Isabelle II

Isabelle II (ou Isabel II en espagnol), née le à Madrid et morte le à Paris[1], est reine d’Espagne de 1833 à 1868. Son règne peut se découper en quatre parties : la guerre carliste de 1833 à 1839, le temps des régences de 1835 à 1843, la décennie modérée de 1843 à 1854 et la dernière phase de 1854 à 1868[2].

Pour les articles homonymes, voir Isabelle d'Espagne et Pont Isabelle-II.

Isabelle II
Isabel II

Isabelle II, reine d'Espagne,
peinte par Franz Xaver Winterhalter.
Titre
Reine d’Espagne
(légitime)

(29 ans, 1 mois et 1 jour)
Couronnement
Régent Marie-Christine de Bourbon-Siciles (1833-1840)
Baldomero Espartero (1840-1843)
Président du Conseil Evaristo Pérez de Castro
Antonio González y González
Valentín Ferraz
Vicente Sancho
José Ramón Rodil y Campillo
Álvaro Gómez Becerra
Joaquín María López
Salustiano Olózaga
Luis González Bravo
Ramón María Narváez y Campos
Manuel Pando Fernández de Pineda
Serafín María de Soto
Juan Bravo Murillo
Leopoldo O'Donnell
Francisco Serrano
Prédécesseur Elle-même (isabelliste)
Charles V (carliste)
Successeur Francisco Serrano (chef de l'exécutif)
Amédée Ier (roi)
Reine d’Espagne
(contestée)

(5 ans et 11 mois)
Régent Marie-Christine de Bourbon-Siciles (1833-1839)
Président du Conseil Francisco Cea Bermúdez
Francisco Martínez de la Rosa
José María Queipo de Llano
Miguel Ricardo de Álava
Juan Álvarez Mendizábal
Francisco Javier de Istúriz
José María Calatrava
Baldomero Espartero
Narciso Heredia y Begines de los Ríos
Bernardino Fernández de Velasco y Benavides
Evaristo Pérez de Castro
Prédécesseur Ferdinand VII
Successeur Elle-même
Princesse des Asturies

(2 ans, 11 mois et 19 jours)
Prédécesseur Charles (héritier présomptif)
Successeur Louise-Fernande (héritière présomptive)
Biographie
Dynastie Maison de Bourbon-Anjou
Nom de naissance María Isabel Luisa de Borbón y Borbón-Dos Sicilias
Date de naissance
Lieu de naissance Madrid (Espagne)
Date de décès
Lieu de décès Paris (France)
Sépulture Escurial
Père Ferdinand VII
Mère Marie-Christine de Bourbon-Siciles
Conjoint François d'Assise de Bourbon
Enfants Louis de Bourbon
Ferdinand de Bourbon
Isabelle de Bourbon
Marie-Christine de Bourbon
François d'Assise de Bourbon
Alphonse XII
María del Pilar de Bourbon
María de la Paz de Bourbon
Eulalie de Bourbon
Héritier Louise-Fernande de Bourbon (1833-1849)
Louis de Bourbon (1849)
Louise-Fernande de Bourbon (1849-1850)
Ferdinand de Bourbon (1850)
Louise-Fernande de Bourbon (1850-1851)
Isabelle de Bourbon (1851-1856)
François de Bourbon (1856)
Isabelle de Bourbon (1856-1857)
Alphonse de Bourbon (1857-1868)

Monarques d'Espagne

Fille aînée du roi Ferdinand VII, elle devient son héritière grâce à l'abolition de la loi salique par ce dernier avec la signature de la Pragmatique Sanction. À la mort du roi en 1833, certains refusèrent de reconnaître la jeune souveraine et, en application de la loi salique, désignèrent l'oncle d'Isabelle, l'infant Charles, comme roi sous le nom de Charles V. En raison du jeune âge de la nouvelle reine, la régence fut exercée par sa mère Marie-Christine. Cette dernière est marquée par la crise de succession et la guerre civile qui suit la mort de Ferdinand VII. Proche des libéraux, la régente est en opposition avec les partisans carlistes, absolutistes. La guerre carliste engendra de graves difficultés économiques et politiques. La lutte contre l'armée du carliste Tomás de Zumalacárregui, qui avait pris les armes dès 1833, obligea la régente à accorder une grande partie de sa confiance aux militaires christiniens (militares christinos) qui acquirent une grande renommée dans la population. Parmi eux se fit remarquer le général Espartero, chargé de consigner la victoire finale dans la Convention de Oñate. Cette situation, dans laquelle les militaires se substituaient aux partis politiques affaiblis, provoqua une crise gouvernementale permanente au cours de laquelle les intérêts des différents commandements militaires imposèrent des gouvernements successifs qui manquaient d'autorité. Ce n'est qu'avec la fin de la guerre carliste, en 1839, et l'exil de l'infant Charles, qu'Isabelle II fut reconnue comme souveraine légitime par toute l'Espagne.

En 1840, Marie-Christine abandonne la régence au profit du général Espartero qui met en place une dictature militaire qui dure jusqu'à la majorité de la reine en 1843, alors qu'elle n'a encore que treize ans. Elle prête serment à la Constitution le devant les Cortes générales. Les premières années de son règne personnel sont marquées par l'arrivée au pouvoir du Parti modéré et la promulgation d'une nouvelle constitution en 1845.

En 1860 se produisit le soulèvement carliste de San Carlos de la Rápita, dirigé par le prétendant au trône Charles Louis de Bourbon, fils de Charles V. Il tentait de débarquer depuis les Baléares près de Tarragone avec l'équivalent d'un régiment de ses fidèles pour entamer une nouvelle guerre carliste, mais sa tentative se solda par un échec retentissant. On assista à la même époque au soulèvement paysan de Loja dirigé par le vétérinaire Rafael Pérez del Álamo ; le premier grand mouvement paysan pour la défense de la terre et du travail fut durement réprimé et écrasé en peu de temps avec plusieurs condamnations à mort à la clef. Impopulaire dans les dernières années de son règne, elle est renversée par la révolution de 1868 et part en exil en France, pays avec lequel elle avait resserré les liens sous son règne, mais n'abdique formellement qu'en 1870. Bien qu'elle ait été un personnage majeur de l'Espagne au XIXe siècle, son règne est globalement jugé de manière négative en raison de l'instabilité politique qui le caractérise.

Famille

Isabelle II d'Espagne est la fille du roi d'Espagne Ferdinand VII et de sa quatrième épouse (et nièce), Marie-Christine de Bourbon-Siciles.

Son ancêtre, Philippe V, prince d'origine française de la maison de Bourbon, bien qu'il tînt ses droits au trône espagnol de sa grand-mère, la reine Marie-Thérèse, avait établi la loi salique en 1713 afin d'empêcher la dynastie rivale de Habsbourg de se réapproprier la couronne espagnole par des mariages opportuns selon l'adage « Tu Felix Austria Nube »[3] qui, au XVIe siècle, avait permis à ces princes austro-bourguignons de se constituer un empire sur lequel « le soleil ne se couchait jamais ».

Princesse héritière

Un siècle plus tard, n'ayant pas de descendant malgré trois mariages, Ferdinand VII, arrière-petit-fils de Philippe V, se résout à laisser le trône à son frère, l'ultra-conservateur infant Charles, comte de Molina, lequel est également père de trois fils.

Néanmoins, sur les instances de sa plus jeune belle-sœur (et nièce), l'intelligente, opiniâtre et libérale Louise-Charlotte de Bourbon-Siciles, il contracte en 1829 une quatrième union avec la sœur de celle-ci, Marie-Christine. Il faut noter que Ferdinand VII et ses frères, qu'ils soient conservateurs ou libéraux, ont tous épousé leur nièce. En effet, on ignorait à l'époque les méfaits de la consanguinité et, les mariages princiers étant dictés moins par les sentiments des futurs conjoints que par l'intérêt politique des différentes dynasties, le pape accordait paternellement les dispenses nécessaires aux futurs époux.

La jeune reine déclare sa première grossesse dès le début de 1830. Toujours sur les instances de l'infante Louise, qui craint l'arrivée au pouvoir d'un prince aussi conservateur que son beau-frère et oncle l'infant Charles, Ferdinand VII promulgue une Pragmatique Sanction abolissant la loi salique et permettant à l'enfant à naître de porter la couronne quel que soit son sexe. Pour ce faire, il s'appuie sur une déclaration de son père Charles IV discrètement publiée en 1789 qui, rétablissant la tradition espagnole, abolit la loi salique.

Cette décision n'est pas acceptée par l'infant Charles et ses partisans qui considèrent que la couronne espagnole, étant issue d'une maison française, est régie tout comme la Couronne de France par la loi salique, en vertu de la Pragmatique Sanction édictée en 1713 par Philippe V. Pour ceux-ci et pour le principal intéressé, l'héritier légitime du roi est son frère, l'infant Charles. Celui-ci, né en 1788, prétextant que la déclaration de leur père, Charles IV, datant de 1789, ne lui est pas applicable, refuse de prêter serment à l'enfant à naître si celui-ci est une fille.

Le , la reine met au monde une petite fille, laquelle est prénommée Isabelle en souvenir de sa glorieuse ancêtre Isabelle Ire de Castille.

Accession au trône

Pour un article plus général, voir Règne d'Isabelle II d'Espagne.

Portrait de la reine Isabelle II, enfant.

À la mort de son père le , Isabelle, qui n'a pas encore trois ans, est proclamée reine sous le nom d'Isabelle II sous la régence de sa mère Marie-Christine, tandis que son oncle se déclare également roi sous le nom de « Charles V ».

Les partisans de l'infant prennent le nom de « carlistes ». Ceux-ci sont des défenseurs acharnés du catholicisme institutionnel et du maintien du droit des provinces, alors que leurs adversaires, les « isabellistes », sont plus libéraux et centralisateurs.

Ce conflit entre les deux factions aboutit à la crise de succession qui se traduit par des affrontements armés qui touchent surtout le Nord de l'Espagne, connus aussi sous le nom de guerres carlistes. Les partisans de l'infant Charles ne parviennent pas à prendre Madrid et à s'emparer du trône soutenu par des contingents anglais et français. La France libérale du roi Louis-Philippe Ier se pose comme le premier allié de l'Espagne « isabelliste ». Derrière ces guerres de succession se dissimulent en fait deux visions politiques opposées de l'Espagne : celle des partisans de la jeune Isabelle II et de sa mère, qui est libérale et centralisatrice, l'autre portée par les partisans de l'infant Charles, qui est cléricale et fédéraliste.

Mariage et descendance : des liens de famille complexes

Mariage sous l'influence du roi des Français

Le , Isabelle, qui fête ses 16 ans, et sa sœur Louise-Fernande, âgée de 14 ans, se marient le même jour.

Influencée par le roi des Français, Louis-Philippe, son grand-oncle par alliance, Isabelle II épouse son cousin, l'infant François d'Assise de Bourbon, duc de Cadix[4]. Le jeune homme est doublement son cousin puisque son père est l'infant François de Paule de Bourbon, frère cadet de Ferdinand VII et de l'infant Charles, et que sa mère est la princesse Louise-Charlotte des Deux-Siciles, déjà citée, sœur et soutien de la régente Marie-Christine mais aussi de l'épouse du deuxième prétendant carliste (Carlos, fils de l'infant Charles qui a « abdiqué » en 1845). À noter également, ainsi qu'il est signalé plus haut, que ces princesses sont également les nièces de leur mari.

Quant à Louis-Philippe, il en profite pour marier la jeune sœur d'Isabelle, Louise-Fernande, à son plus jeune fils Antoine, duc de Montpensier. Ainsi, si Isabelle n'a pas d'enfant — ou pas d'enfant survivant — le duc de Montpensier pourrait monter avec la sœur d'Isabelle sur le trône espagnol.

Le jour du mariage d'Isabelle, sa mère l'ex-régente Marie-Christine (qui, contre les usages de son milieu, a contracté en secondes noces une union morganatique — bientôt reconnue par sa fille — l'ayant rendue mère de famille nombreuse) ne peut se retenir de soupirer : « Ce mariage ne devrait pas être »[réf. nécessaire]. Le promis, François d'Assise de Bourbon, est un jeune homme de 24 ans, il souffrait d'hypospadias, plus tard, après le putsch de 1868, les carlistes useront de ce prétexte pour le prétendre homosexuel. Le couple royal aura onze enfants, dont cinq parviennent à l'âge adulte[5]. Le roi consort, lors des cérémonies officielles de présentation de l'enfant nouveau-né à la cour, prend pour habitude de dire avant de se retirer :

« Vous féliciterez Sa Majesté mon épouse d'être tombée enceinte et d'avoir heureusement accouché. »

Selon la propagande carliste diffusée après le putsch de 1868, la plupart des enfants d'Isabelle ne seraient pas légitimes, et le roi consort aurait donné à ses chiens les noms des amants de son épouse. Les préférences de la reine se portaient vers le monde de la musique (compositeurs, chanteurs lyriques) mais on compte aussi, étant donné l'époque trouble et le milieu dans lequel elle évoluait, des militaires, des officiers et des diplomates.

Une descendance nombreuse

Isabelle II avec sa fille, la princesse héritière Isabelle (1852) par Winterhalter.

Après le mariage, François d'Assise est fait roi d'Espagne mais Isabelle reste toutefois la reine régnante accordant ainsi à son époux le rang de « roi consort »[6]. Leurs onze enfants sont bien ceux de la reine et de son époux légitime et ainsi les héritiers de Charles Quint et de Philippe V :

Ce mariage, dont est issu le roi Alphonse XII, contribuera plus tard à réunir les successions isabelliste et carliste espagnoles, ainsi que la succession légitimiste française, dans la même personne : le roi Alphonse XIII, en 1936.

Mariage peu heureux et vie religieuse

La reine et le roi consort.

Victime d'un mariage dynastique désastreux qu'elle avait commencé par refuser[réf. nécessaire], la reine prit des amants[réf. nécessaire]. De là serait né, forgé par des opposants de tout bord, le mythe de la reine nymphomane. En réalité, ce mythe fut inventé exclusivement par les carlistes pour discréditer sa personne, Isabelle fut une très pieuse catholique, d'une foi ardente et sincère[7].

En 1857, elle prit pour confesseur Antoine-Marie Claret, archevêque de Cuba, dont la vie était en danger, le prélat s'étant opposé au traitement des esclaves par les colons. Il exerça également une grande influence (il sera canonisé en 1950).

Sous l'influence de la France également, le jour de son mariage, la jeune reine nomma son mari roi consort, lui donna le prédicat de Majesté et à l'instar de la reine Victoria du Royaume-Uni partagea avec son époux la réalité du pouvoir.

L'année même de son mariage est troublée par la deuxième guerre carliste qui durera jusqu'en 1849.

Règne personnel

Des conseillers influents

Isabelle II par Joan Baptista Carbo Rovira (musée de Castellon).

La reine, en proie à un entourage ultra-politisé et manipulateur, ne semble pas avoir porté un grand intérêt à la politique. Intelligente, généreuse, décidée, elle sait faire preuve de caractère dans une Espagne traumatisée par la période française et déchirée entre conservateurs et libéraux, carlistes et christinistes, cléricaux et anticléricaux mais tous profondément misogynes : dès l'âge de 13 ans, poussée par les libéraux à dissoudre les Cortes, elle affirme devant les députés avoir été enfermée et manipulée par le chef des libéraux. Assez rapidement, la réalité du pouvoir appartient à l'armée et ce sont des généraux qui contrôlent le pays.

En 1840, sa mère, la reine Maria Cristina, est expulsée d'Espagne après avoir promulgué la Constitution espagnole de 1837 laissant la régence au général Espartero, lequel est renversé trois ans plus tard.

Pour éviter le chaos, les Cortes décident d'éviter une nouvelle régence et proclament la majorité de la jeune reine de 13 ans. Un des premiers gestes de la petite souveraine est de rappeler sa mère d'exil. Les deux femmes resteront proches. La reine mère rentre en Espagne après avoir fait reconnaître par le pape Grégoire XVI son mariage morganatique avec Agustín Fernando Muñoz y Sánchez ; elle le fait ensuite reconnaître officiellement par sa fille Isabelle II qui autorise une seconde célébration publique de ce mariage ; elle exercera toujours une certaine influence sur sa fille qui recherchera ses conseils.

En 1845, sous la présidence du Conseil du général conservateur Narváez qui avait vaincu le général progressiste Espartero, est promulguée la Constitution espagnole de 1845 inspirée par la monarchie de Juillet française.

Influence de Louis-Philippe

La reine douairière ayant cherché à marier Isabelle II au duc d'Orléans, fils aîné et héritier du roi des Français, l'Angleterre, toujours soucieuse d'éviter le rapprochement des couronnes espagnoles et française, s'en émut et proposa un cousin du prince consort : Léopold de Saxe-Cobourg et Gotha. Finalement, sous l'influence du roi des Français Louis-Philippe Ier, Isabelle épousa non sans répugnance à 16 ans son cousin François d'Assise de Bourbon, l'infant le plus proche du trône après la branche carliste mais homosexuel avéré, tandis que sa jeune sœur de 14 ans Louise-Fernande épouse le duc de Montpensier, dernier fils du roi des Français qui intriguera en coulisse pour faire détrôner sa belle-sœur au profit de son épouse.

Développement économique et culturel

Pièce de 5 centimos de escudo à l'effigie de la reine Isabelle II.

En 1850, elle inaugure le théâtre royal, l'année suivante la première ligne de chemin de fer (Madrid-Aranjuez) et le canal qui porte encore aujourd'hui son nom. En 1851 est enfin signé le concordat avec la papauté. Double victoire morale face à son cousin carliste : Isabelle II est reconnue comme reine légitime d'Espagne et les propriétés de l'Église, nationalisées et vendues à des particuliers depuis 1836 resteront à leurs nouveaux propriétaires, l'Église étant indemnisée par l'État.

C'est également durant le règne d'Isabelle II que sont ouvertes et exploitées les mines espagnoles. Néanmoins le développement économique reste fort lent s'il est comparé à celui des autres pays européens, et la corruption se généralise dans les classes les plus élevées de la société, y compris l'ensemble de la famille royale.

Crise politique

En 1854, un pronunciamento contraint la reine à nommer président du Conseil le général progressiste Baldomero Espartero, le vainqueur de la première guerre carliste, remplacé par la souveraine au bout deux ans par le général modéré Leopoldo O'Donnell.

Mais la crise politique et institutionnelle s'intensifie et le gouvernement est confié alternativement à deux généraux, Narváez — conservateur qui avait promulgué la constitution de 1845 — et Leopoldo O'Donnell, chef des modérés, tandis que le soutien de la France est de plus en plus cher : malgré l'engagement de l'Espagne dans sa désastreuse guerre du Mexique, l'empereur Napoléon III réclame par la bouche de son épouse, l'Espagnole Eugénie de Montijo, rien de moins que les îles Baléares.

Néanmoins, l'Espagne mène une campagne victorieuse contre le Maroc en 1859/1860 qui lui donne la ville de Tétouan et une confortable indemnité financière[8]. Le royaume participa aux côtés de la France à la campagne de Cochinchine dont elle ne retira aucun bénéfice (1857-1858) et à l'expédition désastreuse du Mexique en 1863-1867[9].

Dans cette Espagne en perdition, les interventions publiques mais « anticonstitutionnelles » de la reine (elle va jusqu'à proposer d'être nommée secrétaire d'État) rendent celle-ci de plus en plus impopulaire dans les milieux politiques tandis que les ragots sur sa vie privée et la corruption de la cour lui ôtent le respect du peuple. La reine est la cible d'une tentative de meurtre par un moine franciscain en 1852.

Fin du règne

Photographie de la reine Isabelle II.

Le , la reine nomma Narváez au poste de président du conseil. Ce dernier forma un gouvernement avec l'intention d'unir les forces politiques et de faire naître un esprit d'union qui permettrait l'intégration des progressistes dans la politique active, de peur que la remise en cause du règne ne s'aggrave. Le refus des progressistes de participer dans un système qu'ils considéraient comme corrompu et caduc entraîna Narváez vers l'autoritarisme et des démissions en rafale au sein du cabinet. À tout ceci s'ajoutèrent, au discrédit du gouvernement, les événements de la nuit de Saint-Daniel (Noche de San Daniel) le  : les étudiants de la capitale protestaient contre les mesures d'Antonio Alcalá Galiano, qui tentait d'écarter rationalisme et krausisme des salles de cours, en maintenant la doctrine de la morale officielle de l'Église catholique ; ils protestaient aussi contre la destitution d'Emilio Castelar de la chaire d'histoire pour ses articles publiés dans La Democracia, où il dénonçait la vente du Patrimoine Royal avec appropriation par la reine de 25 % du bénéfice des ventes. La dure répression gouvernementale provoqua la mort de treize étudiants.

La crise entraîna la formation d'un nouveau gouvernement le avec le retour de Leopoldo O'Donnell. On approuva, entre autres mesures, une nouvelle loi qui permettait d'accroître le corps électoral de 400 000 membres, presque le double du nombre antérieur, et des élections aux Cortes furent convoquées. Cependant, avant même qu'elles aient lieu, les progressistes annoncèrent leur non-participation. Dans ce contexte, le général Juan Prim organisa le soulèvement de Villarejo de Salvanes, pour prendre le pouvoir par les armes, mais il échoua en raison d'une planification insuffisante. De nouveau, l'attitude hostile des progressistes déplut à O'Donell, qui renforça le caractère autoritaire de son gouvernement, entraînant le soulèvement de la garnison de San Gil le , de nouveau organisé par Prim, mais qui échoua à nouveau et se solda par plus de soixante condamnations à mort.

O'Donnell se retira, épuisé, de la vie politique, et il fut remplacé en juillet par Narváez, qui annula pour les insurgés les peines qui n'avaient pas encore été exécutées, mais maintint la rigueur autoritaire : expulsions des chaires des républicains et krausistes, renforcement de la censure et contrôle de l'ordre public. À la mort de Narváez, l'autoritaire Luis González Bravo lui succéda avec une politique plus répressive, soutenue par la reine. En 1866, un soulèvement est réprimé dans le sang et en 1868, le général Juan Prim lance une révolution aux cris de « À bas les Bourbons ! Vive l'Espagne honnête ! » qui, le 30 septembre, force la reine Isabelle à s'exiler en France[10].

Exil en France

Elle abdique le et cède ses droits à son fils, le fringant prince des Asturies qui, venant d'entrer dans sa quatorzième année, est déclaré majeur. Le départ de la reine, loin d'arranger la situation de l'Espagne, provoque de nouvelles tensions nationales voire internationales. Il entraîne en effet une candidature de la dynastie Hohenzollern-Sigmaringen en 1870, vite retirée par le prince concerné (sur les conseils de son père, l'avisé Charles-Antoine de Hohenzollern-Sigmaringen) mais habilement exploitée par le chancelier Bismarck. Cette prétention se trouve être l'une des causes de la guerre franco-prussienne de 1870.

La reine Isabelle II en exil avec ses trois filles cadettes (1875).

La reine se réfugie alors au « palais de Castille » (ex-hôtel Basilewski), avenue Kléber à Paris où en , elle apprend le suicide de son gendre l'infant Gaétan de Bourbon-Siciles qui a mis fin à ses jours à l'âge de 25 ans, laissant l'infante Marie-Isabelle veuve à 19 ans.

Plus heureux, en 1874, l'ex-reine apprend le rétablissement de la monarchie, la restauration de sa maison sur le trône et l'avènement de son fils âgé de 17 ans. En revanche, le mariage du nouveau roi avec sa cousine l'infante Mercedes, fille de son beau-frère et rival, Antoine d'Orléans, lui plaît moins. Cependant, la jeune princesse sait d'emblée conquérir l'affection de son peuple. Elle meurt après quelques mois de mariage, Alphonse XII épouse alors l'archiduchesse Marie-Christine d'Autriche (1858-1929), dont il a trois enfants. Craignant une nouvelle alliance avec la branche d'Orléans, la princesse des Asturies, sœur aînée et héritière du roi, a fortement influencé ce mariage avec une cousine de son défunt mari.

En 1878, la reine douairière María Cristina meurt au Havre, cinq ans après son second époux.

Entre 1850 et 1880, Isabelle II, sa mère et sa sœur, l'infante María Luisa, séjournent à différentes reprises sur la côte normande, notamment au château des Aygues à Étretat. Elle fait chaque année une cure à Contrexéville, ville thermale qui donna le nom de la reine à une de ses rues. Elle fait également des séjours à Saint-Honoré-les-Bains et y demeure à la Villa des Pins.

En 1885, son fils Alphonse XII meurt prématurément, confiant la régence à sa jeune épouse enceinte Marie-Christine d'Autriche. Quelques mois plus tard naît le roi Alphonse XIII.

La reine Isabelle II meurt à Paris en 1904 âgée de 73 ans. Elle est inhumée à la nécropole royale de l'Escurial, dans la crypte royale.

Titres et honneurs

Titulature

  • -  : Son Altesse Royale la princesse des Asturies ;
  • -  : Sa Majesté la reine d'Espagne ;
  • -  : Sa Majesté Isabelle II.

Honneurs étrangers

Ascendance

Notes et références

  1. Acte décès. Archives Paris p. 16/31.
  2. Pilar Martinez-Vasseur, L'armée espagnole (XIXe et XXe siècle), Ellipses, 2003.
  3. Bélla geránt aliī, tú felix Áustria nūbe. Nám quæ Márs aliīs, dát tibi díva Venūs. C'est-à-dire : « Que les autres fassent la guerre. Toi, heureuse Autriche, épouse ! Car ce que Mars donne aux autres, c'est la divine Vénus qui te l'obtiendra. »
  4. Jasper Ridley, Lord Palmerston (1970) pp 308-15.
  5. Juan Sisinio Pérez Garzón, Isabel II: Los Espejos de la Reina (2004)
  6. Mrs. Wm. Pitt Byrne, Cosas De España, Illustrative of Spain and the Spaniards as they are, Volume II, Page 7, Alexander Strahan, Publisher, London and New York, 1866.
  7. (es) Condé Nast, « Brillantes, topacios y oro: el regalo de Isabel II de España a la Virgen de Atocha por salvarla de morir desangrada como Sissi », sur Vanity Fair España, (consulté le )
  8. Henry Funtecha, « Iloilo's position under colonial rule » [archive du ], thenewstoday.info.
  9. Demy Sonza, « The Port of Iloilo: 1855 - 2005 » [archive du ], sur Graciano Lopez-Jaena Life and Works and Iloilo History Online Resource, Dr. Graciano Lopez-Jaena (DGLJ) Foundation, Inc..
  10. F.H. Gribble, The tragedy of Isabella, II (1913).
  11. Plusieurs auteurs, Boletín de la Real Academia de la Historia, Tomo CLXXVI, Cuaderno I, 1979, Real Academia de la Historia, Madrid, España, pages 211 & 220 (en espagnol), 6 juin 2010. Information sur les ordres et décorations décernées à Isabelle II lors de sa tournée européenne, après qu'elle eut atteint l'âge de régner en qualité de reine.
  12. Staatshandbuch für das Großherzogtum Sachsen / Sachsen-Weimar-Eisenach (1885), "Großherzogliche Hausorden" p. 14
  13. « GENEALOGY OF THE ROYAL HOUSE OF SPAIN », sur Chivalricorders.org (consulté le ).

Annexes

Articles connexes

Liens externes

  • Portail du XIXe siècle
  • Portail de l’Espagne
  • Portail de la monarchie
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.