Inquisition espagnole
L'Inquisition espagnole ou tribunal du Saint-Office de l'Inquisition (en espagnol : Tribunal del Santo Oficio de la Inquisición) est une juridiction ecclésiastique instaurée en Espagne en 1478, peu avant la fin de la Reconquista, par une bulle de Sixte IV à la demande des Rois catholiques.
Conçue à l'origine pour maintenir l'orthodoxie catholique dans leurs royaumes, elle avait des précédents dans d'autres institutions similaires en Europe depuis le XIIIe siècle. Elle a élargi le champ de ses justiciables (musulmans, protestants, sectes), combattu la persistance de pratiques judaïsantes et dans une moindre mesure, réprimé les actes qui s'écartaient d'une stricte orthodoxie (comme le blasphème, la fornication, la bigamie ou encore la pédérastie). Dépendant de la couronne d'Espagne qui nomma les premiers inquisiteurs dès 1480, le pouvoir juridique du tribunal du Saint-Office[N 1] était absolu pour juger et condamner. La suite donnée à cette condamnation ne relevait toutefois que du pouvoir du souverain.
Elle fut définitivement abolie le .
Historique
Création
En Espagne, dans le contexte de la Reconquista, la reconquête des territoires musulmans par les chrétiens espagnols et la construction d'une identité nationale fondée sur la foi catholique, les nouveaux chrétiens (en espagnol: cristianos nuevos) faisaient l'objet, depuis le début du XIVe siècle, de persécutions soutenues par les autorités, comme, en particulier, la révolte de Pedro Sarmiento à Tolède en 1449, qui avait abouti à la proclamation des premiers statuts de « limpieza de sangre » (« pureté de sang », en espagnol) refusant l'accès à diverses fonctions publiques aux nouveaux chrétiens.
Ce sont au premier chef les « marranes » (« porcs » en espagnol), c'est-à-dire les Juifs convertis plus ou moins de force au christianisme, et leurs descendants, dont le nombre fut particulièrement élevé après les répressions anti-juives de 1391, qui furent suspectés de ne pas être sincères dans leur nouvelle foi chrétienne — souvent à juste titre puisque leur conversion était le résultat des tortures et menaces de mort à leur encontre — et de poursuivre la pratique du judaïsme en secret. Ils constituent 90 % des accusés au tribunal de l'Inquisition espagnole de 1478 à 1530[1]. Au tableau de la chasse à l'hérétique, figurent ensuite les morisques, ces musulmans d'Espagne convertis eux aussi, et leurs descendants suspectés de garder leur religion d'origine, qui seront massivement accusés par les tribunaux à partir de la moitié du XVIe siècle puis après leur expulsion d'Espagne en 1609, en tant que crypto-musulmans[2],[3]. Les protestants et divers hérétiques accusés de différents délits dits mineurs sont également poursuivis. Toute accusation confondue, les statistiques montrent que les femmes sont proportionnellement plus accusées que les hommes[4] mais qu'elles sont moins condamnées (à la peine capitale) que les hommes[5].
Comme les évêques demandaient aux souverains de pouvoir prouver la vigueur de leur engagement en pourchassant les « nouveaux chrétiens » dont la conversion n'était pas jugée sincère ou l'« insolence » de leurs richesses[6], et comme les Rois catholiques refusaient l'intervention directe d'un légat du Pape dans les affaires intérieures du pays, les ambassadeurs espagnols à Rome firent pression pour obtenir l'Inquisition (commission d'enquête) pour vérifier la sincérité des convertis et les châtier le cas échéant[6]. Accessoirement, il s'agissait également de combattre la « judaïsation de l'Église », qui était dénoncée[7]. Le Pape accéda à leur requête. Le , la bulle du pape Sixte IV (Exigit sincerae devotionis affectus) autorise les Rois Catholiques à nommer eux-mêmes les inquisiteurs espagnols, ce qui fait de l'Inquisition une affaire de l’État.
L'Inquisition est la seule institution ayant un Conseil commun à la couronne de Castille et à celle d'Aragon, de sa création jusqu'au XIXe siècle (sauf durant un court laps de temps), soit pendant trois siècles et demi[8],[6].
Le , les premiers inquisiteurs dominicains, Miguel de Morillo, Juan de San Martín et l'assesseur Juan Ruiz de Medina, sont nommés par l'État. Ils prennent leurs fonctions à Séville où la communauté marrane menacée échoue dans une tentative d'insurrection. Le siège de l'Inquisition est établi au Château de San Jorge, qui lui servira également de prison[9]. Six Juifs riches et influents sont brûlés vifs, dès le [10]. A cette occasion, un témoin, le curé du bourg Los Palacios, écrit :
« Ils arrêtèrent bientôt certains des plus honorés et des plus riches échevins et magistrats municipaux, bacheliers et hommes de loi, et gens très haut placés (…) ; ni leurs hautes relations ni leur richesse ne leur furent d'aucun secours (…). On brûlera autant de bois qu'il faudra jusqu'à ce que soient détruits et exterminés ceux qui judaïsaient, et qu'il n'en reste aucun ; et leurs enfants âgés de plus de vingt ans, et même les plus jeunes s'ils étaient atteints de cette lèpre. »
L'Inquisition commence ainsi sa longue carrière.
Les humiliations et persécutions incessantes menées contre les hérétiques par les inquisiteurs sont loin d'être désintéressées. En effet, lors des confiscations de biens, qui frappent non seulement ceux qui sont jugés coupables mais aussi toute leur famille, le Saint-Office perçoit une part de plus en plus élevée, pouvant atteindre 80 % du produit des biens saisis. Ainsi, il leur arrive de déterrer des morts pour un procès au terme duquel les os sont brûlés et les biens du défunt transférés de ses héritiers à l'Église. Certains Juifs accusés de ne pas avoir dénoncé des conversos sont tués par l'Inquisition. Certains membres du clergé tombent eux aussi sous les accusations.
« À partir de 1485, le Conseil de la Sainte et Générale Inquisition vient coiffer les différentes cours et statue en appel »[7].
Devant les nombreux excès des inquisiteurs, « les rois catholiques (...) écrivirent au pape, afin qu'il modérât (leur) zèle. Cela eut pour but de décider la formation de lois et d'ordonnances qui devaient servir pour la conduite de ces juges à l'égard des hérétiques. Les instructions qui furent composées contenaient primitivement vingt-huit articles. En 1490, on en ajouta onze et quinze autres dans l'année 1498. Voici en quels termes était conçu le sixième article[11] :
« Que, les hérétiques et les apostats étant infâmes de droit, bien qu'ils se convertissent, qu'on leur impose pour pénitence celle de ne point exercer d'emploi public, de ne point porter de vêtement avec de l'or, de l'argent, de la laine fine, des coraux, des perles, des diamants, ni autres pierres précieuses ; qu'ils ne puissent monter à cheval, ni porter d'armes, sous peine, s'ils contreviennent à cette défense, d'être considérés comme relaps dans l'hérésie ».
« Le vingtième article s'exprimait ainsi[11] :
« Que si l'inquisition avait des procès desquels il résulterait que quelque défunt aurait été hérétique et serait mort en état d'hérésie, lors même que, depuis son décès, trente ou quarante ans se seraient écoulés, que l'on ordonne au fiscal d'instruire la cause et que, dans ce but, on cite les fils, les petits-fils, les descendants et héritiers du défunt, et que l'on poursuive jusqu'à sentence défininitive; et, s'il résulte que l'accusation élait bien prouvée, qu'on la déclare telle : On ordonnera de déterrer, le cadavre en le destinant à un lieu profane, et l'on décidera que tous les biens qui resteront du mort appartiennent au fisc royal, avec tous les fruits et rentes postérieures. et les héritiers seront condamnés à cette restitution »[11].
Le Saint-Office vient à renforcer la censure royale existante en contrôlant les oeuvres considérées comme dangereuses pour la foi, en s'appuyant sur l'Index dit de Valdès (1559), sur l'index índice de Quiroga (1583), complétés par des édits particuliers et des visites des inquisiteurs auprès des librairies pour surveiller leurs fonds d'ouvrages. Au XVIe siècle, cette activité de censure couvre aussi bien les œuvres religieuses et mystiques que scientifiques, politiques ou littéraires (poésie, roman, théâtre) espagnoles et étrangères[12].
Au XVIIe siècle, la couronne d'Aragon compte six tribunaux : Saragosse, Valence, Barcelone, Sassari, Marjorque, en Sardaigne et en Sicile[13].
Au siècle des Lumières, l'Inquisition espagnole apparaît comme le « symbole d'une Espagne obscurantiste et attardée »[14]. Montesquieu écrit en 1725[15] : « Les Espagnols qu'on ne brûle pas paraissent si attachés à l'Inquisition, qu'il y aurait de la mauvaise humeur de la leur ôter ».
Motifs de poursuite En cours.
Les dizaines de milliers de procès[16] engagés par l'Inquisition espagnole s'appuient sur des accusations par dénonciation ou plainte. Les accusés sont ensuite poursuivis pour hérésie majeure ou hérésie mineure[17],[18] :
- hérésies majeures : judaïsme, mahométisme (dont renégats : vieux chrétiens ayant renié, esclaves maures baptisés), protestantisme ;
- hérésies mineures : superstition/hecicheria, hérésie, bigamie, contre le Saint-Office (injure, usurpation de fonction), impediente (entrave à la justice inquisitoriale), parole/palabras (blasphème, fornication), sollicitation (délit commis par les prêtres sur leurs fidèles), proposition, allumbrados, (illuminés, mystiques), sodomie, bestialité, divers[19],[20].
Ces deux catégories de délits méritent des sentences différentes :
- relaxation en personne : le condamné est remis au bras séculier pour être exécuté au terme de l'autodafé ;
- réconciliation : réintégration dans la communauté à travers la levée de l'excommunication ;
- abjuration de vehementi ;
- abjuration de levi ;
- pénitence publique ;
- réprimande ;
- absolution ;
- relaxation en effigie ;
- affaire classée sans suite ;
- aussi coups de fouet, galères.
Direction de Torquemada
Le changement dans le mode de nomination des inquisiteurs, institué par la bulle du , entraîna la création de nouveaux postes, dans le nombre desquels figura Torquemada, de l'ordre des Dominicains.
En 1483, le Conseil de l'Inquisition Suprême et Générale (abrégé la Suprema) fut institué. L'Inquisiteur Général ou Grand Inquisiteur (Inquisidor General) en était le président de droit - nouvelle fonction à laquelle Torquemada fut nommé pour la Castille puis, après quelques réticences de Sixte IV, pour l'Aragon, la même année[21]. Cette charge fut étendue à la Catalogne en 1486.
Bien que sous l'autorité théorique des monarques espagnols, le Grand Inquisiteur, en tant que représentant du pape, avait la haute main sur l'ensemble des tribunaux inquisitoriaux et pouvait déléguer ses pouvoirs à des inquisiteurs de son choix, qui étaient responsables devant lui. La fonction d'Inquisiteur Général était la seule fonction publique dont l'autorité s'étendait à tous les royaumes composant l'Espagne, constituant ainsi un relais utile pour le pouvoir des souverains.
De 1483 à 1498, l'Inquisiteur Général Thomas de Torquémada donna à l'Inquisition espagnole une importance et une puissance sans précédent.
Particulièrement dirigée, à cette époque, contre les Juifs et musulmans convertis (marranes et morisques) dont Torquémada n'était pas issu (contrairement à ce qui se répète[22]), l'Inquisition a laissé un souvenir terrifiant. D'une source à l'autre, les chiffres sont très variables ; les plus conservatrices estiment à environ 2 000 le nombre de personnes brûlées sous le gouvernement de Torquemada. À tel point que le caractère souvent expéditif de la procédure provoqua les protestations du Saint-Siège (voir interventions de Sixte IV dès 1483).
Dans son étude consacrée à l'inquisition espagnole, l'historien Bartolomé Bennassar considère que la période 1478-1525 fut la plus cruelle, 40 % des condamnés finissant sur le bûcher[23].
Dans son Histoire des Juifs, l'historien Heinrich Graetz écrit en 1882[24] :
« Dans l’Espagne septentrionale aussi, à Lérida, à Barcelone et dans d’autres localités, la population s’opposa vivement à l’introduction de l’Inquisition. Mais la volonté obstinée du roi Ferdinand et le fanatisme implacable de Torquemada eurent raison de toutes les résistances. Dans l’année qui suivit la mort d’Arbues, les inquisiteurs firent leurs débuts à Barcelone et dans l’île de Majorque en livrant deux cents Marranes aux flammes. La fumée des bûchers, dit un contemporain juif (Isaac Arama), monte vers le ciel dans toutes les régions de l’Espagne et jusque dans ses îles. Un tiers des Marranes a été brûlé, un autre tiers est en fuite, errant partout et cherchant à se cacher, et le reste vit dans des transes continuelles, tremblant sans cesse d’être arrêté par l’Inquisition. Sous l’impulsion puissante des onze tribunaux qui fonctionnaient en Espagne, le nombre des victimes s’accroissait d’année en année, et bientôt ce beau pays ne fut plus qu’un immense brasier, dont les flammes ne tardèrent pas à consumer même de bons et sincères chrétiens. Pendant les treize années où Torquemada régna en maître absolu, plus de deux mille Marranes montèrent sur le bûcher. On estime à dix-sept mille le nombre de ceux qui furent bannis après avoir fait acte de contrition. »
Successeurs de Torquemada
La répression qui eut lieu entre 1480 et 1500, sous l'impulsion de Torquemada, fut si efficace que la traque aux judaïsants devint par la suite moins fructueuse et plus difficile, ce qui conduisit parfois à de terribles excès[25]. À tel point que le mouvement d'opposition à l'Inquisition grandit. L'inquisiteur Diego Deza (en) qui avait pris la suite de Torquemada fut démis de ses fonctions en 1507.
Les successeurs de Torquemada et de Deza furent, pour la plupart, plus modérés. Certains ont même fait preuve d'ouverture d'esprit, comme le cardinal Cisneros, inquisiteur général de 1507 à 1517, qui projeta d'inviter Érasme en Espagne[26] ou encore Alonso Manrique de Lara, inquisiteur général et archevêque de Séville de 1523 à 1538, protecteur des humanistes[27].
Est mise en place, en Espagne puis au Portugal, une structure de surveillance systématique et de délation généralisée, non seulement à l'encontre des convertis, mais aussi de leurs descendants, et de tous les chrétiens d'ascendance même très partiellement juive, baptisés « nouveaux chrétiens ».
À partir de 1525, les tribunaux se tournent vers les morisques, c'est-à-dire les Maures pratiquant l'islam en secret, plus encore après le décret d'expulsion de 1609. Puis ils s'intéressent aux protestants, et à partir de 1530, aux délits divers tels que la bigamie, la fornication ou le blasphème.
Contrairement aux autres pays aux XVIIe et XVIIIe siècles, la sorcellerie mobilise peu l'Inquisition. L'attention principale est toujours concentrée sur les personnes accusées de judaïser. Joseph Perez souligne dans son Histoire de l'Espagne que la raison qui avait motivé la multiplication de ces nouvelles cibles de l'inquisition était l'obtention de nouvelles ressources pour les tribunaux. En effet, autant les grandes persécutions des premières années de l'Inquisition avaient permis le financement aisé de ses structures et de son développement - grâce à l'abondance des biens confisqués aux judaïsants -, autant il a fallu réduire le nombre des tribunaux et augmenter les ressources dès le début du XVIe siècle[28].
Un tour de vis est donné par le carriériste Fernando de Valdés y Salas, inquisiteur général de 1547 à 1566 et archevêque de Séville, avec l'intensification de la persécution contre les foyers luthériens et le terrible autodafé de 1559[29]. La même année, il publie le premier index espagnol des livres interdits, où figurent plusieurs centaines de titres. C'est aussi durant son mandat que l'Inquisition commence à délivrer des « limpiezas de sangre » (« certificat de propreté du sang ») aux personnes ne possédant pas d'ancêtre juif ou musulman. Ces certificats sont non seulement exigés pour l'accès à l'armée, aux charges du Saint Office, pour l'entrée aux universités, mais également réclamés par les familles à la veille des mariages.
L'Inquisition devient alors si puissante et brave parfois si impunément la justice civile qu'elle s'attire l'aide de tous ceux qui la craignent. C'est ainsi qu'elle développe autour d'elle l'institution des « Amis de l'Inquisition ». Ceux-ci, loin de se cacher, se flattent avec arrogance de cette appartenance et défilent annuellement à des parades, notamment à l'occasion des autodafés.
Hormis les premières années de sa création, la violence de l'action de l'Inquisition est plus psychologique que physique, « par la capacité de la cour à débusquer, à tout moment et en tout lieu, les hérétiques, à se valoir de la collaboration d'individus dans les groupes sociaux les plus variés, par le secret de sa procédure et l'absence quasi-totale de droits reconnus à la défense. Seule juridiction à jouir de prérogatives et d’un pouvoir discrétionnaire aussi amples, elle retranchait de la vie sociale les pénitents, confisquait la totalité de leurs biens, et faisait rejaillir sur trois générations l'infamie de la peine. En outre, les sambenitos (ces tuniques d’infamie que revêtaient les accusés et sur lesquels étaient indiqués leurs noms et délits) accrochés dans les églises venaient rappeler à tout un chacun les noms des familles condamnées et entretenir la mémoire de l’infamie »[12].
Selon l'historien Bartolomé Bennassar, la machine politique de l'Inquisition fonctionnait, dans les premières décennies, sur la base d'une « pédagogie de la peur »[30]. L'imagerie de la peur était portée par la torture et les bûchers et renforcée par le côté secret et impénétrable de la procédure.
Pour Bennassar et ses co-auteurs, l'inquisition, loin d'être un héritage médiéval, est une pièce majeure de l'appareil d'État moderne en Espagne. Elle participe à une mise sous surveillance de la société espagnole, secteur par secteur, les inquisiteurs s'efforçant d'imposer « un conformisme de comportement, de parole et finalement de pensée à toutes les couches de la société »[23].
Dispersion des Marranes
Les Marranes s'établissent aux Amériques. Mais l'Inquisition a le bras long, et s'y étant également implantée, les pourchasse comme en Europe. Pourtant, certains Marranes portugais réfugiés dans la région de Bordeaux finissent par obtenir des souverains français le droit d'y demeurer et reviennent finalement à la religion de leurs ancêtres.
Les lieux de refuge les plus sûrs sont les pays protestants, notamment les Provinces-Unies (Hollande) et l'Angleterre. Dans les premiers temps, les « nouveaux chrétiens », redevenus juifs ou non, sont laissés en paix, dans la limite de certains interdits, tandis qu'ils peuvent s'installer en pays musulman, bénéficiant du statut de dhimmis « protégé ».
En Turquie, ils jouent ainsi un rôle important auprès de Soliman le Magnifique dans sa lutte contre les royaumes chrétiens. L'un d'eux, le duc de Naxos est le conseiller personnel du fils de Soliman, Selim II. Lorsqu'ils adoptent l'islam, ils obtiennent, ainsi que leurs descendants, le même statut que les autres musulmans.
Fin de l'Inquisition espagnole
L'Inquisition prend fin en Espagne officiellement sous Napoléon Ier en 1808, puis est rétablie en 1814. La dernière victime est un instituteur déiste pendu à Valence le . L'Inquisition espagnole est abolie définitivement par la reine Marie-Christine en 1834, et la « limpieza de sangre » le .
Lorsque le décret de l'Alhambra ordonnant en 1492 l'expulsion des juifs fut officiellement abrogé en 1967 par le gouvernement franquiste, il était lettre morte depuis longtemps[C'est-à-dire ?], et des dizaines de milliers de descendants des expulsés, persécutés dans le reste de l'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, ont pu se réfugier en Espagne et y être accueillis en tant qu'anciens Espagnols.
Torture
Au XVIe siècle, le recours à la torture est massif et presque systématique puisque près de la moitié des accusés sont soumis à la question. La terreur inspirée par le tribunal asseoit ainsi son autorité et sa prééminence auprès des populations. Après s'être occupés des marranes, les tribunaux de Valence et de Saragosse se tournent principalement vers les morisques à partir de 1560 où ils représentent jusqu'en 1620 plus de 80 % des torturés[31].
Instruments
Les instruments de torture employés sont codifiés et les manuels d'inquisiteurs proscrivent toute innovation dans le raffinement de la cruauté mais se prononcent, en revanche, en faveur des moyens traditionnels qui doivent être utilisés progressivement et lentement pour en accroître les effets. Les principaux instruments utilisés au XVIIe siècle sont « la toca, le potro et la mancuerda, en les combinant durant la même séance »[32],[33],[34].
- La toca ou torture de l'eau : l'accusé est allongé et incliné de telle sorte que les pieds sont plus hauts que la tête, la mâchoire du condamné est écartée avec une pointe métallique, et y est introduite la toca, une bande de lin, dans la gorge où est versé lentement le contenu d'une ou de plusieurs jarres : la sensation d'étouffement est immédiate à mesure que le liquide s'écoule et c'est un des moyens privilégiés car peu risqué.
- Le (es) potro et la mancuerda : la victime est allongée et garottée sur un chevalet ou une crémaillère et le bourreau fait coulisser les nœuds des liens qui contiennent les membres afin de les comprimer et les étirer ; quelquefois, les cordes arrachent la chair ou provoquent des fractures, bien que ce ne soit pas le but escompté a priori.
- La (es) garrucha ou estrapade : la victime est hissée lentement à l'aide d'une poulie en haut d'un mât et suspendue ainsi par ses poings liés dans le dos puis on la laisse tomber violemment par saccades sans toucher le sol afin que ses articulations se disloquent. Si le poids du torturé est trop léger, on ajoute un poids pour alourdir l'ensemble[35].
Condamnations à mort
Selon Béatrice Leroy, il est aujourd’hui admis qu’il est impossible de parvenir à un calcul exact du nombre de condamnés à mort par l’Inquisition[36]. En 1817, Juan Antonio Llorente publie, dans son ouvrage Histoire critique de l’Inquisition d’Espagne, le chiffre de 39 671 remises au bras séculier espagnol. Ce chiffre est tenu aujourd’hui pour totalement dénué de validité scientifique et peu probable tant il est élevé. En effet, la recherche historique ne cesse de revoir le nombre de condamnés à mort par l’Inquisition à la baisse[37].
L’historien danois Gustav Henningsen qui étudia 50 000 procédures inquisitoriales datées de 1560 à 1700 estimait que 1 % seulement des accusés avaient dû être exécutés[38].
La Revue des études juives étudia l’activité du tribunal de Badajoz entre 1493 et 1599. Elle y a recensé une vingtaine de condamnés à mort sur une période de 106 ans[38].
Chronologie
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Notes et références
Notes
- Le Saint-Office ne désigne pas ici la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Références
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- Michel Boeglin, op. cit., p. 76
- (es) José Maria Perceval, Todos son unos. Arquetipos, xenofobia y racismo. La imagen del morisco en la Monarquia espanola durante los siglos XVI y XVII, Almeria, Instituto de estudios almerienses, , 331 p. (ISBN 84-8108-118-3)
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- Anita Gonzalez-Raymond, op. cit., p. 71, lire en ligne
- L'Europe et les Juifs, op. cit., p. 42
- Michel Boeglin, op. cit., p. 10
- Anita Gonzalez-Raymond, Inquisition et société en Espagne : les relations de causes du tribunal de Valence (1566-1700), Presses Univ. Franche-Comté, , 374 p. (ISBN 978-2-251-60618-7, lire en ligne), p. 22
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- Pierre Gisel et Jean-Christophe Attias, L'Europe et les juifs, Labor et Fides, , 215 p. (ISBN 978-2-8309-1048-3, lire en ligne), p. 41
- Montesquieu, Lettre LXXVIII
- Par exemple, entre 1566 et 1700 au tribunal de Valence, au moins 4 740 procès engagés. Anita Gonzalez-Raymond, op. cit., p. 33, lire en ligne
- Joseph Pérez, Histoire de l'Espagne, Fayard, 1996, p. 363.
- Anita Gonzalez-Raymond, Inquisition et société en Espagne : les relations de causes du tribunal de Valence (1566-1700), Presses Univ. Franche-Comté, , 374 p. (ISBN 978-2-251-60618-7, lire en ligne), p. 21
- J-P. Dedieu, op. cit., L'administration de la foi...
- Anita Gonzalez-Raymond, op. cit., p. 45-53
- Voir p. 25-31 dans The Spanish Inquisition: A History, Joseph Pérez (traduction de Janet Lloyd), Yale University Press, 2006.
- Gilles Karmasyn, « Torquemada Juif converti : un mensonge - Torquemada converso : une erreur », PHDN, 2018, en ligne.
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- Voir notamment l'affaire Lucero du nom de l'inquisiteur de Cordoue pages 58-59 in The Spanish Inquisition, Joseph Perez, Yale University, 2005.
- Voir page 199 in Spain 1474-1700, Colin Pendrill, Heinemann, 2002.
- Voir p. 299-300 in The Reformation World, Andrew Pettegree, Routledge, 2000.
- Voir p. 365-366 in Histoire de l'Espagne, Joseph Pérez, Fayard, 1996.
- Voir 289-291 in L'administration de la foi, Jean-Pierre Dedieu, Casa de Velázquez, 1992.
- Voir Patterns of the Inquisitorial Mind as the Basis for a Pedagogy of Fear, Bartolomé Bennassar, p. 177-84, Alcala Angel ed., 1987.
- Raphaël Carrasco, « Le refus d'assimilation des Morisques : aspects politiques et culturels d'après les sources inquisitoriales », Les Morisques et leur temps, Paris, CNRS, 1983, p. 169-216. Cité in L'Inquisition au lendemain du Concile de Trente, p. 76 & ss., lire en ligne
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- J. Perez, op. cit., (édition espagnole) p. 137
- Béatrice Leroy, L’Espagne des Torquemada (Maisonneuve et Larose, 1995).
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- Jean Sévillia, Historiquement correct : pour en finir avec le passé unique, Paris, Éditions Perrin, , 453 p. (ISBN 2-262-01772-7), p.79
- Pérez, Joseph, Brève histoire de l’Inquisition en Espagne, Paris : Fayard, 2002, p. 9
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Voir aussi
Articles connexes
- Articles sur l'Inquisition espagnole :
- Articles sur l'Inquisition :
- Autre
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- « L'Inquisition espagnole »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?) (consulté le ), Lexique de l'Espagne moderne, M. Boeglin - V. Parello, Univ. ouverte des Humanités, 2008.
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- Histoire critique de l'Inquisition d'Espagne Juan Antonio Llorente, Alexis Pellier
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