Bataille de Tcherkassy
La bataille de Tcherkassy ou bataille de Korsoun[n 1], aussi qualifiée par les Allemands de chaudron de Tcherkassy, se déroule du au . Elle oppose sur le front de l’Est le groupe d'armées Sud du côté allemand aux premier et deuxième fronts ukrainiens de l’Armée rouge.
Date | – |
---|---|
Lieu |
Région de Tcherkassy, 159 km au sud-est de Kiev, en Ukraine (URSS) |
Issue | Victoire soviétique |
Reich allemand | Union soviétique |
Erich von Manstein Wilhelm Stemmermann | Georgui Joukov Nikolaï Vatoutine (premier front ukrainien) Ivan Koniev (deuxième front ukrainien) |
56 000 hommes 70 chars et canons d’assaut | 200 000 hommes, 500 chars |
55 000 tués et 18 000 prisonniers (estimation soviétique) 26 000 morts, blessés ou prisonniers (estimation allemande) Perte de la totalité de l’équipement de forces allemandes | 24 286 tués et disparus, 55 902 blessés et malades |
Batailles
Front de l’Est
Prémices :
Guerre germano-soviétique :
- 1941 : L'invasion de l'URSS
Front nord :
Front central :
Front sud :
- 1941-1942 : La contre-offensive soviétique
Front nord :
Front central :
Front sud :
- 1942-1943 : De Fall Blau à 3e Kharkov
Front nord :
Front central :
Front sud :
- 1943-1944 : Libération de l'Ukraine et de la Biélorussie
Front central :
Front sud :
- 1944-1945 : Campagnes d'Europe centrale et d'Allemagne
Allemagne :
Front nord et Finlande :
Europe orientale :
Campagnes d'Afrique, du Moyen-Orient et de Méditerranée
Coordonnées 49° 25′ nord, 31° 17′ est
La première phase se déroule du 24 au 28 janvier lorsque les Soviétiques parviennent à encercler les 60 000 combattants du saillant de Korsoun par une attaque en tenaille. Les Allemands, qui comprennent alors seulement les intentions de leur ennemi, mettent immédiatement en place un pont aérien et, ramenant en urgence des forces mécanisées, tentent d'abord le 4 février un ambitieux contre encerclement qui échoue. Un dégel précoce complique tout mouvement, intervention et ravitaillement dans les deux camps. Une seconde opération allemande démarre le 11 février pour délivrer directement les assiégés, mais doit s'arrêter, harcelée sur les flancs, à quelques kilomètres de ceux-ci qui sont alors forcés de percer par eux-mêmes en submergeant les Soviétiques dans la nuit du 16 au 17 février jusque dans la journée, abandonnant armes lourdes, véhicules et blessés.
Si les trois quarts des effectifs encerclés ont pu s'échapper, les forces armées allemandes en Ukraine ont consommé leurs dernières forces blindées dans la bataille et sont épuisées. Dans les deux mois qui suivent, les Soviétiques, poursuivant l’offensive stratégique Dniepr-Carpates (-), vont les chasser d'Ukraine.
Janvier 1944
En janvier 1944, le Groupe d’armées Sud de la Wehrmacht, sous le commandement du Feldmarschall Erich von Manstein, qui comprend notamment la 8e armée allemande dirigée par le général Otto Wöhler a fait retraite jusqu’à la ligne Panther-Wotan, une position défensive le long du Dniepr, en Ukraine.
Deux corps d’armées, le XIe du général Wilhelm Stemmermann et le XLIIe du lieutenant général Theobald Lieb, renforcés par le détachement B de la 8e armée, occupent un saillant à l’intérieur des lignes soviétiques : ce saillant s’étend sur 100 km, jusqu’au village de Kanev, sur le Dniepr, avec en son centre la ville de Korsun, à l’ouest de Tcherkassy.
Le maréchal de l’Union soviétique Gueorgui Joukov se rend compte de la possibilité de détruire la 8e armée de Wöhler, en prenant Stalingrad comme modèle et en utilisant les mêmes tactiques que celles qui ont permis la défaite de la 6e armée de Paulus après son encerclement. Joukov propose au commandement suprême de l’Armée rouge (Stavka) de déployer les premier et deuxième fronts ukrainiens afin de constituer deux lignes d’encerclement, la première étant destinée à anéantir les troupes allemandes prises au piège et la deuxième à empêcher que des renforts ne puissent rejoindre les unités encerclées.
Malgré les avertissements répétés de von Manstein et d’autres officiers, Adolf Hitler refuse d’autoriser les unités exposées à une offensive soviétique à se retirer sur des positions plus sûres.
Pour mener à bien la destruction de la 8e armée allemande, les Soviétiques déploient les forces suivantes :
- 27e et 40e armées, 2e armée aérienne et 6e armée blindée
- 4e armée, 5e armée blindée, 5e armée aérienne et 5e corps de cavalerie de la Garde, 52e et 53e armées. Ces forces sont rejointes par la 2e armée blindée pendant le cours de l’opération.
L’encerclement
Le , les craintes de von Manstein s’avèrent fondées lorsque le premier front ukrainien du général Nikolaï Vatoutine et le deuxième front ukrainien du général Ivan Koniev attaquent les côtés du saillant et encerclent les deux corps d’armées allemands. Le 28 janvier, la jonction entre la 20e brigade blindée de la Garde et la 6e armée blindée du 1er front ukrainien, au village de Zvenigorodka boucle l’encerclement et crée la poche (Kessel signifie « chaudron » en allemand), bientôt connue sous le nom de poche de Korsoun-Tcherkassy. Staline attend le second Stalingrad qui lui avait été promis : « Il ne faut pas s’en faire, camarade Staline. L’ennemi encerclé ne s’échappera pas[1]. »
Soixante mille hommes sont pris dans la nasse, soit six divisions comprenant environ 55 % de leurs effectifs et un certain nombre d’autres unités de plus petite taille. Parmi les forces allemandes prises au piège, se trouvent la 5e Panzerdivision SS Wiking dont fait partie la SS Sturmbrigade Wallonie, le bataillon SS estonien Narwa, ainsi que cinq à six mille auxiliaires russes. Ces forces sont placées sous le commandement du général Wilhelm Stemmermann et dénommés « Gruppe Stemmerman ». La division Wiking dispose de 43 tanks Panzer III/IV et de canons d’assaut : ces éléments blindés sont complétés par 27 canons d’assaut fournis par deux bataillons de ce type d’arme.
Les Soviétiques se battent durement, dans deux directions, pour élargir « l'anneau » d'encerclement, guère épais de plus de trois kilomètres au moment de la percée. Au prix de lourdes pertes, cet anneau mesure 45 km dans sa partie la plus étroite[2]. La tactique soviétique est alors, d'après le major Kampov, de liquider le Kessel morceau par morceau. À la mi-février, les Allemands tiennent encore une poche de dix kilomètres sur douze autour de Korsoun et Chanderovka, attendant le miracle d'une percée du général Hube.
La réaction allemande
Von Manstein réagit rapidement et début février, les IIIe et XLVIIe corps blindés sont rassemblés pour une opération de secours. Adolf Hitler ordonne cependant à Manstein que cette opération de secours soit transformée en un contre-encerclement des deux fronts russes.
Alors que le général Hermann Breith, commandant du IIIe Panzerkorps insiste pour que les deux corps blindés unissent leurs forces pour ouvrir un couloir vers le Gruppe Stemmermann, Manstein soutient la position d’Hitler, même si elle lui semble erronée, et l’attaque se transforme en une tentative allemande d’encercler la totalité des forces soviétiques.
L’offensive menée par la 11e Panzerdivision, du XLVIIe Panzerkorps, qui ne dispose que de 27 chars et 34 canons d’assaut, est rapidement bloquée[3]. Se rendant compte que l’encerclement des troupes soviétiques va échouer, Manstein donne l’ordre au IIIe Panzerkorps de tenter de rejoindre le Gruppe Stemmermann. Conduite par la 1re division SS Leibstandarte Adolf Hitler, l’attaque allemande rencontre rapidement une forte résistance face à quatre corps blindés soviétiques et s’enlise, à la suite du changement de météo, dans la boue épaisse de la raspoutitsa.
Le 11 février, le IIIe Panzerkorps, avec à sa tête la 16e division blindée renouvelle ses efforts. Après de durs combats, la division, épuisée, atteint la rivière Gniloï Tikitch et établit une petite tête de pont sur sa rive est, dans la petite ville de Lyssianka. Le IIIe Panzerkorps ne pouvant poursuivre sa percée, c’est au Gruppe Stemmermann de se frayer un chemin pour briser l’encerclement.
La fuite
Le Gruppe Stemmermann ne tient plus que Chanderovska où la situation sous les bombes incendiaires soviétiques est dramatique. Le 16 février, sans attendre le feu vert d'Hitler, von Manstein envoie un message à Stemmermann pour l'autoriser à tenter la percée. Le message dit simplement : « Mot de passe Liberté, objectif Lysyanka, 2300 heures »
Le Gruppe Stemmermann, incluant la division SS Wiking, décide de se séparer en deux colonnes. Les blessés non transportables sont abandonnés. À 23 heures, les unités se mettent en marche silencieusement en direction de Lysyanka, à environ 7 km au sud-ouest de Chanderovska. Le contact avec la première ligne soviétique a lieu une demi-heure plus tard.
Se rendant compte de la manœuvre, le général Koniev, qui avait promis à Staline qu'aucun Allemand n'en échapperait, ordonne à toutes les troupes disponibles — des unités blindées et d'artillerie, de la cavalerie, sans infanterie conséquente — d'attaquer les fuyards. Des éléments de la 5e armée blindée de la Garde, solidement installée sur la Colline 239 située sur la route du retrait, forcent les Allemands à la contourner. Depuis la tête de pont allemande une unité légère, le Kampfgruppe Bäke, s'infiltre à la rencontre d'unités en fuite pour leur ouvrir le passage. Le général Stemmermann est tué par un éclat d'obus dans l'arrière-garde chargée de couvrir la retraite. Il sera enterré par les Soviétiques.
À 6 h 30, les premiers éléments atteignent Lysyanka, et à midi la quasi-totalité des unités a fait de même, dans la panique la plus totale. Plusieurs centaines de prisonniers de guerre, de civils ukrainiens mais aussi des auxiliaires féminines russes, craignant des représailles des Soviétiques, suivent les troupes allemandes[4]. Sous le feu soviétique et sous la pression des chars T-34 et JS-2, certains trouvent la mort en cherchant à traverser immédiatement la rivière Gniloy Tikich gonflée par les glaces, sans emprunter l'un des deux ponts tenus par le IIIe Panzerkorps.
Le reste du Kessel est liquidé par l'Armée rouge. Les Allemands se retirent le 19 février, considérant que plus aucun évadé n'est à attendre.
Le 28 février, le général Nikolaï Vatoutine est grièvement blessé, dans une embuscade loin du front, par l'Armée insurrectionnelle ukrainienne. Il meurt de ses blessures six semaines plus tard.
Bilan
Entre la propagande soviétique qui voyait un « Stalingrad sur le Dniepr », et la propagande allemande qui éluda l'encerclement, la bataille militaire s'est doublée d'une bataille de chiffres. Selon les sources allemandes, sur les 60 000 soldats encerclés, environ 40 000 réussissent à s'échapper, dont certains évacués par air, 10 000 ayant été tués lors des violents combats des premiers jours de la poche[5]. Selon les Soviétiques, qui n'avancèrent eux-mêmes aucun chiffre sur les pertes de l'Armée rouge, les pertes allemandes sont évaluées entre 52 000 et 57 000, les prisonniers entre 11 000 et 18 000 hommes.
Malgré l'évasion réussie de troupes allemandes, six de leurs divisions, dont la division Wiking, ont été sévèrement touchées, nécessitant leur retrait du front pour les reconstituer et le rééquiper à l'arrière. Tout le matériel lourd a été abandonné. Il s'agit donc d'une victoire militaire importante pour les Soviétiques, qui leur permet de poursuivre plus loin et sans délai leur avance vers l'ouest.
Bibliographie
- (en) Colonel Richard N. Armstrong, Red Army tank commanders : the armored guards, Atglen, PA, Schiffer Pub, coll. « military aviation history », , 475 p. (ISBN 978-0-887-40581-5)
- (en) Paul Carell (trad. de l'allemand par Ewald Osers), Scorched earth : the Russian-German war, 1943-1944 [« Verbrannte Erde »], New York, Ballantine Books, , 556 p. (OCLC 71768203)
- Department of the Army Pamphlet 20-234, Operations of Encircled Forces: German Experiences in Russia, Washington, DC, U.S. Government Printing Office, 1952.
- (en) David M. Glantz et Jonathan M House, When Titans clashed : how the Red Army stopped Hitler, Lawrence, Kan, University Press of Kansas, coll. « Modern war studies », , 414 p. (ISBN 978-0-700-60717-4 et 978-0-700-60899-7)
- Jean Lopez, Le chaudron de Tcherkassy-Korsun et la bataille pour le Dniepr : septembre 1943-1944, Paris, Economica, Paris, , 464 p. (ISBN 978-2-7178-6029-0)
- (en) Douglas E. Nash, Hell's gate : the battle of the Cherkassy Pocket, January-February 1944, Southbury, CT, USA, RZM Imports, , 3e éd., 417 p. (ISBN 978-0-965-75843-7)
- (en) Bryan Perrett, Knights of the Black Cross : Hitler's Panzerwaffe and its leaders, New York, St. Martin's Press, , 266 p. (ISBN 978-0-312-01055-3)
- (en) Harold Shukman, Stalin's generals, New York, Grove Press, (1re éd. 1993), 394 p. (ISBN 978-0-802-11487-7 et 978-1-842-12513-7)
Notes et références
Notes
- Les Allemands désignent la bataille par le nom de la plus grande ville de la région, Tcherkassy, bien que celle-ci ne soit pas concernée par les combats.
Références
- Konev, Battles Hitler Lost, cité in Nash, Hell's Gate, p. 200.
- Alexander Werth, La Russie en guerre - De Stalingrad à Berlin, p. 262.
- Perrett, Knights of the Black Cross, p. 167.
- Carrel, p. 430.
- Le chiffre de 40 000 échappés est repris par l'historien Douglas E. Nash, Hell's Gate, p. 398.
Sources
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Battle of the Korsun-Cherkassy Pocket » (voir la liste des auteurs).
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