Nègre

Le mot « nègre » est à la fois un substantif (au féminin « négresse ») désignant les Noirs d'Afrique ou afro-descendants, plus particulièrement quand ils sont réduits en esclavage ; et également un adjectif, dans ce cas invariable en genre, utilisé au XXe siècle pour désigner l’ensemble des populations et cultures d'Afrique subsaharienne.

Pour les articles homonymes, voir Nègre (homonymie), Negro (homonymie) et Négresse (homonymie).

Une négresse portée par deux maures, par A.-F. Despotes (XVIIe – XVIIIe siècles), partie de Les Nouvelles Indes dans l'hôtel de préfecture du Rhône.
Étude de nègre, par Théodore Chassériau, 1836 (musée Ingres-Bourdelle, Montauban).

En français, le substantif a pris avec le temps une connotation péjorative et raciste, influencé par l’anglais, langue dans laquelle la connotation péjorative est beaucoup plus forte. Indissociable de l’histoire de l’esclavage, il sert de radical pour les mots relatifs au commerce des captifs africains (traite négrière, navire négrier). Ce terme sera transformé par le mouvement littéraire de la négritude, fondé notamment par les intellectuels Césaire et Senghor, afin de s'approprier cette meurtrissure infligée par l'histoire, mais sans toutefois en effacer la charge douloureuse[1].

« Nègre » est aussi un adjectif utilisé au XXe siècle pour désigner l'ensemble des populations africaines ou d'origine africaine, et dans un certain nombre d'expressions telles que art nègre, sans connotation péjorative, retrouvant alors sa qualité purement descriptive de la spécificité d'une culture parmi d'autres. Dans ce cas, le terme ne varie pas en fonction du genre, et reste le même au féminin, comme la Revue nègre. Ces expressions ont toutefois presque toutes été remplacées par notamment l’adjectif « africain » (par exemple art africain).

Aujourd’hui l’utilisation des termes « nègre » et « négresse » est de plus en plus sujet à controverse, en raison notamment de leur connotation péjorative, et de l’histoire qui leur est associée.

Étymologie

Le mot est dérivé du latin niger, « noir » en tant que couleur.

Selon le dictionnaire[2] de Godefroy, le mot negre ou nigre (noir), apparaît en ancien français au XVIe siècle pour désigner la couleur noire : « Que je en la nigre montaigne / M'en aile desous Andioche. »

Puis, pour désigner les personnes de couleur noire, le terme sera repris à partir de 1529 au mot espagnol negro, « noir ».

Origine

Esclaves nègres de différentes nations, Jean-Baptiste Debret, 1835.

D'après Myriam Cottias, directrice du Centre international de recherches sur les esclavages et post-esclavages, le mot trouve son origine dans un lieu géographique précis, la région située autour du fleuve Niger, la Négritie. Les Portugais y développent l'esclavage avec l'appui du royaume du Kongo : « Pendant la traite atlantique, cette origine géographique va être indissociablement liée à un statut : la servitude. Les marins portugais appellent les Africains qu'ils capturent sur les côtes pour en faire des esclaves aux Amériques les “negros” »[3].

Dans la langue française, le terme « nègre » apparaît au XIVe siècle sous la forme adjectivale signifiant de « couleur noire ». Ce n'est que deux siècles plus tard, en 1529, dans le Voyage à Sumatra[4] des frères Parmentier, qu'il apparaît pour désigner une « personne de couleur noire ». Ensuite, le mot « nègre » s'impose chez les marins et les commerçants esclavagistes, puis dans la société tout entière, comme un synonyme d'« esclave (noir) »[5]. Selon l’historien Pap Ndiaye, : « Dans les dictionnaires de français du XVIIIe siècle on peut lire, au mot “nègre” : “Voir esclave”. À l'époque, il y a une équivalence complète entre les deux termes[3]. »

Le capitaine-gouverneur de Ceuta, Pedro de Meneses, effectue razzias et raids dans les campagnes autour de Ceuta. Les prises de guerre alimentent en des milliers de maures captifs les économies d'Andalousie et du Levant espagnol. Ils débarquent dans les ports de Valence et de Barcelone dans un marché de l'esclavage en essor. Entre 1380 et 1440, plusieurs esclaves orientaux proviennent de la traite en mer Noire et d'esclaves sarrasins. Esclaves russes, tartares, caucasiens et surtout de « lignages de maures »[6] alimentent Barcelone, Valence, Lisbonne et les ports du Maghreb[7].

Les Portugais ont été les premiers Européens à avoir déporté des Noirs comme esclaves dans leur propre pays, en 1442[8].

Les Espagnols ont été les premiers Européens à déporter des Noirs comme esclaves aux Amériques[réf. nécessaire]. Ils désignent alors les Noirs par le mot negro qui signifie « noir » en espagnol, comme l'illustre une scène du film Amistad. En français, on désignait ces populations d’abord par le mot neir (1080) puis par le mot « noir ». L’emploi du mot « nègre » était rare avant le XVIIIe siècle. À partir de cette époque, le Noir devient un sujet pictural et un nombre impressionnant de tableaux, portraits, scènes de genre... ont pour titre Nègre ou Négresse.

Avant l'esclavage, on désignait également les personnes mélanodermes comme des « Maures », même si tous les Maures ne sont pas noirs. Le terme « nègre » a diverses variantes : « négro », « négrillon », etc.

Le mot est peu à peu remplacé par « Noir », avec une majuscule éventuelle quand on souhaite insister sur l'idée de peuple (vers 1960). Les expressions telles que « personne de couleur » ou, dans le langage familier, l'anglicisme « black » (en France), sont devenues courantes pour éviter de dire « noir ».

Usages et connotations

Au Nègre joyeux, enseigne d'un ancien magasin de cafés de Paris, ouvert en 1897.
La Géographie vivante d'Onésime Reclus, cours préparatoire et CM1 en 1926.

L'usage du mot n'est pas identique lorsqu'il est traduit dans diverses langues, ou pris dans des contextes historiques.

En français

On retrouve le mot nègre dans les dictionnaires français de l'Ancien régime[9],[10].

Le mot fait son apparition dans le Dictionnaire de l'Académie française de 1762. On n'y trouve pas le sens premier, mais uniquement un synonyme d’esclave :

« NÈGRE, ESSE. s. Ce mot ne se met point ici comme un nom de Nation, mais seulement parce qu'il entre dans cette façon de parler. Traiter quelqu'un comme un nègre, pour dire, Traiter quelqu'un comme un esclave[11],[12]. »

Le mot « nègre » est progressivement remplacé par « noir » (ou « Noir ») dans les pays francophones, voire par des euphémismes successifs : après l'expression « homme de couleur » (courante dans les années 1960 en Europe francophone), les années 1990 voient se développer l'usage de l'anglicisme « black », puis dans les années 2000 certains milieux emploient le verlan « renoi » pour désigner, souvent familièrement, une personne noire de peau d'origine africaine car le mot « nègre » est encore vu de manière très négative[13],[14].

Certains défenseurs des droits des Noirs ou de l'égalité entre les hommes ont tenté de redonner un sens positif au mot « nègre ».

En 1934, en réponse à une insulte raciste, Aimé Césaire proposa à Senghor de rédiger ensemble un journal, L'Étudiant noir : « Léopold : je supprimerais ça. On devrait l’appeler Les Étudiants nègres. Tu as compris ? Ça nous est lancé comme une insulte. Eh bien je la ramasse, et je fais face[15]. »

Le terme dérivé « négritude », forgé dans les années 1930, s'emploie encore aujourd'hui dans un sens positif, désignant la perspective identitaire des intellectuels noirs francophones Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire.

En 2020, les éditions Zulma rééditent Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer, pour célébrer le 35e anniversaire de ce premier roman. À cette occasion, l'écrivain Dany Laferrière de l'Académie française, auteur également de Cette grenade dans la main du jeune nègre est-elle une arme ou un fruit?, est invité à France culture et répond à la question « Peut-on encore utiliser le mot nègre en littérature ? »[16] :

« Le mot nègre, il va dans n'importe quelle bouche, il est dans le dictionnaire, vous l'employez, vous en subissez les conséquences. Mais ce n'est pas le mot qu'il faut éliminer. […] Le mot « nègre » est un mot qui vient d'Haïti. Pour ma part, c'est un mot qui veut dire homme simplement. On peut dire « ce blanc est un bon nègre ». Le mot n'a aucune subversion. […] Dans la bouche d'un Blanc, n'importe qui peut l'employer. On sait quand on est insulté, quand quelqu'un utilise un mot pour vous humilier et pour vous écraser. Et puis, on sait aussi quand c'est un autre emploi. Vous l’employez, vous en subissez les conséquences. »

Acceptions, synonymes et mots apparentés

Le mot « nègre » dans son acception contemporaine est largement controversé dans les pays où il est utilisé pour désigner spécifiquement les individus à la peau noire. Dans les pays ayant été impliqués dans le commerce triangulaire, « nègre » conserve un sens péjoratif fort, qui renvoie à une image biaisée de la population africaine.

L'adjectif « subsaharien » peut être aussi utilisé pour désigner les personnes d'origine africaine.

Il est cependant encore utilisé pour certains usages qui lui confèrent un sens particulier :

  • En littérature, l'emploi du mot « nègre » désignait une personne qui écrit pour le compte d'une autre, sans être mentionnée[Note 1]. Cela provient probablement d'une assimilation entre « nègre » et « esclave », attestée par des expressions comme « travailler comme un nègre ». En littérature française, il est désormais remplacé par le terme de « prête-plume »[17], même si « nègre » perdure en parallèle. Il existe également plusieurs expressions consacrées comme « écrivain privé », « écrivain sous-traitant » ou, plus rarement, « écrivain fantôme »[Note 2],[18]. Dans le domaine politique, on parle de « plume » lorsqu'un autre rédige le discours d'un politicien.
  • Un champignon de type bolet (Boletus aereus) est appelé cèpe tête-de-nègre mais l'expression tend à disparaître.
  • Des papillons portent le nom de « Grand nègre » : le Moiré sylvicole (Grand nègre à bandes fauves), la Dryade (Grand nègre des bois), ou encore le Grand nègre berbère.
  • À l'École spéciale militaire de Saint-Cyr, le mot « nègre » était autrefois utilisé, à compter du XIXe siècle, pour désigner le major de promotion, c’est-à-dire l'élève le mieux classé.
    • On connaît l'expression apocryphe de Patrice de Mac Mahon : « C'est vous le nègre ? Eh bien, continuez ! » qu'il fit entendre lors de sa visite de cette école. Le mot s'était révélé gaffeur car l'élève-officier à qui il s'était adressé en ces termes (Maximilien Liontel) était par ailleurs lui-même Noir originaire de Cayenne en Guyane[Note 3]. L'expression est passée à la postérité avec la dose d'humour qui se doit. Frédéric Dard, dans plusieurs livres de San-Antonio, fait dire à son personnage central : « Je fais comme le nègre : je continue. »
  • Dans le monde du travail, le mot « nègre » est utilisé pour désigner une personne subissant le pouvoir et l'autorité excessifs d'un supérieur hiérarchique, à l'instar des esclaves noirs soumis à l'autorité de leur maître (encore que certains esclavagistes étaient eux-mêmes d'anciens esclaves affranchis).
  • Le petit nègre désigne une version simplifiée de la langue française, employée autrefois dans certaines colonies françaises. Aujourd'hui, il désigne péjorativement un emploi incorrect et approximatif de la langue.
  • En reliure, la couleur « nègre » ou « tête-de-nègre » est utilisée pour décrire une teinte particulière de cuir, le plus souvent de type maroquin (chèvre) de couleur marron très foncé, presque noir. Ainsi, en bibliophilie, la couleur d'un maroquin marron foncé est définie comme maroquin « tête de nègre ».

Il est également associé à certaines expressions :

  • La tête de nègre est une pâtisserie constituée de meringue enrobée de chocolat. Celle-ci est aussi appelée « meringue au chocolat » (en France) ou « tête au choco » (en Suisse) dans le commerce. Il existait en France jusque récemment, une friandise plate, de forme ovale ou ronde et d'environ cm de diamètre, en réglisse donc noire, présentant sur une de ses faces la tête stylisée d'un noir (aux traits négroïdes) et appelée aussi « tête de nègre ».
  • L'expression « travailler comme un nègre » fait référence à la contrainte et à l'exploitation sans limites d'un travailleur ou de soi-même.
  • Un « roi nègre » désigne un potentat africain, peu enclin à appliquer les règles de la démocratie libérale, pratiquant la corruption, le clientélisme, le népotisme, des trafics variés et usant parfois de violences physiques à l'encontre de ses opposants et détracteurs.

Revendications identitaires

Au XXe siècle, le courant littéraire de la négritude, essentiellement fondé sur une revendication d'identité, s'est réapproprié le mot nègre en opposition avec la connotation péjorative populaire, tel qu'il est utilisé dans l'expression « art nègre ».

« Cette entreprise de déconstruction fut relayée en Afrique francophone durant des générations. J’y ai participé au collège, dès la première année du secondaire… C’est probablement la raison pour laquelle l’usage du mot « Nègre » n’y génère pas les mêmes passions que dans les pays anglophones où à l’évidence, le travail de déconstruction reste à faire[15]. »

 Maka Kotto

En créole haïtien

En Haïti, qui fut la première République noire au monde et qui fut fondée par des anciens esclaves ayant échappé à l'esclavage (les marrons ou « nègres marrons »), le mot créole « nèg » désigne un « gars », un « homme » ou même une « personne » en général, indépendamment de la couleur de sa peau; ou simplement un « homme noir »[19] Grâce à l'immigration haïtienne, ce terme est présent dans l'idiome montréalais[20]

« Si on peut désigner par nègre un homme de n'importe quelle couleur, on fait du même coup disparaître de ce mot … l'aire de signification du mot. […] On n'a qu'à lire l'étude de Simone Délesalle et Lucette Valensi sur le sens du mot « nègre » dans les dictionnaires français d'Ancien régime pour mesurer l'importance de la transformation de sens opérée dans le créole. »[21]

 Maximilien Laroche, Esquisse d’une sémantique du créole haïtien et du joual québécois

En anglais

Nigger Blues (en), initialement intitulé « Negro Blues », LeRoy Lasses White (en), Dallas, 1913.
Sur cette affiche en anglais provenant de Londres vers 1844, on peut lire le terme de « Negro Melodies ».
« Nègre » était autrefois un terme acceptable. All-Negro Comics était un comic book publié en 1947 écrit par des écrivains afro-américains et avec des personnages noirs.
Illustration de l’édition originale de La Case de l'oncle Tom, Boston, 1852.

La communauté d'origine africaine d'Amérique du Nord fait l'objet de plusieurs qualificatifs. Il existe notamment une forte controverse liée à l'utilisation des termes anglais « negro » et surtout « nigger ». En effet, le premier ethnonyme fait l'objet de bon nombre de connotations positives mais aussi négatives et le second, fortement péjoratif, est considéré comme une insulte aujourd'hui imprononçable, quelles que soient les circonstances[22].

Le contexte est essentiel pour comprendre la signification de ces termes[23] :

Le terme « negro » en anglais peut faire l'objet d'une connotation raciste, car, même si, historiquement et étymologiquement, l'ethnonyme était utilisé de manière relativement neutre par les marchands d'esclaves espagnols et portugais, il fut réapproprié par les « Blancs » d'Amérique du Nord durant l'esclavage comme un dysphémisme raciste, qui l'utilisèrent de manière ouvertement hostile et abusive, dans le but d'intimider les Africains et à mettre en évidence leur prétendue infériorité morale et intellectuelle[24]. De ce fait, dès les années 1960, des groupes militants affirment que « negro » est une épithète qui perpétue la mentalité « maître-esclave » dans l'esprit des Américains noirs et blancs (Bennet, 1967). Pourtant, il est à noter que le nationaliste afro-américain Marcus Garvey crée en 1917 la United Negro Improvement Association (UNIA, toujours en activité), en revendiquant le terme negro. Lors de sa première émission de télévision, le pasteur Martin Luther King se présente comme « an American Negro » ; pour lui l'important réside dans le combat pour les droits civiques, les subtilités du vocabulaire étant très secondaires. Il y a d'ailleurs quinze occurrences de « negro » utilisées comme terme de respect dans son discours intitulé I have a dream[25].

Quant au terme « nigger » il est considéré par les médias et les politiques comme un véritable tabou et comme un terme qui a un pouvoir terrible et provocateur (Endo, 2012). Comme substitut à ce terme tabou, on utilise la locution « the N-word »[25]. Toutefois, ce terme « nigger » a également été utilisé du côté des opprimés durant l'esclavage : Jacquelyn Rahman a remarqué une variante non-péjorative du terme qui a été introduite dans le lexique des Afro-Américains. Il s'agit de « nigga ». Les auteurs s'accordent pour dire que, peu après leur arrivée aux États-Unis, les esclaves avaient besoin d'un terme d'auto-référence communément compris par les membres du groupe, et « nigga » s'est imposé à mesure qu'ils apprenaient l'anglais[24].

Pour en revenir au terme « negro », du fait de son ambiguïté, il est finalement remplacé vers la fin du XXe siècle aux États-Unis par « black » (ou « Black » ) et plus officiellement «  African American », « Black American » ou « Afro-American »[26]

En 2020, le formulaire de recensement américain élimine le choix Negro du formulaire[27].

Pour résumer :

  • Aux États-Unis, l'adjectif « negro », aujourd'hui quelque peu désuet, a été employé dans un sens neutre ou légèrement péjoratif ; le substantif offensant « nigger », utilisé dans un contexte raciste et/ou injurieux, rassemble quant à lui la totalité du contenu péjoratif[Note 4].
  • En anglais, on préfère aujourd'hui utiliser l'expression «  African American », « Black American » ou « Afro-American »[Note 5]). Certains Américains aux origines africaines se sont approprié le terme argotique pour en faire un mot d'autoréférence. Ainsi, la jeunesse afro-américaine emploie couramment le mot « nigga » (variante dialectale de nigger) dans un but distinctif et familier, celui-ci signifiant alors : « mon vieux », « mon pote », « mon gars », « mec », etc.

En latin

Nigra sum, sed formosa Je suis noire, mais je suis belle ») est un verset biblique ayant inspiré de nombreuses œuvres musicales. Il figure dans la traduction en latin du Cantique des Cantiques (1:5).

Polémiques et controverses

Quartier de La Négresse à Biarritz

Enseigne stéréotypée d'une boutique de tissu du quartier de La Négresse.

Depuis 2013, une vive polémique entoure le nom d'un quartier de Biarritz qui s'appelle La Négresse[28]. Cette dénomination s'accompagne d'images stéréotypées de femme africaine sur les boutiques du quartier ou lors des « fêtes de la Négresse », et de nombreuses personnalités demandent qu'il soit changé. Parmi eux se trouvent les élus biarrots Galéry Gourret et Lysiann Brao, l'écrivaine bayonnaise Marie Darrieussecq, l'historien Jean-Yves Mollier, l'avocat Alain Jakubowicz ou encore le militant bordelais Karfa Diallo.

Ce dernier, lors d'un happening en pour demander le changement de nom du quartier, est interpellé et placé en garde à vue. Poursuivi pour « rébellion », il compte faire de ce qu'il appelle « le procès de la Négresse » une tribune pour éveiller les consciences. L'audience devait se tenir le [29],[30].

Usage du mot par la ministre du droit des Femmes en 2016

En 2016, la ministre du droit des Femmes utilise le mot sur RMC et finit par plaider la faute de langage[31].

Au Canada

En 1958, André Laurendeau crée la polémique avec une série d'articles publiés dans Le Devoir, portant le titre La théorie du roi nègre[32],[33].

En 2008, Victor-Lévy Beaulieu utilise l'expression « reine-nègre » pour qualifier Michaëlle Jean alors gouverneure-générale du Canada[34]. « C'est une insulte » tranche Dany Laferrière.

Autour du livre Nègres blancs d'Amérique

En 1967, l'écrivain et militant indépendantiste québécois Pierre Vallières, qui avait fréquenté à New York le milieu des Black Panthers[35], publie le livre-choc Nègres blancs d'Amérique. Avec ce titre il assimile volontairement les esclaves noirs américains au sous-prolétariat québécois, « esclaves » selon lui d'une élite dominante anglo-saxonne qui lui enjoignait de «parler blanc» (speak white). Cette comparaison suscite alors de vives réactions. Elle a un ancrage historique dans les discriminations dont les francophones étaient victimes au Canada mais aussi aux États-Unis, où le Ku Klux Klan s'en prenait aussi à eux dans les années 1920[36].

Avant lui, Mailer avait publié en 1957 le livre Hipsters: Le nègre blanc. Réflexions superficielles sur le hipster (en).

« The densely allusive title of Les Nègres blancs d'Amérique is, of course, controversial, and perhaps more so in English than in French, given the taboo on the word "nigger". It has been thus since the initial publications of the book in both languages. It is unsurprising then that today, many readers—even those who experienced Montreal's tumultuous 1960s and 1970s—find the comparisons between francophone Quebeckers, Black Americans and the colonised peoples of Africa signified by Vallières's title intolerable[37]. »

En 2020, un manuel d'histoire est banni par deux commissions scolaires anglophones de Montréal car il cite l’ouvrage de Pierre Vallières[38].

En 2020, la reporter et animatrice de CBC, Wendy Mesley, est suspendue après avoir cité lors d'une réunion de travail le titre du livre de Pierre Vallières, Nègres blancs d'Amérique[39]. Le même ouvrage a été cité par une professeure de cinéma de l'université Concordia, Catherine Russell (d)[40], ce qui a provoqué une pétition appelant à sa destitution.

Les mots « nègre » et « nigger » bannis de la toponymie au Québec

Au Canada, le Québec est aujourd'hui la seule province qui possède des noms de lieux contenant le mot « nègre »[41], comme la Rivière du Nègre ou le Lac Ti-Nègre, depuis que les autres provinces ont renommé chez elle les lieux problématiques[42].

En 2015, la Commission de la toponymie du Québec annonce la « désofficialisation » de nom de onze lieux contenant le mot « nègre », en français ou en anglais, estimant qu’ils étaient susceptibles de « porter atteinte à la dignité des membres de la communauté noire. En effet, le premier a une connotation fortement injurieuse. Quant au second, il a acquis, au fil du temps, une charge péjorative »[43].

Cette décision fait suite à un débat, lancé par des militants en , sur la pertinence du nom donné en 1970 aux « Rapides des Nègres », situés à Bouchette, au nord-ouest de Montréal[44]. La ministre québécoise de la Justice de l'époque, Stéphanie Vallée, s'était alors dite préoccupée par les « dénominations qui pourraient avoir une connotation blessante »[45] et avait soutenu cette initiative, à l'échelle de la province.

Pour les noms de remplacement, la Commission de la toponymie du Québec indique qu'ils « devront respecter le plus possible le patrimoine historique des lieux et rappeler la présence de la communauté noire du Québec, qui a contribué à l'enrichir[45]. »

Si en 2020 des noms attendent toujours d'être renommés car les procédures sont longues, il y a déjà le Lac Ti-Nègre qui est devenu le Lac Honoré-Gélinas[46].

Une prise de conscience déjà ancienne

Cette prise de conscience est déjà ancienne comme le rappelle l'éditorial du Ottawa Citizen du  : « Le Comité permanent canadien des noms géographiques a convenu à l’unanimité que des noms comme Nigger Rapids, au Québec, devraient être remplacés par des appellations moins choquantes. Ce n’est pas trop tôt. La nécessité de respecter les origines raciales et religieuses de chacun fait l’objet d’une prise de conscience croissante dans ce pays[42]. » Par la suite des noms comme Niggertoe Mountain, en Colombie-Britannique, et Nigger Island, en Ontario, ont ainsi été changés pour Mount Nkwala et Makatewis Island dès 1966[42].

Commission scolaire Marguerite-Bourgeois, 2018

Dans une école primaire, un devoir demandant de trouver le diminutif du mot honni fut retiré à la demande de la mère d'un élève. La commission scolaire fut blâmée par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, et enjointe à dédommager la victime[47],[48],[49].

Université d'Ottawa, 2020

En 2020, une professeure de l'Université d'Ottawa est suspendue pour avoir mentionné le mot nigger en classe, lorsqu'elle cherchait à discuter du concept de négritude. Elle se retrouve alors au centre d'une tempête médiatique qui donnera lieu à des réactions diverses au Canada, et qui entrainera, au Québec, la création de la Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire.

Aux États-Unis

En 1974, le chanteur cajun Jimmy C. Newman fait un énorme succès de la chanson « Lâche pas la patate », expression qui devient très populaire au Canada. Selon Barry Jean Ancelet, le refrain « Lâche pas la patate, mon neg », qui constitue le refrain de la chanson, n'a aucune connotation raciste. « Dans ce contexte, neg veut dire un homme, alors on dit mon neg comme les Français disent mon mec ou les Québécois disent mon chum. Cette expression-là est toutefois moins utilisée aujourd'hui, car certains ont exprimé un inconfort en raison de son caractère péjoratif[50]. »

Le sénateur Harry Reid a eu des ennuis pour avoir qualifié en 2008 le président Barack Obama d'Afro-Américain « à la peau claire » et « sans dialecte nègre »[51]. Il utilisa les mots negro dialect en anglais. Ce dernier est lui aussi considéré toxique aux États-Unis : depuis 1985, la Cour suprême n'utilise plus le mot negro qu'avec des guillemets ou dans des citations[52],[53].

En 2012, Kanye West rappe « Niggas in Paris », terme qu'il juge affectueux. Gwyneth Paltrow, twitte le mot, ce qui engendre des accusations de racisme[54].

En 2014, un message sur Facebook concernant la désignation « negro » pour identifier l'origine raciale des jurés intervenant dans les tribunaux de l'État de New York fait la une des journaux nationaux. Le terme a depuis été retiré[55].

En 2017, Piers Morgan publie un article au sujet d'une vidéo Instagram de membres de la Alpha Phi Sorority de l'université du New Hampshire. Celles-ci chantaient Gold Digger de Kanye West, dont les paroles contiennent le mot controversé[56]. À la suite de cette publication, de nombreux utilisateurs de Twitter affirment qu'il est obsédé par l'utilisation du mot commençant par n et sont même allés jusqu'à le traiter de raciste[56].

En 2020, la production d'un concert de negro spirituals par une chorale de chanteurs blancs à l'université de Western Michigan provoque la controverse[57],[58].

Notes et références

Notes

  1. Auguste Maquet était l'un des « nègres » d'Alexandre Dumas père.
  2. Traduction littérale (parfois utilisée) de l'anglais ghostwriter.
  3. Selon le général Jean Boÿ qui, dans un article du 25 juin 2011[Où ?], retrace l'historique de la 56e promotion de Saint-Cyr à laquelle Liontel appartenait, cette apostrophe apparaît tout à fait discutable dans la mesure où Maximilien Liontel n'était pas le major de sa promotion. De plus, à l'époque où Mac-Mahon était venu visiter l'école, Liontel n'y était déjà plus, puisqu'il avait été réformé pour raison de santé.
  4. Certaines chansons et pièces de musiques ont été créées à partir de ce nom donné aux esclaves, comme I'm an Albama Nigger, écrit et chanté par Johnny Rebel.
  5. Voir à ce sujet Américain à trait d'union.

Références

  1. Aimé Césaire (Présence Africaine), Discours sur le colonialisme, suivi de Discours sur la Négritude, (ISBN 2-7087-0531-8, lire en ligne), […] je ne blesserai personne en vous disant que j’avoue ne pas aimer tous les jours le mot Négritude même si c’est moi, avec la complicité de quelques autres, qui ai contribué à l’inventer et à le lancer..
  2. Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française du IXe siècle au XVe siècle.
  3. Anne Chemin, « « Nègre », ce mot lourd du racisme et des crimes qui l’ont forgé », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  4. Jean Parmentier et Raoul Parmentier, Le discours de la navigation de Jean et Raoul Parmentier, de Dieppe ; Voyage à Sumatra en 1529 ; Description de l'isle de Sainct-Dominigo, Paris, E. Leroux, (lire en ligne).
  5. Voir à ce sujet l’article Le mot « nègre » dans les dictionnaires français d'Ancien régime; histoire et lexicographie.
  6. « MAURE : Définition de MAURE », sur cnrtl.fr (consulté le ).
  7. António de Almeida Mendes, « Le Portugal et l'Atlantique. Expansion, esclavage et race en perspective (XIVe – XVIe siècles) », Rives méditerranéennes, no 53, , p. 139–157 (ISSN 2103-4001, DOI 10.4000/rives.5152, lire en ligne, consulté le ).
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Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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