Directs du droit, il écrit être devenu avocat par « détestation de la peine de mort ». Il effectue plusieurs petits boulots pour financer ses études : fossoyeur, maçon, ouvrier à la chaîne, déchargeur de sacs de sable, serveur dans des boîtes de nuit ou serveur de restaurant, assistant d'éducation[10].
À l'issue de ses études de droit, il est reçu à l'examen d'entrée à l'école d'avocats. Il est lauréat ex æquo de la Conférence du stage, le concours d'éloquence des avocats du barreau de Lille.
Vie personnelle
En 1991, il épouse Hélène, une ancienne jurée rencontrée lors d'un procès d'assises, avec qui il a deux enfants.
Divorcé, il partage sa vie depuis 2016 avec la chanteuse québécoise Isabelle Boulay[11].
Passionné de chasse, il possède une ferme en Flandre française avec des chiens d'arrêt et des rapaces élevés pour la chasse au faucon[12]. Il est aussi passionné et défenseur de la corrida[13],[14],[15].
En octobre 2020, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) dévoile les déclarations d’intérêts et de patrimoine des membres du gouvernement Jean Castex ; Éric Dupond-Moretti apparaît alors, bien qu'il soit endetté à la hauteur des trois quarts de la valeur vénale de son patrimoine immobilier, comme l'un des ministres les plus riches du gouvernement, avec notamment un patrimoine immobilier brut de plusieurs millions d'euros[16],[17],[18].
Carrière d'avocat
Après avoir prêté serment comme avocat le à Douai, il s'inscrit au barreau de Lille[12]. Engagé dans un cabinet d'avocat de Lille après avoir vainement tenté d'intégrer plusieurs cabinets d'avocats réputés[12], il commence sa carrière dans les prud'hommes, puis dans les commissions d'office avec pour mentors l'avocat lillois Jean Descamps et l'avocat toulousain Alain Furbury dont il porte aujourd'hui la robe[19].
Lors de sa première affaire, des pièces qui lui sont destinées sont envoyées à un confrère nommé également Dupond, c'est alors qu'il décide d'adjoindre à son patronyme, à titre d'usage, le nom de sa mère (Moretti), lui rendant ainsi hommage[20], puis prend officiellement ce nom en 2010[21].
Il obtient son premier acquittement le [12].
En 1993, il déclare être victime d'un « coup fourré » de la part du procureur José Thorel[22] qui aurait tenté de le faire tomber dans un dossier de stupéfiants, des traces de cocaïne ayant été retrouvées dans sa berline. Il subit alors une perquisition et une garde à vue qui auraient pu mettre fin à sa carrière[8],[19].
En , il détient le record des acquittements obtenus sur le territoire français[23]. Pour ses résultats, il est surnommé « Acquittator » dans les prétoires[24]. Ses victoires lui valent aussi le surnom d'« Ogre du Nord »[25]. Son aversion à l'égard d'une certaine magistrature, « institution de faux-culs, petit monde de l'entre-soi et de l'irresponsabilité » et le rapport de force qu'il engage avec les magistrats lors des procès font que certains d'entre eux voient en lui un « terroriste des prétoires »[26],[27]. En , il obtient son 145e acquittement[28].
Selon ses propres dires, le surnom qu'on lui donne était initialement « Acquittador », en référence à sa passion pour la tauromachie et le rôle joué par le matador. Ce surnom fut repris en « Acquittator » transformant ainsi le « D » en « T », en référence cette fois à Terminator, par un journaliste présent au moment des faits lors d'une conférence à Marseille[29], sobriquet qu'il n'apprécie pas[30].
En 2016, il s'inscrit au barreau de Paris[31] et fonde, en association avec l'avocat Antoine Vey, le cabinet Dupond-Moretti & Vey[32]. Vincent Hugeux de L'Express décrit en 2018 la situation paradoxale qui fait du « tonitruant défenseur des humbles, des sans-grades », l'avocat ou le conseiller de certains chefs d’État africains peu respectueux des règles démocratiques et des droits de l'homme[33].
En , après sa nomination en tant que ministre de la Justice, il demande son omission du barreau[34].
Affaires pénales
En 1990, il obtient l'acquittement de Jean-Pierre Deulin, accusé en 1987 du meurtre de sa femme, qui s'était en réalité suicidée.
En 1991, il est avec François La Phuong avocat de la défense de quatre militaires lors du procès des paras de Francazal pour le meurtre d'une jeune femme, de deux adolescentes et d'un garde-chasse. Les quatre accusés sont tous condamnés à la prison à perpétuité avec une période de sûreté de trente ans pour Philippe Siauve et Thierry El Borgi (les deux chefs), quinze ans pour Thierry Jaouen, et treize ans pour Franck Feuerstein.
En , il défend Omar Zemmiri lors du procès des membres du gang de Roubaix. Zemmiri est condamné à 28 ans de prison ferme[35].
En , parmi ses acquittements, figure celui de la « boulangère » Roselyne Godard, lors du premier procès d’Outreau, devant la cour d'assises de Saint-Omer (Pas-de-Calais), cette affaire le faisant accéder à une notoriété nationale[36].
En , il obtient l'acquittement de Jean Castela, accusé d'être le commanditaire de l'assassinat du préfet Claude Érignac, condamné à trente ans de réclusion criminelle en première instance[12].
En , il parvient à obtenir en appel, l'acquittement de Michel Pinneteau. Celui-ci avait été préalablement condamné en 2004 à 30 ans de prison dans l'affaire dite « des corps sans têtes de l'Esteron »[37]. Il est en revanche condamné à trois ans de prison dans la même affaire pour « vols avec armes »[38].
En 2010, il plaide pour Jacques Viguier, accusé du meurtre de sa femme Suzanne Viguier : il obtient la confirmation de son acquittement lors du procès en appel devant la cour d'assises du Tarn, le [39].
En 2011, il assure la défense d'Yvan Colonna aux côtés de Gilles Simeoni, d’Antoine Sollacaro et de Pascal Garbarini[40].
Le , il obtient l’acquittement de Loïc Sécher, qui a déjà passé neuf ans en prison, à la suite d'une condamnation pour viol à seize ans de prison. Dupond-Moretti plaide lors du procès en appel et affirme que cette affaire Sécher était un « fiasco dû à la dictature de l'émotion »[41].
En , il assure la défense de Jacques Mariani, fils de Francis Mariani, chef présumé du gang de la Brise de mer[42].
En , il assure la défense d'Abdelkader Merah[43], frère du terroriste Mohammed Merah. Celui-ci est accusé de complicité dans les attentats perpétrés par son frère ayant abouti à la mort de trois militaires, de trois enfants et d'un professeur en dans la région de Toulouse[44]. La manière dont il assure cette défense lui vaut une cinglante critique de la part de Bernard-Henri Lévy. Toutefois, son client est condamné, en appel, à trente ans de réclusion criminelle le pour «association de malfaiteurs » et « complicité d’assassinats »[45],[46].
Lors du troisième procès du docteur Jean-Louis Muller, devant la cour d'assises de Meurthe-et-Moselle, il obtient son acquittement, le [47]. Le docteur Muller, qui a toujours clamé que son épouse s'était suicidée à leur domicile d'Ingwiller, en 1999, avait précédemment été condamné à deux reprises pour « meurtre » à vingt ans de réclusion criminelle, d'abord en 2008, par la cour d'assises du Bas-Rhin, puis en 2010, en appel, par la cour d'assises du Haut-Rhin, l'arrêt de la cour d'appel ayant été cassé en 2011 par la Cour de cassation[48],[49].
En , il fait partie des avocats qui défendent les intérêts des deux jeunes héritiers, ces hommes accusés d'avoir assassiné en Dominique Aubry sur sa péniche francilienne. Les deux sont acquittés, puis après l'appel du Parquet rejugés en . Dupond-Moretti et ses confrères obtiennent une nouvelle fois leur acquittement lors de ce second procès[50],[51],[52].
En 2016, il est l'avocat de Karim Benzema, poursuivi pour « sollicitation de prostituée mineure » ; celui-ci est relaxé.
La même année, il assure la défense en appel de Jo Baron, accusé de la destruction du portique écotaxe de Lanrodec, lors du mouvement des Bonnets rouges, qui sera relaxé[53].
Le , conseillé par le roi du Maroc Mohammed VI, il prend en main l'affaire du chanteur marocain Saad Lamjarred accusé d'agression sexuelle et de viol, les frais d'avocat sont pris en charge par le palais marocain[54],[55],[56],[57]. Le , et sans en donner les raisons, Éric Dupond-Moretti déclare qu'il ne représentera plus le chanteur après une deuxième plainte pour viol déposée à son encontre à Saint-Tropez[58],[59].
Le , il annonce représenter la défense des intérêts de Théo, victime alléguée de viol par quatre policiers lors de son interpellation à Aulnay-sous-Bois, ainsi que ceux de sa famille[60].
À partir de septembre 2017, il est l'avocat du député LREM M'jid El Guerrab, mis en examen pour avoir violemment frappé à coup de casque de moto Boris Faure, un cadre du Parti socialiste (deux mois d'ITT)[61].
En 2018, il défend Wojciech Janowski, accusé de l'assassinat de sa belle-mère Hélène Pastor, une riche femme d'affaires monégasque. Son client est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.
La même année, il obtient l’acquittement de Georges Tron dans le cadre d'une affaire de viols en réunion sur deux collaboratrices[62].
En 2019, il est recruté par l'État pour défendre les policiers dans le procès visant Jean-Luc Mélenchon[63].
En février 2020, il obtient l'acquittement partiel de Yassine Cheambi, condamné en première instance à vingt-cinq ans de réclusion pour assassinat, son client est condamné à huit ans d'emprisonnement pour association de malfaiteurs[64].
Affaires politico-financières et de corruption
En 1993, lors de l'affaire VA-OM, il défend Jacques Glassmann[65].
En 2009, il fait partie de l'équipe de cinq avocats chargés d'assurer la défense de Jérôme Kerviel[66]. C'est également lui qui devait assurer la défense de Jean-Pierre Treiber lors de son procès (prévu en ) avant le suicide de ce dernier le .
En , il assure la défense de Nikola Karabatic reconnu coupable d'escroquerie en et condamné à 10 000 euros d'amendes par le tribunal de Montpellier où il était jugé pour escroquerie dans l'affaire des paris suspects liés au match truqué de mai 2012 entre Cesson et Montpellier[67].
En , il assure la défense de Roland Cassone, figure du milieu marseillais dans l'affaire du cercle de jeux Concorde[68].
Le même mois, il assure la défense de Bernard Tapie et plus précisément des sociétés de son groupe dans le cadre de l'enquête sur l'arbitrage dans son conflit avec le Crédit lyonnais.
En , il est l'avocat en appel de Jérôme Cahuzac, ancien ministre délégué chargé du Budget auprès du ministre de l’Économie et des Finances de François Hollande, épinglé par le Parquet national financier et accusé de fraude fiscale. Suggérant d'aggraver sa peine en alourdissant la partie de sursis[69] il lui permet d'écoper de quatre ans de prison dont deux ferme, contre trois ans ferme à son premier procès, ouvrant la voie à un aménagement possible qui lui permettra de ne pas aller derrière les barreaux mais de porter un bracelet électronique[70].
En 2018, il a eu pour client Alexandre Djouhri dans le cadre de l'affaire Sarkozy-Kadhafi[71], mais il a quitté sa défense par la suite[72].
En 2019, il est l'avocat de Patrick Balkany, maire de Levallois-Perret et de son épouse et première adjoint Isabelle, jugés dans l'affaire Balkany pour blanchiment de fraude fiscale au titre des impôts sur le revenu et la fortune et pour avoir constitué frauduleusement et dissimulé un important patrimoine immobilier en recourant à des sociétés étrangères, notamment sur l’île de Saint-Martin et au Maroc.
Affaires politiques
Le , il assure la défense de Moïse Katumbi, opposant congolais, ex-gouverneur du Katanga et candidat à l'élection présidentielle, dans le cadre de l'enquête concernant le recrutement de mercenaires étrangers. Il sera mandaté après par le même Moïse Katumbi Chapwe pour déposer une plainte devant le Comité des droits de l'homme (Nations unies) afin d'y obtenir reconnaissance des droits civils et politiques de l'ex-gouverneur de la province du Katanga dans un contentieux l'opposant au gouvernement de son pays.
En 2020, il intègre l'équipe internationale de défense du lanceur d'alerte et fondateur de WikiLeaks Julian Assange[73], à la suite de son arrestation à l'ambassade d'Équateur à Londres.
Engagement politique
Prises de position
Éric Dupond-Moretti préside le comité de soutien de Martine Aubry pour les élections municipales de 2008 à Lille[74]. Il signe également une tribune en sa faveur dans Libération avant les primaires socialistes de 2011[75]. Il lui prédit alors : « vous serez réélue, la souveraineté populaire est raisonnable »[76].
Il refuse la Légion d'honneur en 2013, tout comme il a refusé d'entrer en franc-maçonnerie, par désintérêt pour des cérémonials pesants[réf. souhaitée], affirmant : « Oui, je suis un homme libre. J'admets ma fierté d'être avocat, d'avoir refusé la Légion d'honneur et la franc-maçonnerie »[25],[77].
En , Éric Dupond-Moretti se déclare partisan de l'interdiction du Front national, tout en précisant que « c’est compliqué car après, il y a reconstitution de ligue dissoute »[78].
Le 15 avril 2018, il déclare sur LCI ne pas avoir les compétences d'un ministre de la Justice, et qu'il n'acceptera jamais ce poste.
En , il plaide pour les policiers présumés victimes de la réaction virulente de Jean-Luc Mélenchon et de ses proches aux perquisitions effectuées à son domicile et au siège de La France insoumise en . Au moment de l'affaire, Jean-Luc Mélenchon fait allusion à de supposées proximités entre Éric Dupond-Moretti et le pouvoir présidentiel, en réponse de quoi l'avocat lui conseille de « prendre une camomille ou de l'homéopathie pour se calmer »[79].
En , il signe avec 40 personnalités du monde du spectacle et de la culture, parmi lesquelles Denis Podalydès, Pierre Arditi, l'ex-ministre de la Culture Françoise Nyssen ou le journaliste Patrick de Carolis, un appel contre l'interdiction de la corrida aux mineurs que la députée Samantha Cazebonne voulait introduire dans une proposition de loi sur le bien-être animal[80].
Le , il se prononce contre l'utilisation de pseudonymes sur les réseaux sociaux (une pratique souvent assimilée à une forme d'anonymat[81]). À ce sujet, il déclare : « Il faut interdire toute communication sur les réseaux sociaux qui ne serait pas signée. L'anonymat libère un tas de lâches qui peuvent dire toutes les conneries du monde »[82],[83].
Une nomination controversée
Le , il est nommé garde des Sceaux, ministre de la Justice dans le gouvernement Jean Castex[19]. La nomination de cette « personnalité clivante » provoque « un très vif émoi dans la magistrature »[84] et suscite l'opposition de l'Union syndicale des magistrats, qui y voit une « déclaration de guerre à la magistrature »[85]. Dans les jours qui suivent la proclamation du nouveau gouvernement, des militantes féministes manifestent contre la nomination de Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur et contre la sienne à la Justice. Elles lui reprochent « un désintérêt et des attaques » contre les prises de paroles de femmes victimes de violences[86].
Lors de la passation des pouvoirs, le , il promet de faire de son ministère « celui de l’antiracisme et des droits de l'homme »[87]. Sa première visite officielle a lieu le jour même à la prison de Fresnes, dans le Val-de-Marne[88].
Il choisit comme directrice de cabinet Véronique Malbec, magistrate, jusqu'alors secrétaire générale du ministère de la Justice[89]. Selon La Lettre A, celle-ci « joue un rôle central dans la reconfiguration à tous les étages de la Chancellerie » et « a la main sur les nominations stratégiques dans les grandes directions et au sein de l'équipe d'Éric Dupond-Moretti »[90]. Alors que la magistrate Charlotte Bilger est remerciée seulement trois jours après sa nomination comme conseillère spéciale d'Éric Dupond-Moretti, Le Monde indique que son départ a été poussé par Véronique Malbec, « guère enthousiaste à l'idée d'accueillir une conseillère spéciale qui, comme c'est l'usage, ne rendrait compte qu’au ministre », et relève que celui-ci « n'a choisi aucun membre ou presque » de son cabinet. Par ailleurs, ce départ « vient nourrir la question d'une possible intervention politique », Charlotte Bilger ayant mis en examen, le , le président du MoDem, François Bayrou, et plus d'une dizaine d'élus ou de cadres du parti pour « complicité de détournement de fonds publics » dans le cadre de l'affaire des assistants parlementaires du MoDem au Parlement européen[91].
Le 7 juillet 2021, Mediapart révèle qu’Éric Dupond-Moretti a omis de déclarer à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) plus de 300 000 euros de revenus[92]. À la suite d’un contrôle fiscal, « l'administration fiscale a reconnu la bonne foi d’Éric Dupond-Moretti et lui a accordé le bénéfice du droit à l’erreur » selon le ministère[93].
Annonces et mesures portées
À ses débuts, il doit conduire le dossier relatif à la loi bioéthique visant à légaliser la procréation médicalement assistée (PMA) pour les femmes seules ou les couples de femmes[94].
En avril 2021, il présente un projet de loi visant à « restaurer la confiance dans la justice ». Plusieurs dispositions du texte sont critiquées par les magistrats, notamment la possibilité de diffuser des audiences au grand public ou la généralisation des cours criminelles départementales, sans jury populaire, afin de désengorger les cours d'assises. En tant qu’avocat, Éric Dupond-Moretti s’était opposé à cette dernière mesure[95]. Le mois suivant, il annonce un plan pour réduire les délais de jugement des affaires civiles avec notamment l'embauche de 1 000 assistants de justice et de renforts de greffe[96].
À la suite de l’émoi suscité par la retenue de l’irresponsabilité du meurtrier de Sarah Halimi, il annonce le dépôt d'un projet de loi relatif à l'irresponsabilité pénale[97].
Élections régionales de 2021 et reconduction dans le gouvernement d’Elisabeth Borne
Lors des élections régionales dans les Hauts-de-France, Éric Dupond-Moretti se présente comme tête de liste dans le Pas-de-Calais pour la majorité présidentielle (LREM-MoDem-TdP-Agir-MEI), qui est conduite au niveau régional par Laurent Pietraszewski[98]. Durant la campagne, il présente le Rassemblement national comme « un véritable danger pour la démocratie » qu’il convient de « virer » des Hauts-de-France[99],[100]. Avec 9,1 % des suffrages exprimés, les listes de la majorité présidentielle sont éliminées au premier tour[101] : dans le Pas-de-Calais, la liste d'Éric Dupond-Moretti obtient 8,7 %[102].
En mai 2022, il est reconduit dans ses fonctions par Emmanuel Macron dans le nouveau gouvernement d’Elisabeth Borne. Il renonce aux élections legislatives des 12 et 19 juin[103].
En juillet 2022, avec seulement 30 % d’opinion favorable, sa cote de popularité s’inscrit bien en dessous de celles de ses prédécesseurs après deux ans d’exercice, 73 % des sondés jugeant par ailleurs que la justice fonctionne mal[104].
Accusations de conflits d'intérêts et suites judiciaires
Le 1er juillet 2020, soit quelques jours avant la nomination d'Éric Dupond-Moretti, l'Inspection générale de la Justice (ICJ) est saisie par la garde des Sceaux Nicole Belloubet « aux fins de conduire une inspection de fonctionnement sur une enquête préliminaire traitée par le parquet national financier (PNF) de mars 2014 à décembre 2019 »[105],[106] suite aux révélations du magazine Le Point concernant l'affaire Bismuth[107] et l'affaire Fillon[108],[109] qui ont déclenché une pluie de critiques dans le monde politique et judiciaire[110],[111],[112]. À l'occasion de ces révélations, Éric Dupond-Moretti a découvert qu’il avait été placé sur écoute comme d'autres avocats par le PNF. Fin juin 2020, il dénonce alors « une clique de juges qui s'autorise tout »[113] à propos des magistrats du PNF et annonce porter plainte porter plainte pour atteinte à la vie privée[114] dans ce qui devient l'« affaire des fadettes »[115].
Dès sa nomination, Éric Dupond-Moretti se retrouve donc dans une position délicate puisqu'il doit recevoir le rapport de l'ICJ commandé par sa prédécesseure sur une affaire dans laquelle il est involontairement et indirectement impliqué. Il retire sa plainte contre le PNF mais l'enquête se poursuit et elle est finalement classée sans suite en « l'absence d'infractions » par le parquet de Nanterre[116].
Selon Fabrice Arfi de Mediapart et Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature, Éric Dupond-Moretti est dans une situation de conflits d'intérêts dans ses relations avec le PNF, auquel il est publiquement hostile depuis plusieurs années et sur lequel il a autorité :
- il figure parmi plusieurs avocats parisiens visés par des actes d'enquêtes du PNF menés en marge de l'affaire Bismuth et révélés par Le Point ;
- il est un ami de l'avocat Thierry Herzog, prévenu pour « corruption » avec Nicolas Sarkozy dans le procès de l'affaire Bismuth et cité dans l'un des volets de l'affaire Sarkozy-Kadhafi, dont le PNF est chargé[117],[118].
Le 15 septembre 2020, l'Inspection générale de la Justice rend à Éric Dupond-Moretti son rapport concernant l'affaire des fadettes en parallèle de l'affaire Bismuth. Les conclusions du rapport qui soulèvent une série de dysfonctionnements mais écartent des dysfonctionnements majeurs sont qualifiées de « mitigées » ou « nuancées »[119],[120],[121].
Trois jours plus tard, le 18 , il demande une enquête administrative sur les trois magistrats du PNF (Patrice Amar, Lovisa-Ulrika Delaunay-Weiss, ainsi que leur responsable hiérarchique à l'époque des faits, Éliane Houlette) à l'origine de l'enquête l'ayant visé avec d'autres avocats[122]. Cette annonce suscite de vives réactions publiques des représentants syndicaux de la magistrature[118] qui l'accusent de se venger[123],[124]. L'ordre des avocats saisit peu après le tribunal judiciaire de Paris pour faire reconnaître une faute lourde de l'État mais sa requête est rejetée en novembre 2021[125]. Face aux critiques dans la magistrature et dans la presse, Éric Dupond-Moretti se déporte en octobre au profit du Premier ministre Jean Castex puis est officiellement écarté de l'enquête visant le PNF[126],[127]. Néanmoins, le 17 décembre 2021 les deux principaux syndicats de magistrats l'Union syndicale des magistrats et le Syndicat de la magistrature annoncent porter plainte contre Éric Dupond-Moretti pour prise illégale d'intérêts[128],[129].
Le , le procureur général près la Cour de cassation, François Molins, annonce dans un communiqué qu'il va ouvrir une information judiciaire visant le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, pour de possibles « prise illégale d'intérêts ». Cette information judiciaire sera confiée à la commission d'instruction de la Cour de justice de la République (CJR), compétente pour instruire les affaires concernant les ministres dans l'exercice de leurs fonction[130] qui a jugé recevables les plaintes émises par Anticor et les syndicats de magistrats[131],[132],[130]. Les plaignants lui reprochent d'avoir ordonné des poursuites administratives contre trois magistrats du parquet national financier (PNF) ayant participé à une enquête préliminaire visant à identifier l'informateur de Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog dans le cadre de l'affaire Bismuth[130],[133]. Les plaignants reprochent également au garde des Sceaux d'avoir ouvert une seconde enquête administrative visant le juge Édouard Levrault, alors qu'Éric Dupond-Moretti avait publiquement mis en cause le magistrat quand il était lui-même avocat, et que l'un de ses clients avait porté plainte contre lui[130],[133].
Réagissant à cette procédure, le constitutionnaliste Olivier Beaud affirme : « M. Dupond-Moretti a hérité de cette affaire en arrivant à la chancellerie. Aurait-il dû démissionner parce qu'il en était l'une des victimes ? Sauf à considérer que les magistrats jouissent d'une impunité totale, il était de son devoir, au contraire, d'enquêter, de tirer au clair les raisons qui ont conduit des magistrats du PNF à faire cette enquête secrète[134]. ».
Par ailleurs, le , L'Obs révèle qu'il est intervenu pour tenter d'assouplir les conditions de détention des deux assassins du préfet Claude Érignac, dix ans après la condamnation d'Yvan Colonna, qu'il défendait alors en tant qu'avocat[135].
Le , il est mis en examen pour « prise illégale d'intérêts » par la CJR. C'est la première fois qu'un garde des Sceaux en exercice se retrouve sous ce statut[136]. Sa requête soulevant l'« irrecevabilité des plaintes à l'origine de la saisine de la CJR » et « la partialité du procureur général près la Cour de cassation » est rejetée[137]. Un procès est requis par le ministère public de la CJR, la décision finale appartient à la commission d'instruction de la CJR[138].
Publications
- Avec Stéphane Durand-Souffland, Bête noire, Michel Lafon, 2012
- Avec Loïc Sécher, Le Calvaire et le Pardon, Michel Lafon, 2013
- Avec Stéphane Durand-Souffland, Directs du droit , Michel Lafon, 2017
- Avec Laurence Monsénégo, Le Dictionnaire de ma vie, Kero, coll. « Ker.Bio/Autobio », , 234 p. (ISBN 978-2-36658-299-4 et 2-36658-299-4)
- Avec Denis Lafay, Le Droit d'être libre, éditions de l'Aube, 2018
- Avec Denis Lafay, Ma liberté, éditions de l'Aube, 2019
Dans la culture populaire
Filmographie
- 2013 : Les Salauds de Claire Denis : lui-même
- 2014 : Vos violences de Antoine Raimbault : l'avocat
- 2016 : L'Affaire de maître Lefort de Jacques Malaterre : un ténor du barreau
- 2017 : Chacun sa vie de Claude Lelouch : le président de la Cour d'assises
- 2018 : Neuilly sa mère, sa mère ! de Gabriel Julien-Laferrière : lui-même
En 2013 commence à être diffusée la série télévisée Vaugand, dont les réalisateurs se sont inspirés d’Éric Dupond-Moretti pour camper le héros, « un homme de loi, entre grande gueule et ours mal léché »[25].
En 2019, son rôle est interprété par Olivier Gourmet dans le film Une intime conviction, qui place l'intrigue au cœur de l'affaire Suzanne Viguier.
Théâtre
À partir du , Éric Dupond-Moretti se produit seul sur scène au théâtre de la Madeleine dans Éric Dupond-Moretti à la barre, co-écrit avec Hadrien Raccah et mis en scène par Philippe Lellouche[139].
Télévision
En , il est membre du jury de l'émission Le Grand Oral, diffusée sur France 2[140].
Notes et références
- « Portrait d'Eric Dupond-Moretti, l’avocat médiatique qui défend Abdelkader Merah », sur Franceinfo, (consulté le ).
- « 10 choses à savoir sur l'avocat pénaliste Éric Dupond-Moretti avant sa venue à Nice - Nice-Matin », sur nicematin.com, (consulté le ).
- « Portrait d'Eric Dupond-Moretti, l’avocat médiatique qui défend Abdelkader Merah », sur francetvinfo.fr, 8 novembre 2017.
- « VIDEO. 13h15. Justice : comment est née la vocation de l'avocat Eric Dupond-Moretti », sur francetvinfo.fr, Brut, (consulté le ).
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- Philippe Bilger (interview) et Éric Dupond-Moretti, « Philippe Bilger les soumet à la question : Éric Dupond-Moretti », sur YouTube, (consulté le ) L'extrait relatif au grand-père se trouve environ 1 minute 25 secondes après le début de la vidéo.
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Voir aussi
Bibliographie
- Christophe Perrin et Laurence Gaune, Parcours d'avocat(e)s, Le Cavalier bleu,
Liens externes
- Isabelle Horlans, « Eric Dupond-Moretti, l'enragé », , Le Parisien Magazine
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