La vache qui rit

La vache qui rit est une marque commerciale désignant un mélange de fromages fondus de fabrication industrielle (autrefois dénommé « crème de gruyère »[1]), de la société Fromageries Bel.

Cet article possède des paronymes, voir Bachkirie et Wachkyrie.

La vache qui rit
Pays d’origine
Région
Fabricant
Lait
Pâte
Appellation

Le premier nom de La vache qui rit était « Fromage moderne »[2],[3]. Déposée à l'Office national de la propriété industrielle le [4],[5],[6], cette marque de fromage de type tartinette est connue pour sa boîte ronde illustrée qui représente une vache hilare portant des boucles d’oreille constituées de boîtes de Vache qui rit mises en abyme par effet Droste[7]. Connue dans le monde entier, La vache qui rit a également inspiré de nombreux médias, notamment chez les dessinateurs et affichistes[8].

Fabrication

Le procédé industriel de fabrication de fromage fondu a été inventé par Fritz Stettler en [9].

La vache qui rit est fabriquée à partir de plusieurs types de sous-produits au lait pasteurisé ou au lait cru frais ou affinés de filières fromagères connues, telles que celles de l'emmental, du comté, du gouda, du cheddar auxquels sont ajoutés lait écrémé, beurre, fromages, protéines de lait, sels de fonte : polyphosphates, citrates, diphosphates et phosphates de sodium, sel[10]. Ils sont fondus dans des malaxeurs chauffants et la pâte est ainsi mélangée avec des sels de fonte[11]. Le produit fini ne nécessite pas de conservation au froid.

Historique

Historiquement, La vache qui rit est l'une des premières marques de fromages industriels ; elle a été créée à une époque où ce domaine d’activité était encore largement artisanal[12] ou de production fermière. Très longtemps associée à un seul produit, la marque La vache qui rit est devenue une marque « ombrelle » qui se décline sur plusieurs produits différents[13][citation nécessaire]. En France, les restaurants indiens proposent souvent des cheese nan — spécialité de pain au fromage — qui, à défaut de fromages locaux, sont en fait fondés sur de La vache qui rit.[réf. nécessaire]

Origines du nom et du dessin

Couverture de la partition du foxtrot La Wachkyrie (1919).
Publicité par Benjamin Rabier (1926).

Lors de la Première Guerre mondiale, Léon Bel, affineur du fromage Comté, est âgé de 36 ans lorsqu'il est affecté au « Train », qui s'occupe de la logistique[14]. Parmi les régiments du train, on trouve celui du « Ravitaillement en Viande Fraîche » (RVF). À cette époque, dans chaque unité, les soldats se choisissent des emblèmes spécifiques qu'ils apposent sur tous les véhicules, en particulier sur les camions[15]. Sollicité, l'illustrateur Benjamin Rabier va offrir un de ses dessins à l'une de ces unités : celui d’une vache hilare. Le dessin fut surnommé la « Wachkyrie », allusion aux Valkyries, rendues célèbres par Richard Wagner et emblèmes des transports de troupes allemandes[16]. Le titre et l'illustration furent repris pour un foxtrot de Clapson en 1920 (voir illustration ci-contre).

En 1921, Léon Bel, à la recherche d'un nom pour son fromage fondu, se souvient de ce nom d'emblème et dépose la marque La vache qui rit[17]. Il demande alors à une première entreprise de lui dessiner une vache, mais la piètre qualité de l'illustration le pousse à faire appel à Rabier. Celui-ci reprend son dessin original de Wachkyrie. Bel l'affuble de boucles d'oreilles, a priori sur les conseils de sa femme, afin de « féminiser » l'animal[18]. L'imprimeur Vercasson est chargé de faire des retouches et donne à la vache sa couleur rouge. Il fait déposer le dessin à son nom, sous le titre de Vache rouge. Par la suite, Léon Bel et sa société devront négocier les droits exclusifs du logo en rachetant les droits de la Vache rouge aux successeurs de l'imprimeur en 1952[19], ainsi que les droits de l'illustration du Camembert St-Hubert (établissements Couillard à Nancy) dessinée par Rabier en 1921 et que le motif de la Vache qui rit[20] reprenait presque à l'identique (la vache hilare du Camembert St-Hubert était déjà rouge, mais elle ne portait pas de boucles d'oreilles - elle était en outre « inversée », c'est-à-dire qu'elle présentait son profil gauche).

À l'origine, les portions triangulaires sont vendues dans des boîtes en fonte, lesquelles sont pourtant rapidement remplacées par un réceptacle en carton[18]. L’emballage de La vache qui rit (avec la petite tirette rouge) a été inventé par Yves Pin[8]. À l’origine, son idée était de faciliter l’ouverture des enveloppes postales[8] de sorte que lorsqu'il avait écrit ses lettres, il les faisait piquer à la machine à coudre par sa femme[réf. nécessaire]. Les destinataires, pour ouvrir ce courrier avaient juste à tirer sur la cordelette pour ouvrir l'enveloppe. Il a présenté son projet au concours Lépine où une personne (inconnue) a acheté le brevet approximativement 50 000 anciens francs [21].

Léon Bel est l'un des premiers à utiliser ce qu'on n'appelle pas encore le « marketing », notamment en apposant l'image de sa marque sur des objets pour les enfants, en particulier à l'école (buvards, protège-cahiers ou portemines) et pour les adultes (la mascotte fait partie de la caravane publicitaire du Tour de France entre 1933 et 2009). Dans les années 1950, elle apparaît dans des films publicitaires au cinéma, et en 1968 à la télévision ; en 2010, on la dote même d'un corps, ce qui permet de multiplier les possibilités publicitaires. Au fil du temps, le dessin change peu malgré les cornes qui sont raccourcies et arrondies alors que le personnage s'humanise. Julie Régis, responsable de la marque chez l’agence Young & Rubicam analyse son succès : « Elle est à la fois rouge comme un diablotin, femme avec boucles d'oreille et mère nourricière. Peu de marques sont restées aussi longtemps sur de tels fondamentaux et ont traversé ainsi les générations ».

Développement

Apéricube
Une boîte de 8 portions

En 1929 est ouvert un premier comptoir au Royaume-Uni, mais c'est après la Seconde Guerre mondiale que l'expansion de la marque devient mondiale, avec la Tchécoslovaquie, le Maghreb, le Moyen-Orient, l'Amérique du Nord, le Japon ou encore le Viêt Nam. Elle s'adapte aux particularités culinaires de chaque pays, par exemple en devenant de la crème de fromage rouge au Maroc, en blocs en Algérie et même déclinée à la fraise en Chine et en Corée.

De nos jours, l'entreprise est présente dans 120 pays et possède 15 usines de production (dont deux sur des sites historiques en France). La marque se diversifie dès 1960 avec La vache qui rit cocktail, un cube de fromage pour l'apéritif (rebaptisé ensuite Apéricube) et en 1995 avec Pik & Croq', du fromage fondu avec du gressin[22].

En 1937, Robert Fiévet, gendre de Léon Bel, prend la tête de l'entreprise, qu'il quitte en 1996. Son petit-fils Antoine Fiévet lui succède[22].

Notoriété et médias

Bâtiment des fromageries de La vache qui rit, à Dole.

La vache qui rit est actuellement l’une des marques commerciales les plus connues de France : près de 87 % des Français la connaissent[23]. Mais elle est en outre largement reconnue dans le monde entier où elle porte généralement un nom local ayant la même signification :

  • The Laughing Cow dans les pays anglophones
  • 래핑카우 en corée du sud
  • البقرة الضاحكة (Āl-Baqarah Ād-Dahika) dans les pays arabes
  • Veselá Kráva en République tchèque et en Slovaquie
  • Krówka Śmieszka en Pologne
  • La vaca que ríe en Espagne
  • A vaca que ri au Portugal
  • La Mucca che ride en Italie[24]
  • Vaca care râde en Roumanie
  • Con bò cười au Viêt Nam
  • Весёлая Бурёнка (Vessiolaia Bourionka) en Russie
  • Den Skrattande Kon en Suède
  • ラフィングカウ (Rafingu Kau, transcription du nom anglophone (The) Laughing Cow) au Japon
  • Den leende ko au Danemark
  • Η αγελάδα που γελά (I ayeládha pou yelá) en Grèce
  • Die lachende Kuh en Allemagne
  • Gülen İnek en Turquie
  • De lachende koe aux Pays-Bas
  • Весела корівка (Vesela korivka) en Ukraine
  • 笑牛牌 à Hong Kong
  • 乐芝牛 en Chine

Selon son fabricant le groupe Bel, 125 portions de vache qui rit sont consommées à chaque seconde dans le monde. Par ailleurs, de nombreux industriels du fromage ont tenté de s’approprier une part du succès commercial de La Vache qui rit, la plus connue est la marque La vache sérieuse qui avait pour slogan « Le rire est le propre de l’homme ! Le sérieux celui de la vache ! La vache sérieuse. On la trouve dans les maisons sérieuses » et qui perdit son procès en contrefaçon en 1959[25]. La marque Mère Picon a existé également, elle était fabriquée en Haute-Savoie (Saint-Félix, dans l'Albanais).

Le côté médiatique est également inspiré par la marque. Notamment chez les dessinateurs et affichistes. Ces artistes la détournent, comme Rancillac, d’autres la multiplient, comme Wim Delvoye à la biennale de Lyon en 2005, et son installation composée de plus de 4 000 étiquettes de La vache qui rit[8]. D'après l'humoriste Roland Magdane, dans le sketch Le bonheur (dans le DVD Magdane Show), la vache se moquerait de la personne cherchant à ouvrir la portion de fromage sans en mettre partout. À proximité de la fromagerie Bel qui fabrique et conditionne des portions depuis 1921, dans le centre-ville de Lons-le-Saunier dans le Jura, un musée de La vache qui rit (la Maison de la Vache qui Rit) a été construit. Ce bâtiment de 2 350 m2 d’un coût de 10 millions d’euros est ouvert depuis le [26],[27]. Une usine de la célèbre vache rouge jurassienne est également implantée à Dole dans le Jura. Les deux seuls sites en France sont jurassiens.

Critiques

L'image de La vache qui rit qui arbore les produits de la marque avec un grand sourire est dénoncée pour son caractère contradictoire entre la représentation de l'animal sur le plan marketing et ses conditions d'élevage réelles[28]. Ces pratiques marketing sont caractérisées de « suicide food »[29].

Références

  1. Site produits-laitiers.com, page sur la vache qui rit, consulté le 25 novembre 2019
  2. Claire Delfosse, « L'émergence de deux conceptions de la qualité du fromage dans l'entre-deux-guerres », dans François Nicolas et Egizio Valceschini (dir.) (préf. de Guy Paillotin), Agro-alimentaire : une économie de la qualité, Paris, INRA et Economica, coll. « Économie agricole et agro-alimentaire », (réimpr. Quæ, 2011), 1re éd., 1 vol., 433, 24 cm (ISBN 2-7178-2768-4, 978-2-7178-2768-2, 2-7380-0570-5 et 978-2-7380-0570-0, OCLC 300913099, BNF 35762352, SUDOC 003571289, présentation en ligne, lire en ligne), p. 199-208, p. 201, n. 4 (lire en ligne).
  3. Clotilde Briard, « La Vache qui rit », Produit culte, sur lesechos.fr, Les Échos, (consulté le ).
  4. « Bienvenue à La Vache qui rit () », Innovation : la galerie, sur inpi.fr, Institut national de la propriété industrielle (consulté le ).
  5. « La Vache qui rit », Marques et personnages de publicité, sur lesartsdecoratifs.fr, Les Arts décoratifs (consulté le ).
  6. Étienne Dupré, « Oh ! La Vache qui rit : savez-vous tout d'elle ? », sur lexpress.fr, L'Express Styles, (consulté le ).
  7. Michel Galmiche, « Hyponymie et généricité », Langages, vol. 25e année, no 98 : « L'hyponymie et l'hyperonymie », , p. 33-49 (DOI 10.3406/lgge.1990.1579, lire en ligne [fac-similé], consulté le ), p. 38, n. 5 (consulté le 1er février 2007).
  8. Daniel Birck, « La Vache qui rit », sur rfi.fr, (consulté le ).
  9. Christoph Zürcher, « Gerber, Walter » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du .
  10. « Fabrication / Composition » [archive du ], sur Bel Tchizbox (consulté le ).
  11. Site officiel.
  12. Claire Delfosse, La France fromagère (1850-1990) , Paris/Sèvres, Boutique de l’histoire, , 271 p. (ISBN 978-2-910828-43-1), p. 207.
  13. http://www.groupe-bel.com/bebel/fr/accueil.html.
  14. Par Benjamin Jérôme Le 3 avril 2021 à 08h43, « L’incroyable saga de La Vache qui rit... des tranchées aux supermarchés », sur leparisien.fr, (consulté le )
  15. 1914 : Taxis, autobus... et Vache qui rit". Résumé d'un article de Hugues Dewynter in Bull. Soc. hist. & arch. du XVe arrondt de Paris – n° 40.
  16. Jean-Pierre Turbergue Les 300 jours de Verdun p. 94.
  17. Patrick Déniel, « Les secrets de La Vache Qui Rit enfin percés ! », sur L'Usine nouvelle, (consulté le ).
  18. Elsa Bembaron, « La Vache qui rit, héroïne de la Première Guerre mondiale », lefigaro.fr, 10 août 2012.
  19. Clément Bovin, Taureaux, vaches sacrées, vaches folles: de la préhistoire à la corrida p. 259.
  20. « Benjamin Rabier (1864-1939) (Michel Coudeyre BENJAMIN RABIER ET LA VACHE QUI RIT= », sur camembert-museum.com.
  21. « La Vache qui rit a 90 ans aujourd'hui ! », sur lepost.fr, (consulté le ).
  22. Marie Visot, « La vache qui rit a fait le tour du monde », Le Figaro, encart « Économie », jeudi 28 août 2014, page 27.
  23. [PDF] « Bel et bien à votre service » (consulté le ).
  24. Site officiel italien.
  25. « Vache Grosjean et Sérieuse », sur Déjà hier (consulté le ).
  26. Le Moniteur no 5471 du 3 octobre 2008.
  27. « Pourquoi rit la Vache qui rit? », sur 7sur7, (consulté le ).
  28. Par Axelle Playoust-Braure Le 28 juillet 2022 à 15h00, «Suicide food», ce phénomène publicitaire qui fait dire aux animaux : «Mangez-moi , sur leparisien.fr, (consulté le )
  29. (en) Mark KINGWELL, « Charlie the Tuna, and other 'suicide food' fallacies. », REFORM, (lire en ligne)

Annexes

Bibliographie

  • Catherine Bonifassi, La Vache qui rit : sa vie, ses recettes,  éd. Michel Lafon, (ISBN 2749905680)
  • Gilles de Bure, C’est une vache, elle rit, Éditions Nicolas Chaudun, 2009 (ISBN 978-2-350-39058-1)
  • Benjamin Rabier : Gédéon, La vache qui rit et Cie, Christophe Vital (éd.),  éd. Somogy, 2009 (ISBN 978-27572-0281-4)
  • La Chevauchée de la vache qui rit, Guillaume Villemot et Vincent Vidal,  éd. Hoëbeke, 1991 (ISBN 978-29052-9243-8)
  • La Vache qui rit tire la langue à la Joconde, Michel Piquemal et Didier Millotte,  éd. du Mont, 2011, (ISBN 978-2-915652-47-5)
  • Michel Renaud avec la contribution de Gilbert Bonin, L'empire des frères Graf de Dole (Jura) ou les débuts de la crème de gruyère et du fromage fondu en France, 2019, 1 vol. (368 p.). (ISBN 978-2-9542705-8-6)

Liens externes

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