Jacques Mesrine

Jacques Mesrine [meʀin, mɛsʀin][Note 1], né le à Clichy et mort le à Paris, est un criminel français ayant opéré principalement en France, au Québec, en Espagne, en Suisse, en Italie et en Belgique. Il est surnommé « l'homme aux mille visages » ou, à tort selon lui, « le Robin des Bois français ».

Pour les articles homonymes, voir Mesrine.

Jacques Mesrine
Gangster
Information
Nom de naissance Jacques René Mesrine
Naissance
Clichy (France)
Décès
Paris 18e (France)
Cause du décès Abattu par la police
Nationalité Française
Surnom L'ennemi public n° 1
L'homme aux mille visages
Le Robin des Bois français
Le Grand
Jack Mess
Condamnation Mai 1972
18 mai 1977
Sentence 20 ans de prison (deux fois)
Actions criminelles Braquages, cambriolages, kidnappings, assassinats et tentatives d'assassinat
Victimes Deux gardes forestiers canadiens
Pays France, Québec, Suisse, Espagne, Italie, Belgique
Arrestation 17 janvier 1962
18 août 1969
8 mars 1973
28 septembre 1973

Déclaré « ennemi public numéro un » au début des années 1970, il est notamment connu pour ses vols à main armée, enlèvements, évasions et pour son fort charisme médiatique. Il meurt abattu par des forces de l'ordre lors d’une intervention menée à la porte de Clignancourt, après un an et demi de cavale.

Biographie

Jeunesse et guerre d'Algérie

Jacques Mesrine est le fils d'André Pierre Mesrine (1908-1973) et de Fernande Charlotte Buvry, commerçants aisés du textile qui possèdent une entreprise de dentelle de luxe à Paris. C'est à Clichy (au 3[1] de l'avenue Anatole-France) qu'il grandit et qu'il se met à fréquenter le quartier populaire de Pigalle à Paris. Ses parents ont pourtant des projets pour lui : ils souhaiteraient plus tard le voir intégrer l'École des hautes études commerciales de Paris (HEC)[2], mais il n'aime pas l'école. Il effectue une partie de sa scolarité au collège libre de Juilly, tenu par les oratoriens, où il a comme camarade Jean-Jacques Debout[3]. Il est ensuite renvoyé du lycée laïc de Clichy à cause de violences exercées envers le proviseur. Il devient alors représentant en tissus.

Il est brièvement marié, de à 1956, avec Lydia de Souza, jeune étudiante en chimie d'origine togolaise, dont il adopte le fils, Dominique, pour qu'elle ne demeure pas mère célibataire[4]. Jacques Mesrine devance l'appel pour effectuer son service militaire et participe à la guerre d'Algérie comme militaire du rang à la 626e compagnie, une unité qui réceptionne les pièces détachées pour les acheminer vers le front. Jacques René Mesrine est décoré pour ces services de la croix de la Valeur militaire[5] par le général Jean Olie. Il revient en France en , après avoir reçu un certificat de bonne conduite. C'est durant cette période qu'il découvre les armes et rapporte avec lui un pistolet .45 ACP, qu'il garde constamment sur lui.

D'après ses proches, l'expérience de l'Algérie l'a profondément marqué ; selon ses dires, il aurait été plusieurs fois de « corvée de bois » (exécution sommaire de prisonniers algériens en dehors des enceintes militaires), ce qui fut contredit unanimement par ses camarades d'unité. En outre Mesrine aurait été membre de l'OAS en 1961[6],[7], ce dont les autorités françaises l'ont soupçonné à la suite de son arrestation de 1965 à Palma, lors d’un flagrant délit de cambriolage à la villa du gouverneur militaire. Néanmoins aucune source d'importance n'est venue étayer une quelconque proximité entre Mesrine et cette organisation[réf. nécessaire].

Premiers crimes en France

Il participe à de nombreux cambriolages et vols à main armée dès l'âge de vingt-trois ans. En 1961, il se marie avec Maria de la Soledad, rencontrée lors de vacances en Espagne, à Tossa de Mar. Il aura trois enfants (Sabrina, Bruno et Boris) avec elle[8]. Il divorce en 1965[9]. C'est à cette époque qu'il est arrêté et condamné pour la première fois à payer une amende pour port d'armes prohibées.

Le , il est arrêté au Neubourg, dans l'Eure, où ses parents ont une maison de campagne, alors qu'il se prépare, avec trois complices, à effectuer un hold-up à la Société générale. Il est condamné, pour la première fois, à dix-huit mois de prison en . Il passera son temps d'incarcération dans les prisons d'Évreux, puis d'Orléans, où il dit avoir rencontré Pierre Carrot, dit Pierrot le fou no 2[10]. Il est relâché en 1963. Il souhaite alors quitter la vie criminelle et trouve un emploi dans une entreprise d'architecture d'intérieur. Mais, à la suite de la mise en chômage technique des employés de celle-ci, il perd son travail et redevient criminel. Entre 1961 et 1962, il réside au 31, de la rue Boinod, dans le 18e arrondissement[8].

Îles Canaries, Québec et Venezuela

Le , il est arrêté à Palma de Majorque en train de voler des documents politiques dans le bureau du gouverneur militaire. La police locale le soupçonne de travailler pour les services secrets français. Il est condamné à six mois de prison. En , il ouvre un restaurant à Santa Cruz de Tenerife dans les îles Canaries. Parallèlement Jacques Mesrine continue son activité criminelle. En , il attaque une bijouterie à Genève, en Suisse. En , il ouvre une auberge à Compiègne, en France. Le , il cambriole un hôtel à Chamonix où il est reconnu. Le , il braque une maison de haute couture parisienne où il est, là aussi, reconnu. Maria de la Soledad le quitte et leurs trois enfants, Sabrina (1961), Bruno (1964) et Boris (1966), sont confiés aux parents de Mesrine.

Le , il échappe aux policiers et fuit au Québec (Canada) avec Jeanne Schneider, rencontrée après son divorce. Cette dernière est une call-girl, dont les souteneurs ont été abattus par Mesrine, selon ses dires, bien qu'aucune trace d'un tel règlement de comptes n'apparaisse dans les annales policières de cette période. À cette époque, il n'est recherché que pour escroqueries. En , le couple arrive à Montréal et entre au service d'un millionnaire handicapé, Georges Deslauriers, qu'ils enlèvent à l'aide d'un complice français, Michel, rencontré sur place, le , après avoir été renvoyés à la suite d'une dispute. Alors qu'ils demandent une rançon de 200 000 dollars à son frère, Marcel, Georges Deslauriers réussit à s'échapper. Dès lors, Mesrine a fait de facto son entrée dans le grand banditisme.

Le , le couple Mesrine-Schneider quitte le motel des Trois Sœurs à Percé où il s'était réfugié et franchit illégalement la frontière des États-Unis. Le , le corps étranglé d'Évelyne Le Bouthilier, patronne du motel, est découvert dans sa résidence à Percé. Mesrine est soupçonné. En fuite aux États-Unis, Mesrine est arrêté à Texarkana, dans l'Arkansas à la frontière avec le Texas et extradé vers le Canada. À sa sortie d'avion, il fanfaronne devant les journalistes et déclare, reprenant une phrase du général de Gaulle : « Vive le Québec libre ! » Accusé de meurtre et de kidnapping, Mesrine se retrouve à la une des journaux québécois. Il est déclaré « ennemi public numéro un ». Le , Mesrine s'évade avec Jean-Paul Mercier et délivre sa compagne Jeanne de la prison de Percé, mais ils sont repris le lendemain. Toujours en , ils sont condamnés respectivement à dix et à cinq ans de prison pour l'enlèvement et la séquestration de Georges Deslauriers. En , Mesrine et Jeanne Schneider sont acquittés pour le meurtre d'Évelyne Le Bouthilier. Mais cette accusation d'un meurtre qu'il déclare n'avoir pas commis, malgré un important faisceau de présomptions[11], sera pour Mesrine un des thèmes principaux de son deuxième livre, Coupable d'être innocent, écrit en 1979.

Alain Normandeau, criminologue et directeur d'un projet de réinsertion, le rencontre à trois reprises dans sa cellule en 1972 ; il se souvient :

« Jacques Mesrine n'était pas très grand, mais il avait un charisme incroyable. Il séduisait tout le monde, autant par ses propos que par sa prestance. Pour tout dire, il a même convaincu les gardiens de s'élever contre l'administration de la prison. Suivant ses conseils, ils ont organisé une conférence de presse très courue par les médias[12],[13]. »

Le , il s'évade de la prison de Saint-Vincent-de-Paul avec cinq autres détenus dont notamment Jean-Paul Mercier, André Ouellet, Pierre Vincent et Robert Imbault. La prison de Saint-Vincent est alors entourée de deux murets de barbelés et d'un mur de quatre mètres. Dans les miradors, nuit et jour, chaque sentinelle fait le guet, sept jours par semaine. Les cellules sont alors éclairées en permanence et le plafond constitué de grillages sur lequel les gardiens font des rondes. À l'époque il y a 65 gardiens pour 62 détenus. Mesrine avait repéré que les rondes étaient moins fréquentes le week-end et s'était procuré des limes, des outils et une échelle de peintre. Jocelyne Deraiche est accusée d'avoir aidé à l'évasion de Mesrine et sera ultérieurement condamnée à 23 mois de prison. Leurs cavales sont émaillées de nombreux méfaits. Le , ils braquent ensemble la Caisse populaire de Saint-Bernard de Dorchester, puis, dix minutes plus tard, font de même avec celle de Saint-Narcisse de Lotbinière. Leur butin s'élève à 26 000 USD. Le , ils braquent la Toronto Dominion Bank à Montréal et récidivent trois jours après dans le même établissement.

Le , ils échouent dans leur tentative de libérer trois prisonniers de la prison de Saint-Vincent-de-Paul, mais blessent grièvement deux policiers dans la fusillade qui s'ensuit. Une semaine plus tard, pendant qu'ils s'exercent au tir en forêt, Mesrine et Jean-Paul Mercier tuent deux garde-chasse attirés par les détonations, près de Saint-Louis-de-Blandford au Québec. En octobre, après d'autres braquages à Montréal, ils effectuent un court passage à New York, au palace du Waldorf-Astoria. Puis, d'octobre à , Mesrine fuit au Venezuela avec Jean-Paul Mercier et leurs deux maîtresses. Plus tard, Mercier et sa maîtresse les quittent à la suite d'une morsure de chien subie par cette dernière, qui les oblige à revenir au Québec pour recevoir des soins. Jean-Paul Mercier sera tué d'une balle dans la tête par la police canadienne lors d'une de ses tentatives de cambriolage deux ans plus tard. Quant à Jeanne Schneider, la maîtresse de Mesrine, elle finira sa peine en France à la prison de Fleury-Mérogis. À sa sortie, elle restera en France.

Retour en France

Mesrine retourne en France en , où il commet le braquage de la paie d'une usine de Gisors pour un montant de 320 000 francs et celui d'une caissière retirant 280 000 francs d'une banque. Le , lors d'une altercation avec une caissière d'un café-bar, Mesrine brandit un revolver. Un policier tente d'intervenir et se voit grièvement blessé. Trois jours plus tard, Mesrine est arrêté à Boulogne-Billancourt avenue Pierre-Grenier, alors qu'il revient dans son appartement[14]. En mai, il est condamné en France à 20 ans de prison. Le , il doit comparaître pour une petite affaire de chèques sans provision, mais il s'évade du tribunal de Compiègne en prenant en otage le président du tribunal, grâce à une arme dissimulée dans les toilettes par Michel Ardouin et Alain Caillol, un des ravisseurs du baron Empain avec lequel Mesrine a collaboré pour des braquages[15]. Le , il attaque à main armée l'Imprimerie Georges Lang pour s'emparer de la paie des employés, rue Curial dans le 19e arrondissement de Paris, soit environ 300 000 francs. Petit intermède dans sa folle activité, il s'offre quelques vacances de juillet à août dans une station balnéaire de la côte normande : Trouville. Mais, début août, il reprend ses activités en s'attaquant au Crédit lyonnais de l'avenue Bosquet dans le 7e arrondissement de Paris. Après ce coup retentissant, il cesse d'agir pendant deux mois. Cependant, le , il braque deux banques coup sur coup, inaugurant ainsi la pratique d'enchaîner ses vols ou de les doubler (second braquage de la même banque le lendemain)[16].

Il est arrêté par le commissaire Robert Broussard une première fois le , dans son appartement rue Vergniaud, dans le 13e arrondissement de Paris. Cette arrestation reste célèbre de par la théâtralisation faite par le truand, qui après des heures de négociation à travers la porte, finit par ouvrir la porte, cigare aux lèvres, aux policiers et offre le champagne au commissaire Robert Broussard. Mesrine plaisante avec celui-ci : « Tu ne trouves pas que c'est une arrestation qui a de la gueule ? ».

Une fois en prison, Mesrine se lie avec un compagnon de cellule, Jean-Charles Willoquet, qui organise de l'intérieur une évasion montée à l'extérieur par Martine, son amie. Celui-ci s'échappe sans faire profiter Mesrine de cette évasion. Une fois dehors, il lui promet de l'aider à sortir. Il prend du retard, mène Mesrine en bateau et finit par se faire reprendre le , ce qui lui vaudra des critiques de Mesrine qui le trouve redoutable les armes à la main, mais inorganisé et irréfléchi.

En , Mesrine envoie une lettre de menaces à Jacques Derogy, journaliste au magazine L'Express[17]. Le malfaiteur est en effet mécontent d'un article de celui-ci intitulé Le duo Willoquet-Mesrine[18]. Jacques Derogy a la surprise d'apprendre que la lettre a été postée par le vaguemestre de la Santé « pour permettre à M. Derogy de se tenir sur ses gardes[19] ». Mesrine est inculpé pour menaces de mort et placé au secret.

Comprenant qu'il se passera probablement des années avant qu'une autre occasion d'évasion se présente, il décide d'écrire son autobiographie L'Instinct de mort, qui paraît le [20]. Dans ce livre, il déclare avoir tué trente-neuf personnes. À ce sujet, un criminologue, René Reouven, commente :

« Il y a chez Mesrine un petit tueur qui se voudrait grand et si l'on peut comptabiliser les crimes qu'il a commis, on ne saurait en faire autant pour ceux qu'il revendique. »

En effet, les affaires de meurtre revendiquées par Mesrine ne se rapprochent d'aucun crime réel non élucidé. Le , Mesrine est condamné à 20 ans de prison pour vols à main armée, recel et port d'armes par la cour d'assises de Paris présidée par le juge Petit. Durant ce procès, il se produit une anecdote célèbre : il défait le nœud de sa cravate, en sort une petite clé, qu'il proclame être celle de ses menottes procurée par un gardien véreux, puis il la lance aux journalistes présents au tribunal, déclarant ainsi prouver la corruption de la police et de la justice. Il s'avère qu'il s'agissait en fait de la clé servant à ouvrir le cadenas de la télévision de sa cellule. Il est transféré au quartier de haute sécurité de la prison de la Santé. Cette incarcération est à l'origine d'un combat médiatique qu'il entreprend par le biais de la presse afin de faire fermer les quartiers de haute sécurité, qu'il juge dégradants et inhumains[21].

Il parvient à s'évader le , à 10 h, accompagné de François Besse. Dans des conditions non encore élucidées, peut-être grâce à des complicités au sein de la prison ou certains de ses visiteurs au parloir, Mesrine parvient à dissimuler des armes dans un parloir, et profite d'un entretien avec l'un de ses avocats pour les saisir et neutraliser ses gardiens en compagnie de François Besse. Revêtant les uniformes de gardiens maîtrisés, ils libèrent de façon improvisée un autre détenu, Carman Rives, puis escaladent le mur d'enceinte à l'aide d'une échelle entreposée dans la cour pour des travaux. Ils s'évadent de cette prison réputée inviolable, laissant derrière eux Carman Rives, abattu par une patrouille de police qui surprend par hasard l'évasion et ouvre le feu.

Mesrine et Besse dévalisent presque immédiatement une armurerie de Paris pour s'armer. Le , ils braquent le casino de Deauville. Ils volent 136 774 francs. Le braquage tourne à la fusillade : la police intervient très rapidement sur les lieux et fait deux blessés, mais les deux évadés parviennent à fuir en voiture, forcer un barrage, puis à trouver refuge le dans une ferme de Normandie, prenant en otage la famille d'un éleveur de chevaux qui y vit. Une vaste opération est déclenchée pour tenter de retrouver Besse et Mesrine. Plus de 300 gendarmes, ainsi qu'une section du Groupe d'intervention de la Gendarmerie nationale assistée de policiers de la brigade antigang, sont déployés pour les rechercher, en vain. Ils ont l'idée de se cacher sous la banquette arrière de la DS de la famille de l'éleveur pour franchir les barrages et regagner Paris[22].

C'est à cette période qu'il se met à écrire son deuxième livre, Coupable d'être innocent, plus politique que le premier, qui paraîtra après sa mort en 1979. Il continue les braquages, comme celui de la Société générale du Raincy le , tandis que la police poursuit ses efforts pour le localiser. La police craint le pire. Mesrine nargue les autorités en donnant des entretiens à des journalistes. Ainsi à Paris Match, le , Isabelle Pelletier reçoit ses déclarations. Il se montre menaçant envers quiconque voudrait tenter de l'arrêter. Il veut abolir les quartiers de haute sécurité (QHS) et va jusqu'à sommer sous la menace Alain Peyrefitte, ministre de la Justice de l'époque, de fermer les QHS. Sa notoriété entraîne une guerre des polices entre Lucien Aimé-Blanc, chef de l'Office central pour la répression du banditisme, et Robert Broussard, chef de l'antigang, aux fins de l'arrêter. En , il rencontre Sylvia Jeanjacquot dans un bar américain à hôtesses. Ils partent en Italie, Sicile, Algérie, Angleterre, puis retournent en France après 18 mois de cavale. Il reste alors caché dans le 18e arrondissement de Paris[23].

« Le Colinet », la maison d'Henri Lelièvre à Maresché, d'où il a été enlevé.

Le , il essaie d'enlever, avec la complicité de Jean-Luc Coupé, le juge Petit, président de la cour d'assises de Paris à l'époque, qui l'avait condamné à vingt ans de prison en 1977. Il voulait enlever le juge pour se venger de cette condamnation. Le juge n'étant pas chez lui, il prend sa famille en otage, et attend son retour. Mais la famille réussit à prévenir la police, par l'intermédiaire d'une des filles et d'un des fils du juge. Mesrine s'échappe sous le nez de la police grâce à son déguisement, mais son complice, Jean-Luc Coupé, est arrêté. En , Mesrine accorde un entretien à Libération. Il est nommé personnage médiatique de l'année par le journal. Le , il enlève le milliardaire Henri Lelièvre de sa maison Le Colinet à Maresché dans la Sarthe, avec la complicité du braqueur Michel Schayewski, en se faisant passer pour un membre de l'OLP. Vingt-huit jours après l'enlèvement, il demande une rançon de six millions de francs et demande à Henri Lelièvre de choisir une personne de confiance pour l'apporter. À la suite de cet événement, une unité anti-Mesrine est créée en .

Mesrine va s'appuyer sur quelques survivants de l'ancienne « bande du Talus », proche de la rue Leibnitz, dans le 18e arrondissement de Paris. Ce groupe, très actif dans la petite délinquance des années 1950-60, avait la haute main sur ce territoire, alors très populaire et pauvre[24].

Il dépense l'argent de la rançon en montres dans des grands magasins, et achète une BMW 528i, la même que celle de la BRI sur laquelle il avait tiré lors de la première tentative de remise de rançon pour Henri Lelièvre. Le , Mesrine et Charlie Bauer tendent un guet-apens dans la forêt d'Halatte (Oise) près de Senlis, au journaliste de Minute Jacques Tillier. Après l'avoir emmené dans les profondeurs d'une grotte, Mesrine le torture, le met à nu, le tabasse et le blesse grièvement par trois balles en lui tirant dans la joue (« pour l'empêcher de dire des conneries »), le bras (« pour l'empêcher d'écrire des conneries ») et la jambe (« par simple plaisir », affirmera-t-il plus tard). Il le laisse pour mort. Mesrine reprochait à ce journaliste de l'avoir diffamé en écrivant qu'il n'était pas une personne « réglo » avec ses associés et que c'était un bandit sans honneur, en . Mesrine réalise lui-même des photographies de l'événement. Tillier arrive à s'en tirer. Mesrine écrit des lettres aux journalistes disant qu'il ne voulait pas le tuer[25].

Mort et polémique

Dernier immeuble d'habitation de Jacques Mesrine.

Fin octobre 1979, Emmanuel Farrugia (commandant de police) et Paul Rément (capitaine de police), hommes du commissaire divisionnaire Lucien Aimé-Blanc, chef de l'Office central pour la répression du banditisme (OCRB), repèrent l'appartement de Mesrine rue Belliard, dans le 18e arrondissement de Paris. Ceci est rendu possible par le biais d'un indicateur (donné par Jacques Tillier qui voulait se venger) qui dénonce Charlie Bauer comme complice actif de Mesrine, et grâce aux écoutes des coups de téléphone que Charlie Bauer passait à Jacques Mesrine. Maurice Bouvier, alors directeur central de la police judiciaire, saisit la Brigade de recherche et d'intervention (BRI) du commissaire principal Robert Broussard, territorialement compétente pour procéder à l'arrestation de Jacques Mesrine. Le à 15 h 15, Mesrine, au volant de sa voiture avec sa compagne Sylvia Jeanjacquot, est encerclé par les hommes de la BRI, porte de Clignancourt à Paris. Un camion bâché, qui s'est inséré devant son véhicule, dissimule des tireurs qui ouvrent le feu sur lui et sa compagne. Vingt et une balles sont tirées. On retrouvera dix-huit impacts de balles à haute vélocité sur son corps. Il est tué en possession de grenades et d'armes de poing dissimulées aux pieds de sa compagne. Celle-ci, grièvement blessée, perd un œil dans la fusillade et son caniche est tué.

La mort de Mesrine est un premier cas de remise en cause de la légitime défense invoquée par la police, car celle-ci aurait ouvert le feu sans sommation. Deux nouveaux témoins ont apporté des éclaircissements en sur France Inter[26]. Guy Peynet, qui était en 1979 le patron du bar Le Terminus, porte de Clignancourt, n’a jamais été entendu sur procès-verbal dans la procédure judiciaire ; il a envoyé une lettre, jointe au dossier. Il affirme que les policiers n’ont pas effectué de sommations avant de tirer sur Mesrine. Tout ce qu’il a entendu, c’est une rafale de coups de feu suivie du cri : « Bouge pas ! T’es fait ! »[26]. Geneviève Adrey ne s’est jamais exprimée publiquement depuis le . Ce jour-là, alors étudiante en musicologie, elle se trouve dans une cabine téléphonique, avec une amie, porte de Clignancourt, à quelques mètres de la voiture de Jacques Mesrine. Elle raconte avoir entendu des rafales de mitraillette ou, en tout cas, des coups de feu très rapprochés, mais en aucun cas des sommations[26]. Les sommations restent toutefois un acte militaire auquel étaient soumis les gendarmes et non les policiers. La légitime défense n'est en aucun cas soumise à l'obligation d'effectuer des sommations. On rappelle toutefois à cette occasion un avertissement que Mesrine avait dit à Broussard : « Quand nous nous rencontrerons à nouveau, ce sera à celui qui tirera le premier[21]. »

En outre, les policiers ont témoigné qu'au lieu de se rendre et de lever les mains, il avait eu un mouvement latéral comme s'il allait se saisir de quelque chose. Cette observation sera confirmée par la présence des armes dissimulées aux pieds de sa compagne.

Une cassette audio sera retrouvée ultérieurement par les enquêteurs, avec la voix de Mesrine à destination de Sylvia disant ceci : « Si tu écoutes cette cassette, c'est que je suis dans une cellule dont on ne s'évade pas[27]. »

L'instruction est rouverte en . Elle débouche sur un non-lieu, le . Le , la Cour de cassation déclare irrecevable le pourvoi en cassation de la famille Mesrine à la suite du non-lieu prononcé le par la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris.

Jacques Mesrine est enterré au cimetière nord de Clichy, la ville qui le vit naître. Sa BMW 528i marron métallisé (Sylvia Jeanjacquot raconte l’achat dans son livre Ma vie avec Mesrine, éd. Plon 2011) immatriculée 83 CSG 75 est restée sous scellés de justice vingt-huit ans dans une fourrière à Bonneuil-sur-Marne avant d'être broyée dans une casse d'Athis-Mons le [28].

Publications

  • 1977 : L'Instinct de mort, Jean-Claude Lattès, rééd. Champ Libre, 1984
    En 1984, Gérard Lebovici, fasciné par le caractère libertaire de Jacques Mesrine, décide de rééditer L'Instinct de mort. Parallèlement, il prend sous sa coupe sa fille, Sabrina Mesrine, et lui offre sa protection. Le livre sort doté d'une préface de Gérard Lebovici dans laquelle il fustige la nouvelle loi qui confisque à jamais les droits d'auteurs des personnes ayant publié un récit des crimes pour lesquels elles sont détenues, ainsi que l'attitude du précédent éditeur de Mesrine, Jean-Claude Lattès. Lebovici affirme dans sa préface que Mesrine était devenu pour les Français de l'époque le parfait symbole de la liberté et affirme le « redoutable honneur » que représente pour Champ Libre le fait d'être l'éditeur de Mesrine. Gérard Lebovici sera assassiné peu de temps après dans un guet-apens resté mystérieux.
  • 1979 : Coupable d'être innocent, Stanké

Notes et références

Notes

  1. Lui-même prononçait son nom Mérine, mais une erreur récurrente des médias français a popularisé, à tort, la prononciation du « s », soit Mèss'rine.

Références

  1. « La tombe de Mesrine attire les curieux » sur leparisien.fr.
  2. Pierre Bellemare, Jean-François Nahmias, Mort ou vif. Les Chasses à l'homme les plus extraordinaires, Albin Michel, , p. 27
  3. « Jean-Jacques Debout: « Mesrine, mon ami » (30/10/2009) », sur TV magazine (consulté le )
  4. Jérôme Pierrat, Grandes énigmes de la police, Éditions First-Gründ, , p. 97
  5. Photo du certificat dans le film de Richard Billeaud et Georges Pansu à 7 min 55 s.
  6. Edward Butts, Line of fire: heroism, tragedy, and Canada's police, Dundurn Press Ltd., 2009, p. 216 & 217
  7. Journal de 20h00 sur TF1, Jacques Mesrine, 29/10/2009, Ina
  8. Voir sur librairie.immateriel.fr.
  9. Jean-Pierre Lavoignat, Christophe d'Yvoire, Mesrine. 30 ans de cavale dans le cinéma, Sonatine, , p. 291
  10. Philippe Roizès, Mesrine. Fragments d'un mythe, Flammarion, , p. 57
  11. « Mesrine, la légende écornée » sur moreas.blog.lemonde.fr.
  12. Université de Montréal Jacques Mesrine et moi par Mathieu-Robert Sauvé.
  13. Encyclopédie sur la mort. Recension du livre de Philippe Roizès et Anne-Claire Préfol Mesrine. Fragments d'un mythe par A. Normandeau.
  14. Philippe Roizès, Mesrine : fragments d'un mythe, Flammarion, , p. 47.
  15. Alain Caillol, Lumière, Le Cherche midi, 2012.
  16. Philippe Roizès, Mesrine. Fragments d'un mythe, Flammarion, , p. 143
  17. Jacques Mesrine, « Mesrine à Derogy », sur L'Express, L'Express, (consulté le )
  18. « Jacques Mesrine a été inculpé de menaces de mort et placé " au secret " », Le Monde, (lire en ligne)
  19. « JACQUES MESRINE ADRESSE UNE LETTRE DE MENACES À UN JOURNALISTE DE " L'EXPRESS " », Le Monde, (lire en ligne)
  20. Jean-Pierre Lavoignat, Christophe d'Yvoire, Mesrine. 30 ans de cavale dans le cinéma, Sonatine, , p. 25
  21. Isabelle Horlans, Sandrine Briclot, « Jacques Mesrine - Itinéraire d’un malfaiteur audacieux qui, enfant, voulait être truand », France-Soir, (consulté le )
  22. Michel Laentz, Jacques Mesrine. L'Histoire vraie de l'ennemi public numéro un, IS Edition, , p. 154-155
  23. Jean-Pierre Lavoignat, Christophe d'Yvoire, Mesrine. 30 ans de cavale dans le cinéma, Sonatine, , p. 59
  24. Jacques Mesrine dit le Grand, Tome 2, le prix du Mythe par Jean-Marc Simon, Paris 2009.
  25. Il y a 40 ans Jacques Mesrine enlevait le milliardaire Henri Lelièvre en Sarthe, Actu.fr, 22 juin 2019
  26. Benoît Collombat « La mort de Jacques Mesrine, exécution ou légitime défense », France Inter, 22 octobre 2008. Voir l’enquête sur franceinter.com
  27. [vidéo] INA Actu, 2 novembre 1979 : Décès de Jacques Mesrine sur YouTube, (consulté le )
  28. Nicolas Laperruque, « Jacques Mesrine : il avait acheté une BMW 528i pour se protéger, elle a causé sa perte », Le Progrès, (lire en ligne).

Médias


Divers domaines médiatiques et du divertissement parlent de, ou ont pour thème, Jacques Mesrine.

Cinéma et télévision

Documentaires télévisés

Musicographie

De nombreux artistes marqués par le jusqu'au-boutisme de Jacques Mesrine et par sa haine du système et de la société, lui dédient plusieurs de leurs chansons ou y incluent des allusions à sa vie. Mesrine a également été sacralisé par des membres des mouvements punk et hip-hop français, qui ont vu en lui l'anarchiste exemplaire, l'homme sans concession[réf. souhaitée].

  • Lettre à la petite amie de l’ennemi public numéro un, Jacques Higelin (No Man's Land, 1978)
  • Instinct de mort, Trust (Répression, 1980)
  • Le mitard, Trust (Répression, 1980)
  • Le temps d'une balle, Mokless (Le Poids des mots, 2008)
  • Arrête-moi si tu peux, Tunisiano (Mesrine, 2008)
  • Amour éternel, Nessbeal (2008)
  • Porte de Mesrine, PNL (Le Monde chico, 2015)

Poésie contemporaine

Art

Voir aussi

Bibliographie

  • Jocelyne Deraîche, J'ai tant aimé Mesrine, Stanké, 1979
  • Jeanne Schneider, Je n'ai pas le droit à l'oubli - il était une fois Janou et Jacques Mesrine, Hachette Littérature, 1980
  • Honoré Gévaudan, L'Enquête, éditions JC Lattès, 1981. Récit romancé des deux dernières années de la vie de Mesrine (rebaptisé Julien Meyran dans le livre), par Honoré Gévaudan, ex-directeur central adjoint de la P.J.
  • Guy Adamik, Mesrine, la dernière cavale, Flammarion, 1984 (réédité en 2008)
  • Faisant allusion à l'assassinat de Jacques Mesrine, Roger Langlais et Bernard Pécheur intitulent leur présentation du numéro 7 de L'Assommoir « Le poison des prochaines années » (1985)
  • Sylvia Jeanjacquot, L'instinct de vie, 18 mois de cavale avec Mesrine, Flammarion, 1988
  • Charlie Bauer, Fractures d'une vie, éditions du Seuil, 1990
  • Georges Moréas (conseiller technique) et Bill Waddell (conseiller technique), Dossier meurtre. Enquête sur les grands crimes de notre temps, vol. 4 : L'ennemi public no 1. Jacques Mesrine : il se vantait de ses crimes et de ses spectaculaires évasions, et s'était juré de ne pas mourir en captivité, Paris, ALP, , 30 p.
  • Commissaire Broussard, Mémoires. Éditions Plon, 1997
  • Lucien Aimé-Blanc et Jean-Michel Caradec'h, La chasse à l'homme. La vérité sur la mort de Jacques Mesrine, Éditions Plon, 2002
  • Emmanuel Farrugia, Code TL 825, Éditions DIE, 2003 (Inspecteur divisionnaire à l'OCRB qui débusqua Mesrine.)
  • Jacques Nain, Mesrine, ennemi public numéro 1 : Pour rétablir la vérité, France Europe Éditions, 2006 (ISBN 2848251263) Voir le site de Jacques Nain.
  • Mathieu Delahousse, François Besse, la métamorphose d'un lieutenant de Mesrine, Flammarion, 2006
  • Jean-Marc Simon, Jacques Mesrine dit le Grand, biographie en deux volumes, Jacob-Duvernet, 2008
  • Jean-Émile Néaumet, Philippe Randa, Mesrine l'indompté, Dualpha, 2008 (ISBN 978-2353740734)
  • Michel Laentz, Dossier Mesrine, City Éditions, 2008 (ISBN 978-2352881827)
  • Michel Ardouin, Mesrine, mon associé, Les éditions du Toucan, 2008 (ISBN 978-2810001507)
  • Martine Malinbaum, Mesrine intime, Le Rocher, 2008
  • Christophe d'Yvoire et Jean-Pierre Lavoignat, Mesrine, 30 ans de cavale dans le cinéma, 2008.
  • Philippe Roizès & Anne-Claire Préfol, Mesrine, Fragments d'un mythe, Flammarion, 2009
  • Alèssi Dell'Umbria, R.I.P. Jacques Mesrine, édition bilingue français-espagnol, Pepitas de Calabaza, 2011 (ISBN 978-84-939437-1-4)
  • Sylvia Jeanjacquot, Ma vie avec Mesrine, 2011.
  • Clément Fortin, Mesrine Le Tueur de Percé - Une Fraude Judiciaire, Wilson & Lafleur, Montréal 2012 Voir sur fortinclement.blogspot.com.
  • Dario, Palikao 79, 2018.
  • François Besse, La Cavale, 2019.

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