Sabine Weiss

Sabine Weiss, née Sabine Weber le à Saint-Gingolph et morte le à Paris, est une photographe d’origine suisse naturalisée française en 1995.

Pour les articles homonymes, voir Weiss.

Sabine Weiss
Sabine Weiss en 2016.
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Monique Sabine Weber
Nationalités
Suisse
Française (depuis )
Domicile
Activité
Période d'activité
Conjoint
Autres informations
Maîtres
Site web
Distinctions
Archives conservées par

Elle est, aux côtés de Robert Doisneau, Willy Ronis, Édouard Boubat et Izis, l’une des principales représentantes du courant de la photographie humaniste française.

Biographie

Jeunesse et formation

Le père de Sabine Weiss est ingénieur chimiste[2] et fabrique des perles artificielles à partir d’écailles de poissons. La famille demeure à côté du poste frontière à Saint-Gingolph qu’elle quitte alors qu’elle est encore enfant. Attirée très jeune par la photographie, elle dit elle-même : « J'ai pris conscience très jeune que la photographie serait mon moyen d'expression. J'étais plus visuelle qu'intellectuelle… Je n'étais pas très douée pour les études. J'ai quitté le lycée, je suis partie un jour d'été à bicyclette »[3]. Sabine Weiss commence à photographier en 1935 à l’âge de 11 ans avec un appareil photo acheté avec son argent de poche. Son père la soutient dans son choix, et elle apprend plus tard la technique photographique, de 1942 à 1946, auprès de Paul Boissonnas, fils de Frédéric Boissonnas, photographe de studio à Genève. Elle obtient son diplôme en 1945.

Paris

Elle s’installe à Paris en 1946[2] et devient l’assistante de Willy Maywald : « Quand je suis venue à Paris, j'ai pu travailler chez Willy Maywald à qui un ami m'avait recommandée. J'y ai travaillé dans des conditions inimaginables aujourd'hui, mais avec lui j'ai compris l'importance de la lumière naturelle. La lumière naturelle comme source d'émotion »[3]. Willy Maywald travaillait à cette époque au premier étage d’une remise du 22, rue Jacob qui appartenait à un antiquaire, il n’y avait ni l’eau ni le téléphone. Ce travail lui permet pourtant de côtoyer le Tout-Paris de l’époque. Elle assiste ainsi à l’ouverture de la maison Dior et à la présentation de la première collection au 37, avenue Montaigne. En 1949, elle rencontre le peintre américain Hugh Weiss, qu’elle épouse le [4]. Elle ouvre alors son propre studio. Ses photographies témoignent de l’optimisme des années d’après-guerre : « C'était une belle période. Nous étions entre la fin de l'occupation allemande et le début de l'américanisation. Les gens sortaient d'une terrible épreuve et pensaient pouvoir tout rebâtir » déclare-t-elle[5].

Elle travaille dans des secteurs variés : passionnée de musique, elle fixe les visages de grands noms de la musique (Igor Stravinsky, Benjamin Britten, Pablo Casals, Stan Getz…) mais aussi ceux de la littérature et de l’art (Fernand Léger, F. Scott Fitzgerald, Jean Pougny, Alberto Giacometti et Annette Giacometti, Robert Rauschenberg, Jan Voss, Jean Dubuffet, Françoise Sagan…), du cinéma (Jeanne Moreau), de la mode (Coco Chanel). Elle collabore également à plusieurs revues et journaux connus en Amérique et en Europe pour des commandes publicitaires et de presse (Vogue, Paris Match, Life, Time Magazine, Town and Country, Holiday, Newsweek, etc.). Enfin, elle parcourt le monde en tant que photojournaliste et en rapporte de nombreux clichés.

L’agence Rapho

À partir de 1950, elle est représentée par l’Agence Rapho, première agence de presse française diffusant entre autres le travail de Willy Ronis et de Robert Doisneau qui lui propose d’entrer dans l’agence après une rencontre dans le bureau du directeur de Vogue. Elle se lie d’amitié avec des personnalités du milieu artistique comme Jean Cocteau, Maurice Utrillo, Georges Rouault et Jacques Henri Lartigue.

Le fait qu’elle soit l’une des rares femmes de l’univers de la photographie à l’époque n’est pas un problème. Pour le photojournaliste Hans Silvester, qui a travaillé avec elle sur les peuples de l’Omo (Éthiopie), : « Bien qu'elle soit dans un milieu très masculin, elle a vraiment réussi à se faire accepter immédiatement, à s'imposer comme ce qu'elle est depuis : une très grande photographe que j'estime et admire »[5].

En 1955, Edward Steichen choisit plusieurs de ses photographies pour l’exposition The Family of Man au Museum of Modern Art de New York[2].

En 1957, Sabine Weiss réalise une série de photographies du peintre Kees van Dongen qu’elle découvre avec son mari, et sur un coup de cœur achète un petit cabanon avec vue sur les ruines du château de Grimaud en Provence. Ils agrandissent la maison en 1969 et y viennent régulièrement en famille jusqu’à la mort de son mari en 2007[6].

En 1983, elle obtient une bourse du ministère des Affaires culturelles françaises et réalise une Étude sur les Coptes d’Égypte. Le même ministère lui délivre en 1992 une autre bourse lui permettant de réaliser une Étude sur la Réunion.

Elle publie une quarantaine d’ouvrages dont 100 photos de Sabine Weiss pour la liberté de la presse par Reporters sans frontières en 2007.

En 2017, Sabine Weiss fait don de l’ensemble de ses archives, riches de 200 000 négatifs, 7 000 planches-contact, environ 2 700 tirages vintage et 2 000 tardifs, 3 500 tirages de travail et 2 000 diapositives au musée de l'Élysée, à Lausanne[2],[7]. Ses photographies, aujourd’hui tirées par Guillaume Geneste[8], sont diffusées par l’agence Gamma-Rapho.

Une rétrospective de l’œuvre de Sabine Weiss est présentée aux Rencontres de la photographie d'Arles en 2021[2].

« Dernière représentante du courant de la photographie humaniste français »[9], Sabine Weiss meurt le à son domicile à Paris[10]. Elle y est inhumée au cimetière du Père-Lachaise au côté de son époux, le , en présence de la ministre de la Culture Roselyne Bachelot[11].

Analyse de l’œuvre

Son travail personnel est attaché à la vie dans son quotidien, aux émotions et aux gens. Il mêle habilement poésie et observation sociale, c’est pour cette raison que l’on rattache son œuvre au courant de la photographie humaniste : « lumière, geste, regard, mouvement, silence, repos, rigueur, détente, je voudrais tout incorporer dans cet instant pour que s'exprime avec un minimum de moyen l'essentiel de l'homme. »[3]. « Mes photos (…) expriment un certain amour que j'ai pour la vie. »[3].

Sabine Weiss, comme le photographe Bernard Plossu, récuse le statut d’artiste. Son but est de témoigner plutôt que de créer : « Je témoignais, je pensais qu'une photo forte devait nous raconter une particularité de la condition humaine. J'ai toujours senti le besoin de dénoncer avec mes photos, les injustices que l'on rencontre »[3]. « Je n'aime pas les choses très éclatantes mais plutôt la sobriété… il ne s'agit pas d'aimer bien, il faut être ému. L'amour des gens, c'est beau. C'est grave, il y a une profondeur terrible. Il faut dépasser l'anecdote, dégager le calice, le recueillement. Je photographie pour conserver l'éphémère, fixer le hasard, garder en image ce qui va disparaître : gestes, attitudes, objets qui sont des témoignages de notre passage. L'appareil les ramasse, les fige au moment même où ils disparaissent. »[3].

La photographe utilise essentiellement le noir et blanc en axant sa recherche sur un cadrage précis, une certaine qualité de lumière, des ambiances. Elle fait de la photographie un art de vivre, en arpentant les rues de Paris, souvent la nuit, pour trouver des sujets variés mais toujours proche de l’homme dans ses moments universels : scènes de rue, solitudes, enfants, croyances, figures humaines dans le brouillard, fugacité d’une émotion. On retrouve dans sa production beaucoup d’enfants, de vieillards, de sourires de stars, tous reliés par une caractéristique commune de spontanéité et simplicité : « J'aime beaucoup ce dialogue constant entre moi, mon appareil et mon sujet, ce qui me différencie de certains autres photographes qui ne cherchent pas ce dialogue et qui préfèrent se distancier de leur sujet. »[3].

Robert Doisneau dit à propos des photographies de Weiss : « Les scènes, en apparence inoffensives, ont été inscrites avec une volontaire malice juste à ce moment précis de déséquilibre où ce qui est communément admis se trouve remis en question. »[3].

Publications

Années 1960

  • J'aime le théâtre, de Catherine Valogne, Éditions Rencontres, Suisse, 1962, 301 p. In-12, illustré d'une photographie noir et blanc.
  • Une semaine de la vie de Daniel, Éditions Mac Millain, USA, 1969.

Années 1970

Années 1980

  • Marchés et foires de Paris, Éditions ACE, France, 1982
  • Intimes convictions, par Claude Nori, Éditions Contrejour, France, 1989.

Années 1990

  • Hadad, Peintres, Éditions Cercle d'Art, 1992.
  • Vu à Pontoise, Éditions municipales, 1992.
  • La Réunion, Saint-Pierre, Éditions de la galerie Vincent, 1995.
  • Bulgarie, Éditions Fata Morgana, 1996.
  • Giacometti, Éditions Fata Morgana, 1997.
  • Des enfants, texte de Marie Nimier, Éditions Hazan, 1997 (ISBN 2-85025-574-2).

Années 2000

  • Poussettes, charrettes et roulettes, musée de Bièvres, 2000.
  • André Breton, texte de Julien Gracq, Édition Fata Morgana, 2000.
  • Sabine Weiss soixante ans de photographie, par Jean Vautrin et Sabine Weiss aux Éditions de La Martinière, 2003.
  • Claudia de Medici, 2004.
  • Musiciens des villes et des campagnes, par Sabine Weiss, Gabriel Bauret et Ingrid Jurzak (Filigranes Editions), 2006 (ISBN 9 782350 460741).
  • See and Feel, Éditions ABP, Pays-Bas, 2007.

Années 2010

  • « Masques et Rites, Burkina Faso », Trou, no 20, 2010.
  • L'Œil intime, Presses de e-Center, 2011 (ISBN 978-2-35130-056-5).
  • L'Œil intime, Impression Escourbiac, nouvelle édition (ISBN 978-2-95493-890-5).
  • Sabine Weiss, préface de Marta Gili, texte de Virginie Chardin, co-édition Jeu de Paume / La Martinière, .

Années 2020

  • Émotions, texte de Marie Desplechin, Éditions de La Martinière, (ISBN 2732495891).
  • Virginie Chardin, Sabine Weiss, Collection « Photo Poche » no 166, Arles, Actes Sud, 144 p. (ISBN 9782330150198).

Expositions

Années 1950

Années 1960

  • 1963 : exposition collective « Femmes Photographes », Studio 28, Paris.
  • 1967 : exposition collective « Regards sur la Terre des Hommes » , Montréal.

Années 1970

  • 1978 : Centre culturel Noroit, Arras.
  • 1978 : Centre culturel de Châtillon.
  • 1978 : exposition itinérante organisée par l'ACMAE.

Années 1980

Années 1990

Années 2000

Années 2010

Années 2020

  • 2021 : « Sabine Weiss, une vie de photographe », Rencontres d’Arles[2].
  • 2021 : « Hugh et Sabine Weiss - En symbiose », galerie Jean Montchougny, Nevers[17].
  • 2022 : « La poésie du regard », hommage à Sabine Weiss par sa fille Marion, du au , Les Douches de la Galerie, Paris.
  • 2022 : « Sabine Weiss. La poesia dell'istante », Casa dei Tre Oci, Venise, du 11 mars au 23 octobre 2022[18]

Distinctions

Récompenses

Notes et références

  1. « https://sabineweissphotographe.com/biographie/ » (consulté le )
  2. Claire Guillot, « Aux Rencontres d’Arles, Sabine Weiss, remède à la mélancolie », Le Monde, (lire en ligne).
  3. Jean Vautrin, Sabine Weiss, soixante ans de photographies, [monographie], Éditions de La Martinière, 2007.
  4. . Le couple adoptera une fille, Marion
  5. Vincent Jolly, « Sabine Weiss, le monde d'hier », Le Figaro Magazine, semaine du , pp. 68-73.
  6. Raphaël Dupouy, « La dame au regard d'enfant », Figure Libre, no 29, .
  7. « Je n’aime que les photographies prises dans la rue », letemps.ch, .
  8. « Guillaume Geneste : "La photographie est un leurre qui vous fait croire qu'elle peut arrêter le temps" », sur France Culture (consulté le ).
  9. Valérie Oddos, « Sabine Weiss, dernière figure de la photographie humaniste française, est morte à 97 ans », sur Franceinfo, (consulté le ).
  10. « Mort de Sabine Weiss, photographe humaniste », sur Libération, (consulté le ).
  11. Valérie Duponchelle, « Guillaume Désanges au Palais de Tokyo, une formule à plus d'une inconnue », lefigaro.fr, (en ligne).
  12. Liste établie à partir de celle publiée sur le site de l'artiste et de différentes galeries.
  13. [PDF] liste non exhaustive des expositions de Sabine Weiss.
  14. Avec Bruno Barbey, Arnaud Baumann, Christiane Barrier-Kempf, Jean-François Bauret, Caroline Bigret, Gilles Dacquin, Despatin et Gobeli, Laurence Demaison, Wilfrid Estève, Michel Kempf, Anton Koslov, Gilles Magnin, Andréas Mahl, Patrick Bailly-Maître-Grand, Caroline Poiron, Stéphane Remael, Guillaume Serve et Ursula Storm.
  15. Médiathèque des Rencontres d'Arles.
  16. Présentation de l'exposition sur mep-fr.org.
  17. « Zoom sur le programme du Mois de la photo dans la Nièvre, dont Sabine Weiss est l'invitée d'honneur » Le Journal du Centre, .
  18. « Sabine Weiss. La poesia dell'istante », sur www.treoci.org (consulté le )
  19. Valérie Duponchelle, « L’espiègle Sabine Weiss, Prix « Women In Motion » 2020 de la photographie », sur Le Figaro.fr, (consulté le ).
  20. Valérie Oddos, « Sabine Weiss reçoit le prix Women in Motion des Rencontres d'Arles pour l’ensemble de sa carrière », France Info, .

Annexes

Bibliographie

  • Viviane Esders, Dictionnaire mondial de la photographie, Larousse, 1994 (ISBN 2-03-511315-6).
  • Raphaël Dupouy, « Figure Libre », in Le Petit Journal du réseau Lalan, no 29, .
  • Vincent Josse, L’Atelier, Paris, éditions Flammarion, 2013 (ISBN 978-2081286009).

Émissions télévisées, documentaires et vidéographie

Émissions radiophoniques et podcast

Liens externes

  • Portail de la photographie
  • Portail arts et culture de la Suisse
  • Portail de la France
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.