Armée secrète (France)
L’Armée secrète (AS) est un regroupement de résistants français pendant la Seconde Guerre mondiale, créé en septembre 1942.
Pour les articles homonymes, voir AS.
Pour l'organisation belge, voir Armée secrète (Belgique).
Ne doit pas être confondu avec Organisation armée secrète.
Armée secrète | |
Devise : Insigne de l'Armée secrète en Haute-Savoie. | |
Idéologie | Gaullisme |
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Objectifs | Fin de l'occupation de la France par l'Allemagne et rétablissement du régime républicain en France |
Fondation | |
Date de formation | Septembre 1942 |
Pays d'origine | France |
Actions | |
Période d'activité | – |
Organisation | |
Chefs principaux | • Charles Delestraint • Henri Frenay • François Morin-Forestier • Pierre Dejussieu-Pontcarral • Emmanuel d'Astier de La Vigerie • Jean-Pierre Lévy |
Fait partie de | FFI (1944) |
Organisation
Cette structure de combat est issue du regroupement des formations paramilitaires des trois plus importants mouvements de résistance « gaulliste »[1] de la zone sud : Combat, Libération-Sud et Franc-Tireur.
Au milieu de l'année 1942, en Région R1, ces trois grands mouvements souhaitent coordonner les unités militaires dont ils disposent, afin de les rendre plus efficaces[2]. Henri Frenay, le chef de Combat, revendique le commandement de la nouvelle structure, mais il se heurte à l'opposition d'Emmanuel d'Astier de La Vigerie, chef de Libération-Sud[3] et à celle de Jean-Pierre Lévy, chef de Franc-Tireur[4]. Jean Moulin tenant à ce que ce poste ne soit pas occupé par une personnalité déjà engagée dans un mouvement[2], Frenay propose le nom de Charles Delestraint[5], général rappelé de sa retraite durant la bataille de France, qui admire de Gaulle — qu'il a eu sous ses ordres[5] — et déteste Vichy[2]. C'était le seul officier général à avoir été promu malgré la défaite[6] ; la proposition est acceptée unanimement[2].
Le 28 août 1942, à Lyon, a lieu la première rencontre entre Jean Moulin et le général Delestraint. À l'issue de l'entretien, Jean Moulin fait mettre immédiatement les trois chefs régionaux des formations paramilitaires des grands mouvements à la disposition de Delestraint, lui permettant ainsi de choisir le plus apte à la direction régionale de l'Armée secrète. À ce poste, clandestin et dangereux, le général nomme le capitaine Claudius Billon. Dès septembre, Billon, connaissant le petit nombre d'hommes engagés dans la Résistance et capables d'accepter responsabilités et risques, après avoir pris les contacts nécessaires, nomme chacun des chefs départementaux AS de R1, à l'exception du chef départemental AS de l'Ain, nommé directement par Delestraint.
En octobre, Delestraint est nommé (officiellement) par le général de Gaulle (le général de Lattre avait également été approché pour ce poste, mais avait refusé[7]). La prise effective de commandement ne se fait toutefois que le 11 novembre 1942[2],[6]. Son secrétaire à ce poste est François-Yves Guillin ; le chef du 2e bureau de l'AS est Joseph Gastaldo. André Lassagne est l'adjoint de Gastaldo, avant de devenir celui de Delestraint, et le renseignement est confié à Albert Lacaze (4e bureau). Son chef d'état-major est François Morin-Forestier, issu de Combat[2], état-major dans lequel est également intégré Raymond Aubrac[8].
Le 27 novembre 1942, à Collonges-au-Mont-d'Or, a lieu la réunion constitutive du Comité de coordination de zone Sud — le chef de l'Armée secrète y est présenté par Jean Moulin aux responsables convoqués. Ce comité est destiné à préparer l'union des trois grands mouvements de résistance[9],[10].
Inexpérimenté face aux contraintes de la vie clandestine[6],[11], Delestraint passe toutefois en décembre la ligne de démarcation pour prendre contact avec les mouvements majeurs de la zone Nord : Ceux de la Libération, l'Organisation civile et militaire (OCM)[2], le Front national, Libération-Nord[12]. Puis, de retour dans la zone libre, il participe à la création des Mouvements unis de la Résistance (MUR), lors de la réunion du , à Miribel, dans le département de l'Ain[13],[14].
En Région R1, au début de février 1943, l'Armée secrète est décapitée par Hugo Geissler, commandeur du Sipo-SD à Vichy, et ses hommes. Le 1er février, à Lyon, place du Pont, il arrête le capitaine Claudius Billon, chef de l'AS de R1 (onze départements), et Pierre Lavergne, son adjoint. Le 3 février, à Saint-Étienne (au 31, rue Basse-des-Rives), lors d'une réunion secrète de l'état-major de l'AS départementale, les mêmes arrêtent le chef de l'AS Loire, le lieutenant Gaëtan Vidiani, et ses compagnons. Le 10 février, au Puy-en-Velay, ils poursuivent le démantèlement de l'AS en R1 avec l'arrestation du chef de l'AS Haute-Loire, le capitaine Alfred Salvatelli, chez lui, ainsi que de ses compagnons. À partir de cette dernière arrestation (10 février), le département de la Haute-Loire passe en région R6 (Auvergne). Le 27 mai 1943, ces trois arrestations, orchestrées par Geissler, figurent, en bonne place, au début du rapport Kaltenbrunner adressé à von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères du Reich[15].
Delestraint cherche ensuite, contre l'avis de Frenay (qui avait été nommé provisoirement délégué général de l'Armée secrète[6]), à mettre l'Armée sous la tutelle des MUR[2]. Frenay, en étant, d'un côté, le no 2 de l'Armée secrète, et, de l'autre, membre du comité de coordination de cette même armée, souhaite alors le rappel de Delestraint et sa propre nomination à la tête de l'Armée secrète, souhaits à nouveau écartés par les autres membres du comité de coordination, Moulin, d'Astier et Lévy[16].
À Londres, en février 1943, pour rencontrer les autorités alliées[17], Delestraint est chargé de faire de sa troupe le « noyau de la future armée française », estimée à 150 000 hommes. Par malheur, François Morin-Forestier est arrêté en mars, avec Raymond Aubrac, Maurice Kriegel-Valrimont et Serge Ravanel, des MUR, et ne peut être libéré qu'en mai, grâce à l'action de son ancien co-détenu, Raymond Aubrac. Sa libération ne permet pourtant pas son retour à l'état-major : trop exposé, il est exfiltré vers Londres. En avril, Delestraint repart une nouvelle fois à Paris où il arrive le 11 avril[11]. Par le rapport du 4 juin, Moulin déplore les risques que prend Delestraint, accomplissant seul son travail alors qu'il devrait être mieux secondé[2].
Le 9 juin 1943, Delestraint, Gastaldo et Jean-Louis Théobald, un de leurs adjoints, sont arrêtés à Paris. Le 21 juin, une réunion d'état-major a lieu pour trouver un successeur à Delestraint à Caluire-et-Cuire. Le lieutenant-colonel Émile Schwarzfeld, candidat à la succession de Delestraint, Aubrac, candidat pour la direction en zone nord, et Lassagne, pour la zone sud[18], ainsi que d'autres chefs de la Résistance comme Moulin, Henri Aubry, René Hardy, Albert Lacaze et Bruno Larat sont faits prisonniers. En juillet 1943, le colonel Pierre Dejussieu-Pontcarral est nommé chef d'état-major d'une Armée secrète désormais sans chef officiel[2]. Le chef d'état-major de la zone Sud est le général Jouffrault, jusqu'en août 1943, date à laquelle il est arrêté lui-aussi[19].
Le 1er février 1944, l'Armée secrète (de tendance gaulliste) est fondue dans les Forces françaises de l'intérieur (FFI), avec l'Organisation de résistance de l'Armée (ORA, giraudiste) et les Francs-tireurs et partisans français (FTPF, communistes, à ne pas confondre avec le mouvement Franc-Tireur).
Dans les régions
Cette structure est surtout présente dans la moitié sud de la France : Rhône-Alpes (région de résistance R1) et Auvergne (région de résistance R6), mais aussi Limousin (région de résistance R5), le Sud-Est (région de résistance R2) et le Sud-Ouest (région de résistance R4). Elle correspond à l'organisation utilisée par Combat[20].
L'unification des régions de la zone libre ne prit que quelques semaines, les différents chefs étant choisis parmi les chefs régionaux en poste[16]. En région « A », l'effectif fut quasiment entièrement composé de membres de l'OCM[11].
Notes et références
- Dewavrin 2000, p. 704.
- François Broche, « L’Armée secrète, nouvelle « armée de l’intérieur » », Les Chemins de la mémoire, no 231, (lire en ligne [PDF], consulté le ).
- Dewavrin 2000, p. 379.
- Préface au livre II, Dewavrin 2000, p. 39.
- Dewavrin 2000, p. 380.
- Dewavrin 2000, p. 474.
- Daniel Cordier, Alias Caracalla : mémoires, 1940-1943, Paris, éd. Gallimard, 2009, p. 406.
- Aubrac 2000, p. 98-101.
- Dewavrin 2000, p. 381.
- François-Yves Guillin, Henri Hours, et alii, Lieux secrets de la Résistance, Lyon, 1940-1944, Lyon, éd. lyonnaises d'art et d'histoire, 2015, 238 pages, p. 206-207.
- Dewavrin 2000, p. 562.
- Dewavrin 2000, p. 501.
- [PDF]« Structuration de l'Armée Secrète et unification au sein des Mouvements Unis de la Résistance »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), sur Académie de Lyon (consulté le ).
- « La Résistance civile », Mémoire de la Déportation dans l'Ain (1939-1945) (consulté le ).
- Grundmann et Martres 2012, p. 406.
- Dewavrin 2000, p. 475.
- Dewavrin 2000, p. 563.
- Aubrac 2000.
- Oncle d'André Grandclément, Jouffrault aurait été arrêté à la suite de la trahison de son neveu (Pierre Favre, Histoire d'un militaire peu ordinaire, éditions L'Harmattan, , 265 p.).
- Dewavrin 2000, p. 373.
- Grundmann et Martres 2012, p. 406.
- « La Résistance armée », Mémoire de la Déportation dans l'Ain (1939-1945) (consulté le ).
- Muller 2003, p. 26.
- Muller 2003, p. 151.
- Muller 2003, p. 152.
- Luirard 1980, p. 489.
- André Négis, Marseille sous l'occupation, Editions du Capricorne, , 367 p..
- Autrand 1965, p. 89.
- Françoise Nicoladzé, Passant, souviens-toi : Montpellier, lieux de mémoire, 1940-1945, Presses du Languedoc, , 126 p. (ISBN 978-2-85998-204-1).
- Boyer et Binot 2007.
- René Maruéjol et Aymé Vielzeuf, Le maquis Bir-Hakeim, éditions Le Camariguo, , 243 p., p. 26.
- Sylvain Le Bail, Mojzesz Goldman dit "Mireille" : premier chef départemental du maquis A.S., Dordogne, 1943, Chêne Vert, , 333 p..
- Richard Seiler, Charles Mangold, Chef de l'Armée secrète en Périgord, L'Harmattan, Paris, 2014.
- « Les Maquis civraisiens du secteur Vienne Sud ».
- Maurice Nicault, Résistance et Libération de l'Indre : Les insurgés, C.C.B. Royer, coll. « passé simple », , p. 135-136.
- Laure Adler, Françoise, Grasset, , 496 p..
Voir aussi
Bibliographie
- Alfred Salvatelli, Un homme enchaîné s'évade, Paris, éditions Debresse, , 237 p., p. 49-50, 147-148.
- Aimé Autrand, Le département de Vaucluse, de la défaite à la Libération (mai 1940-25 août 1944), Avignon, Aubanel, .
- Monique Luirard, La région stéphanoise, dans la guerre et dans la paix, 1936-1951, Saint-Etienne, CEF, , 1024 p., p. 489. Thèse de doctorat d'État en Histoire, Université Montaigne-Bordeaux 3, 1978.
- Gérard Chauvy, Histoire secrète de l'Occupation, Paris, Payot, , 350 p., p. 38-40, 309-310.
- François-Yves Guillin, Le général Delestraint, premier chef national de l'Armée secrète, Paris, Plon, , 408 p., p. 93, 97-98, 110, 131-134, 161-162, 167. Thèse de doctorat en Histoire, Université Lumière-Lyon 2, 1992.
- Raymond Aubrac, Où la mémoire s'attarde, Paris, Odile Jacob, , 1re éd., 375 p., p. 70-73, 80-83.
- André Dewavrin, Mémoires du chef des services secrets de la France libre, éditions Odile Jacob, , 801 p.
- Charles Muller, Les sentiers de la liberté, éditions de Borrée, , 377 p.
- Philippe Barrière, Tal Bruttmann, Jean-Claude Duclos et al., 1939-1945, l'Isère en Résistance : l'espace et l'histoire, Grenoble, éditions du Dauphiné, , 194 p.
- Régis Boyer et Jean-Marc Binot, Nom de code : BRUTUS. Histoire d'un réseau de la France libre, éditions Fayard, , 484 p.
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- Isabelle von Bueltzingsloewen, Laurent Douzou, Jean-Dominique Durand, Hervé Joly et Jean Solchany (dir.), Lyon dans la Seconde Guerre mondiale : Villes et métropoles à l'épreuve du conflit, Rennes, Presses universitaires de Rennes, , 362 p., p. 279.
- Raymond Aubrac, Où la mémoire s'attarde, Paris, 2e édition de poche, (1re éd. 1996), 466 p. (ISBN 978-2-7381-0850-0).
Articles connexes
- Résistance intérieure française
- Liste des réseaux et mouvements de la Résistance intérieure française
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