Pierre Théoma Boisrond-Canal

Pierre Théoma Boisrond-Canal (né le aux Cayes et mort le à Port-au-Prince[1]) est un homme politique haïtien, qui fut président de la République à trois reprises : du au , du 1er septembre au et du au [2].

Pour les articles homonymes, voir Boisrond et Canal.

Pierre Théoma Boisrond-Canal

Photographie de Pierre Théoma Boisrond-Canal.
Fonctions
Président de la République d'Haïti

(3 ans, 2 mois et 24 jours)
Élection
Prédécesseur Michel Domingue
Successeur Joseph Lamothe

(2 mois et 6 jours)
Prédécesseur Lysius Salomon (président à vie)
Successeur François Denys Légitime

(7 mois et 4 jours)
Prédécesseur Tirésias Simon Sam
Successeur Pierre Nord Alexis (président à vie)
Secrétaire d'État de la Guerre et de la Marine

(14 jours)
Président Lui-même
Prédécesseur Séïde Thélémaque
Successeur Anselme Prophète
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Les Cayes (Haïti)
Date de décès
Lieu de décès Port-au-Prince (Haïti)
Parti politique Parti libéral
Fratrie Louis-Auguste Boisrond-Canal
Conjoint Marie Claire Wilmina Phipps
Lise Régnier
Enfants Saint-Martin Boisrond-Canal
Profession Militaire

Présidents de la République d'Haïti

D'abord sénateur, Boisrond-Canal entame également une carrière militaire. Il fut ainsi nommé, sous la présidence de Michel Domingue, commandant de l’armée dans le département de l’Ouest. Figure de l'opposition contre le gouvernement, il dirige le Parti libéral[3] après l'éviction de Jean-Pierre Boyer-Bazelais, le fondateur du parti. Le , il est nommé à la présidence suite à la démission de Domingue comme président du gouvernement provisoire, avant d'être finalement élu le , président de la République, après le rétablissement de la Constitution de 1867[4], qui lui donne un mandat de quatre ans.

Sous son mandat, des tensions étrangères et en politique intérieure apparaissent dans le paysage politique, notamment en raison des divergences de vues entre le Parti national et le Parti libéral au Parlement. Après un débat houleux à la Chambre des députés le , des émeutes éclatèrent à Port-au-Prince, dans lesquelles Bazelais joua un rôle important.

Bien que le gouvernement ait réussi à rétablir la loi et l’ordre, Boisrond-Canal, démissionna le , n’arrivant pas à une médiation entre les libéraux et les nationaux. Joseph Lamothe lui succéda comme président par intérim[5]. Après sa démission, il partit de nouveau en exil en Jamaïque, suite à l'arrivée au pouvoir de Lysius Salomon. Après son retour d’exil, et la chute de Salomon, le , il est désigné pour un mandat de président provisoire[6]. Il a intronisé le , François Denys Légitime comme nouveau président. Le , il est une nouvelle fois nommé à la présidence, après la démission du président Tirésias Simon Sam. Le , il est renversé par le coup d'État du général Pierre Nord Alexis.

Son frère cadet, Louis-Auguste Boisrond-Canal, est également une personnalité politique active, notamment en 1908 en tant que membre de la Commission pour l’ordre public et président de la République par intérim.

Carrière politique

Les débuts

Pierre Théoma Boisrond-Canal, est né le dans la ville des Cayes. Il commença, très jeune, une carrière dans l'armée. Durant la dictature de Fabre Geffrard, il a été officier de 1858 à 1867. Il a ensuite pris sa retraite du service militaire et est devenu agriculteur. Mais sa retraite fut de courte durée. Il se lança alors dans la politique en 1870, après la chute de Sylvain Salnave, et fut élu sénateur dans la circonscription de Port-au-Prince, sous l'étiquette du Parti libéral. Il est de nouveau réélu à ce poste jusqu'en 1875.

L'opposition à Domingue

Boisrond-Canal.

Entre 1874 et 1875, Boisrond-Canal est l'un des principaux opposants, avec Jean-Pierre Boyer-Bazelais et Pierre Momplaisir, au gouvernement du président Michel Domingue et de son vice-président, Septimus Rameau. Avec les autres représentants du Parti libéral, il plaide en faveur du retour à la Constitution de 1867, remplacer par celle de 1874[7], qui octroie au président un mandat de huit ans, à la place de quatre, comme le stipulait le texte de 1867.

À leurs fautes financières, Domingue et Rameau ajoutèrent des mesures de violence. Le 1er mai 1875, ils voulurent se débarrasser des grandes figures de l'opposition dont Boisrond-Canal, Pierre Momplaisir et Brismard Brice. Les généraux Brice et Momplaisir sont rapidement éliminés tandis que Boisrond-Canal, traqué sur son habitation personnelle de Frère, parvient à se réfugier au consulat américain.

Ces crimes, suivis de nombreux départs pour l'exil, aggravèrent la situation du gouvernement. Le général Louis Tanis prit les armes à Jacmel ; Rameau se préparait à combattre, quand la ville de Cap-Haïtien se souleva, puis tout le Nord, et même la ville de Croix-des-Bouquets.

Domingue et Rameau, aux abois, projetèrent le transfert du gouvernement aux Cayes. Durant le mois d'avril 1876, on transporta vers l'extérieur de la capitale des malles, pleines de l'argent du dernier emprunt ; le peuple s'émut, se révolta en exigeant la démission du gouvernement et du président ; bientôt la colère fut à son comble, et les gouvernants, pour y échapper, se dirigèrent vers les consulats étrangers. Le président Domingue fut blessé au bras lors de son transfert vers l'ambassade de France, et Septimus Rameau fut tué. La foule pilla les fonds du grand emprunt ; la nuit suivante, le général Paulémon Lorquet, partisan du gouvernement, attaqué en sa demeure privée, fut victime de la populace.

Président de la République

Élection

Le , Boisrond-Canal remplaça Michel Domingue comme président du gouvernement provisoire, avant d'être finalement élu le , président de la République. La Constitution de 1867 est rétabli et lui donne ainsi un mandat de quatre ans.

Le nouveau président était un libéral opportuniste : modéré par tempérament, ni violent, ni cruel, ignorant complètement l'émotion de la peur, il avait vu se rallier à lui, durant son exil en Jamaïque, un groupe de libéraux à qui pesaient à la fois les souffrances de l'exil et l'intransigeance en paroles comme en actes de Bazelais.

Cette scission du parti libéral entre deux factions, l'une autour de Bazelais, l'autre autour de Boisrond-Canal, explique en partie les actes du nouveau gouvernement. Les bazelaisistes, en majorité à la Chambre, firent au gouvernement de Boisrond-Canal une opposition modérée, et soumirent l'administration à un contrôle rigoureux. Pour dégoûter Haïti de cette attitude parlementaire où il entrait plus de discours que d'action sociale réelle, le président Boisrond-Canal adopta une politique étrange qu'un mot résume bien : laisser tout aller à la dérive. En plein jour, on tira des coups de feu dans les rues ; on cambriola les magasins, les demeures privées ; la police fermait les yeux. On vit des citoyens se réunir en armes, tenter un coup de main, puis rentrer chez eux, sans être inquiétés. Quand on lui reprochait son insouciance, le président se contentait de répondre, placidement, en bégayant : « Laissez grainnain ! »

Les insurrections

En 1876, la Chambre ouvrit une enquête sur les emprunts effectués sous le mandat du président Domingue. Le scandale était si manifeste que le gouvernement se crut fondé à ne reconnaître sur soixante millions de francs, valeur nominale, que vingt et un seulement qui rapportèrent intérêt à 6 % l'an, selon le décret de l'Assemblée nationale du 11 juillet 1877.

Deux ans plus-tard, le principal artisan de la destitution de Domingue, le général Louis Tanis, commandant du département de l'Ouest, se laissa égarer par l'ambition. Pendant une tournée présidentielle dans le Sud, il se révolta ; il était peu sympathique au peuple, et dut se réfugier au Fort National d'abord, sur la terre étrangère ensuite. À cette tentative d'insurrection répondit celle de Gélus Bien-Aimé à Port-de-Paix : elle n'eut aucun succès.

Démission

Photographie de Boisrond-Canal.

En 1878, la tension entre libéraux (bazelaisistes et canalistes) et nationaux était extrême[8]. Le parti national, discrédité un instant par les fautes de son premier chef, Rameau, s'enhardit et rentra sur la scène politique. Aux élections législatives de 1879, les nationaux triomphèrent, obtenant une large majorité. En minorité, les libéraux peinent à maintenir une ligne politique stable. Boisrond-Canal est plus fragilisé que jamais, en effet, les représentants libéraux canalistes sont bien moins nombreux, suite au scrutin, que les bazelaisistes.

Le 30 juin 1879, à la suite d'une séance tumultueuse à la Chambre, Bazelais, assisté de ses amis, se retrancha dans sa maison privée et défia les représentants du Parti national. Une bataille de rues commença, dura plusieurs jours, fut accompagnée d'incendies, et se termina par la défaite des révoltés. Malgré cela, Boisrond-Canal, mis en minorité par le Parti national, n'a plus la confiance de son propre camp. Les libéraux se rassemblent de nouveau autour de Bazelais qui devient le nouvel homme fort du mouvement libéral. Résigné, Boisrond-Canal démissionna de ses fonctions un an avant le terme de son mandat, le 17 juillet 1879. Le nouveau chef du Parti national et ancien ministre, Joseph Lamothe, accède alors à la présidence. Quelques mois plus-tard, le duc Lysius Salomon, ancien fidèle de l'empereur Faustin Soulouque, prit le pouvoir, abrogeant la constitution républicaine et s'attribuant les pleins pouvoirs à vie. Ce changement de régime obligea Boisrond-Canal à prendre la route de l'exil.

Second mandat

Retour d'exil

En exil pendant presque dix ans à Kingston, pendant la dictature de Salomon, Boisrond-Canal revient d'exil le , après la chute de ce dernier. Ayant profiter du renversement du régime, le parti libéral domine le pays et se retrouve de nouveau majoritaire. Bazelais étant mort en 1883, Boisrond-Canal redevient le chef naturel des libéraux. Le 18 août 1888, le général Séide Thélémaque entra à Port-au-Prince avec les troupes du Nord et de l'Artibonite ; un gouvernement provisoire, présidé par Boisrond-Canal, et composé des généraux François Denys Légitime et Florvil Hyppolite, décréta des élections pour la réunion d'une Assemblée constituante.

Intérim de Boisrond-Canal

Pendant que Boisrond-Canal dirige le gouvernement provisoire comme président, deux hommes briguent la présidence de la République : le général Légitime, pour le parti libéral, très populaire dans l'Ouest, et le général Séide Thélémaque, pour le parti national, qui aspirait au bénéfice de sa révolution et qui était très apprécié dans le Nord. Trois hommes du Sud venaient de passer à la présidence de la République : le Nord y voulait, cette fois, un de ses fils. Les passions politiques s'échauffèrent tellement que, le 28 septembre, une bagarre eut lieu entre les partisans de Légitime et ceux de Thélémaque. Le palais présidentiel, attaqué par les troupes du Nord, fut loyalement défendu par les généraux Anselme Prophète, Suly Guerrier et Henri Momplaisir. À la suite de cela, deux membres du gouvernement provisoire démissionnèrent, dont le général Hyppolite, qui prétexta des raisons de santé pour rentrer au Cap-Haïtien.

Au milieu du mois d'octobre 1888, l'Assemblée constituante se réunit à la capitale : les députés du Nord étaient absents lors de la séance. Néanmoins, l'Assemblée ayant le quorum nécessaire pour travailler validement, nomma le général Légitime, à la tête du gouvernement provisoire en tant que chef du pouvoir exécutif, le 16 octobre, après le départ de Boisrond-Canal. Deux mois plus-tard, Légitime est officiellement élu à la présidence de la République.

Troisième mandat et fin de vie

Nouvelle présidence de Boisrond-Canal

Le , après la démission du président Tirésias Simon Sam, des comités s'établirent dans toutes les communes. Leurs délégués, réunis à Port-au-Prince, constituèrent un gouvernement provisoire dont Boisrond-Canal, une fois encore, fut désigné comme président. On décréta des élections, non pour une Constituante, mais pour un nouveau Corps législatif, avec un renouvellement des sénateurs et des députés. Une jeunesse ardente, instruite, pleine de foi dans l'avenir du pays, fit campagne pour un homme politique qui possédait alors sa pleine confiance : Anténor Firmin. Firmin était un écrivain remarquable et un administrateur intègre qui, en réagissant avec vigueur contre les abus, avait assaini deux fois la situation financière.

Mais d'autres personnages comptaient beaucoup d'amis et aspiraient aussi à la magistrature suprême : l'ancien ministre Callisthène Fouchard pour le parti national, et Sénèque Momplaisir (fils de Pierre Momplaisir) pour le parti libéral. Firmin, Fouchard et Momplaisir avaient posé ouvertement leur candidature. On croyait deviner, en outre, que le vieux général Pierre Nord Alexis, petit-fils du roi Henri Christophe, qui ambitionne le trône disparu de son aïeul, depuis trente ans, tenterait, même au prix d'une guerre civile, de réaliser le rêve de sa vie.

Tensions et troubles politiques

Au Cap-Haïtien, dont Firmin espérait être le premier député, une bagarre éclata entre ses partisans et ceux du général Nord Alexis, entre le 27 et le 28 juin 1902. On se battit avec acharnement. Malgré l'appui du commandant d'arrondissement et celui de l'amiral Killick, commandant de l'aviso de guerre la Crête-à-Pierrot, Firmin dut évacuer la place. Le navire le transporta aux Gonaïves où, d'enthousiasme, la population le proclama son premier député. De tous les coins du pays, les firministes rallièrent leur chef et fondèrent leur propre parti : le Parti républicain-réformiste, bien décidés à soutenir sa cause, même par les armes. Grave imprudence : ils abandonnaient la capitale à leurs adversaires. Le gouvernement provisoire se disloqua : trois membres, Césarrions, Lalanne, Jérémie, se retirèrent. Il se maintint quand même et, par le concours qu'il donna au général Nord Alexis assura sa victoire sur le général Jean-Jumeau, délégué dans l'Artibonite, et principal soutien de la cause firministe.

Démission et mort

Dans la capitale, les nationaux et les libéraux se coalisèrent, pour la première fois, contre Firmin. Les généraux Sénèque Momplaisir, Justin Carrié, Emmanuel Thézan attaquèrent de tous côtés les départements de l'Artibonite et du Nord-Ouest. La parte de la Crête-à-Pierrot fut fatale aux firministes. Les munitions leur manquèrent. Le général Nord Alexis, rentra victorieux avec son armée à Port-au-Prince. Parce qu'il était octogénaire, on s'était obstiné à le croire dépourvu d'ambition personnelle. Toutes les illusions tombèrent le soir du 17 décembre 1902. Nord Alexis fit suspendre la Constitution républicaine avant de se faire acclamer comme président à vie par ses troupes ; et, en dépit de quelques protestations, l'Assemblée fut contrainte de ratifier le coup d'État, le 21 décembre suivant.

Arrêter après le coup d'État, Boisrond-Canal est cependant épargner par le nouveau dictateur qui se contente de retenir l'ancien président en résidence surveillée. C'est dans ce contexte qu'il meurt à Port-au-Prince le [9]. Alexis est renversé quelques années plus tard en 1908. Le frère cadet, Louis-Auguste Boisrond-Canal, assume alors l'intérim présidentiel après la fin de la dictature.

Notes et références

  1. « Haiti-Reference : Notables d'Haiti » Pierre Théomas Boisrond-Canal n. 12 juin 1832 Cayes d. 6 mars 1905 Port-au-Prince », sur www.haiti-reference.com (consulté le )
  2. (es) Pierre Théoma Boisrond-CanalPolítico y militar haitiano et Presidente de la República reinstaurada de Haití de 1874 a 1876 Presidente de la República reinstaurada de Haití de 1876 a 1879 23 de abril de 1876-17 de julio de 1879 PredecesorMichel DomingueSucesorLysius Félicité Salomon JeunePresidente provisional de la República reinstaurada de Haití 10 de agosto de 1888- 16 de octubre de 1888 PredecesorLysius Félicité Salomon JeuneSucesorFrançois Denys LégitimeDatos PersonalesNombrePierre Théoma Boisrond-CanalNacimiento12 de junio de 1832Les Cayes, « Pierre Théoma Boisrond-Canal - EcuRed », sur www.ecured.cu (consulté le )
  3. « Éphéméride du jour… 17 juillet 1878, Démission de Boisrond Canal, 14è président d’Haïti », sur Radio Vision 2000, (consulté le )
  4. « Constitution haitienne de 1867, Digithèque MJP », sur mjp.univ-perp.fr (consulté le )
  5. « Caribbean Elections Biography | Pierre Théoma Boisrond-Canal », sur www.caribbeanelections.com (consulté le )
  6. « Haiti, Constitution de 1889, Digithèque MJP », sur mjp.univ-perp.fr (consulté le )
  7. « Constitution haitienne de 1874, Digithèque MJP », sur mjp.univ-perp.fr (consulté le )
  8. (en) « Savez-vous qui a fondé le premier parti politique d’Haïti ? », sur www.loophaiti.com (consulté le )
  9. PLONGAYE, « 6 mars 1905 : Mort de Boisrond-Canal, ancien Président d’Haïti, de juillet 1876 à juillet 1879 », sur PLONGAYE, (consulté le )

Liens externes

Sources

  •  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
  • Justin Chrysostome Dorsainvil, Manuel d'histoire d'Haïti, Port-au-Prince, Procure des Frères de l'Instruction Chrétienne, , 402 p. (lire en ligne), p. 308-313
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