Godefroy de Bouillon

Godefroy de Bouillon, né vers 1058 et mort le à Jérusalem, est un chevalier franc et duc de Basse-Lotharingie. Premier souverain du royaume de Jérusalem au terme de la première croisade, il refuse le titre de roi pour celui, plus humble, d'avoué du Saint-Sépulcre.

Pour les articles homonymes, voir Godefroy de Bouillon (homonymie), Godefroy et Bouillon.

Godefroy de Bouillon

Godefroy de Bouillon dans sa tour de siège à l'assaut de Jérusalem. Enluminure du manuscrit Li rommans de Godefroy de Buillon et de Salehadin et de tous lez autres roys qui ont esté outre mer jusques a saint Loys qui darrenierement y fu, illustré par le maître du Roman de Fauvel.
Paris, BnF, département des manuscrits, ms. Français 22495, fo 69 vo, 1337.
Titre
Avoué du Saint-Sépulcre

(1 an et 3 jours)
Prédécesseur Iftikhâr al-Dawla
gouverneur fatimide de Jérusalem
Successeur Baudouin Ier
roi de Jérusalem
Duc de Basse-Lotharingie
Prédécesseur Conrad de Basse-Lotharingie
Successeur Henri Ier de Limbourg
Biographie
Dynastie Maison de Flandre
Date de naissance vers 1058
Lieu de naissance Baisy-Thy (Brabant-Wallon)
ou Boulogne-sur-mer
Date de décès
Lieu de décès Jérusalem
Père Eustache II de Boulogne
Mère Ide d'Ardenne
Fratrie Eustache III
Baudouin Ier
Religion Catholicisme

Premières années

Château de la Manta (Coni Piémont), fresques de la salle du trône : Godefroy de Bouillon en tenue de héraut.
Stèle à Godefroy de Bouillon dans l'église Saint-Hubert de Baisy-Thy.

Fils de sainte Ide de Boulogne, héritier des ducs de Basse-Lotharingie, et d'Eustache II, comte de Boulogne, du royaume de France, Godefroy de Bouillon est un descendant de Charlemagne et, comme son illustre ancêtre, un personnage de légende. Il appartient à un clan de ducs, comtes et évêques, à un groupe aristocratique qui gouverne la Lotharingie depuis 950 au moins[1]. Il est dit membre de la maison de Boulogne, or, son premier ancêtre ayant porté le titre de comte de Boulogne est Adalolphe de Boulogne, fils de Baudouin II de Flandre, lui-même fils de Baudouin Ier de Flandre. Il n'y a pas de changement dynastique, et fait donc partie de la Maison de Flandre.

On ne connaît pas avec certitude le lieu de naissance de Godefroy de Bouillon ; les thèses hésitent entre Boulogne-sur-Mer en France et Baisy-Thy en Belgique[2]. Son éducation de chevalier est assurée par son oncle Godefroy III le Bossu à Bouillon (Belgique). À la mort de ce dernier, il hérite de ses titres. Toutefois, si l'empereur d'Allemagne lui concède le marquisat d’Anvers (1076), il lui interdit, en tant que roi de Germanie, le titre de duc de Basse-Lotharingie comme le souhaitait son oncle dans son testament. Godefroy se range néanmoins fidèlement au côté d'Henri IV dans la lutte d'Investiture qui oppose l'empereur germanique et le pape Grégoire VII, et entre dans Rome les armes à la main. Pour le récompenser de ses fidèles et loyaux services, l'empereur germanique le reconnaît finalement duc de Basse-Lotharingie vraisemblablement en 1087.

Il règne donc désormais sur un duché s'étendant sur ce qui deviendra le duché de Brabant, le comté de Hainaut, le duché de Limbourg, le comté de Namur, le duché de Luxembourg et une partie du comté de Flandre. Mais étant tombé gravement malade peu après cette expédition à Rome, il fait vœu, pour réparer ses torts, d'aller défendre les chrétiens en Orient.

La première croisade

Godefroy et les barons reçus par l'empereur Alexis Comnène.

En 1095, le nouveau pape Urbain II appelle à la croisade pour libérer Jérusalem et venir à l'aide de l'Empire byzantin qui est l'objet d'attaques musulmanes. Godefroy de Bouillon est l'un des premiers à répondre à cet appel, convaincu par le prédicateur itinérant Pierre l'Ermite. Vassal de l'empereur Henri IV (constamment en conflit avec le pape) et grand féodal à l'autorité bien assise, on ignore tout des raisons profondes qui l'ont poussé à tenter cette aventure vers l'inconnu alors que ses terres reçues en héritage sont convoitées[3] : ferveur religieuse, Godefroy étant marqué par le renouveau monastique et la réforme clunisienne qui a pénétré en Basse-Lotharingie ? Dispute avec Henri IV qui doute désormais de sa loyauté ? Toujours est-il qu'il devient l'un des principaux chefs de la première croisade. Pour financer son départ, il hypothèque le château de Bouillon à Otbert, prince-évêque de Liège, et celui de Stenay au prince-évêque de Verdun. Le départ a lieu le , accompagné d'une suite nombreuse. Godefroy est rejoint par ses frères Eustache et Baudouin. Ceux-ci ne sont pas les seuls nobles à s'engager. Raymond IV de Toulouse, également connu sous le nom de Raymond de Saint-Gilles, a créé la plus grande armée. À l'âge de 55 ans, Raymond est aussi le plus ancien et peut-être le plus connu des seigneurs croisés. En raison de son âge et de sa renommée, Raymond est le chef de la croisade. Adhémar de Monteil, évêque du Puy et légat du pape, voyage avec lui. Il y a aussi l'ardent Bohémond de Tarente, un chevalier normand qui a formé un petit royaume dans le Sud de l'Italie, et un quatrième groupe conduit par Robert II de Flandre.

Chacune de ces armées voyage séparément, certains vont au sud-est, à travers l'Europe et la Hongrie et d'autres traversent la mer Adriatique de l'Italie méridionale. Godefroy, et ses frères, seraient partis le [4].

L'armée passe par Ratisbonne, Vienne, Belgrade et Sofia, le long de la route Charlemagne, comme Urbain II semble l'avoir appelée (selon le chroniqueur Robert le Moine). Après quelques difficultés en Hongrie, ils arrivent à Constantinople, capitale de l'Empire byzantin, en novembre. Le pape a, en fait, appelé à la croisade afin d'aider l'empereur byzantin Alexis Ier Comnène à combattre les Turcs musulmans qui ont envahi ses terres d'Asie mineure et de Perse. L'armée de Godefroy arrive la deuxième, après celle d'Hugues Ier de Vermandois. Les autres armées croisées arrivent les mois suivants, si bien que l'empereur byzantin se retrouve avec une armée d'environ 4 000 à 8 000 chevaliers et 25 000 à 55 000 fantassins qui campent devant sa porte.

L'empereur byzantin voudrait que les croisés l'aident à reconquérir les terres dont se sont emparés les Turcs seldjoukides. Les croisés ont pour objectif principal de libérer la Terre sainte des musulmans et d'y établir une domination chrétienne. Pour eux, le problème d'Alexis Ier n'est qu'un contretemps. Au fur et à mesure de leur arrivée, l'empereur byzantin demande aux croisés de lui prêter serment de loyauté, Godefroy et ses chevaliers conviennent d'une version allégée de ce serment, et promettent seulement de l'aider à retrouver ses territoires perdus. Au printemps 1097 les croisés sont prêts à engager la bataille, après avoir longuement négocié avec l'empereur la traversée du Bosphore. Ils pénètrent en Asie, pour reconquérir Nicée occupée par les Turcs depuis 1085. Pour parvenir jusque-là, Godefroy de Bouillon fait élargir la route reliant Nicomédie à Nicée et l’empereur Alexis Ier Comnène s’engage à assurer un ravitaillement régulier. Après une étape à Nicomédie du 1er au , le 4 mai les croisés s'avancent vers Nicée. La ville est atteinte le 6 mai. Godefroy s'installe au nord, Bohémond de Tarente à l'est, et Raymond de Saint-Gilles, arrivé le 16 mai, au sud. Le siège de Nicée peut commencer. Cependant, lorsque la ville est sur le point d'être prise, les Turcs font le choix de se rendre aux Byzantins et les croisés sont surpris, sinon déçus, de découvrir le 26 juin le drapeau byzantin flottant sur la ville qu'ils s'apprêtaient à attaquer.

Les croisés reprennent leur route vers la Terre sainte. De son côté Kılıç Arslan Ier, sultan de Roum, bat le rappel des Turcs seldjoukides et attaque par surprise les croisés à la bataille de Dorylée, le . La victoire des croisés leur ouvre la voie de l'Anatolie. L’armée progresse difficilement, endurant la faim et la soif, perdant ses chevaux en grand nombre et rendant les guides grecs responsables de ses maux. Vainqueurs des Danichmendides et de l’émir de Cappadoce à Héraclée (en), les croisés traversent le Taurus et sont accueillis favorablement en Cilicie par les Arméniens installés là depuis le milieu du XIe siècle.

Les dirigeants de la première croisade : Godefroy de Bouillon, Bohémond de Tarente, Raymond IV de Toulouse et Tancrède de Hauteville.

Les croisés atteignent l'Oronte le . Godefroy de Bouillon, Bohémond de Tarente et Raymond IV de Toulouse, ne sont pas d'accord sur ce qu'il convient de faire pour s'emparer d'Antioche. Raymond voudrait lancer l'assaut, tandis que Godefroy et Bohémond préfèrent assiéger la ville. Bohémond s'installe au nord-est, face à la porte Saint-Paul. À l'ouest, Raymond place son camp face à la porte du Chien, et Godefroy face à la porte du Duc. Au sud, se trouvent les tours des Deux Sœurs, et plus loin sur les hauteurs, se dressent la citadelle et la porte de Fer. Au nord-ouest, la porte Saint-Georges n'est pas bloquée par les croisés, et continue d'être utilisée pour ravitailler la ville[5]. Le siège d'Antioche s'éternise et en décembre Godefroy tombe malade. Les approvisionnements diminuent à l'approche de l'hiver. À cause du manque de nourriture, un homme sur sept et environ 700 chevaux périssent. Des chevaliers et des soldats commencent à déserter. La situation est si désespérée qu'Alexis Ier ne juge pas utile d'envoyer renforts et ravitaillement.

Godefroy de Bouillon passe le Jourdain et tue un chameau. Enluminure du manuscrit Li rommans de Godefroy de Buillon et de Salehadin....
Paris, BnF, département des manuscrits, ms. Français 22495, fo 78, 1337.

Quand les croisés finissent par prendre la ville, ils se considèrent déliés de leur serment envers l'empereur. Bohémond, parmi les premiers à entrer dans la ville, refuse de la lui restituer. Cela crée des tensions entre lui et Raymond de Toulouse qui est resté fidèle à sa parole. Durant l’été, tandis qu’une épidémie sévit à Antioche et emporte le légat Adhémar de Monteil, les croisés se répandent dans les régions voisines, s’emparent au sud de Lattaquié et de Ma`arrat, ou consolident leurs positions en Cilicie. Les tergiversations du conseil des barons au sujet d’Antioche et du commandement irritent le reste de l’armée, qui détruit les fortifications de Ma`arrat, conquise par Raymond de Toulouse pour le forcer au départ. Fatigué de ces querelles, Godefroy se retire chez son frère Baudouin à Édesse. Durant le mois de mars, Thoros d'Édesse a demandé l'aide des croisés pour faire face aux attaques turques. Baudouin, qui s'est porté à son secours, s'est peu à peu imposé dans la ville. Menaçant de repartir, il oblige Thoros à l'adopter comme successeur. Lorsque le , Thoros a trouvé la mort au cours d’une émeute, Baudouin est devenu comte d’Édesse.

L'armée croisée reprend la route de Jérusalem le , remontant la vallée de l’Oronte, sans être inquiétée par les émirs arabes de la région. Rejoignant la côte, elle s’empare de Tortose et de Maraclée (en). Sous la pression de ses soldats, Raymond de Toulouse doit abandonner le siège d’Arqa dont il comptait faire le centre de ses futures possessions. Suivant la côte jusqu’à Jaffa, les croisés entrent à Bethléem le 6 juin et mettent le siège devant Jérusalem le lendemain. Des échelles en bois pour grimper sur les murs sont construites. Une expédition en Samarie et l’arrivée d’une flotte génoise à Jaffa fournissent le matériel nécessaire à la construction de machines de siège.

G. de Bouillon couronné des signes de la Passion, v. 1870.

Le royaume de Jérusalem

Godefroy de Bouillon, par Colin Nouailher, d'après Jacob Cornelisz van Oostsanen, v. 1541, Metropolitan Museum of Art.

Après un assaut difficile de deux jours, la ville défendue par les Fatimides d'Égypte est prise le . Godefroy est au premier rang des assaillants (les deux premiers sont Letold et Gilbert de Tournai, puis viennent Godefroy et son frère Eustache). Sous ses ordres ainsi que ceux de Tancrède et de Raymond de Toulouse, Juifs et musulmans[note 1] sont massacrés sans pitié, aussi bien hommes que femmes[3]. Ce massacre « n'est pas seulement un crime, mais une faute politique grave puisqu'il fait des Fatimides (…) des adversaires désormais moins disposés à un accord éventuel »[6].

La couronne de roi de Jérusalem lui est proposée après la prise de la ville, mais il la refuse, arguant qu'il ne peut porter de couronne d'or là où Jésus-Christ a dû porter une couronne d'épines. Il accepte le titre d'avoué du Saint-Sépulcre et se contente de la charge de baron.

Statue en bronze de Godefroy de Bouillon à Innsbruck.

Ce choix signifie qu'il considère la Terre sainte, et Jérusalem avant tout, comme la propriété du Christ et donc, par extension, du Saint-Siège. Il se positionne ainsi en serviteur, en défenseur de l'Église. Il est nominalement seigneur du Saint-Sépulcre tout en se maintenant sous l'autorité ecclésiastique. Son titre lui confère les responsabilités suivantes : il doit d'abord avec ses vassaux garder Jérusalem et le tombeau du Christ, puis distribuer des terres aux chevaliers, conquérir et pacifier les villes aux alentours, rendre la justice et pérenniser l'économie locale. Godefroy donne à ses nouveaux États un code de lois sages, connu sous le nom d'Assises de Jérusalem. Il doit compter avec l'opposition de Daimbert de Pise, le patriarche de Jérusalem qui désire faire du royaume de Jérusalem une théocratie avec le Pape à sa tête représenté par le patriarche. Daimbert s'est allié avec Tancrède de Hauteville.

Vingt jours après la prise de Jérusalem par les croisés, l’armée d’Al-Afdhal, vizir fatimide d'Égypte, forte de 30 000 hommes, atteint la Palestine. Le vizir hésite à attaquer la Ville sainte, et prend position près d’Ascalon. Il envoie des émissaires à Godefroy de Bouillon, lui proposant un arrangement s’il quitte la Palestine. Pour toute réponse, les croisés marchent sur Ascalon et, le , repoussent l’armée égyptienne, faisant 10 000 victimes.

Mort

Godefroy décède le en revenant d'une expédition contre le sultan de Damas, vaincu devant Ascalon. Les causes de sa mort sont inconnues : une légende rapportée par le chroniqueur Albert d'Aix veut qu'il ait été empoisonné après avoir mangé une pomme de cèdre que lui a offerte l'émir de Césarée au cours d'un repas. Le chroniqueur arabe Ibn al-Qalanisi évoque une flèche empoisonnée. Il est plus probable qu'il meurt de fièvres, mal fréquent dans cette région touchée par des épidémies de peste[7]. Apprenant la nouvelle, son frère cadet Baudouin abandonne Édesse, rentre à Jérusalem et se fait couronner roi de Jérusalem le 25 décembre en la Basilique de la Nativité de Bethléem.

Albert d'Aix, chroniqueur français, reconstitua vers 1100-1110 l'histoire et les hauts faits du duc. Guillaume de Tyr contribua au XIIe siècle à la légende de Godefroy de Bouillon dans son ouvrage intitulé l'Histoire d'Eraclès. On raconte de lui des exploits extraordinaires, et généralement fabuleux ; il joint au courage la prudence, la modération et la piété la plus vive. On raconte qu'il descend du mythique chevalier au cygne, qui servira d'inspiration à Lohengrin. Le Tasse le choisit pour le héros de son poème. Sa statue équestre orne la place Royale de Bruxelles.

Mort de Godefroy de Bouillon (Salles des Croisades, à Versailles) (1839-1842).

Albert d'Aix écrit ceci peu après 1100 à propos de Godefroy de Bouillon lors de la prise de Jérusalem en juin 1099 :

« tandis que tout le peuple chrétien […] faisait un affreux ravage des Sarrasins, le duc Godefroy, s'abstenant de tout massacre, […] dépouilla sa cuirasse et, s'enveloppant d'un vêtement de laine, sortit pieds nus hors des murailles et, suivant l'enceinte extérieure de la ville en toute humilité, rentrant ensuite par la porte qui fait face à la montagne des Oliviers, il alla se présenter devant le sépulcre de notre seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu vivant, versant des larmes, prononçant des prières, chantant des louanges de Dieu et lui rendant grâces pour avoir été jugé digne de voir ce qu'il avait toujours si ardemment désiré. »

On peut également vanter la simplicité de Godefroy. Durant le siège d'Arsouf, les cheiks arabes vinrent déposer des offrandes auprès de Godefroy, et le trouvent assis à même le sol dans sa tente, non pas entouré de soieries mais accroupi sur de la paille. Les cheiks s'émerveillent alors de la modestie du plus grand des princes francs. Godefroy, mis au courant de leurs commentaires, leur répond que « l'homme doit se souvenir qu'il n'est que poussière et qu'il retournera en poussière ».

Croix pectorale, éperons et épée de Godefroy exposés dans la sacristie de la basilique du Saint-Sépulcre.

Les chroniqueurs de l'époque contribuent également à établir le mythe guerrier du grand seigneur de Brabant. Sa force prodigieuse fut par exemple mise à l'épreuve par les cheiks, ceux-ci le mettant au défi de trancher d'un seul coup la tête d'un chameau au collet. Godefroy s'exécuta et la tête roula à terre. De même, aimant la chasse et les défis, il manquera en Cilicie de se faire tuer par un ours énorme qu'il affronta corps à corps. Enfin, lors du siège d'Antioche, Godefroy est resté célèbre pour avoir tranché en deux, et cela d'un seul coup d'épée, un ennemi par la taille. « Le buste tomba à terre, tandis que le bassin et les jambes restaient accrochés au cheval qui s'éloignait au galop. »

Dans l'église du Saint-Sépulcre, on voyait autrefois les tombeaux[8] de Godefroy de Bouillon et des rois latins de Jérusalem, mais après l'incendie de 1808 de la basilique, ils sont détruits par l'architecte des Grecs pour aménager plusieurs chapelles. Selon une tradition, ces tombeaux étaient placés sous la Pierre de l'Onction. Une autre tradition les plaçait sous les deux bancs attenant à la chapelle d'Adam sous le calvaire[9],[10]. De prétendues reliques de Godefroy (épée, croix pectorale et éperons) sont conservées dans un coffre de la sacristie puis exposées dans une vitrine. L'épée est toujours utilisée par le patriarche latin de Jérusalem et grand prieur de l'ordre équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem pour adouber les chevaliers[11].

Godefroy de Bouillon reste, malgré ses exploits, un personnage de légende, comme le souligne Fabien Paquet : « en moins d'un an, il fit finalement peu ; c'est certainement pour cela qu'on lui attribua beaucoup - la légende devait bien compenser la brièveté du règne »[12].

Mythe national

Il est, dès le Moyen Âge, considéré comme un héros, faisant partie des Neuf Preux.

Belgique

Statue de Godefroy de Bouillon sur la place Royale à Bruxelles. Comme indiqué sur le socle de la statue, le lieu de naissance de Godefroy est Baisy.

En 1830, la Belgique se cherche ardemment des racines, c’est ainsi que l’État ayant regagné son indépendance est saisi par la frénésie d’exalter ses gloires passées[13] (comme toutes les nations occidentales de l'époque, France incluse, c'est le roman national). Ainsi, les historiens belges du XIXe siècle vont utiliser Godefroy de Bouillon, au même titre notamment qu'Ambiorix, en exaltant sa naissance à Baisy-Thy[14], village qui se situe dans le Brabant wallon.

Les historiens belges vont glorifier cet ancêtre pour ses qualités martiales et sa foi envers Dieu ; mais aussi parce que, né aux confins des mondes latin et germanique, il préfigure la civilisation belge supposée être un mélange équilibré entre l’âme latine et les qualités germaniques propres au peuple belge[15]. Godefroy devient le modèle idéal du Belge pieux et brave[16].

Il s’agissait alors pour les historiographes du Royaume d'accréditer l'idée qu’une nation belge existait à l’époque de Godefroy. Cette vision de l’Histoire perdurera jusqu’au XXe siècle et parfois jusqu’au XXIe siècle[17]. Cette phrase de Jo Gérard, datant de 1988, est un exemple contemporain de cette reconstitution du passé au prisme de l'idée nationale : « D’avoir vécu en commun l’aventure des croisades, d’avoir vu mourir Godefroy de Bouillon et leur comte Philippe au pays des infidèles, les Belges ont puisé dans cet événement grandiose une nouvelle unité de sentiment, d’aspiration et de foi[18]. »

Nonobstant cette vision romantique d'un Godefroy (déjà) belge, cette interprétation n'est pas absolument fantaisiste et sans fondement. En effet, sur la statue de Godefroy sise sur la place Royale de Bruxelles, outre la mention qui y est faite de sa qualité de premier souverain de Jérusalem, l'on y voit aussi mentionné son titre de Duc de Basse-Lotharingie. Or, ce duché, existant de 959 à 1190, couvrait une bonne partie du territoire de la Belgique actuelle et, à son extinction, sa titulature fut léguée perpétuellement aux ducs de Brabant, et y était évoquée sous le vocable composé de Duc Brabant et de Lothier. Ainsi Godefroy porta-t-il le titre de duc d'un État largement précurseur de l'État belge indépendant et dont les souverains étaient intronisés sur les marches de l'église Saint-Jacques-sur-Coudenberg, à quelques mètres de l'emplacement de la statue. Celle-ci fut d'ailleurs élevée en 1848 au centre de la Place royale où le premier roi des Belges, Léopold Ier, prêta le serment constitutionnel le , sur les marches de l’église Saint-Jacques-sur-Coudenberg comme traditionnellement[19] avant lui les souverains du Duché de Brabant et de Lothier[20].

Encore aujourd’hui le titre de Duc de Brabant est celui de l'héritier à la Couronne belge, ce qui démontre toute l'importance qu'il lui fut et reste attachée.

Statue de Godefroy de Bouillon, sur le versent du château de Bouillon, réalisée par le sculpteur Victor Demanet.

Il est également récupéré par le rexisme qui désire produire un parallèle entre Godefroy et Léon Degrelle, Degrelle étant originaire de Bouillon, tous deux, poussés par un idéal de civilisation, étant partis en guerre vers l’Orient avec des troupes hétéroclites composées de guerriers venus de tous les pays d’Europe (les croisés dans un cas, les S.S. dans l’autre)[21].

En 2005, le ministre des Affaires étrangères Karel De Gucht se fait prêter par la Custodie franciscaine de Terre sainte plusieurs reliques civiles (croix pectorale, éperons et l'épée) censées avoir appartenu à Godefroy et conservées dans la sacristie de la basilique du Saint-Sépulcre. Ces reliques sont exposés dans le cadre de l'exposition « Made in Belgium » organisée à l'occasion du 175e anniversaire de l'indépendance belge[22].

France

La blessure de Godefroy de Bouillon, cloître Saint-Trophime, Arles.

En France, un écrivain tel que François-René de Chateaubriand écrivait dans ses Carnets de voyage, après avoir été nommé chevalier du Saint-Sépulcre :

« Cette cérémonie ne pouvait être tout à fait vaine, j'étais Français, Godefroy était Français ; ses vieilles armes en me touchant, m'avaient communiqué un nouvel amour pour la gloire et l'honneur de ma patrie[23]. »

Dans le cloître Saint-Trophime de l'ancienne cathédrale d'Arles sont exposés sept tapisseries de la fin du XVIIe siècle dont trois représentent Godefroy de Bouillon.

Ascendance

Descendance

Godefroy ne s'est jamais marié. On ne lui connaît aucun descendant[24].

Cinéma et télévision

Notes et références

Notes

  1. Des chrétiens orthodoxes (grecs, syriaques) sont tués aussi, bien que certains aient fui ou aient été expulsés par les Arabes avant le siège de peur qu'ils n'aient partie liée avec les croisés, d'autres s'étant terrés durant le siège de la ville.

Références

  1. Robert Delort, Les Croisades, Éditions du Seuil, , p. 32.
  2. Voir page de discussion.
  3. Aubé 1985, p. 221.
  4. Cette date ne peut cependant être celle de son départ de Bouillon, puisque certains de ses accompagnateurs partirent ce jour-là avec lui de l'Abbaye d'Avelin (Abbé A. J. Namèche, Cours d'Histoire nationale, p. 39), à savoir dans l'ordre de cette source « Anselme de Ribemont, Bouchard châtelain de Valenciennes, Gérard seigneur d'Avesnes, qui se firent un renom en Orient, et un grand nombre d'autres seigneurs du Hainaut. La tradition nous a conservé les noms de Gilles de Chin, Gillion de Trazegnies, Baudouin d'Havré, Charles de Jeumont, Bernard de Ligne, Anselme ou Ansiau d'Enghien, Gilbert d'Antoing, Antoine de la Hamaïde, Guillaume de Floyon, Evrard de Bossu, Jean de Gavre, Gérard de Chimai, Pierre de Condé, Charles de Robersart, Gérard de Roisin, Galifer de Lalain, Porus de Werchin et Eustache de Berlaimont. »
  5. Grousset 1934, p. 140-2.
  6. Paul Rousset, Histoire d'une idéologie : la Croisade, L'Âge d'Homme, , p. 49.
  7. Aubé 1985, p. 401.
  8. « Plan du Saint Sepulchre de nôtre seig. Jesus-Christ situé en la terre sainte sur le Mont calvaire dans la cité de Jerusalem », sur Gallica, (consulté le ).
  9. Alexis-Guillaume-Charles-Prosper baron de Hody, Description des tombeaux de Godefroid de Bouillon et des rois latins de Jérusalem, jadis existant dans l'église du Saint-Sépulcre ou de la Résurrection, H. Goemaere, .
  10. Vincent Meylan, « L'énigme des tombeaux des Rois des Croisades », Point de Vue, , p. 64.
  11. Cette épée en fer dite de « Godefroy de Bouillon » qui offre l’aspect d’une arme médiévale, est en fait datée du XVe – XVIe siècle. D'une longueur de 100 cm, elle présente une longue lame montée sur une garde traçant un schéma cruciforme qui associe au pommeau, la poignée et des quillons horizontaux infléchis en leur extrémités sur lesquels subsistent des traces de dorure. Source : Salsa Bertin, « Trésors du Saint Sépulcre, mémoire de l’Occident », sur CultureMag.fr, .
  12. Fabien Paquet, « Godefroy de Bouillon, le colonisateur? », l'Histoire, , p. 39
  13. Anne Morelli, Les grands mythes de l’histoire de Belgique, de Flandre et de Wallonie, Evo-histoire, 1995, Bruxelles, p. 50.
  14. Anne Morelli, op. cit., p. 49.
  15. Anne Morelli, op. cit., p. 35.
  16. Anne Morelli, op. cit., p. 52.
  17. Anne Morelli, op. cit., p. 23 et p. 52.
  18. Jo Gérard, Oui la Belgique existe, je l’ai rencontrée, Bruxelles, 1988, pp. 17-18.
  19. Sébastien Dubois, L'invention de la Belgique. Genèse d’un État-Nation (1648-1830), Bruxelles, Racines, , 446 p. (ISBN 2-87386-402-8)
  20. Henri Pirenne, Histoire de Belgique, Tome 3, La Renaissance du Livre, 1950, p. 309
  21. 175 ans de la Belgique vus par Anne Morelli (ULB).
  22. « L'épée de Godefroy de Bouillon prêtée à la Belgique », sur la-croix.com, .
  23. Cité dans Marie-Josèphe Daxhelet, Sacré Godefroy de Bouillon, Didier Hatier, Bruxelles, 1992.
  24. « JERUSALEM », sur fmg.ac (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang (dir.), « Godefroy de Bouillon » dans Dictionnaire universel d’histoire et de géographie, (lire sur Wikisource)
  • René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem - I. 1095-1130 L'anarchie musulmane, Paris, Perrin, (réimpr. 2006), 883 p.
  • Georges Despy, Godefroid de Bouillon: mythes et réalités, dans Bulletin de la Classe des Lettres de l'Académie royale de Belgique, 5e série, t. LXXI, 1985, p. 249-275.
  • Henry Dorchy, Godefroid de Bouillon, duc de Basse-Lotharingie, dans Revue belge de philologie et d'histoire, Tome 26 fasc. 4, 1948. p. 961-999.
  • Pierre Aubé, Godefroy de Bouillon, Paris, Fayard, , 430 p. (ISBN 2-213-01654-2, présentation en ligne).
  • Général Guillaume, « Bouillon, Godefroid de », dans Biographie nationale de Belgique, t. 2, (lire en ligne).
  • Marcel Lobet, "Godefroid de Bouillon", essai de Biographie antilégendaire, Les Écrits, Bruxelles-Paris 1943.

Articles connexes

Liens externes

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