Fusée (astronautique)
En astronautique, une fusée est un véhicule mû par un moteur-fusée de grande puissance qui lui permet de se déplacer dans l'espace proche, et notamment de placer en orbite une charge utile (satellite artificiel), voire d'échapper à l'attraction terrestre pour visiter différents corps célestes. Les fusées de l'astronautique sont généralement dotées de plusieurs étages mis à feu successivement. Les plus grosses fusées construites, comme Saturn V, permettent de placer jusqu'à 150 tonnes en orbite basse.
Pour les articles homonymes, voir Fusée (engin auto-propulsé) et Fusée.
Fusée | |
Décollage de l'immense fusée Saturn V de la mission Apollo 11. | |
Appelé aussi |
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Utilisation | |
Utilisation | Transporter une charge explosive à des fins militaires ou envoyer des vaisseaux spatiaux (habités ou non, civils ou militaires) dans l'espace. |
Caractéristiques | |
Énergie | Carburants et comburants liquides ou solides |
La science des fusées a été théorisée par le Russe Constantin Tsiolkovski à la fin du XIXe siècle et mise en pratique dès 1935 par Hermann Oberth, puis par les chercheurs allemands durant la Seconde Guerre mondiale, pour la conception des premiers missiles balistiques V2. À compter de la fin des années 1950, les fusées ont été utilisées pour mettre en orbite des satellites à des fins commerciales, militaires, de télécommunication ou de recherche, et envoyer des sondes spatiales vers les autres planètes du système solaire, ou des hommes dans l'espace proche, ainsi que sur la Lune.
Principes de fonctionnement
Principe de la réaction
La fusée utilise le principe des actions réciproques pour accélérer en éjectant derrière elle de la matière, à l'aide d'un (ou de plusieurs) moteur-fusée(s). Une façon intuitive d'expliquer la propulsion à réaction est d'évoquer la pression interne exercée contre la paroi située du côté opposé à celui où se trouve l'orifice de sortie (tuyère) et d'observer que l'effet de cette pression interne n'est pas compensé par la paroi opposée (cette paroi opposée n'existant plus du fait de l'existence de la tuyère)(image de gauche). Ce déséquilibre fait alors se déplacer le corps de la fusée.
En fait, cette façon intuitive d'expliquer la réaction ne décrit, par exemple pour une fusée à eau, que la moitié de la force de propulsion, (pour celle-ci, la force de propulsion calculée par la conservation des Quantités de Mouvements est très proche de et non pas de , étant l'aire de l'orifice de sortie et la pression statique existant dans le moteur).
De même, la force de propulsion des fusées à propergol solide est plus de 1,6 fois plus forte que la force déterminée par la méthode intuitive ci-dessus. Pour le moteur Vulcain 2 d'Ariane 5 (moteur à propergols liquides), on peut calculer que la poussée vaut 1,96 fois la force que crée la pression interne dans le moteur sur l'aire opposée à l'aire du col de la tuyère. Ce très bon nombre est principalement dû à l'efficience du divergent de la tuyère (le fameux "coquetier"). Les nombres énoncés à l'instant (2, 1,6 et 1,96) représentent ce qu'on appelle le coefficient de poussée du moteur. Ce coefficient est donc défini comme le quotient de la Poussée réelle par le produit .
Fonctionnement du moteur-fusée
Dans le cas classique des moteur-fusées thermo-chimiques, la propulsion par moteur-fusée repose, comme pour un moteur à essence de voiture, sur l'énergie dégagée par la combustion d'un carburant avec un comburant (ergols). Le moteur-fusée comporte deux éléments essentiels : la chambre de combustion et la tuyère. Les ergols sont brûlés dans la chambre de combustion : cette réaction chimique qui fait intervenir le réducteur (le carburant) et l'oxydant (le comburant), est fortement exothermique c'est-à-dire qu'elle dégage de la chaleur et porte les gaz résultant de la combustion à des températures de plusieurs milliers de degrés. Les gaz produits s'échappent de la chambre de combustion par un orifice relativement étroit. Dans le cas d'un moteur-fusée (mais ce n'est pas le cas d'un feu d'artifice) cet orifice est occupé par une tuyère de Laval caractérisée par une forme spécifique (cône convergeant puis divergeant) qui permet d'accroitre considérablement la vitesse des gaz expulsés : en circulant dans la tuyère la pression et la température du gaz diminue tandis que sa vitesse s'accroit. L'énergie thermique de la combustion s'est transformée en énergie cinétique. L'expulsion des gaz à grande vitesse (entre 2000 et 4 500 m/s selon les ergols utilisés et l'efficacité du moteur-fusée) génère une poussée sur la fusée en sens opposé en application de la loi de la conservation de la quantité de mouvement. La vitesse de la fusée s'accroit.
- À la différence d'un moteur classique le comburant (par exemple l'oxygène) est dans le cas général stocké dans la fusée et non pas aspiré dans l'atmosphère ce qui permet à la fusée de fonctionner dans le vide ou dans une atmosphère très raréfiée.
- Dans un moteur-fusée à ergols liquides le comburant et le carburant stockés dans des réservoirs sous forme liquide sont injectés dans la chambre de combustion sous pression grâce à un système d'alimentation qui peut prendre différentes formes (turbopompe, mise en pression des réservoirs...). Dans la propulsion à propergol solide la chambre de combustion est le canal central percé dans le bloc solide constitué par le mélange de comburant et de carburant. La couche superficielle du canal dans le bloc de propergol brûle et génère des gaz qui sont expulsés par une tuyère selon les mêmes principes que la propulsion à ergols liquides.
- Il se développe depuis plusieurs décennies des moteurs ioniques ou plasmiques dont le principe est très proche de celui des fusées à eau : un gaz neutre (du xénon) est accéléré à très haute vitesse par un dispositif électrique (dix fois plus vite que dans un très bon moteur thermo-chimique) puis éjecté. Ces moteurs trouvent leur énergie dans une alimentation électrique externe (panneaux solaires, en général) et n'utilisent donc le gaz neutre que pour la Masse d'appui qu'il représente (le moteur ionique s'appuyant ainsi sur la masse du xénon qu'il éjecte).
Conservation de la quantité de mouvement
Le gain de vitesse de la fusée est régi par la loi de la conservation de la quantité de mouvement : le changement de vitesse sur une durée donnée est proportionnel au logarithme népérien de la masse de gaz expulsée durant ce laps de temps divisée par la masse totale de la fusée au début de la période considérée. Le changement de vitesse est également proportionnel à la vitesse d'éjection du gaz.
Plus précisément la loi s'énonce ainsi :
dans laquelle :
- est la variation de vitesse entre le début et la fin de la phase propulsée considérée, exprimée en m/s ;
- est la vitesse d'éjection des gaz, exprimée en m/s ;
- est la masse totale de l'astronef au début de la phase propulsée ;
- est la masse totale de l'astronef à l'issue de la phase propulsée, exprimée dans la même unité que m0.
Cette équation est établie en intégrant l'équation de conservation de la quantité de mouvement entre le début et la fin de la phase propulsée sous les hypothèses suivantes :
- l'étude du mouvement est faite dans un référentiel d'inertie ;
- l'astronef n'est soumis qu'à la force de poussée fournie par ses moteurs, aucune autre action extérieure (gravité, efforts aérodynamiques) n'est prise en compte ;
- le débit massique d'ergol est constant pendant la phase de propulsion ;
- la vitesse d'éjection des gaz est elle aussi constante.
Impulsion spécifique
L'impulsion spécifique (notée généralement Isp) est le quotient de la poussée d'un propulseur, par le produit du débit massique de propergol par la valeur normale de l'accélération de la pesanteur (ou débit-poids du propergol éjecté). À poussée égale, plus l'Isp d'un propulseur est grande, moins il consomme d'ergols. L'impulsion spécifique, homogène à un temps, s'exprime en unités de temps (le plus souvent en secondes). Elle indique la durée pendant laquelle un kilogramme de propergol produit une poussée de 1 kilogramme-force, c'est-à-dire 9,81 N :
Impulsions spécifiques des propergols les plus utilisés ou étudiés :
Mode de propulsion | Isp (en s) | Commentaires |
---|---|---|
LO2 . LH2 | 435 | L = liquide |
LO2 Kérosène | 320 | |
N2O4 - UDMH | 305 | UDMH (diméthylhydrazine asymétrique) très toxique |
Réacteur nucléaire / échangeur thermique | ~800 | Pas opérationnel à ce jour |
Propulseur électrique | 1500 à 2000 | Problème de rendement énergétique (solution à long terme) |
Étagement
On démontre qu'une fusée composée d'un seul étage ne peut pas mettre en orbite une charge utile même si elle utilise les ergols les plus performants et que son indice constructif est particulièrement faible. Les fusées qui doivent emmener une charge utile à une grande distance sont donc multi-étages : chaque étage est doté de son ou de ses propres moteurs-fusées, et il est largué lorsque le carburant est épuisé. Le moteur de l'étage suivant est alors allumé.
Le premier étage des lanceurs modernes est souvent constitué d'un étage principal flanqué de propulseurs d'appoint dont le rôle est de fournir une poussée additionnelle durant les premières minutes du vol. Ces accélérateurs qui sont généralement à poudre peuvent avoir une poussée supérieure au premier étage (Ariane 5) proprement dit mais sont largués longtemps avant que le premier étage ait épuisé son carburant.
Traditionnellement les lanceurs spatiaux ont 3 étages (Ariane 1 et 4, Saturn V) ou 2 étages + accélérateurs accolés au 1er étage (Ariane 5…). Le dernier étage propulsif communique la part la plus importante de la vitesse horizontale au satellite. Pour augmenter ses performances, on choisit souvent une propulsion cryogénique. Cet étage dans les lanceurs les plus sophistiqués peut être éteint et rallumé plusieurs fois ce qui donne plus de souplesse pour mettre en place les charges utiles sur leurs orbites.
Équilibre des forces aérodynamiques
Les premiers fuséistes modernes (Goddard, Winkler) réalisèrent d'abord des fusées "à traction avant" (la tuyère qui créait la propulsion étant située au haut de la fusée et ses réservoirs sous cette tuyère, comme ci-contre) : Ils pensaient qu'ainsi la fusée serait stable, les réservoirs ne pouvant que suivre le moteur comme la charrue suit le bœuf.
Il n'en était rien. L'un des premiers, Goddard a compris que cette conception (sur le modèle du bœuf tirant la charrue) était erronée (on peut à ce sujet penser à la stabilité de route délicate des voitures dont le moteur est placé à l'arrière) et que c'était l'action de l'air sur l'ogive (principalement) qui faisait tournoyer la fusée (comme tournoie un ballon de baudruche gonflé et libéré[N 1]). Pour qu'une fusée soit stable, il faut simplement que son Centre des Masses soit suffisamment « en avant » (ou « en haut » pour une fusée qui monte) de son Centre de Pression Aérodynamique. Cependant, les moyens de déterminer simplement la position du Centre de Pression Aérodynamique d'une fusée n'existaient pas encore. Ce fut le rapport de James et Judith Barrowman qui apporta ces moyens.
Le texte Le Vol de la Fusée[1], de Planète Sciences, seule association autorisée en France à lancer des fusées sous l'égide du CNES, est basé sur les travaux des Barrowman, du moins dans sa partie "stabilité statique".
Les fuséistes distinguent en effet deux formes de stabilité de la fusée :
- La stabilité statique (la faculté d'une fusée de revenir "en un certain temps" à une incidence aérodynamique nulle après une perturbation -une turbulence de l'air traversé par la fusée-). Il faut noter que le "certain temps" en question n'est pas donné par les calculs de stabilité statique.
- La stabilité dynamique : Cette stabilité dynamique s'intéresse au contraire au temps que mettra la fusée pour revenir à une incidence aérodynamique nulle après une perturbation. Dans la pratique et dans le meilleur des cas, ce retour "au neutre" de la fusée après une perturbation se produira après un certain nombre d'oscillations amorties de son axe autour de la direction générale de la trajectoire.
Les fusées commerciales modernes, comme Ariane 5 ou Ariane 6, Soyouz etc., sont instables aérodynamiquement. Elle doivent donc, pour ne pas être victimes d'embardées destructrices, être pilotée activement par braquage rapide de certain(s) de leurs moteurs (voir Pilotage ci-dessous). C'était déjà le cas de la fusée de la conquête de la Lune Saturne V : Celle-ci ne comportait à sa base des petits ailerons que pour donner à l'équipage le temps de l'abandonner en cas de panne des moteurs (car sans moteurs, pas de stabilisation active, donc perte de la trajectoire et embardée destructrice). L'ex fusée lunaire N1 soviétique possédait également, à sa base, pour la même raison de sauvegarde de l'équipage, des panneaux cellulaires stabilisateurs.
Propulsion
La propulsion d'une fusée est due dans la majorité des cas à l'un des deux types de moteurs-fusées suivants :
- les moteurs-fusées à ergols liquides très performants (poussée délivrée pour une masse d'ergols donnée) mais d'une technologie complexe et coûteuse. Leur poussée peut être modulable et ils peuvent être rallumés à plusieurs reprises.
- les moteurs-fusées à propergol solides moins performants mais relativement rustiques et capables de fournir des poussées très importantes. Ils sont souvent utilisés sur les fusées récentes pour accroitre la poussée au décollage. Ils ne peuvent être rallumés.
Propulsion à ergols liquides
Le moteur-fusée comprend :
- le système d'alimentation en ergols (carburant et comburant) qui utilise pour les moteurs les plus performants une turbopompe alimentée soit par un générateur de gaz soit par une préchambre à combustion, et pour les moteurs moins performants un système de pressurisation des ergols ;
- les injecteurs qui diffusent les ergols dans la chambre de combustion ;
- la chambre de combustion dans laquelle sont brûlés carburant et comburant ;
- la tuyère dans laquelle se réalise la détente des gaz qui sont accélérés.
- le circuit de refroidissement qui refroidit la chambre de combustion et une partie de la tuyère.
- le système d'allumage qui démarre la combustion si les ergols ne sont pas hypergoliques.
- des mécanismes (vérins hydrauliques...) destinés à orienter la poussée en inclinant le moteur de quelques degrés. Ce dispositif peut être remplacé par des moteurs-verniers.
Chambre de combustion
La chambre de combustion est le lieu où se réalise la combustion des ergols. Pour réduire la taille et donc le poids du moteur-fusée la pression dans la chambre de combustion doit être la plus élevée possible[2]. Généralement les ergols sont pulvérisés dans des proportions qui assurent une combustion complète (mélange stœchiométrique) ce qui suppose que le mélange soit homogène. L'injecteur qui envoie carburant et comburant dans la chambre de combustion prend des formes variables selon les modèles de moteur : injecteur en pomme de douche (jets parallèles), jets concourants, etc. L'instabilité de la combustion est un des problèmes les plus graves et les plus fréquents qui affecte les fusées.
S'il n'est pas hypergolique le mélange doit être enflammé par un dispositif dont la fiabilité est un critère essentiel. L'allumage du mélange peut être déclenché par l'introduction d'un produit hypergolique avec un des deux ergols, une résistance parcourue par un courant de forte intensité, un catalyseur, une petite charge pyrotechnique, une chambre d'allumage qui communique avec la chambre de combustion[3].
Tuyère
La tuyère permet d'accélérer les gaz résultant de la combustion portés à des pressions et des températures très élevés en leur imprimant une vitesse suivant l'axe du moteur. La tuyère a la forme d'un cône convergent puis d'une surface divergente qui permet aux gaz de franchir la vitesse du son : en amont du col la vitesse du gaz est subsonique et en aval supersonique[4]. En présence d'atmosphère la poussée est optimale lorsque la pression des gaz en sortie de tuyère est égale à la pression ambiante[5]. Les tuyères de premier étage sont donc plus courtes que celles des étages devant fonctionner dans le vide. Pour limiter l'encombrement, la tuyère des moteurs fusées des étages supérieurs peut être en partie déployable.
Circuit de refroidissement
Les parois de la chambre de combustion ainsi que la tuyère sont portées à des températures très élevées (plusieurs milliers de degrés) et doivent être refroidies. La méthode la plus courante consiste à faire circuler un des ergols dans la paroi qui à cet effet est creuse ou constituée de tubes jointifs. Le liquide utilisé pour le refroidissement peut être réinjecté dans la chambre de combustion (refroidissement par circulation d'ergol[N 2]) ou moins performant être éjecté en extrémité de tuyère (refroidissement par fluide perdu).
Moteurs à propergol solide
Les moteurs à propergol solide ont des caractéristiques et un mode de fonctionnement différents des moteurs à propergol liquide. Carburant et comburant sont stockés sous forme solide intimement mélangés. Le réservoir est en même temps la chambre de combustion : celle-ci est située dans le canal percé au centre du bloc de poudre sur toute sa longueur. Au fur et à mesure de la combustion, le canal s'élargit. Le diamètre du bloc de poudre détermine la durée de la combustion. La surface exposée à la combustion détermine la poussée. En donnant une géométrie donnée au canal (souvent en forme d'étoile) on peut créer une poussée croissante, décroissante ou constante (on parle de bloc progressif, dégressif ou neutre)[6].
Le moteur est allumé par un système d'allumage placé au fond du canal. Les gaz résultant de la combustion sont chassés vers l'extrémité inférieure : au bout du réservoir, une tuyère canalise et accélère les gaz brûlés. La tuyère peut-être orientée par des vérins pour modifier l'axe de la poussée. Sur certaines fusées un autre système d'orientation est utilisé reposant sur l'injection d'un jet de gaz dans la tuyère.
Le moteur à propergol solide est de conception simple car il ne comporte pas de pièces mobiles. Les ergols peuvent être conservés longtemps sans précautions particulières et mis en œuvre rapidement ce qui fait qu'il est systématiquement utilisé pour les missiles balistiques. Contrairement aux moteurs à ergols liquides il est relativement facile de concevoir un moteur doté d'une poussée très importante (accélérateurs de la Navette spatiale et d'Ariane 5). Mais les performances (ISP) sont beaucoup plus faibles : le mélange perchlorate d'ammonium/aluminium/polybutadiène (liant), qui est utilisé dans 90 % des cas, a une impulsion spécifique de 273 s. De plus l'enveloppe de l'étage qui subit de fortes contraintes thermiques doit être en acier ce qui accroit la masse de la structure. Le moteur à propergol solide une fois allumé ne peut plus être éteint puis rallumé. Il existe parfois un dispositif d'arrêt de poussée. La tuyère qui n'est pas refroidie doit être conçue dans des matériaux résistant à des températures élevées.
Architecture d'une fusée
Les principaux éléments d'une fusée à propergol liquide sont :
- les réservoirs de chaque étage qui contiennent d'une part le carburant d'autre part le comburant ;
- le ou les moteur-fusée de chaque étage ;
- la case à équipements ;
- la charge utile qui est transportée par la fusée : satellite(s), vaisseau spatial, sonde, instruments...
- dans le cas d'un vol spatial habité, la tour de sauvetage.
Structure et les réservoirs
L'indice de structure d'une fusée est le rapport entre la masse à vide d'un étage de fusée (réservoirs, structure, moteur…) et sa masse au décollage. Plus cet indice est faible, plus la fusée est performante. Pour y parvenir, la fusée est construite avec des matériaux légers et la structure est optimisée en particulier par la mise en œuvre de réservoirs structuraux.
La paroi latérale des réservoirs des étages principaux constitue en même temps la structure de la fusée. Dans le cas d'étage à ergols liquides, les réservoirs sont constitués de plusieurs viroles de faible épaisseur (2 mm pour l'étage cryogénique de la fusée Ariane 5) soudés entre elles. La tenue aux efforts mécaniques est assurée en grande partie par la mise en pression des réservoirs. Les parties de la fusée non pressurisés (inter-étages, inter-réservoirs et les bâtis-moteurs) sont constitués de structures raidies donc plus lourdes[7].
Les principaux matériaux utilisés pour la construction d'une fusée sont des alliages d'aluminium qui ont de bonnes caractéristiques mécaniques, sont relativement légers, peu coûteux et assez faciles à travailler. Les alliages d'acier, malgré leur densité très pénalisante, sont utilisés principalement pour l'enveloppe des propulseurs à poudre qui subissent des fortes pressions ; le recours à l'acier entraîne un indice de structure élevé (11,5 % pour les propulseurs à poudre d'Ariane 5 contre 7,3 % pour l'étage cryotechnique). Les composites (fibres de carbone, kevlar, verre), plus coûteux, ont d'excellentes caractéristiques mécaniques et sont utilisés dans la partie haute de la fusée pour la coiffe, la structure porteuse des charges utiles et pour les petits réservoirs[8].
Case à équipements
Une fusée comprend différents systèmes qui permettent son fonctionnement. Les boitiers de commande de ces systèmes sont regroupés dans la case à équipement généralement logée juste sous la charge utile sur la périphérie d'un anneau faisant la jonction avec les étages propulsifs. Les capteurs, les actuateurs, les charges pyrotechniques sont eux répartis sur l'ensemble de la fusée.
- le système de contrôle de vol est le chef d'orchestre de l'ensemble et repose sur un calculateur relié par un bus numérique (sur la fusée Ariane) aux autres systèmes. Un calculateur de secours peut prendre le relais en cas de défaillance. Le calculateur met en œuvre les instructions préparées au sol : arrêts de la propulsion, séquences de séparation des étages, allumages, largage de la coiffe. Il utilise accéléromètre et gyrolaser pour vérifier la conformité de la trajectoire et corrige si nécessaire celle-ci en modifiant temporairement l'axe de la poussée.
- le système de télémesure collecte des informations sur le fonctionnement de la fusée et de ses moteurs, qui sont transmises par voie hertzienne aux stations au sol. Sont mesurés les accélérations, chocs, vibrations, températures, niveaux acoustiques et déroulement des largages, à l'aide de capteurs de plusieurs types : accéléromètre, microphone, thermocouples, thermistances, caméras)[9]. La position et le vecteur vitesse de la fusée sont transmis également en permanence. Sur Ariane 5, 1 200 à 1 500 paramètres sont ainsi fournis en permanence durant le vol. Ces informations sont d'abord utilisées pour vérifier en temps réel que la trajectoire est conforme à ce qui était programmé puis, une fois la charge utile satellisée, que l'orbite est correcte et que le satellite fonctionne correctement. Par la suite les paramètres permettent d'analyser de manière détaillée le comportement de la fusée et d'identifier des dysfonctionnements à corriger éventuellement avant le vol[10]. En cas de perte de la fusée, les télémesures permettront de déterminer l'origine de l'incident.
- le système électrique fournit l'énergie à tous les systèmes. Il est composé de batteries et de piles assurant une alimentation redondante.
- le système pyrotechnique gère la séparation des composants de la fusée (largage de l'étage après épuisement des ergols, largage de la coiffe, largage des satellites) qui s'effectue à l'aide de cordeaux détonants, cordeaux découpeurs, boulons explosifs[11].
- le système de sauvegarde permet la destruction commandée à distance ou automatique de la fusée en cas de dysfonctionnement majeur conduisant à une trajectoire dangereuse.
Charge utile
La charge utile est positionnée au sommet de la fusée au-dessus de tous les étages propulsifs. Elle est constituée d'un ou plusieurs satellites qui sont recouverts d'une coiffe à la forme aérodynamique qui les protège tant que la fusée traverse l'atmosphère et qui est larguée par la suite pour réduire la masse propulsée.
Tour de sauvetage
Lorsque la fusée transporte des astronautes, elle doit pouvoir préserver leur vie au cas où le vol se passe mal. Si au-dessus d'une certaine altitude il suffit que la capsule qui transporte les passagers se sépare de la fusée à l'aide de charges pyrotechniques puis entame la phase de descente prévue initialement pour le retour, ce dispositif ne peut pas fonctionner lorsque la fusée est trop basse.
La tour de sauvetage, placée au sommet du lanceur, comporte des charges pyrotechniques (souvent "à traction avant") qui, en cas de problème, sont mises à feu et arrachent la capsule du corps de la fusée en l'éloignant de la trajectoire de la fusée tout en lui faisant prendre assez de hauteur pour que le parachute puisse freiner suffisamment le vaisseau spatial avant qu'il atteigne le sol. Initialement, pour les premiers vols spatiaux habités (Gemini, Vostok), le sauvetage de l'équipage en cas d'explosion de la fusée était confié à un siège éjectable. Ce dispositif était lourd (la surcharge est conservée tout au long du vol) et ne permettait pas d'écarter suffisamment les cosmonautes de la zone dangereuse lorsque la fusée utilisait des carburants hypergoliques (oxygène/hydrogène).
Guidage et pilotage
La fusée suit une trajectoire précise qui doit lui permettre de placer sa charge utile sur une orbite calculée adaptée à sa mission. Cette trajectoire doit répondre à plusieurs contraintes dont celle critique de la consommation de carburant. Un système de guidage embarqué calcule en temps réel la position et l'attitude de la fusée, corrige lentement son orientation et déclenche la séparation de ses étages. Le pilotage, quant à lui, doit corriger (et très rapidement) les tendances de la fusée à se mettre en travers de sa trajectoire (pour des raisons aérodynamiques, par exemple) car une telle mise en travers aboutirait à la destruction de la fusée. Pour mémoriser la différence entre guidage et pilotage, on peut penser à la conduite d'un cheval : Le cheval est guidé doucement par le cavalier vers son but (avec les guides) : c'est le guidage ; par contre ce même cheval se "pilote" lui-même (c.-à-d. qu'il se maintient en équilibre malgré les embûches du chemin). Un enfant qui ne sait pas faire du vélo sait guider son vélo (puisqu'il sait conduire un tricycle) mais il ne sait pas le piloter.
Guidage
Avant l'envol de la fusée une trajectoire dite nominale est calculée pour permettre de placer la charge utile sur l'orbite désirée (vitesse horizontale, direction). Cette trajectoire optimise la consommation de carburant et répond à un certain nombre d'autres contraintes.
La trajectoire réelle diffère de la trajectoire nominale pour différentes raisons :
- durant la traversée de l'atmosphère les conditions de vent rencontrées ne sont pas exactement celles prévues ;
- la masse de la fusée et les performances des moteurs peuvent différer un peu de ce qui est prévu par le calcul fait au sol.
Le système de guidage fait en sorte que la trajectoire nominale soit respectée. Il doit corriger les déviations en réorientant la fusée et éventuellement en prolongeant le temps de combustion des étages.
Le système de guidage détermine l'écart avec la trajectoire nominale à l'aide d'accéléromètres qui mesurent les accélérations et de gyromètres qui mesurent les vitesses de rotation angulaire. Il envoie des instructions au système de pilotage.
Pilotage
Le système de pilotage corrige les embardées de trajectoire en modifiant l'orientation de la poussée du ou des moteurs de quelques degrés ce qui entraîne le pivotement du lanceur autour de son centre de masse. La plupart des moteurs-fusées (propergol liquide) sont orientables à l'aide de vérins électriques (petits moteurs de quelques kilogrammes) ou des vérins hydrauliques. Le pilotage est asservi c'est-à-dire que le résultat des corrections est constamment contrôlé et éventuellement corrigé à nouveau.
Le pilotage doit prendre en compte les phénomènes suivants :
- la fusée est généralement instable durant la traversée de l'atmosphère c'est-à-dire que les forces aérodynamiques tendent à modifier l'orientation de la fusée dans un sens qui accroît encore ces forces : c'est l'embardée. Ceci est dû au fait que la résultante des forces aérodynamiques se situe en avant du centre de masse surtout avec les coiffes volumineuses des fusées modernes. Il faut donc que le système de pilotage corrige très rapidement toute embardée sinon la fusée se met en travers de sa trajectoire et les contraintes exercées sur sa structure la détruisent alors. Les fusées plus anciennes (Ariane 1, V2) étaient naturellement stables grâce à de grands empennages qui ont été abandonnés sur les lanceurs modernes car ils constituent une masse trop importante et empêchent l'installation d'accélérateurs.
- la fusée, longue et construite avec des matériaux légers, est souple et a tendance à vibrer dans le sens de sa longueur (elle s'allonge et se raccourcit cycliquement) (effet pogo). Le système de guidage doit envoyer des commandes pour atténuer ces vibrations et ne pas les laisser entrer en résonance, en évitant de les amplifier en entrant en harmonie avec elles (plusieurs fusées Vanguard furent détruites peu après leur décollage à cause d'une méconnaissance du phénomène).
La précision de la trajectoire obtenue par ce pilotage peut alors être inférieure à 1 m/s et quelques centaines de mètres en périgée sur Ariane 5 (sur 10 000 m/s, donc une précision de 10−4).
Déroulement du lancement d'une fusée
La campagne de lancement
La campagne de lancement d'une fusée comprend les étapes suivantes :
- l'assemblage de la fusée ;
- la préparation et l'installation de la charge utile ;
- le transfert de la fusée et de sa charge utile vers l'aire de lancement ;
- le remplissage des réservoirs de la fusée (si celle-ci comporte des moteurs à propulsion liquide) ;
- le lancement.
Conditions de lancement
La latitude de la base de lancement a une incidence importante sur l'orbite qui peut être atteinte par la charge utilisée[12] :
- une charge utile ne peut pas être directement lancée sur une orbite ayant une inclinaison inférieure à la latitude de sa base spatiale de départ. Ainsi depuis la base de Baïkonour (latitude = 45°), une charge utile ne peut pas atteindre directement l'orbite géostationnaire (inclinaison = 0°) : il est donc nécessaire après satellisation de modifier l'inclinaison du plan de l'orbite de 45°. Or, les modifications d'inclinaison de plan d'orbite sont particulièrement coûteuses en carburant car la charge utile en orbite se comporte comme un gyroscope en rotation : il faut ainsi imprimer une vitesse supplémentaire de 3 600 m/s à une charge utile pour modifier son plan d'orbite de 30°.
- lorsque le lancement se fait vers l'est, la rotation de la Terre fournit un supplément de vitesse au lanceur et au satellite[N 3]. Le gain en vitesse dépend de la latitude : il est maximal au niveau de l'équateur (465 m/s) et nul aux pôles.
Pour ces deux raisons les bases de lancement situées près de l'équateur sont avantagées pour le lancement des satellites géostationnaire par rapport aux bases spatiales situées à des latitudes plus septentrionales (à l'origine de la décision de lancer de fusées Soyouz depuis la base spatiale de Kourou).
Le lanceur place la charge utile sur une orbite initiale qui dépend de plusieurs paramètres[13] :
- l'inclinaison i de l'orbite est déterminée par l'azimut Az du lanceur à la fin de sa phase propulsée et de la latitude l : cos (i) = sin (Az) × cos (l) ;
- la longitude du nœud ascendant ☊ dépend de l'heure du lancement et de la longitude ;
- l'argument du périgée ω qui détermine la position du périgée sur l'orbite dépend de la localisation du point d'injection et de la composante verticale de la vitesse (par rapport au sol). Le point d'injection se situe à l'arrêt de la poussée du lanceur : il correspond au début de la trajectoire du satellite sur son orbite. Si la composante verticale de la vitesse est nulle au point d'injection le périgée se confond avec le point d'injection.
L'heure de lancement est donc un facteur souvent important. Pour certains satellites héliosynchrones, la fenêtre de lancement est réduite à quelques minutes par jour. D'autres critères peuvent être pris en compte en particulier la position du soleil lorsque la charge utile entame son orbite : celle-ci a une incidence sur les capteurs pilotant le contrôle de l'orientation et sur l'éclairement des panneaux solaires[14].
Pour une sonde spatiale qui doit être mise en orbite ou survoler une autre planète, il est nécessaire de prendre en compte les positions relatives de la Terre et de la planète visée : pour des raisons de coût, ces sondes sont généralement conçues pour emporter une quantité de carburant correspondant aux configurations les plus favorables. Celles-ci peuvent n'apparaître qu'à des intervalles de temps éloignées (créneau d'environ huit mois tous les deux ans pour Mars[15]). Le calendrier de réalisation du satellite tient évidemment compte de la fenêtre de tir mais à la suite de retard dans le développement ou de problèmes avec le lanceur, il est arrivé que, la fenêtre de tir ayant été manquée, le lancement soit reporté de plusieurs mois sinon de plusieurs années.
Décollage
La trajectoire d'une fusée est initialement verticale durant 10 à 20 secondes pour dégager la fusée des installations au sol.
Max Q
Durant la traversée de l'atmosphère la fusée est basculée dans le plan de sa future orbite avec un angle qui doit minimiser les efforts mécaniques qui s'exercent sur sa structure en réduisant au minimum la pression aérodynamique. Durant cette phase les rafales de vent doivent être amorties. Durant cette phase la pression aérodynamique, qui est fonction de la vitesse et de la densité de l'atmosphère, passe par un maximum (la PD max ou max Q). La structure du lanceur doit être dimensionnée pour pouvoir supporter ces forces. Pour la fusée Ariane 5, la PD max est atteinte à une altitude de 13,5 km alors que la fusée est à une vitesse relative d'environ Mach 2.
Séparation des étages
La séparation des étages est effectuée à l'aide de boulons explosifs ou de charges pyrotechniques. Certains lanceurs comportent de petites fusées de séparation qui ralentissent l'étage largué pour éviter que celui-ci ne vienne percuter le reste de la fusée car l'extinction du moteur de l'étage largué n'est généralement pas totale (queue de poussée) tandis que l'allumage de l'étage suivant n'est pas immédiat. Après séparation, des fusées de tassement (ullage rocket en anglais) de faible puissance peuvent être allumées pour plaquer les ergols liquides au fond du réservoir et permettre une alimentation des moteurs principaux au démarrage malgré l'apesanteur. Si le vaisseau comporte un équipage, la tour de sauvetage, qui constitue un poids mort significatif, est larguée dès que l'altitude atteinte permet au vaisseau spatial d'interrompre le vol en toute sécurité.
Rôle des étages supérieurs
Au-delà de 50 km l'atmosphère est suffisamment raréfiée pour que la pression aérodynamique devienne quasi nulle : il n'y a plus de contrainte sur l'orientation de la poussée. Si le vol est un lancement de satellites, arrivé à une altitude qui se situe selon les lanceurs entre 100 et 200 km d'altitude, la coiffe, dont le poids réduit la performance du lanceur, est larguée car la charge utile ne subit plus qu'une pression aérodynamique très faible.
Mise en orbite de la charge utile
Selon le type de mission, le lanceur place la charge utile immédiatement sur son orbite définitive (satellites en orbite basse) ou sur une orbite d'attente ou de transfert (satellite géostationnaire, sonde spatiale à destination d'une autre planète). Le lanceur après avoir décollé prend un azimut de manière que le vecteur vitesse se rapproche le plus possible du plan d'orbite cible à l'extinction des moteurs du lanceur.
Lorsque le moteur du lanceur s'éteint la charge utile entame sa première orbite : c'est le point d'injection. Si par suite d'une défaillance partielle du lanceur, la vitesse de satellisation n'est pas atteinte, la charge utile effectue un vol balistique et retombe vers le sol. Si la composante verticale de sa vitesse par rapport au sol est nulle au point d'injection ce dernier se confond avec le périgée de l'orbite sinon le périgée se trouve à une altitude inférieure. Il subsiste toujours de petits écarts par rapport à l'orbite visée (les dispersions) qui sont corrigées dans les phases suivantes.
Avant le largage de la charge utile le lanceur modifie son orientation conformément au besoin de celle-ci. Le lanceur imprime une vitesse de rotation plus ou moins importante à la charge utile pour lui donner une certaine stabilité. Celle-ci se sépare alors du lanceur. Le lanceur peut répéter cette opération plusieurs fois s'il s'agit d'un lancement multiple. la charge utile libérée met en service ses panneaux solaires en les déployant si nécessaire (manœuvre parfois source de défaillances). Elle utilise ses senseurs pour définir son orientation dans l'espace et corrige celle-ci à l'aide de ses moteurs d'attitude de manière à pointer ses panneaux solaires et ses instruments dans la bonne direction.
Principales catégories
Fusées-sondes
Une fusée-sonde est une fusée décrivant une trajectoire sub-orbitale permettant d'effectuer des mesures et des expériences. Lancée verticalement, une fusée-sonde peut emporter des centaines de kilogrammes d’instruments ou d’expériences scientifiques à une altitude comprise entre une centaine et un millier de kilomètres selon les modèles. Sa charge utile, abritée dans la pointe de l’engin, est récupérée avec un parachute. Les recherches effectuées avec les fusées-sondes portent essentiellement sur 2 thèmes :
- l'étude de la haute atmosphère
- la recherche en microgravité
Usage militaire
Un missile balistique est une fusée transportant une charge militaire généralement nucléaire dont la trajectoire est balistique. La phase balistique est précédée par une phase d'accélération alimentée par un moteur-fusée donnant à l'engin l'impulsion nécessaire pour atteindre sa cible.
On distingue :
- le missile tactique (dit aussi opérationnel ou de théâtre) est destiné à étendre la capacité offensive des forces armées au-delà de celle de l'artillerie traditionnelle. Généralement sa portée se limite à quelques centaines de kilomètres et il est doté d'une charge conventionnelle.
- le missile stratégique destiné à un rôle dissuasif ou d'intimidation dont la portée est de plusieurs milliers de km. Il est généralement doté d'une charge non conventionnelle, particulièrement nucléaire.
Usage expérimental
Une fusée expérimentale est une fusée ne transportant pas de charge utile, destinée à expérimenter différents composants de la fusée finale, ou à acquérir ou compléter les connaissances nécessaires à la réalisation d’une fusée.
Historique
Premières utilisations
La mise au point des premières fusées est directement liée à la découverte de la poudre noire, mélange de charbon, de salpêtre et de soufre à fort pouvoir explosif. Cette découverte attribuée par la plupart des historiens aux Chinois remonte peut-être au XIe siècle mais aucun document écrit ne l'atteste. Le premier usage documenté de fusées porte sur une bataille qui s'est déroulée en 1232 : durant le siège de Kaifeng par les Mongols, les Chinois repoussent leurs ennemis à l'aide de « flèches de feu volantes ». Les fusées utilisées à l'époque, bien que n'étant pas très destructrices par elles-mêmes, permettaient de désorganiser l'armée adverse en provoquant la panique de ses chevaux. Cette innovation se diffuse rapidement. Après la bataille de Kaifeng, les Mongols produisent leurs propres fusées et cette connaissance se diffuse rapidement auprès des peuples qu'ils attaquent : japonais, coréens, indiens. En Angleterre, le moine anglais Roger Bacon donne la formule de la poudre noire dans un ouvrage qui date sans doute des années 1240. Les arabes auraient eu connaissance des fusées après la prise de Bagdad par les mongols en 1258. Le manuscrit arabe Kitâb al-furussia wal munassab al-harbiya rédigé sans doute entre 1285 et 1295 mentionne ce type d'arme. Entre les XIIIe et XVe siècles, on relève des mentions éparses de fusées dans plusieurs ouvrages mentionnant leur utilisation de fusées lors de combats. Il se peut qu'elles aient été utilisées par les Arabes lors des septièmes croisades, contre les troupes du roi Saint Louis. Ces fusées comportaient une charge utile explosive sous la forme d'un sac de poudre. La première utilisation en Europe dans un combat significatif se déroule dans le cadre d'un conflit entre Venise et Gênes au cours de laquelle une tour de la ville de Chiogga est bombardée par des fusées[16].
Les fusées en tant qu'arme auraient été utilisées en Normandie contre les Anglais vers 1450. En France, Jean Froissart découvrit que la précision de ces armes était améliorée si on les lançait à partir de tubes (c'est l'ancêtre du bazooka). En Italie, Joanes de Fontana conçut une torpille de surface, propulsée par fusée, dont le but était mettre le feu aux navires ennemis. Au XVIe siècle, les fusées tombèrent en défaveur en tant qu'engins de guerre (en partie à cause de l'amélioration en puissance et en précision de l'artillerie), même si elles continuaient à être utilisées pour les feux d'artifice. À la fin du XVIIIe siècle, le souverain de l’État de Mysore en Inde utilise contre l'envahisseur anglais un corps d’artificiers armés de fusées comportant une chemise en acier, les fusées de Mysore. Cet exemple inspire l'anglais William Congreve qui met au point la fusée éponyme qui est utilisée avec un succès variable au cours de plusieurs batailles navales ou terrestres durant les guerres napoléoniennes. Un artificier allemand, Johann Schmidlap, invente la fusée gigogne, un engin à multiples étages allumés séquentiellement et permettant de faire atteindre au feu d'artifice une plus grande altitude. C'est l'ancêtre des fusées à multiples étages utilisées aujourd'hui. Lors de la Première Guerre mondiale, les fusées refirent surface avec les ancêtres des roquettes, utilisées par les aviateurs pour toucher les ballons d'observation ennemis.
Premiers travaux théoriques
Entre la fin du XIXe siècle et la Seconde Guerre mondiale les plus grands progrès sur le plan théorique sont dus au Russe Constantin Tsiolkovski. Celui-ci dans son ouvrage L'Exploration de l'espace cosmique par des engins à réaction (1903), décrit une fusée à propergol liquide (hydrogène/oxygène) qui serait assez puissante pour se libérer de l'attraction terrestre et atteindre d'autres planètes. Il fait des recherches sur les ergols utilisables pour propulser les fusées, la forme de la chambre de combustion, son refroidissement par circulation du carburant, le guidage de la trajectoire par surfaces mobiles placées dans le jet de gaz, la stabilisation gyroscopique de la fusée, principes qui seront repris par la suite. Il écrit la loi fondamentale du rapport de masse impliquant le découpage de la fusée en plusieurs étages. Il calcule aussi les différentes vitesses entrant en ligne de compte en astronautique et connues sous le nom de vitesses cosmiques. Il décrit une station interplanétaire qui serait composée de plusieurs éléments séparés, et dont l'orbite pourrait être modifiée[17].
Défrichage de l'entre-deux-guerres
La technique progresse encore dans l'entre-deux-guerres grâce à divers pionniers comme Pedro Paulet, réalisateur du premier moteur à propergols liquides, Louis Damblanc qui lança la première fusée à étages, et Robert Goddard, spécialiste du développement de moteurs de fusées.
V2 première fusée opérationnelle
Au début du XXe siècle, le développement de fusées dans un but pacifique pour des voyages interplanétaires est une source de motivation des chercheurs. Mais ce sont les militaires qui finalement contribuent au développement des fusées en finançant les travaux aboutissant à des applications pratiques telles que les roquettes, les systèmes d'assistance au décollage des avions, les avions-fusées et les missiles à longue portée. Notamment les Allemands avec les travaux de Wernher von Braun, avec le fameux V2. Après la guerre, les États-Unis et l'URSS récupérèrent le matériel et les ingénieurs allemands pour leur propre compte (voir Opération Paperclip). Le premier « V2 » américain, sur lequel travaillait von Braun, décolla le 14 mars 1946. Le « V2 » soviétique, lui, décolla le 18 octobre 1947 sous la direction de Sergueï Korolev et Valentin Glouchko. La course vers l'espace était commencée.
Performances des lanceurs existants
Indépendamment de sa taille deux paramètres suffisent pratiquement pour définir les performances d'une fusée :
- l'indice structurel. Cet indice structurel dépend du poids de la structure mais également de la compacité du moteur-fusée.
- la vitesse d'éjection des gaz qui dépend essentiellement de la nature de ces gaz.
Lanceur | Constructeur | Date 1er vol |
Capacité (tonnes) orbite basse |
Capacité (tonnes) orbite géostationnaire |
Masse (tonnes) |
Hauteur (mètres) | Vols réussis nbre vols |
Remarques | Statut |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Angara A5 | Russie | 2013 | 24,5 | 4,5 | 759 | 55,4 | 0 | En développement | |
Falcon Heavy | États-Unis | 2018 | 63,8 | 26,7 | 1421 | 70 | 3 | Son premier étage et ses boosters latéraux atterrissent séparément soit sur une barge en pleine mer ou sur la terre ferme près de leurs lieux de décollage pour être réutilisés | En opération |
Ares V | États-Unis | 188 | - | ? | 116 | 0 | Développement abandonné en 2010 | Développement abandonné | |
Ares I | États-Unis | 2009 | 25 | - | ? | 94 | 1 | Initialement dédiée aux vols habités, son développement a été abandonné en 2010 | Développement abandonné |
Ariane 5 ECA | Europe | 2002 | 21 | 9,6 | 780 | 56 | 90/94 | En opération | |
Atlas V 400 | États-Unis | 2002 | 12,5 | 7,6 (GTO) | 546 | 58,3 | 8/8 | En opération | |
Delta II | États-Unis | 1989 | 2,7-6,1 | 0,9-2,17 (GTO) | 152-232 | 39 | 151/153 | En opération | |
Delta IV Heavy | États-Unis | 2004 | 25,8 | 6,3 | 733 | 77,2 | 10/11 | En opération | |
Falcon 9 | États-Unis | 2009 | 9,9 | 4,9 (GTO) | 325 | 70 | 47/49 | Première fusée ayant son premier étage atterrissant soit sur une barge en pleine mer ou sur la terre ferme près de son lieu de décollage pour être réutilisé | En opération |
GSLV | Inde | 2001 | 5 | 2,5 (GTO) | 402 | 49 | 4/5 | En opération | |
H2A 204 | Japon | 2006 | 15 | 6 (GTO) | 445 | 53 | 1/1 | La série H2A comprend d'autres modèles Premier lancement 2001 14 lancements réussis sur 15 |
En opération |
Longue Marche 2F | Chine | 1999 | 8,4 | - | 464 | 62 | 7/7 | Dédiée aux vols habités | En opération |
PSLV | Inde | 1993 | 3,2 | 1.4 (GTO) | 294 | 44 | 18/20 | En opération | |
Proton | Russie | 1965 | 22 | 6 (GTO) | 694 | 62 | 294/335 | En opération | |
Space Shuttle | États-Unis | 1981 | 24,4 | 3,8 (GTO) | 2040 | 56 | 124/125 | Vols habités | Arrêtée |
Saturn V | États-Unis | 1967 | 118 | 47 | 3039 | 110 | 13/13 | Arrêtée | |
Soyouz-FG | Russie | 2001 | 7,1 | - | 305 | 49,5 | 17/17 | Premiers vols de la série en 1966 (plus de 1700 vols) |
En opération |
Titan IV B | États-Unis | 1997 | 21,7 | 5,8 | 943 | 44 | 15/17 | Arrêtée | |
Vega | Europe | 2012 | 1,5 | - | 137 | 30 | 14/15 | En opération | |
Zenit | Ukraine | 1999 | - | 5,3 | 462 | 59,6 | 26/29 | Lancé depuis une plateforme mobile en mer | En opération |
Principales caractéristiques des ergols utilisés
Carburant | Comburant | Rapport de mélange |
Densité moyenne du mélange |
Température de combustion |
Vitesse d'éjection | Avantages et inconvénients |
Utilisation | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Désignation | Température ébullition | Densité | Caractéristiques | Désignation | Température ébullition | Densité | Caractéristiques | ||||||
Kérosène | 80 °C à 150 °C | 0,8 | Oxygène | −183 °C | 1,14 | 2,4 | 1,02 | 3 400 °C | 3 000 m/s | cryogénique | |||
UDMH | 63 °C | 0,8 | Oxygène | 1,7 | 0,97 | 3 200 °C | 3 200 m/s | cryogénique | |||||
Hydrogène | −253 °C | 0,07 | Oxygène | 4 | 0,28 | 2 700 °C | 4 300 m/s | cryogénique | |||||
UDMH | Tétraoxyde d'azote | 21 °C | 1,45 | 2,7 | 1,17 | 2 800 °C | 2 900 m/s | hypergolique stockable toxique | |||||
Kérosène | Acide nitrique | 86 °C | 1,52 | 4,8 | 1,35 | 2 950 °C | 2 600 m/s | non cryogénique | |||||
Hydrazine | 114 °C | 1,01 | Fluor | −188 °C | 1,54 | 2 | 1,30 | 4 300 °C | 3 700 m/s | cryogénique | |||
Hydrogène | Fluor | 8 | 0,46 | 3 700 °C | 4 500 m/s | hypergolique | |||||||
Thème dans la littérature
Les fusées sont particulièrement présentes dans le domaine de la science-fiction où elles sont associés au vol spatial. On se souviendra notamment de l'album de BD On a marché sur la Lune où l'auteur belge Hergé faisait poser le pied sur la Lune à son équipage dirigé par Tintin en 1954, soit quinze ans avant Neil Armstrong. Ils disposaient d'une fusée restée célèbre.
Notes et références
Références
- LE VOL DE LA FUSÉE, Stabilité et Trajectographie, Version 2.0 : juillet 2008, Planète-Sciences, CNES, CNES, (lire en ligne)
- P. Couillard p. 50
- D. Marty p. 115
- P. Couillard p. 46
- D. Marty p. 110
- D. Marty p. 127
- D. Marty p. 154-171
- D. Marty p. 144-153
- D. Marty p. 176
- Site CSG : les deux grandes fonctions de télémesure consulté le 6/3/2008
- D. Marty p. 178
- P. Couillard, op. cit., p. 24-25
- F. Verger, R Ghirardi, I Sourbès-Verger, X. Pasco, op. cit., p. 17-19
- CNES, op. cit., vol.1 Généralités et contraintes de développement p. 198.
- CNES, op. cit., vol.1 Généralités et contraintes de développement p. 245
- EncyclopediaUniversalis - Le grand atlas de l'espace, p. 11-13
- (en) Anatoly Zak, « People > Tsiolkovsky > Konstantin Tsiolkovsky's work in Kaluga », sur russianspaceweb.com (consulté le ).
Notes
- Si l'on installe un empennage assez grand sur un ballon de baudruche, il devient stable. Voir par exemple l'image : Pas de tir baudruche.
- En anglais regenerative cooling, l'expression refroidissement par régénération est déconseillée par le CILF.
- Toutes les bases spatiales tirent vers l'est sauf la base israélienne de Palmahim faute de disposer de terrains appropriés.
Bibliographie
- Principales sources utilisées pour la rédaction de l'article
- Daniel Marty, Systèmes spatiaux : conception et technologie, Masson, , 336 p. (ISBN 978-2-225-84460-7)
- CNES & CILF, Dictionnaire de spatiologie, CILF, (ISBN 978-2-85319-290-3)
- Philippe Couillard, Lanceurs et satellites, Cépaduès éditions, , 246 p. (ISBN 978-2-85428-662-5)
- OCDE, L'espace à l'horizon 2030 quel avenir pour les applications spatiales, OCDE, , 263 p. (ISBN 978-2-86883-808-7)
- Patrick Maurel, L'escalade du Cosmos, Bordas,
- (en) Jacques Bersani et Hanz Schweizer, EncyclopediaUniversalis : Le grand atlas de l'espace, Paris, Encyclopedia Universalis, , 397 p. (ISBN 2-85229-911-9)
- Autres ouvrages
- (en) J.D. Hunley, US Space-launch vehicle technology : Viking to space shuttle, University press of Florida, , 453 p. (ISBN 978-0-8130-3178-1)
- (en) Dennis R. Jenkins et Roger D. Launius, To reach the high frontier : a history of U.S. launch vehicles, The university press of Kentucky, (ISBN 978-0-8131-2245-8)
- (en) George Paul Sutton, History of liquid propellant rocket engines, Reston, American Institute of Aeronautics and astronautics, , 911 p. (ISBN 978-1-56347-649-5, OCLC 63680957)
- (en) George P Sutton et Oscar Biblarz, Rocket Propulsion Elements 8e édition, Hoboken, N.J., Wiley, , 768 p. (ISBN 978-0-470-08024-5, lire en ligne)