Prétendants juifs à la messianité

Une croyance juive, ancrée dans la Bible hébraïque (principalement le onzième chapitre du Livre d'Isaïe) veut qu'un jour, un descendant de David se lève et mène le peuple d'Israël à la victoire. Ce personnage est appelé le Messie, c'est-à-dire l'Oint (Daniel 9:25-26); présenté comme un chef militaire dans les prophéties d'Isaïe, il acquiert une dimension miraculeuse et eschatologique dans les visions d'Ezechiel, selon lequel le Messie amènera le monde à venir, une ère de paix et de bonheur éternels et dont bénéficieront toutes les nations de la Terre.

Coïncident souvent avec des périodes d'oppression du peuple juif les prétentions de plusieurs personnages, dont Jésus de Nazareth, à la messianité. Ceux-ci ont en retour eu un impact significatif sur l'histoire du peuple juif, le plus souvent des massacres mais parfois des schismes au sein du peuple.

Liste des prétendants juifs à la messianité

Cette liste classée par ordre de date de naissance (si elle est connue), répertorie ceux qui se sont déclarés être le Messie ou dont les disciples ont affirmé qu'ils étaient le Messie. Cette liste ne se prétend pas exhaustive.

Menahem ben Judah

Menahem ben Judah est le fils de Judas le Galiléen et le petit-fils de Hézékiah, le chef des zélotes, qui se révolta contre Hérode. C'est un guerrier et quand la guerre éclate, il attaque Massada avec sa bande, arme ses fidèles avec les armes récupérées et se dirige vers Jérusalem où il capture la forteresse Antonia, écrasant les troupes d'Hérode Agrippa II. Enhardi par ses succès, il se comporte comme un roi et prend la direction de toutes les troupes. Son comportement lui attire l'inimitié d'Éléazar, un autre chef zélote, et il trouve la mort lors d'une conspiration contre lui. Il est probablement le Menahem ben Hézékiah mentionné dans le Talmud (tractate Sanhédrin 98b) et nommé "le consolateur qui doit libérer".

Bar-Kokheba

Avec la destruction du Temple de Jérusalem, l'apparition de messies cesse pendant un certain temps. Soixante ans plus tard, un mouvement politico-messianique de grande envergure apparaît avec à sa tête Simon Bar-Kokheba (aussi écrit : Shimeon Bar Kokhba ou Bar-Kosiba). Ce chef de la révolte contre Rome est salué comme le roi-Messie par Rabbi Akiva qui s'adresse à lui dans le Livre des Nombres xxiv. 17 : « Il viendra une étoile de la maison de Jacob, et un sceptre se lèvera d'Israël, et s'abattra sur Moab », et Hag. ii. 21, 22 : « J'ébranlerai les cieux et la terre et je renverserai les trônes des royaumes… » (Talmud tractate Sanhédrin 97b). Bien que certains doutent de sa messianité, il semble avoir entraîné le peuple avec lui par son engagement. Après avoir attisé une guerre (133-135) qui fait trembler la puissance de Rome, il est tué sous les murailles de Betar (Judée). Son mouvement messianique se termine dans la défaite et la misère pour les survivants.

Moïse de Crète

Le dénouement infructueux de la guerre menée par Bar-Kokheba met un terme pour plusieurs siècles aux mouvements messianiques, mais les espoirs messianiques restent très ancrés. Selon des calculs fondés sur des interprétations du Talmud, le Messie était attendu en 440 (Sanh. 97b) ou en 471 ('Ab. Zarah 9b). Cette attente et les troubles dans l'Empire romain dus aux invasions, ont certainement contribué à l'apparition d'un Messie, cette fois en Crète, qui entraîna l'adhésion de la population juive à son mouvement. Il se fait appeler Moïse, et promet d'emmener son peuple en Palestine, comme le Moïse de la Bible, en traversant à sec la mer. Ses fidèles, convaincus par lui, liquidèrent leurs biens et attendirent le jour promis. À son signal, plusieurs se jetèrent à l'eau et trouvèrent la mort noyés. D'autres purent être secourus. Le pseudo-Messie lui-même disparut. Socrate le Scolastique prétend que Moïse de Crète s'échappa[7], tandis que les Chroniques de Jean de Nikiu affirment qu'il périt dans les flots. D'après ces mêmes chroniques, son vrai nom serai Fiskis[8].

En Perse au VIIe siècle

Plusieurs pseudo-messies jouèrent un rôle non négligeable en Orient en tant que réformateurs dont les travaux influencèrent le Karaïsme. À la fin du VIIe siècle, apparaît en Perse, Ishak ben Ya'kub Obadiah Abou Issa al-Isfahani d'Ispahan [9]. Il vit sous le règne du calife Omeyyade Abd al-Malik ibn Marwan (684-705) et se proclame être le dernier des cinq précurseurs du Messie et d'avoir été désigné par Dieu pour libérer Israël. Selon certains, il se proclamait même le Messie. Ayant rassemblé un grand nombre de disciples, il se révolte contre le calife, mais est battu et tué à Ray. Ses disciples clament qu'il était inspiré de Dieu et apportent pour preuve qu'il a écrit des livres bien qu'il ne savait ni lire ni écrire. Il a fondé la première secte issue du judaïsme après la destruction du Temple de Jérusalem (70 après J.-C.).

Son disciple Yudghan de Hamadan, appelé Al-Ra'i le berger du troupeau de son peuple »), qui vécut dans la première moitié du VIIIe siècle, déclare être un prophète, et est considéré par ses propres disciples comme un Messie. Il est originaire d'Hamadan, et professe des doctrines qu'il assure avoir reçues par prophétie. Selon Muhammad al-Shahristani (XIe siècle), il s'oppose à la croyance en l'anthropomorphisme, enseigne la doctrine du libre arbitre, et considère que la Torah possède une signification allégorique en plus de sa signification purement littérale. Il force ses adeptes à observer une vie ascétique, à s'abstenir de manger de la viande et de boire du vin et à prier et jeûner souvent, selon les recommandations de son maître Abou Isa. Il considère l'observation du Chabbat et des différentes fêtes religieuses comme purement commémoratives. Après sa mort, ses disciples formèrent la secte des Youdghanites, qui croyait que leur Messie n'était pas mort et qu'il reviendrait.

Serene de Syrie

Entre 720 et 723 un Syrien du nom de Serene (plusieurs variantes de son nom existent selon les sources: Sherini, Sheria, Serenus, Zonoria, Saüra) apparaît et se fait passer pour le Messie. La raison primordiale de son apparition semble être la suppression de la plupart des libertés dont jouissaient les Juifs, par le calife Omar II (717-720) et ses efforts de prosélytisme. Sur le plan politique, ce Messie promet l'expulsion des musulmans de Terre sainte et le retour des Juifs dans leur pays. Ses partisans se rencontrent même en Espagne où les Juifs souffraient des impôts accablants mis en place par leurs nouveaux maîtres arabes, et beaucoup quittèrent leurs maisons pour rejoindre le nouveau Messie. Comme Abou Issa et Yudghan, Serene est aussi un réformateur religieux. Il est hostile au judaïsme rabbinique. Ses partisans rejettent la cacheroute, les prières instituées par les rabbins et l'interdiction contre le « vin de libation » ; ils travaillent le second jour des fêtes ; ils ne rédigent pas les contrats de mariage et de divorce selon les prescriptions talmudiques, et n'acceptent pas les interdits talmudiques contre le mariage entre parents proches[10]. Serene est arrêté et conduit devant le calife Yazid II, à qui il déclare n'avoir agi que pour plaisanter. À la suite de quoi, il est remis aux Juifs pour être puni. Ses disciples reconnaissent leur hérésie et sont réintégrés dans la religion juive.

Les Messies pendant les croisades

Sous l'influence des Croisades, le nombre de Messies augmente, et le XIIe siècle voit leur nombre culminer. Un apparaît en France vers 1087, qui sera tué par les Français ; un autre apparaît dans la province de Cordoue en Espagne vers 1117 et un autre à Fès au Maroc vers 1127. De ces trois prétendus Messies, rien n'est connu sauf une mention dans l'Iggeret Teiman (Épître au Yémen) de Maïmonide.

David Alroy

Le mouvement messianique important suivant apparaît en Perse. David Alroy ou Alrui, est né au Kurdistan, vers 1160 et se déclare lui-même Messie. En prenant appui sur sa popularité personnelle, les agitations à l'intérieur d'un califat affaibli, le mécontentement des Juifs soumis à de lourds impôts, il affirme avoir été envoyé par Dieu pour libérer les Juifs du joug musulman et les conduire vers Jérusalem. Pour atteindre son but, il fait appel aux Juifs belliqueux du district voisin d'Azerbaïdjan et à ses coreligionnaires de Mossoul et de Bagdad afin qu'ils viennent en armes l'aider à capturer Amadia.

À partir de ce point, sa vie est enveloppée de légendes. Son mouvement échoue, et il aurait été assassiné pendant son sommeil par son propre beau-père. Une amende élevée est imposée aux Juifs à la suite de cette révolte. Après sa mort, de nombreux disciples se regroupent à Khof, Salmas, Tauris, et Maragha pour former la secte des Ménahemistes, d'après le nom messianique Ménahem pris par leur fondateur.

Au Yémen

Peu de temps après David Alroy, un précurseur prétendu du Messie apparaît au Yémen en 1172, juste quand les musulmans font tous leurs efforts pour convertir les Juifs vivant sur leur territoire. Il déclare que les malheurs présents sont l'annonce de la venue prochaine du royaume messianique, et demande aux Juifs de partager leurs biens avec les pauvres. Ce pseudo-Messie anonyme est le sujet de l'Épître au Yémen de Maïmonide. Il continue son activité pendant un an avant d'être arrêté par les autorités musulmanes et être décapité à sa demande afin de prouver la vérité de sa mission en revenant à la vie.

Abraham Aboulafia

Avec Abraham ben Samuel Aboulafia (1240-après 1291), le Kabbaliste, commence la période des pseudo-Messies dont les activités seront fortement influencées par les spéculations kabbalistiques. Entraîné par ses études mystiques, Aboulafia croit tout d'abord être un prophète, et dans un livre prophétique, publié à Urbino (Italie) en 1279, il déclare que Dieu lui a parlé. On pense, mais cela n'a pas été formellement prouvé, qu'à Messine (Sicile), où il était accueilli par ses disciples, il aurait déclaré être le Messie et annoncé l'année 1290 comme étant le début de l'ère messianique. Le rabbin Salomon ben Adret, dit Rachba, appelé pour examiner les dires d'Aboulafia le condamne énergiquement. Persécuté en Sicile, il se rend alors dans l'île de Comino, près de Malte, vers 1288, en affirmant toujours sa mission dans ses écrits. Sa fin est inconnue. Deux de ses disciples, Joseph Gikatilla et Samuel, tous les deux de Medinaceli, proclameront plus tard être des prophètes et des faiseurs de miracles. Le dernier prédit en langage mystique à Ségovie l'avènement du Messie.

Nissim ben Abraham

À Ávila (Espagne), vers la fin du XIIe siècle, Nissim ben Abraham se proclame prophète. Ses partisans disent de lui, que bien qu'ignorant, il a été soudainement doté par un ange du pouvoir d'écrire un livre mystique, La Merveille de la Sagesse, avec des commentaires. De nouveau, on fit appel au rabbin Salomon ben Adret, qui doutant des prétentions prophétiques de Nissim entreprit de minutieuses investigations. Le prophète continua néanmoins son activité et même fixa le dernier jour du quatrième mois, Tammouz, 1295, comme date de la venue du Messie. Les disciples crédules se mirent à jeûner et à faire l'aumône en préparation de l'évènement, et se réunirent au jour fixé. En l'absence de la venue du Messie, certains par dépit se convertirent au christianisme. Ce que devint Nissim est inconnu.

Moïse Botarel de Cisneros

Après un intervalle d'environ un siècle, apparaît un autre faux Messie avec des prétentions messianiques. Selon Heinrich Graetz (l.c. viii. 404), ce prétendu Messie se nomme Moïse Botarel de Cisneros dans la province de Palencia en Espagne. Un de ses disciples et partisans est Hasdaï Crescas. Leur relation est rapportée par le converti Geronimo da Santa Fé dans son discours lors de la disputation de Tortosa en 1413.

Asher Kay

En 1502, Asher Kay (Käei), un allemand se prétendant lui-même un précurseur du Messie, apparaît à Istrie, près de Venise, et annonce que si les Juifs font pénitence et pratiquent la charité, le Messie arriverait en moins dans la demi-année qui suit, et qu'une colonne de nuage et de fumée précèderaient les Juifs sur leur retour à Jérusalem. Ils trouvent des adeptes en Italie et en Allemagne, et même parmi les Chrétiens. En obéissance à ses prédications, les gens jeûnent, prient et font l'aumône pour se préparer à la venue du Messie, si bien que cette année est connue sous le nom d'année de pénitence. Nul ne sait ce qu'il advint de Kay.

David Reubeni et Salomon Molkho

David Reubeni prétendit être l'ambassadeur et le frère du Roi de Khaibar, une ville-oasis et un ancien district en Arabie, où les descendants des tribus perdues de Ruben et de Gad étaient supposées habiter. Il déclare avoir été envoyé pour rencontrer le pape et les autres dirigeants d'Europe pour obtenir des canons et des armes à feu pour la guerre contre les Musulmans, qui empêchaient l'union des Juifs vivant des deux côtés de la Mer Rouge. Il dément catégoriquement être le Messie ou un prophète[11], proclamant qu'il est uniquement un guerrier. L'écoute qu'il trouve à la cour du pape en 1524, la réception qu'il reçoit en 1525 à la cour portugaise, où il arrive à l'invitation de Jean III, et reçoit tout d'abord la promesse d'une aide, l'arrêt temporaire des persécutions antisémites des Marranes, tout cela laisse à penser aux Marranes portugais et espagnols que Reubeni est le précurseur du Messie.

Selaya, inquisiteur de Badajoz, se plaint au roi du Portugal qu'un Juif venu d'Orient (en se référant à Reubeni) a rempli les Marranes espagnols de l'espoir qu'un Messie va venir pour reconduire les Juifs de tous les pays vers la Palestine, et qu'il avait même réussi à les enhardir de sorte qu'ils agissent maintenant de façon non dissimulée[12]. Reubeni et Molkho sont arrêtés à Ratisbonne sur l'ordre de l'empereur Charles Quint et du roi d'Espagne. Molkho est transféré à Mantoue, en Italie, où il est jugé et envoyé au bûcher en novembre 1532.

Une grande espérance se lève lors du séjour de Reubeni au Portugal. À Herrera del Duque, près du village de Alcocer (Badajoz, Estrémadure), une fille de 15 ans décrit des visions extasiées dans lesquelles elle aurait parlé au Messie. Celui-ci l'aurait emmenée au ciel pour qu'elle puisse voir tous ceux qui seront brûlés dans des trônes en or, et pour lui assurer de sa prochaine venue. Celle qui est uniquement connue sous le nom de la Vierge de Herrera est proclamée avec ferveur prophétesse, et l'agitation est telle à la suite de ses visions que l'Inquisition espagnole de Tolède l'arrête sans délai et la condamne au bûcher avec plusieurs de ses disciples.

Sabbataï Tsevi

Sabbatai Tsevi.

Le mouvement messianique le plus important fut celui de Sabbataï Tsevi (né à Smyrne en 1626, décédé à Dulcigno en 1676). Il se répandit et eut une influence considérable parmi certaines communautés juives et dura dans certaines régions presque un siècle. Son mouvement continua bien après sa mort et continue même de nos jours sous la forme du groupe des Sabbatéens.

Pseudo-messies sabbatéens

Après sa mort, Sabbataï est suivi par une lignée de messies putatifs. Jacob Querido, fils de Joseph Filosof, et frère de la quatrième femme de Sabbataï, devient le chef des Sabbatéens à Salonique, considéré par eux comme l'incarnation de Sabbataï. Il prétend être le fils de Sabbataï et adopte le nom de Tsevi. Avec 400 de ses fidèles, il se convertit à l'islam vers 1687, formant la secte des Dönme. Il effectue lui-même un pèlerinage à la Mecque (vers 1690). Après sa mort pendant le pèlerinage, son fils Berechiah (ou Berokia) lui succède (de 1695 à 1740).

Un certain nombre de fidèles de Sabbataï se déclarent eux-mêmes Messie. Abraham Miguel Cardoso (en) (1630-1706), né de parents marranes, a dû être initié au mouvement sabbatéen par Moïse Pinheiro de Leghorn. Il devient un prophète du Messie, et quand plus tard, il se convertit lui aussi à l'islam, il justifie sa trahison en disant qu'il est nécessaire pour le Messie d'être compté parmi les pécheurs afin de pouvoir réparer l'idolâtrie d'Israël. Il applique les prophéties d'Isaïe à Sabbataï, et envoie des épîtres pour prouver que Sabbataï était le vrai Messie, souffrant même des persécutions pour plaider sa cause. Ultérieurement, il se considèrera lui-même comme le Messie Ephraïtique (précurseur du Messie de la lignée de David), affirmant qu'il a des marques sur son corps pour le prouver. Il prêche et écrit sur la venue rapide du Messie, fixant différentes dates jusqu'à sa mort.

Mordecai Mokia

Un autre adepte de Sabbataï, qui lui resta fidèle, est Mordecai Mokiah (« le Sermonneur ») d'Eisenstadt. Il prétend aussi être le Messie. Sa période d'activité se situe entre 1678 et 1682 ou 1683. Il prêche tout d'abord que Sabbataï est le vrai Messie, que sa conversion était due à des nécessités mystiques, qu'il n'est pas mort, mais qu'il se révèlera à lui dans les trois ans après sa mort supposée. Comme présage de la venue du Messie, il énumère les persécutions des Juifs à Oran (par les Espagnols), en Autriche et en France, ainsi que la peste en Allemagne. Il trouve des adeptes parmi les Juifs de Hongrie, de Bohême et de Moravie. Allant même une étape plus loin, il se déclare alors le Messie davidique (issu de la lignée de David) et d'après lui, Sabbataï n'était que le Messie Ephraïtique et pour preuve, il était très riche et donc ne pouvait pas accomplir la rédemption d'Israël. Lui, Mordecaï, étant très pauvre, est le vrai Messie et en même temps l'incarnation du Messie Ephraïtique. Les Juifs italiens l'invitent en Italie en 1680, où il reçoit un accueil chaleureux à Reggio et à Modène. Il parle de préparation messianique qu'il doit accomplir à Rome et insinue qu'il devra peut-être se convertir au christianisme. Dénoncé par l'Inquisition et forcé de quitter l'Italie, il retourne en Bohême puis en Pologne, où il est reconnu comme fou. De cette époque, existe une secte d'adeptes qui perdurera jusqu'au début de la Haskala.

Löbele Prossnitz

Un autre prétendant au messianisme sabbatéen est Löbele Prossnitz (v. 1670-1730), originellement appelé Judah Leib ben Yakov Holleschau, né à Brody, en Galice[13],[14]. Colporteur sans instruction, vers 1696, il connaît un éveil spirituel et commence à étudier la Mishna puis le Zohar et les écrits kabbalistiques. Croyant avoir reçu la visite des âmes des défunts, il affirme avoir étudié la Kabbale avec Isaac Luria et Shabbetai Ẓevi. Judah Leib enseigne d'abord aux enfants, mais plus tard, ses disciples à Prossnitz subviennent à ses besoins et à ceux de sa famille. Il s'établit dans le bet midrash de Prossnitz et y mène une vie strictement ascétique ; là, il devient connu sous le nom de Leibele Prossnitz. Peu de temps après, il commence à divulguer des mystères kabbalistiques et sabbataïstes et à prêcher en public à la manière d'un prédicateur de réveil. Il trouve de nombreux adhérents (dont Meir Eisenstadt, célèbre rabbin de Prossnitz à partir de 1702) mais aussi des critiques. Il voyage et provoque une agitation considérable dans les communautés de Moravie et Silésie[13].

Il enseigne que Dieu a donné une autorité souveraine aux « personnes pieuses », c'est-à-dire, à ceux qui pénètrent dans les profondeurs de la kabbale. Selon lui, Sabbataï était un de ces représentants de Dieu, dont l'âme est passée dans d'autres hommes « pieux », Jonathan Eybeschütz (qui aurait étudié en secret avec Judah Leib) et lui-même, et qu'il reviendra en 1706. À l'approche de cette date, des disciples pratiquent des mortifications extravagantes. Considéré par ses ennemis comme un sorcier, Eisenstadt le quitte et Löbele Prossnitz est interdit par le tribunal rabbinique dont David Oppenheimer, et condamné à un temps d'exil[14]. Quand il revient, il persiste à la tête d'un groupe sabbataïste secret, travaillant à nouveau comme enseignant pour enfants. Entretenant des liens avec d'autres Shabbatéens, il tente en 1724 d'obtenir la nomination de l'un de ses plus proches disciples, R. Sender, au rabbinat de Mannheim. Avec d'autres membres de ce groupe, il a soutenu les enseignements hérétiques concernant la providence divine[13].

En 1724, dans le sillage des émissaires de Salonique, Judah Leib se prétend publiquement le « Messie ben Joseph », le précurseur du Messie ben David, et signe sous le nom de « Joseph ben Jacob »[14]. Une fois de plus, il trouve de nombreux adeptes en Moravie et même à Vienne et à Prague. En 1725, Judah Leib est à nouveau « excommunié » par les rabbins de Moravie à Nikolsburg et mène ensuite une vie de vagabond en Autriche, en Allemagne, poursuivant son imposture[14]. Lorsqu'il arrive à Francfort-sur-le-Main en 1726, il n'est pas autorisé à entrer dans le quartier juif, mais il reçoit une aide matérielle de l'un de ses partisans secrets. Ses dernières années auraient été passées en Hongrie. Après la mort de Judah Leib, un groupe important de Shabbatéens survécut à Prossnitz au cours du XVIIIe siècle[13].

Isaiah Hasid

Un autre prétendant, Isaiah he-Hasid de Zbarazh (gendre ou beau-frère du sabbatéen Judah he-Hasid ), qui vit à Mannheim, émigre à Jérusalem en 1700, avec son beau-père et ses compagnons. Lorsque le kabbaliste Abraham ben Michael Rovigo (v. 1650-1713) y arrive en 1702 pour y fonder un bet midrash pour dix membres, il suit le conseil d'Isaiah Ḥasid quant à savoir qui doit y être admis. Hasid envoie une lettre de Jérusalem à Breslau en Pologne pour demander de l'aide pour la communauté ashkénaze de Jérusalem. En raison de sa chute sous l'influence des croyances sabbataïstes et de ses « actes étranges », il est contraint, apparemment avant 1706, de quitter Jérusalem. Il s'installe alors à Mannheim en Allemagne chez le philanthrope Asher Lemmle Regenheim. Avec d'autres membres de sa secte, il répand la propagande sabbatique dans les communautés d'Allemagne et de Pologne. Il devient un disciple du leader sabbataïste Loebele Prossnitz qu'il croyait être le Messie. En 1725, lorsque Moïse Meir Kamenker, l'émissaire des Shabbatéens polonais, vient à Mannheim, il conclut une conspiration avec Isaïe Hasid : deux écrits diffusés condamnent le Talmud et laissent entendre que les adeptes du Talmud ne croient pas au Dieu d'Israël. Ils veulent même proclamer Jonathan Eybeschuetz comme le Messie.Il se proclame secrètement être le Messie ressuscité, bien que publiquement, il abjure les croyances sabbatéennes. Lorsque leur activité est devenue publiquement connue, les rabbins de Francfort les ont excommuniés, une interdiction également proclamée à Altona, Amsterdam, Mannheim et d'autres communautés[15].

Jacob Franck

Jacob Frank.
Affiche à New York proclamant le messianisme de Rabbi Menachem Mendel Schneerson, 2005.

Jacob Franck (né en 1726 en Podolie, mort en 1791), fondateur du frankisme, se proclame aussi être le Messie. Dans sa jeunesse, il a été en relation avec le groupe Dönme de Turquie. Il enseigne qu'il est la réincarnation du roi David. Ayant comme partisans quelques Juifs turcs et valaques, il retourne en Podolie en 1755, où les sabbatéens étaient à la recherche d'un chef. Il se présente comme la réincarnation de l'esprit de Berechiah.

Il insiste sur l'idée que le "saint roi" est en même temps le Messie, et se fait appeler santo señor ("saint seigneur"). Ses adaptes affirment qu'il opère des miracles et prient pour lui. Son but, ainsi que celui de sa secte est de déraciner le judaïsme rabbinique. Il est forcé de quitter la Podolie et ses disciples sont persécutés. Retournant en 1759, il encourage ses adeptes à se convertir au christianisme, ce que font environ 1 000 d'entre eux, qui deviennent alors des gentilshommes polonais privilégiés, d'origine juive. Lui-même se convertit à Varsovie en novembre 1759. Plus tard, son manque de sincérité est découvert, et il est arrêté comme hérétique, mais même en prison, il continue à diriger ses fidèles.

Après sa mort, sa fille poursuit son œuvre en perpétrant sa mémoire.

Menachem Mendel Schneerson

Parmi le mouvement Loubavitch du judaïsme hassidique, une ferveur messianique grandit vers la fin des années 1980 et le début des années 1990, due à la croyance que leur Rebbe, Menachem Mendel Schneerson s'apprêterait à révéler qu'il est le Messie. Schneerson est mort en 1994 sans jamais appuyer ces croyances, mais certains de ses adeptes pensent toujours qu'il sera le Messie et qu'il se révélera quand le temps sera venu.

Notes et références

  1. JA18
  2. Christophe Bourseiller, Les faux messies : histoire d'une attente, (ISBN 978-2-266-25014-6 et 2-266-25014-0, OCLC 893792185, lire en ligne), p. 59-60
  3. Bourseiller, op. cit., pp. 65-70
  4. (en) MUHBA : Museo d'Historia de Barcelona, « Salomon ben Adret », p. 17
  5. Israël Salvator Révah, « David Reubeni exécuté en Espagne en 1538 », Revue des études juives, vol. 117, no 17, , p. 128–135 (lire en ligne, consulté le )
  6. « Le dernier avertissement de Dieu pour les juifs de la Diaspora, et en particulier pour les juifs des U.S.A. : vous êtes en grand danger », sur m424.com (consulté le )
  7. Socrate le Scolastique, "Historia Ecclesiastica," vii. 38; Graetz, "Gesch." 3d ed., iv. 354-355
  8. John of Nikiu, "Chronicle," LXXXVI.1-11
  9. pour les autres formes de son nom, voir "J. Q. R." xvi. 768, 770, 771; Graetz, l.c. v., notes 15 et 17)
  10. Graetz, l.c. note 14
  11. Fuenn, Keneset Yisrael, p. 256
  12. Heinrich Graetz, l.c. ix. 532
  13. (en) Gershom Scholem, « Prossnitz, Judah Leib ben Jacob Holleschau », sur www.encyclopedia.com (consulté le )
  14. (en) Gotthard Deutsch, Henry Malter, « PROSSNITZ, LÖBELE (PROSṬIẒ) - JewishEncyclopedia.com », sur www.jewishencyclopedia.com (consulté le )
  15. (en) David Tamar, « Isaiah Ḥasid from Zbarazh | Encyclopedia.com », sur www.encyclopedia.com (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Christophe Bourseiller, Les Faux Messies Histoire d'une attente, Pocket, 2014. Présentation en ligne
  • (fr) Gershom Scholem : Sabbataï Tsevi. Le messie mystique 1626-1676 ; Broché ; 969 pages ; éditeur : Verdier () ; collection "Les Dix paroles" ; (ISBN 978-2864320258)
  • (fr) Gershom Scholem : Le messianisme juif ; Poche; 504 pages ; éditeur : Presses Pocket (); collection : Agora ; (ISBN 978-2266048460)
  • (en) Gershom Scholem : The Messianic Idea in Judaism : New York : Schocken Books : 1995 : (ISBN 0805210431)
  • (en) Julius Greenstone : The Messianic Idea in Jewish History : Westport: Greenwood : 1972 : (ISBN 0-8371-2606-1)
  • (en) Harris Lenowitz : Jewish Messiahs : From the Galilee to Crown Heights : New York : Oxford University Press : 1998 : (ISBN 0-19-511492-2)
  • (en) Yehuda Liebes : Studies in Jewish Myth and Messianism : Albany : State University of New York Press : 1993 : (ISBN 0-7914-1194-X)
  • (en) Jacob Neusner, William Scott Green and Ernest Francks (ed) Judaisms and Their Messiahs at the Turn of the Christian Era : New York : Cambridge University Press : 1987 : (ISBN 0-521-34146-9)
  • (en) Raphael Patai : Messiah Texts : Detroit : Wayne State University Press : 1979 : (ISBN 0-8143-1652-2) Also : New York : Avon : 1979 : (ISBN 0-380-46482-9)
  • (en) Jacob Schochet : Mashiach : The Principle of Mashiach in the Messianic Era in Jewish Law and Tradition : New York : SIE : 1992 : (ISBN 188140000X)
  • (en) Robert Wolfe : Origins of the Messianic Idea : New York : JREP Print Center : 2003 : (ISBN 0-9642465-3-8)

Articles connexes

Liens externes

  • Portail de la culture juive et du judaïsme
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.