Film noir

Le film noir est un genre ou un style cinématographique, faisant partie de la catégorie du film criminel. Il prend son inspiration de la littérature policière hard boiled ('roman noir') et d'auteurs comme Dashiell Hammett (considéré comme le fondateur du genre en littérature), Raymond Chandler ou James M. Cain. Tournant autour de thématiques résolument pessimistes et tragiques, comme la fatalité, l'angoisse, la trahison ou la machination, le film noir est soumis à des codes formels et narratifs qui le caractérisent, comme l'usage du suspense, du flashback, de la voix off ; l'emploi de personnages devenus ensuite des stéréotypes comme la femme fatale, le détective, le weak guy (le pauvre type ou l'homme ordinaire), le tueur psychopathe, ou encore le couple en cavale ; dans des lieux généralement urbains et souvent filmés en décors naturels et en noir et blanc.

Film noir
Affiche du film, Détour d'Edgar George Ulmer (1945) considéré comme un classique du film noir de série B.
Catégorie Catégorie:Film noir
Rattaché au genre Film criminel
Genre(s) rattaché(s) et sous-genre(s) Neo Noir (en), Thriller
Début du genre 1941
Premier film du genre Le Faucon maltais
Pays d'origine États-Unis
Genre littéraire connexe Roman noir

Pour plus de détails, voir le corps de l'article.

Son esthétique est influencée par le cinéma expressionniste allemand, dont certains réalisateurs comme Fritz Lang ou Robert Siodmak, furent par la suite des représentants notables du film noir, ainsi que par le réalisme poétique français des années 1930. La période qui voit son développement et son essor est généralement délimitée entre le début des années 1940 et la fin des années 1950. Même si, pour certains auteurs comme Patrick Brion ou Gabriele Lucci, le genre loin de se conclure à la fin des années 1950, se poursuit bien après, il est généralement délimité en période commençant par le proto-film noir pour désigner des films précurseurs du genre (du muet jusqu'à la fin des années 1930) ; le film noir « classique » de 1940 à 1960 ; le film post-noir (des années 1960 jusqu'au milieu des années 1970) et les films néo-noirs (à partir de 1975).

D'abord ignoré, voire dénigré par la critique américaine, le genre est identifié par la critique cinématographique française à partir de 1946, sous la plume de Nino Frank qui emploie l'expression «film noir», dans un article de L'Écran français, relayé par Jean-Pierre Chartier la même année dans La Revue du cinéma.

Loin d'être seulement associé au cinéma américain, d'autres pays ont aussi produit des films noirs : la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie, ou le Japon.

Définition et délimitations

L'expression « film noir » apparait en 1946 sous la plume du critique français, Nino Frank, dans un article de L'Écran Français, où il constate des points communs entre quatre films américains à thème criminel tournés entre 1941 et 1944, et qui venaient de sortir en France, à savoir Le Faucon maltais de John Huston, Assurance sur la mort de Billy Wilder, Laura d'Otto Preminger et Adieu, ma belle d'Edward Dmytryk[1]. Le terme avait néanmoins déjà été utilisé avant la Seconde Guerre mondiale pour désigner un ensemble de films français appartenant au réalisme poétique[2],[3].

Le film noir met généralement en scène un personnage emprisonné dans des situations qui ne sont pas de son fait et acculé à des décisions désespérées. Le meurtre ou le crime, l'infidélité, la trahison, la jalousie et le fatalisme sont des thèmes privilégiés.

Le film noir est tragique par essence[4],[5]. L'archétype du protagoniste du film noir est un détective privé de second ordre, cynique et blasé, embauché pour une enquête dont les véritables implications lui sont cachées par son commanditaire. Son enquête l'amène le plus souvent à rencontrer une femme fatale qui le manipule par avidité, causant ainsi leur perte. La Griffe du passé de Jacques Tourneur est un des films représentatifs dans cette thématique.

La Soif du mal, tourné en 1958 par Orson Welles est généralement considéré comme le film qui termine la période du film noir «classique». D'autres films reprenant les canons du film noir, tournés après cette date, sont généralement qualifiés de post-noirs.

Historique

Les critiques français Raymond Borde et Étienne Chaumeton ont écrit un livre sur le film noir en 1955, Panorama du film noir américain 1941–1953[6]. Ils ont souligné qu'il était très difficile de définir le film noir, étant donné que le style comprenait plusieurs sous-types.

Florissant pendant les années 1940 et 1950, ce genre n'a souvent bénéficié que de budgets réduits (série B). Il existait en effet à l'époque le double programme dans une séance de cinéma : un ticket donnait le droit de voir deux films longs métrages, précédés de cartoons, de courts métrages et d'actualités. Les deux longs métrages n'étaient pas de même qualité ; l'un appartenait à la série A et répondait aux canons esthétiques et moraux de l'époque, une débauche de stars, des décors luxueux et une lumière flatteuse, et donc un budget important. C'était également ce film qui attirait le spectateur. L'autre film, la série B, dont le principe avait été mis en place au début des années 1940, n'avait qu'un budget réduit, recourait à des acteurs débutants, disposait de peu d'effets spéciaux et de peu de décors.

Le film noir classique disparaît à la fin des années 1950 sous l'effet conjugué de plusieurs causes, notamment :

  • la suppression progressive de la double séance et donc des films de série B ;
  • la concurrence de la télévision, qui traita souvent des mêmes sujets ; dans ce registre, le feuilleton Les Incorruptibles (1959 - 1962, en anglais The Untouchables), rassemble tout ce que le film noir a développé.

Le proto-film noir (1912-1939)

Par proto-film noir, ou proto-noir, les historiens désignent des films dont certaines caractéristiques (thématiques, techniques ou stylistiques), se combinent pour aboutir au film noir classique tel qu'il apparait en 1941[7]. Cœur d'apache de D. W. Griffith considéré comme le premier film de gangster tourné aux États Unis en 1912, est précurseur du genre par son climat sombre[8]. Dans les années 1920 l'expressionnisme allemand devient l'une des principales sources d'inspiration du film noir, par l’atmosphère désespérée des films appartenant à ce style et son usage contrasté du noir et blanc. Sont cités, Le Cabinet du docteur Caligari, La Rue sans joie, M le maudit, le Docteur Mabuse, le Dernier des hommes[8],[9].

Caractéristiques formelles

Ambiance film noir dans Association criminelle (The Big Combo, 1955).

Le film noir possède une véritable identité visuelle qui a été largement imitée par la suite. Les éclairages expressionnistes sont fortement contrastés, laissent de larges plans de l'écran dans l'obscurité. Le décor est souvent urbain, et les espaces sont alors restreints (pas d'échappée sur une place ou une grande avenue). La campagne ou la petite ville est idéalisée, représentant l'Amérique des origines. En ville, on retrouve souvent le trottoir humide, comme après une pluie, les scènes nocturnes y sont nombreuses.

Les films noirs mettent souvent en scène des personnages principaux complexes et ambigus, dont le passé est souvent peu reluisant, et des seconds rôles riches et autonomes, en rupture avec les poncifs traditionnels. Des techniques inhabituelles, telles que la voix-off ou la caméra subjective, affirment le style noir dont l'influence commence progressivement à se faire sentir sur les grandes productions.

Influences

Le film noir apparaît dans la lignée des films de gangsters américains des années 1930, mais des apports stylistiques européens lui ont déjà donné une identité visuelle propre. L'esthétique du film noir doit beaucoup à l'expressionnisme allemand et aux réalisateurs émigrés, tels que Fritz Lang, qui fuyaient la montée du nazisme. Ils apportèrent en particulier les techniques qu'ils avaient développées comme l'éclairage dramatique et la prise de vue subjective, psychologique. L'autre influence principale provient du néoréalisme italien. Après 1945, les films noirs adoptèrent un aspect néoréaliste, filmant dans des extérieurs urbains (plutôt qu'en studio). Une bonne illustration de cette évolution est Assurance sur la mort (Double Indemnity - 1944) qui est souvent considéré comme l'archétype du film noir.

Le film noir a eu à son tour une influence marquée sur d'autres genres, aussi bien d'un point de vue stylistique que narratif. Ainsi des films de science-fiction, tels que Blade Runner (1982) ou Dark City (1998), répondent quasi-religieusement aux règles du genre noir, de même le film fantastique, Angel Heart (1987). Ces dernières années, Hollywood a montré un regain d'intérêt pour ce genre, notamment à travers l'adaptation des romans de James Ellroy (L.A. Confidential, Le Dahlia noir) ou encore à travers Kiss Kiss Bang Bang et Collatéral.

La Nouvelle Vague française a été en connexion directe avec le genre du film noir. Amateurs et défenseurs (dans les Cahiers du cinéma) d'un cinéma plus créatif aux États-Unis qu'en Europe, les acteurs de la Nouvelle Vague se sont imprégnés du film noir. On peut citer Bande à part ou Tirez sur le pianiste.

Principaux films noirs

Période classique

Les films de cette période suivis d'un astérisque sont en couleurs. Certains contestent la qualité de film noir à ces films[10].

Galerie

  • Quelques interprètes célèbres du film noir classique

Néo-noir

Notes et références

  1. Esquenazi 2012, p. 5.
  2. Thomas Pillard, « Une histoire oubliée : La genèse française du terme « film noir » dans les années 1930 et ses implications transnationales », Transatlantica, no 1 « Le roman policier, littérature transatlantique / Maisons Hantées », (lire en ligne).
  3. (en) Charles O'Brien, « Film Noir in France : Before the Liberation », Iris, no 21 « European Precursors of Film Noir/Précurseurs européens du film noir », , p. 7–30.
  4. « Les genres : le film noir », sur www.ac-nice.fr (consulté le )
  5. François Guérif, Le Film noir américain, Paris, Denoël, , 411 p. (ISBN 2-207-24557-8)
  6. Panorama du film noir américain 1941–1953, coll. Champs Contre-Champs, Éditions Flammarion, Paris, 1993, (ISBN 978-2080815088)
  7. Philip C. Di Mare dir. Movies in American history : an encyclopedia vol 3 p. 214.
  8. Lucci 2007, p. 340.
  9. Duncan et Müller 2017, p. 19.
  10. Par exemple IMDb

Voir aussi

Bibliographie

  • Raymond Borde et Etienne Chaumeton, Panorama du Film noir américain (1941-1953), Paris, Flammarion, coll. « Champs-contre-champs », (1re éd. 1955), 283 p. (ISBN 2-08-081508-3).
  • Alain Silver et Elizabeth Ward, Encyclopédie du film noir, Paris, éd. Rivages, , 458 p. (ISBN 2-86930-099-9).
  • Patrick Brion, Le Film noir : l'âge d'or du film criminel américain, d'Alfred Hitchcock à Nicholas Ray, Paris, Éditions de la Martinière, , 451 p. (ISBN 2-7324-3144-3).
  • Patric Brion, Encyclopédie du film noir, vol. 1, USA : 1912-1960, Télémaque, 2018, 700 p. (ISBN 9782753303546)
  • Noël Simsolo, Le film noir vrais et faux cauchemar, Paris, Cahiers du cinéma, , 445 p. (ISBN 2-86642-402-6).
  • Eddie Muller, Dark City : le monde perdu du film noir, Paris, Clairac, (ISBN 978-2-35256-005-0).
  • Gabriele Lucci (trad. de l'italien), Le Film Noir : mots clefs, acteurs et créateurs, films, Paris, Hazan, coll. « Guide des arts », , 351 p. (ISBN 978-2-7541-0163-9).
  • Delphine Letort, Du film noir au néo-noir : mythes et stéréotypes de l'Amérique (1941-2008), Paris, L'Harmattan, , 328 p. (ISBN 978-2-296-11055-7, lire en ligne).
  • Jean-Pierre Esquenazi, Le Film Noir : Histoire et signification d'un genre populaire subversif, Paris, CNRS Éditions, coll. « Biblis », , 438 p. (ISBN 978-2-271-08826-0).
  • Thomas Pillard, Le Film noir français face aux bouleversements de la France d'après-guerre (1946-1960), Paris, Éditions Joseph K, (ISBN 978-2-910686-68-0 et 2-910686-68-X).
  • Paul Duncan et Jürgen Müller (trad. de l'allemand), Film Noir, Cologne, Taschen, coll. « Bibliotheca Universalis », , 639 p. (ISBN 978-3-8365-6168-6).

Liens externes

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