Mont Blanc

Le mont Blanc (en italien : Monte Bianco), dans le massif du Mont-Blanc, est le point culminant de la chaîne des Alpes. Avec une altitude de 4 808 mètres, il est le plus haut sommet d'Europe occidentale et le sixième sur le plan continental en prenant en compte les montagnes du Caucase, dont l'Elbrouz (5 642 mètres) est le plus haut sommet. Il se situe sur la frontière franco-italienne, entre le département de la Haute-Savoie (en France) et la région autonome de la Vallée d'Aoste (en Italie) ; cette frontière est l'objet d'un litige historique entre les deux pays.

Pour les articles homonymes, voir Mont Blanc (homonymie).

Mont Blanc

Vue du versant sud-ouest du mont Blanc en hiver depuis Valmorel en Tarentaise.
Géographie
Altitude 4 807,8 m[1]
Massif Massif du Mont-Blanc (Alpes)
Coordonnées 45° 49′ 57″ nord, 6° 51′ 53″ est[2]
Administration
Pays France
Italie
Région
Région à statut spécial
Auvergne-Rhône-Alpes
Vallée d'Aoste
Département
Unité de communes
Haute-Savoie
Valdigne - Mont-Blanc
Ascension
Première par Jacques Balmat et Michel Paccard
Voie la plus facile Voie normale depuis le refuge du Goûter (difficulté PD[3])
Géologie
Âge 30 millions d'années
Roches Granite, gneiss
Type Pic pyramidal
Géolocalisation sur la carte : France
Géolocalisation sur la carte : Italie
Géolocalisation sur la carte : Haute-Savoie
Géolocalisation sur la carte : Vallée d'Aoste

Le sommet, objet de fascination dans de nombreuses œuvres culturelles, a depuis plusieurs siècles représenté un objectif pour toutes sortes d'aventuriers, depuis sa première ascension en 1786. De nombreux itinéraires fréquentés permettent désormais de le gravir avec une préparation sérieuse. Afin de déterminer son altitude précise et quantifier l'évolution de celle-ci, des géomètres experts font l'ascension périodiquement. La dernière mesure connue, en 2021, est de 4 807,8 mètres.

Toponymie

La première mention du « mont Blanc » daterait de 1685, avec la première mesure géodésique par le géomètre et astronome genevois Nicolas Fatio et son frère Jean-Christophe, qui donne un calcul de l'altitude de la montagne (2 426 toises, soit 4 728 m)[4],[5]. Toutefois, il utilise l'oronyme « montagne Maudite »[4]. Comme le rappelle l'historienne Thérèse Leguay « pendant longtemps la haute montagne [est] source d'épouvante »[6], d'où cette expression pour désigner ce haut sommet enneigé.

Le sommet n'est jamais clairement nommé dans les différents écrits ou cartes des XVIe et XVIIe siècles[7]. Dans son ouvrage Les glaciers du Mont-Blanc, le glaciologue Robert Vivian établit une chronologie des différentes représentations cartographiques ou citations de la montagne, par exemple dans la Descrittione del Ducato di Savoia novamente posto in luce in Venetia, l'anno MDLXII (1562)[7]. Une mention plus précise est présente dans un ouvrage du conseiller du duc de Savoie, Emmanuel-Philibert de Pingon (Inclytorum Saxoniae, Sabaudiaeque principum arbor gentilitia), en 1581, et présentant les différents éléments des provinces du duché de Savoie[7]. Dans la partie consacrée à la province du Faucigny, la montagne est désignée par « Glaciales Montes »[7].

Quelques années plus tard, une « carte du Faucigny » est réalisée par Jean de Beins (v. 1600), où l'ingénieur militaire français mentionne une « montagne Maudite »[7], parfois de « Mont-Mallet »[8]. Dans les productions suivantes, la montagne est désignée par l'abréviation « la Mont. Maudite », puis « la Mont Maudite » (sans le point)[7]. Le travail cartographique de l'ingénieur militaire et cartographe piémontais Giovanni Tomaso Borgonio pour le Theatrum Statuum Sabaudiæ, en 1682, et des représentations au 1/190 000, mentionne : « Dans le Faucigny, on dit seulement qu’il y a des montagnes d’une prodigieuse hauteur (…) c’est là où est celle (…) que les habitants appellent la montagne Maudite parce qu’elle est toujours couverte de neige et de glace. »[7],[9]. On trouve aussi parfois la mention « les Glacières » localisant l'ensemble de la montagne[7].

L'oronyme de la montagne devient « mont Blanc » sur les croquis dressées en 1742[4],[10],[11] par le naturaliste genevois Pierre Martel[8]. Le Dictionnaire historique et géographique portatif de l'Italie, paru en 1775 à Paris, possède d'ailleurs une entrée pour le mont Blanc précisant les différentes appellations avec en premier nom « Monte Maledetto, Mont Maudit, ou Mont Blanc, appelé aussi les Glacières »[12]. Un des sommets du massif, le mont Maudit, conserve cette dénomination. La première carte à proprement parler à faire figurer le nom du mont Blanc est celle de Suisse établie par le Britannique William Faden en 1778[11].

Géographie

Situation

Carte topographique du mont Blanc.
Vue aérienne du mont Blanc et des sommets voisins depuis l'ouest.

Le mont Blanc est situé entre le Sud-Est de la France, dans la région Auvergne-Rhône-Alpes et le département de la Haute-Savoie, et le Nord-Ouest de l'Italie, dans la région à statut spécial de la Vallée d'Aoste. Le tracé exact de la frontière est l'objet d'une controverse. La montagne s'étend sur les territoires des communes de Chamonix-Mont-Blanc et de Courmayeur, son sommet est à environ dix kilomètres au sud du bourg de la première et à la même distance au nord-ouest du bourg de la seconde ; la partie revendiquée par la France au sud de la ligne de partage des eaux traversant le sommet constituerait une enclave de la commune de Saint-Gervais-les-Bains[2]. Aoste est à 37 kilomètres à l'est-sud-est, Genève à 70 kilomètres au nord-ouest, Turin à plus de cent kilomètres au sud-est, Grenoble à 115 kilomètres et Lyon à plus de 150 kilomètres à l'ouest.

Le sommet s'élève à 4 808 mètres[1] au cœur du massif du Mont-Blanc et constitue le point culminant de la chaîne des Alpes. C'est également le plus haut sommet d'Europe de l'Ouest[13], ce qui lui vaut le surnom de « toit de l'Europe ». Cependant, si l'on considère que ce continent s'étend jusqu'au Caucase[14], alors cinq sommets principaux  de plus de cinq cents mètres de proéminence  le dépassent au nord ou sur la ligne principale de partage des eaux entre les territoires russes et géorgiens : l'Elbrouz qui culmine à 5 642 mètres[15], le Dykh-Taou à 5 205 mètres, le Chkhara à 5 193 mètres, le Kochtan-Taou à 5 150 mètres et le mont Kazbek à 5 147 mètres. Par sa hauteur de culminance de 4 696 mètres[16] par rapport au canal Volga-Baltique à 113 mètres d'altitude en Russie[17], il arrive juste derrière l'Elbrouz (4 741 m[18]) en Europe et en 11e position mondiale des sommets ultra proéminents.

Le mont Blanc domine notamment le mont Maudit (4 465 m) et l'aiguille du Midi (3 842 m) au nord-nord-est, les Grandes Jorasses (4 208 m) à l'est-nord-est, le mont Blanc de Courmayeur (4 748 m) au sud-est et le dôme du Goûter (4 304 m) au nord-ouest[2]. Il est à cheval sur la vallée de l'Arve au nord et le val Vény au sud[2].

Vue du lac Léman et, en arrière-plan, des Alpes de Haute-Savoie avec le mont Blanc au centre, depuis la Barillette.
Vue du mont Blanc depuis l'Ouest lyonnais en été.

Le panorama théorique, dépendant du relief et de la courbure terrestre mais pas des phénomènes de réfraction, porte depuis le sommet du mont Blanc sur six massifs : le Massif central (montagne d'Aulas et mont Aigoual dans le sud des Cévennes à 326 et 321 km, pic Cassini au mont Lozère à 286 km, mont Mézenc à 233 km, mont Mouchet dans la Margeride à 289 km, crêt de la Perdrix dans le Pilat à 185 km, puy du Rocher et puy de Peyre-Arse dans les monts du Cantal à 332 et 335 km, monts du Lyonnais à 185 km, Pierre-sur-Haute et puy de Montoncel dans les monts du Forez à 239 et 247 km, puy de Dôme dans la chaîne des Puys à 304 km, mont Saint-Cyr dans le Mâconnais à 197 km), le Morvan (Haut-Folin à 253 km, Tureau des Grands-Bois à 258 km), le Jura, les Vosges (Grand Ballon à 231 km), la Forêt-Noire (Belchen à 233 km, Feldberg à 243 km) et les Apennins (mont Penice à 225 km, mont Ragola à 252 km, mont Ebro à 221 km)[19]. Cependant, il n'est pas toujours évident de distinguer les massifs les plus lointains, même par temps ensoleillé. La pollution émise dans les plaines, conjuguée à l'absence de vent, peut réduire la visibilité à 100 km.

Vue panoramique annotée depuis le mont Blanc.

Topographie

Vue du mont Blanc, du mont Maudit et du mont Blanc du Tacul depuis le glacier du Géant.

Le sommet du mont Blanc est recouvert par un dôme de neige allongé grossièrement d'ouest en est, alors que ses versants forment une pyramide dont les faces sont orientées au nord, au sud-ouest et au sud-est. Le versant septentrional présente un dénivelé de 3 800 mètres avec la vallée de l'Arve. Il alimente principalement le glacier des Bossons ; le glacier de Taconnaz naît entre l'aiguille du Goûter et le dôme du Goûter, sur l'arête nord-ouest du mont Blanc. Les versants sud-ouest et sud-est, plus rocheux, présentent un dénivelé maximal de 3 300 mètres avec le val Vény un peu en amont de la frazione d'Entrèves. Ils alimentent, d'ouest en est, le glacier du Dôme et le glacier du Mont-Blanc qui s'épanchent tous deux vers le glacier du Miage, le glacier du Brouillard et le glacier de Frêney qui naissent en contrebas du sommet et ne confluent plus jusqu'au fond de la vallée, et enfin le glacier de la Brenva[2].

Panorama depuis le mont Blanc
vue à 360°

Depuis 1863, à la suite du lever topographique du capitaine Jean-Joseph Mieulet, l'altitude officielle du plus haut sommet des Alpes a longtemps été de 4 807 mètres (altitude ellipsoïdale géopotentielle), même si elle a été affinée à 4 807,20 mètres par nivellement trigonométrique entre 1892 et 1894 par les cousins Henri et Joseph Vallot[11]. Plusieurs campagnes de mesures ont été conduites depuis (la définition de l'altitude ayant évolué, ainsi que les techniques de mesures), concluant à une altitude comprise entre 4 807 mètres et 4 811 mètres[11],[20]. L'altitude donnée est toujours celle de l'épaisse couche neigeuse coiffant la cime. Du sommet jusqu'à mi-hauteur, il est recouvert de « neiges éternelles » (de 15 à 23 mètres d'épaisseur)[21]. La cime neigeuse se déplace aléatoirement d'année en année le long de l'arête sommitale, avec une amplitude mesurée de plus de près de 35 mètres[11]. Le sommet rocheux, lui, culmine à 4 792 mètres et il est décalé à l'ouest par rapport à la cime neigeuse ; ainsi, en 2004, il se trouvait, d'après des instruments radar et des carottages, à 40 mètres à l'ouest de cette dernière[22], mais ils sont en moyenne depuis 2001 plus éloignés[11].

Campagnes de mesures modernes

Animation représentant le mont Blanc en trois dimensions.

Alors qu'une restitution photogrammétique de l'IGN en 1980 avait confirmé l'altitude de 4 807 mètres, une mesure orthométrique par satellite en donne une altitude de 4 808,4 mètres[11]. À partir de 2001, la périodicité des mesures devient biennale et se base sur des mesures d'un partenariat formé de la Chambre départementale des géomètres-experts de la Haute-Savoie et de la société Leica Geosystems à l'aide du système GPS, encadrée par des guides de Chamonix et de Saint-Gervais, et un traitement géodésique de l'IGN[11]. La mesure faite cette année-là donne 4 810,40 mètres[11].

Mais après la canicule, une nouvelle mesure effectuée les 6 et , révèle une hauteur de 4 808,45 mètres avec une précision de 5 centimètres et un décalage de l'arête sommitale de 75 centimètres vers le nord-ouest par rapport à la campagne de 2001[11]. Lors de cette campagne 2003, les mesures de plus de 500 points de repère ont été prises, afin d'étudier le volume de neige de la calotte sommitale au-dessus de 4 000 mètres dans son ensemble et de la modéliser entièrement. Cependant, d'après le glaciologue Luc Moreau et Météo-France qui collaborent aux mesures, l'interprétation populaire selon laquelle la canicule est responsable de cette diminution de l'altitude est contestable car elle n'aurait pas entraîné de fonte significative des glaces au-dessus de 4 000 mètres d'altitude : il pourrait simplement s'agir d'un mouvement aléatoire de la calotte glaciaire sommitale, au gré des vents violents soufflant à cette altitude et des phénomènes d'accumulation de neige[23],[24]. Effectivement, à cette altitude, le thermomètre ne passe qu'exceptionnellement au-dessus de 0 °C et la température de la glace en profondeur reste constamment inférieure à −15 °C[11].

Vue de l'arête sommitale du mont Blanc en août 2007.

Lors de la campagne 2005, l'altitude du mont Blanc a été mesurée à 4 808,75 mètres, soit 30 cm de plus que la précédente mesure[11].

Lors de la quatrième campagne des 15 et , l'altitude du mont Blanc a été mesurée à 4 810,90 mètres, soit 2,15 mètres de plus que la précédente mesure[11],[25]. Le volume de neige a presque doublé depuis 2003, passant de 14 600 m3 à 24 100 m3[11].

Lors de la cinquième campagne réalisée en et qui s'inscrit par la même occasion dans la candidature d'Annecy aux Jeux olympiques d'hiver de 2018[26], la nouvelle altitude officielle est établie à 4 810,45 mètres[11],[26].

En , l'altitude est donnée après correction à 4 810,44 m[11],[27].

Lors de la campagne menée en , l'altitude est légèrement revue à la baisse à 4 810,06 m[27] puis finalement corrigée à 4 810,02 m un mois plus tard[11],[28].

En , l'expédition des géomètres établit l'altitude à 4 808,73 m[11],[29].

Vue aérienne du mont Blanc depuis 9 000 mètres d'altitude.

En , la campagne de mesure révèle une nouvelle altitude : 4 808,72 m[30].

En , la campagne de mesure révèle l'altitude de 4 806,03 m, la plus basse mesurée depuis 2001.

En 2021, deux mesures de précisions équivalentes ont été réalisées à quinze jours d'intervalle. La première par lidar héliporté de très haute densité a obtenu une altitude de 4 807,27 ± 0,1 m (2 σ)[31],[32], et la seconde par l'expédition alpiniste traditionnelle a obtenu une altitude de 4 807,8 ± 0,1 m[1]. Le sommet s'est déplacé en planimétrie de presque 13 m durant la période. En altimétrie compte tenu d'une méthodologie différente entre les deux techniques (croûte glacée par rapport à surface affleurante) la différence estimée, rapportée à la référence de surface affleurante est de presque un mètre. L'écart, qui peut sembler important, est cohérent avec les précipitations observées en vallée entre les deux mesures et les gradients avec l'altitude[33]. Cela amène à relativiser les conclusions qu'on peut tirer sur la série de mesures encore courte, et avec une capture des extremums saisonniers qui semble au mieux de précision métrique.

Géologie

Le mont Blanc est représentatif de la géologie du massif. Il correspond probablement au sommet de la voûte anticlinale formée par la surface de la pénéplaine antérieure au Trias[34],[35],[36]. Il se situe à la jonction entre deux masses rocheuses cristallines, constituées de gneiss à micaschistes du Dévonien à l'ouest et de granite datant du Carbonifère, et plus précisément du Pennsylvanien[37], à l'est ; le sommet lui-même, entièrement sous la neige, est très certainement constitué de gneiss[34],[38].

Climat

Les conditions météorologiques peuvent changer très rapidement (neige, brouillard). Au sommet, la vitesse du vent peut atteindre 150 km/h et la température −40 °C[13] (minimum absolu de −43 °C)[39]. Le vent renforce l'effet de froid (refroidissement éolien) : la température apparente chute de 10 °C tous les 15 km/h de vent[40]. Il peut contribuer à lui seul à l'échec d'une ascension, même par des professionnels.

À partir de 3 700 m environ, toutes les précipitations se font sous forme de neige. Ces dernières sont plus abondantes en été qu'en hiver, du fait que l'air froid ne contient pas beaucoup d'humidité. Le sommet peut connaître quelques journées de dégel dans l'année, notamment entre juillet et septembre, le maximum absolu étant de 9 °C)[39]. L'isotherme zéro degré peut dépasser les 5 000 m d'altitude.

Faune et flore

Chocard à bec jaune.

Dans les Alpes, les névés persistent au-delà de 2 800 mètres d'altitude. Les premières pentes du mont Blanc se situant vers 3 500 mètres, elles se trouvent donc au-delà de la limite de l'étage nival. Le manteau neigeux important et les conditions climatiques extrêmes rendent les conditions de vie des espèces végétales et animales presque impossibles.

Pourtant, aux altitudes les plus basses ou dans les creux de falaises abrités, certaines plantes arrivent à subsister comme la renoncule des glaciers que l'on trouve jusqu'à 4 000 mètres. Cependant, la flore se limite essentiellement à des mousses et lichens.

Les mammifères ne peuvent pas vivre dans les conditions décrites, contrairement à certaines espèces d'oiseaux : chocards à bec jaune, lagopèdes, accenteurs alpins et autres niverolles alpines.

Histoire

La montagne maudite

Le mont Blanc est en arrière-plan sur le tableau Vue générale de Bonneville peint par Turner.

Au XVIIe siècle, lors du petit âge glaciaire, des processions et exorcismes sont organisés afin de mettre fin à l'avancée de la Mer de Glace qui s'approche dangereusement de Chamouny[41]. Jusqu'au XVIIIe siècle, le massif inspire de la crainte aux habitants de la vallée et ses sommets ne sont parcourus que par quelques chasseurs de chamois et cristalliers[42].

Toutefois, il éveille la curiosité de la bourgeoisie genevoise[42]. Elle se rend au Môle, bien visible au sud-est de la ville, en présence d'Anglais, pour observer le mont Blanc de plus près[43]. Toutefois, en l'absence de cartes décrivant l'organisation interne de cette partie des Alpes, ils sont rapidement désorientés : « Qu'on tire de Genève une ligne passant par le sommet du Môle, la montagne maudite sera située en un point quelconque du prolongement de cette ligne jusqu'à sa rencontre avec la vallée du Rhône, mais, nécessairement, toujours au nord de la vallée de Chamonix au lieu d'être au midi[43]. » Cette erreur perdure pendant un demi-siècle, expliquée ainsi par Charles Henri Durier : « On aperçoit fort bien le mont Blanc des environs de Genève mais en avançant vers les Alpes, on le perd de vue, et les premières sommités couvertes de neige que l'œil retrouve au sortir de Bonneville, ce n'est pas le mont Blanc, ce sont les dents de Morcle et du Midi, c'est le Buet surtout, qui couronne l'extrémité de la vallée, le Buet qui est effectivement au nord de Chamonix dans la directement de Genève au Môle et qu'on a pris pour la haute montagne qu'on avait aperçue de loin... Le peuple de Genève nomma le mont Blanc la montagne maudite, le peuple prit le Buet pour la montagne maudite : les géographes suivirent[43] ! »

Ainsi, Durier explique que le mont Blanc lui-même est identifié trop tardivement pour que des mythes religieux et une symbolique poétique lui soient associés ; il entre directement dans l'ère du rationalisme scientifique[44].

Études et premières tentatives

Monument à Horace Bénédict de Saussure à Chamonix.

À partir de 1760, le naturaliste suisse Horace Bénédict de Saussure entreprend une douzaine de voyages à Chamonix pour observer le massif du Mont-Blanc et se focalise sur la conquête de son point culminant[42]. Des tentatives sont effectuées par le scientifique, notamment avec le guide courmayeurin Jean-Laurent Jordaney. Ce dernier, originaire de Pré-Saint-Didier et surnommé « Patience », accompagne Horace Bénédict de Saussure à partir de 1774 sur le glacier du Miage et sur le mont Crammont lorsqu'il décide d'ouvrir une voie au mont Blanc. Après les premières mesures depuis Genève en 1775[11], George Shuckburgh-Evelyn, fraîchement élu à la Royal Society, propose à Saussure, l'année suivante, de l'accompagner au Môle pour peaufiner la mesure de l'altitude du mont Blanc[45] ; il obtient 4 787 mètres[11],[45]. Sur la base de ce résultat, elle sera ramenée en 1840 par le corps des ingénieurs géographes d'abord à 4 799,5 mètres après correction de la planimétrie puis à 4 806,5 mètres après intégration d'un coefficient de réfraction[11].

Dès 1760, Saussure offre une récompense pour la première ascension en pensant ainsi percer le mystère de la formation géologique des Alpes[46]. Il faut cependant attendre le pour assister à une première tentative sérieuse par quatre guides de la vallée. Ils suivent l'itinéraire des Grands Mulets mais doivent rebrousser chemin épuisés par la chaleur et inquiétés par le mauvais temps menaçant[46],[47]. Une nouvelle tentative a lieu en 1783 par le même itinéraire, également gênée par la réverbération du soleil. À leur retour, ils conseillent à Saussure d’emmener un parasol et du parfum[46]. La même année, Marc-Théodore Bourrit engage ces trois guides et invite Michel Paccard pour une nouvelle tentative vite avortée en raison du mauvais temps[48],[49]. En , Paccard et un guide entreprennent de monter à l'aiguille du Goûter en partant du hameau de Bionnassay mais ils progressent difficilement et doivent redescendre. Quelques jours plus tard, Bourrit fait une tentative par le même itinéraire. Deux de ses guides parviennent à atteindre les rochers Vallot, mais l'arête des Bosses qui les sépare du sommet leur parait trop escarpée[47]. L'année suivante, Saussure organise une grande expédition par le même itinéraire, à laquelle se joignent Bourrit et son fils. Ils progressent sur l'arête de l'aiguille du Goûter mais ils sont finalement bloqués par l'accumulation de neige fraîche. En , cinq guides de Chamonix se séparent en deux groupes pour étudier l'accès le plus commode au dôme du Goûter. Trois partent de Chamonix et passent la nuit à la montagne de la Côte. Jacques Balmat, le cristalier, se joint à eux sans y être invité. Deux autres partent de Bionnassay et dorment dans l'abri aménagé par Saussure l'année précédente. Ils se rejoignent au col du Dôme et parviennent jusqu'aux rochers Vallot, mais l'arête des Bosses leur semble impossible à franchir et ils décident de redescendre. Jacques Balmat reste en arrière pour explorer les rochers à la recherche de cristaux. Surpris par la nuit, il est forcé de dormir sur place. Au grand étonnement des habitants de la vallée, Balmat redescend sain et sauf le lendemain.

Premières ascensions

Le , Jacques Balmat et Michel Paccard se mettent en route, discrètement, et partent bivouaquer en haut de la montagne de la Côte. Le 8 août, ils suivent l'itinéraire des Grands Mulets et parviennent vers 3 h sur le Grand Plateau. De là, ils partent vers l'est et franchissent les pentes raides au-dessus des rochers Rouges Supérieurs[49]. Ils apparaissent alors distinctement depuis la vallée, observés à la lunette par le baron Adolph Traugott von Gersdorf. Ils atteignent les Petits Rouges qu'ils quittent à 5 h 45, puis les Petits Mulets et parviennent au sommet à 6 h 23. Ils y restent 33 minutes puis entament la descente. À 23 h, ils quittent le glacier et s'arrêtent pour dormir. Le lendemain, ils se réveillent à 6 h et poursuivent vers le village. Paccard souffre d'ophtalmie et doit être aidé par Balmat pour le reste de la descente. Au village, Balmat apprend que sa fille est morte le jour où il atteignait le mont Blanc. Cet exploit marque les débuts de l'alpinisme tel qu'on le connaît aujourd'hui.

Presque un an après, Saussure entreprend de monter lui-même au sommet, accompagné de dix-neuf personnes, dont Balmat. Il y parvient le . Il procède au premier calcul de l'altitude du mont Blanc depuis son sommet. Après un calcul de la moyenne avec trois mesures précédemment effectuées, il annonce comme altitude 2 450 toises, soit 4 775 mètres[11],[45]. De nouvelles mesures de nivellements trigonométriques sont effectuées dans les années 1820, d'abord par Plana et Carlini dans le cadre des opérations austro-piémontaises, parvenant à 4 801,9 mètres corrigés par les ingénieurs géographes en 4 811,6 mètres, puis par le commandant Filhon, avec l'aide des travaux de triangulation du commandant Corabœuf menés vingt-cinq ans plus tôt, obtenant 4 810,9 mètres d'altitude[11].

La première femme à atteindre le sommet est la Chamoniarde Marie Paradis, le . De son propre aveu, elle est « traînée, tirée, portée » par les guides sur la fin de l'ascension. Cette première reste néanmoins un exploit, compte tenu des conditions de l'époque. La seconde ascension féminine est réussie par Henriette d'Angeville, par ses propres moyens, vêtue d'une simple robe, le [50].

Jusqu'en 1827, les ascensionnistes utilisent sensiblement la même voie que Balmat et Paccard en passant du Grand Plateau au sommet par la face Nord au-dessus des rochers Rouges. Le passage du Corridor plus à l'est est ensuite emprunté pour rejoindre l'itinéraire des Trois Monts au niveau du Mur de la Côte[48],[51]. L'arête des Bosses, qui est la voie normale actuelle, n'est parcourue pour la première fois qu'en 1861.

Première controverse alpine

La première ascension est aussi à l'origine de la première controverse alpine, qui a pour conséquence de minimiser fortement le mérite qui revient à Paccard dans cette entreprise[49]. Elle débute par des échanges par voie de presse entre Bourrit et Paccard[52]. Bourrit est en effet le premier à faire le récit de l'ascension et il minimise le rôle de Paccard. Selon lui, Balmat aurait découvert la voie, réalisé toute la montée en tête pour arriver le premier au sommet, puis serait redescendu pour aider Paccard, exténué, à atteindre le sommet ; Paccard n'aurait même pas payé son dû à Balmat. Il conteste cette version et fait signer à Balmat une attestation sous serment avec témoins décrivant le vrai récit de l'ascension. Pressé par Saussure et von Gersdorf, Bourrit est forcé d'édulcorer quelque peu son récit. Mais il est bien plus influent que Paccard auprès des éditeurs Genévois, et Paccard ne réussit pas à publier son récit de l'ascension. C'est la version de Bourrit qui est largement reprise pendant plus d'un siècle.

La première ascension de Balmat et Paccard est par ailleurs largement éclipsée par celle de Saussure un an plus tard, qui reste 4 h 30 au sommet et qui publie son récit dans Relation abrégée d’un voyage à la cime du Mont Blanc[53]. La controverse est relancée par Alexandre Dumas : en 1832, cinq ans après la mort de Paccard, il dîne avec Balmat qui fait un récit encore plus à son avantage de l'ascension de 1786. Dumas publie ce récit dans son livre Impressions de Voyage en Suisse[54] qui assied la légende de Balmat, conquérant du mont Blanc, et relègue dans l'oubli la participation de Paccard. Pour preuve, la statue érigée à Chamonix en 1887, à la gloire de Balmat et Saussure. Il faut attendre 1986 pour que la statue en l'honneur de Paccard soit érigée.

Ce récit à la gloire exclusive de Balmat est remis en question par des membres de l'Alpine Club. En 1860, Edward Whymper pose ainsi la question « Qui est le docteur Paccard ? »[55]. Ils reconstituent notamment le récit perdu du docteur Paccard[48]. De nos jours encore, les récits de cette première ascension historique sont influencés par les versions de Bourrit et Dumas.

Premier accident mortel et création des compagnies de guides

La caravane du Dr Bardy en 1880.

Le premier accident mortel a eu lieu en 1820, lors de la dixième ascension[56]. Cette expédition a été rapportée par Alexandre Dumas qui en a recueilli le récit détaillé auprès du guide Marie Coutet, rescapé de l'expédition[57] : les clients sont le colonel anglais Joseph Anderson et le docteur Joseph Hamel, météorologue de l'empereur de Russie. Paul Verne évoque l'événement dans son récit Quarantième ascension au Mont Blanc[58]. Après deux nuits et une journée passées aux Grands Mulets, les clients exigent de monter au sommet malgré une météo défavorable et les guides, au nombre de treize, n'osent refuser. La caravane progresse avec de la neige fraîche jusqu'aux genoux. Les alpinistes progressent en file indienne, leur trace coupe la plaque à vent et déclenche une avalanche qui les emporte. Les trois guides de tête tombent dans une crevasse deux cents mètres plus bas et périssent. Leurs restes sont retrouvés en 1861, en bon état de conservation, au bas du glacier des Bossons.

Toutefois, la peine et la consternation poussent les guides à s'unir l'année qui suit le drame. Le , un manifeste de la chambre des députés de Turin, approuvé par Charles-Félix de Savoie, rend officielle la création de la Compagnie des guides de Chamonix. Les articles prévoient que le voyageur est conduit sur les montagnes par des guides de première classe qui ont l'expérience et le contact nécessaires. La seconde classe est constituée par des guides de moindre expérience qui travaillent surtout comme porteurs ; enfin une troisième catégorie, celle des aspirants-guides apprenant le métier[56]. En 2018, la Compagnie compte dans ses rangs plus de 220 membres professionnels, guides et accompagnateurs en moyenne montagne[59].

Créée en 1850[60], la Société des guides de Courmayeur est fondée sur le versant valdôtain, devenant ainsi la première d'Italie[61] et la deuxième au monde après la Compagnie des guides de Chamonix. Le chef de file a été Jean-Laurent Jordaney, originaire de Pré-Saint-Didier. Il accompagne, entre autres, Horace Bénédict de Saussure à partir de 1774 sur le glacier du Miage et sur le mont Crammont lorsqu'il décide d'ouvrir une voie au mont Blanc, et l'Anglais Thomas Ford Hill au col du Géant en 1786[62].

Tracé de la frontière

« Point de vue italien » : l'Atlas sarde de 1869.

Selon qu'on consulte une carte éditée en France ou en Italie, on ne lit pas le même tracé de la frontière au sommet du mont Blanc : sur les cartes italiennes, le sommet est un point de la ligne séparant les deux États, et est donc binational ; en revanche, les cartes françaises font apparaître une bande de terre française approximativement triangulaire qui pointe vers le sud au niveau du mont Blanc : selon ces cartes, le sommet du massif serait donc entièrement en France, la frontière passant par le mont Blanc de Courmayeur. Les cartes nationales suisses[63], couvrant aussi tout le massif, montrent de manière neutre les deux territoires contestés autour du mont Blanc ainsi qu'autour du dôme du Goûter (ceci après avoir suivi les conventions françaises jusqu'en 2018). Les tenants et aboutissants de cette situation sont liés à l'existence d'une frontière à travers le massif qui remonte à l'annexion de la Savoie par la France, donc à 1860, régie par le traité de Turin et ses protocoles annexes[64].) La « carte au 1/50 000 de la frontière de la Savoie depuis le mont Grapillon, du côté suisse, jusqu’au mont Thabor où la limite de la Savoie rejoint la frontière de la France » annexée à la convention de Turin (annexe III) fait clairement passer la frontière par la calotte sommitale du mont Blanc. Très tôt néanmoins, à partir de 1865, les cartes françaises présentent une nouvelle version du tracé : la carte topographique d'état-major du capitaine Jean-Joseph Mieulet fait en effet apparaître le triangle de terres françaises qui figure jusqu'à aujourd'hui sur les cartes éditées du côté français. Les cartes italiennes, notamment l'Atlas sarde de 1869 font, elles, état du tracé passant par le sommet.

« Point de vue français » : la carte du capitaine Mieulet de 1865.

Côté français, un arrêté du partage le secteur du dôme du Goûter et du mont Blanc entre les trois communes de Saint-Gervais-les-Bains, Les Houches et Chamonix-Mont-Blanc. Cet arrêté adopte l'interprétation du tracé frontalier des cartes d'état-major françaises et divise d'ailleurs le triangle litigieux au sud du mont Blanc entre les deux communes de Chamonix et de Saint-Gervais. Des pièces analysées par un érudit italien montrent que la préparation de cet arrêté a été étudiée jusqu'au niveau ministériel (une note datée du et établie par le ministère des Affaires étrangères français y a été consacrée).

Sur la fin du XXe siècle, la question est évoquée à plusieurs reprises dans des articles ou ouvrages érudits, particulièrement du côté italien, qui soutiennent que le tracé figurant sur les cartes françaises est sans fondement juridique. La question ayant attiré la curiosité du grand public (elle est même relayée officiellement par le député du val d'Aoste Luciano Caveri dans une question à la chambre), les autorités italiennes font valoir en 1995 leur position aux autorités françaises par un mémoire, à l'occasion des travaux d'une commission chargée de fournir un tracé plus précis de la frontière. La France s'étant abstenue d'y répondre et le gouvernement italien n'ayant pas appuyé avec véhémence sa revendication, la situation perdure aujourd'hui encore et ne semble pas définitivement tranchée par la présentation de pièces nouvelles[65].

Travaux et legs des Vallot

Observatoire du mont Blanc en 1890, d’après une photographie de M.J. Vallot.

Les premières véritables études scientifiques du sommet du mont Blanc sont conduites sur commande du botaniste, météorologue et glaciologue Joseph Vallot à la fin du XIXe siècle. Ce dernier veut séjourner plusieurs semaines dans le voisinage du sommet pour y étudier la météorologie, l'accumulation de neige à haute altitude et la physiologie du mal des montagnes. Il fait procéder, à ses frais, à la construction en bois de son premier observatoire. Mais il s'aperçoit très rapidement que le travail scientifique n'est pas compatible avec l'accueil des alpinistes. C'est pourquoi il fait construire, à proximité, le refuge Vallot[66].

À partir de 1892, l'ingénieur Henri Vallot, avec l'aide de son cousin Joseph, se lance dans la réalisation d'une carte au 1:20 000 du massif du Mont-Blanc[67]. Quelques décennies avant lui, vers le milieu du siècle, James David Forbes, Alphonse Favre et Eugène Viollet-le-Duc avaient respectivement effectué quelques relevés et mesuré l'altitude du sommet[11],[68]. Ce travail considérable, effectué sans l'aide de moyens modernes (hélicoptères, avions et satellites), n'est achevé qu'après la mort des deux cousins par Charles Vallot, le fils d'Henri, qui lance par ailleurs la collection du guide Vallot, réputée parmi les alpinistes.

Peu avant de mourir, Joseph Vallot confie l'observatoire à A. Dina qui — avec sa fondation — y développe un projet d'observatoire astronomique. Il est ensuite légué par sa veuve, madame Shillito, à la France qui le confie à l'Observatoire de Paris[69]. Puis, en 1973, le CNRS devient gestionnaire des deux observatoires de Chamonix[69]. En 1975, l'observatoire d'altitude est alors transmis au laboratoire de géophysique et de glaciologie de l'environnement (LGGE), alors que l’observatoire de Chamonix devient un « camp de base » pour les chercheurs du CNRS[69].

Le refuge Vallot actuel.

Ce refuge non gardé du Club alpin français n'est plus destiné qu'à la survie des alpinistes, en cas de mauvais temps. L'observatoire Vallot, situé une cinquantaine de mètres plus bas, n'est pas un refuge. Confié par le CNRS à l'Institut des géosciences de l’environnement, il est régulièrement utilisé par des scientifiques qui y mesurent les retombées des aérosols atmosphériques, pratiquent des forages sur le site du col du Dôme et étudient la physiologie en haute altitude.

En , l'observatoire est mis en vente, avant annulation le de la vente par le ministre du Budget, à la demande du Centre de recherches sur les écosystèmes d'altitude (CREA) et de divers acteurs mobilisés pour qu'on tienne compte d'une condition émise par Joseph Vallot dans son legs à l'État : l'usage scientifique du bâtiment. Un autre appel d’offres est lancé, incluant cette servitude d'usage scientifique qui doit rester attachée au lieu. La mairie de Chamonix et le CREA proposent de racheter le site qui serait consacré à la science[69]. Finalement, en 2016, la mairie de Chamonix se porte acquéreur de l'observatoire[70].

Observatoire Janssen

En 1891, Jules Janssen, académicien des sciences, envisage la construction d'un observatoire au sommet pour y effectuer des mesures sur le spectre solaire. Gustave Eiffel accepte de procéder à l'exécution du projet, à condition de pouvoir construire sur une fondation rocheuse et que celle-ci soit au plus à 12 mètres de profondeur. Des explorations préliminaires sont lancées pour trouver un point d'ancrage sous la direction de l'ingénieur suisse Imfeld, qui fore deux tunnels horizontaux de 23 mètres de long à 12 mètres sous la calotte sommitale. Il ne rencontre aucun élément rocheux, ce qui entraîne l'abandon du projet d'Eiffel[71].

L'observatoire est malgré tout construit en 1893 ; il repose sur des vérins destinés à compenser les éventuels mouvements de la glace. Le tout fonctionne peu ou prou jusqu'en 1906, quand le bâtiment commence à pencher sérieusement. La manœuvre des vérins permet de compenser l'assiette. Mais, trois ans plus tard, deux après la mort de Janssen, une crevasse s'ouvre sous l'observatoire qui est abandonné. Il disparaît dans les glaces et seule la tourelle est sauvée in extremis[71]. La construction de l'observatoire est à la base de la légende des trois pruneaux telle que la rapportait Blaise Cendrars dans Les Confessions de Dan Yack.

Naufragés de 1956 et création du peloton de gendarmerie de haute montagne

En , deux jeunes alpinistes, Jean Vincendon, un jeune parisien de 24 ans, et François Henry, un jeune belge de 22 ans, ont comme projet l'ascension hivernale du mont Blanc par l'éperon de la Brenva. Ils ont bien préparé leur expédition mais ils vont se heurter à une succession de malchances et de mauvais choix qui leur seront fatals, d'autant plus que la période de mauvais temps prolongée est exceptionnelle[72]. Ils partent le . Au début de leur montée, les conditions météo se détériorent et les alpinistes décident de renoncer, lorsqu'ils croisent sur les pentes un de leurs héros, l'Italien Walter Bonatti. Cette rencontre va les inciter à reprendre leur ascension, mais la tempête qui s'installe les bloque sur un sérac en bordure du Grand Plateau[72].

Un long calvaire de cinq jours commence pour les deux jeunes alpinistes, suivis aux jumelles depuis le sommet du Brévent et à la longue-vue depuis Chamonix. Plus de deux cents journalistes accourent de France et de Belgique pour couvrir l'événement. Les professionnels de la montagne déclarent le  : « On ne va pas risquer nos vies pour ces imprudents ! Vouloir faire la Brenva en hiver est pure folie ». Lionel Terray organise une caravane de secours sans l'accord des guides de Chamonix. Cependant, profitant d'une brève accalmie, un hélicoptère Sikorsky S-58 de l'armée française, avec deux pilotes et deux sauveteurs secouristes, tente de les sauver mais s'écrase. Lionel Terray choisit de secourir en priorité l'équipage de l'hélicoptère vers le refuge Vallot. Avant de partir, il transfère les deux jeunes alpinistes dans la carlingue de l'appareil, leur donne de la nourriture et de la benzédrine pour les aider à ne pas s'endormir[72]. Mais la tempête s'installe et toute nouvelle expédition est rendue impossible. De leur côté, les autorités rechignent à engager des moyens militaires importants pour sauver les deux jeunes imprudents alors que le contingent est engagé dans la guerre d'Algérie. Le , les autorités déclarent la fin des opérations de secours. Cette affaire vaudra à Lionel Terray son exclusion de la Compagnie des guides de Chamonix et va secouer le monde de la montagne car « elle reste le symbole d'un manquement, celui de la communauté des guides, qui a failli au devoir sacro-saint du secours »[73].

Finalement, le , la caravane de secours découvre les corps des deux alpinistes dans l'hélicoptère[72]. La Compagnie des guides de Chamonix est montrée du doigt, pourtant les guides avaient à plusieurs reprises déjà tiré la sonnette d'alarme en soulignant que « toujours plus d'amateurs alpinistes c'était aussi toujours plus d'accidents » et qu'ils ne pouvaient plus faire face. La polémique qui s'ensuit et les tergiversations des autorités civiles et militaires sont à l'origine de la professionnalisation des secours et de la création du PGHM (Peloton de gendarmerie de haute montagne). En 1958, les autorités décident de la création d'une organisation professionnelle de secours en montagne confiée à la gendarmerie et aux CRS sous l'autorité du préfet. Le premier groupe constitué d'une douzaine de gendarmes est installé à Chamonix le [74].

Exploits

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Le mont Blanc en .

Le , George Spencer Mathews, Adolphus Warburton Moore, Horace Walker, Franck Walker, Melchior Anderegg et Jakob Anderegg réussissent la première ascension du mont Blanc par l'éperon de la Brenva. Le , la première ascension hivernale est effectuée par l'Anglaise Isabella Straton, avec les guides Jean Charlet-Straton, Sylvain Couttet et le porteur Michel Balmat[75]. En 1892, Laurent Croux, Émile Rey et Paul Güssfeldt réalisent la traversée du mont Blanc par l'éperon de la Brenva[76].

Le , Agénor Parmelin est le premier aviateur à survoler le massif en se maintenant pendant un quart d'heure à 5 540 mètres d'altitude, lui permettant de passer entre le sommet et le mont Blanc de Courmayeur[77].

En , Adolphe Rey effectue la première remontée intégrale de l'arête de l'Innominata, avec S.-L. Courtauld, E.G. Oliver, Adolf Aufdenblatten et Henri Rey. En , Marguette Bouvier effectue la première descente à skis par −40 °C, avec le guide Armand Charlet. En 1953, Arturo Ottoz et Toni Gobbi réussissent la première hivernale de la voie Major.

Le , l'aviateur Henri Giraud se pose sur le sommet du mont Blanc sur un « terrain » de 30 mètres de long[78].

En 1965, Alessio Ollier et Camille Salluard réalisent la première hivernale de la voie de la Poire, itinéraire particulièrement dangereux. En 1972, Morand parcourt la distance entre le refuge du Goûter et le sommet en moto. Le , Sylvain Saudan effectue la première descente à ski de la face sud-ouest.

Vue aérienne du sommet du mont Blanc depuis l'est.

Le , Dominique Jacquet et Jean-Pascal Oron atterrissent en parachute sur le sommet après un largage à 6 500 mètres établissant ainsi le premier record mondial.

Entre 1986 et 1988, une série de records est établie au départ de Chamonix-Mont-Blanc : le le Grenoblois Laurent Smagghe amène le record aller-retour à 6 h 47 min 19 s, Pierre Lestas le porte à 6 h 22 le , Laurent Smagghe arrive ensuite en 6 h 15 le , le Jacques Berlie améliore le record en l'établissant à 5 h 37 min 56 s[79],[80]. Le Laurent Smagghe reprend le record en 5 h 29 min 30 s[81] puis deux ans plus tard, le Pierre André Gobet fixe le record à 5 h 10 min 44 s[82],[83].

Le à 13 h 30, sept parapentistes français réalisent une première en se posant au sommet du mont Blanc[84] : cinq d'entre eux sont partis de Planpraz à 1 900 mètres d'altitude, de l'autre côté de la vallée de Chamonix, un autre est parti de Rochebrune à Megève et le dernier de Samoëns. Ils profitent de conditions climatiques dues à la canicule qui leur permettent de réaliser leur exploit en passant par l'aiguille du Tricot (3 600 mètres), puis profitant de thermiques exceptionnels, de monter jusqu'à 5 200 mètres.

Le , le Catalan Kílian Jornet réalise l'ascension au départ de Chamonix-Mont-Blanc en 3 h 30 et 4 h 57 min 40 s aller-retour[82],[83]. Le , il réalise l'ascension du mont Blanc deux fois dans la même journée en moins de douze heures : départ des Houches à 5 h 30, ascension par la voie normale (via le refuge du Goûter), atteinte du sommet à 9 h 50 puis descente côté italien via le refuge Gonella et le glacier de Miage puis remontée pour atteindre le sommet une deuxième fois à 15 h 20[85]. Le , l'Espagnol Manuel Merillas effectue l'aller-retour au départ de Courmayeur en 6 h 35 min 32 s[86].

Activités

Préparation

Itinéraire de la voie normale par le Goûter.

De nos jours, ce sommet accueille près de 20 000 alpinistes chaque année[pas clair] et jusqu'à 500 alpinistes certains jours[87]. L'itinéraire le plus fréquenté, la voie normale par le refuge du Goûter, est considéré comme long mais « peu difficile » pour un alpiniste entraîné et acclimaté à l'altitude[88].

L'éloignement et les dangers objectifs caractérisent[88] toute course d'alpinisme qui ne doit pas être faite sans une bonne connaissance de la haute montagne, une préparation physique et matérielle[40]. La voie normale présente notamment des passages délicats comme le couloir du Goûter avec des chutes de pierres. L'altitude élevée expose l'alpiniste au mal aigu des montagnes qui peut entraîner la mort et une acclimatation préalable à l'altitude est nécessaire.

La forte fréquentation du mont Blanc explique le grand nombre d'incidents comparé à d'autres sommets alpins[87]. Chaque année, l'ascension du mont Blanc fait ainsi de nombreuses victimes (5 à 7 morts par an pour la voie normale). 120 interventions ont été réalisées en 2006 par le peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) dont 80 % pour épuisement (mauvaise préparation physique, manque d'acclimatation) ; 30 % des alpinistes présentent des blessures (gelures, blessures par crampons, troubles liés à l'altitude) lors de leur retour au refuge. Le taux de réussite est de 33 % seulement sans l'aide d'un guide (50 % avec)[40]. En dépit de ces chiffres, 2 000 à 3 000 personnes réussissent l'ascension chaque année[pas clair].

Certaines agences proposent désormais des stages de quelques jours aux débutants, comprenant une initiation à l'alpinisme, une période d'acclimatation à l'altitude et l'ascension du mont Blanc sous la direction d'un professionnel (guide de montagne). Ce concept, permettant la pratique d'une nouvelle forme d'alpinisme « sans lendemain » met fin à une certaine philosophie de la montagne selon laquelle l'ascension du mont Blanc s'adresserait à des alpinistes déjà expérimentés et rompus aux techniques de l'alpinisme. Le retour d'expérience dans ce domaine ne confirme pas, à ce stade, la pertinence d'une telle approche de la montagne ni la probabilité de réussite dans une entreprise où l'objectif affiché reste une chasse au trophée plutôt qu'un rite de passage[89],[90].

Différents itinéraires

Le mont Blanc, vu du Brévent.
Le versant italien du mont Blanc (vu du Beaufortain).

Plusieurs itinéraires « classiques » permettent de faire l'ascension du mont Blanc[91],[92],[93] :

Panorama de la voie normale du mont Blanc.

Protection environnementale

Vue du mont Blanc depuis l'aiguille du Midi en septembre 2007.

Le site du massif du Mont-Blanc fait l'objet d'un projet de classement sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco en tant que « site exceptionnel unique au monde » et en tant que haut lieu culturel, lieu de naissance et symbole de l'alpinisme[95],[96]. Ce projet n'est pas partagé par tous et devrait faire l'objet de demandes conjointes des trois gouvernements français, italien et suisse[97].

Le seuil de surfréquentation[Lequel ?] du mont Blanc est atteint, avec 300 à 400 départs par jour en été[40]. Lors du sommet du Conseil national de la montagne qui s'est tenu à Sallanches, fin , il a été estimé que 25 000 à 30 000 personnes se sont lancées en 2005 à la conquête du mont Blanc. Avec l'ouverture des nouveaux marchés (Russie, Chine, Inde), ce sont 50 000 à 100 000 personnes qui pourraient demain tenter l'aventure, le chiffre de 200 000 ayant même été avancé[98]. Ces perspectives sont cauchemardesques pour les défenseurs du site et pour certains responsables politiques de la vallée, comme le maire de Saint-Gervais-les-Bains, commune sur laquelle se situe le mont Blanc. Lors de l'été 2003, avec la sécheresse et une fréquentation accrue du site, plusieurs dizaines de tonnes de détritus et déchets divers ont été laissées par les alpinistes qui campaient dans le secteur du refuge du Goûter. L'association Pro-mont Blanc a édité en 2002 le livre Le versant noir du mont Blanc qui expose les problèmes actuels et futurs qui se posent pour conserver le site en l'état[99].

Selon Jean-Marc Peillex[98], le maire : « C'était plus des WC à ciel ouvert qu'un glacier. On est pourtant dans un site classé où, selon la loi de 1930, le camping est interdit. Et on laisse malgré tout des dizaines d'alpinistes s'installer et polluer notre réservoir d'eau de demain. » Selon le gardien du refuge[98] : « Ces gens qui dorment dans des tentes sont en majorité étrangers, ont peu de moyens et ne peuvent pas forcément se payer les 25 euros de la nuit en refuge [en 2013, la nuitée sans repas coûte 60 ]. Alors ils campent parfois plusieurs jours en attendant un créneau météo favorable. Il y en a qui sont respectueux de la montagne, qui redescendent leurs déchets au refuge, viennent dans nos toilettes et d'autres qui abandonnent leurs poubelles sur ce camping improvisé. Quand on monte là-haut, on peut voir des traces d'urine partout dans la neige, des excréments… alors qu'on pense se trouver dans une montagne pure et préservée. »

Le maire de Saint-Gervais-les-Bains a proposé la mise en place d'un permis d'ascension — comme cela se fait au Népal —, dont la délivrance serait liée au nombre de places disponibles dans les refuges du Goûter — qui va être agrandi avec la construction d'un nouveau bâtiment — et de la Tête rousse. Cependant certains alpinistes, dont certains très connus, sont contre l'idée de ce permis d'ascension, qui serait contraire à leur liberté. Selon le président des guides : « La montagne doit rester un espace de liberté… Chacun doit pouvoir accéder aux sommets sans contrainte financière. De nombreux collègues ne seraient sans doute jamais devenus guides si une telle réglementation avait existé », et le célèbre alpiniste, Christophe Profit, demande même la suppression des refuges : « Car si les gens plantent leur tente là-haut, c'est parce qu'il y a un hébergement à proximité. Sans refuge, le problème serait réglé. »[98]

Depuis 2019, un système de réservation nominative permet désormais de réguler la fréquentation des refuges situés sur les voies d'accès au mont Blanc jusqu'alors victime de la surfréquentation et de la pollution, et de mieux répartir le public sur les différents refuges.

Retombées financières régionales

L'émergence d'un tourisme de masse engendré par l'afflux d'alpinistes ou de simples randonneurs (plus adeptes du Tour du Mont-Blanc) est favorisée depuis 1945 par la relance d'infrastructures routières et par le percement du tunnel du Mont-Blanc. Malgré les problèmes liés à la surfréquentation, ce tourisme génère des retombées économiques directes pour la région qui compensent les frais d'entretien des installations (refuges, etc.) et de sauvetages d'urgence. Au début du XXIe siècle, Chamonix voit ainsi une présence quotidienne estivale de 100 000 touristes, entre hébergement et passage[100]. 25 000 personnes tentent l’ascension du mont Blanc chaque été, entre juin et septembre, soit 250 par jour[101].

Différentes formules permettent de faire l'ascension du mont Blanc avec ou sans stage d'acclimatation à l'altitude. Les activités de la Compagnie du Mont-Blanc s'étendent sur tout le massif. Elle a été créée en 2000 pour regrouper les domaines skiables des différentes sociétés de la vallée de Chamonix et fusionner toutes les remontées mécaniques des environs. Elle emploie 215 personnes (jusqu'à 600 avec les saisonniers)[102]. La montagne apporte également des retombées économiques indirectes, avec une dynamisation de la région, par exemple avec l'installation de nombreuses entreprises liées aux sports d'hiver dans la vallée de Chamonix et le doublement du nombre de marques et enseignes[103].

Label « mont Blanc »

Le label « mont Blanc » est porteur, à tel point que des entreprises sans lien direct apparent ont choisi un nom similaire. Depuis 1906, la société allemande Montblanc (Montblanc International GmbH) commercialise d'abord des stylos, puis des montres, de la maroquinerie, des lunettes et des parfums[104]. La marque est déposée. Le symbole le plus fort de la marque se révèle être incontestablement l'étoile blanche à six branches stylisée, dont chaque branche représente un glacier du massif. Le nombre 4810 est également un élément récurrent.

La boisson Tonimalt, jadis à base de malt, lait, miel et cacao, aujourd'hui commercialisée par Nestlé, était vendue sous l'appellation Mont Blanc et l'étiquette de la boite représentait ce sommet[105]. Les crèmes dessert Mont Blanc sont fabriquées par la laiterie de Chef-du-Pont (Manche), rachetée par Activa Capital en 2003 à Nestlé[106]. L'entreprise propose également depuis 2006 des gourdes et des bâtonnets glacés.

Œuvres culturelles

Le peintre anglais William Turner réalise vers 1836 une aquarelle Mont Blanc et Glacier des Bossons au-dessus de Chamonix, Soir, conservée à la Tate Britain à Londres[107].

Les sept premières photos prises au sommet du mont Blanc ont été faites en 1861 par Joseph Tairraz (1827-1902) premier guide-photographe de la montagne professionnel.

Cinéma et télévision

  • Film Premier de cordée réalisé en 1943.
  • Documentaire : La Terre, son visage de Jean-Luc Prévost - éd. Société nationale de télévision française, 1984, série Haroun Tazieff raconte sa terre, vol. 1 ; il présente la traversée ouest-est du mont Blanc qu'il a faite jadis en compagnie d'amis cinéastes.
  • Téléfilm Premier de cordée, réalisé en 1998.
  • Film Malabar Princess (2004).

Littérature

Personnalités liées

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Jean-François Ducis (1733-1816) dans une lettre adressée à Hérault de Séchelles écrivit : « Quel piédestal pour la liberté, que ce mont Blanc ! […] Je l'avoue, je donnerais vingt mondes en plaine pour douze lieues en rochers et en montagnes. »

Mary Shelley (1797-1851) en villégiature en 1816 à Cologny près de Genève, en compagnie de son amant et de leur ami commun Lord Byron, découvrit les montagnes alpines qui offrirent à sa plume tant d'occasions de peindre des paysages qui forcent l'admiration. Le massif du Mont-Blanc était tout à côté et sa présence, en particulier le secteur du Montanvert, est réelle dans son œuvre majeure Frankenstein, lorsqu'elle décrit : « le rugissement furieux de la rivière […] les précipices […] les immenses montagnes […] révélaient en ces lieux la présence de forces évoquant celle de la toute-puissance […], les géants prestigieux des Alpes [sont des] pyramides et des dômes blancs et étincelants […] un autre monde, habitat d'une espèce inconnue de nous. »

Victor Hugo (1802-1885) est venu admirer le mont Blanc dans les années 1820 et a rédigé son récit de voyage en 1825. En 1877, dans son recueil épique La Légende des siècles, il lui consacre un poème Désintéressement.

George Sand (1804-1876) venue en Savoie en 1836 accompagnée de son compagnon Franz Liszt et du savant et philosophe genevois Adolphe Pictet a parcouru la vallée de l'Arve et franchi le col des Montets, elle commence sa description, puis laisse filer son imagination dans des métaphores : « La pomme de terre est l'unique richesse de cette partie de la Savoie. Les paysans pensent qu'en établissant une couche de fumée sur la région moyenne des montagnes, ils interceptent l'air des régions supérieures et préservent de son atteinte le fond des gorges (…) cette ligne de feux, établis comme des signaux tout au long du ravin, m'offrit au milieu de la nuit un spectacle magnifique. Ils perçaient de taches rouges et de colonnes de fumée noire le rideau de vapeur d'argent où la vallée était entièrement plongée et perdue. Au-dessus des feux, au-dessus de la fumée et de la brume, la chaîne du mont Blanc montrait une de ces dernières ceintures granitiques, noire comme de l'encre et couronnée de neige. Ces plans fantastiques semblaient nager dans le vide. Sur quelques cimes que le vent avait balayées, apparaissaient, dans un firmament pur et froid, de larges étoiles. Ces pics de montagnes, élevant dans l'éther un horizon noir et resserré, faisait paraître les astres étincelants. L'œil sanglant du Taureau, le farouche Aldébaran, s'élevait au-dessus d'une sombre aiguille, qui semblait le soupirail du volcan d'où cette infernale étincelle venait de jaillir. Plus loin, Formalhaut, étoile bleuâtre, pure et mélancolique, s'abaissait sur une cime blanche et semblait une larme de compassion et de miséricorde tombée du ciel sur la pauvre vallée, mais prête à être saisie en chemin par l'esprit perfide des glaciers. »

L'Anglais John Ruskin (1819-1900) a écrit de nombreuses pages sur les sentiments qu'il éprouvait face aux sommets alpins et au mont Blanc. Il les considérait comme magiques et habités d'une force divine, mystique, seule l'émotion de la contemplation donnant accès à leur essence sacrée. Il a joué un grand rôle dans l'élaboration d'une mythologie du mont Blanc[108].

Notes et références

  1. Denis Borrel (cité), « JT de 12/13 du mercredi 29 septembre 2021 (00:10:50) », sur francetvinfo.fr, (consulté le ) : « 4807.8 m +/- 10 cm ».
  2. « Mont Blanc » sur Géoportail.
  3. François Labande, La Chaîne du Mont-Blanc : Guide Vallot. Sélection de voies, t. 1 : À l'ouest du col du Géant, Éditions Arthaud, , p. 42
  4. Article de Sylvain Jouty, « Fictions naturelles », p. 136, publié dans Gilbert Pons, Le paysage : sauvegarde et création, vol. Actes du colloque d'Ussel, Éditions Champ Vallon, , 172 p. (ISBN 978-2-87673-285-8, lire en ligne)
  5. Pierre de Félice, L'histoire de la climatologie, Éditions L'Harmattan, , 138 p. (ISBN 978-2-296-15898-6, lire en ligne), p. 28.
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Annexes

Articles connexes

Bibliographie

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Liens externes

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