130e régiment d'infanterie

Le 130e régiment d'infanterie (130e RI) est un régiment d'infanterie de l'Armée de terre française créé sous la Révolution à partir de la 130e demi-brigade de première formation. Dissout en 1814, il est recréé en 1873 et combat pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale.

130e Régiment d'Infanterie

Insigne régimentaire du 130e Régiment d’Infanterie

Création 1795
Dissolution 1940
Pays France
Branche Armée de terre
Type Régiment d'Infanterie
Rôle Infanterie
Garnison Mayenne
Ancienne dénomination Royal Mayenne
Devise « Tout droit ! »
Inscriptions
sur l’emblème
Loano 1795
Burgos 1812
Montmirail 1814
Arcis-sur-Aube 1814
Verdun 1916
Champagne 1918
Argonne 1918
Anniversaire Saint-Maurice
Guerres Italie 1795-1796
Espagne 1811-1813
France 1814
Tunisie 1881-1884
Première Guerre mondiale
Seconde Guerre mondiale
Fourragères aux couleurs du ruban de la Croix de Guerre 1914-1918.
Décorations Croix de guerre 1914-1918
deux palmes
une étoile de vermeil
une étoile d’argent

Création et différentes dénominations

Colonels/chef-de-brigade

Le lieutenant-colonel Rousseau, commandant le 130e RI pendant la Grande Guerre, à partir de 1917.
  • 1905 : colonel Maurice Balfourier

Seconde Guerre mondiale

Historique des garnisons, combats et bataille du 130e régiment d'infanterie de ligne

Révolution et Empire

  • 1795 : Loano
  • 1811 : Santeter, Cabezon-del-Sal, et Torrelavega
  • 1812 : Tejo et Burgos
  • 1813 : Santona, Pampelune, Sarre, et Bayonne
  • 1814 : Montmirail, Bar-sur-Aube, Echelle, et Arcis-sur-Aube

Officiers tués ou blessés durant leur service dans le 130e régiment d'infanterie entre 1811 et 1814 :

  • Officiers tués : 20
  • Officiers morts des suites de leurs blessures : 3
  • Officiers blessés : 25

De 1873 à 1914

Le régiment est recréé en 1873

Première Guerre mondiale

Affectations: casernement Mayenne, 15e brigade d'infanterie, 8e division d'infanterie, 4e corps d'armée.

Officiers du 130e R.I. en 1910

1914

Le , le 130e régiment d'infanterie tenait garnison à Mayenne ; il était composé en grande partie de Manceaux, de Bretons et de Parisiens ; le colonel Laffargue le commandait. Lors de la déclaration de guerre, les opérations de mobilisation, très activement poussées, s’effectuèrent dans le plus grand calme avec une régularité parfaite ; les réservistes, animés du plus bel enthousiasme, rejoignirent ponctuellement et le le régiment, à effectif complet, était prêt pour partir. Le défilé dans les rues pavoisées de la ville, à travers une foule frémissante d’espérances, acclamant frénétiquement les troupes, leur jetant des fleurs et des souhaits, fut impeccable ; l’embarquement, le voyage se firent sans incidents et le le 130e arrivait à Verdun, puis gagnait les cantonnements de Samogneux, Champigneulles et Vacherauville.

Combat de Mangiennes

Le 9, les bataillons occupent les emplacements étudiés la veille. L'État-Major du régiment se porte à Chaumont-sur-Aire. À 18 h, les 1er et 2e bataillons reçoivent l'ordre d'aller occuper Mangiennes (état-major et 1er bataillon) et Billy-sous-Mangiennes (2e Bataillon). Le 3e Bataillon est réservé comme garde de l'A.C. Le 1er bataillon, l'État-major arrivent à 24 h à Mangiennes où on trouve un bataillon du 91e Régiment d’Infanterie et un escadron du 3e Régiment de Dragons.

Le 10, à 6 h, le colonel commandant le 14e Régiment de Hussard signale un mouvement ennemi (infanterie, cavalerie, artillerie) venant de la direction d'Arrancy et marchant vers Pillon. À 9 h, l'infanterie ennemie entre dans le village de Pillon. Le bataillon de Busserolle alla alors prendre position à l'Est de Mangiennes au mamelon 222 ; le bataillon Fadat du 130e reçoit l'ordre de rejoindre le bataillon de Busserolle dès que le 102e Régiment d’Infanterie serait arrivé à Billy-sous-Mangiennes. La compagnie Esnard fut envoyée au-delà du ruisseau, les compagnies Besson et Le Borgne furent mises en ligne à la crête du mamelon ; la compagnie Caplat en réserve au pied des pentes.

Dès que la compagnie Esnard atteignit la crête opposée, elle fut prise sous un feu de mitrailleuses et d'artillerie qui l'obligea à regagner son bataillon où elle fut également mise en réserve. À 13 h 20, le bataillon Fadat venait aussi se former en réserve derrière le 1er. À 13 h 45, les Allemands ouvrirent un violent feu d’artillerie sur le mamelon 222 et de mitrailleuses que le régiment supporta admirablement ; une batterie d'artillerie du 2e régiment d'artillerie placé à la côte 225 (1 500 m Nord-Ouest de Mangiennes) et une du 31e régiment d’artillerie placée à la côte 209 (km Sud-Ouest de Mangiennes) répondirent au feu des allemands et firent diminuer le feu des batteries qui nous étaient opposées. À 16 heures, un détachement de mitrailleuses ennemies vint se placer à 600 m. Sud-Est de la cote 244 (croupe Nord-Ouest de Billy-sous-Mangiennes). C'est alors que pour dégager le bataillon de 1re ligne et le porter à l'abri sur les pentes Sud, 2 compagnies (compagnies Thannberger et Le Faou) furent déployées. Mais ce mouvement déclencha un bon d'en avant de toute la tranché qui continua jusqu'au ruisseau. Plusieurs passèrent le ruisseau de la Loison et continuèrent à la baïonnette : il leur fallut, au prix de grandes difficultés, traverser la rivière Loison, large seulement de quelques mètres, mais au fond extrêmement vaseux. Les fractions qui réussirent à passer arrivèrent au contact de l’ennemi et engagèrent un furieux corps à corps ; le lieutenant Jaray tomba glorieusement à la tête de sa section en lui criant : “En avant! Vive la France!” Le capitaine Isnard trouva également une mort glorieuse en avant de sa compagnie. Mais, accablés par les feux de l’ennemi, les hommes ne pouvaient plus avancer, ils durent obéir à l’ordre de repli et revinrent occuper les positions de départ. Ils avaient lutté contre un régiment de cavalerie, un bataillon de chasseurs à pied, des batteries d’artillerie ; ils avaient reçu le baptême du feu ; ils avaient aussi, les premiers sur le front de l’armée, engagé un combat sérieux avec l'adversaire. Et ce combat fut un succès marqué : pendant plus de huit jours l'ennemi s’abstint de toute manifestation ; en outre, la quantité de matériel qu’il abandonna sur le terrain, lances, équipements, sacs, etc., fut un indice probant de son désarroi.

Le , au soir le régiment se reformait à Romagne-sous-les-Côtes.

Le 20, après avoir cantonné à Damvillers et à Peuvillers, le 130e reçoit l'ordre de reprendre la marche en avant.

Le 21, il est à Lamorteau ; le passage de la frontière belge, la réception enthousiaste des populations qui voyaient en eux des libérateurs est un souvenir inoubliable pour ceux qui ont vécu cette époque. L’ennemi était cependant signalé à proximité, vers l’est.

Combat de Virton

Le 22, à 4 h du matin, le régiment quittait, Dampicourt et s’engageait sur la route de Virton comme avant-garde de la division ; un épais brouillard rendait les reconnaissances très difficiles. À 800 mètres nord du village, la pointe fut accueillie par une violente fusillade : les Allemands avaient déjà construit des tranchées pour tireurs à genoux. Malgré la surprise, l’ignorance où l'on était des positions de l’ennemi, les bataillons se déployèrent avec une célérité et un ordre parfait ; mais nos feux de sections et de mitrailleuses n"arrivèrent pas à dominer l'adversaire. Après plusieurs replis alternant avec d’énergiques contre-attaques, le régiment, écrasé sous le nombre, se replia sur Virton. De midi à minuit, les éléments rassemblés continuèrent la lutte : par des prodiges de valeur, ils résistèrent à toutes les tentatives d’avance de l'ennemi et permirent la retraite de l’artillerie ; c’est très tard dans la nuit que, leur mission remplie, ils se replièrent et rentrèrent à Lamorteau. 1 450 braves manquaient à l’appel et parmi eux le colonel Laffargue qui, à la tête des troupes lancées à la contre-attaque, avait trouvé une mort glorieuse dans la matinée. Le colonel Chabrol, commandant la 15e brigade, fut également tué au cours de cette pénible journée.

Le , le 130e défend le pont sur la Chiers aux environs de Velosnes et y cantonne.

Le 24, il se porte sur la ferme de Valendon, puis Marvaux ; il effectue la traversée de la forêt de la Woëvre, cantonne successivement à Doulcon, Romagne-sous-Montfaucon, Andevanne, organise défensivement la ferme du Grand-Carré et passe en réserve le 31, à Villers-devant-Dun. Le lieutenant-colonel De Parscau Du Plessix prend le commandement du régiment.

Le 1er septembre, le 130e, arrière-garde du 4e Corps d'armée battant en retraite, atteint Sommerance.

Le 2, il est à Binarville et Servon où il reçoit l’ordre d’aller embarquer à Ville-sur-Tourbe.

Le , le régiment débarque à Pantin et va cantonner à Gennevilliers où il est reçu avec enthousiasme par la population. On entend la canonnade vers le nord-est : la bataille de la Marne est engagée.

Le 6, le 130e se porte sur Livry-Gargan et, dans la soirée, sur Condé-Sainte-Libiaire où il arrive le 7 dans la matinée ; le 8, il est au château de la Noue, le 9 à Montceaux où il reçoit la mission de défendre les passages de la Marne.

La bataille, à ce moment, bat son plein vers le nord ; à 15 h, on voit les colonnes allemandes battre en retraite sur May-en-Multien : la poursuite commence.

Quittant Montceaux dans la soirée du 9, le régiment, à marches forcées, traverse Meaux, Montagny, Nanteuil, Cuise-la-Motte où quelques éléments allemands d’arrière-garde tentent de s’opposer à sa marche ; le 13, il est devant le pont de Berneuil qu’il enlève après une brillante attaque dirigée par le commandant Dubost ; combat à Écaffaut et, par Tracy-le-Mont, Tracy-le-Val, se porte sur le pont de Bailly où il capture le détachement chargé de la défense ; une formation sanitaire allemande est faite prisonnière dans l'église de Tracy-le-Val.

Le 15, le 130e est en réserve à Offemont ; le 16, il se dirige sur Nampcel ; l’ennemi qui, depuis quelques jours, se reprend visiblement, résiste avec une énergie croissante et ce n'est qu’après un dur combat, que le ravin de Moulin-sous-Touvent peut être occupé. Après avoir cantonné à Chelles le 20, à Tressonsac le 21, à Laucourt, le 22, il marche ; le 23 sur Nesle où sont signalés de grands mouvements allemands : il exécute ainsi un grand mouvement de conversion vers le nord et arrive dans la Somme en avant de Roye.

Bataille de Rethonvillers

Le , le 130e, avant-garde de la division, avance lentement dans un brouillard très épais ; des forces importantes de Cavalerie ennemie sont signalées vers le nord. Il atteint Roye, dépasse Rethonvillers, le 3e bataillon du commandant Dubost en tête, quand, à 8 h 30, il est chargé par un peloton de cavaliers allemands, puis soumis à une violente fusillade de flanc, venant de Billancourt et balayant la route de Rethonvillers à Nesle ; les formations de combat sont rapidement prises malgré l'entrée en action de l'artillerie adverse. Le régiment tout entier fait face à l’ennemi cependant que le brouillard se dissipe : on voit alors les mitrailleuses ennemies en position dans les maisons de Billancourt et, en avant du village, de fortes masses de tirailleurs. Appuyé par quelques pièces de 75 du 31e Régiment d'artillerie, le 130e exécute des tirs serrés et précis de mousqueterie qui font refluer l'ennemi ; à 11 h 30, celui-ci débouche en formations serrées ; des sections entières sont fauchées par nos feux et de nouveau les ennemis se replient ; le combat cesse. Nous n’avons pas perdu un pouce de terrain, mais les pertes en officiers et en hommes sont sensibles, et le mouvement en avant est arrêté.

Le 24, le régiment se fortifie autour de Rethonvillers en attendant des renforts : les Allemands, ayant reçu le XXIe corps, reprennent l’attaque à 12 h 30, venant du nord et de l'est. Les nôtres résistent avec acharnement dans leurs tranchées improvisées ; mais le régiment qui appuie notre droite faiblit et découvre notre flanc : nos tranchées sont soumises à un violent tir et les Allemands parviennent à y pénétrer. Le 1er bataillon du commandant De La Chenelière s’accroches désespérément et tient quand même. À 5 h 45, les Allemands arrivent en masses de la direction de Sept-Fours, ayant exécuté un vaste mouvement tournant sur notre gauche. Cette fois, débordé de tous côtés, écrasé par la supériorité numérique de l’ennemi et par la forte concentration de ses feux, le régiment doit se replier sur Carrépuis ; soutenu par l'artillerie, il s’organise défensivement, construisant des tranchées au nord et au nord-est du village.

Le est employé à la consolidation de la ligne occupée, malgré la violence du bombardement. L’ordre est reçu de tenir à tout prix : en dépit de l’intensité des tirs de l’artillerie allemande qui bouscule les tranchées, incendie le village de Carrépuis, canonne et détruit une partie de Roye, le 130e ne rompt pas d'une semelle, les 27, 28 et 29 ; il faut la chute de Champien, défendu par une division voisine pour amener le mouvement de repli ; nous allons occuper une position plus à gauche et à cheval sur l’Avre.

L’exécution du mouvement, commencée le 29 à 19 h 30, prend fin le 30 à 4 h ; le régiment cantonné à Erches 1er et 2e bataillons et Andechy et le 3e bataillon est en réserve de corps d’armée.

Le 1er octobre, le 1er bataillon est envoyé à Parvillers (groupe du général Colas) pour coopérer avec le 121e à la reprise de Fresnoy-lès-Roye dont les Allemands se sont emparés la nuit précédente ; le 2e bataillon part pour Quesnoy-en-Santerre, dont il organise défensivement la lisière Est ; l’après-midi, le commandant de ce bataillon le capitaine Sandaucourt est envoyé avec deux compagnies au sud de la Chavatte ; le 3e bataillon va à Damery. Le 2 dans la soirée, le 2e bataillon reçoit l’ordre du se rendre à Fouquescourt avec le lieutenant-colonel De Parscau qui prend le commandement d’un groupe composé du 2e bataillon du 130e, de deux compagnies du 92e régiment d'infanterie et d’un détachement cycliste, groupe sur lequel les Allemands tentent dans la nuit une violente attaque qui est repoussée.

Le 3, à 20 h, le 1er bataillon se déplace de Parvillers à Rouvroy-en-Santerre.

Le 4, le 2e bataillon rejoint Rouvroy-en-Santerre également, mais une compagnie du 1er bataillon est envoyée à Fouquescourt et deux compagnies au sud de Maucourt.

Le 5, à 19 h, départ pour Erches des 1er et 2e bataillons, le 3e étant déjà engagé à Andechy.

Le 6 le 2e bataillon part dans la direction d’Andechy ; le soir, le régiment formé à deux bataillons, occupe les tranchées autour d’Erches, face à Andechy et à Quesnoy-en-Santerre, dont les Allemands se sont emparés. Le lieutenant-colonel De Parscau étant appelé au commandement de la 15e brigade, le commandant De La Chenelière prend le commandement du régiment.

Le , à 18 h, le 130e reçoit l’ordre d’attaquer immédiatement Andechy avec les autres régiments de la division ; mais l'ennemi, bien retranché et ayant placé des mitrailleuses aux issues du village, arrête le mouvement et effectue une contre-attaque qui l’amène à proximité d’Erches ; un violent combat se poursuit jusqu’à 3 h du matin, heure à laquelle le régiment parvient à réoccuper ses tranchées de départ. C'est la fin de la guerre de mouvement : elle a duré sept semaines environ et, pendant cette période, le régiment n’a cessé de prouver son ardeur et sa valeur combative : à Mangiennes, à Virton et à Rethonvillers, en face d’un ennemi toujours supérieur en nombre et aidé par un matériel incomparable, le 130e a toujours engagé vaillamment la lutte ; trop souvent désavantagé au point de vue des positions de combat, il a néanmoins rendu avec vigueur les coups qu’il recevait et en a plus d'une fois imposé à ses adversaires. Une troupe qui, dans les premiers engagements, avait et gardait au feu une telle attitude ne pouvait déchoir : elle le prouva dans l’avenir.

La guerre de tranchées

La guerre de tranchées va commencer. Le début en est pénible : il faut faire comprendre aux hommes l’immense intérêt qu'ils ont à faire des travaux de terrassement, des abris ; il faut les instruire. La longue stagnation, les intempéries de l'automne sont nécessaires pour qu’ils se rendent compte de la nécessité d'une ligne de défense continue, de moyens de communications, de boyaux, d’abris à l’épreuve des projectiles de plus en plus pénétrants. De plus, la distance réduite entre les deux lignes amenait la création de nouveaux engins : grenades, torpilles, etc., que les hommes devaient apprendre à utiliser. C’est dans le secteur d’Erches que le régiment s’initia à ces nouvelles méthodes du guerre.

Le , le lieutenant-colonel De Parscau reprit le commandement. Du 9 au 14, le temps se passa à s’organiser défensivement, à se rapprocher de l’ennemi par de nouvelles lignes du tranchées.

Le 14, à 20 h 45, les Allemands lancent deux colonnes à l’attaque de nos tranchées ; immédiatement alertés, les bataillons répliquent par une très vive fusillade qui arrête la progression ; à 23 h 30, L'attaque est définitivement repoussée.

Les jours suivants sont employés à perfectionner les défenses accessoires ; Erches est fréquemment bombardé. Guerbigny est désigné comme cantonnement de repos et occupé à tour de rôle par chacun des bataillons.

Pendant ce temps, les Allemands ne cessent de bombarder Erches et les environs par avions et par canons ; le 24, un obus atteint et brûle le clocher.

Le 27, l’ordre arrive de prendre une attitude offensive constante pour inquiéter l’ennemi et lui interdire tout prélèvement de troupes ; pendant que la 62e Division d'infanterie attaque et reprend Quesnoy-en-Santerre, le 130e reçoit l’ordre d’attaquer Andechy.

Combat d’Andechy

L’opération commence le , à 5 h du matin. À ce moment, le 1er bataillon du commandant De La Chenelière se porte dans une tranchée incomplètement terminée construite la veille par le génie, à environ 900 mètres du village ; le 2e bataillon commandant Manet se mit un peu en arrière et le 3e se tint à la disposition du général de division.

Le moment de l'attaque, d’abord fixé à 8 h, fut reporté à 10 h 45 en raison du brouillard : notre artillerie ouvrit le feu, le 2e bataillon se mit à la hauteur du 1er et tous deux se portèrent en avant. Aussitôt de nombreuses batteries ennemies, de tous calibres, dirigèrent simultanément un feu extrêmement violent et précis ; malgré les rafales, malgré les pertes, les bataillons progressèrent sur 300 mètres ; mais à ce moment se déclenchèrent des feux de mousqueterie et de mitrailleuses sur les deux côtés de l’attaque ; les bataillons durent se terrer d’abord, puis ils tentèrent d’avancer encore en rampant. Même le commandant Manet, tenace, voulut essayer de charger à la baïonnette, mais il dut s’arrêter, à 400 mètres du village, son bataillon étant décimé.

La nuit vint, les unités éparses, emmêlées, purent être regroupées, mais déjà le manque de cadres se faisait sentir. La journée avait été dure en effet : elle coûtait au 130e 668 hommes tués, blessés ou disparus, et 15 officiers. Les chefs de bataillon de la Chenelière et Manet, qui depuis le premier jour faisaient preuve des plus belles qualités militaires, furent grièvement blessés à la tête de leurs unités.

Tous, d'ailleurs, furent admirables, et les témoins de cette affaire ne peuvent, sans émotion, se rappeler l'ordre parfait des troupes au moment de leur sortie, ainsi que leur calme et la froide énergie qu’ils déployèrent pour se maintenir toute la journée sur un terrain terriblement arrosé par un ennemi invisible.

Le , le régiment reçoit l’ordre de recommencer l’attaque de la veille, à 6 h ; le contre-ordre parvient à 5 h. Une demi-heure après, notre première ligne est prise à partie par les Allemands et soumise à une violente fusillade qui l’oblige à modifier légèrement sa position. Le soir, tout le régiment va cantonner à Guerbigny.

Le 6, le régiment se réorganise ; le soir, il reçoit l’ordre d’aller réoccuper ses emplacements de la veille : face à Andechy et en avant d’Erches ; les bataillons reprennent donc les tranchées et le travail d’organisation défensive.

Le 11, à 18 h 30, le régiment est envoyé à Hangest-en-Santerre et mis à la disposition de l'armée ; tout en conservant cette dernière situation, il part le 18, pour Harbonnières.

Le 23, arrive l'ordre d’embarquement à Guillaucourt ; le contre-ordre parvient une heure après.

Le 1er décembre, nouvel ordre de départ immédiat, une demi-heure après, le 130e est rassemblé et s’achemine vers Le Plessier-Rozainvillers où il reste jusqu’au 4 ; puis, par Hangest-en-Santerre et Arvillers, il retrouve le secteur bien connu d'Erches, dont il améliorer les tranchées, où il ouvre des boyaux de communication malgré la fusillade incessante de l'ennemi.

Dans la nuit du 8 au , en particulier les 5e et 6e compagnies exécutèrent, dans le plus grand ordre, avec une activité et un sang-froid remarquables, un travail très important, reportant les tranchées à plusieurs centaines de mètres en avant. Malgré l'opposition de l’ennemi, mis en éveil dès le début de l’opération, les travaux se poursuivirent sans relâche, et furent menés à bonne fin. Guerbigny redevint le cantonnement de repos d’un bataillon.

Le secteur s’améliore ainsi progressivement jusqu’à la relève, qui a lieu dans la nuit du 26 au 27 ; le 130e va occuper les cantonnements de Royaucourt et Ferrières, et le 28 il s'embarque en chemin de fer à la station de Maignelay. Il arrive à Châlons-sur-Marne le 29 et se rend à La Cheppe où, pour la première fois, il prend un repos bien gagné. Depuis le début de la campagne, le régiment a perdu, en tués, blessés et disparus, 4 373 hommes dont 84 officiers.

1915

Le , le 130e part pour Saint-hilaire et Dampierre-au-Temple où l'instruction se poursuit jusqu’au  ; il gagne de là Courtisols, s'installe en bivouac, le 12, à la ferme Piémont et se rend le 16, à la cote 204 au nord-est de Suippes ; arrivé destination, le régiment reçoit l'ordre de s’en retourner cantonner à Suippes où il reste jusqu’au 18.

Perthes-lès-Hurlus

La période de Perthes-lès-Hurlus va commencer ; la 15e brigade est mise à la disposition de la 34e division d'infanterie.

Le , le 130e rassemblé au nord de la Maison forestière reçoit l’ordre d’attaquer les tranchées allemandes ; à 15 h, le 1er bataillon (commandant De Lattre) se met en mouvement pour prendre position derrière la tranchée parallèle à la lisière sud du bois 211 ; le lendemain 19 à 6 h, les 3e et 4e compagnies poussent en avant vers la lisière sud du bois 212 : elles sont reçues par une violente fusillade et des feux nourris de mitrailleuses qui les prennent de face et sur le flanc gauche. Les pertes sont très sévères ; le chef de bataillon, les deux commandants de compagnie, plusieurs officiers tombent. Il faut se replier dans le bois 211 où on attend le tir d’écrasement de l’artillerie à 11 h 30. À 10 h, le 2e bataillon du capitaine Wurtz avait reçu l’ordre de renforcer le 1er bataillon. À midi précis, après un violent feu d'artillerie sur le bois 212, les compagnies réunies sous le commandement du capitaine Wurtz, mirent baïonnette au canon et se portèrent avec un entrain admirable à l'attaque de la lisière. Mais, malgré l'héroïsme avec lequel les vagues d'assaut cherchèrent à atteindre leurs objectifs, elles ne purent progresser loin, prises de nouveau sous des feux meurtriers venus de flanc et de front ; le capitaine Wurtz fut tué, 15 autres officiers, 542 hommes furent tués ou blessés. Il fallut arrêter la progression et organiser la lisière nord du bois 211 ; dans la soirée, vers 20 h, une riposte allemande venant du nord-ouest, fut repoussée par les feux de l'infanterie, les mitrailleuses et l'artillerie.

Le 20 et le 21 se passèrent à creuser les tranchées en liaison avec les régiments voisins et à consolider les points conquis.

Le 22, le régiment relevé se réorganise à La Cheppe où il reste deux jours.

Le 25, il retourne aux environs de la Maison Forestière, le 3e bataillon (commandant Paillot) allant occuper les tranchées de première ligne.

Le 26, ce bataillon reçoit l’ordre d’attaquer le saillant ennemi qui lui fait face et dont un ravin le sépare ; l’heure H, fixée d’abord à 10 h, est remise successivement à 12 h, 13 h et 14 h. À ce moment, après un tir de préparation l'artillerie, la compagnie de droite (9e) bondit hors de la tranchée, parcourt une centaine de mètres et parvient au bas de la pente : là, elle est soumise à une vive fusillade qui cause de nombreuses pertes et met hors de combat les deux officiers de la compagnie ; quelques éléments gravissent cependant une partie du glacis et arrivent jusqu’au réseau de fils du fer où ils s’accrochent obstinément.

La compagnie de gauche (12e) était sortie de sa tranchée en même temps que la 9e, mais elle y était rejetée presque aussitôt par un tir violent de barrage et les mitrailleuses ennemies. À 14 h 13, une nouvelle tentative eut le même sort, cependant qu’à droite la 11e compagnie débouchait sur les traces de la 9e, mais dans sa course en avant, elle subit aussi de, fortes pertes et vit tomber ses deux officiers ; quelques hommes parvinrent jusqu’aux fractions de la 9e restées au bas de la pente. À la nuit tombante, les 9e et 11e compagnies rejoignirent en rampant leurs tranchées de départ. Malgré le courage, la ténacité dont tous firent preuve, l'attaque avait échoué en raison des difficultés du terrain ; elle nous coûtait 2 officiers tués, 2 blessés, 46 hommes tués, 61 blessés.

Le et les jours suivants, le régiment occupe les tranchées du bois 211 au nord de Suippes et de la Maison forestière.

Le , il est relevé par le 14e et va se reposer à La Cheppe jusqu'au  ; il va ensuite bivouaquer à la cote 152 (1 500 mètres nord de Somme-Suippe).

Le 12, le 130e est mis à la disposition de la 33e Division d'infanterie.

Le 13, il est rendu à la 34e Division d'infanterie.

Le 14, il est prêté à la 16e brigade et retourne à la cote 204 (4,5 km au nord-est de Suippes).

Le 15, la 10e compagnie sort de ses tranchées et, après un combat assez vif, réussit à progresser dans la direction du Fortin.

La relève a lieu le lendemain et le 130e retrouve une fois de plus les cantonnements de La Cheppe.

Pendant ces trente derniers jours, qui constituent ce qu’on a appelé “ la période de Perthes-lès-Hurlus “, le 130e avait fait preuve d’un allant remarquable. Il avait pris l’offensive à plusieurs reprises, dans des conditions de température et de terrain extrêmement défavorables : la pluie, tombant d'une façon continuelle, avait transformé les ravins et les tranchées en cloaques ; les boyaux comblés par les éboulements étaient presque partout impraticables ; les abris étaient rares, le ravitaillement très irrégulier même. Malgré les souffrances physiques et les pertes subies, le moral resta très élevé.

Quittant La Cheppe le , le régiment va cantonner à Mourmelon-le-Petit et Billy-le-Grand et, le jour suivant, occupe les tranchées aux environs des fermes de Moscou et de Constantine, au nord de Prosnes. Un bataillon est au repos à Sept-Saulx.

Le secteur est très calme ; tout le monde se consacre à son organisation tant au point de vue de la défense que de la construction et de l’amélioration des abris.

Le , le bataillon de repos est envoyé à Mourmelon-le-Petit.

Le , le cantonnement de repos est fixé de nouveau à Sept-Saulx pendant que les deux autres bataillons gardent les tranchées du secteur de Taissy ; ils accomplissent la même tâche qu’aux environs de Moscou où le 130e se retrouve le .

Le , il part bivouaquer au sud de Baconnes.

Offensive de Champagne

Le , le 130e va prendre sa place pour l’offensive de Champagne : il se porte dans les bois au nord du polygone de l'École normale, passe à Saint-Hilaire-le-Grand violemment bombardé, continue sa progression et stationne dans les boyaux Girault et Colas en attendant d’entrer en ligne ; il est à ce moment 5 h du soir. Deux bataillons vont s’installer dans la première ligne conquise au début de la journée : Épine Lambert et bois Y ; un bataillon et l’état-major, sont dans la ligne française.

Le 26, au matin, le 2e bataillon mis à la disposition du 2e zouaves et le 3e bataillon avec l’état-major se rendent au bois Y. Dans la nuit du 26 au 27, le 1er bataillon va occuper le bois 11 et la ligne à contre-pente conquise sur les Allemands. Il a pour mission d'attaquer la parallèle de Védegrange et de l’emporter à tout prix. Notre préparation d'artillerie est très intense sur toute la ligne à enlever ; l’ennemi répond surtout avec ses pièces de gros calibre tirant de derrière la Py et de la gauche des hauteurs de Moronvilliers. Les tranchées de départ sont à demi nivelées, les hommes qui s’y pressent sont impatients de monter à l’assaut ; le moment leur semble interminable. Enfin, à 16 h, le commandant Martin-Laprade, un fusil à la main, suivi d'un clairon et de sa liaison, monte sur le parapet et donne le signal de l’attaque. Animé du plus bel enthousiasme, le 1er bataillon débouche avec un ensemble impressionnant ; à sa droite, les zouaves et le 2e bataillon du commandant Du Boucher se portaient aussi résolument dans la direction de l'ennemi. Malgré 800 mètres à faire en terrain découvert, la ligne allemande est abordé sur son ensemble et très rapidement enlevée; des fractions poussent jusqu’à la deuxième ligne. Le sergent Le Lorrec et le caporal Launay font 25 prisonniers dans un seul abri et les ramènent à l’arrière. Malgré la vive réaction de l'ennemi, dont l’artillerie couvre le champ de bataille de projectiles de tous calibres, le 130e s’accroche au terrain conquis et passe sa nuit à l'organiser.

Les jours suivants sont occupés à exécuter sous les obus, et malgré des pertes assez sévères, des travaux de terrassements et d’organisation défensive en première ligne, à l’Épine de Védegrange et à l’Épine Lambert.

Le , le régiment attaque à nouveau, mais le tir meurtrier de l’ennemi l’arrête devant des réseaux intacts de fils de fer et il doit regagner ses positions de départ. Il reprend la pelle et la pioche et le 20 il est relevé.

La France entière avait fondé de grandes espérances sur cette offensive de Champagne, la plus importante depuis le début de la campagne. Les résultats ne furent pas ceux qu’on en escomptait, mais le 130e peut être fier du rôle qu’il y a joué, en raison des admirables qualités d’élan, de bravoure et de ténacité qu'il déploya. Le chiffre des pertes qu’il a éprouvées a sa douloureuse et glorieuse éloquence: 1 285 hommes, 31 officiers, et parmi eux le médecin chef, le Dr Labadie, dont le souvenir restera vivace chez tous les troupiers pendant le reste de la campagne, et le très brave aumônier l’abbé Salles.

Remis à la disposition du 4e Corps d'Armée, le régiment se rassemble, le , dans le bois d’Aigny, à 3 kilomètres sud-ouest de Livry-sur-Vesle et par Dampierre, Saint-Étienne-au-Temple le 23, Togny-aux-Bœufs le 24, il atteint, ses cantonnements de repos le 26 à Vavray-le-Petit, et Doucey. Il s'y reforme ; l'instruction est reprise et se poursuit sans incident jusqu’au , jour où le régiment part pour aller occuper le secteur de Maisons-en-Champagne.

Maisons-de-champagne

La relève est terminée le 23. Le secteur, conquis sur les Allemands pendant l’offensive de septembre, est dans un état déplorable, sans organisation défensive. Le temps est affreux, la pluie tombe sans relâche, les boyaux sont des torrents de boue crayeuse où on s’enlise jusqu’à la ceinture. Les travaux sont rapidement mis en route, et le changement se fait sentir au bout de peu de jours. La lutte d’artillerie est assez violente.

Le secteur est occupé alternativement par le 130e et le 317e ; la relève a lieu tous les huit jours et le cantonnement de repos, d’abord fixé à Courtémont, est ensuite transporté à Dommartin-sous-Hans ; une compagnie est en soutien au Ravin des Pins.

Le , les reconnaissances d’officiers pour la relève sont prises sous une violente attaque allemande ; le soir le régiment est alerté ; le 10, il monte en ligne à la première heure, les ennemis ayant pris pied dans nos lignes pendant la nuit.

Les contre-attaques, sous la pluie, dans la boue, sans abris, durent quarante-huit heures ; elles nous permettent, non seulement d’arrêter la progression allemande, mais encore de reprendre une partie du terrain perdu. Le lieutenant-colonel De Parscau, blessé par une balle à la figure, garde son commandement. Nous faisons quelques prisonniers. Le , le calme renaît et l’organisation défensive du secteur est reprise activement.

Le 1er février, le lieutenant-colonel De Parscau est promu colonel et prend le commandement de la 15e brigade ; il est remplacé par le lieutenant-colonel Guy.

Le , le 130e reçoit la mission de rétablir notre ancienne première ligne. À 14 heures, le 2e bataillon, sous l’énergique impulsion du commandant De Lattre, sort des tranchées ; il progresse vite et résolument, emporte la position ennemie et remplit entièrement la mission qui lui avait été confiée.

Le temps continue d’être très mauvais, mais le secteur devient de plus en plus habitable. Le , les Allemands bombardant très violemment tout le secteur.

Le Lieutenant-colonel Guy est évacué. Le , le lieutenant-colonel Lebaud prend le commandement du régiment.

Des coups de main sur nos petits postes échouent le , les 9 et , grâce à la vigilance et à la courageuse défense de leurs occupants. Le dans la soirée, le régiment reçoit plusieurs rafales d’obus dans son cantonnement de repos de Dommartin.

Le , le 130e est relevé du secteur. Pendant six mois il a, sans gloire, sans éclat, enduré les pires souffrances et il laisse derrière lui 1 573 de ses enfants.

Le 27, il cantonne à Herpont et Herpine. Le , il est embarqué en autos et dirigé sur Verdun.

Bataille de Verdun

Parti à 7 h, le 130e débarque dans l'après-midi à Nixéville (8 kilomètres sud-ouest de Verdun) ; sous une pluie battante et par des chemins défilés, il gagne la Citadelle où il séjourne trente-six heures. Le 7, il se rend à la redoute M.F.2 et, à la tombée de la nuit, va se mettre en position sur la crête de Froideterre, aux ouvrages X, Y et Z, au sud de l‘ouvrage de Thiaumont ; appartenant au groupement D commandé par le général Mangin, il a pour mission de tenir coûte que coûte.

Les livres et les journaux ont, en mille occasions, tenté de dépeindre au grand public la scène où se déroula la tragédie de Verdun ; seuls, les acteurs ont pu les comprendre. Le sol bouleversé, chaotique, labouré sans répit par les obus de gros calibre ; l’air constamment déchiré par les rafales de mitrailleuses, empuanti par la décomposition de milliers de corps abandonnés sur le terrain ; les convois de ravitaillement anéantis par une grêle de balles ou l’explosion d’une « marmite » ; les relèves faites à tâtons dans le noir, les chutes sur des choses immondes, l’angoisse de la fausse direction ; la vie au milieu de la mort, la vie suspendue à un cheveu pendant des jours et des nuits. Pas de tranchées, pas d’abris, pas d'eau : du soleil, de la mitraille, des cadavres. Que les descriptions littéraires sont pâles auprès de telles sensations!

Jusqu’au , malgré un bombardement systématique et continu, malgré le manque de repos, les privations, le régiment tient énergiquement les positions qui lui ont été assignées ; l’Allemand fait sentir une pression incessante, il multiplie les tentatives pour nous faire lâcher pied : nous ne bougeons pas d’une semelle. Tout le monde, officiers et soldats, font preuve de la plus belle obstination, d’une suprême énergie et d’une bravoure poussée à l’extrème : tous gardent le moral haut et la meilleure humeur.

Le , le 2e bataillon du capitaine Martin redescend à Verdun ; le 1er du commandant Martin-Laprade va à M.F.2 et le 3e bataillon du commandant Petit reste en réserve.

Le 22, les trois bataillons sont réunis dans le quartier Saint-Nicolas.

Le 25, le 2e bataillon remonte en ligne ; il est rejoint, le 27, par le reste du régiment ; le secteur est encore plus agité que précédemment ; le pilonnage est fantastique, l’ennemi multiplie ses essais d’attaque. Rien n’ébranle nos poilus qui résistent farouches, opiniâtres jusqu’à ce qu’ils soient relevés, avec beaucoup de difficultés, dans la nuit du 2 au . Plus de 900 hommes manquaient à l’appel.

Les lieutenants De Fromont et Barboux, sous un tir d'écrasement, refusent d’être portés au poste de secours avant «ces braves qui, disent-ils, sont plus grièvement blessés» ; le lieutenant Barboux, le crâne ouvert, une jambe broyée, mourait le lendemain ; le lieutenant De Fromont, dont le corps n’était qu’une plaie, lui survécut deux jours.

Citons aussi le caporal mitrailleur Gillet qui, blessé à la tête au cours d’une attaque, restant seul survivant à sa pièce, installe celle-ci sur la plaine ; et tête nue, ruisselant du sang, en bras de chemise, il continue à servir sa mitrailleuse, coopérant ainsi à l’échec de la tentative ennemie.

Le soldat Ruban, grièvement blessé par un obus et se sentant perdu, dit à son sergent, pendant que les brancardiers l’emmenaient : «Tu diras que je meurs content parce que j’ai fait tout mon devoir.»

Les liaisons téléphoniques et optiques étant impossibles, les coureurs seuls entretenaient, sous les balles et les obus, la communication entre le régiment et les états-majors. Leur valeur fut à hauteur de leur tâche. Le coureur Marche fut en cours de route, mortellement atteint ; il expira le bras levé, gardant dans sa main tendue, par un suprême effort, la dépêche que recueillit le coureur suivant. Le coureur Fontaine, peu après, subit le même sort et mourut en criant : « Tant pis, c’est pour la France ». Le coureur Béliard, apportant un pli au Poste de Commandement du colonel, eut le pouce brisé et le ventre traversé par des balles; amené au poste de secours, il refusa d’être pansé avant qu‘on eût recueilli et transmis le pli dont il était porteur.

Relevé donc, dans la nuit du 2 au , le 130e se rend à Belleray et à Lempire ; il souffle durant quelques heures et le , il est à Combles et à Véel à 5 kilomètres de Bar-le-Duc. Le 9, on embarque à la gare de Mussey et, le 10, on va de Valmy cantonner à La Chapelle-Felcourt, au camp Rougon et à Hans.

Butte du Mesnil

Le , le régiment est en ligne à la Butte du Mesnil, au nord du Marson, secteur calme où toute l’activité est employée à l’organisation défensive et au regroupement du régiment, grâce à l’arrivée de plusieurs détachements de renfort.

Le 1er octobre, les Allemands font sur le régiment voisin un coup de main accompagné d’un violent feu d’artillerie sur notre secteur.

Le 16, à midi précis, deux équipes d'une quarantaine de volontaires, conduits par les sous-lieutenants Balignand et Jouve, font, sans aucune préparation d’artillerie, une incursion dans les tranchées ennemies. L’opération, vigoureusement menée, nous procure quelques prisonniers qui sont ramenés dans nos lignes avant que les Allemands ne soient revenus de leur surprise ; la réaction se traduit, aussitôt par un violent bombardement par obus de gros calibre. Plusieurs tentatives allemandes sur nos petits postes sont repoussées.

Le régiment est relevé le et commence une longue période de déplacements : Le Fresne et Moivre, le 18 ; Saint-Germain-la-Ville, le 22 ; embarquement en gare de Châlons-en-Champagne dans la soirée ; arrivée le 23 à Dormans ; départ pour Ville-en-Tardenois, où on commence une période d'instruction.

Le , le régiment quitte la 8e division d'infanterie et entre dans la 124e division d'infanterie.

Le général d'Infreville fait paraître l’ordre suivant :
Le général commandant la 8e division ne veut pas se séparer du 130e régiment d'infanterie sans rendre hommage à la part glorieuse qu’il a prise aux opérations dans lesquelles la division s’est trouvée engagée depuis le début de la campagne : Mangiennes, Virton, la Marne, le passage de l’Aisne à Berneuil, l’Épine de Védegrange et Verdun marquent les étapes où le 130e n’a laissé que de glorieux souvenirs.
Le général commandant la division reste fier d’avoir commandé à ces braves et sera toujours heureux de se retrouver à leurs côtés.
Il salue le drapeau du régiment et adresse à tous les officiers, sous-officiers, caporaux et soldats ses meilleurs vœux de gloire et de prospérité.»

Le , le régiment quitte Ville-en-Tardenois et par Romigny, Villers-Agron, Goussancourt, Coulonges, Cohan, Dravegny, il arrive à Chéry-Chartreuve. Là il effectue des manœuvres de régiment, de division et de cadres jusqu’au .

À cette date, le 130e part pour une longue randonnée ; il cantonne successivement à Oulchy-le-Château le 27, Oigny, Faverolles et Vouty (commune de Faverolles) le 28, Glaignes, Néry, Vérines et Le Plessis-Châtelain le 29, Saron (commune de Pont-Sainte-Maxence), Pont-Sainte-Maxence et Les Ageux le 30, 1er et , Neuilly-sous-Clermont, Bailleval, Béthencourt, Liancourt le 3, Mouchy-le-Châtel, Fayel, Heilles le 4, Berneuil, Les Viards, Saint-Sulpice, Saint-Quentin les 5 et 6, Lachapelle-aux-Pots, Hodenc-en-Bray, Le Vivier-Danger le 7, Sully, Escames, Buicourt, Héricourt, Homécourt, Buicourt le 8.

Il stationne dans ces derniers cantonnements, faisant de l’instruction, jusqu’au .

1917

Alors c‘est Monceaux-l'Abbaye, Colagnie-des-Bois, Mureaumont, Colagnie-des-Fenets le , Souplicourt, Frettencourt, Frettemolle le 2, Frémontiers, Uzenneville, Bergicourt, Brassy du 3 au 8. Le 9, le 130e est à Framerville et Harbonnières, où déjà il cantonna en .

La Somme

La bataille de la Somme est terminée ; il faut maintenant mettre en état le terrain conquis et organiser les secteurs ; c'est dans ce but que, le , nous nous trouvons devant Ablaincourt et Pressoir. Si la région est calme, la besogne ne manque pas : déblaiement et approfondissement des tranchées, ramassage de matériel, creusement de boyaux, pose de défenses accessoires et de caillebotis, etc. L’artillerie ennemie seule se montre assez active.

Dans la nuit du 21 au 22, le 130e retourne cantonner à Harbonnières, trois jours après il est envoyé dans le secteur du bois Kratz, entre Lihons et Chaulnes, où il continue les travaux du sous-secteur précédent.

Le , le lieutenant-colonel Lebaud est évacué. Le commandant De Lattre prend le commandement du régiment. Les Allemands sont tranquilles ; mais un froid extrêmement vif allant jusqu’à -25° rend les travaux très pénibles : la marche sur les caillebotis gelés est très difficile, les pioches se cassent, le matériel et les cadavres allemands ne peuvent être dégagés d’une terre dure comme un roc. L’état sanitaire du régiment n’en est pas moins excellent : pas de pieds gelés.

Le , le lieutenant-colonel Rousseau, nouvellement promu, prend le commandement du 130e.

Dans la nuit du 17 au 18, le régiment quitte le secteur, relevé par la 183e brigade britannique ; le 18, à midi, il est embarqué en autos à Harbonnières et arrive dans la soirée à La Faloise et Hallivillers.

Les pérégrinations reprennent : cantonnements le 21, à Campremy, Bois-l’abbé, Bois-Renault, Hédencourt ; le 23, à Saint-Just-en-Chaussée et Valescourt; les 24 et 25, à Liancourt, Bailleval, Béthencourt ; le 26, à Chaumontel et Lamorlaye ; le 27, à Gonesse et Le Thillay ; le 28, à Chelles et Gournay ; le 1er et le , à Ferrières-en-Brie, Bussy, Saint-Georges et Pontcarré ; le 3, à Fontenay, Trésigny, Écoublay, Le Ménil.

Là, le régiment prend le chemin de fer le et arrive le 5, à la première heure, en gare de Saint-Eulien à 10 kilomètres de Saint-Dizier ; il se met en route aussitôt et gagne les cantonnements de Chancenay, Saint-Dizier et Bettancourt.

Après trois jours de repos, le 130e s’achemine sous la neige vers L'Isle-en-Rigault et Trémont-sur-Saulx le 8, puis Louppy-le-Petit et Génicourt.

Il passe deux semaines dans ces derniers cantonnements, occupé à l’instruction des hommes sur le terrain, et surtout à l’entraînement des spécialités.

Le , il part, va cantonner une nuit à Courouvre et le 26 il occupe le sous-secteur des Chevaliers.

Les Chevaliers

Le sous-secteur des Chevaliers, avec le poste du lieutenant-colonel à P.C. 14, est à l’ouest de Saint-Mihiel, près du village de Vaux-lès-Palameix. Les bois aux fondaisons naissantes, les accidents de terrain permettant en maints endroits la circulation à découvert, les ravins de Vaux et des Bœufs, avec leurs flancs couverts de végétation, le ruisseau du Liseral aux eaux claires et rapides, tout fut un enchantement pour les hommes qui, depuis si longtemps, s’enterraient dans les plaines crayeuses, désolées et ravagées de la Champagne.

Le secteur fut assez tranquille ; il nous faut noter cependant de violents et quotidiens envois de grosses torpilles sur certains coins ; mais si les tranchées furent fréquemment bouleversées, les pertes furent relativement minimes. Le calme dans lequel vécut le régiment lui permit de se livrer à d'importants travaux d’organisation défensive. En outre, une installation de douches fut construite au bord du Liseral, ainsi qu'une buanderie permettant de fournir du linge propre aux hommes douchés.

L'ordre de relève arrive le  ; dans la nuit du 7 au 8, le régiment quitte avec regret le secteur des Chevaliers et, par Troyon, va cantonner à Chaumont-sur-Aire.

Le , il se rend à Sénart et, Charmontois-L’Abbé ; malgré la longueur de l’étape et une chaleur accablante, le 130e défile dans Sénart d’une façon impeccable, réellement émouvante.

Comme un séjour de quelque durée est à prévoir, l'instruction est reprise le 14 : perfectionnement des spécialités, emploi des divers engins (fusil mitrailleur, V.B., grenades, etc.), exercices de liaison.

Le régiment est, le , enlevé en autos et transporté à Mourmelon-le-Petit (quartier Zurich) où sont aussitôt repris les exercices.

Le Casque et le Teton

Dans la nuit du 24 au , le 130e commence la relève de deux régiments, occupant, en arrière de Moronvilliers, les sous-secteurs du Casque et du Teton récemment conquis : le 1er bataillon du commandant Martin-Laprade prend l'emplacement du Teton, le 2e bataillon du commandant De Lattre arrive la nuit suivante au Casque, le 3e bataillon est en réserve à proximité.

La région apparaît de suite comme très agitée : l'infanterie ennemie est manifestement énervée ; l’artillerie bombarde continuellement l’ensemble du secteur ; les avions sont fort actifs.

Le 26, le bombardement est, incessant et très dispersé ; les tranchées et les boyaux sont complètement bouleversés et peuvent à peine être remis en état durant la nuit ; plusieurs mitrailleuses sont enterrées, ainsi que des dépôts de grenades. Les pertes en hommes ne sont pas trop fortes ; d’ailleurs un grand nombre d’entre eux, ensevelis ou contusionnés, restent à leur poste, car tout fait présager une attaque pour le lendemain, aussi l’activité est-elle fiévreuse partout : tous se mettent en état de défense, pendant que les premières lignes sont abondamment ravitaillées en munitions.

La nuit du 26 au 27 se passe assez calme.

Le (dimanche de la Pentecôte), vers 3 h 30 du matin, commence un violent tir d’artillerie, avec obus toxiques, sur les lignes arrière.

À 4 h, gros bombardement sur les positions du Teton et du Casque, arrosage des crêtes voisines, et barrages en arrière, avec concentration, vers 5 h, sur le Teton qui est alors soumis à un feu d'une violence inouïe. Déjà l’on pouvait croire à une attaque dirigée sur ce seul point, mais à 7 h le Casque est à son tour brutalement pris à partie, cependant que le l'en continue avec la même intensité sur le Teton. Il s’agit, à n’en pas douter, d’une attaque de « grand style » : le 3e bataillon est alerté et le lieutenant-colonel Rousseau demande un tir de C.P.O. qui est immédiatement déclenché. Beaucoup d'avions allemands survolent nos lignes à faible altitude.
À 7 h 5, l’ennemi prononce une première attaque, puis une deuxième, sur la droite du Teton. Grâce au barrage d’artillerie, aux fusils-mitrailleurs, ces deux attaques ne purent progresser.
Vers 7 h 45, nouvelle pousée sur la droite et le centre, beaucoup plus nourrie que les précédentes.
Au centre où, par suite de la configuration du terrain, l’ennemi a pu s’approcher sans être signalé, la ligne est enfoncée sur un front de trois sections ; les vagues ennemies franchissent la crête, s’emparent du blockhaus, poste de commandement de la compagnie du centre, et cherchent à gagner le poste de commandement du bataillon.
L’instant est critique, le soldat mitrailleur Granthomme, dont les camarades sont hors de combat, dont la pièce est brisée, s'offre pour faire à travers balles et obus, la liaison avec la compagnie voisine. Deux fois il passa, sautant, rampant, faisant le mort, mais l’ordre arriva ; la 3e compagnie se lança immédiatement à la contre-attaque, les fractions voisines, électrisées se cramponnèrent au sol, clouèrent l’ennemi sur place par leurs grenades et leurs feux ; le blockhaus fut et repris à 9 h 50 avant que l’ennemi ait eu le temps d’y placer des mitrailleuses.
La 11e compagnie, placée en réserve dans le bois 320, part à son tour à la rescousse ; elle franchit, non sans pertes, un barrage violent et suivie par un peloton de la 9e, elle parvient à la crête ; celle-ci est prise à 13 h et dépassée. Le combat continue à la grenade et, à 17 h, toutes les lignes du Teton sont entièrement reconquises.
Pendant ce temps, sur le Casque, le tir d’écrasement, commencé à 7 h, se continue jusqu’à 9 h 30, moment où l’attaque d’infanterie se déclenche. Peu ardente devant la 5e compagnie qui occupait la courtine entre les deux monts, elle est vite arrêtée par le feu des fusils mitrailleurs.
Devant la compagnie du centre (6e compagnie), elle fut plus mordante, l’Allemand montant résolument à l’assaut, par masses très denses, mais là aussi les vagues ennemies furent arrêtées net par nos feux de mousqueterie ; des fusiliers-mitrailleurs, tel le brave Gustave Revel, sans souci des balles et des grenades, installèrent leur fusil sur le parapet même, tirant à bout portant. Ce geste arrivait à son heure, car le commandant de la compagnie le lieutenant Ollivier était tué et la résistance commençait à s’émousser. Mais les Allemands durent se terrer dans des trous d’obus ; les hommes encore valides profitèrent de ce court répit pour faire un bond en avant et forcer l'ennemi à rentrer dans ses lignes ; les pertes de celui-ci furent sensibles ; on compta plus de 30 cadavres gisant devant le front d'une seule section.
En résumé, devant la 6e comme devant la 5e, la ligne ne put être abordée sur aucun point.
Sur la compagnie de gauche (7e compagnie), l’attaque, bénéficiant d’un effet de surprise et d’ailleurs plus violente, eut un succès momentané : les tranchées étaient entièrement bouleversées, les mitrailleuses hors d'usage ; la compagnie décimée, ayant perdu tous ses officiers, se replia sur sa gauche entraînant avec elle des fractions du régiment voisin. : Le mitrailleur Alavoine reste à sa pièce, seul, et protège le mouvement ; quand il a épuisé ses munitions, un groupe d’Allemand qui déjà le tournaient lui font signe de se rendre ; il se dégage, il bondit et malgré une vive fusillade il parvient à rejoindre ses camarades.
Cependant l’ennemi progresse sur la crête du Casque ; immédiatement, les éléments disponibles du bataillon partent à la contre-attaque et le rejettent dans la tranchées intermédiaire (tranchée Fras).
La 10e compagnie, d’abord dirigée sur le Teton qui subissait seul l’attaque voit, en cours de route, sa direction modifiée sur un ordre du colonel ; accompagnée d'un peloton de la 9e, elle est immédiatement aiguillée vers le Casque ; ces unités traversent avec une rapidité inespérée les tirs de barrage et, dès 15 h, elles sont rassemblées dans la tranchée Durin. À 16 h, tous, le commandant De Lattre en tête, sautent avec un entrain admirable sur l’ennemi ; celui-ci, sans attendre l'abordage, se replie en combattant de trou d’obus en trou d’obus ; nous réoccupons aussitôt, et définitivement, les positions primitives.

Dans cette journée mémorable, le 130e soutint victorieusement le choc de toute une division allemande et nous avons pu lire plus tard, dans un livre allemand saisi sur un prisonnier, recueil des épisodes les plus marquants de la campagne, le récit de la bataille du , ainsi que l’impression profonde laissé par la fougue et la ténacité de notre régiment.

Il faut reconnaître que l’Allemand lui-même attaqua et se défendit avec une opiniâtreté extrême : les hommes se firent tuer plutôt que de se rendre. Un trait le prouve : un de nos caporaux, chargé de conduire un prisonnier à l’arrière, est blessé en cours de route ; le prisonnier s’empare de son fusil et s’apprête à en faire usage : des soldats voisins le fusillent sur-le-champ.

Les officiers, les gradés et les hommes du 130e firent preuve du plus bel héroïsme ; nombre d'entre eux, blessés, ne consentirent à être évacués qu’après la défaite de l’ennemi ; beaucoup demandaient à être rapidement pansés pour pouvoir retourner au combat. Le médecin-major De Rycker, chef de service du régiment, toujours sur la brèche, passa toute la journée sur le Teton, réconfortant. les blessés par sa présence.

Le , le régiment occupe une position de réserve au Vallon, près de la ferme de Moscou. Le , le 3e bataillon remonte sur le Casque et là encore les éléments du régiment, malgré les bombardements violents, les nombreuses pointes de l’ennemi, les obus toxiques, résistent brillamment sur place et conservent toutes les positions intactes.

Quand, le , après avoir perdu 593 hommes et 18 officiers, tout le régiment est relevé, il peut se glorifier d’avoir déçu les espoirs des Allemands, et gardé les crêtes de Moronvilliers.

Pendant son séjour à Louvercy et à Mourmelon-le-Petit, le régiment se repose ; le , il se rassembla à Mourmelon-le-Petit (quartier Zurich), où un service solennel est célébré en l'honneur des camarades tombés dans les derniers combats ; les cimetières où reposent nos morts, les hôpitaux où sont soignés les blessés reçoivent de nombreuses visites ; enfin, l’après-midi est consacrée à des jeux et des concours récréatifs.

Le , selon l’ordre reçu la veille, le régiment prend le chemin de Condé-sur-Marne (cantonnement de l’état-major et du 1er bataillon) et d’Aigny (2e et 3e bataillons). En cours de route, à 1 kilomètre au nord du village d'Isse, il est passé en revue par le général Gouraud, qui accroche au drapeau du 130e la Croix de guerre avec étoile de vermeil, insigne de la citation à l’ordre du corps d’armée ainsi libellée :

« Le général commandant le 17e corps d'armée cite à l’ordre du corps d’armée :
le 130e Régiment d’Infanterie : « Le 130e régiment d'infanterie, sous les ordres du lieutenant-colonel Rousseau, pendant les journées des 26 et , a soutenu avec opiniâtreté, malgré un bombardement d'une intensité inouïe d'obus de gros calibre et de projectiles asphyxiants, les attaques violentes et sans cesse renouvelées d’un ennemi acharné et supérieur en nombre. Débordé sur plusieurs points de sa ligne, a réussi, en dépit des lourdes pertes subies et malgré des difficultés matérielles considérables, à maintenir l’intégralité de ses positions, grâce à d’énergiques et brillantes contre-attaques poussées jusqu’au corps à corps. »
Le . Le Général commandant le 17e corps d'armée, Signé : Henrys.

À Condé-sur-Marne, où le régiment reçoit le meilleur accueil, de nombreuses réjouissances sont organisées. Les hommes rivalisent de goût, de fantaisie et d’ingéniosité pour le concours de cantonnements ; il est donné au jury du concours de « cuistots » de goûter les meilleures soupes, les ragoûts les plus succulents ; des courses de mulets, des jeux divers, des épreuves de natation, etc., dotés de nombreux prix laissent à tous, aux poilus comme à la population civile, le meilleur souvenir et c’est avec un peu de regret général que, le , le 130e quitte son agréable cantonnement.

Secteur Arago

Le , il est en ligne dans le secteur ouest du Cornillet (sous-secteur Arago), au nord de la ligne Wez-Thuisy. La possession de cette partie des crêtes, de date récente, n'est pas encore assise, et il faut empêcher un retour offensif des Allemands pouvant tourner le Cornillet.

Il y a donc lieu, principalement, de procéder à l’organisation et à l’achèvement travaux défensifs ; le 130e s’y adonne avec une grande activité malgré le Boche qui le harcèle de torpilles et de coups de fusil auxquels ripostent victorieusement les V.B. et les tirs indirects de mitrailleuses. Le duel d’artillerie, d’autre part, est incessant ; les Allemands font surtout du tir de contre-batterie.

Dans la nuit du 10 au , l’ennemi tente d’aborder deux de nos petits postes ; malgré l'emploi de jets de flammes, malgré le concours de son artillerie et. de ses torpilles, il ne peut arriver au contact et est rejeté dans ses lignes par l'emploi rapide et précis de nos engins d’infanterie.

Grâce à la constance, à l’ardeur de nos soldats, qui, inlassablement, réfectionnent les tranchées, les abris, les boyaux bouleversés par les bombardements, le régiment ne perd que 4 tués et 38 blessés pendant son séjour dans ce secteur, du au , jour où il est relevé.

Nous le retrouvons cantonné à Tours-sur-Marne état-major et 1er bataillon et Athis 2e et 3e bataillons ; les premiers jours sont consacrés à des travaux d’aménagement, des revues d’armes, des échanges d’effets, etc., puis les exercices reprennent alternant avec les jeux.

Le , le cantonnement de Tours reçoit la visite du général Pétain, commandant en chef, qui réunit les officiers de la division.

Le 31, le lieutenant-colonel passe le régiment en revue et remet de nombreuses croix de guerre.

Le , à 17 h, le régiment reçoit l’ordre de départ immédiat ; deux heures après, il va à Dampierre-au-Temple et Cuperly se tenir à la disposition du 12e corps d'armée menacé d’une attaque importante par gaz ; des reconnaissances sont faites des positions (secteur des Hurlus) qu’occuperait éventuellement le régiment.

Le 12, l’alerte est passée et le 130e, remis en réserve d’armée, retourne à ses cantonnements précédents. Le 18, une mission militaire suisse assiste à une manœuvre combinée des trois bataillons qui mérite au régiment les félicitations du général commandant la division. Le 22, le régiment se remet en route.

Le Cornillet

Le 24, après avoir touché barre à Mourmelon-le-Petit, il occupe le sous-secteur du Cornillet.

Le Cornillet, en arrière de Nauroy, finit à gauche cette fameuse chaîne des monts où s’appuie le massif de Moronvilliers, âprement disputée depuis 1914, et arrachée aux Allemand, en avril 1917, grâce à de sublimes efforts : nul n’a oublié les laborieuses attaques qui se succédèrent à ce moment, attaques rendues difficiles et coûteuses par le tunnel d’où débouchaient, incessantes et imprévues, les contre-attaques allemandes ; Les monts sont entrés dans l’histoire : c’est le Cornillet, le mont Blond, le mont Haut, le Pertois, le Casque, le Teton, le mont Sans-Nom ; ce furent des mamelons couverts d’une abondante végétation, aux flancs boisés ; leur charme attirait de nombreux touristes. Maintenant ce n’est plus qu'une succession de pitons chauves, crayeux, ravinés par les boyaux, rongés d'innombrables trous d’obus. Hauts de 250 mètres environ, ils apparaissent comme grandis par la grandeur même de leur rôle, car les monts c’est l’immense balcon où l’ennemi avait accroché de nombreux observatoires, c’est aujourd’hui le dernier rempart de l’immense plaine de Châlons-en-Champagne.

L’Allemand n’avait pu se résoudre à la perte définitive d’une position aussi précieuse. Déjà, au mois de mai dernier, le 130e avait brisé son élan lorsqu'il avait tenté de reprendre le Casque et le Teton ; au Cornillet, notre mission, purement défensive, était de tenir, une fois encore, à tout prix, de profiter des moments de calme pour continuer l’organisation commencée et de surveiller très attentivement l'ennemi.

La période du 25 au fut employée à mettre en route les divers travaux : construction d’abris, améliorations des voies de communications, poses de défenses accessoires. C’est dans le secteur du Cornillet que le régiment inaugura le système de défense dit « des portes japonaises » qui, reproduit dans nos secteurs successifs, permit à maintes reprises, non seulement d’interdire aux Boches l’accès de nos petits postes ou de nos îlots, mais encore de capturer des ennemis qui s’étaient égarés et enfermés dans nos tranchées avancées. L’infanterie et l’artillerie allemandes sont d’ailleurs assez calmes.

En octobre, l’infanterie semble un peu plus active : le 4, en effet, quelques fractions ennemies tentent, sans succès, d’aborder nos lignes devant le secteur de la compagnie de droite ; le 16, l'ennemi essuie le même échec sur notre compagnie de gauche.

Du 17 au 25, le 130e prépara sa réponse et, le 26, à 17 h, un détachement d’incursion, fort de 46 hommes, se trouvait réuni dans le P.P. Allix ; commandé par le lieutenant Devaux, il avait sa besogne répartie entre trois groupes conduits par le lieutenant Devaux, le lieutenant Baligand (volontaire) et le sergent Sabathier. Sa mission était de « nettoyer » une tranchée nouvellement creusée pendant que, au carrefour de la tranchée Constantin et du boyau Tatoi, les abris seraient « nettoyés » et détruits.

À la minute prescrite - 17 h 15 - tous s’élancent sur la plaine avec un magnifique entrain. Les Allemands, mis en alerte par nos tirs d’encagement, déclenchent instantanément le barrage et des feux de mousqueterie :

rien n’arrête le détachement qui, trouvant la tranchée nouvelle complètement bouleversée et inoccupée, continue sa course en avant ; il arrive à la tranchée Constantin où une forte garnison l'accueille par un barrage de grenades. Un violent corps à corps s’engage à droite ; à gauche, les occupants s’enfuient : trois d’entre eux sont cependant capturés ; l’un d’eux résiste : le lieutenant Baligand, quoique blessé par une grenade, saute dans la tranchée et grâce à son aide le Boche est maîtrisé. Le caporal Senay se trouve en face d'un Allemand qui s’apprête à lui lancer une grenade, il le descend d’un coup de pistolet, mais trébuche avec le corps de son ennemi et est blessé par l'explosion de l’engin. Le lieutenant Devaux, voyant un groupe mettant en joue un de ses hommes, en abat quatre de sa main. Tous, enfin, font preuve d’une résolution, d’un allant admirables ; la tranchée, autour d’eux, est remplie de morts et de blessés.
Pendant ce temps, quatre abris, où s’étaient réfugiés des fuyards, reçoivent des grenades et sont détruits à la cheddite.
Sept minutes après le départ, le détachement rentre au P.P. Allix, ne laissant aucun homme derrière lui, mais ramenant des prisonniers.
La violence du combat, la résistance opposée par l’ennemi furent nettement démontrées par ce fait que le détachement, fort de 46 hommes, revint avec 23 blessés et 1 tué.

À la fin du mois, ordre fut donné de préparer l’occupation du fameux tunnel : mais celui-ci était encombré par plusieurs centaines de cadavres allemands complètement décomposés ; plus de six mois auparavant, en effet, notre artillerie lourde avait éboulé les issues, et toute la garnison aurait péri asphyxiée.

Le médecin-major de Rycker fut chargé d'organiser et de diriger les travaux nécessaires ; leur réalisation, pénible et dangereuse, exigea plusieurs jours de labeur ininterrompu. Les corps furent enfouis dans une galerie latérale qui fut ensuite murée et, après une désinfection rigoureuse, le tunnel fut rendu habitable.

Le début du mois de novembre se passa sans incidents ; le 18, nos guetteurs capturèrent sans coup férir une patrouille allemande (1 sous-officier et 2 hommes) qui s’était aventurée dans nos réseaux.

Le 25, l’activité allemande se réveille : les réglages sont nombreux sur nos premières lignes, les avions observent à faible altitude, tout le monde redouble de vigilance.

Le 26, les boyaux des petits postes et les tranchées avancées sont bouleversés par un violent bombardement d’obus de tous calibres effectué sur tout le front du régiment.

La journée du 27 est assez calme.

Le 28, dans la matinée, nouveau tir de destruction qui se répète à 22 h 15. Un quart d’heure plus tard, les guetteurs signalent que les Allemands, au nombre de 120 environ, sortent de leurs tranchées ; six de nos petits postes reçoivent le choc ; partout la lutte est acharnée, partout, grâce au sang-froid, à l’ardeur des garnisons des petits postes, les Allemands sont tenus en échec ; criblés de grenades, poursuivis par nos fusils-mitrailleurs, ils doivent rentrer dans leurs lignes en laissant un prisonnier valide entre nos mains.

Le 29 et le 30, l’ennemi, furieux sans doute de son insuccès, bombarde violemment les premières lignes, mais il ne montre aucune velléité nouvelle d’attaque.

Pendant le mois de décembre le calme reprend et règne jusqu’au .

Le Cornillet (Suite)

Dans la nuit du 2 au 3, vers 1 h, un violent tir de torpilles et d’obus se déclenche sur le secteur ; cinq minutes après, les occupants du P.P. Vanderbauwede, entendant crier les Allemands, qui sortent de leurs tranchées, demandent le barrage cependant que l’ennemi passe à l’attaque ; mais il est arrêté par nos fils de fer et nos engins de tranchée.

Un autre groupe important se présente devant le P.P. Allix : la garnison, confiante dans sa force, ne demande pas l’aide de l’artillerie, et s’apprête à une défense énergique. La bataille à la grenade s’engage ; bientôt le sergent Lestugeon est grièvement blessé. Le caporal Le Quere prend le commandement de la petite troupe que déjà les Allemands encerclent ; il se multiplie, il excite ses camarades, et l’ennemi est repoussé, laissant sur le terrain un Allemand grièvement blessé.

Un troisième groupe, assez nombreux, affublé de blouses blanches — car la plaine est couverte du neige — s’infiltre à travers les brèches faites par les torpilles, entre les deux petits postes, et franchit le réseau a l’aide de paillasses ; mais il est à son tour accueilli par un feu violent et obligé de rebrousser chemin, en abandonnant un cadavre dans le réseau.

Une fois encore l'ennemi reprend sa tranquillité, jusqu’à la relève, commencée dans la nuit du 14 au et terminée le 16. Dans la journée du 15, le dégel et la pluie firent de ce secteur si propre, si parfait dans son organisation d’îlots défensifs, un immense cloaque…

Dès le rassemblement du régiment, à Jalons-les-Vignes, le lieutenant-colonel rédigea l’ordre suivant :

« En tenant quatre mois le sous-secteur du Cornillet le régiment a ajouté une belle page à son historique.
D'une organisation à peine ébauchée, il a fait une position solide contre laquelle, par deux fois, l'ennemi s’est brisé, tandis que l'attaque menée par les grenadiers du régiment a atteint complètement son but qui était de faire des prisonniers, d’infliger des pertes à l'ennemi, de détruire des abris. Nous avons pu identifier, à cinq reprises, notre adversaire, sans que lui-même ait pu réussir à connaître le régiment autrement que par les coups qu’il en a reçus.
« Brillants résultats qui sont dus à la complète solidarité de toutes les unités du régiment rivalisant de zèle pour accroître la valeur défensive du sous-secteur, à l’abnégation, au dévouement, au patriotisme, à la bravoure de tous : chefs de bataillon, officiers, sous-officiers, caporaux et soldats dont les sans cesse appliqués au même but, qu’il s’agisse de travail de défense et d’attaque, ont illustré la belle devise qui nous unit : « Tous pour un, un pour tous. »
« Mes chers camarades, des unités comme des services, vous me donnez chaque jour plus de satisfaction par votre tenue, votre ardeur au travail, votre esprit de discipline, votre bravoure, votre foi dans les destinées de la patrie.
« Je sens ma confiance, mon estime, mon affection grandir à chaque étape nouvelle accomplie par le régiment.
« Je suis fier de vous.
« Je salue avec émotion nos vaillants camarades tombés au Cornillet et j'envoie les vœux du régiment à nos chers blessés pour leur prompte guérison qui les ramènera dans nos rangs.
« Si votre repos matériel n’est pas aussi prolongé que vous l’espériez et que je le désirais pour vous, les raisons vous en sont connues : à ce moment décisif de la guerre, rien ne doit être négligé pour arrêter des attaques qui semblent se préparer, et la pensée que toutes les troupes disponibles sont employées aux travaux urgents, est de nature à fortifier notre confiance dans le commandement.
« Aussi je suis bien sûr que vous saurez profiter du repos moral dont vous jouissez loin du feu pour apporter au travail la même ardeur que le pays réclame encore de nous. Soyez bien persuadés qu’aucun n’est perdu, que le moindre coup de pioche aura sa valeur quand le moment sera venu pour le 130e de dire aux Boches : « On ne passe pas! »
Signé : Rousseau.

L’instant, en effet, était grave : la décomposition de la Russie était achevée ; le front oriental ne retenait plus que quelques divisions allemandes de second ordre et 1 million d'hommes devenaient disponibles ; le peuple allemand, d’une manière visible, se lassait de la guerre ; il commençait à douter de son issue, il réclamait à grands cris la victoire ; d’autre part, le commandement allemand, exaspéré par notre résistance, voyant poindre à l’horizon les masses de troupes envoyées d’Amérique, sentait sa proie lui échapper. La situation intérieure, la situation militaire exigeaient une action rapide, une formidable offensive qui jetterait bas tous les obstacles, pendant qu’il en était temps encore.

Il nous fallait veiller : puisque la défensive était encore sa seule tactique possible, l’armée tout entière devait tendre ses muscles pour supporter le choc, après avoir donné toutes ses forces à la consolidation de ses lignes de défense.

Aussi le séjour du 130e à Jalons-les-Vignes est-il extrêmement court ; le , le 2e bataillon fait mouvement vers Villers-Marmery, rejoint deux jours après par le 1er bataillon ; le , le 3e bataillon du commandant Loizeau part à son tour et va cantonner à Billy-le-Grand et Mourmelon-le-Petit (Arsenal).

Tous trois ont pour mission d’organiser une deuxième position de défense dans la région à l'est de la Montagne de Reims.

L’occasion était donnée derechef, pour le 130e, de prouver la hauteur de son moral, l'étendue de sa confiance : l’appel du lieutenant-colonel Rousseau fut entendu de tous, et c’est avec une ardeur magnifique, avec un sens profond de l’utilité de leur tâche qu'ils se mirent au travail ; ils avaient saisi que l’organisation d'un terrain, sa préparation à une défense victorieuse, étaient une des formes du combat, que la pelle et la pioche, autant que le fusil, étaient des facteurs du succès final. Ce rôle obscur, combien il leur parut grand quelques mois plus tard, le soir du

Sans relâche, malgré les intempéries, le régiment, honoré d’une visite de ses travaux par le général Gouraud, commandant la IVe armée, poursuit ainsi son œuvre jusqu’au , jour où il se retrouve en ligne dans le sous-secteur du Casque ; poste de commandement du colonel : Moscou.

Le Casque (deuxième séjour)

Les premiers jours sont assez agités : les Allemands, dont l’offensive est proche, cherchent à en dissimuler l’emplacement en faisant un peu partout des feintes de préparation ; et le commandement, en effet, est porté à situer la grande attaque sur le front de Champagne ; les bombardements, les tirs de harcèlement y sont incessants, l’aviation ennemie très nombreuse et active.

Le , la région du Poste de Commandement Moscou est soumise pendant presque toute la journée à un bombardement par obus toxiques, lacrymogènes et à ypérite : très nombreux sont les officiers et les hommes incommodés, mais ils restent à leur poste.

À partir du , le secteur devient plus calme : l’offensive allemande est en effet déclenchée vers Amiens et il n’y a plus à prévoir d'attaque de notre côté ; aussi la 124e division d'infanterie s’étale et le 130e, se déplaçant sur la droite, va occuper le secteur du Golfe avec le Bois Sacré comme emplacement du P.C.

Le Golfe

Le mouvement de relève se fait en deux nuits successives et est terminé le matin du .

Le secteur est tranquille, mais le commandement a besoin d’identifier les forces allemandes en face de nous, à l’ouest d’Auberive : il ordonne de faire des patrouilles offensives et des prisonniers.

Le lieutenant Zimberlin, ayant comme second l’aspirant Bayle, constitue un groupe de volontaires qui prennent la résolution de poursuivre leur mission jusqu'au succès. Pendant trois nuits, de 21 h à 4 h du matin, la patrouille reconnaît le terrain, tâte prudemment l’adversaire et finit par reconnaître avec certitude l’emplacement d’un petit poste ennemi.

Dans la nuit du 4 au , le lieutenant Zimberlin décide l’enlèvement. Après avoir pris les dispositions les plus judicieuses, il saute avec 6 hommes dans le boyau qui mène au petit poste ennemi. Les deux Allemands qui gardent ce dernier sont surpris et ont à peine le temps de décharger leurs armes : l’un est tué d'un coup de poignard par l'aspirant Bayle, l’autre est capturé et ramené dans nos lignes sans que la patrouille ait subi aucune perte.

Le mois de mai se passe à organiser méthodiquement le secteur, à construire des abris nouveaux, à améliorer les anciens ; le 9, le Poste de Commandement du colonel est transféré du Bois Sacré au bois Q.97, près de l'ouvrage des Marmites ; le , arrive un ordre de relève pour le surlendemain. Cet ordre ne reçoit qu’un commencement d’exécution ; il est en effet contremandé, en raison des graves évènements qui, à ce moment, se passaient dans l’Aisne.

La relève s’effectue dans la nuit du au 1er juin : le bataillon de première ligne (2e bataillon) va à Mourmelon-le-Grand occuper le quartier Loano, le bataillon de soutien (1er bataillon) glisse à gauche et occupe le Poste de Commandement Yser, enfin le bataillon au repos (3e bataillon) s'achemine, en première ligne, sur le Casque.

Poste de Commandement du colonel : Bonjour.

Cette situation nouvelle change brusquement le lendemain. Le , l’état-major et deux bataillons du régiment sont mis à la disposition de la 2e division d'infanterie coloniale dans le secteur ouest de Reims ; le 3e bataillon reste sur le Casque.

Ormes

Dans la nuit du 2 au , la portion principale du régiment est embarquée en camions-autos ; le 3, à la première heure elle arrive au point terminus, le carrefour du Cadran, dans la forêt de Reims ; l'état-major et la C.H.R. se rendent à Ville-Dommange, le 1er bataillon à Chamery, le 2e à Sacy.

Les reconnaissances sont faites dans la journée et la nuit suivante le 130e relève des éléments de la 2e division d'infanterie coloniale qui, durement éprouvée depuis le , a besoin, après une résistance admirable, d’aide et de repos.

Une communication de la IIe armée définit ainsi notre mission :

« Le front actuellement tenu par l'armée doit être maintenu à tout prix. Non seulement toute idée de retraite doit être écartée, mais il est essentiel que tous soient persuadés que des offensives partielles et des ripostes immédiates organisées contre un ennemi fatigué et affaibli par sa progression peuvent seules être fructueuses et enrayer définitivement ses progrès. Les dernières actions du corps colonial, qui lui ont permis de maintenir l’intégrité de son front, viennent encore de le prouver.
« Par ordre du général commandant en chef, Reims doit être défendu et conservé à tout prix. »

Le régiment arrive en dans un secteur de fin de combat, où tout est à faire ; la première nuit, les hommes, en ligne déployée sur la plaine, se creusent des trous individuels puis ils se relient lès uns aux autres, par groupes, en constituant des tranchées-abris ; enfin, tous les groupes d’hommes abrités se réunissent pour obtenir une tranchée continue. Le travail s’achève par la pose de réseaux Brun et. l'organisation d’emplacements destinés aux armes automatiques. L’infanterie ennemie ne réagit guère, d’ailleurs, sur notre front ; seule l’artillerie se montre assez active, mais sans réussir à interrompre le travail, qui est déjà poussé très loin lorsque arrive l’heure de la relève.

Le 1er bataillon quitte le secteur dans la nuit du 7 au , sans incident ; la 2e bataillon, qui part vingt-quatre heures plus tard, est soumis au cours de sa relève à un bombardement très intense, par obus toxiques, qui rend celle-ci assez pénible.

L’aide apportée à la 2e division d'infanterie coloniale par le 130e, bien qu’elle ait été de courte durée, a cependant permis de faire apprécier la valeur de nos poilus et le général Mordrelle, commandant la division, en témoigna par la lettre ci-dessous, adressée au général commandant la 124e division d'infanterie :

« J'ai l’honneur d’avoir eu sous mes ordres, du 3 au , l’état-major et les bataillons Calté et Bresson du 130e d’infanterie.
« Placées dans un secteur encore mal organisé et soumises à de violents bombardements, ces unités ont eu sous le feu une très belle attitude et ont montré une grande ardeur au travail ; sous l’impulsion énergique et éclairée de leur chef, le lieutenant-colonel Rousseau, elles ont amélioré leurs positions et complété les organisations, en dépit de la grosse activité de l’artillerie ennemie.
« Je vous serais reconnaissant de vouloir bien transmettre au lieutenant-colonel Rousseau et aux troupes placées sous ses ordres l’expression de ma vive et entière satisfaction. »
Signé : Mordrelle.

Le 130e est resté très fier, à juste titre, de ce témoignage d’un chef d’une troupe d’élite.

Après une nuit passée à Sermiers et Nogent, une autre à Trépail, l'état-major et les 1er et 2e bataillons se trouvent rassemblés à Mourmelon-le-Grand (Loano) où ils se reposent jusqu'au  ; à cette date, ils vont reprendre leur place dans le secteur du Casque.

Le Casque (troisième séjour).

Les événements se précipitent, et le drame immense est à son dernier acte ; depuis trois mois l’étreinte des deux armées ne s’est plus desserrée et le monde attend avec anxiété le dénouement de cette dernière partie dont il reste l’enjeu. L'Allemagne, angoissée, démoralisée, tente de déchirer par des secousses brutales, des bonds désordonnés, le filet qui déjà l’étreint, cependant que la France plus belle, plus calme, plus confiante que jamais, observe son ennemi et surveille le point faible de son armure où elle frappera tout à l’heure.

Le front de Champagne, c’est une certitude aujourd'hui, sera le théâtre de l'action prochaine, de l’offensive suprême : le commandement allemand a promis qu'elle serait la dernière, il a garanti qu’elle donnerait la victoire.

Aussi le 130e travaille avec un acharnement sans exemple à l’organisation du champ de bataille de demain : groupes de combat, encagements, obstruction de boyaux anciens, de tranchées abandonnées, dégagement des champs de tir, accumulation de munitions, rien n’est négligé. De jour, de nuit, des exercices d’alerte sont faits ; le bataillon en réserve fait sur le terrain des exercices d’attaque qui permet de vérifier la valeur de l’organisation des îlots et entretiennent à la fois la vigilance des guetteurs et les qualités manœuvrières des attaquants.

Le , le général commandant la IVe armée lance à ses troupes un appel suprême : Ordre aux soldats Français et Américains de la IVe armée

« Nous pouvons être attaqués d’un moment à l’autre : Vous sentez tous que jamais bataille défensive n’aura été engagée dans des conditions plus favorables.
« Nous sommes prévenus et nous sommes sur nos gardes.
« Nous sommes puissamment renforcés en infanterie et en artillerie.
« Vous combattrez sur un terrain que vous avez transformé par votre travail opiniâtre en forteresse redoutable, forteresse invincible si tous les passages sont bien gardés.
« Le bombardement sera terrible : vous le supporterez sans faiblir.
« L’assaut sera rude, dans un nuage de poussière, de fumée et de gaz.
« Mais votre position et votre armement sont formidables. Dans vos poitrines battent des cœurs braves et forts libres.
« Personne ne regardera en arrière; personne ne reculera d’un pas.
« Chacun n’aura qu'une pensée : en tuer, en tuer beaucoup, jusqu'à ce qu'ils en aient assez.
« Et c'est pourquoi votre général vous dit : « Cet assaut, vous la briserez, et ce sera un beau jour! »
Signé : Gouraud.

Nous devons admirer, dans cet ordre, la précision et la prescience des conditions de l’offensive ; mais combien admirable fut aussi l’exécution rigoureuse, absolue!

Le 130e — comme toujours fidèle à sa consigne — ne regarda pas en arrière, personne ne recula. Il en tua, en tua jusqu’à ce qu'ils en eussent assez. Il brisa l'assaut, et ce fut un beau jour. Cependant, dans l'attente de l’attaque, le commandement voulait, jour par jour, connaître les intentions exactes de l’ennemi ; il lui fallait des prisonniers.

Le , l’aspirant Morin reçoit l'ordre d’enlever, avec les patrouilleurs volontaires du 2e bataillon, un petit poste ennemi dont on avait reconnu l’existence. À la tombée de la nuit, la patrouille sort de nos lignes et parcourt les 300 mètres qui la séparent du petit poste ; mais les Boches se méfient ; celui-ci est inoccupé… Morin, conscient de l’importance de sa mission, ne s’arrête pas en chemin : il pénètre plus avant jusqu’à la seconde ligne; il entend du bruit, se glisse avec ses hommes et reconnaît, bientôt un poste de mitrailleurs ennemis. En dépit du réseau qui protège ce dernier il bondit à l’attaque avec cinq de ses braves : un corps à corps s'engage, la garnison est exterminée et toute la troupe rentre avec un prisonnier qui va fournir au commandement de précieux renseignements. Dans la nuit du 10 au 11, le 3e bataillon du commandant Tulle vient occuper les premières lignes, c’est-à-dire la crête et les pentes du Casque, les 1er (commandant Calté) et 2e bataillons (capitaine Loran) se placent, dans les îlots constituant la « position intermédiaire ».

Devant l'imminence de l’attaque, le commandement prescrit, le , que chaque jour, à 23 h, le dispositif de grande alerte sera pris : il ne restera sur la première position que des éléments légers chargés d'observer et de signaler l’attaque ; les éléments d'infanterie et les mitrailleuses, chargés de dissocier cette attaque, seront échelonnés en profondeur en avant de la position intermédiaire.

Le , dans la matinée, 75 obus à ypérite avec pétards, sont placés dans les principaux abris. Le même jour, à 20 h, le commandant de l’infanterie téléphone que, d'après l’interrogatoire de prisonniers faits à nos côtés dans la soirée, l'attaque doit avoir lieu le à 4 h ; elle sera précédée d’une préparation d’artillerie qui durera quatre heures.

Tous les hommes sont prévenus ; on leur redit la mission qui leur est dévolue : arrêter le flot envahisseur en défendant jusqu'à la mort la position de résistance qui leur est assignée. Tous, officiers et hommes de troupe, gravent dans leur cœur cette consigne sublime : ils sont prêts pour le plus pur héroïsme, la veillée des armes commence…
À 11 h 30, un grondement formidable déchire la plaine et se répercute sur les monts ; les éclairs sa succèdent sans relâche et se confondent en illuminant le ciel noir ; la Montagne de Reims, à notre gauche, semble en feu : ou sont nos innombrables batteries qui contrebattent les pièces allemandes prêtes à déclencher leur tir et vont harceler, gêner les mouvements de l'infanterie occupée à se rassembler dans les boyaux.
Une demi-heure après, le tir de préparation ennemi commence et pendant quatre heures le secteur devient, infernal : sifflements, roulements, explosions des obus de tous calibres, percutants, fusants et toxiques ; fumées noires, épaisses, irritantes et empoisonnées ; nuages de poussières, de craie, de terre obscurcissant littéralement le ciel et retardant l'aurore.
Au milieu d’un tel cataclysme, chacun se répétait sa mission. Les éléments maintenus sur la ligne de surveillance signalaient régulièrement, avec un héroïsme sublime, les différentes phases du bombardement ennemi et les résultats de leurs observations. Le sergent Senay, à l'aide de son poste de T.P.S. tenu par le radiotélégraphiste Lanoue, envoie :
Vers 1 h : « Circulation intense chez l'ennemi. »
Vers 2 h : « Tir de « minen » sur toute la ligne. »
Vers 3 h : « L'ennemi se masse dans ses parallèles de départ. »
À 4 h 25 : « l’infanterie ennemie sort de ses lignes. Je détruis mon appareil. Adieu. »
Dès la réception de ce dernier et émouvant message, l’ordre est donné de faire exploser les obus à ypérite descendus dans les abris, et le lieutenant Lenoire exécute la consigne qui lui a été donnée, de faire sauter le tunnel du Mont-Pertois.
Cependant l’artillerie allemande allonge son tir ; il fait grand jour, mais la fumée est tellement intense que la vue est bornées à quelques mètres. Les vagues d’assaut, très denses, s’infiltrent par les boyaux ; les faibles éléments avancés accomplissent froidement, héroïquement, le plus beau des sacrifices, ils voient venir le torrent, ils restent jusqu’au contact et alors, leur mission terminée, les rares survivants rejoignent les îlots de l’arrière, partant dans un ordre parfait, au pas comme la section de l’adjudant Olivier, combattant sans cesse, au couteau autant qu'à la grenade, noyés dans le flot des assaillants, constamment débordés et soumis à nos tirs furieux de barrage,
L’observateur du Poste de Commandement Javel renseigne jusqu'à la dernière minute le commandement sur la progression de l’ennemi. Sa dernière communication est adressée à ses camarades du poste central téléphonique : « Les Boches arrivent ; je suis fichu, ça me fait rien. Au revoir les amis. Vive la France! »
Vers 4h45, une première ligne arrête l'ennemi : c’est la parallèle des Réduits, à l’effectif d'une compagnie, avec le personnel des neuf mitrailleuses, placées dans les blockhaus, et dont la garnison a reçu l’ordre de retarder l’avance de l'ennemi, et de lui faire subir le plus de pertes possible pour dissocier son attaque.
L’ordre fut exécuté avec une admirable ténacité : fusils et mitrailleuses firent des ravages dans les colonnes ennemies qui dévalaient des monts, par la plaine, et qui durent se terrer pendant que des éléments débordant à l'ouest et à l'est allaient attaquer bientôt de flanc l’avancée de la position intermédiaire (parallèle Prossaird), où une nouvelle résistance les attendait.
Le combat se continue furieux dans tous les îlots, les hommes vendent chèrement leur vie : le lieutenant Bories, dont tous les mitrailleurs ont été tués, dont une mitrailleuse est enrayée, l’autre détruite, se défend au milieu de ses hommes à coups de mousqueton ; le sergent mitrailleur Lenoble, dont la position de batterie est quatre fois de suite bouleversée, s’installe en plein découvert. sur la chaussée voisine, suivi de ses servants, et ils tirent, ils tirent jusqu’au dernier…
Mais bientôt le P.C. du bataillon se trouve découvert ; le capitaine Tulle, commandant le bataillon, le capitaine Lambertie, adjudant-major, le lieutenant Godon, le fusil à la main, montrent à leurs hommes un admirable exemple et, au milieu de toute leur liaison, ils prolongent dle toutes leurs forces la résistance ; le caporal clairon, un caporal-fourrier, un agent de liaison sont tués ; le capitaine Lambertie et plusieurs hommes sont sérieusement blessés.
Le radio lance encore : Attention! prenez garde à vous! Au revoir les amis! Il termine en signant « Nectoux » et détruit son appareil.
À 8h30, le combat cesse dans le Poste de Commandement complètement cerné et à bout de munitions.
Presque au même moment tombaient les derniers blockhaus de la ligne des Réduits, qui pendant trois heures usèrent l’ennemi devant eux : tenace, celui-ci multiplia ses efforts et ce n'est qu’en usant de lance-flammes qu'il put, après des attaques plusieurs fois renouvelées, vaincre leur résistance.
Mais si l’ennemi avait réussi — à quel prix! — à occuper une grande partie de la parallèle Prossaird, il ne l’avait pas tout entière : à l'est, un noyau de résistance s’était constitué autour du capitaine Papin, commandant un peloton de la 6e compagnie ; la petite troupe, attaquée vers 8 h, ne se laisse pas aborder ; à 9 h 30, elle est Iargement entourée et ne peut plus espérer le secours de nos contre-attaques ; le capitaine dit à ses hommes : « Mes « potes », nous sommes cernés ; y en a-t-il qui veulent tenter la chance de rejoindre leurs camarades ? Je vous le permets. Moi, je dois rester ; je reste. » A l'exception de quelques-uns, qui rapportèrent au lieutenant-colonel des renseignements sur la situation, tous refusèrent d'abandonner leur chef.
À 11 h, le capitaine Papin peut encore téléphoner : « Ils nous empoisonnent avec leurs gaz ; mais nous tenons toujours. »
À midi, dans l'îlot, on se battait encore : le manque de munitions, seul, arrêta cette magnifique défense.
Tous ces actes d’héroïsme — nous ne pouvons citer que quelques-uns d’entre eux — portent leurs fruits immédiats et l'ennemi est désorganisé quand il arrive au contact de la position intermédiaire. Nombreux encore, et toujours précédé du barrage roulant d’artillerie et de mitrailleuses, il réussit un instant, à mordre les deux côtés de la première ligne, menaçant très sérieusement, à moins de 100 mètres, l'îlot du Poste de Commandement du colonel déjà débordé largement à moins de 200 mètres sur la gauche (1) ; mais l’immense effort qu'il a dû faire, les portes qu'il a subies depuis le matin l’empêchent d'exploiter son succès momentané, et il est vite rejeté par des contre-attaques locales, menées avec une extrême vigueur et jusqu’au corps à corps.
(1) c'est grâce à la vigoureuse défense de la S. M. du lieutenant De Mazé que le Poste de Commandement n'a pu être abordé.
À gauche, le lieutenant Le Mètayer voit ses hommes hésiter sous la nappe de balles qui couvre son îlot, d'un bond il saute hors de la tranchée, un fusil à la main, et crie en employant une dernière fois sa locution familière : « Écoute! écoute! je vais te faire voir comment on descend les Boches! » Il tire sans répit, il descend sept ou huit des assaillants, mais tombe à son tour, frappé d'une balle au front. Ses soldats, dont il avait toute l'affection, le vengent immédiatement en repoussant l’attaque.
À droite, une fraction de la 3e compagnie, commandée par le sous-lieutenant Tournier, part à la contre- attaque et, à la baïonnette, rejette et poursuit l’ennemi à 400 mètres plus au nord.
Partout ailleurs les vagues allemandes sont arrêtées et décimées devant nos fils de fer par nos mitrailleuses, nos fusils et nos fusils-mitrailleurs.
À midi, l'ennemi est partout contenu et s’installe tant bien que mal à 600 mètres en deçà de la position intermédiaire. La bataille était gagnée.

Nous avons insisté sur les mémorables combats du . C’est que les résultats en furent considérables : la défaite, c'était l'ouverture béante sur Châlons, Paris plus en péril que jamais, les armées de l'Est menacées sur leurs arrières ; la résistance sur le front de Champagne, ne furent les heureuses contre-attaques du , la succession des coups de boutoir infligés à un ennemi désemparé, la capitulation allemande… Et c’est aussi que, en aucune autre journée de la campagne, le 130e régiment d'infanterie ne fut plus beau, ne fut plus grand. Le bataillon Tulle avait l’ordre de se sacrifier : stoïque, il exécuta l'ordre, il lutte désespérément contre des forces inégales, et sur les positions qui lui avaient été assignées ; il perdit, tout, « fors l’honneur » ; les bataillons Calté et Loyer, soumis pendant plus de douze heures à des bombardements sans exemple assaillis de face et sur leurs flancs, couverts de mitraille, brisèrent sur place les élans de l’adversaire et maintinrent dans son intégrité la ligne qu'ils avaient pour mission de défendre à tout prix. Avant, comme pendant la bataille, tous les cœurs se fondirent en un seul, et le régiment offrit aux Boches une seule poitrine d'où partait le cri de l'observateur du Poste de Commandement Javel : Vive la France!

Le lendemain 16, à 8 h, l’ennemi, après un court et très intense bombardement, renouvela ses assauts de la veille. Quatre fois il fut repoussé, partout il subit des pertes et finalement s'arrêta en se tenant définitivement dans les parallèles en avant de la position intermédiaire.

Le 17, l’infanterie ennemie rasta tout à fait tranquille ; tout se borna à des tirs de harcèlement nombreux et fort nourris.

Dans l'après-midi, le lieutenant-colonel Rousseau va remettre, sur la position même, inviolée, la croix de la Légion d'honneur aux capitaines Bernardin, Legendre, Loyer et au caporal Le Quere ; il attache la Médaille militaire sur la poitrine des sergents François, Reneux, Papin, du caporal Georges, des soldats Chauvel, Duchez, Gerard, Lefeuvre et Martin ; enfin, il distribue de nombreuses Croix de guerre aux hommes qui ont montré le plus beau courage dans les journées précédentes.

Le général commandant la IVe armée envoie l'ordre suivant :

Soldats de la IVe Armée : « Dans la journée du , vous avez brisé l’effort de quinze divisions allemandes, appuyées par dix autres.
« Elles devaient, d’après leurs ordres, atteindre la Marne dans la soirée ; vous les avez arrêtées net la où nous avions voulu livrer et gagner la bataille.
« Vous avez le droit d'être fiers, héroïques fantassins ou mitrailleurs des avant-postes qui avez signalé l’attaque et l'avez dissociée, aviateurs qui l'avez survolée, bataillons et batteries qui l’avez rompue, états-majors qui avez si minutieusement préparé ces champ de bataille.
« C'est un coup dur pour l’ennemi. C’est une belle journée pour la France.
« Je compte sur vous pour qu'il en soit toujours de même chaque fois qu’il osera vous attaquer et, de tout mon cœur de soldat, je vous remercie.
« Gouraud »

Les 18, 19 et sont assez calmes ; dans la nuit du 20 au 21, le régiment est relevé et va occuper l'avancée de la deuxième position. Poste de commandement du colonel : Juan.

La nuit suivante, il quitte définitivement le secteur du Casque ; les cinq derniers jours de combat l’ont diminué de 22 officiers et 805 hommes.

Le , le 1er et le 2e bataillon sont au repos à Matougues (Marne), l'état-major et la C. H. R. à Vraux, où arrive le 26 un renfort, destiné au 3e bataillon, qui est à reconstituer presque en entier, et dont le capitaine Loyer prend le commandement.

Le , la 130e prie pour ses morts ; le général Gouraud, commandant la IVe armée, assiste à un service religieux et solennel célébré dans l’église de Vraux.

Le 28, une grande séance d'attractions et de jeux se déroule entre Matougues et Vraux ; une importante distribution est faite de souvenirs par les généraux Pétain, commandant en chef, et Gouraud, commandant la IVe armée, aux sous-officiers, caporaux et soldats qui se sont le plus vaillamment comportés.

Le arrive l’ordre préparatoire de relève.

Auberive (sous-secteur Golfe).

Dans les nuits du 5 au 6 et du 6 au , le régiment quitte Vraux et va occuper, pour la seconde fois, le sous-secteur Golfe, Poste de commandement Joseph (bois Q. 97), avec le camp Berthelot, comme cantonnement de repos.

Si l’infanterie ennemie est calme, le secteur est fréquemment bombardé par obus et torpilles ; les lignes arrière sont particulièrement arrosées d’obus toxiques et à ypérite.

Le , le 130e reçoit la citation suivante à l’ordre de l’armée, récompense de sa magnifique conduite dans les journées des 15, 16 et  :

130e Régiment d'Infanterie : « Unité de tout premier ordre, sous le commandement du lieutenant-colonel Rousseau, digne chef d'une telle troupe ; a affirmé une fois de plus ses belles qualités nominatives, au cours de dures journées.
Soumis à un bombardement d'artillerie de longue durée et d'une violence inouie, puis attaqué sans aucun répit par des formes puissantes, plusieurs fois supérieures en nombre et résolues à percer coûte que coûte, a résisté, avec un acharnement et une abnégation héroïques, à la poussée de l’ennemi et, par une brillante détenue et de nombreuses contre-attaques, maintenu dans leur intégralité des positions qu’il avait reçu l'ordre de conserver à tout prix. Déjà cité à l'ordre du corps d'armée. »
Le Général commandant la IVe armée,
Signé : Gouraud.

Le soldat Papillon, de la 10e compagnie, fait prisonnier le , rentre dans nos lignes dans la nuit du 10 au 11, après trois jours et trois nuits de marche. Évadé du camp de Juniville, il donne de précieux renseignements sur les survivants du 3e bataillon, sur sa compagnie et sur la situation de l’ennemi. Ses déclarations confirment ce que l’on savait déjà sur la résistance de la parallèle des Réduits et des « blockhaus ». Dans la suite, plusieurs hommes du 3e bataillon réussirent également, au prix de difficultés inouïes, à s’échapper des camps ennemis et à rejoindre nos lignes. L'un d'eux, le soldat Levesque, fut malheureusement tué au moment où il venait de franchir la première ligne allemande.

Le , le poste de commandement du commandement du régiment est transféré du Bois Q.97 à Espérance, à proximité du bois des Réserves, le long de la route Saint-Hilaire-Mourmelon. Le secteur continue à être calme et les travaux d'organisation se poursuivent méthodiquement. Cependant, l’artillerie allemande exécute journellement des bombardements toxiques sur les arrières.

Ces bombardements s’accentuent dans le courant du mois de septembre et, dans la nuit du 14 au 15, les bois des Marmites et Q.97 reçoivent en quelques heures plusieurs milliers d’obus à arsine et à ypérte.

Le , à 21 h 55, l'ennemi déclenche un violent tir d’encagement sur la 5e compagnie et attaque un de ses petits postes. Un violent corps à corps s'engage ; tous les hommes composant la garnison du P.P. sont blessés. Le caporal Marion, accouru pour prêter main-forte, attaque à la grenade un officier boche qu'il blesse, mais il tombe mortellement frappé. L'adjudant Régis, arrivant à son tour, se précipite en criant : « En avant! » Il est seul, mais le stratagème réussit et il met en fuite une vingtaine d'assaillants qui disparaissent sur la plaine en abandonnant leur officier.

Le 17, arrive l'ordre de relève, exécutable dans la soirée. La C.H.R. va cantonner à Mourmelon-le-Grand (Quartier Fleurus); le 3e bataillon se dirige sur la ferme d'Alger ; le 1er bataillon est envoyé à Condé-sur-Marne.

Le 18, l'état-major, la C.H.R. et le 3e bataillon rejoignent le 1er bataillon, le 2e bataillon est relevé en première ligne et descend au quartier Fleurus.

Le 20, tout le régiment est rassemblé à Condé-sur-Marne où il est atteint, peu de jours après, par une fort sévère épidémie de grippe bien vite enrayée, grâce à la vigilance toujours en éveil du fidèle médecin chef, le Dr De Rycker.

Dans la nuit du 24 au , le 130e se déplace et va occuper, à Mourmelon-le-Grand, les quartiers Jemmapes C.H.R. et 3e bataillon et Geissberg 1er bataillon ; le 2e bataillon est un peu plus éloigné au camp des Excavatrices.

La division est en réserve d'armée ; l’instruction est reprise.

Le , dans la soirée, arrive un ordre d'embarquement immédiat ; il est exécuté à 20 h.

Orfeuil.

Transporté en camions automobiles, le 130e débarque à la Chenille de Souain, sur la route SouainTahure, le , vers 2 h du matin.

Par la piste 4, il gagne le sud du bois du Boue où est installé durant la journée le poste de commandement du lieutenant-colonel.

Dans la nuit du 4 au 5, le 130e prend les positions du 149e régiment d'infanterie ; poste de commandement du colonel : bois des Ronces

le 1er bataillon du capitaine Bresson, en ligne : région sud du Pylône, lisière nord du bois La Croix ; le 3e bataillon du capitaine Loyer, en soutien : région du bois V. 12, le 2e bataillon du commandant Le Blouch, à la disposition de la division d'infanterie, dans le bois du Carrefour.

Ainsi, le régiment se trouvait placé en face de ce que, plus tard, le maréchal Foch appela « les formidables positions d’Orfeuil », en vue de ces quelques maisons devant lesquelles venaient de se briser plusieurs unités d'élite.

Nous sommes à l'extrême droite de la Champagne, dans une région très tourmentée au point de vue de sa configuration. Ce qui la caractérise, c'est une série de mamelons arrondis, couverts de pins et séparés par des vallons entrecroisés, souvent profonds, aux pentes raides ; les routes sont rares.

Orfeuil, humble hameau de dix maisons à peine, dont deux ou trois se détachent à 400 m à l’ouest, situé à 3,5 km à l'est de la route NeversSedan, et à 13 km, sud-ouest de Vouziers, est perché sur le dos d'une crête assez étroite d’environ km de longueur, qui s'étend du sud-ouest au nord-est et barre l’entrée de deux ravins de direction à peu près semblable et se rejoignant au sud du village de Semide.

Orfeuil et ses alentours étaient bourrés de mitrailleuses ; dominant d'une douzaine de mètres notre première ligne, la position était rendue plus redoutable encore par un glacis en pente douce, complètement dénudé qui en défendait l’approche ; en outre, un vaste abri souterrain à l'épreuve, creusé sous le hameau, protégeait la garnison contre les effets de notre artillerie.

C’est dans de telles conditions de terrain, nettement défavorables, que le 130e, à peine arrivé en ligne, reçut, dans la nuit du 4 au , l'ordre d’attaquer dans la matinée.

Le régiment a comme objectifs : 1° le Pylône; 2° la lisière nord du bois du Dindon, tous deux placés à l'ouest d’Orfeuil.

À 11 h, après une très courte préparation d’artillerie, nulle sur la partie gauche du secteur en raison de la proximité des éléments voisins, le 1er bataillon du capitaine Bresson part magnifiquement à l’assaut, en vagues alignées d'une façon parfaite et collant derrière le barrage ; treize minutes après, il a atteint son premier objectif à l'est du Pylône ; à 11 h 26, il pénètre dans le bois R.42, dont les arbres garnissent la pente sud du ravin du Dindon.

À 11 h 40, des prisonniers sont annoncés ; une douzaine parvient au poste de commandement du colonel, plus de 60 autres faits prisonniers par la compagnie dans le bois R.37 et dirigés vers l'arrière sont recueillis par le régiment placé sur notre gauche.

À midi, l'attaque est arrêtée à droite par le feu meurtrier des mitrailleuses massées dans les maisons à l'ouest d'Orfeuil ; pendant ce temps, à gauche, l’attaque cherche à progresser dans le bois, mais elle est également obligée de stopper sous les nombreuses mitrailleuses qui tirent du nord-ouest.

La progression fut très dure, par suite du grand nombre de mitrailleuses en action que les plus beaux élans ne purent réduire, et les pertes que subit le 1er bataillon témoignent de son allant et de son héroïque ténacité : 8 officiers furent blessés, dont le commandant du bataillon et 3 commandants de compagnie ; en outre, 188 hommes furent tués ou blessés.

Un exemple entre cent montrera l'ardeur que déployèrent, en cette lutte, les combattants. Le soldat Durieux, blessé dès le début de l’action, continue sa marche un avant. Son de section, le lieutenant Tournier, tombe grièvement blessé. Durieux le charge sur ses épaules et, tantôt rampant, tantôt courant, l’amène jusqu'aux brancardiers ; il se fait faire un pansement sommaire et retourne à sa place de combat. Peu après, son capitaine est à son tour très sérieusement atteint, Durieux encore, malgré les mitrailleuses qui font rage, l’emporte à l'arrière et une fois encore, s’en va rejoindre ses camarades.

En raison des pertes éprouvées, le 3e bataillon du capitaine Loyer releva, dans la nuit du 5 au 6, le 1er bataillon.

La position d’Orfeuil n’ayant pu être atteinte que sur le front du 130e, une nouvelle préparation est nécessaire pour reprendre la totalité du front. Aussi, les éléments du 130e, qui ont dépassé la route d’Orfeuil, doivent se reporter dans une tranchée établie au bois R.43.

Le lieutenant-colonel transporte son poste de commandement plus avant, près du Fond-d’Aure.

Les journées du 6 et du 7 sont relativement calmes ; des patrouilles gardent le contact de l’ennemi dont l’artillerie est fort active.

Le régiment reçoit un ordre d'opérations pour la journée du 8 : il doit briser la résistance acharnée de l'ennemi, le chasser de sa dernière position, organiser et progresser en direction générale de Semide ; ses objectifs immédiats sont :

1° Une tranchée au nord de la voie ferrée OrfeuilMédéah;
2° La croupe du bois du Dindon.

Le , à 5 h 15, l’artillerie lourde et les canons de 75 exécutent un violant tir de neutralisation sur la crête et le village d’Orfeuil.

À 16 h 15, l'artillerie de campagne allonge le tir et le 3e bataillon, comme l'avait fait le 1er trois jours avant, monte le glacis avec un entrain et une confiance admirables, malgré la violente réaction de l'ennemi.

La compagnie de gauche (10e) dépasse rapidement le bois R.42 et atteint son premier objectif après un vif combat au cours duquel elle fait des prisonniers.

La compagnie de droite (9e) se heurte à un barrage extrêmement serré de mitrailleuses, provenant du groupe des maisons ouest d'Orfeuil et d’Orfeuil même ; malgré les lourdes pertes qu’elle subit, elle continue sa progression. Mais sa tâche est trop lourde, et, décimée, elle doit s'arrêter devant la ligne de chemin de fer.

Le capitaine Loyer donne alors l’ordre à la compagnie de soutien (11e) de franchir la route sur la gauche, puis de se rabattre vers la droite pour réduire par encerclement les nids de résistance : c’est en orientant personnellement cette compagnie, en faisant preuve d’une abnégation absolue sous un barrage d'une densité extrême, que le capitaine Loyer tombe mortellement frappé, n’ayant dans sa chute que cette parole qui résume toute sa vie de soldat : « Il importe peu, puisque nous avons la victoire », et balbutiant deux Heures après, dans son dernier soupir : « Mon Dieu… ma famille… la France. »

La 11e compagnie, faute d'avoir un champ suffisant, ne peut exécuter complètement le mouvement qui lui est indiqué et vient s'intercaler entre les 9e et 10e. Pendant ce temps, la 9e compagnie subit le choc d'une forte contre-attaque débouchant du village. sa résistance opiniâtre arrête net l’assaillant et lui inflige de lourdes pertes, au prix, pour elle-même, des plus cruels sacrifices : mais elle ne cède pas un pouce du terrain qu'elle vient de conquérir.

Il est donc impossible pour la droite du régiment d'atteindre son premier objectif par une attaque directe ; les dispositions sont prises pour enlever l’obstacle par la gauche de la croupe du Dindon, et à 8 h 15 le 2e bataillon du commandant Le Blouch fut actionné. L'ordre ne lui parvint d'ailleurs qu'au prix de grandes difficultés : déjà trois coureurs étaient tombés en essayant de le transmettre, quand le soldat Giraud s'offrit pour tenter l’aventure. Grièvement blesse sur la route, Giraud, malgré ses souffrances, se traîna sous la grêle de projectiles et ne s'arrêta que lorsqu’il eut confié en mains sûres le pli dont il était porteur.

La mise à pied d’œuvre des unités du 2e bataillon fut lente et pénible en raison de la présence continuelle d’avions ennemis très nombreux, volant bas et mitraillant nos troupes ; en outre, la réaction de l’artillerie ennemie fut de plus en plus marquée. Cependant les emplacements de départ furent atteints sans trop de pertes : mais l'attaque, qui devait partir conjointement avec la division d'infanterie de gauche, n'eut pas lieu, en raison d'un contre-ordre reçu par cette division.

Dans la soirée, le 2e bataillon releva le 3e bataillon.

Le deuxième combat d’Orfeuil était fini ; comme le premier, il laissait des vides dans le régiment, combien nombreux, combien cruels! 17 officiers, dont 1 commandant de bataillon et 4 commandants de compagnie, et 347 hommes furent tués ou blessés ; le 3e bataillon, vieux de deux mois à peine, se montrait digne de ses aînés.

Et le 130e tout entier, qui durant des années n'avait connu que la défensive, dont le rôle, jusqu’ici, n’avait été que de « tenir », laborieux, opiniâtre, dans des secteurs ingrats et immuables, déploya l’Heure venue, les plus belles qualités d'attaque : valeur, sang-froid, décision, souplesse. Guidé par des chefs qu’il aimait, auxquels il prodiguait sa confiance, il fonça sur le Boche « tout droit », comme le lui commandait sa devise ; le dernier rempart de l’Allemagne, les défenses d’Orfeuil, malgré leur solidité éprouvée par de nombreux et récents assauts, allaient tomber…

Pendant toute la journée du 9, en effet, l'attitude de l’adversaire trahit son inquiétude et sa démoralisation : l'infanterie, les mitrailleuses tiraillent à tout propos, et l’artillerie, très active, harcèle continuellement nos arrières.

Dans la soirée, la nouvelle parvient que l’ennemi prépare un repli sur son front : toutes les dispositions sont prises en conséquence et des patrouilles, très actives, maintiennent un contact serré.

Le 10, à 7 h 30, ce contact existait encore et des rafales de mitrailleuses partaient encore des maisons ouest d’Orfeuil.

À 8 h, le tir s’arrête, et une patrouille avancée rend compte qu’elle n’éprouve aucune résistance. Plusieurs reconnaissances sont aussitôt poussées et confirment le repli de l’ennemi ; le lieutenant-colonel donne l'ordre de départ immédiat : c'est le démarrage, la poursuite qui commence…

La 2e bataillon du commandant Le Blouch part en tête, suivi du 1er bataillon du commandant Calté qu’accompagne le 3e bataillon du capitaine De Massey est en réserve à la disposition du général de division.

À 9 h 40, les deux bataillons ont complètement franchi la crête du Pylône.

Vers 10 h, le 1er bataillon remplace le 2e qui devient bataillon de soutien ; mais, à 12 h 10, il est arrêté dans sa progression à la corne nord du bois du Dindon par un tir très serré de mitrailleuses et un violent barrage d'artillerie. Il faut faire installer une section avancée de 75 pour pouvoir, à 16 h 30, faire un nouveau bond de quelques centaines de mètres ; en fin de journée, les éléments avancés du régiment restent en contact étroit avec l'ennemi qui marque une certaine résistance sur une ligne générale à 500 m au nord de la lisière nord du bois du Dindon.

Si les pertes sont assez sensibles en raison des nombreuses mitrailleuses masquées dans les bois, sur les crêtes, etc. prenant d'enfilade notre progression, l'enthousiasme des troupes et leur entrain n'en sont nullement altérés et c'est avec joie que, le , à 2 h du matin, elles reçoivent l'ordre de se préparer à attaquer au petit jour.

À 5 h 30, le bataillon d'avant-postes avance résolument, réduit les résistances locales ; les arrière-gardes ennemies se replient et, à 10 h, le premier objectif assigné, c’est-à-dire la croupe nord-ouest de Semide, était atteint; le Bataillon Calté dépassait même un peu cet objectif, mais il était peu après obligé de s’arrêter sous un intense bombardement.

À 14 h, la marche en avant était reprise, mais les mitrailleuses et l’artillerie allemandes empêchaient nos éléments de pointe d’atteindre le deuxième objectif (ferme de Constantine). En se portant en avant avec l’état-major sous un violent barrage d'obus de gros calibre, l’abbè Vidal, aumônier divisionnaire, est blessé ; montrant en cette circonstance la bravoure et la bonne humeur qu’il n'a cessé de prodiguer en maints secteurs, il rejoint après quelques Heures seulement de repos.

En fin de journée, le lieutenant-colonel doit employer le 3e bataillon pour former « en bretelle » face à l'ouest ; car, beaucoup plus avancé que la division de gauche, avec laquelle il a d'ailleurs perdu toute liaison, le régiment est en flèche et dans une situation délicate.

Dans la soirée, le régiment est soumis à un très fort bombardement par obus de tous calibres, et pendant la nuit les rafales de mitrailleuses ne cessent pas.

Le poste de commandement du colonel est installé à la cote 178, sur la route de Nevers à Sedan, au nord-ouest de Semide.

Le , à 5 h 55, le 130e se porte au carrefour de la ferme Mazagran ; là, il a le grand honneur d’être désigné pour constituer avec : Un escadron de cavalerie (qui n’a d’ailleurs jamais rejoint, tant la marche aura été rapide) ; Deux groupes de 75 ; Un groupe de 105 ; Un groupe de 155 ; L’avant-garde de la 124e division.

Le 3e bataillon, pointe et tête d’avant-garde, dirige sa marche suivant l'axe QuillyMarquenyRoche ; en échelon, à sa droite, est le 1er bataillon ; à sa gauche, le 2e. Les trois bataillons sont en colonnes doubles ouvertes.

À 9 h, la pointe quitte la ferme et atteint successivement ses objectifs :

À 9 h 30 : croupe ouest de Quilly ;

À 10 h 50 : croupe nord de Chardeny ;

À 12 h 10 : Marqueny ;

À 12 h 40 : Chuffilly ;

À 13 h 40 : Roche.

Les hommes fournissent allégrement un dur effort, soutenus par Ia satisfaction de reprendre possession du territoire envahi, par la joie de quelques civils hâves, déguenillés, errant dans les villages traversés ; ils sont aussi excités par la vue de ces pauvres villages, par le spectacle des pillages, des incendies, des dévastations auxquels les Allemands se livrent au fur et à mesure du leur recul.

Au débouché de son cinquième objectif, l’avant-garde est accueillie par de violents feux de mitrailleuses et de torpillettes provenant de la presqu'île de Rilly-aux-Oies, du mamelon au sud-est de ce village, et aussi des hauteurs de Voncq, sur la rive droite de l’Aisne.

Devant cette brusque et vive résistance, l'avant-garde est obligée de prendre position à la crête ouest de Roche, tandis que le 1er bataillon, échelon de droite, vient se placer au sud du village. Le commandant du 1er bataillon, le capitaine Oudin, craignant une surprise de la part de l'ennemi dissimulé dans les bois, part seul, en avant de sa troupe, mais les mitrailleuses se démasquent et il tombe, frappé d'une balle en plein cœur ; avec lui disparaît une des plus pure figures du régiment, un officier admirable, adoré de ses hommes, profondément estimé de ses camarades et de ses chefs. Le bataillon de gauche va prendre position dans le ravin ouest de Sainte-Vaubourg.

Le commandant de l'avant-garde ne croit pas pouvoir s'engager dans une attaque de la presqu’île de Rilly tant qu‘il ne sera pas fixé sur l'occupation des hauteurs de Voncq, qui constituent une sérieuse menace sur le flanc droit et qui ne devaient d'ailleurs être enlevées que plus tard.

Toute la nuit, le régiment, accroché aux positions conquises, subit la réaction extrêmement violente de l’ennemi : l'artillerie se manifeste particulièrement intense sur nos lignes et les villages de Chuffilly et Marqueny.

Les hommes sont très fatigués par la pénible progression de 12 km qu'ils viennent de faire dans des terrains accidentés, bouleversés par les obus, trempés par une pluie continuelle ; mais leur moral reste excellent ; ils gardent entière leur volonté de vaincre.

Le poste de commandement du colonel est installé à Chuffilly-Roche.

Le 13, la matinée est calme, mais l'artillerie se montre très active dans l’après-midi et dans la soirée, et elle rend très difficile la relève du régiment, qui se fait dans la nuit du 13 au 14.

Le , au petit jour, le régiment est rassemblé dans un camp boche au sud de la voie ferrée SemideMachault.

Le , le régiment reçoit un ordre de mouvement et va cantonner dans la région de Pont-Faverger où il arrive dans l’après-midi ; l’état-major et la C.H.R. se placent dans le village et les bataillons au camp Malval.

Les jours suivants sont consacrés au repos, à des travaux de propreté et à l’amélioration des cantonnements qui prennent aussitôt un agréable aspects ; en outre, les pionniers et les sapeurs du régiment, remettent en état quelques maisons de Pont-Faverger et les rendent habitables pour le moment du retour éventuel de leurs propriétaires.

Le 25, le 130e honore, au camp Malval, la mémoire de ses morts des combats d’Orfeuil.

Le 27, le général commandant la 124e division d'infanterie transmet au régiment les félicitations du général Gouraud, commandant la IVe armée, pour l'activité et l'intelligence dont il a fait preuve dans la remise en état des villages et des cantonnements de la zone de Pont-Faverger.

Dans la soirée du 27, le 130e fait mouvement et va cantonner :

L'état-major, la C.H.R. et le 2e bataillon, à Saint-Pierre-à-Arnes ; le 1er bataillon, au nord du Petit-Bellois ; le 3e bataillon, au sud du Grand-Bellois.

Le 28, le régiment se remet en route dans la direction ouest de Terron-sur-Aisne et, après avoir stationné trente-six Heures à Quilly et Chardeny, il gagne les avant-postes autour de la ferme Fontenille, au nord de la route VouziersRoche, sur la crête sud de la vallée de l'Aisne. Le 1er et le 3e bataillon sont en réserve à Coëgny et Chuffilly.

Le 130e, en prenant les avant-postes, est chargé de tenir sur place et de protéger les nombreuses batteries qui s’installent rapidement en vue d'une action importante offensive : il s'agit de rejeter l'ennemi au-delà des bois de Voncq et du Chesne.

Les reconnaissances nécessaires sont faites en fin de journée en vue de reconnaître les points de passage sur le canal et sur l’Aisne.

Le 1er novembre, le régiment occupe à 4 h les positions de rassemblement prescrites; il est en réserve de division. Le poste de commandement du colonel fonctionne à l'ouest de la ferme Écharson.

Le cours de l'Aisne, que nous allons avoir à franchir, a depuis Vouziers, une direction sinueuse orientée d’abord du sud-est au nord-ouest jusqu'à hauteur de Semuy, où la rivière forme une boucle entourant la croupe de Rilly-aux-Oies pour aller ensuite passer à Attigny en s’infléchissant vers le sud-ouest.

La vallée, large de 1,500 m environ, est complètement inondée par la destruction des écluses et des barrages ; son flanc droit remonte mollement vers le village de Terron-sur-Aisne, mais la rivière et le canal serrent de près le flanc gauche, très élevé, abrupt, et boisé. En avant, l'éperon de Voncq constitue une position dominante naturellement très forte et fortement organisée : il prend d'enfilade toute cette portion de la vallée, menaçant sérieusement notre voie d’accès vers Terron.

Cependant, la valeur de tous ces obstacles exige que la division prenne son dispositif d’attaque sur la rive droite. Pour briser l'opposition que l’ennemi pourrait offrir à un passage de vive force du canal et de la rivière, un bataillon de mitrailleuses renforcé par les compagnies du 130e se met en batterie face à la hauteur de Voncq.

À 9 h, le 101e et le 124e se portent à l’attaque, suivis de près par le 130e qui doit, soit appuyer l’un ou l’autre régiment. en cas de besoin, soit s'établir « en bretelle » face à droite, en cas d’arrêt de la division de droite.

Malgré la vive réaction de l'artillerie ennemie et les difficultés inhérentes au terrain bouleversé et inondé, le passage sans trop de peine ; le 124e réussit à déborder le village de Voncq et s'en empare avec tous les défenseurs qu’il contenait ; le 101e éprouve à droite une vive résistance et est entraîné malgré lui vers l'ouest, créant un vide entre sa droite et les éléments de gauche de la division voisine. Le bataillon Calté, devançant les ordres du commandement, s'engage spontanément pour combler le vide, se déploie tout entier face à l’est et rétablit la liaison.

C'est sur ces positions que le régiment passe la nuit, le poste de commandement étant à Terron.

La situation du bataillon de première ligne est délicate, les diverses unités n’ayant pu stopper que la nuit sur un large front et dans un bois très touffu. Aussi l'ennemi, qui cherche par tous les moyens à nous rejeter sur l’Aisne, s’infiltre dans ce bois et déborde même un moment la 1re compagnie ; celle-ci, alertée, se porte immédiatement à la contre-attaque avec un superbe élan et repousse les agresseurs. Le combat se poursuit toute la nuit ; enfin, les Allemands sont définitivement rejetés et un groupe d’entre eux qui avaient réussi à surprendre et à désarmer quelques-uns des nôtres, sont a leur tour faits prisonniers par ceux qu'ils emmenaient.

L'ordre d’attaque de la division arrive dans la journée du .

Le 130e doit pousser tout droit en direction générale de Le Chesne, tout en conservant la liaison étroite avec ses voisins. Aussi pendant toute la journée il ne cesse de presser sur l’ennemi, qui oppose une vive résistance tant par son infanterie et ses mitrailleuses que par son artillerie qui bombarde violemment nos positions.

Le 3, à 10 h, les vagues d'assaut se portent en avant pendant que l'ennemi bat en retraite laissant des prisonniers entre nos mains : talonné, harcelé par les compagnies qui rivalisant d'entrain, il abandonne dans la journée un abondant matériel de toute nature, 2 pièces de 150 et de nombreuses mitrailleuses.

Dans l'après-midi, le régiment reçoit l'ordre d'appuyer à droite et d’occuper, au nord-ouest du bois du Chesne, aux environs de la ferme Beaufuy, une position de rassemblement.

Avec une grande habileté de mouvement, glissant le long des lignes ennemies sans rompre le contact, le 130e atteint cette position à la nuit tombante : le passage de l’Aisne l'a trempé jusqu'aux os, avant hier ; il s’est, hier, battu sans trêve, ce soir, il trébuche dans des sous-bois boueux où il s'enlise jusqu'aux genoux. il descend des ravins, franchit des crêtes et sa bonne humeur reste entière, jusqu'à la dernière minute peut on dire, puisque l'ordre de relève — le dernier! — arrive dans la nuit.

Le , l'État-major, la C.H.R, les 1er et 2e bataillons sont à Quilly, le 3e à Tourcelles-Chaumont.

Par ordre général en date de ce jour, le général Pétain, commandent en chef les armées françaises du Nord et du Nord-Est, décide que le 130e a droit au port de la fourragère aux couleurs du ruban de la Croix de guerre.

Le 5, le régiment va occuper d’anciens camps allemands au sud de Juniville.

Le 7, il cantonne à Ménil-Lépinois État-major et C.H.R., aux camps du Grand-Jardin et de Munsterlager 1er et 2e bataillons et au Châtelet 3e bataillon.

Le général Tatin quitte le commandement de la 124e Division d'Infanterie et envoie à celle-ci un vibrant ordre d'adieux.

Le même jour, le régiment était cité à l'ordre de la 124e division d'infanterie, dans les termes suivants :
« Glorieux régiment à qui ses hauts faits d'armes donnent une des premières places parmi les régiments d'élite. Du 1er au , sous les ordres du lieutenant-colonel Rousseau, après avoir collaboré avec ses mitrailleuses et ses engins d'accompagnement à la prise de Voncq, il bouscule l'ennemi devant la Maison Forestière et le poursuit jusqu’aux lisières nord du bois du Chesne, capturant au cours de sa victorieuse avance un certain nombre de prisonniers, deux pièces de 150 et un important matériel, »
Signé : Tatin.

Le 8, le général Cot prend le commandement de la 124e Division d'Infanterie.

Le 10, le régiment reçoit la citation suivante, à l’ordre de l'armée :

« Unité d'élite qui vient, sous le commandement du lieutenant-colonel Rousseau, de justifier sa valeur éprouvée durant toute la campagne. Jeté brusquement dans la bataille, du 4 au , a attaqué par deux fois, avec une énergie et une abnégation admirables, la position d’Orfeuil formidablement organisée et défendue par de nombreuses mitrailleuses, et s'est maintenu sur les positions conquises malgré les pertes sévères en officiers et soldats que subissaient ses différentes unités ; oubliant ses fatigues, s’est élancé brillamment ensuite à la poursuite de l'ennemi, l’obligeant, en dépit de sa résistance et malgré de violentes contre-attaques, à précipiter en désordre son repli sur l'Aisne, libérant en deux journées de combats ininterrompus une notable partie du territoire et capturant des prisonniers et un important matériel. »
Le Général commandant la IVe armée,
Signé : Gouraud.
L’armistice

Le , le commandement fait savoir par téléphone que l’Allemagne accepte les conditions qui lui sont imposées pour obtenir un armistice.

Cette nouvelle, aussitôt transmise aux diverses unités du régiment, est accueillie avec un sang-froid, un calme, une dignité remarquables.

Le 12, le maréchal Foch, commandant en chef les armées alliées, adresse aux troupes l'ordre suivant ;

Officiers, Sous-Officiers, Soldats des Armées Alliées
« Après avoir résolument arrêté l’ennemi, vous l’avez pendant des mois, avec une foi et une énergie inlassables, attaqué sans répit.
« Vous avez gagné la plus grande bataille de l'histoire et sauvé la cause la plus sacrée : la liberté du monde.
« Soyez fiers !
« D‘une gloire immortelle vous avez paré vos drapeaux.
« La postérité vous garde sa reconnaissance. »
Signé : Foch

Le régiment part à la poursuite! Mais il ne devait pas aller au-delà des Ardennes ; la joie de fouler le sol ennemi, d’être accueilli par les populations de Lorraine délivrées, ne lui était pas réservée. Il accepta cette déception avec l’abnégation qui l’a distingué durant toute la campagne et ne fut que plus ardent à secourir les malHeureuses populations des Ardennes.

Le 14, le régiment se déplace et cantonne aux points suivants :

État-major, C.H.R., 1er et 2e bataillons : Provizy ; 3e bataillon : Novion-Porcien.

L'ordre suivant parvient du général Pétain :

Aux Armées Françaises
« Pendant de longs mois vous avez lutté. L’Histoire célébrera la ténacité et la fière énergie déployées pendant ces quatre années par notre patrie qui devant vaincre pour ne pas mourir.
« Nous allons demain, pour mieux dicter la paix, porter nos armes jusqu’au Rhin ; sur cette terre d'Alsace-Lorraine qui nous est chère, vous pénétrerez en libérateurs. Vous irez plus loin, en pays allemand, occuper des territoires qui sont le gage nécessaire des justes réparations.
« La France a souffert dans ses campagnes ravagées, dans ses villes ruinées ; elle a des deuils nombreux et cruels; les provinces délivrées ont eu à supporter des vexations intolérables et des outrages odieux. Mais vous ne répondrez pas aux crimes commis par des violences qui pourraient vous sembler Iégitimes dans l’excès de vos ressentiments. Vous resterez disciplinés, respectueux des personnes et des biens. Après avoir battu votre adversaire par les armes, vous en imposerez encore par la dignité de votre attitude et le monde ne saura ce qu'il a le plus à admirer, de votre tenue dans le succès ou de votre héroïsme dans les combats.
« J'adresse avec vous un souvenir ému à nos morts dont le sacrifice nous a donné la victoire. J’envoie un salut plein d’affection attristée aux pères, mères, aux veuves et aux enfants de France, qui cessent un instant de pleurer, dans ces jours d’allégresse nationale, pour applaudir au triomphe de nos armes. Je m’incline devant nos drapeaux magnifiques.
« Vive la France ! »
Signé : Pétain

Le , le régiment se met en route et s’installe à Poix-Terron État-major, C.H.R., 2e et 3e bataillons et Raillicourt 1er bataillon.

Quelques jours plus tard, le 23, il était témoin d'un de ces crimes perfides que les Allemands multiplièrent en abandonnant les territoires qu'ils avaient envahis : une mine à retardement pulvérisa une maison située à une centaine de mètres de Poix-Terron, ensevelissant une jeune fille sous les décombres et causant aux habitations du village des dégâts considérables.

Le 30, une prise d’armes eut au cours de laquelle le drapeau du 130e reçut la palme et l'étoile, glorieuses récompenses des derniers combats.

Le , sous une violente bourrasque de neige, le général Debeney, commandant la 1re armée, remit officiellement la fourragère au régiment.

Le 21, le 1er bataillon quitta Raillicourt et vint cantonner à Poix ; le 2e bataillon alla occuper le village de Singly.

Le 22, le 3e bataillon, désigné pour un service à l’intérieur, est dirigé sur la gare de Vouziers ; le 26, il fait savoir qu’il est arrivé à destination ; les 9e et 11e compagnies et la C.M.3 sont à Orléans, la 10e compagnie est à Nevers.

Le , le nouvel an de la victoire est fêté dans tous les cantonnements ; le 2e groupe du 44e Régiment d'artillerie de campagne envoie au régiment ses saluts et ses vœux :

« En ce premier jour de 1919, le commandant et les officiers du 2e groupe du 44e n’oublient pas le colonel du 130e et les camarades de leur régiment d'infanterie.
« Ils leur adressent leurs meilleurs vœux pour eux et leurs familles, et souhaitent que les circonstances les réunissent bientôt pour se sentir à nouveau au cœur à cœur soit en entrant en Alsace-Lorraine, soit en pénètrant en terre ennemie.
« Tous adressent, au 130e l’expression de leur vif attachement. »

Qu’il nous soit permis de profiter de cette occasion pour adresser à nos camarades artilleurs du 2e groupe du 44e et en particulier à leur chef, l’admirable commandant Hachette, un hommage public. Pendant de longs mois de collaboration attentive, étroite, incessante, soit au cours des journées de bataille, soit pendant la préparation de nos coups de main ou dans la défense contre les raids des Allemands, le 130e et le 2e groupe ont réalisé une union cordiale et féconde et notre régiment gardera au commandant Hachette, à ses officiers, à ses canonniers une sympathie durable.

Le , arrivait l’ordre de se tenir prêt au départ. Pendant les six semaines que nous venions de passer dans le pauvre village de Poix-Tenon, le 130e avait fait œuvre grandement utile : les habitants, ruinés, dépouillés de tout, étaient en proie à une réelle famine et les soldats se privèrent pour leur apporter quelque soulagement ; leurs maisons délabrées furent restaurées avec des matériaux de fortune ; des centaines de « déracinés », d'innombrables familles déportées par les Boches loin de leur foyer, mourant de privations, de froid, de chagrin, furent reconduites dans leurs villages par tous les moyens que le régiment put mettre en œuvre. Ce que les organisations officielles ne pouvaient songer à préparer, le 130e l’improvisa avec tout son cœur, et le bien qu’il fit fut très grand.

Le 5, le régiment s’acheminait vers Le Chesne ; le 6, il couchait à Mont-Saint-Martin 1er bataillon et Saint-Morel pour l'État-major, C.H.R. et 2e bataillon où il embarquait, le 7, en chemin de fer.

Après 24 h de voyage, le débarquement avait lieu à La Chapelle-Saint-Ursin (Cher).

Le , le 130e prenait dans l’après-midi possession des cantonnements de Moulin-Neuf C.H.R. et État-major, Villeneuve-sur-Cher le 2e bataillon, et Sainte-Thorette pour le 1er bataillon.

Le temps fut employé à des exercices, des jeux, de l’instruction, du sport, des fêtes, des marches, etc. Placé à une quinzaine de kilomètres de Bourges, le régiment eut plusieurs fois l’occasion de traverser la ville pour participer à des prises d’armes ou des cérémonies diverses, et toujours son allure, sa tenue y produisirent la meilleure impression. Les cantonnements reçurent à plusieurs reprises la visite du général De Fonclare, commandant la 8e région, qui exprime toute sa satisfaction et voulut bien présider les fêtes sportives du régiment.

Enfin, le , le régiment s'embarquait à Mehun-sur-Yèvre pour rentrer à Mayenne où il fut reçu le 16 avec enthousiasme.

Nous avons, sans nous étendre comme nous l’aurions désiré, tracé à grands traits l'existence du 130e régiment d'infanterie pendant la campagne 1914-1918. Sacrifiant la perfection du style, le fini de la description au pur souci de l’exactitude, nous avons modestement voulu faire revivre aux yeux des anciens et montrer aux jeunes soldats qui leur succédèrent, ce que fit le régiment de Mayenne sur les champs de bataille, pendant les séjours en secteurs et dans les cantonnements de l'arrière.

Les chefs sous lesquels nous avons combattu n'ont jamais manqué de rendre hommage à la valeur du 130e ; les populations des villages de la Marne, de la Somme, des Ardennes, du Cher, conserveront toujours le meilleur souvenir des bons « gars » serviables et tranquilles qu’ils admettaient vete à leur foyer, dont le départ ne leur causait que des regrets.

Et si nous voulons résumer chacun des caractères de ces diverses périodes qu'il traversa, il nous faut proclamer qu'au feu, partout, le 130e fut héroïque ; dans les tranchées, il fit constamment preuve de la plus belle ardeur au travail ; au repos, son attitude ne cessa d’être pleine de correction et de dignité : il fut, en un mot, un modèle de discipline. C’est grâce à cette discipline qu'il soutint les plus durs combats, qu'il traversa les moments les plus critiques, sans que la moindre ombre ait passé sur son drapeau ; c’est grâce à sa discipline qu'en des jours douloureux de notre histoire de la guerre il évita la contamination d'idées néfastes propagées par l'ennemi ; c'est grâce à sa discipline que tous ceux qui firent la grande guerre peuvent dire, en portant haut le front :

« Le 130e, j’en étais, et cela voudra dire : « J'ai fait tout mon devoir. »

Entre-deux-guerres

En 1919 Mariadorf, Rhénanie-du-Nord-Westphalie.

Seconde Guerre mondiale

Monument en mémoire des combats du 130e RI à Pinon début juin 1940.

Le régiment est reformé le , mobilisé en Mayenne au centre mobilisateur d'infanterie no 41[10].

En 1940, le 130e régiment d'infanterie appartient à la 7e division d'infanterie du général Hupel[10].

Lors de l'attaque allemande au début de la bataille de France, le 130e RI reçoit l'ordre de reprendre l', une crête de la commune de Volmerange-les-Mines. Mal menée, l'attaque est un échec et le régiment perd une quarantaine de tués, dont le commandant du corps franc, le capitaine Félix Grat[11]. Le régiment combat ensuite dans la bataille de l'Ailette, notamment à Pinon les et .

Drapeau

Il porte, cousues en lettres d'or dans ses plis, les inscriptions suivantes[12]:

Fourragère aux couleurs de la Croix de guerre 1914-1918

Décorations

Sa cravate est décorée de la Croix de guerre 1914-1918 avec deux citations à l'ordre de l'armée puis une à l'ordre du corps d'armée et de la division.

Il a le droit au port de la fourragère aux couleurs du ruban de la croix de guerre 1914-1918.

Chant

"Qu'il pleuv' ou qu'il vent' le 130 marche tout l'temps."

Insigne

Devise

Tout droit!

Personnages célèbres ayant servi au 130e RI

Sources et bibliographie

  • Bibliographie fournie par le musée du château de Vincennes.
  • À partir du Recueil d'Historiques de l'Infanterie Française (Général Andolenko - Eurimprim 1969).
  • chtimiste.com, le 130e R.I
  • Historique du 130e R.I sur le BDIC

Notes et références

  1. Base Leonore cote LH/1793/11
  2. Base Leonore cote LH/1134/45
  3. Base Leonore cote LH/1787/46
  4. www.alpins.fr
  5. Base Leonore cote LH/2209/56
  6. Base Leonore cote LH/1432/65
  7. Base Leonore cote LH/1250/64
  8. Base Leonore cote 19800035/189/24667
  9. Base Leonore cote 19800035/1483/72394
  10. « Regiments français », sur www.atf40.fr (consulté le )
  11. Henri Hiegel, La drôle de guerre en Moselle : 1939-1940, t. II : 10 mai au 4 juillet 1940, Editions Pierron, (ISBN 2-7085-0019-8, 978-2-7085-0019-8 et 2-7085-0023-6, OCLC 12557135, lire en ligne)
  12. Décision no 12350/SGA/DPMA/SHD/DAT du 14 septembre 2007 relative aux inscriptions de noms de batailles sur les drapeaux et étendards des corps de troupe de l'armée de terre, du service de santé des armées et du service des essences des armées, Bulletin officiel des armées, no 27, 9 novembre 2007
  13. Charles et Étienne de Fontenay : lettres du front, 1914-1916

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes


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