Honoré d'Estienne d'Orves

Honoré d’Estienne d’Orves [dɛstjɛn dɔʁv], né le à Verrières-le-Buisson et mort le au Mont-Valérien (Suresnes), est un officier de marine français, héros de la Seconde Guerre mondiale, martyr de la Résistance, mort pour la France[2], Compagnon de la Libération à titre posthume par décret du 30 octobre 1944.

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Honoré d’Estienne d’Orves
Nom de naissance Henri Louis Honoré d’Estienne d’Orves
Naissance
Verrières-le-Buisson, France
Décès
Forteresse du Mont-Valérien (Suresnes), France
Origine France
Arme Marine nationale française
Grade Capitaine de corvette
Capitaine de frégate (à titre posthume)
Années de service 1923 – 1941
Conflits Seconde Guerre mondiale
Faits d'armes Héros de la Résistance
Distinctions Comte[1]
Chevalier de la Légion d'honneur
Compagnon de la Libération (à titre posthume)
Hommages Un aviso de la Marine nationale (aujourd'hui désarmé)
Une station de métro à Paris Trinité - d'Estienne d'Orves
Lycée Honoré-d'Estienne-d'Orves (Nice)

Le réseau de renseignement de la France libre, qu'il a organisé avec Jan Doornik, Maurice Barlier et d'autres, s'appelait Nemrod[3].

Biographie

Origines familiales et formation

Armoiries de la famille d'Estienne d'Orves.

Honoré d’Estienne d’Orves naît à Verrières-le-Buisson, fief de sa famille maternelle, les Vilmorin (il était le cousin germain de Louise de Vilmorin). Sa famille paternelle (son père est Marc d'Estienne d'Orves), de vieille souche provençale est royaliste légitimiste ; c'est une branche de la famille d'Estienne de Saint-Jean. Il descend du général vendéen Charles d'Autichamp, et à la maison le drapeau blanc est de rigueur, (comme chez les Hauteclocque d’ailleurs).

Il entre, en 1910, au lycée Saint-Louis-de-Gonzague[4], puis rejoint Louis-le-Grand en 1919 (il étudie aussi au lycée privé Sainte-Geneviève) pour préparer le concours d'entrée à l'École polytechnique, qu'il intègre en 1921[5]. Lycéen proche de l'Action française[6], il s'éloigne de la politique en entrant à Polytechnique[7].

Durant ses études à Polytechnique, lui et son ami Pierre Henri Bertrand de Saussine du Pont de Gault courtisent Louise de Vilmorin, rescapée de la tuberculose osseuse. Elle leur préférera un temps Antoine de Saint-Exupéry. Parallèlement, il participe au groupement confessionnel catholique des Équipes sociales de Robert Garric[6].

Marin

Sorti de l'École polytechnique en 1923[8], Honoré d'Estienne d'Orves s'engage dans la Marine nationale, élève officier à l'École navale. Il participe à la campagne d'application à bord du croiseur école Jeanne d'Arc.

En 1929, il épouse Éliane de Lorgeril, descendante de Louis de Lorgeril, maire de Rennes, avec qui il aura cinq enfants[9] :

  1. Marguerite Honoré d'Estienne d'Orves ;
  2. Monique Honoré d'Estienne d'Orves ;
  3. Rose Honoré d'Estienne d'Orves ;
  4. Marc Honoré d'Estienne d'Orves (1937-2016), comte d'Estienne d'Orves, capitaine de corvette honoraire ;
  5. Philippe Honoré d'Estienne d'Orves, comte d'Estienne d'Orves.

Il est promu Lieutenant de vaisseau en 1930. En il est embarqué à bord du croiseur lourd Duquesne, comme aide de camp de l'amiral Godfroy[8], commandant la Force X. Cette escadre se trouvant internée à Alexandrie lors de l'opération Catapult le 3 juillet 1940, d'Estienne d'Orves ne se satisfait pas de l'inaction à laquelle il est contraint.

La volonté de continuer le combat

En , avec plusieurs de ses camarades, il tente de rejoindre le général Legentilhomme, commandant supérieur des troupes de la Côte française des Somalis, qui a annoncé son intention de refuser l'armistice[8]. La colonie s'étant finalement ralliée au gouvernement de Vichy en évinçant le général Legentilhomme, d'Estienne d'Orves décide, en , de rejoindre l'Angleterre[8].

Il parvient à Londres à la fin de septembre après un long périple autour de l'Afrique, il prend le nom de « Chateauvieux »[10] et se présente au quartier-général du général de Gaulle. Il est affecté au 2e bureau des Forces navales françaises libres[8].

Mission en France

Plaque commémorative du premier appel entre la France libre et la France occupée en décembre 1940.

Le , il est envoyé en mission en France : il traverse la Manche à bord d'un petit chalutier, accompagné du quartier-maître radiotélégraphiste « Georges Marty » (un Alsacien dont le vrai nom est Alfred Gaessler[8]). Ils débarquent à Plogoff (Pors Loubous). Installé à Nantes dans le quartier de Chantenay[8], il organise un réseau de renseignement en France, le réseau Nemrod[8]. Il établit la première liaison radio entre la France occupée et Londres. Du 6 au , il est à Paris, où il séjourne entre autres chez Max André, une connaissance d'avant-guerre, qui accepte, à sa demande, de monter un réseau de renseignement dans la capitale.

Arrestation

À son retour à Nantes, il est trahi par Alfred Gaessler[8] qui est en réalité un agent du contre-espionnage allemand[11]. Il est arrêté le [8], ainsi que les époux Clément, chez qui il se trouvait, et, par la suite, les vingt-trois autres membres du réseau. Les accusés sont transférés à Berlin puis à Paris où, le , la cour martiale allemande condamne Estienne d'Orves à mort ainsi que huit de ses camarades[8] qui sont transférés à Fresnes.

Les condamnés ne sont pas immédiatement exécutés. Ce sursis peut s'expliquer par la volonté du général von Stülpnagel, commandant des forces d'occupation en France, de garder des otages pour une occasion spectaculaire[8]. Il est aussi possible qu'il ait été tenu compte de la forte émotion provoquée par la condamnation d'un officier de marine, au point de susciter l'intervention du gouvernement de Vichy auprès des autorités allemandes[8]. L'amiral Darlan, vice-président du Conseil, intervient, le , dans le cadre de ses tractations avec les Allemands concernant les Protocoles de Paris[12], pour demander la grâce d'Estienne d'Orves à l'amiral Canaris, en proposant en échange la fourniture de renseignements provenant du centre d'écoutes secret des Oudaïas (Rabat), afin que les Allemands soient informés sur les mouvements de la Marine britannique[12] et le des militaires français, proches de la Résistance, sont arrêtés, dont André Beaufre, semble-t-il (selon Loustaunau-Lacau[12]) sur instructions de Darlan[12].

Exécution

Affiche bilingue allemand-français annonçant l'exécution d'Estienne d'Orves et de ses compagnons par l'occupant.

Le , c'est l'entrée en guerre de l'URSS et, le , le résistant communiste Pierre Georges  le futur colonel Fabien  assassine de deux balles dans le dos l'aspirant d'intendance de la Kriegsmarine Alfons Moser au métro Barbès[13],[8]. Le lendemain, les Allemands promulguent une ordonnance transformant les prisonniers français en otages[8] et le général von Stülpnagel profite de l'occasion pour faire un exemple[8]. En représailles, cent otages sont exécutés dont Estienne d’Orves le au Mont-Valérien, en compagnie de Maurice Barlier, sous-lieutenant FFL, et de Jan Doornik, officier hollandais[8].

Estienne d’Orves a laissé un journal où il exalte sa foi patriotique et sa ferveur religieuse, ainsi que des lettres émouvantes à sa famille.

Ses enfants sont recueillis par des camarades de l'École polytechnique, dont Jean Freysselinard, gendre du président Albert Lebrun, installé à Vizille (Isère)[14].

Décorations

Hommages posthumes et mémoire

Sépulture d'Honoré d'Estienne d'Orves, au cimetière de Verrières-le-Buisson (Essonne).
Plaque à Suresnes (ville où il a été assassiné), rue Honoré-d'Estienne-d'Orves.
  • Cependant, à Toulon (Pont du Las), rue Félix-Mayol, un collège portant son nom a été débaptisé dans les années 1980 (il se nomme désormais Pierre-Puget).
  • Les auditeurs de la 186e session en région de l'Institut des hautes études de Défense nationale (Nantes-Brest-Rennes de septembre à ) ont choisi de donner le nom « Honoré d'Estienne d'Orves » à leur promotion.
  • En 1958, l'administration des PTT françaises émet un timbre à son effigie dans la série des « Héros de la Résistance »[21].
  • La Région des Pays de la Loire a choisi de donner son nom au lycée de Carquefou, ouvert à la rentrée 2017, mais l’opposition de gauche, ainsi que des enseignants et des parents d’élèves, ont protesté et réclamé le nom d’un scientifique[22]. Ils n'ont pas obtenu gain de cause.

Publication

  • Carnets de voyage, Paris, éditions Flammarion, coll. « Arthaud - L’Esprit voyageur », 2013 (ISBN 978-2-08-128997-0).

Notes et références

  1. Voir Titre de noblesse dans les républiques parlementaires.
  2. Militaires décédés durant la Seconde Guerre mondiale.
  3. Christian Bougeard, Histoire de la Résistance en Bretagne, Jean-paul Gisserot, coll. « Les Universels Gisserot », , 118 p. (ISBN 978-2-87747-091-9, lire en ligne), p. 29.
  4. Honoré d'Estienne d'Orves, pionnier de la Résistance : papiers, carnets et lettres, France-Empire, 1985, 284 p., p. 18.
  5. Honoré d'Estienne d'Orves, pionnier de la Résistance : papiers, carnets et lettres, op. cit., p. 39.
  6. Olivier Forcade, « Les milieux militaires et l'Action française de 1898 à 1940 », dans Michel Leymarie, Jacques Prévotat (éd.), L'Action française : culture, société, politique, Presses universitaires du Septentrion, 2008, 434 p. (ISBN 9782757400432), p. 125.
  7. Michèle et Jean-Paul Cointet, Dictionnaire historique de la France sous l'occupation, Paris, Tallandier, 2000, p. 286.
  8. « Honoré d'Estienne d'Orves », sur le site cheminsdememoire.gouv.fr.
  9. Le prénom de leur père, Honoré, a été ajouté au patronyme familial, Estienne d'Orves, qui devient Honoré d'Estienne d'Orves.
  10. Portrait d'Honoré d'Estienne d'Orves, Fondation de la Résistance.
  11. Oscar Reile (de), L'Abwehr – Le contre espionnage allemand en France de 1935 à 1945, Paris, France-Empire, 1970.
  12. Marc Ferro, Pétain,  éd. Fayard, Paris, 1987, 789 p. (ISBN 2213018332 et 978-2213018331) ; rééd. Hachette littérature, coll. « Pluriel », Paris, 2009, 789 p. (ISBN 978-2-01-270518-0), p. 318-319.
  13. Marc Ferro, Pétain, op. cit., p. 340.
  14. Information obtenue par Éric Freysselinard de la fille d'Honoré d'Estienne d'Orves.
  15. Décret du 30 octobre 1944, à titre posthume.
  16. « Ordre de la libération »
  17. « Estienne-d'Orves ouvre ses 15 hectares au public »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), Nice-Matin, . Consulté le .
  18. Centre de documentation pédagogique (CDDP) de l'Essonne, Lieux de mémoire en Essonne, CRDP de Versailles et conseil général de l'Essonne, 2005, travail d'élèves, d'un professeur et d'un parent d'élève du lycée de Vilgénis à Massy, primé au Concours national de la Résistance et de la Déportation.
  19. Monique Houssin, Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis un nom une rue, une histoire, AMNR 93 et Paris, éditions de l'Atelier, 2004.
  20. L'inventaire pour la région parisienne a été réalisé à partir du Répertoire de 300 communes autour de Paris, Paris, éditions l'Indispensable, 1986.
  21. L'émission de cette série s'étale sur plusieurs années de 1958 à 1961. En 1958, sont honorés ainsi Jean Moulin, Robert Keller, Jean-Baptiste Lebas, Pierre Brossolette et Honoré d'Estienne-d'Orves.
  22. Ouest-France du 8 octobre 2018 : Carquefou. Nom du lycée : la gauche dénonce « un passage en force ».

Bibliographie

  • Présenté par Pierre de Bénouville, La Vie exemplaire de d'Estienne d'Orves, coll. « Histoire de la Résistance », Genève, éditions de Crémille, 1970, 334 p.
  • Étienne de Montety, Honoré d'Estienne d'Orves : un héros français, Paris, Perrin, , 337 p. (ISBN 978-2-262-02293-8).
  • Rose Honoré-d’Estienne d’Orves et Philippe Honoré-d’Estienne d’Orves, Honoré d'Estienne d'Orves : pionnier de la Résistance, Paris, France-Empire, , 287 p. (ISBN 978-2-7048-0879-3).
  • « Honoré d'Estienne d'Orves », dans Vladimir Trouplin, Dictionnaire des compagnons de la Libération, Bordeaux, Elytis, , 1230 p. (ISBN 978-2-35639-033-2).
  • Honoré d'Estienne d'Orves, des monarchistes dans la résistance, collection Les Cahiers d'Histoire du nationalisme n°18, Synthèse éditions, Didier Lecerf, 2020, 200 p. (ISBN 978-2-36798-064-5)

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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