La coloration de Gram est une méthode rapide qui permet de caractériser la présence de bactéries sur des échantillons de tissus cellulaires et de distinguer les bactéries à Gram positif des bactéries à Gram négatif en se basant sur les propriétés chimiques et physiques de leurs parois [1] . La coloration de Gram est presque toujours la première étape du diagnostic d'une infection bactérienne. La coloration de Gram doit son nom au scientifique danois Hans Christian Gram (1853 – 1938), qui a mis au point cette technique en 1882 et qui l'a publiée en 1884 pour permettre de distinguer deux types de bactéries ayant des symptômes cliniques similaires : « Streptococcus pneumoniae » (dit aussi pneumocoque) et la bactérie « Klebsiella pneumoniae [2]  ».

Partie 1
Partie 1 sur 3:
Préparer la lame

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    Préparez le laboratoire. Mettez des gants et attachez vos cheveux s'ils sont longs pour limiter le risque de contamination de l'échantillon que vous testez. Désinfectez une zone de travail sous une hotte ou dans une zone bien ventilée. Assurez-vous que le bec Bunsen et le microscope sont opérationnels avant de commencer.
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    Stérilisez une lame de microscope. Si elle est sale, lavez-la dans de l'eau savonneuse pour enlever les traces apparentes. Désinfectez ensuite la lame à l'éthanol, au lave-vitre ou selon toute autre méthode appliquée dans votre laboratoire.
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    Placez l'échantillon sur la lame. Vous pouvez utiliser la coloration de Gram pour identifier des bactéries issues de prélèvements médicaux ou des bactéries cultivées en boite de Petri. Pour que la coloration de Gram soit exploitable, utilisez une « fine » couche de l'échantillon. Un échantillon récent (moins de 24 h) est recommandé, des bactéries plus « vieilles » peuvent avoir endommagé les parois cellulaires, ce qui est de nature à fausser les résultats de la coloration de Gram.
    • Si vous utilisez un échantillon issu d'un prélèvement biologique, ajoutez une ou deux gouttes sur la lame. Répartissez-les en une couche mince sur toute la surface de la lame avec le bord d'une autre lame stérilisée. Laissez sécher à l'air libre avant de poursuivre.
    • Si vous utilisez des bactéries cultivées en boite de Petri, faites rougir une anse d'inoculation à la flamme du bec Bunsen afin de la stériliser. Une fois refroidie, utilisez-la pour placer une goutte d'eau distillée stérile sur la lame, puis stérilisez et laissez de nouveau refroidir l'anse d'inoculation pour prendre un petit échantillon de bactérie et le mélanger délicatement à la goutte d'eau déposée sur la lame [3] .
    • Les bactéries déjà en solution doivent être passées au mélangeur magnétique, puis placées sur la lame à l'aide de l'anse d'inoculation, sans qu'il soit nécessaire d'ajouter de l'eau [4] .
    • Si votre échantillon est sur un coton (type coton-tige) faites-le rouler délicatement sur la lame [5] .
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    Fixez à la chaleur. La chaleur va fixer les bactéries à la lame, de telle sorte qu'elles ne soient pas éliminées lors de la coloration. Passez rapidement la lame dans la flamme du bec Bunsen à deux ou trois reprises ou chauffez-la sur le dessus d'un chauffe-lame électrique. Ne la chauffez pas trop, les échantillons pourraient s'en trouver faussés. Si vous utilisez un bec Bunsen, la flamme doit être petite et bleue et non une haute flamme orange [6] .
    • Les bactéries peuvent aussi être fixées au méthanol, en ajoutant une ou deux gouttes de méthanol à l'échantillon une fois sec et en laissant la préparation sécher sur la lame. Cette méthode minimise les dommages aux cellules hôtes et permet d'avoir une vision plus claire des bactéries qui s'y sont développées.
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    Placez la lame sur un bac de coloration. Un bac de coloration est un bac peu profond en métal, en verre ou en plastique surmonté d'une petite grille ou d'un support permettant d'y placer la lame tout en laissant le liquide utilisé pour la coloration s'écouler dans le bac.
    • Si vous n'avez pas de bac à coloration, la lame peut être placée sur un bac à glaçons en plastique.
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Partie 2
Partie 2 sur 3:
Réaliser la coloration

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    Versez du cristal violet sur la lame préparée. À l'aide d'une pipette, déposez quelques gouttes de cristal violet (colorant parfois appelé violet de gentiane). Attendez 30 à 60 secondes. Le cristal violet (CV) plongé dans une solution aqueuse se dissocie en ions CV+ et chloride (Cl-). Ces ions pénètrent la paroi et la membrane cellulaire des cellules tant à Gram positif qu'à Gram négatif. Les ions CV+ interagissent avec les particules des cellules bactériennes chargées négativement et colorent ces cellules en violet.
    • Beaucoup de laboratoires utilisent des cristaux violets de Hucker, qui comportent de l'oxalate d'ammonium afin d'éviter l'apparition d'un précipité.
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    Rincez doucement le cristal violet. Tapotez la lame et rincez-la à l'aide d'une pissette remplie d'eau distillée ou sous le robinet, en prenant soin de faire couler l'eau sur la lame de haut en bas, mais en évitant de diriger le jet d'eau directement sur l'échantillon. Ne rincez pas excessivement, cela risquerait d'emporter la coloration des bactéries à Gram positif.
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    Recouvrez le frottis d'iode (sous forme de solution de Lugol ou de bétadine dermique) et rincez. Utilisez une pipette pour verser la solution iodée, laissez reposer au moins une minute et rincez précautionneusement suivant la même méthode que précédemment [7] . L'iode, chargé négativement, se combine avec CV+ pour former une grosse molécule au sein des couches internes et externes de la cellule. Ceci piège la couleur du cristal violet dans la cellule.
    • L'iode est caustique. Évitez toute inhalation, ingestion ou contact avec la peau.
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    Versez un décolorant et rincez-le aussitôt. À 1:1, un mélange d'acétone et d'éthanol est généralement utilisé pour cette étape essentielle, qui doit faire l'objet d'un minutage précis. Tenez la lame inclinée et versez le décolorant jusqu'à ce que le filet qui s'écoule reste clair, sans coloration violette. Cela doit en principe prendre dix secondes maximum, parfois nettement moins suivant la concentration du mélange alcool-acétone. Arrêtez immédiatement, sinon le décolorant risque d'enlever toute la coloration violette des cellules à Gram positif et de celles à Gram négatif, il faudrait alors reprendre la coloration depuis le début. Rincez immédiatement le décolorant resté sur la lame, suivant la technique décrite plus haut.
    • De l'acétone pure (à 95 % et plus) peut être utilisée à la place de la solution d'alcool et d'acétone. Plus il y a d'acétone dans la solution, plus rapide sera la décoloration et plus le timing devra être précis.
    • Si vous rencontrez des difficultés dans le timing de cette étape, essayez d'ajouter le colorant au goutte-à-goutte.
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    Versez un recolorant sur le frottis puis rincez-le. Un recolorant, le plus souvent de la safranine ou de la fuchsine, est utilisé pour renforcer le contraste entre les bactéries à Gram négatif et celles à Gram positif en teintant les bactéries décolorées (à Gram négatif) en rose ou en rouge [8] [9] . Laissez le recolorant sur la lame au moins pendant 45 secondes puis rincez-le [10] .
    • La fuchsine teinte de nombreuses bactéries à Gram négatif (par exemple les bactéries Haemophilus et les légionelles) d'une couleur particulièrement soutenue. De ce fait, elle est particulièrement recommandable pour les débutants.
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    Séchez la lame. Vous pouvez la laisser sécher à l'air libre ou avec du papier absorbant prévu à cet effet [11] . La coloration de Gram est maintenant complète.
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Partie 3
Partie 3 sur 3:
Analyser la coloration

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    Préparez le microscope optique. Placez la lame sous la lumière du microscope. La taille des bactéries est très variable, aussi le grossissement requis peut-il aller de x400 à x1 000 [12] . Pour les grossissements les plus importants, un objectif à immersion est conseillé. Mettez une goutte d'huile sur la lamelle, en évitant tout mouvement pendant l'application pour éviter la formation de bulles. Faites pivoter la tourelle jusqu'à ce que l'objectif soit en position, au contact de l'huile.
    • L'immersion dans une goutte d'huile ne peut être réalisée qu'avec un objectif conçu à cet usage et non avec un objectif ordinaire.
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    Distinguez les bactéries à Gram positif des bactéries à Gram négatif. Examinez la lame au microscope optique. Les bactéries à Gram positif apparaissent violettes, le cristal violet étant piègé au sein de leurs parois cellulaires épaisses, alors que les bactéries à Gram négatif apparaissent roses ou rouges, le cristal violet étant passé à travers leurs fines parois cellulaires et le recolorant rose les ayant pénétrées.
    • Si l'échantillon est trop épais, vous risquez d'obtenir de faux résultats positifs. Réalisez une coloration si toutes les bactéries sont à Gram positif afin de vous assurer que le résultat est correct.
    • Si la décoloration a duré trop longtemps, vous risquez d'obtenir de faux résultats positifs. Réalisez une nouvelle coloration sur un nouvel échantillon si toutes les bactéries apparaissent comme étant à Gram négatif, afin de vous assurer de l'exactitude de vos résultats.
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    Comparez aux images de référence. Si vous n'êtes pas surs de pouvoir identifier une bactérie, consultez une base de données d'imagerie de référence, classée par forme et par réaction à la coloration de Gram. De telles bases de données sont consultables sur Internet, par exemple sur ces sites : National Microbial Pathogen Database, Bacteria in Photos. Pour rendre l'identification plus facile, des exemples de bactéries courantes ou significatives dans l'élaboration d'un diagnostic sont classés ci-dessous par forme et par réaction à la coloration de Gram.
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    Identifiez les bactéries à Gram positif grâce à leur forme. Les bactéries sont classées en fonction de leur apparence sous le microscope, généralement en coccus (rondes ou à coque) ou en bâtonnets (cylindriques). Voici quelques bactéries à Gram positif (colorées en violet) classées en fonction de leur forme :
    • les coccus à Gram positif sont en général soit des staphylocoques (quand ils sont en grappe) soit des streptocoques (quand ils sont en chaine),
    • les bactéries à Gram positif en bâtonnets comprennent les bacilles, les clostridiums, les coryneformes et les listeras [13] .
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    Identifiez les bactéries à Gram négatif. Les bactéries à Gram négatif (colorées en rose) sont en général classées suivant trois groupes. Les coccus sont des bactéries sphériques, les bâtonnets sont de longues bactéries fines, les bâtonnets à coque (ovales) sont une catégorie intermédiaire.
    • Les coccus à Gram négatif sont le plus souvent des Neisserias.
    • Les bactéries en bâtonnets à Gram négatif comprennent E. coli, Enterobacter, Klebsiella, Citrobacter, Serratia, Protéus, Salmonella, Shigella, Pseudomonas et de nombreuses autres. Le bacille Vibrio cholerae peut apparaitre sous la forme de bâtonnets classiques ou bien courbés [14] .
    • Les bactéries ovales à Gram négatif (ou « coccobacilles ») comprennent le Bordetella, la Brucella, l'Haemophilus et la Pasteurella.
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    Interprétez les résultats ambigus. La coloration est peu marquée sur certaines bactéries, en raison de la fragilité de leurs parois cellulaires. On peut parfois rencontrer un mélange de violet et de rose au sein de mêmes cellules ou parmi différentes cellules issues d'un même échantillon. Ceci peut indiquer que l'échantillon est trop ancien (plus de 24 heures), mais certaines espèces de bactéries sont difficiles à caractériser, quel que soit leur âge. Ceci peut requérir des tests plus spécifiques pour réduire le nombre d'hypothèses, telles que la coloration de Ziehl Neelsen, l'observation de la croissance en culture, les tests à la gélose TSI et les tests génétiques.
    • LesActinomyces, Arthobacter, Corynebacterium, Mycobacterium et Propionibacterium sont considérées comme des bactéries à Gram positif, mais apparaissent souvent colorées de façon non concluante.
    • Les bactéries petites et fines telles que les tréponèmes, les Chlamydias et les Rickettsiasont difficiles à colorer correctement.
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    Éliminez les déchets. Les procédures relatives à l'élimination des déchets sont susceptibles de varier, suivant les laboratoires et suivant le matériel et les produits utilisés. En principe, le liquide dans le bac à coloration est jeté dans des bouteilles fermées destinées aux déchets dangereux ou contaminants. Les lames sont passées à l'eau de javel à 10 % et jetées dans une poubelle pour objets tranchants.
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Conseils

  • La pertinence du résultat de la coloration dépend largement de la qualité de l'échantillon analysé : il est fondamental d'enseigner aux patients comment fournir des échantillons exploitables (par exemple la différence entre un crachat et des glaires provenant d'une toux grasse).
  • L'éthanol agit plus lentement que l'acétone comme décolorant.
  • Respectez les mesures de sécurité normales pour un travail en laboratoire.
  • Entrainez-vous avec un échantillon prélevé sur l'intérieur de la joue, qui comporte en principe des bactéries à Gram positif et des bactéries à Gram négatif. Si vous ne voyez des bactéries que d'un seul type, il est probable que vous utilisiez trop ou trop peu de décolorant [15] .
  • Vous pouvez utiliser une pince à linge en bois pour manipuler les lames de microscope [16] .
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Avertissements

  • L'acétone et l'éthanol sont inflammables. L'acétone enlève la fine couche de graisse qui recouvre vos mains, les rendant plus perméables aux autres produits chimiques. Portez des gants et utilisez l'acétone avec précaution.
  • Ne laissez pas le frottis sécher avant d'avoir rincé le colorant ou le décolorant [17] .
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Éléments nécessaires

  • Un échantillon de tissu cellulaire
  • Une lame de microscope en verre
  • Une pipette
  • Un bec Bunsen, un chauffe-lame ou un bruleur au méthanol
  • De l'eau
  • Du cristal violet
  • De l'iode
  • Un décolorant tel que de l'alcool ou de l'acétone
  • De la safranine

Références

  1. Bergey, David H.;John G. Holt;Noel R. Krieg;Peter H.A. Sneath (1994). Bergey's Manual of Determinative Bacteriology (9th ed.). Lippincott Williams & Wilkins.
  2. Gram, HC (1884). « Über die isolierte Färbung der Schizomyceten in Schnitt- und Trockenpräparaten » (in German). Fortschritte der Medizin 2 : 185–9.
  3. http://amrita.vlab.co.in/?sub=3&brch=73&sim=208&cnt=2
  4. http://www.austincc.edu/microbugz/gram_stain.php
  5. http://amrita.vlab.co.in/?sub=3&brch=73&sim=208&cnt=2
  6. http://amrita.vlab.co.in/?sub=3&brch=73&sim=208&cnt=2
  7. http://amrita.vlab.co.in/?sub=3&brch=73&sim=208&cnt=2
  8. Beveridge TJ, Davies JA (November 1983). « Cellular responses of Bacillus subtilis and Escherichia coli to the Gram stain ». Journal of bacteriology 156 (2) : 846–58.
  9. Davies JA, Anderson GK, Beveridge TJ, Clark HC (November 1983). « Chemical mechanism of the Gram stain and synthesis of a new electron-opaque marker for electron microscopy which replaces the iodine mordant of the stain ». Journal of bacteriology 156 (2) : 837–45.

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Catégories: Médecine humaine
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