Actes des Apôtres

Le récit des Actes des Apôtres, cinquième livre du Nouveau Testament, est la seconde partie de l’œuvre dédiée « à Théophile » et attribuée à Luc par la tradition chrétienne comme par les chercheurs modernes, la première partie étant l'Évangile selon Luc.

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Actes

Icône du ministère des apôtres

Auteur traditionnel Luc
Datation historique Années 80-90
Nombre de chapitres 28
Canon biblique Histoire apostolique

Le récit rapporte les débuts de la communauté chrétienne, avec l'Ascension suivie de la Pentecôte, et relate essentiellement la prédication de Paul de Tarse. Il se termine avec la première venue de Paul à Rome au début des années 60.

Auteur et datation

Manuscrits

Dans les manuscrits anciens, les Actes des Apôtres existent en deux grandes versions  avec des variantes  auxquelles la critique a donné les noms de « Texte occidental » et « Texte alexandrin »[1]. Le « Texte occidental » est considéré comme une version antérieure au « Texte alexandrin ». Les Actes des Apôtres que l'on trouve dans les Bibles chrétiennes relèvent tous du « Texte alexandrin ».

Composition et sources

Selon Blanchetière, « Les Actes des Apôtres ont fait l'objet d'une critique dévastatrice depuis quelques décennies, au point de se voir dénier par certains, en tout ou partie, toute valeur historique[1]. »

Tout usage documentaire impose donc un choix critique préalable sur le texte proprement dit[2].

En effet, un ensemble de problèmes se posent « et d'abord l'irritante question des sources des Actes[1] ». On s'interroge ensuite sur la nature des liens entre le rédacteur principal et les événements qu'il rapporte : est-il un témoin direct, un simple rédacteur à partir de documents antérieurs, et lesquels[1] ? Si Luc est le rédacteur principal, quelle valeur historique donner à son ouvrage[1] ?

Auteur

Saint Luc écrivant son Évangile et les Actes des Apôtres, ouvrage du XVe siècle, monastère de la Grande Laure de l'Athos, Grèce.

Les exégètes contemporains, tout comme les historiens, désignent Luc comme étant l'auteur des Actes[3]. Cette identification recoupe la tradition chrétienne, dont le premier témoin littéraire est Origène au début du IIIe siècle[4].

Il est généralement admis qu'initialement l'évangile lucanien et les Actes des Apôtres ne formaient qu'un seul ouvrage, nommé « Luc-Actes » par les exégètes, qui se voulait la « première histoire du christianisme[3]. » L'auteur des Actes n'a pas précisé dans son œuvre les sources qu'il a utilisées. Les rapports entre les Actes et l'Evangile selon Luc sont nombreux et notés depuis longtemps.

Dans les années 1980, une hypothèse documentaire est formulée par Marie-Émile Boismard et Arnaud Lamouille, qui supposent l'existence de plusieurs rédacteurs successifs. Elle n'est plus retenue par les chercheurs modernes, qui insistent au contraire sur l'unité de ton, de style et de vocabulaire des Actes. Ces diverses caractéristiques offrent une telle similitude avec l'Évangile selon Luc qu'il est admis par les spécialistes que le même auteur est à l'origine de ces deux textes.

En revanche, l'image traditionnelle de « Luc, compagnon de Paul », datant d'Irénée de Lyon, est devenue caduque[5].

Enfin, la question des quatre « passages en nous » et de l'éventuelle inclusion d'un « journal de voyage » continue à faire débat.

Datation des Actes des Apôtres

La rédaction des Actes est fixée au cours des années 80-90 par la recherche moderne. Philippe Rolland explique cette datation par l'hypothèse que cet écrit suit celui de l'Evangile de Luc qui serait lui-même postérieur à l'Evangile de Marc. De plus, dans le prolongement des travaux d'Ernst Käsemann, les écrits concernant le ministère apostolique faisant intervenir la hiérarchie et l'imposition des mains (aux évêques, presbytres et diacres) apparaissant dans les Actes ne pourraient qu'être contemporains des écrits censés tardifs du Nouveau Testament traitant de ces mêmes questions (Epitres à Tite et à Timothée, Première lettre de Pierre). Rolland a également précisé que ces arguments en faveur d'une datation tardive, l'emportent actuellement sur ceux d'exégètes minoritaires avançant, en faveur d'une datation antérieure à la prise de Jérusalem par Titus, la brusque fin des Actes qui se produit sans référence à la condamnation et à l'exécution ultérieure de Paul sous Néron[6].

Pour Daniel Marguerat, « La datation des Actes n'est pas antérieure à celle de l'évangile, qui elle-même n'est pas à placer avant 70, puisque Luc 21,20 fait une claire allusion à la destruction de Jérusalem en réinterprétant Mc 13,14 (même note en Lc 19,43-44 et 21,24). Le second tome de l’œuvre à Théophile a dû être rédigé simultanément ou peu après le premier, c'est-à-dire entre 80 et 90. »[7].

La TOB quant à elle précise que, si l'auteur des Actes des Apôtres ne dit rien de l'issue romaine du procès de Paul dont il a longuement raconté la phase palestinienne et le voyage, c'est qu'il n'en a pas eu connaissance, ayant sans doute écrit deux années après l'arrivée de Paul à Rome vers 62-63. Mais la TOB ajoute aussi que l'Evangile de Luc et celui de Marc qui sont antérieurs aux Actes, devraient dans ce cas être placés à des dates très haute que la critique moderne dans son ensemble pense ne pas pouvoir admettre. Et comme cette critique situe généralement l'Evangile de Luc, qui est postérieur à celui de Marc, après les années 70, elle propose une date plus tardive autour de 80 à une dizaine d'années près.[8].

Dédicace et titre

Le texte s'adresse à « Théophile », de même que l'évangile lucanien.

La première mention de l’œuvre apparaît chez Irénée de Lyon[9] (deuxième partie du IIe siècle). C'est aussi le premier témoin littéraire du titre « Actes d'Apôtres »[9]. D'autres titres existaient : Actes des Apôtres, Actes des saints Apôtres[10]. Ce titre s'inscrit dans le cadre des écrits gréco-romains qui magnifient la vie des grands hommes en narrant leurs actes[10].

Daniel Marguerat se demande si Luc aurait souscrit à ce titre car, conformément à l'usage des temps apostoliques, on nommait apôtre uniquement les douze disciples de Jésus[10].

Contenu

Pierre guérissant le boiteux de la Belle Porte du Temple de Jérusalem en compagnie de saint Jean l'évangéliste, Louis-Vincent-Léon Pallière (1819), église Saint-Thomas d’Aquin, Paris.

Les Actes des Apôtres concernent les débuts de l’Église primitive [11]. Lors de la Pentecôte, les premiers disciples de Jésus de Nazareth, qui sont réunis au nombre de cent-vingt[12], reçoivent l'Esprit saint et une inspiration divine dans le Cénacle de Jérusalem : des langues de feu se posent sur chacun d'eux, formalisant la venue de l'Esprit dans un épisode de communication inspirée qui permet aux disciples de s'exprimer dans d'autres langues que le galiléen et d'être compris par des étrangers, ce qui a été assimilé soit à du polyglottisme ou de la glossolalie selon les théologiens[13],[14],[15]. Le récit insiste à la fois sur l'universalité de l'évènement, qui concerne environ cent-vingt disciples de Jésus  au nombre desquels les Douze  et dont sont témoins des gens venus de « toutes les nations », ainsi que sur son caractère cosmique[12]. Pierre a assuré des responsabilités dans l'Église de Jérusalem que pendant une assez courte période : après l'épisode tragique d'Ananie et Saphire (Ac 5:1-11) il n'apparaît plus comme le décisionnaire, l'assemblée des apôtres ayant pris la relève (Ac 6:2)[16]. Après la persécution et la dispersion qui suivirent la mort d'Étienne, Luc le présentait évangélisant en Samarie puis dans les villes de la côte avant l'assemblée apostolique du chapitre 15.

Apportant aux communautés des élans nouveaux, il est selon les Actes le premier à pénétrer sous le toit d'un incirconcis, le centurion Corneille de Césarée, le baptisant lui et les siens, défendant ensuite lors du concile de Jérusalem l'annonce de l'évangile aux païens.

Avec Matthias (surnommé Zacchée le Juste[17]) selon Clément d'Alexandrie[18], Barnabé avait été choisi parmi les disciples lorsqu'il s'est agi d'élire le remplaçant de Judas. Or une divergence d'interprétation existe entre les églises d'orient et latine sur l'identité de cet apôtre : le texte dit occidental (TO) l'appelle Barnabas en Ac 1:23, tandis que le texte alexandrin (TA), sur lequel sont fondées toutes les éditions des Actes publiées par les différentes Églises[19] donne l'orthographe « Barsabbas. » Il s'agit en tous cas d'un dénommé « Joseph » (Ac 1:26 et 4:36) : « Joseph [est] surnommé par les apôtres Barnabas, ce qui veut dire fils de la consolation[20] » ; mais la tradition des Églises latines voit en Joseph Barsabbas et Barnabé deux personnages différents, quoiqu'ils aient un même rang et des tribulations similaires, tous deux martyrisés à Chypre à peu près à la même époque. Si ce Joseph (lettré puisqu'issu de la tribu des Lévites) ne compte pas au nombre des Douze Apôtres, il n'en exerça pas moins un rôle considérable : il fut un des premiers à doter sa communauté de revenus fixes (Ac 4:36).

Paul de Tarse était persécuteur des chrétiens ; il se convertit au Seigneur au cours d'un voyage pour se rendre à Damas [21]. Paul sortit de cette rencontre profondément bouleversé et définitivement persuadé que celui qu'il persécutait était le seigneur donné par Dieu pour le salut de son peuple. Il est baptisé par Ananie de Damas. Puis plusieurs voyages pour partager l’Évangile sont racontés, notamment ceux de Paul de Tarse en compagnie de Barnabé et de Jean Marc [21]. Ils visitent Chypre (Paphos), la Pamphylie (Pergé) et prêchent autour d'Antioche de Pisidie. Paul et Barnabé prêchent dans les synagogues et sont souvent mal reçus et forcés de partir brusquement, en raison de leurs discours sur le salut et la résurrection en Jésus (Actes 13:15-41). Sur le chemin du retour, ils ne repassent pas par Chypre et se rendent directement de Pergé à Antioche.

Lors du concile de Jérusalem, l'observance de la Torah par les chrétiens d'origine polythéiste est examinée[22] et la question de la circoncision est notamment soulevée par des pharisiens devenus chrétiens. Débattue par les apôtres et les presbytres anciens ») en présence de la communauté, elle est arbitrée par Pierre qui adopte le principe suivant, accepté par Jacques, l’autre dirigeant de la communauté hiérosolymitaine : Dieu ayant purifié le cœur des païens par la croyance en la messianité de Jésus, il n'y a plus de raison de leur imposer le « joug » de la Torah[22].

Notes et références

  1. François Blanchetière, Enquête sur les racines juives du mouvement chrétien, Éditions du Cerf, Paris, 2001, p. 103.
  2. Justin Taylor, 1990, p. 281 repris par François Blanchetière, Enquête sur les racines juives du mouvement chrétien, Éd. du Cerf, Paris, 2001, p. 103.
  3. Daniel Marguerat, in Camille Focant et Daniel Marguerat (dir.), Le Nouveau Testament commenté, Bayard/Labor et Fides, 2012, 4e éd. (ISBN 978-2-227-48708-6), p. 512-513.
  4. cf. par exemple Origène, cité par Eusèbe de Césarée (Histoire ecclésiastique, Livre VI, chap. 25) : « Luc, celui qui a composé l'Évangile et les Actes ».
  5. Daniel Marguerat, Les Actes des Apôtres (1-12), Labor et Fides, (ISBN 9782830912296, lire en ligne), p. 19
  6. Philippe Rolland, L'origine et la date des évangiles, Paris, Editions Saint-Paul, 1998., p. 25.
  7. Daniel Marguerat, Les Actes des apôtres (1-12), p. 20.
  8. Nouveau Testament de la TOB. Introduction aux Actes des Apôtres, Paris, Cerf et les Bergers et les Mages., , p. 361..
  9. Irénée de Lyon, Contre les hérésies, III, 13.3.
  10. Daniel Marguerat, Introduction au Nouveau Testament : Son histoire, son écriture, sa théologie, p. 128
  11. Ron Rhodes, The Complete Guide to Christian Denominations: Understanding the History, Beliefs, and Differences, Harvest House Publishers, USA, 2015, p. 9
  12. Jean-Pierre Lémonon, L'Esprit Saint, éditions de l'Atelier, (ISBN 9782708233546, lire en ligne), p. 88-89.
  13. Mal Couch, A Bible Handbook to the Acts of the Apostles, Kregel Academic, USA, 1999, p. 38
  14. Bill Lockwood, 'Gift of tongues' involved speaking foreign languages, timesrecordnews.com, USA, 10 décembre 2016
  15. Marie Françoise Baslez, Bible et Histoire, éd. Gallimard, coll. Folio Histoire, 2003, p. 219-243.
  16. Michael D. Coogan, The Oxford Encyclopedia of the Books of the Bible, vol. 1, USA, OUP, , p.15-16.
  17. Cf. Simon Claude Mimouni et Frances Margaret Young, Mark J. Edwards et Paul M. Parvis, « La tradition des évêques chrétiens d'origine juive de Jérusalem », Studia patristica, Louvain, Peeters, vol. XL, , p. 460.
  18. Clément d'Alexandrie, Stromata.
  19. , notamment le Codex Bezae
  20. Nouveau Testament du chanoine Crampon, Actes des Apôtres, 4, 36.
  21. Coogan 2011, p. 16.
  22. Simon Claude Mimouni, Les Chrétiens d'origine juive dans l'Antiquité, Paris, Albin Michel, 2004, p. 134-135

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

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