Château de Bricquebec

Le château de Bricquebec est un ancien château fort élevé sur motte, du Xe ou XIe siècle, entièrement reconstruit au XIVe siècle et remanié au XVIe siècle, dont les ruines se dressent sur l'ancienne commune française de Bricquebec au sein de la commune nouvelle de Bricquebec-en-Cotentin, dans le département de la Manche, en région Normandie. Il fut le centre de la baronnie de Bricquebec.

Château de Bricquebec
Le château et son donjon.
Présentation
Type
Fondation
Entre Xe siècle et XIe siècle
Style
Propriétaire
Patrimonialité
État de conservation
Localisation
Adresse
Coordonnées
49° 28′ 14″ N, 1° 37′ 57″ O

Il s'agit d'une ancienne demeure féodale construite vraisemblablement au XIe siècle[1]. Elle a subi depuis de nombreux remaniements et reconstructions. « Il brilla de tout son éclat au XIVe siècle »[1].

Les restes du château sont classés aux monuments historiques.

Localisation

Les vestiges du château sont situés au centre du bourg de Bricquebec, sur une butte, dans le département français de la Manche. Sa position, sur un plateau, lui permettait de contrôler un carrefour de voies de communication qui permettaient de contourner les marais du nord au sud et d'est en ouest, dominant un gué sur une petite rivière que les Vikings installés ici appelèrent Brikbekk (le « ruisseau de la pente » ou le « ruisseau du quai »[note 1]), contrôlant le passage d'un antique chemin allant de Valognes à la côte Est[3].

Historique

La création d'un premier château de bois sur motte dans la première moitié du Xe siècle, en 942[2], est généralement attribuée à Anslec, connu sous le nom de « Anslec de Bricquebec ». Au Xe siècle, il est la propriété de la famille Bertran avec Guillaume, petit-fils d'Ansleck, qui le conserveront avec la baronnie jusqu'au XIVe siècle[4]. Robert Bertran, 8e du nom, au XIVe siècle (c. 1273-1348), renforce considérablement ce premier château. C'est de cette période que date le donjon ainsi que l'enceinte et les nombreuses tours qui subsistent aujourd'hui[5].

Le château passe ensuite par mariage à la famille Paisnel à la suite du mariage, en 1345, de Jeanne Bertran l'aînée avec Guillaume Paisnel, chevalier et seigneur d'Hambye[6].

En 1370, la garnison de la place est relativement faible et ne compte qu'un seul homme d'armes et quatorze servants[7]. Avant de perdre la place de Saint-Sauveur, un détachement Anglais tentera, sans succès, de s'emparer du château de Guillaume VII Paisnel, baron du lieu. Les assaillants seront massacrés ou jetés dans les fossés lors de cette attaque[8] nocturne, qui à la faveur de l'obscurité avaient réussi à escalader les remparts[6]. La garnison aux ordres de son capitaine Huguenin des Bois, échanson de Charles V, en 1375, participera au siège et à la prise du château de Saint-Sauveur[6].

Au début du XVe siècle, son fils Foulque IV Paynel, baron de Hambye et de Bricquebec, seigneur de Chanteloup, de Moyon, de Créances, d'Apilly (Saint-Senier-sous-Avranches), du Merlerault et de Gacé, est un puissant seigneur de Normandie, chevalier banneret qui regroupe sous ses armes, quatre bacheliers et de dix à quatorze écuyers. Son frère Nicole Paynel lui succédera[9].

En 1418, le roi Henri V d'Angleterre après avoir conquis la Normandie, offre la place à Guillaume de la Pole, comte de Suffolk. Ses propriétaires légitimes, Louis d'Estouteville qui a épousé en 1415 l'héritière des Paynel, Jeanne Paynel de Moyon[10], fille de Nicol, s'enferment au Mont-Saint-Michel. En 1429, le comte de Suffolk est fait prisonnier à la bataille de Jargeau et pour payer sa rançon vend Bricquebec à Bertin de Entwistle, son lieutenant, qui abandonne, en 1449, le château sans combattre devant les troupes française et leur puissante artillerie[6].

Le château est restitué en 1450, après la bataille de Formigny, à Louis II d'Estouteville. Guillaume Dursus, seigneur de Lestre, entré, dès 1523, au service de Mme d'Estouteville sera capitaine de la place[11]. C'est à cette famille d'Estouteville que l'on doit la grande tour carrée de l'Horloge et qui rajoute un dernier étage au donjon[12].

En , venant de Coutances, le roi François Ier y séjourne avant de rallier Cherbourg le 28[13]. Adrienne d'Estouteville (1512-1560), petite-fille de Louis et dernière du nom, épouse le le comte de Vendôme, François de Bourbon, cousin du roi François Ier[6],[10]. Un peu avant la moitié du XVIe siècle, les d'Estouteville abandonnent le vieux château comme résidence au profit du château des Galeries, qui vient d'être construit non loin, jugé plus confortable.

Par la suite le château et la baronnie passe par mariage aux Orléans-Longueville. Marie d'Orléans de Longueville cède, pour 350 000 francs, les terres de Bricquebec, d'Orglandes et de Blosville, à son cousin le maréchal de Matignon[14], et un peu avant la Révolution, les terres de Bricquebec sont la possession de la famille de Montmorency. Déjà tombé depuis longtemps en décrépitude, le château est pillé et dévasté à cette période.

Le [14], Anne-Louise-Caroline de Goyon de Matignon, épouse du duc de Montmorency, Anne Charles François de Montmorency, vend le château à un particulier, M. Charles Lemarinel, qui rétrocèdera dix ans plus tard le donjon et la tour de l'Horloge, la salle des chevaliers en 1824, le chartrier et la vieille enceinte à la ville en 1831[10],[12]. Le , la reine Victoria, avec son mari et trois de ses enfants, profitant d'un voyage à Cherbourg, vient à Bricquebec visiter le vieux château et dormir dans l'hôtel. En 1957, c'est le général Montgomery qui visite le château[15].

Description

Le château de Bricquebec construit pour l'essentiel aux XIIIe et XIVe siècles se présente sous la forme d'une enceinte assez bien conservée flanquée de tours rondes, hexagonales et quadrangulaires que domine un donjon découronné polygonal à onze côtés (ondécagonal) unique en Europe[réf. nécessaire]. Après le donjon, la plus importante tour est la tour de l’Épine dont le rez-de-chaussée est occupé par des cachots, et surmontée par des étages d'habitation. Le château roman du Xe ou XIe siècle[16] entièrement reconstruit au XIVe[16] et remanié au XVIe siècle[16] offre « l'exemple le plus intéressant et le plus imposant d'architecture militaire du Moyen Âge en Cotentin[17] ».

L'enceinte comprend successivement en commençant par le front ouest et dans le sens des aiguilles d'une montre[3] :

  • le donjon ; placé sur l'enceinte, sur le front occidental, à la place d'une tour d'angle[note 2], il est construit au XIVe siècle sur une motte de terre de 18 mètres de hauteur et de 50 mètres de diamètre, et a la forme d'un polygone à 11 côtés[note 3] avec aux angles des arêtes chainées de pierre de taille. Il semble qu'il ait été construit là pour assurer la défense de la porte d'entrée[1]. Divisé en cinq niveaux et haut de 22,30 mètres avec un diamètre extérieur de 10 mètres et des murs épais de 2,5 mètres[1], sa base présente un fruit et il prend le jour par des baies datant des XVe et XVIe siècles[19]. Il comprend un caveau voûté dont le diamètre n'est plus que de 5,63 m au niveau du sol[note 4], un rez-de-chaussée faisant office probablement de cuisine, deux étages, séparés par des planchers, servant d'appartements et chauffés par des cheminées, et au sommet un étage réservé à la garde, sous une voûte d'arêtes à huit quartiers. Il ne subsiste aucun plancher, et l'on peut voir l'appareil primitif de la voûte en petites pierres de taille. Au rez-de-chaussée on trouve des ouvertures profondes en cul-de-four qui se terminent par de longues et étroites meurtrières. Les étages sont desservis par un escalier intérieur à vis de 113 marches qui débouche par un lanternon dressé sur la plate-forme du donjon. Cette dernière était protégée par un parapet crénelé et une couronne de mâchicoulis, posés en encorbellement sur 27 arcades cintrées, destinées au tir plongeant. Au centre de la plate-forme se dressait un pavillon circulaire surmonté d'un toit pointu, aujourd'hui disparu[1] ;
  • la tour de l'horloge (châtelet d'entrée) ; située au centre du front ouest, haute de trois étages, reliés entre eux par un escalier tournant, chaque étage offrant une salle. C'est l'accès principal à la forteresse et son sommet est surplombé sur l'extérieur de mâchicoulis. Un musée d'histoire et de minéralogie y a aujourd'hui trouvé place. La lourde poterne carrée à contreforts percée d'une porte charretière étroite et d'une porte piétonne était sous la protection du donjon. Le châtelet, quasiment intacte, était flanqué d'une tour dont il subsiste des vestiges ;
  • le chartrier ; terminant le front ouest, c'est une tour carrée du XVe siècle[21], au rez-de-chaussée voûté d'un triple faisceau d'arcades[22]. C'est dans cette tour qu'étaient conservées les archives du seigneur du lieu, essentiellement ses titres de propriété ;
  • les deux tours polygonales ; elles flanquaient une poterne ouverte dans l'enceinte au nord. De chaque côté de la porte et accrochés à la courtines on trouvait deux logis. Celui de gauche présente au premier étage une cheminée sculptée et deux fenêtres munies de bancs de pierre ;
  • les deux tours rondes ; la première terminant le front nord, la seconde se rattachait, sur le front oriental, à la tour de l'Épine. On a construit entre elles, au XIXe siècle une habitation moderne ;
  • la grosse tour ronde ou tour de l'Épine. Elle forme la limite sud-est du mur d'enceinte. Intacte dans son gros œuvre, elle est haute de deux étages, avec un diamètre extérieur de 12,80 mètres, elle a perdu ses voûtes, ses planchers et son toit polygonal. Au rez-de-chaussée on trouve des cachots, et au-dessus deux étages d'habitation avec des vestiges de cheminée. Il subsiste un pan de la courtine qui assurait la liaison avec la tour ronde, percé de deux fenêtres gothiques encore en place ;
  • le bastion plat au centre du front sud ; rectangulaire il mesure 19,45 mètres de longueur pour une largeur de 4,63 mètres. Construit en saillie sur le mur d'enceinte, il est percé de meurtrières et surmonté d'un chemin de ronde. Il se relie à la tour de l'Épine par une courtine intacte ;
  • un logis, dont il ne reste que très peu de vestiges, et qui était relié au donjon par une courtine (disparue), et était rythmé par des arcades aveugles rappelant le logis du Mont-Saint-Michel ;

À l'intérieur de l'enceinte on trouvait dans la cour, du côté sud un logis qui s'étendait sur tout ce côté, de la motte à la tour de l'Épine :

  • un corps de logis, à droite, dont il ne reste que peu de chose. À sa place, on a construit un bâtiment moderne ;
  • une partie centrale qui présente des vestiges romans, notamment deux portes dont l'une s'ouvrait sur la partie droite détruite du corps de logis, et qui devait se continuer vers la cour (pour se terminer par un perron ? devant l'ancien puits) ;
  • le logis seigneurial ; il date du début du XIIIe siècle[23] et est en partie conservé. Sa pièce principale était la salle des chevaliers. Il a été converti en hôtel de tourisme (hôtel du vieux château). L'intérieur a subi une transformation totale[1]. La salle des chevaliers (salle du restaurant) séparée en deux par deux gros piliers cylindriques surmontés de chapiteaux décorés de feuillages, a été un temps transformée en écurie. Au devant se dressait une « salle » ou galerie qui s'ouvrait par quatre larges baies gothiques en tiers-point. À l'arrière du bâtiment, on trouve trois fenêtres gothiques réparties entre quatre contreforts ;
  • la maison manable ; flanquée d'une tourelle à un angle, elle communiquait avec le logis principal et le bastion. C'est aujourd'hui une ruine ;
  • la cave ou « crypte » du XIVe siècle, dans le prolongement nord de la salle des chevaliers, composé de trois nefs, dont les voûtes d'ogives à fortes nervure reposent sur quatre rangées de piliers surmontés de chapiteaux ronds et octogonaux alternés, délimitant ainsi sept travées, dont la partie nord, éventrée, est aujourd'hui à l'air libre. Au-dessus devait exister une salle d'apparat[3] ;
  • l'ancien puits.

Baronnie de Bricquebec

La baronnie de Bricquebec s'étend sur les paroisses de : Bricquebec, Sénoville, Saint-Martin-du-Mesnil, Quettehot, Canville-la-Roque, le Rozel, Brucheville. Elle annexera les baronnies d'Orglandes et de Blosville.

La baronnie possédait de nombreux fiefs à travers la Normandie : Auderville, Brucheville, Gréville, Magneville, Sottevast, Roncheville, Honfleur, Darneville, Sahus-en-Caux, la terre du Molay, Sénoville, Belval, Varenguebec, etc.

Relève également de la baronnie les terres de : la Vente aux Saulniers ; des Petits Prés ; du Piqueret ; du Bigard ; du Quesnay ; de l'Oraille (L'Étang-Bertrand - au trans du pont Durand)

Protection aux monuments historiques

Les restes du château font l’objet d’un classement au titre des monuments historiques par la liste des monuments historiques de 1840[24].

Visite

Les extérieurs du château sont en accès libre. Le Pays d'Art et d'Histoire du Clos du Cotentin organise des visites guidées ainsi que des animations notamment en été.

Notes et références

Notes

  1. Bricbekk en danois ce qui veut dire « ruisseau qui dévale »[2].
  2. Cette disposition du donjon sur l'enceinte, et non au cœur de la forteresse comme à Caen ou Château-Gaillard, fut répandue à la fin du XIIe et au début du XIIIe siècle par Philippe Auguste, qui après sa conquête de la Normandie l'a appliquée en construisant des donjons à plan circulaire, à Rouen, Gisors, Verneuil, Lillebonne[18].
  3. Le donjon de Bricquebec du XIIIe siècle reprend le plan polygonal du donjon de Robert de Bellême à Gisors (1097) qui n'a été que peu employé sinon à Cardiff et Carentan (aujourd'hui disparu) au XIIe siècle[18].
  4. En 1890, lors du déblaiement entreprit par la municipalité, on découvrit dans cette pièce cinq boulets de pierre dits « bedaine » dont quatre d'environ 22 cm de diamètre et d'un poids de quinze kilos[20].

Références

  1. P. Lebreton, Bricquebec et ses environs, impr. Hippolyte Cazenave, Bricquebec, 1902.
  2. Guy Le Hallé, Châteaux forts de Basse-Normandie, t. II, Louviers, Ysec Éditions, , 160 p. (ISBN 978-284673-215-4), p. 80.
  3. Georges Bernage, « La presqu'île du Cotentin - Bricquebec », dans La Normandie médiévale : 10 itinéraires, Éditions Heimdal, coll. « La France Médiévale », , 174 p. (ISBN 2-902171-18-8), p. 23.
  4. « Notice n°IA50000051 », sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  5. « Secrets de châteaux et manoirs - Cotentin - Saint-Lô - Coutances », La Presse de la Manche, no Hors-série, , p. 61 (ISBN 979-1-0937-0115-8).
  6. Bernard Beck, Châteaux forts de Normandie, Rennes, Ouest-France, , 158 p. (ISBN 2-85882-479-7), p. 98.
  7. Beck 1986, p. 78.
  8. Norbert Girard et Maurice Lecœur, Trésors du Cotentin : Architecture civile & art religieux, Mayenne, Éditions Isoète, , 296 p. (ISBN 978-2-9139-2038-5), p. 14.
  9. Beck 1986, p. 80.
  10. Hébert et Gervaise 2003, p. 47.
  11. Jack Lepetit-Vattier, Demeures de Bricquebec et de ses environs, Saint-Lô, Société d'Archéologie et d'Histoire de la Manche, coll. « Études et documents », , 306 p. (ISBN 2-914329-03-2), p. 8.
  12. Secrets de châteaux et manoirs, 2008, p. 62.
  13. André Dupont, Histoire du département de la Manche, tome V. « Le grand bailliage de 1450 à 1610 », éd. Orep, Coutances, 1979, p. 50.
  14. Girard et Lecœur 2005, p. 19.
  15. Secrets de châteaux et manoirs, 2008, p. 63.
  16. Salch 1987, p. 202.
  17. Visite des châteaux du Nord Cotentin, Jeune chambre économique de Cherbourg, 1975.
  18. Beck 1986, p. 102.
  19. Hébert et Gervaise 2003, p. 48.
  20. Jean Barbaroux, Châteaux de la Manche, t. II, Région nord, Paris, Nouvelles Éditions Latines, , 30 p., p. 7.
  21. Girard et Lecœur 2005, p. 78.
  22. Maurice Lecœur, Le Moyen Âge dans le Cotentin : Histoire & Vestiges, Isoète, , 141 p. (ISBN 978-2-9139-2072-9), p. 36.
  23. Barbaroux 1982, p. 80.
  24. « Restes du château », sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.

Voir aussi

Bibliographie

  • « Le château de Bricquebec », Vikland, no 13, 1979.
  • Jean Barbaroux, 120 Châteaux et Manoirs en Cotentin, Bayeux, Éditions Heimdal, , 112 p. (ISBN 978-2-9021-7157-6), p. 80.
  • Michel Hébert et André Gervaise, Châteaux et manoirs de la Manche, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet, , 176 p. (ISBN 978-2-84706-143-7), p. 47-49.
  • Charles-Laurent Salch, Dictionnaire des châteaux et des fortifications du Moyen Âge en France, Strasbourg, Éditions Publitotal, , 28e éd. (1re éd. 1979), 1304 p. (ISBN 2-86535-070-3, OCLC 1078727877).

Articles connexes

Liens externes

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