Race et apparence de Jésus

L'origine ethnique et l'apparence de Jésus sont débattues pour divers motifs depuis le début du christianisme, bien que le Nouveau Testament ne donne aucune description de l'aspect physique de Jésus avant sa mort et que son récit ne mentionne généralement pas de traits raciaux[1]. Pourtant Jesus est né à Bethléem en Judée (actuelle Cisjordanie). Les représentations de Jésus en blanc avec des traits européens et des cheveux lisses ne semblent donc pas concordantes et seraient donc plutôt une intégration culturelle. Jesus serait alors oriental puisqu'il semble également qu'il parlait araméen, une langue que de nos jours on parle notamment en Syrie.

Les auteurs ne s'entendent pas sur la race et l'apparence de Jésus ; il a été représenté sous de multiples aspects au fil des siècles.

Malgré l'absence de mentions précises de la Bible et de l'histoire à cet effet, diverses théories sur la race (concept démontré non pertinent de nos jours) de Jésus ont été avancées et débattues depuis le IIe siècle[2],[3]. Au Moyen Âge, plusieurs documents, généralement d'origine inconnue ou douteuse, circulaient et donnaient des détails sur l'apparence de Jésus. Ils sont maintenant considérés pour la plupart comme des faux[4],[5],[6]. Alors que bien des gens se sont fait une image mentale fixe de Jésus à partir de ses représentations artistiques, ces dernières se conforment souvent à des stéréotypes qui reposent non pas sur des recherches sérieuses sur le personnage historique, mais plutôt sur des interprétations indirectes de sources fausses[7].

Au XIXe siècle, on avança des théories selon lesquelles Jésus était européen, et notamment « aryen », alors que selon d'autres, il descendait d'Africains noirs. Cependant, comme dans d'autres attributions d'une race aux personnages bibliques, ces assertions ont été pour la plupart subjectives, fondées sur des stéréotypes culturels et l'évolution de la société plutôt que sur une analyse scientifique[8]. Un large éventail de représentations artistiques de Jésus sont apparues en deux millénaires, souvent influencées par le cadre culturel, des circonstances politiques et le contexte théologique[9],[10]. À l'exception de sa judaïté, il n'y a pas d'accord général des auteurs sur l'ethnicité de Jésus[11].

Références bibliques

La Transfiguration d'Alexandre Ivanov, 1824

Le Nouveau Testament ne donne aucune description de l'aspect physique de Jésus avant sa mort. Son récit ne mentionne généralement pas les caractères raciaux des personnes[1],[10],[12].

Les Évangiles synoptiques rendent compte de la transfiguration de Jésus, durant laquelle « son visage resplendit comme le soleil », mais ne donnent aucun détail sur l'aspect ordinaire du personnage[13],[14].

L'Apocalypse décrit les traits d'un Jésus glorifié dans une vision (cheveux blancs comme de la laine, etc.), mais la vision est celle de Jésus sous sa forme céleste, après sa mort, et non sous l'aspect qu'il avait pendant sa vie terrestre[15].

Les mentions de l'Ancien Testament sur la venue d'un ou plusieurs messies (que les chrétiens croient être Jésus) ont servi à émettre des conjectures sur l'apparence de Jésus ; par exemple, Isaïe 53:2 dit, dans le cadre d'une description de violence et de mise à mort, du prochain messie qu'il « n'avait ni forme ni beauté pour attirer nos regards, ni apparence pour exciter notre amour[16] » et le psaume 45, versets 2 et 3, le dit « plus beau que les fils des hommes » où l'on a souvent vu une description de son physique[17],[18],[19],[20].

De l'Église primitive au Moyen Âge

Portrait du Christ dans les catacombes de Rome (IVe siècle)

Malgré l'absence de mentions précises de la Bible et de l'histoire à cet effet, diverses théories sur l'apparence de Jésus sont avancées depuis le IIe siècle, telles que la théorie de Justin Martyr (de Naplouse), dont les arguments reposent sur la généalogie de Jésus[2]. Ces arguments sont débattus depuis des siècles[2],[3]. Le philosophe anti-chrétien du IIe siècle Celse écrivit dans son Discours véritable que Jésus était « laid et petit »[21].

Les pères de l'Église saint Jérôme et saint Augustin arguèrent d'un point de vue théologique que Jésus devait avoir eu un visage et un corps d'une beauté idéale. Selon saint Augustin, il était « beau dans sa jeunesse, beau sur terre et beau dans le ciel »[22]. Ces arguments théologiques furent repris au XIIIe siècle par saint Thomas d'Aquin dans sa Somme théologique d'après son analyse de la perfection du Christ (en) ; il arriva à la conclusion que le Christ devait avoir incarné toute perfection possible de l'homme[23],[24].

Les hadîths, recueils musulmans des VIIIe et IXe siècles dont les énonciations ne sont pas confirmées par les Saintes Écritures, décrivent Jésus ('Isā) comme un homme au visage « blanc rougeâtre »[25].

Au Moyen Âge, plusieurs documents, généralement d'origine inconnue ou douteuse, circulaient et donnaient des détails sur l'apparence de Jésus.

Vers le IXe siècle, Épiphane le moine parla d'un grand personnage angélique, dans lequel on a parfois vu le Christ, mais les savants jugent peu probable qu'il s'agisse d'une allusion à Jésus[26]. Parmi d'autres références fausses, il y a le volume Archko (en) et la lettre adressée par Ponce Pilate à Tibère, dont les descriptions furent très probablement composées au Moyen Âge[4],[5],[6].

Une prétendue lettre de Publius Lentulus, gouverneur de Judée, adressée au Sénat romain remonte vers l'année 1300. Selon la plupart des savants, elle fut composée pour compenser l'absence de description du physique de Jésus dans la Bible[10]. Au XIVe siècle, il y eut aussi Nicéphore Calliste Xanthopoulos qui cita une source ancienne anonyme qui décrivait Jésus comme un homme grand et beau, avec de beaux cheveux ondulés, mais sa description était probablement sans fondement et inspirée par les représentations artistiques courantes de Jésus[27].

Émergence de théories raciales

En expliquant la création de théories raciales dans le contexte des Saintes Écritures dans son livre The forging of races, Colin Kidd (en) argüe que l'attribution d'une race aux personnages bibliques a été une pratique très subjective fondée sur des stéréotypes culturels et l'évolution de la société plutôt que sur des méthodes scientifiques[8]. Kidd y examine plusieurs théories sur la race de Jésus, qui vont de celle d'un Jésus aryen blanc à un Jésus africain noir, ce qui montre que les auteurs ne s'entendent pas sur cette question[28].

Dans son livre Racializing Jesus, Shawn Kelley déclare que l'attribution d'une race particulière à Jésus a été un phénomène culturel émanant des niveaux supérieurs des milieux intellectuels des sociétés et établit des parallèles entre les approches apparemment différentes de milieux différents[29].

Un Jésus noir avec Nicodème, de Tanner, 1899

Au XIXe siècle, on avança des théories selon lesquelles Jésus était européen, et notamment aryen, et qui plurent ensuite à ceux qui ne voulaient admettre rien de juif dans la personne de Jésus, tels les théologiens nazis ; alors que selon d'autres théories, il descendait d'Africains noirs. Madison Grant, par exemple, affirma que Jésus était de race nordique[12],[30],[31]. Houston Stewart Chamberlain affirma que Jésus était d'origine germano-amorrite[32]. Les auteurs favorables à la théorie d'un Jésus aryen arguèrent qu'être de religion juive n'était pas être de race juive[33]. Ces théories comprennent d'ordinaire le raisonnement que Jésus était Aryen parce que la Galilée était une région aryenne, mais ce raisonnement n'a pas fait école parmi les érudits[12],[34].

En 1836, l'écrivain anglais Godfrey Higgins avança dans son livre Anacalypsis que Jésus était un Indien de peau foncée. En 1906, l'écrivain allemand Theodor Plange écrivit un livre intitulé Christus--ein Inder?, où il argua que Jésus était Indien et que l'évangile chrétien était né en Inde[35].

Au XXe siècle, il y eut aussi des théories selon lesquelles Jésus était d'ascendance africaine noire, fondées, par exemple, sur l'argument que sa mère, Marie, descendait de Juifs noirs[28],[36]. Martin Luther King était un tenant de la théorie du « Christ noir » et assimila la lutte de Jésus contre les autorités de l'époque à la lutte des Afro-Américains dans le sud des États-Unis, tandis qu'il se demandait pourquoi les dirigeants blancs de l'Église n'exprimaient pas un souci d'égalité raciale[36]. Pour certains, cette négritude était due à l'identification de Jésus avec les Noirs, et non à la couleur de sa peau[36], alors que d'autres comme Albert Cleage (en) argüèrent que Jésus appartenait à une ethnie noire[37].

Dans la série Son of God (en) diffusée par la BBC en 2001, on chercha à déterminer quel avait pu être l'aspect de Jésus. Sur l'avis de Mark Goodacre (en), spécialiste du Nouveau Testament, selon lequel le Christ a dû avoir les cheveux relativement courts comme les gens de son époque (saint Paul disant qu'il est honteux qu'un homme porte les cheveux longs) et probablement une peau de couleur olive (les premières représentations de Juifs datant du IIIe siècle montrant des personnages de peau foncée), on créa par ordinateur une tête ayant ces caractéristiques à partir d'un crâne du Ier siècle du Moyen-Orient et émit l'idée que celle de Jésus lui ressemblait probablement. Catherine Bennett, du Guardian, était d'avis que c'était faire peu de cas de la diversité des traits physiques des membres d'une société[38],[39],[40],[41].

Dans les études savantes, les auteurs modernes s'entendent en général sur la judéité de Jésus, mais ils n'ont pas réglé avec succès la question de l'ethnicité de ce dernier[11].

Images acheiropoïètes et visions relatées

Au Moyen Âge, plusieurs images légendaires de Jésus apparurent, peut-être parfois créées pour confirmer les représentations de cette époque, tel le Mandylion[1]. Le voile de Véronique était accompagné d'un récit de la Passion du Christ[1].

Plusieurs descriptions de Jésus ont été faites par des saints et des mystiques qui affirmèrent avoir eu une vision de Jésus. Les comptes rendus de telles visions sont plus courantes dans l'Église catholique que dans les autres églises chrétiennes[42].

Au XXe siècle, certains constats d'images de Jésus firent l'objet d'une attention particulière, telle la photo que Secondo Pia prit du suaire de Turin, l'un des artefacts les plus controversés de l'histoire[43],[44].

Une autre représentation de Jésus qui remonte au XXe siècle, l'icône de la Miséricorde divine, repose sur la description que Faustine Kowalska fit de sa vision de Jésus dans son journal (en) et qui fut peinte par des artistes[45],[46].

Représentations artistiques

La plus vieille icône existante du Christ pantocrator (VIe siècle), monastère Sainte-Catherine du Sinaï[47],[48].

Malgré l'absence de mentions bibliques et de documents historiques, un large éventail de représentations artistiques de Jésus sont apparues en deux millénaires, souvent influencées par le cadre culturel, les circonstances politiques et le contexte théologique[9],[10],[49]. Comme les autres œuvres d'art chrétien, les premières représentations datent de la fin du IIe siècle ou du début du IIIe siècle ap J.C et se trouvent surtout à Rome[50]. Jésus y figure d'ordinaire en jeune homme imberbe aux cheveux bouclés, qui a parfois des traits différents des autres personnages masculins, tels que ses disciples ou les Romains[1]. Cependant, les représentations d'un Jésus barbu apparurent aussi très tôt, peut-être fondées sur l'aspect stéréotypé de nombreux philosophes itinérants charismatiques du monde grec.

Bien que certaines images existent dans la synagogue de Doura Europos et que de telles images aient peut-être été courantes, le judaïsme interdit en théorie les images, et son influence sur les représentations de Jésus reste inconnue[9]. Les représentations chrétiennes des IIIe et IVe siècles furent d'ordinaire celles de guérisons et d'autres miracles tirés du Nouveau Testament. Après la conversion de Constantin au IVe siècle, l'art chrétien trouva de nombreux mécènes et fleurit[50]. À cette époque, Jésus commença à paraître plus âgé et fut peint avec une barbe. La représentation de Jésus non accompagnée d'une narration fut aussi une nouveauté alors[1].

Au Ve siècle, des représentations de la Passion du Christ commencèrent à apparaître, ce qui résulta peut-être d'un changement de l'orientation théologique de l'Église primitive vers l'iconodulie. Les Évangiles de Rabula du VIe siècle comprennent certaines des premières images de la Crucifixion et de la Résurrection[50]. À ce siècle, la représentation d'un Jésus barbu était devenu usuelle, tant dans l'Est que dans l'Ouest[1]. Ces représentations d'un Jésus aux cheveux brun rougeâtre séparés au milieu et aux yeux en amande se répétèrent durant plusieurs siècles[1]. Diverses légendes, telles que celles du Mandylion et, plus tard, du voile de Véronique, furent créées à cette époque pour tenter de confirmer les représentations de Jésus[1].

Jésus-Christ-Emmanuel, type de représentation orthodoxe, S. Ouchakov, Russie, 1697

La période iconoclaste de l'histoire byzantine fut un obstacle à des progrès dans l'Est, mais au IXe siècle, l'art représentatif était à nouveau permis[9]. La Transfiguration était un thème important dans l'Est, et chaque moine de l'Église orthodoxe qui se mettait à l'iconographie devait commencer par produire une icône de la Transfiguration[51]. Les représentations occidentales visent la proportion, mais l'abolition de la perspective et les changements de taille et de proportions dans les icônes orientales visent à aller au-delà du séjour terrestre de l'homme[52].

Le XIIIe siècle marqua un point tournant dans la représentation de l'image puissante de Jésus en faiseur de miracles dans l'Ouest, car les Franciscains commencèrent à mettre l'accent sur l'humilité de Jésus tant à sa naissance qu'à sa mort par la représentation de la Nativité et de la Crucifixion[53],[54],[55]. Ils approchèrent des deux extrémités du spectre des émotions, et comme les joies de la Nativité s'ajoutèrent à l'agonie de la Crucifixion, une toute nouvelle gamme d'émotions fut introduite et eut un grand impact culturel sur la représentation de Jésus dans les siècles postérieurs[53],[55],[56],[57].

La Renaissance engendra plusieurs maîtres de la peinture qui se concentrèrent sur la représentation de Jésus, et après Giotto, Fra Angelico et d'autres créèrent systématiquement des images épurées qui mettaient en scène un Jésus d'une beauté humaine idéale[9]. La Cène de Léonard de Vinci, qui passe pour être la première œuvre d'art de la Haute Renaissance grâce à son haut niveau d'harmonie, est devenue bien connue, représentant Jésus entouré des apôtres affichant une variété d'émotions à l'annonce de la trahison[58],[59]. Par ailleurs, certains portraits de Jésus semblent inspirés de celui de César Borgia. En 1500, Albrecht Dürer peignit un Jésus qui n'était autre que son autoportrait.

La représentation de la race de Jésus a été influencée par le cadre culturel[9],[49] : illustration chinoise, Pékin, 1879.

En 1850, John Everett Millais représenta Jésus en « jeune juif rouquin » dans Le Christ dans la maison de ses parents[60]. En 1889, le visage du Christ au jardin des Oliviers est un autoportrait de Paul Gauguin.

La première représentation cinématographique de Jésus remonte au film La Passion du Christ d'une durée de cinq minutes produit en 1897 à Paris[61],[62]. Par la suite, les représentations cinématographiques ont continué de présenter un Jésus barbu suivant la représentation occidentale courante qui ressemble aux images de la Renaissance[63].

Image de Jésus Misericordio

Au XXe siècle, l’image la plus diffusée de Jésus est l’œuvre de Warner Sallman (en), ex-illustrateur publicitaire, qui l’a peinte en 1940. La Head of Christ (en) représente un homme aux yeux et aux cheveux clairs et s'est propagée dans le monde entier avec plus de 500 millions d'exemplaires vendus[64],[65],[66].

Des représentations plus récentes dans l'art et au cinéma ont aussi cherché à présenter Jésus en homme du Moyen-Orient. Dans le film La Passion du Christ de 2004, Jésus était interprété par Jim Caviezel, qui porta un nez postiche durant le tournage et dont on brunit numériquement les yeux bleus pour lui donner l'aspect d'un homme moyen-oriental. Selon Miles Teves, qui créa la prothèse, « Mel [Gibson] voulait que l'acteur qui jouait Jésus, James Caviezel, ressemble davantage aux ethnies du Moyen-Orient, et on a décidé que le meilleur moyen d'y arriver était de modifier la forme de son nez »[67].

En 2015, une équipe de scientifique de Manchester a produit une image plus réaliste. En utilisant des crânes de l'époque et de la région, ils ont tenté de reconstituer ce qui aurait pu être l’apparence de Jésus, même s'il est impossible de connaître son vrai visage[68].

Galerie

Représentations iconographiques à travers les siècles

Notes et références

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Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) William Mosley, What Color Was Jesus?, Chicago, African American Images, , 1re éd., 67 p. (ISBN 978-0-913543-09-2, OCLC 17281825, lire en ligne).
  • (en) Malachi Z. York, What Race Was Jesus?, Egipt, (ISBN 978-1-59517-030-9, lire en ligne).
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