Histoire du Caucase

L'histoire de la région du Caucase concerne deux entités :

À l'époque moderne, le Caucase du Sud ainsi qu'une partie du Caucase du Nord (Daghestan) a appartenu à l'Empire perse. La Russie a conquis, annexé et réorganisé la totalité de la région au XIXe siècle.

Paléolithique

La préhistoire du Caucase (en) reste encore mal connue.

L'existence d'une industrie lithique peu élaborée est attestée depuis 1984. Les premiers ossements humains de la région ont été découverts en 1991 à Dmanissi (sud-est de la Géorgie) : le site a notamment livré les crânes dits Dmanissi 2, Dmanissi 4 et Dmanissi 5, qui ont permis d'établir l'existence d'une nouvelle espèce humaine, Homo georgicus, ayant habité la zone au Pléistocène inférieur, il y a environ 1,8 million d'années ; voir liste de fossiles d'hominidés.

Des traces de présences humaines plus récentes ont été mises au jour dans les grottes d'Azokh (Haut-Karabagh), occupée il y a 300 000 ans, et de Mezmaïskaïa (Adyguée), occupée il y a 65 000 ans. Les espèces humaines de cette période sont l'azykhanthrope (en) et l'homme de Néandertal.

Épipaléolithique et Mésolithique

Au Pléistocène supérieur, les populations qui peuplent la région, dites « chasseurs-cueilleurs du Caucase » (CHG, Caucasus hunter-gatherer), forment un groupe génétique différent des deux autres foyers de peuplement que sont l'Anatolie et le Levant d'une part, et l'Iran actuel d'autre part[1]. Cependant, si les chasseurs-cueilleurs du Caucase montrent des affinités génétiques plus étroites avec les premiers fermiers (« early farmers » EF) du Néolithique d'Iran, ils semblent partager une ascendance commune avec tous les premiers fermiers occidentaux[2].

Parmi les découvertes récentes :

En Iran voisin, les monts Zagros ont donné des pierres taillées datant du Moustérien (40 000-32 000 ans), du Baradostien (38 000-18 000 ans) et du Zarzien (18 000-10 000 ans).

Néolithique

L'avènement du Néolithique dans le Caucase s'amorce dans les plaines inondables du sud de la région au VIe millénaire av. J.-C., et se poursuit dans l'ouest-nord-ouest au cours du millénaire suivant. Cette néolithisation s'accompagne de migrations de populations venues tant du plateau iranien que de l'Anatolie, qui s'intègrent aux populations locales[1].

Ces communautés préhistoriques pratiquaient l'agriculture et l'élevage et étaient au moins partiellement sédentaires. Plusieurs variétés de céréales (blé, orge, froment, millet) sont cultivées et stockées dans des silos, comme en attestent des découvertes réalisées à Göytepe, en Azerbaïdjan[4], et probablement extrapolables à d'autres sites. Les communautés préhistoriques produisent également des lentilles et des pois.

La poterie est quasiment absente dans certains des plus anciens sites de cette culture. Même dans les phases de développement ultérieures, elle demeure rare. Il s'agit pour l'essentiel de vases assez grossiers. Certains présentent des décors géométriques et anthropomorphes en relief.

La culture de Shulaveri-Shomu (8 000-6 000 ans avant le présent) a pu coexister avec d'autres cultures au sud du Caucase. Le site de Metsamor (en) (8 000-4 000 ans), près de Taronik (Arménie), révèle une ville fortifiée et une ville basse.

Parmi les cultures proches :

Chalcolithique

Des traces de techniques propres à l'âge du cuivre ont été mises au jour à Metsamor, ainsi qu'à Yarim Tepe (Iran) (en) et Turang Tepe.

Âge de bronze

La culture Kouro-Araxe (vers 3 400-2 000 av. J.-C.) se développe essentiellement dans le sud du Caucase, dans l'est de l'Anatolie et dans le nord-ouest de l'Iran. Elle se serait formée localement à partir des traditions des communautés locales tout en incorporant des influences culturelles d'autres régions. Cependant, selon Giulio Palumbi, la céramique rouge et noire typique de cette culture serait originaire d'Anatolie orientale, puis se serait diffusée vers le Caucase où elle se serait mélangée aux traditions locales[7].

La population est avant tout constituée d'agriculteurs-éleveurs. L'élevage des bovins et des moutons et, dans une moindre mesure, des chèvres, constitue une des principales activités. L'élevage des chevaux se développe durant une phase tardive, bien qu'il ait sans doute débuté précocement[8]. L'importance de cette culture témoigne d'un mode de vie sédentaire dans la plupart des régions concernées, voire toutes. La viticulture en lien avec la production de vin est attestée dès cette période.

La céramique caractéristique de la culture Kouro-Araxe, de très bonne qualité, est de couleur rouge et noire. La forme des pots se distingue de celle des pots des cultures chalcolithiques précédentes. Ces nouvelles formes suggèrent des usages différents et des traditions culinaires distinctes, par exemple l'importance des aliments bouillis de type ragoût.

Au nord du Caucase, la culture de Maïkop s'étend en Ciscaucasie à partir de la péninsule de Taman, jusqu'aux contreforts du Grand Caucase et du littoral de la mer Noire (anciennement "Pont-Euxin") à l'ouest, et vers l'actuelle Tchétchénie à l'est. Elle subit l'influence de la culture Kouro-Araxe. Elle est surtout connue pour ses pratiques d'enterrement (inhumation) : sépultures bordées de pierres et surmontées d'un kourgane, qui apparaissent à cette époque. Maïkop est remarquable par l'abondance des objets de bronze finement décorés, ainsi que des objets d'or et d'argent.

L'économie de ces tribus est basée sur l'agriculture par la houe (en pierre ou en bronze) et l'élevage de troupeaux bovins ou ovins, ainsi que de chevaux et de porcs. La cueillette semble également avoir une certaine importance. Les établissements humains de l'époque, construits de façon éphémère, consistent en des huttes de planches jointes par de l'argile, de forme carrée ou ovale, d'environ 5 m2. Les habitants utilisent la roue et se déplacent en chariots : un chariot a notamment été découvert dans le kourgane de Starokorsounskaïa, dans le Kouban (nord du Caucase)[9]. L'agriculture prend souvent la forme de cultures en terrasses, ce qui constitue l'un des plus anciens exemples connus de ce type de pratique.

La commune de Martkopi (Martqopi) est célèbre pour la découverte, dans la vallée d'Ulaveri, de plusieurs riches kourganes funéraires, marquant le début de la culture des kourganes de la Transcaucasie centrale. La culture de Martkopi peut être datée d'environ 2550 av. J.-C.

À l'âge du Bronze, Metsamor (Arménie) semble avoir été une ville de 10,5 hectares, avec murs cyclopéens et ziggourat, destinée à s'étendre jusqu'à cent hectares avec forteresse, palais, complexe de temples, observatoire, fonderie de cuivre, zones résidentielles et zone funéraire d'environ 100 ha supplémentaires.

Âge du fer

L'Âge du Fer au Caucase précède l'âge du fer en Europe, qui en découle.

Le Caucase du Nord est une marge de la constellation des peuples scythes. Les Cimmériens étaient un peuple cavalier nomade initialement signalé dans la steppe pontique, au nord du Pont Euxin (aujourd'hui la mer Noire), comme ce sera aussi le cas, après eux et successivement, des Scythes, des Sarmates, des Iazyges, des Roxolans, des Alains, des Huns, des Avars, des Bulgares, des Magyars, ainsi que de nombreux peuples turcs (Khazars, Petchénègues, Kiptchaks, Tatars…). Les Cimmériens étant les plus anciennement mentionnés, les sources écrites (des passages d'Hérodote et de Strabon, des tablettes assyriennes…) sont très succinctes. La Culture de Koban (1100-400) concerne surtout l'Ossétie.

Le Caucase du Sud relève du royaume hourrite d'Urartu (860-590). L'ancienne forteresse urartéenne d'Erebouni, construite en -782, est à l'origine d'Erevan. L'Empire perse achéménide (559-330). À l'époque des Séleucides (305-64), l'Atropatène (-323 - + 226) forme une satrapie mèdique indépendante, correspondant à peu près à l'Azerbaïdjan.


Parmi les peuples associés à l'âge du fer régional :

Parmi les cultures correspondantes :

Antiquité

L'Empire d'Alexandre le Grand (356-323) s'effondre dès sa mort. La succession d'Alexandre le Grand, par les guerres des Diadoques (322-281), amène dans la région l'Empire séleucide (305-64), et surtout la transformation de deux satrapies en royaume d'Arménie (-190 - + 428) et Atropatène (-323 - + 226, Azerbaïdjan). L'ère séleucide, dans la région, prend fin avec les guerres de Mithridate : les Romains annexent le Royaume du Pont de Mithridate VI (135-63), placent un roi vassal en Colchide et réduisirent Tigrane II d'Arménie (140-55). Désormais, les deux grandes puissances voisines, romaines et parthes, impliquent l'Arménie et les autres États du sud du Caucase dans leurs luttes, avec parfois des incursions des Alains du Nord du Caucase. La guerre parthique de Trajan (114-117) est le pic des guerres perso-romaines et de l'avancée romaine en Orient. Le christianisme primitif se répand en Perse dès le 2e siècle, contre le mazdéisme zoroastrien : Église de l'Orient, Nestorianisme, Église syriaque orthodoxe. L'Arménie est le premier pays à adopter le christianisme, sous Tiridate IV d'Arménie (roi de 298 à 330), grâce à Grégoire Ier l'Illuminateur (257-331) : Église apostolique arménienne, monastère de Khor Virap. La rivière Koura, entre Mer Caspienne et Mer Noire, est un tracé secondaire de la route de la soie. Les grands mouvements migratoires, dites invasions barbares perturbent le Nord du Caucase. La confédération des Huns repousse définitivement les Alains, vers 370.

Moyen Âge

L'islam parvient dans l'Est du Caucase dès le 7e siècle, comme suite de la conquête musulmane de la Perse, à l'époque d'Othmân ibn Affân. Les Khazars constituent un empire en Circaucasie, pour quelques siècles. La Géorgie se constitue en puissance régionale. Les alliances entre les diverses puissances varient, entraînant des conflits. L'Empire seldjoukide (1037-1194), turco-perse, se maintient près d'un siècle, cède, à l'Est du Caucase, la place à l'Empire khwarezmien (1077-1231, principalement en Perse et Transoxiane), perso-turc, lui-même balayé par l'invasion mongole de l'Empire khwarezmien (1218-1221), avec Gengis Khan. Au 13e siècle, le Caucase est ravagé par les Tatars, les Mongols, puis les Ouzbeks. Les descendance de Gengis Khan établissent, entre autres sur le Nord du Caucase, l'empire de la Horde d'or (1243-1502), et au Sud l'Ilkhanat de Perse (1256-1335), qui entrent en conflits. Tamerlan (1336-1405), turco-mongol, établit l'empire timouride (1370-1507). L'islam prend la place du christianisme en Azerbaïdjan et au Daghestan, aux 14e-16e siècles. L'Empire ottoman (1299-1922) élimine l'Empire de Trébizonde (1204-1461). Les Safavides envahissent et annexent la Géorgie. La bataille de Tchaldiran (1514) oppose Ottomans et Safavides, qui se partagent la Géorgie. La Russie (Grande-principauté de Moscou (1341-1478), devenue Tsarat de Russie (1547-1721)) reconquiert les khanats mongols, d'abord sous Ivan le Terrible (1530-1584), s'étend en Ukraine et en Sibérie.

Époque moderne

L'Empire russe (1721-1917) s'étend à l'Ouest et au Sud, Caucase compris, par conquête, annexion ou protectorat : Géorgie, Daghestan, Arménie, Azerbaïdjan. Parmi les aspects positifs : abolition du servage de 1861 (en Géorgie en 1863-1867), exploitation du pétrole (d'abord à Bakou (1872) puis en Tchétchénie (1893)), route militaire géorgienne (1801-1863), chemin de fer transcaucasien (lancé en 1865, achevé en 1883), route militaire d'Ossétie (1854-1889). Mais aussi russification, affrontements sociaux et ethniques, rivalités turco-russes. Après la Première Guerre mondiale et la Campagne du Caucase (1914-1918), l'histoire de toute la région relève officiellement de l'histoire interne de l'Union des républiques socialistes soviétiques (1922-1991).

Parmi les événements marquants de la période :

Époque contemporaine

La dislocation de l'URSS (et du Bloc de l'Est) vient de loin. L'arrivée au secrétariat général de Mikhaïl Gorbatchev, en 1985, accélère le processus : déstalinisation, perestroïka, dérussification, post-communisme, conflits post-soviétiques, décommunisation, etc.

Parmi les événements marquants de la période :

Notes et références

  1. (en) Chuan-Chao Wang et al., Ancient human genome-wide data from a 3000-year interval in the Caucasus corresponds with eco-geographic regions, Nature Communications, volume 10, Article numéro: 590, février 2019
  2. (en) Nina Marchi, Laura Winkelbach, Ilektra Schulz et al., « The genomic origins of the world’s first farmers », Cell, (DOI 10.1016/j.cell.2022.04.008).
  3. https://www.thoughtco.com/dzudzuana-cave-early-upper-paleolithic-cave-170735
  4. Kadowaki S., Maher L., Portillo M., Albert R. M., Akashi C., Guliyev F., Nishiaki Y., 2015, Geoarchaeological and palaeobotanical evidence for prehistoric cereal storage in the southern Caucasus: the Neolithic settlement of Göytepe (mid 8th millennium BP), Journal of Archaeological Science, vol. 53, p. 408-425
  5. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01659593/file/B%20PERELLO_Prix%20Clio%202017_Mission%20Caucase.pdf
  6. https://missioncaucase.hypotheses.org/aknashen-khatunarkh
  7. (en) Potts D. T., 2012, A Companion to the Archaeology of the Ancient Near East, p. 677
  8. (en) D. W. Anthony, The Horse, the Wheel, and Language: How Bronze-Age Riders from the Eurasian Steppes Shaped the Modern World, Princeton University Press, (ISBN 1400831105), 2010, p. 298
  9. (en) Christoph Baumer, The History of Central Asia: The Age of the Steppe Warriors, I.B.Tauris, 2012 (ISBN 1-7807-6060-4) p. 90

Articles connexes

Liens externes

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