Réseau Hector-STATIONER
Le réseau Hector-STATIONER fut un des réseaux de Résistance créés en France par la section F du Special Operations Executive, pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ne pas confondre avec Réseau Hector du SR Air
Autres appellations
- HECTOR : c'est le nom de guerre de Maurice Southgate. C'est sous ce nom d'HECTOR que le réseau est enregistré par le Bureau Résistance (archives du SHD, Vincennes)
- STATIONER : c'est le nom de code opérationnel de Maurice Southgate, nom utilisé par la RAF. STATIONER veut dire papetier en français.
- HECTOR-BUCKMASTER : le nom Buckmaster est celui du chef de la section F à Londres.
Missions
Les missions du réseau étaient de type "action" : parachutages, sabotages, armement et encadrement de maquis.
Première phase (janvier-). Les consignes initiales sont simples : « ennuyer le boche de toutes les façons, avec le minimum de contrariétés pour les Français » ; se garder très soigneusement d'entrer en contact avec des groupements politiques français ; continuer la lutte de ses prédécesseurs (ses aînés en 1942 : Benjamin Cowburn, ...) ; ne pas perdre son temps à faire du renseignement.
Deuxième phase (-). À l'automne 1943, alors que l'action devient de plus en plus nécessaire, il devient très difficile à Maurice Southgate de faire du recrutement nouveau parmi les Français ne faisant pas déjà partie d'une organisation française à tendance plus ou moins politique. Il est toujours mis en face de l'AS ou des FTP. Très ennuyé par cette situation vraiment sérieuse, Maurice Southgate rentre à Londres mi-, pour s'expliquer et solliciter de nouvelles instructions. Pendant son absence, Amédée Maingard et Pearl Witherington poursuivent l'action sur le terrain.
Troisième phase (février-). Après trois mois passés à Londres, lorsqu'il revient en France fin , Maurice Southgate est muni de nouvelles instructions lui demandant d'organiser des maquis en prévision du débarquement, et de faire passer le sabotage au second plan.
Période d'activité
- Durée : 15 mois.
- Début : , date du premier parachutage de Maurice Southgate.
- Fin : , date de l'arrestation de Maurice Southgate.
Protagonistes
Responsables
L'équipe de direction du réseau était constituée des officiers venant de Londres :
- Maurice Southgate, alias Hector—STATIONER, chef du réseau (organisateur).
- Amédée Maingard, alias Samuel—SHIPWRIGHT, opérateur radio du réseau du au ; puis second du réseau à partir du .
- Jacqueline Nearne, alias Jacqueline—DESIGNER, premier courrier du réseau du au .
- Pearl Witherington, alias Marie—WRESTLER, deuxième courrier du réseau à partir du .
- René Mathieu, alias Aimé—MANUFACTURER, opérateur radio du au .
- Pierre Mattéi, alias Gaétan—HUNTSMAN, premier expert Lysander chargé des terrains d'atterrissage du réseau, du jusqu'à son arrestation (vers) le .
- Alexandre Schwatschko, dit Albert Shaw, alias Olive—POLITICIAN, deuxième expert Lysander, à partir du .
Sur les indications de Benjamin Cowburn, Maurice Southgate s'appuie sur deux chefs de secteur en partageant sa zone d'influence (Châteauroux-Tarbes) en deux :
- Auguste Chantraine « Octave », au nord ; des groupes de vingt hommes sont constitués dans chacune des villes suivantes : Vierzon, Beauge [?], Villefranche-sur-Cher, Éguzon, La Souterraine, Argenton-sur-Creuse, Dun-le-Poëlier ;
- Charles Rechenmann « Julien », au sud ; des groupes de cinquante à cent hommes sont constitués dans chacune des villes suivantes : Pau, Tarbes, Lannemezan, Sarrancolin.
Agents
Le réseau a compté 47 agents P2 et P1, se répartissant comme suit :
- 30 agents P2 ;
- 17 agents P1 ;
Il y eut aussi x agents O (occasionnels).
Secteur géographique
Indre, Vienne, Charente, Dordogne, Corrèze, Haute-Vienne, Creuse, Allier, Puy-de-Dôme, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées, Gers.
Réalisations
Sabotages
Le réseau STATIONER réalisa les sabotages suivants :
- une usine d'aluminium à Lannemezan le ;
- l'usine Hispano-Suiza à Tarbes (destruction de 3 transformateurs le ; de nouveau le ; ) ;
- les ateliers Reyrode, en ;
- la SNCA à Châteauroux en (destruction de 5 avions) ;
- l'usine Gnome et Rhône à Limoges, fin ;
- les ateliers Chartoir à Clermont-Ferrand, le ;
- la sous-station de Bersac, fin ;
- deux pylônes, à Dun-le-Poëlier ;
- plusieurs pylônes entre Vierzon et Pau, en ;
- un barrage à Éguzon ;
- l'arsenal de Tulle, en ;
- l'arsenal de Tarbes, le ;
- un château d'eau, à Ussel, le ;
- une aciérie aux Ancizes, le ;
- 27 camions, à Bersac, en ;
- une grue à Brive-la-Gaillarde, en ;
- une grue à Tulle, en ;
- une usine d'oxygène liquide, à Massiac, le ;
- les usines Michelin, à Clermont-Ferrand, en ;
- 100 locomotives.
Parachutages de matériel
Le réseau STATIONER organisa 44 parachutages, dont le tableau suivant donne le détail[1] :
Année Mois parachutages containers paquets 1943 avril 2 4 2 mai 2 10 2 juillet 2 15 3 août 5 30 9 septembre 2 30 5 octobre 2 21 5 novembre 1 3 1 1944 janvier 1 15 6 février 2 1 9 mars 7 85 12 avril 18 252 103 Total 44 466 257
Réceptions d'agents
En , le réseau STATIONER réceptionna seize chefs de réseau et opérateurs radio, envoyés pour jouer un rôle après le D-day derrière la ligne de front de Normandie, notamment :
- Philippe de Vomécourt « Antoine », envoyé comme chef du réseau VENTRILOQUIST dans le Loir-et-Cher ;
- Sydney Hudson « Albin », envoyé comme chef du réseau HEADMASTER dans la Sarthe ;
- George Wilkinson « Étienne », envoyé chef du réseau HISTORIAN dans le Loiret
- Paul Sarrette « Louis », envoyé pour former un groupe à Tours [problème de date à vérifier];
- Charles Corbin « Allyre », envoyé comme chef du réseau CARVER à Angoulême
- Lise de Baissac, envoyée comme membre du réseau PIMENTO à Lyon.
Liaisons radio avec Londres
Amédée Maingard est le premier opérateur radio du réseau. Dès son arrivée sur le terrain en , il s'installe à Châteauroux, d'où il émettra plus de 200 messages vers la section F à Londres. En , le réseau dispose de cinq opérateurs, dont deux français, recrutés localement et entraînés par Amédée Maingard, dont le principal est Pierre Hirsch, alias « Popaul ». En 1944, lorsqu'Amédée Maingard devient le second du réseau, Londres envoie René Mathieu comme opérateur radio. Ce dernier est arrêté le 1er mai en même temps que Maurice Southgate
Hébergement
- Chez Madeleine L'Hospitalier, 16, rue de Rimard, Montluçon (Allier).
- Chez Pierre et Marguerite Néraud, 37, rue de Blatin, Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).
- Chez Auguste Chantraine, Le Cerisier, Tendu (Indre).
- Chez Pilar Alvarez, 28, place Marcadieu, Tarbes (Hautes-Pyrénées).
Soutien aux maquis
[texte repris de Noguères[2]] Le , le chef régional des FFI d'Auvergne, le colonel Émile Coulaudon « Gaspard » établit le contact avec Maurice Southgate, à Montluçon. Au cours de l'entretien, « Gaspard » essaye de « vendre » à Southgate le plan « Caïman » dont il connaît, à défaut du nom, les grandes lignes, que l'on appelle déjà le plan Kœnig et qui consiste à créer trois réduits, l'un au mont Mouchet dans les monts de la Margeride où se trouvera l'état-major régional, le second dans la région de Chaudes-Aigues et le troisième au Lioran. Ce plan, il semble que « Gaspard » n'en connaisse que les grandes lignes. Il ignore qu'il est mis en sommeil... et surtout il ne peut deviner le refus qui lui sera finalement opposé par les Alliés - en fait par Roosevelt. Aussi ne cache-t-il pas son adhésion enthousiaste. Refus que Southgate n'imagine pas davantage.
[Dans ce récit : Philippe est un pseudo de Maurice Southgate et Gaspard un pseudo d'Émile Coulaudon]
Le , Jean Villechenon « Vincent » conduit Émile Coulaudon et Antoine Llorca chez Mme Lhospitalier dont la maison est sûre. Ils rencontrent le major Southgate, chef du réseau STATIONER. L'entrevue est plus importante qu'il ne le semble au premier abord, car pour la première fois un haut responsable de la Résistance en Auvergne rencontre un membre de premier plan des réseaux britanniques. Le contact s'effectue donc entre ceux qui luttent de l'intérieur et ceux qui harcèlent l'occupant de l'extérieur. Certes Philippe cherchait à entrer en relations avec Gaspard depuis plusieurs mois, mais la violente offensive des forces de police l'en avait jusqu'ici empêché. Le dialogue s'engage :
Philippe — « Combien d'hommes la Résistance d'Auvergne peut-elle mettre actuellement à la disposition des Alliés dans un réduit pour fixer le maximum de troupes allemandes au moment du débarquement ? »
Gaspard — « Au moins 4 000. »
Gaspard expose alors à Philippe un plan qui vise à concentrer dans une partie de l'Auvergne des hommes susceptibles de recevoir des troupes alliées, de l'armement et même de protéger un élément de gouvernement.
Philippe — « Où ? »
Gaspard — « Dans la Margeride, tête de pont déserte. »
Il songe alors à cette masse de volontaires que la répression oblige à partir au maquis et se demande s'ils pourront tenir jusqu'au bout. S'il sera possible d'armer la dizaine de milliers de résistants des villes et des campagnes et de les protéger contre les rafles, les déportations et en fin de compte de l'extermination.
Gaspard — « Si je vous apporte des hommes, aurai-je l'appui des Anglais ? »
Philippe — « De combien d'hommes disposez-vous ? »
Gaspard — « Dix mille hommes pour l'ensemble des quatre départements »
Philippe — « Pensez-vous pouvoir « tenir » quelques jours cette zone et en contrôler les routes d'accès ? »
Gaspard — « Oui, sous réserve de recevoir l'armement nécessaire. »
Philippe — « Dans ce cas, nous vous parachuterons là des armes semi-lourdes et aussi des commandos susceptibles d'encadrer vos Corps francs... »
Philippe est convaincu de la solidité du réduit que peuvent constituer au cœur du Massif central les maquis d'Auvergne et promet à Gaspard de faire venir une mission qui lui fournira tout ce dont il aura besoin.
Gaspard, qui depuis fin 1943 avait entendu parler de ce plan, cherche à connaître la date du débarquement mais n'obtient pas de précisions. Il reprend, mentalement, l'idée d'une tête de pont dans le Centre de la France, projet déjà envisagé par l'armée d'armistice et plus récemment formulée par le général Revers. L'accord est alors conclu et Philippe rédige pour Londres un long message expliquant l'importance du mouvement en insistant sur l'urgence d'envoi d'armes, de munitions et même de cadres entraînés au combat, au maniement d'armes nouvelles. Mais le gouvernement anglais adoptera-t-il ce point de vue ?
Gaspard sort de l'entretien convaincu que ce plan emportera l'adhésion des Alliés. De même qu'il a prévenu Philippe de la nécessité de passer par le général Kœnig pour faire parvenir les ordres. Gaspard insiste encore, en partant, pour que rien ne soit entrepris avant qu'il ait avisé ses camarades du Comité régional de Libération dont la réunion est prochaine.
Du Cantal les nouvelles sont bonnes ; le rendement des parachutages est jugé satisfaisant par Pyramide[4] le , au point qu'il demande l'envoi de « conserves, cigarettes, chocolat, savon » pour récompenser les comités de réception.
Southgate rédige aussitôt, pour ses chefs de Baker Street, un long message demandant tout l'appui nécessaire en armes, en munitions, en moyens de transmission et en personnel d'encadrement. « Gaspard », après avoir ainsi joué à l'apprenti sorcier, a toutefois formulé deux réserves : il a rappelé que, désormais, tout ce qui s'adresse à la Résistance française doit passer par l'état-major de Kœnig. Et, pour respecter les structures internes de la Résistance, il subordonne l'accord définitif à une très prochaine réunion du Comité Régional de Libération de R6. Le mois d'avril ne s'achève d'ailleurs pas sans qu'une première initiative prise par le SOE soit interprétée en Auvergne comme apportant la confirmation de l'accord Coulaudon-Southgate : c'est l'arrivée, dans la nuit du 28 au , des deux premiers éléments du réseau FREELANCE, le major John Hind Farmer « Hubert » et le lieutenant Nancy Fiocca-Wake « Hélène ». Le troisième membre de la mission, le capitaine Denis Rake « Roland » devant les rejoindre à la lune suivante. Quant au Comité Régional de Libération, il se réunit le .
Date :
Lieu : ferme du Boitout, Sainte-Marguerite (Haute-Loire), à 8 km de Paulhaguet
But : tenu secret aux participants ; en fait, il s'agit d'obtenir l'approbation des participants sur le plan « C ».
Participants. Toutes les organisations de Résistance de la région R6 représentées :
- Combat : Henry Ingrand, président de séance, et Émile Coulaudon, chef de l'Armée secrète
- Libération : Georges Canguilhem « Laffont »
- Franc-Tireur : Maurice Jouanneau « Gaston »
- Mouvement Ouvrier Français : Raymond Perrier
- Parti socialiste clandestin : Jean Butez « Amboise »
- Parti communiste clandestin : Pierre Girardot « Négro » (ou Roger Vallon)
- Front National : Charles Eldin « Charles » (ou Prunier)
- FTPF
- les maquis d'Auvergne : Robert Huguet « Prince », chef régional
- Allier : René Ribière « Vincent »
- Cantal : Jean Lépine (ou Pierre Couthon)
- Haute-Loire : Serge Zapalski « Gévolde ».
Le colonel Coulaudon, se fondant sur le plan « C » (alors en sommeil), qu'il décrit sommairement, déclare que, si ce plan était adopté, une concentration massive de volontaires sur les hauts plateaux du Cantal, assortie du contrôle de toutes les voies y donnant accès, permettrait un parachutage massif, tant en armes qu'en unités commandos et en cadres, au centre du réduit ainsi constitué ; il ajoute avoir reçu du major Southgate l'assurance que ce parachutage serait effectué ; il conclut enfin que, fort de cet appui, le réduit du Massif central constituerait une redoutable menace pour les Allemands. [...] Les prévisions permettent de penser que l'ordre de mobilisation apporterait un effectif de 10 000 à 15 000 hommes, à répartir dans les trois réduits. Ils seraient équipés et armés au fur et à mesure des ravitaillements aériens que faisaient escompter les promesses du major Southgate. Il ajoute que l'on peut évaluer à quelque 2 500 hommes l'importance des effectifs déjà armés en région 6. Enfin, il souligne par-dessus tout la gravité de la décision et l'obligation de la prendre à la majorité. Chacun devra appuyer l'ordre de mobilisation de manière à renforcer les maquis déjà rassemblés depuis le début d'avril, par les éléments sédentaires demeurés dans les fermes ou dans les villes.
L'instant est solennel : la décision sera capitale pour la Résistance d'Auvergne. Henry Ingrand pose alors à chacun des participants la question suivante : « Approuvez-vous le plan proposé ? Vous engagez-vous, au reçu de l'ordre de mobilisation à diriger sur les réduits qui vous seront désignés l'ensemble de vos effectifs ? » Approbation unanime.
Émile Coulaudon confirme que les cadres de chacun des réduits seront fournis par des officiers et des sous-officiers de l'armée ; il donne à chacun les ordres pour la mise au point des diverses phases d'exécution ; il en souligne l'urgence, car le débarquement est attendu dans la deuxième quinzaine de mai ou dans la première de juin.
Il est 14 heures environ lorsque les participants quittent la ferme du Boitout pour regagner leurs postes.
Suite des activités
Après l'arrestation de son chef, les activités du réseau ont été reprises par ses lieutenants, qui se sont partagé les secteurs, avec de nouveaux noms de réseaux :
- Amédée Maingard « Samuel », assisté des frères Jacques et Pierre Hirsch, reprit le secteur ouest (Poitou) : ce fut le réseau SHIPWRIGHT ;
- Pearl Witherington « Pauline »[6] reprit le nord-Indre : ce fut le réseau WRESTLER ;
- X au sud (Pyrénées, Aquitaine).
De plus, juste après le débarquement en Normandie, l'équipe du réseau SALESMAN fut parachutée pour prendre le secteur de la Haute-Vienne. Elle était composée de Philippe Liewer, chef de réseau, Violette Szabo, courrier, Bob Maloubier, saboteur et Jean-Claude Guiet, opérateur radio.
Liquidation
- Nom du liquidateur, après la guerre : Maurice Southgate
Bibliographie
- Lt. Col. E.G. Boxshall, Chronology of SOE operations with the resistance in France during world war II, 1960, document dactylographié (exemplaire en provenance de la bibliothèque de Pearl Witherington-Cornioley, consultable à la bibliothèque de Valençay). Voir sheet 30, STATIONER CIRCUIT.
- Henri Noguères, Histoire de la Résistance en France de 1940 à 1945, Crémille et Famot, 1982.
Annexes
Sources et liens externes
- Archives SHD
- Boxshall
- Noguères
Notes
- Source : Boxshall.
- Noguères, p. 264-269
- Source Gilles Lévy et Francis Cordet, p. 171-172.
- « Pyramide » est le pseudo d'Alexandre de Courson de la Villeneuve, délégué militaire régional (R6).
- Source Gilles Lévy, cité par : Noguères, p. 268-269.
- C'est à ce moment-là que Pearl Witherington changea son nom de guerre de « Marie » en « Pauline »
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