Crise du troisième siècle

La crise du IIIe siècle de l’empire romain englobe, d’après les historiens contemporains, les années 235 (mort de Sévère Alexandre et avènement de Maximin) à 284 ou 285 (mort de Carin et avènement de Dioclétien). Elle survient alors que s’éteint la dynastie des Sévères laquelle, après les troubles de 193-195, avait réussi à donner une certaine stabilité à l’empire.

Buste de Maximin, le premier des empereurs-soldats.

Gouverné par ce qu’il est convenu d’appeler les « empereurs-soldats », l’empire doit faire face sur le plan intérieur à une série de crises politiques, économiques, sociales, religieuses et morales. Sur le plan extérieur, de nombreuses tribus germaniques menacent l’Imperium Romanum, pendant que le nouvel empire perse des Sassanides, adoptant une politique agressive, cherche à s’étendre aux dépens de l’Empire romain. Ces nouvelles invasions au nord et à l’est mettent à rude épreuve les capacités de l’armée à protéger les frontières. De plus, de nombreux coups d’État, la sécession temporaire de certains territoires (l’« empire gaulois » de 260 à 274 et l'empire de Palmyre vers la même période), la paralysie des moyens de transport, la pression fiscale et la crise de la production affectant les provinces amènent l’empire au bord du gouffre. La crise atteint son paroxysme en 260. Toutefois, grâce à des réformes en profondeur de l’armée et de l’économie d’une part, au relâchement de la pression barbare d’autre part, l’État romain réussira à se stabiliser et l’empire survivra. Cette dernière phase du principat se termine avec l’arrivée au pouvoir de Dioclétien (284/285) que l’on associe généralement au début de l’Antiquité tardive.

L’histoire romaine du IIIe siècle fait depuis de nombreuses années l’objet de vives discussions entre les spécialistes [Qui ?]. D’aucuns [Qui ?] se rangent à l’opinion traditionnelle [réf. souhaitée] en vertu de laquelle on assiste pendant ce siècle à un déclin inéluctable, résultat d’une crise du système qui s’étend à tous les secteurs de l’empire. D’autres [Qui ?] se montrent beaucoup plus prudents et, sans remettre en question les diverses crises qui surgissent jusqu'à 260, voient plutôt dans cette période une phase de transition pendant laquelle on passe de l’Antiquité à l’Antiquité tardive, ou du Haut-empire au Bas-empire, période qui porte en elle de nombreuses promesses de régénération [réf. souhaitée]. Pour eux [Qui ?], certaines provinces, loin de participer au déclin général de l’empire auraient au contraire connu un développement remarquable. Quelques spécialistes [réf. souhaitée] vont jusqu’à remettre en question l’utilisation du concept de « crise » pour décrire la situation qui prévaut au IIIe siècle. [réf. souhaitée]

Le déroulement de la crise

Maximin, premier empereur-soldat, et l’année des six empereurs

Expansion de l'Empire romain jusqu'à la fin du IIe siècle.

En 192, l’empereur Commode est assassiné par les prétoriens. Une période de guerre civile s’ouvre et se prolonge jusqu'en , date de la victoire de Lyon [Quoi ?]. Cette guerre civile oppose l’Italie aux provinces, le Sénat à l’armée, les légions de Rome à celles des provinces, l’Orient à l’Occident [réf. souhaitée]. La seule année 193 voit cinq empereurs se succéder. Une fois débarrassé des autres prétendants, Septime Sévère réussit à stabiliser quelque peu l’empire, mais l’armée joue un rôle dans le choix du titulaire de la charge impériale[1]. Celle-ci, dont la fidélité n’est assurée que par de généreux dons en argent, devient de plus en plus difficile à contrôler. Le jeune Sévère Alexandre (222-235), inexpérimenté et faible de caractère, est assassiné par les troupes révoltées en 235 près de Mayence. Pour le remplacer, l’armée choisit comme empereur un officier, Maximin le Thrace (235-238)[2]. Les informations que nous possédons sur cet empereur sont sujettes à caution, car les sources sont partiales[3]. Il n’était probablement pas sénateur, mais appartenait plutôt, comme Macrin avant lui, à l’ordre des chevaliers. En outre, il descendait d’une famille qui ne possédait la citoyenneté romaine que depuis peu, même si son épouse appartenait vraisemblablement à la noblesse[4]. Ses relations avec le Sénat furent tendues car il refusa de se rendre à Rome et ne montra qu’un respect poli à l’endroit de cette institution. Même si, dans les faits, le Sénat ne possédait plus de pouvoir réel au temps des empereurs, l’institution n’en demeurait pas moins auréolée d’un grand prestige. Arrivé au pouvoir, Maximin eut à faire face à un mécontentement qui s’exprima quelquefois très ouvertement, car les sources font état d’une tentative de révolte de la part des troupes stationnées à Mayence ainsi que d’une autre en Orient, tentatives qui, si elles eurent effectivement lieu, échouèrent. Peu à peu, Maximin parvint à consolider son pouvoir grâce entre autres à des distributions en argent aux soldats ainsi qu’à la population de Rome. En 235 et 236, il dirigea plusieurs campagnes extrêmement brutales mais couronnées de succès contre les Germains sur le Rhin[5]. Il est possible qu’un champ de bataille découvert en 2008 près de Kalefeld en Basse-Saxe ait été le théâtre d’une de ces batailles [réf. souhaitée]. Si la chose est exacte, les troupes de Maximin se seraient pratiquement avancées jusqu’à l’Elbe.

En 238 une révolte éclata dans la province d’Afrique contre Maximin, dont les relations avec de nombreux sénateurs ne s’étaient pas améliorées entretemps. Sous la pression des évènements, Maximin avait dû augmenter les impôts pour payer les légions, ce qui provoqua le mécontentement des provinces. Le Sénat prit également position contre Maximin, d’autant plus qu’un usurpateur, Gordien Ier (238), acclamé empereur en Afrique après avoir fait assassiner les partisans locaux de Maximin, y compris le préteur et le préfet de la ville, promettait d’améliorer les relations avec Rome. Près de la moitié de la province passa du côté de l’usurpateur, lequel nomma coempereur son fils qui portait le même nom. Ce dernier toutefois fut assassiné au printemps 238 par des troupes loyales. Peu après, désespéré, Gordien Ier se suicida. Le Sénat, qui devait faire face aux mesures de rétorsion que comptait déjà prendre Maximin à son endroit, se hâta d’élire deux des siens, les sénateurs Pupien et Balbin (238), que l’on appellera dès lors les « empereurs-sénateurs ». Le processus était plus que discutable. Toutefois, Rome était aux prises avec une agitation dont le but était de porter au pouvoir un empereur proche parent des Gordien. Porté par les évènements, le très jeune Gordien III, un petit-fils de Gordien Ier, fut proclamé César pendant que Pupien et Balbin conduisaient les affaires de l’État[6].

Pupien marcha alors contre Maximin, lequel faisait le siège d’Aquilée. Ce dernier fut finalement assassiné en même temps que son fils par des soldats mécontents. La mort de Maximin ne devait toutefois pas apporter de répit, car un conflit éclata entre Pupien et Balbin. De plus la garde prétorienne, qui constituait un élément important du pouvoir à Rome, menaçait également l’autorité du gouvernement. Non seulement elle n’était pas d’accord avec la nomination des empereurs-sénateurs, mais encore craignait-elle d’être remplacée par une nouvelle unité. Le , les prétoriens montèrent un coup d’État réussi contre Pupien et Balbin, à la suite de quoi ils acclamèrent Gordien III comme Auguste. Ce dernier, un jeune homme de treize ans issu de l’aristocratie sénatoriale, tenta de revenir progressivement aux principes qui avaient été ceux des Sévères dans la conduite des affaires de l’État. L’année 238 pouvait ainsi être qualifiée d’ « année des six empereurs ».

Rome sur la défensive : la menace scythe et la montée de l’empire sassanide

La fin de la confusion politique qui avait marqué l’an 238 ne contribua qu’à moitié à stabiliser la situation : les guerres contre Maximin avaient épuisé le trésor public et la situation économique était précaire. À cela s’ajoutèrent les menaces de l’extérieur. Sur le Rhin, les Alamans accentuaient leur pression, pendant que les Goths s’amassaient sur la frontière du Danube et y répandaient l’agitation. Il est vrai que la situation n’était pas nouvelle, ces frontières ayant été de tous temps menacées ; cette fois pourtant, la permanence et l’omniprésence de la pression aggravait le danger. Au fur et à mesure qu’elles encerclaient l’empire et finissaient par se rejoindre, les tribus qui prenaient conscience de leurs origines communes tendaient à se regrouper en confédérations (ou gentes comme les Alamans ou les Francs), ce qui en renforçant leurs capacités militaires augmentait le danger pour Rome[7]. En 238 commença également la descente des Goths sur l’Empire romain. Les Goths conduisirent leurs premières attaques en s’emparant de la ville de Histros au sud du Danube pendant que les Carpes s’infiltraient dans la province de Mésie inférieure[8]. L’historien grec Dexippe a tracé le portrait des combats contre les envahisseurs germaniques dans son œuvre (dont nous ne possédons que des fragments), Les Scythes, nom générique sous lequel les auteurs grecs appelaient l’ensemble de ces tribus nomades[9]. Selon Dexippe, l’année 238 marqua le début des « guerres scythes »[10]. Jusqu’en 248, les Goths gardèrent la paix pendant que les Carpes poursuivaient leur offensive.

Les guerres défensives que Rome devait soutenir sur le Danube depuis la troisième décennie du IIIe siècle constituaient cependant un danger moindre que ce qui se préparait à la même époque à l’est de l’empire. Le nouvel empire perse des Sassanides constituait en effet un bien plus grand danger que les attaques conjointes des tribus germaniques[11]. Les Sassanides s’étaient soulevés contre la domination des Parthes en 226 et avaient remplacé l’empire assez lâche de ceux-ci par un État puissamment centralisé, doté d’une armée imposante par sa qualité et dont l’élément principal était la cavalerie caparaçonnée. L’empire sassanide qui pouvait aussi se targuer d’un riche héritage culturel remontant loin dans le temps devait s’avérer le puissant rival de Rome à l’Est pendant 400 ans[12]. Le roi perse Ardaschir Ier, qui voulait légitimer son pouvoir par des conquêtes militaires, avait déjà conduit de premières attaques au temps de Sévère Alexandre et s’était emparé en 236 des importantes villes de Nisibis et de Karrhai[13].

Buste de Gordien III.

Gordien III tenta de nouer de bonnes relations avec le Sénat et de s’occuper du bien-être des citoyens de Rome[14]. En 241, il nomma Timesithée au poste de préfet du prétoire, ce qui permit à celui-ci de prendre la direction des affaires de l’État. Gordien épousa la même année la fille de celui-ci. À l’extérieur, la frontière orientale demeurait un sujet brûlant. Les Sassanides avaient réussi en 240 à s’emparer de la ville de Hatra, capitale du royaume du même nom[15]. Toutefois, les recherches semblent contredire les affirmations de certaines sources occidentales à l’effet que les Sassanides aient vraiment conduit des attaques contre les territoires de l’ancien royaume des Achéménides[16]. D’une part, il n’est pas certain que les Sassanides aient eu une connaissance exacte de l’histoire ancienne, d’autre part, il se peut qu’il ne s’agisse que d’une interprétation romaine[17]. La ruine du royaume de Hatra qui jouait un rôle important d’État tampon sur la frontière entre les deux empires, fournit le prétexte à de nouveaux combats entre Rome et la Perse qui revêtirent à Rome une importante valeur symbolique : Gordien laissa ouverte la porte du temple de Janus pour souligner que Rome se trouvait en guerre. Il implora l’assistance de la déesse Athéna Promachos, laquelle avait aidé les Grecs dans leurs propres guerres contre les Perses, et institua à Rome un culte de la déesse Minerve identifiée à Athéna. Enfin, il se rendit en 242 avec Timésithée sur la frontière orientale de l’empire. Après quelques succès initiaux, au cours desquels Timésithée devait perdre la vie, les Romains essuyèrent une défaite importante contre les Perses que dirigeait le nouveau roi Sapor Ier à la bataille de Mesiche ou Misikhè (aujourd’hui Al-Anbar près de Falloujah, Irak), probablement en . Gordien perdit la vie lors de cette bataille, soit des suites de blessures au combat, soit d’une machination du nouveau préfet du prétoire, Philippe l’Arabe[18].

Philippe (244-249), arabe d’origine et fils d’un cheik, succéda à Gordien. Sa première priorité fut de conclure la paix avec les Perses ce qu’il obtint semble-t-il grâce au paiement d’un fort tribut[19]. Philippe était très conscient de la nécessité de légitimer son pouvoir et maintint selon toutes les apparences d’excellentes relations avec le Sénat. Il permit d’élever Gordien au rang des dieux, tentant de cette façon de renouer avec les traditions de la dynastie des Sévères. Cela n’empêcha pas plusieurs soulèvements d’avoir lieu sous son règne lesquels furent réprimés avec force mais relativement rapidement jusqu’au dernier en 249. L’année 248 lui permit de célébrer à grands frais le millénaire de la fondation de Rome et d’augmenter sa popularité. C’est probablement dans ce contexte que Gaius Asinius Quadratus termina son œuvre, Histoire des mille ans de Rome, dont seuls divers fragments sont parvenus jusqu’à nous. La politique étrangère demeura préoccupante, mais resta sous contrôle. En 245 et 246, Philippe fit campagne contre les Carpes dans la région du Danube, lesquels durent finalement demander la paix. Mais cette région continua d’être la zone frontière la plus menacée de l’empire, car après la défaite des Carpes, se fut au tour des Scythes, donc des Goths, d’envahir le territoire et de s’infiltrer en Thrace[20]. Ils assiégèrent Marcianopolis, siège qu’ils finirent par abandonner[21]. Jordanes, qui écrivit 300 ans plus tard, s’appuyant sur une Histoire des Goths, aujourd’hui disparue, soutient que les Romains auraient versé une forte somme aux Goths pour qu’ils s’éloignent[22]. L’année suivante, Philippe devait être renversé par un coup d’État militaire conduit par le général Dèce qui avait mené des campagnes victorieuses contre les Goths dans cette même région du Danube. Acclamé empereur par ses troupes, il affronta Philippe qu’il défit et tua au cours d’une bataille.

Aureus de Dèce, célébrant ses victoires.

Dèce (249-251), qui prit à son avènement l’ambitieux surnom de Trajan, appartenait à l’aristocratie sénatoriale[23]. Voulant donner une nouvelle vigueur aux traditions ancestrales, il s’efforça de préserver le culte des dieux et mena une politique hostile aux chrétiens. Un édit de l’an 250 ordonnait à tous les citoyens de l’empire d’offrir des sacrifices aux dieux. Pour Dèce, la religion était une question de patriotisme autant qu’une question religieuse et il mit les chrétiens devant l’alternative de choisir entre leur foi et la mort. Ce fut la première véritable persécution des chrétiens à l’échelle de l’empire. Aux yeux du traditionaliste qu’était Dèce, une religion comme celle des chrétiens, en s’opposant au culte des dieux, constituait de la provocation. Il faut se souvenir en effet qu’à Rome les dieux jouaient un important rôle en tant que protecteurs de l’État. Les chrétiens ne s’attendaient guère à une telle rigueur. S’il y eut de nombreux cas d’apostasie, d’autres plus nombreux préférèrent la mort comme le célèbre érudit Origène. Le cours des évènements devait cependant reléguer cette question au second plan : la situation dans la région du Danube força bientôt Dèce à partir en campagne contre les Goths. En 251, il fut défait par le roi Kniva et perdit la vie au cours d’une bataille en compagnie de son fils, Herennius Etruscus.

Le successeur de Dèce fut Trebonianus Gallus (251-253), l’un des rares empereurs-soldats à être originaire d’Italie. Celui-ci dut faire des concessions importantes aux Goths alors qu’il se voyait confronté à d’autres problèmes plus urgents. Une épidémie qui semble avoir débuté dans ce qui est aujourd’hui l’Éthiopie s’étendit jusqu’en Afrique du Nord avant de se propager dans les régions avoisinantes. À l’est, les Sassanides poursuivaient leurs attaques contre les provinces romaines ; les troupes perses s’avancèrent en 252 en Mésopotamie romaine et occupèrent l’Arménie. Pendant ce temps, les Alamans demeuraient actifs dans le nord. Mais Trebonianus Gallus n’eut guère le temps de faire face à l’ensemble de ces problèmes : il fut tué lors du coup d’État militaire fomenté par Aemilien en 253. Aemilien (253) lui-même ne conserva le pouvoir que quelques semaines. Le commandant Valérien, qu’Aemilien avait appelé à l’aide, se tourna contre lui en Italie et Aemilien fut assassiné par ses propres troupes. L’avènement du nouvel empereur devait apporter un répit qui ne fut que provisoire. En effet, les problèmes devaient aller en s’aggravant et conduire l’empire vers une profonde crise.

Valérien et Gallien : la vaine tentative d’une stabilisation de l’empire

Aureus de Valérien ; au verso la déesse Victoire.

Valérien (253-260), le nouvel empereur, était issu d’une famille sénatoriale en vue. Pourtant on sait peu de choses sur ses relations avec le Sénat[24]. Il passa peu de temps à Rome, consacrant tous ses efforts à la défense des frontières. Les Balkans demeuraient l’une des régions les plus menacées de l’empire. Les Goths avaient tenté d’y pénétrer seuls d’abord, puis en s’alliant aux Boranes et en lançant leurs opérations à partir de la mer. En 254, ils apparurent en mer Égée et abordèrent près de Thessalonique. Les Boranes avaient déjà tenté sans succès en 254/255 de s’emparer de Pityus du Pont (aujourd’hui Pitsounda) ; ils y parvinrent l’année suivante, après s’être alliés aux Goths. La prise de cette ville contribua de façon importante à démoraliser les légions romaines d’Asie mineure. Puis, ce fut au tour de Trébizonde (aujourd’hui Trabzon) d’être razziée par les pirates. Des villes qui, pendant des siècles, n’avaient jamais eu besoin de murailles grâce à la Pax Romana devaient maintenant être fortifiées de toute urgence.

La situation s’avérait plus dangereuse encore en Orient. Les Sassanides qui avaient lancé dès les années 230 de petites offensives contre les Romains commencèrent sous la conduite de Sapor Ier en 252 ou 253 à profiter des troubles de l’empire pour lancer une offensive d’envergure. Ces évènements nous sont connus grâce à une geste en trois langues intitulée Res gestae divi Saporis[25] que viennent compléter diverses sources occidentales. Les troupes perses réussirent à s’emparer pendant quelque temps d’Antioche, l’une des villes les plus importantes et les plus étendues de l’empire. Peu de temps après toutefois, Sapor se retira[26]. Sous les attaques perses le système de défense romain en Orient commença à s’effondrer. Il était même devenu impossible pour les légions romaines d’organiser une défense coordonnée à tel point que l’un des chefs locaux, le roi-prêtre d’Emesa, Uranius Antoninus, décida d’organiser lui-même la défense de sa ville contre les Perses, faisant ainsi concurrence de façon plus ou moins ouverte à l’empereur légitime[27]. L’épisode n’eut toutefois pas de répercussion, Uranius Antoninus étant décédé peu de temps après, mais il joua un rôle de catalyse dans les évènements qui mèneront à la création de la principauté séparatiste de Palmyre.

En 256, l’année même où les Goths s’attaquaient aux côtes de l’Asie mineure, une armée perse entra en Mésopotamie. Non seulement s’empara-t-elle de la forteresse de Circesium, mais les Perses se rendirent maîtres de Doura Europos qu’ils détruisirent. Or cette ville jouait un rôle clé dans le système de défense romain de l’Orient. Les troupes romaines se ressaisirent et parvinrent à empêcher les Sassanides d’aller plus loin, les forçant même à reculer. Cependant, ces pressions eurent de graves conséquences : plus d’une légion sur les fronts nord et est étaient complètement épuisées, même si on avait trouvé une amorce de solution dans la constitution d’une force d’intervention de réserve à cheval pouvant intervenir sur les points chauds[28].

L’année suivante vit un retour temporaire au calme sur les frontières. Pourtant, la situation de l’empire continuait à être précaire même si, tant sur le Rhin que sur le Danube et en Orient, la menace extérieure s’était éloignée. À l’été 257 Valérien, continuant en cela la politique de Dèce, se lança dans une nouvelle persécution contre les chrétiens « pour assurer la protection des dieux sur Rome ». Il s’ensuivit une série de condamnations à mort aussi bien que d’exils et de confiscations qui servaient à point la politique fiscale du gouvernement. Parmi les victimes de cette nouvelle persécution, on compte Cyprien de Carthage. Celle-ci ne parvint pas toutefois à réprimer l’avancée du christianisme. Ce fut le fils de Valérien, Gallien, qui devait mettre un terme à cette persécution en 260 avec le premier édit de tolérance accordé par les autorités romaines au christianisme[29].

Gallien (253-268), qui était devenu coempereur en 253, avait reçu de Valérien la tâche de protéger la partie occidentale de l’empire. Là aussi la situation demeurait des plus tendues comme le démontra une invasion de tribus germaniques. En 257 ou en 259, les Francs atteignirent le territoire du Haut-Rhin et progressèrent jusqu’en Espagne. Pendant ce temps les Alamans franchissaient la frontière du limes du Haut-Rhin/Rhétie en 259/260 après que les légions romaines qui y avaient été stationnées jusque-là en aient été presque toutes retirées pour faire face à des conflits intérieurs. Les Alamans s’avancèrent jusqu’à la frontière nord de l’Italie où Gallien vers le milieu de l’été 260 les défit aux environs de Milan. Par la suite, les Romains durent toutefois évacuer ce que Tacite appelle les Champs Décumates (correspondant à peu près à l’actuel Bade-Wurtemberg). D’imposants groupes de Jutes réussirent également à franchir la frontière avant d’être arrêtés aux environs d’Augsbourg, comme l’atteste l’« autel de la victoire d’Augsbourg »[30].

En Asie mineure, les Goths recommencèrent à s’agiter. En 258, ils s’emparèrent de plusieurs villes qu’ils pillèrent, dont Chalcédoine, Nicée et Nicomédie[31]. Valérien se mit à leur poursuite dans le nord de l’Asie mineure en 259 ; mais ceux-ci s’en étaient déjà retirés. Entre-temps, Valérien planifiait une grande offensive contre les Perses, mais Sapor le devança en 260. Au début de l’été, l’armée romaine que commandait Valérien en personne fut exterminée lors du désastre d'Édesse ; Valérien lui-même fut fait prisonnier et amené en captivité. Pour la première fois, un empereur était capturé, humiliation profonde pour l’orgueil romain. On peut lire à ce sujet dans la geste de Sapor :

« Dans la troisième campagne, alors que nous nous dirigions vers Karrhai et Édesse et que nous nous apprêtions à assiéger ces deux villes, l’empereur Valérien marcha contre nous avec une armée de 70 000 hommes. Sur le champ de bataille de l’autre côté de Karrhai et d’Édesse, il y eut un grand combat et nous fîmes prisonnier l’empereur Valérien de nos propres mains et ce qui restait, le préfet du prétoire, des sénateurs et des commandants, tous ceux qui commandaient des troupes, tous nous les fîmes prisonniers et les déportâmes en Perse[32]. »

Valérien fut déporté de même que de nombreux autres prisonniers romains et mourut en captivité. Cette défaite catastrophique eut de terribles répercussions, puisqu’il ne restait guère d’armée romaine pour s’opposer aux Perses en Mésopotamie, sauf quelques petites unités. Les Perses étaient libres d’envahir les provinces orientales. Manifestement, Rome avait perdu temporairement le contrôle de cette importante partie de la frontière[33]. De nombreuses sources de l’antiquité tardive (sauf toutefois l’Historia Augusta proche du Sénat), sont très critiques à l’endroit de Valérien. La tâche qui attendait son successeur, Gallien, était colossale.

Gallien seul empereur : l’apogée de la crise

Buste de l'empereur Gallien, Altes Museum.

La période de 260 à 268 pendant laquelle Gallien régna seul marqua l’apogée de la crise. Sa marge de manœuvre était extrêmement limitée, car tant les frontières occidentales qu’orientales de l’empire se trouvèrent menacées presque en même temps[34]. Après que Valérien fut fait prisonnier, la défense des frontières orientales s’écroula presque entièrement. Des révoltes conduisirent à des tentatives de coup d’État, cependant rapidement réprimées. Macrien fut acclamé empereur par les armées de l’est mais fut défait en 261 par des troupes loyales. Si l’on se fie aux sources, Gallien ne fit rien pour faire libérer son père. Celui-ci finit ses jours en prison, empereur déjà oublié. Pourtant le calme ne revint pas à l’intérieur et des soulèvements eurent lieu : en 260, Ingenuus se souleva dans les Balkans et Regalianus dans la région du Danube ; ces deux tentatives furent réprimées. Ces tentatives de coup ainsi que d’autres à caractère plus local et moins étendu mais qui n’en monopolisaient pas moins les troupes mettaient en lumière l’un des principaux problèmes du régime des empereurs-soldats, particulièrement à partir des années 250. Ceux-ci demeuraient à la merci des troupes qui les avaient acclamés et pouvaient être renversés aussi facilement qu’ils avaient été élus, si bien que peu d’entre eux moururent de mort naturelle. Le système d’acceptation sur lequel était fondé le principat s’avérait de plus en plus problématique. Puisque les règles de succession n’étaient pas définies par le droit, la légitimité de chaque princeps reposait essentiellement sur le bon vouloir de l’armée, du Sénat et du peuple de Rome[35]. Pour peu que l’empereur du moment ne vienne à perdre quelques batailles, il était presque certain qu’un usurpateur tenterait de le renverser. Alors que l’on en était arrivé à un stade où l’armée constituait pratiquement le seul organe de décision, les troupes allaient rivaliser entre elles et mettre de l’avant plusieurs candidats. Les zones de combat devenaient ainsi une occasion de se saisir du trône. Il suffisait que l’empereur soit occupé à un autre endroit, pour que les troupes acclament leur général victorieux en tant que nouvel empereur, donnant naissance à des guerres civiles dont ne pouvaient que profiter les ennemis de l’extérieur, au courant des dissensions internes de l’empire. Celui qui sortait vainqueur de la guerre civile ne pouvait à son tour s’occuper que d’un certain nombre de problèmes et se voyait contraint de déléguer une large autorité à ses commandants sur le terrain qui, s’ils sortaient victorieux des conflits dans lesquels ils étaient engagés, n’avaient de cesse d’aspirer au pouvoir suprême[36]. Le danger venait ainsi principalement des légions situées sur le Rhin, le Danube et l’Euphrate, voire de Bretagne. C’est contre ces menaces réelles aussi bien qu’appréhendées que dut lutter Gallien pour stabiliser son pouvoir.

Les tentatives de Rome pour repousser les Perses qui avaient à nouveau repris le contrôle d’Antioche en 260, s’avérèrent inefficaces jusqu’à ce que l’exarque (et plus tard, prince) de Palmyre, Odénat, se voie confier le commandement suprême en Orient. Celui-ci avait déjà tenté de parvenir à un accord avec Sapor, mais sans succès[37]. Gallien l’investit de l’imperium majus pour l’est et, en le créant corrector totius Orientis, en fit dans les faits son représentant dans la région[38]. Gallien n’avait guère le choix, car il ne disposait pas des ressources nécessaires pour combattre à la fois les Germains, l’empire sécessionniste gaulois (voir ci-après) et les Perses. En fait, les forces de Palmyre avaient réussi à repousser les Perses affaiblis par les combats précédents et ne s’attendaient pas à une attaque en provenance de cette direction ; en 262/263, Odénat s’avança jusqu’à la capitale des Perses, Ctésiphon. Il semble bien que, pendant cette campagne qui avait pour premier but de reconquérir les quelque provinces perdues par Rome, les troupes régulières se mirent également sous son commandement. Les troupes perses durent reculer. Palmyre, ville de commerce, se révéla dès lors à la fois un des rares facteurs de stabilité sur la frontière orientale de Rome et une force rivale. Les succès d’Odénat contre les Perses renforcèrent si bien son pouvoir qu’il prit le titre de rex regum Roi des rois »), une allusion évidente au titre des Sassanides, Sahan Sah et aux victoires d’Odénat contre Sapor. Parallèlement, l’autorité de Rome sur la région s’en trouvait de plus en plus ébranlée. En 267, Odénat entreprit une nouvelle campagne contre les Perses mais fut détourné de son objectif après être tombé sur des Goths dans le nord de l’Asie mineure. La même année, Odénat tomba, victime de l’un de ses proches ; il n’est pas impossible que ce meurtre ait été commandité par Gallien qui ne pouvait voir sans crainte le pouvoir croissant d’Odénat[39]. Après sa mort, son épouse, Zénobie, assuma la régence et profita de la faiblesse de Rome en Orient. Tour à tour, plusieurs secteurs de diverses provinces romaines d’Orient tombèrent temporairement au pouvoir de Palmyre, parmi lesquels la Syrie et, en 269/270, la riche province d’Égypte. Ainsi naquit la principauté autonome de Palmyre qui s’avéra être à la fois un facteur de stabilité dans la défense de l’empire contre les Perses[40] en même temps qu’une alternative permettant de ne pas remettre en question l’autorité de l’État romain dépassé par les évènements. Cet état de fait fut considéré favorablement par plusieurs en Orient comme le Grec Nikostratos de Trébizonde qui écrivit une histoire de cette période qui n’a pas été conservée mais qui glorifiait les faits d’armes d’Odénat[41]. L’orateur et historien Kallinikos de Petra fit de même en dédiant son Histoire d’Alexandrie à Zénobie.

En vert, l'empire des Gaules en 260.

Déjà en 260, une grande partie des provinces occidentales avait fait sécession pour constituer « l’empire gaulois » ou Imperium Galliarum, qui ne l’était toutefois que de nom et qui, pendant un certain temps du moins, comprendra outre les Gaules, l’Espagne et la Bretagne[42]. À l’été 260, le commandant militaire Postumus avait remporté une victoire sur quelques tribus germaniques. Mais une querelle au sujet du partage des dépouilles s’éleva entre lui et le césar Salonin, un fils de Gallien, envoyé par ce dernier en Gaule comme son représentant. À la suite de quoi Postumus assiégea Cologne où séjournait Salonin. Celui-ci fut finalement remis entre les mains de Postumus avec son conseiller Silvanus et tous deux furent exécutés. Postumus fut alors acclamé empereur par ses troupes et établit sa résidence à Cologne ou à Trèves. Postumus et son successeur établirent jusqu'en 274 leur pouvoir sur une importante partie de l’Occident et enregistrèrent divers succès dans la défense des frontières. Gallien retenu par une succession de crises, ne put que relativement tard agir contre Postumus. En 265 (certains chercheurs avancent même 266 ou 267), il déclencha une offensive contre l’empire gaulois. À partir de 269 toutefois, l’autorité de Postumus commença à être remise en question dans l’empire gaulois même et il fut assassiné peu après avoir étouffé une tentative d’usurpation. Tout comme lui, son successeur eut à faire face à des tentatives semblables dans lesquelles les questions économiques durent jouer un rôle important comme l’indique la diminution du contenu en métal fin des pièces de monnaie.

La création de l’Imperium Galliarum suivie un peu plus tard par celle de la principauté de Palmyre ne laissait plus en 267/268 que l’Italie, la région des Balkans (y compris la Grèce), la province d’Afrique de même qu’une partie de l’Asie mineure sous le contrôle effectif de Gallien. Ces tendances centrifuges au sein de l’empire étaient une conséquence directe du manque d’efficacité de l’administration qui devait conduire plus tard à une réaction inverse vers la centralisation de cette même administration de même qu’à l’épuisement de l’armée. Il arrivait de plus en plus souvent que l’on doive retirer une partie des troupes d’une région frontalière, laquelle se retrouvait ainsi sans protection, pour aller au devant des attaques ennemies dans un autre endroit. L’armée n’arrivait plus à assurer la protection des frontières ; des milices locales devaient éventuellement prendre le relais, ce qui était déjà arrivé en Orient après la capture de Valérien. La même chose se produisit en Grèce lors de l’invasion des Hérules en 267/268[43]. Après que les Goths dès 262 eussent franchi une nouvelle fois le Danube et se soient dirigés vers l’Hellespont avant de traverser en Asie mineure, où ils s’emparèrent de nombreuses petites villes, ce fut au tour des Scythes d’attaquer à nouveau en 267 et de piller la côte nord de l’Asie mineure. Également en 267, les Hérules firent voile vers la mer de Marmara et la mer Égée pour finalement atteindre la Grèce. Ils réussirent à s’emparer et à piller nombre de villes comme Byzance, Argos et Athènes. À leur retour d’Attique, ils furent attaqués par une milice locale. C’est pendant cette bataille que se distingua l’historien Dexippe[44]. Un fragment de la Skythika de Dexippe, consacré à ces évènements est parvenu jusqu’à nous. Il s’agit de l’une des rares sources contemporaines de l’époque et son contenu est riche en renseignements car il atteste du fort patriotisme des Grecs et permet un retour tangible sur cette période de l’histoire du pays :

« […] l’issue de la guerre fut décidée aussi bien par notre calme que par la loi du nombre. Nos forces sont loin d’être méprisables. Nous avons pu réunir deux mille des nôtres et notre garnison est bien protégée. C’est de cette garnison que nous devons sortir pour battre nos ennemis pendant que attaquons de petits groupes et tendons des embuscades lorsqu’ils passent à notre portée. […] La mort frappe en effet tous les hommes, mais perdre la vie au combat pour sa patrie comble d’honneur : Rome l’éternelle. Ainsi parla-t-il. Les Athéniens puisèrent grand courage dans ces paroles […] et partirent au combat, le cœur plein de force[45]. »

Gallien, qui avait planifié une campagne contre Postumus et s’était arrêté en Italie, rassembla des troupes aussitôt qu’il apprit l’attaque des Hérules et les vainquit lors d’une importante bataille au printemps 268 près du fleuve Nestos dans les Balkans. L’Empire romain se retrouvait de facto divisé en trois parties, lesquelles devaient chacune assurer la défense de sa frontière fluviale (Rhin, Danube, Euphrate).

Les problèmes militaires n’étaient toutefois pas les seuls auxquels l’empire était confronté. Les problèmes structurels étaient tout aussi importants. La rapidité avec laquelle se succédaient les souverains ne permettait pas la conduite d’une politique à long terme. De plus, les empereurs-soldats dépendaient tellement du bon vouloir de leurs troupes qu’il leur était impossible d’y maintenir la discipline. À partir de 268, bon nombre des derniers empereurs-soldats seront originaires d’Illyrie, un terrain de choix pour le recrutement de l’armée, et seront d’origine sociale modeste. Dès 260, parallèlement à un déclin économique, on assiste à des changements structurels dans l’armée de même que dans les administrations centrale et provinciales. Déjà sous Gordien III, des soulèvements avaient eu lieu aux confins de l’empire, comme en Afrique, pendant qu’au Sénat et dans l’armée, le mécontentement allait en s’accroissant et que les chevaliers remplaçaient les sénateurs dans l’administration. Cependant, l’empire ne se disloqua pas et, dans ses grandes lignes, l’administration tant civile que militaire demeura intacte en Occident. Il n’en fut pas de même de l’économie qui dut faire face à une crise majeure. On assista à une forte dépréciation de la monnaie parce que les ressources nécessaires au financement de l’armée et de l’administration n’étaient plus suffisantes de telles sorte qu’à partir de 270 l’inflation ne cessa d’augmenter.

Pour faire face à ces difficulté, Gallien prit diverses mesures qui laissent déjà prévoir celles de Dioclétien et de Constantin tout en constituant une rupture avec ce qui s’était fait depuis le début de l’empire. Ainsi, il décida bien qu’il ait été lui-même l’un des derniers empereurs à appartenir à ce que l’on peut appeler la noblesse, d’enlever aux sénateurs le commandement des légions. À leur place, les chevaliers et les militaires eux-mêmes purent accéder aux plus hauts postes jusque-là réservés aux sénateurs. Gallien espérait sans doute que ceux qui lui devraient ainsi leur avancement feraient montre d’une plus grande loyauté que cela n’avait été le cas avec les ambitieux sénateurs. Son intention était vraisemblablement de confier ces postes à des militaires de carrière. Dans les faits, ces mesures venaient sceller l’érosion des pouvoirs du Sénat et mettre un terme à une période pendant laquelle, depuis la fin de la république, le Sénat constituait le prestigieux cénacle de l’élite civile et militaire. En 260, Gallien créa une unité de réserve formée de cavaliers qui devait servir d’exemple pour l’armée mobile de l’avenir. C’est ainsi que les légions du Danube sur lesquelles s’appuyait l’empereur prirent de plus en plus d’importance. En dépit de toutes ces mesures, Gallien ne réussit pas à imposer son pouvoir à la grandeur de l’empire. En 267 ou 268, Aureolus, l’un de ses généraux, se révolta dans le nord de l’Italie : au cours du siège de Milan, en août ou , Gallien mourut assassiné[46].

Le bilan du règne de Gallien, le plus long règne des empereurs-soldats, diffère selon les sources consultées. Les sources écrites latines sont assez négatives alors que les grecques portent un jugement beaucoup plus positif, reflet sans doute de l’intérêt que Gallien porta toujours à la culture grecque qu’il tenta de promouvoir. En dépit d’une situation difficile, Gallien réussit à remporter quelques succès militaires et à mettre en œuvre un certain nombre de réformes qui, quoique peu systématiques, constitueront les premières étapes d’une solution à la crise qui atteint son paroxysme durant son règne. Il est également vrai qu’un certain nombre de facteurs hors de son contrôle comme les invasions et les tentatives d’usurpation pesèrent lourdement sur son administration.

Claude le Gothique et les débuts de la stabilisation

Antoninien de Claude ; au revers VICTORIAE GOTHIC, trophée célébrant de la victoire sur les Goths.

Claude le Gothique (268-270), successeur de Gallien, se trouva confronté dès son accession au problème des frontières qui n’était toujours pas résolu[47]. Son règne et celui de son successeur Aurélien, tous deux étant portés au nombre des « empereurs illyriens », constituèrent un point tournant dans la période des empereurs-soldats. Alors qu’avant eux l’empire avait continuellement été sur la défensive, ces deux empereurs réussirent à endiguer le péril germanique et à récupérer les provinces perdues tant à l’Ouest qu’à l’Est. En 268, les Alamans franchirent à nouveau le Danube, manifestement dans l’intention de s’attaquer à l’Italie. Claude réussit à arrêter les envahisseurs près du lac de Garde. Au printemps de l’année suivante, les Scythes (entendre les Goths, les Hérules et autres groupes) décidèrent de lancer une grande offensive, par mer cette fois[48]. La flotte quitta la mer Noire pour se rendre en mer Égée ; une partie des troupes débarqua près de Thessalonique devant laquelle on mit le siège sans succès. Cette expédition semble avoir rencontré des difficultés considérables. Les attaques répétées ne permirent pas de s’emparer des villes. Lorsque Claude voulut se porter à la rencontre des envahisseurs, ceux-ci se dérobèrent et battirent en retraite. Ils furent toutefois arrêtés à l’été 269 près de Niš. C’est là que Claude rencontra son grand succès grâce surtout à la cavalerie et qu’il reçut le surnom de « le Gothique » (entendre « qui a vaincu les Goths »). Le deuxième groupe devait être battu sur mer l’été suivant au cours de diverses batailles navales.

Sur le plan de la politique intérieure, Claude fit une large place aux chevaliers dont plusieurs lui durent leur montée fulgurante. Si, jusqu’en 268, la majorité des commandants étaient des sénateurs, ce n’était déjà plus le cas. Claude et ses successeurs se dispenseront même, semble-t-il, de se voir formellement remis par le Sénat les pleins pouvoirs que leur conféraient l’imperium proconsulare maius et la potestas tribunicia, l’acclamation par les troupes étant dorénavant suffisante. Il semble également ne pas s’être occupé des deux territoires séparatistes des Gaules et de Palmyre, à la fois parce que ceux-ci constituaient une zone tampon utile contre les ennemis de l’extérieur et parce qu’il ne voulait pas utiliser ses ressources limitées pour monter une offensive contre eux. De même, après la mort de Postumus, il put annexer de nouveau l’Espagne qui revint sous la juridiction impériale. Le gros des efforts fut plutôt consacré à la défense de la région danubienne. Toutefois une épidémie de peste se déclara dans les Balkans en 270 et l’empereur fut au nombre des victimes. Ses relations avec le Sénat qui lui décerna les plus grands honneurs semblent avoir été bonnes. Dans les annales sénatoriales, il fut classé parmi les héros, ce à quoi l’on doit le rapprochement généalogique fictif entre Claude et Constantin le Grand[49]. En dépit de sa brièveté, ce court règne est à classer parmi les plus remarquables du temps des « empereurs-soldats ».

Quintillus et Aurélien

Monnaie d'Aurélien.

Après la mort de Claude, son jeune frère Quintillus (270) fut proclamé empereur. Mais en , les légions du Danube acclamèrent comme empereur Aurélien (270-275), un commandant expérimenté appartenant à l’ordre des chevaliers[50]. Rapidement, Aurélien marcha sur Rome. Quintillus, que ses troupes avaient abandonné, se suicida ou fut tué par ses propres soldats. Il appartint à Aurélien de surmonter la crise, du moins en partie, en ayant recours à des troupes dont certains empereurs comme Gallien avaient commencé à améliorer le professionnalisme[51]. Aurélien dut repousser une série d’attaques de grande envergure de la part des barbares. C’est ainsi que dès l’été 270 il réussit à vaincre les Jutes qui avaient franchi le Danube. Au printemps suivant, il dut faire face aux invasions des Vandales en Pannonie, lesquels finirent par demander la paix et se retirèrent. Peu après il repoussa bien qu’avec de grandes difficultés une attaque conjointe des Jutes et des Alamans en Italie. Une tentative de coup de la part de deux usurpateurs, Septimius et Urbanus, fut rapidement réprimée[52]. Une révolte à Rome causée par l’avancée des Jutes fut refoulée dans le sang, ce dont lui feront grief plus tard de nombreux historiens. Par la suite, Aurélien tenta de maintenir de bonnes relations avec le Sénat. Il érigea le mur qui porte son nom pour protéger Rome ; c’était la première fois que l’on prenait sérieusement en considération la possibilité que la capitale soit menacée par un ennemi de l’extérieur. Sur le front du Danube, la situation demeura agitée. Dans la deuxième moitié de 271, Aurélien dut se rendre sur le front oriental afin de mettre un terme à une mobilisation de Goths, mais il dut abandonner la province de Dacie, située au nord du Danube qui était trop exposée aux invasions.

En 272, Aurélien se tourna vers l’est. Au printemps, il entra en campagne contre Palmyre dont le régime avait tenté en vain depuis 270 d’obtenir la reconnaissance officielle de Rome. Offusqué, le fils de Zénobie, Wahballat, avait pris le titre d’empereur, se rendant ainsi coupable d’usurpation. En juin ou , le souverain de Palmyre fut défait et l’empereur put faire son entrée dans la ville sans combat le mois suivant. Contrairement à ce que prétend l’Historia Augusta, il n’y eut pas de siège de la ville ; il est probable qu’un « parti de la paix » ait eu le dessus dans la ville-oasis. Zénobie se retrouva en prison. L’empereur fit montre d’une politique de clémence à l’endroit de la noblesse du pays dont il obtint la coopération. L’exécution du philosophe Longinos, qui avait été l’un des conseillers de Zénobie, demeura l’exception. Aurélien réussit ainsi à ramener la partie orientale de l’empire sous le contrôle de l’administration centrale sans grande difficulté. Un soulèvement à Palmyre, l’année suivante, fut rapidement réprimé. Peu de temps après Aurélien entreprit également de reprendre le contrôle de l’empire des Gaules. Au printemps 274, il défit les troupes gauloises aux Champs Catalauniques : ce fut la fin de l’empire des Gaules et les provinces séparatistes revinrent sous la juridiction de Rome.

Vers la fin de l’été 274, Aurélien retourna en triomphe à Rome pour mettre en œuvre une série de réformes intérieures[53]. Il établit une nouvelle religion d’État, celle du dieu soleil, qui sous le nom de Sol Invictus devait être considéré comme « le souverain de l’Empire romain » et le protecteur de l’empereur[54]. Indubitablement, il s’agissait d’une tendance théocratique vers la légitimation du pouvoir. Aurélien fut le premier empereur à ceindre un diadème et à se revêtir de vêtements d’or. Ses mesures religieuses reflétaient un mouvement qui se faisait sentir vers le monothéisme ou l’hénothéisme (forme de croyance ni proprement monothéiste, ni proprement polythéiste où un dieu joue un rôle prédominant par rapport aux autres, ce qui lui vaut un culte préférentiel) que favorisait, surtout en Orient, la progression du christianisme. Dans les derniers mois de son règne, Aurélien se tourna contre les chrétiens alors qu’il avait jusque-là répondu à leurs demandes (voir Paul de Samosate). L’économie montra des signes de reprise évidente après que les provinces d’Orient et d’Occident eussent été réintégrées à l’empire, mais Aurélien échoua dans sa tentative de réaliser une réforme monétaire.

Aurélien, qui se trouvait alors en Thrace, périt en septembre ou , victime d’une conspiration ourdie par le secrétaire impérial Eros dont le comportement répréhensible risquait d’être sévèrement puni. Sa mort toutefois ne mit pas un terme à la reprise qui, graduellement, s’affirmait. L’héritage d’Aurélien fut dès lors constitué par le retour des provinces d’Orient et d’Occident et la sécurisation des frontières, héritage qui, dans l’Épitomé de Caesaribus, écrit dans l’antiquité tardive, fut comparé à celui d’Alexandre et de César[55].

Les derniers empereurs-soldats : de Tacite à Carin

Buste de l'empereur Marcus Claudius Tacitus, Musée du Louvre.

Le successeur d’Aurélien, Marcus Claudius Tacite (275-276), venait de la vieille noblesse sénatoriale[56]. Nous n’avons que peu d’information à son sujet et encore certaines sont peu crédibles. La plupart des informations plus ou moins dignes de foi nous viennent d’une Histoire des Empereurs[réf. nécessaire], favorable au Sénat. Tacite qui avait déjà atteint un âge avancé lorsqu’il fut proclamé empereur avait probablement été candidat à ce poste dans le passé. Il s’employa à asseoir son pouvoir par des distributions d’argent et l’octroi de postes. Il tenait par-dessus tout à s’assurer des bonnes grâces du Sénat comme en témoignent ses pièces de monnaie qui portent en exergue resitutor rei publicae, entendre restaurateur de la république sénatoriale, bien qu’il se fût agi d’une illusion et non d’une réalité. Tacite se vit attribuer le surnom d’empereur-sénateur et, de fait, il attacha beaucoup d’importance à une véritable coopération avec cette institution ce qui explique sans doute sa bonne réputation dans les sources pro-sénatoriales. Pourtant, peu après qu’il eut remporté la victoire sur des envahisseurs goths et hérules, il mourut en 276, vraisemblablement victime d’un complot.

Son frère, Florien (276) lui succéda contre qui se forma rapidement une conspiration en Orient. Probus (276-282), commandant expérimenté originaire de Sirmium, fut proclamé empereur par ses troupes[57]. Florien se porta au devant de Probus avec de fortes unités, mais ce dernier eut le dessus ; Florien fut assassiné en aout de la même année à Tarse dans le sud-est de l’Asie mineure et Probus lui succéda[58]. Probus n’eut guère de temps pour affirmer son pouvoir ; déjà, comme tous les soldats-empereurs, les problèmes le rappelaient aux frontières. En Gaule, les Alamans et les Francs avaient percé la ligne de défense du Rhin et s’étaient lancés dans une campagne de pillage à grande échelle. Probus répliqua par des campagnes en 277 et 278 où il remporta divers succès. Même si les sources exagèrent notablement, il est certain qu’il réussit à stabiliser la frontière du Rhin[59]. Au printemps 278, il se dirigea vers le Danube et là aussi reprit le contrôle de la situation. À son retour, il vainquit Burgondes et Vandales, succès dont témoignent diverses pièces de monnaie.

Presque en même temps, en Égypte, les Blemmyes venus à nouveau menacer la frontière sud de la région du Nil furent vaincus contribuant ainsi à stabiliser une autre frontière. Les relations avec les Sassanides au contraire semblent avoir été tendues mais aucun conflit d’envergure n’éclata[60]. En Asie mineure, une bande de voleurs conduite par un dénommé Lydios faisait la loi et put être éliminée même si, comme en Égypte, l’empereur ne prit pas lui-même part à l’expédition. Il semble que Probus se soit retiré à Rome à l’été 279[61]. Plusieurs tentatives infructueuses de coups d’État eurent lieu durant son règne. En 280 ou 281 un usurpateur dont le nom est resté inconnu se leva en Bretagne[62]. En même temps eut lieu le soulèvement de Proculus et de Bonosus en Gaule (vraisemblablement à Cologne) de même enfin que celui de Julius Saturninus en Syrie[63]. Toutes furent rapidement réprimées, celle de Saturnius l’ayant été par ses propres troupes sans que Probus eut à intervenir. En 281, Probus célébra son triomphe sur les Blemmyes et les Germains et fit des distributions d’argent au peuple. Il fut assassiné par des troupes mécontentes à Sirmium en septembre ou [64]. La raison de ce mécontentement réside probablement dans la discipline de fer qu’il maintenait parmi ses troupes. Il semble avoir été aussi bon administrateur que commandant militaire. Son règne est l’objet de commentaires élogieux dans les sources où on le décrit comme un souverain équitable qui continua avec rigueur la politique de consolidation amorcée par Aurélien.

Monnaie de bronze de l'empereur Dioclétien.

Le nouvel empereur, Carus (282-283) venait du sud de la Gaule. Déjà acclamé comme empereur du temps de Probus, il ne lui restait en 282 qu’à faire légitimer son autorité[65]. Peu après, Carus éleva ses deux fils Carin (283-285) et Numérien (283-284) à la dignité de coempereurs. En 283, il remporta la victoire sur les Sarmates qui avaient franchi le Rhin pour envahir les territoires d’empire. À la suite de quoi il nomma Carin comme son représentant en Occident, pendant que lui-même accompagné de Numérien lançait une campagne contre les Sassanides en Orient. On ignore quelle fut la cause de cette campagne, mais il peut s’être agi d’une agression perse ayant eu lieu précédemment. Quoi qu'il en soit, cette invasion prouve que la puissance de frappe de l’empire s’était améliorée au point où l’on croyait pouvoir reprendre l’offensive en Orient. L’occasion semblait favorable : le roi perse Bahram II, tenu en alerte par une rébellion dans son propre royaume, fut pris totalement par surprise par l’attaque des troupes romaines qui purent avancer jusqu’à la résidence des Sassanides, Seleukia-Ctésiphon. Si elles prirent la ville, des attaques subséquentes n’eurent pas le même succès. Carus mourut subitement près de Ctésiphon à la fin-. Il n’est pas évident qu’il se soit agi d’une mort violente. L’affirmation que l’on trouve dans plusieurs sources à l’effet qu’il ait été frappé par la foudre ne fait que traduire la surprise causée par une mort inattendue que l’on aurait attribuée à une intervention divine[66].

L’armée décida après la mort de Carus de battre en retraite et élut d’urgence Numérien lequel mourut en sur le chemin du retour dans des circonstances qui n’ont pas été éclaircies. L’armée choisit alors comme nouvel empereur le commandant de la garde, Diocles, qui prit le nom de Dioclétien (284-305). En chemin, il se heurta à Carin qui s’était entretemps battu avec succès contre les Germains. La rencontre eut lieu dans les Balkans. Carin fut finalement défait à la fin de l’été ou au début de l’automne 285, victime d’une intrigue où les conspirateurs se rangèrent du côté de Dioclétien. Celui-ci disposait dorénavant seul du pouvoir et entreprit une série de réformes en profondeur, dont les détails font l’objet de controverses parmi les chercheurs, mais qui transformèrent l’empire[67]. Dioclétien imposa un nouveau système de taxation (capitatio-iugatio) et divisa l’armée entre comitatenses ou armées de campagne ou d’accompagnement et limitanei ou armées de protection des frontières. L’empire était enfin parvenu à surmonter cette période de crise qu’elle avait connue pendant près d’un demi-siècle, bien que plusieurs des réformes mises en place à ce moment aient trouvé leur origine dans diverses mesures prises par quelques-uns des « empereurs-soldats » comme Gallien et Aurélien.

Caractéristiques de l’époque

Les historiens de la deuxième moitié du IVe siècle qui ont écrit l’histoire du siècle précédent ont, de façon presque unanime, portée sur celui-ci un jugement négatif. Leurs critiques les plus vives se concentrèrent sur les règnes des empereurs Valérien et Gallien. Eutrope par exemple parle de cette époque comme de celle « où l’Empire romain fut anéanti »[68]. Aurelius Victor et l’auteur anonyme de l’Historia Augusta s’expriment en termes à peine différents. Les annales sénatoriales reflètent avec rigueur les évènements du milieu du IIIe siècle, alors que l’empire devait se battre sur toutes ses frontières et qu’à l’intérieur les usurpateurs tentaient, l’un après l’autre, de renverser les empereurs régnants. L’image qui se dessine des recherches des siècles antérieurs ne fait que reprendre en bonne partie ce qu’en disaient les sources elles-mêmes. La recherche contemporaine pour sa part est plus nuancée et a tendance à reconsidérer plusieurs points jusque-là acceptés sans discussion[69].

La première caractéristique de l’époque réside dans la succession rapide des souverains[70]. S’il est vrai que sous les Sévères tout comme dans l’antiquité tardive on assiste à de nombreuses tentatives de renversement du pouvoir établi, contrairement à l’époque des « empereurs-soldats », celles-ci restaient pour la plupart infructueuses. Un autre trait dominant est que pour la plupart, les souverains de l’époque n’appartenaient pas à la classe sénatoriale. Les empereurs-soldats étaient souvent de simples soldats, sans beaucoup d’instruction et d’origine modeste. Le premier empereur, Maximin, constitue en cela un exemple typique. Il n’est pas étonnant que les écrivains de l’époque, lesquels appartenaient pour la plupart à la classe sénatoriale aient vu sans grand plaisir la marginalisation du Sénat et le peu d’importance que certains empereurs, Maximin en tête, attachaient à maintenir de bonnes relations avec cette institution. Pourtant, le Sénat ne jouait pratiquement plus de rôle dans la conduite des affaires de l’État et même son acceptation des nouveaux empereurs finira par disparaître[35]. La période des empereurs-soldats correspond à une crise institutionnelle où la stabilité et la légitimité du régime sont continuellement en jeu. Certains empereurs tenteront de résoudre ce dilemme en donnant à leur régime un caractère religieux (comme le culte du dieu-soleil sous Aurélien) ; d’autres tenteront de justifier leur prise du pouvoir en invoquant le principe de la succession dynastique[71]. Ce n’est qu’à l’époque de Dioclétien et de Constantin que le dilemme pourra se résoudre[72]. Même s’il n’existe pas de portrait uniforme de l’empereur-soldat, tous auront en commun de détenir leur pouvoir de la volonté des armées et d'assurer leur légitimité et leur maintien au pouvoir grâce à leurs succès militaires.

L'empire sassanide à son apogée.

Une deuxième caractéristique de cette époque est le danger général et permanent que représente la menace de l’extérieur. Il se double en même temps d'un renforcement considérable des forces de l’ennemi. Dans les régions du Rhin et du Danube, de nouvelles tribus germaniques forment des confédérations leur donnant ainsi une force d’attaque beaucoup plus considérable. À l’Est se lève l’empire des Sassanides qui à plus d’un titre est l’égal de Rome et qui mènera une politique expansionniste agressive. Vers le milieu du IIIe siècle, on assiste ainsi à une pression considérable sur les frontières et l’empire essuie défaite après défaite. La capture de Valérien par les Perses en 260 et les évènements qui s’ensuivirent (les attaques de plus en plus fréquentes des Syrtes, la sécession de Palmyre et de l’empire gaulois), marqueront l’apogée de la crise. Mais il faut en même temps remarquer que cette crise ne s’étend pas à tous les secteurs de la vie quotidienne, ni à toutes les régions de l’empire.

En dépit des symptômes de crise auxquels on assiste sur les plans politiques et militaires, en particulier du temps de Gordien III et de ses successeurs, crise dont les causes principales doivent être recherchées dans les menaces extérieures, l’économie de l’empire semble s’être maintenue en meilleure position qu’on ne l’affirme généralement. Les recherches antérieures avaient tendance à suggérer qu’au IIIe siècle des provinces entières s’étaient appauvries, que les infrastructures s’étaient écroulées et que la pression de l’État sur les simples citoyens s’était considérablement accrue conduisant à un appauvrissement des populations et à une fuite hors des villes et des villages. Le troc avait fait sa réapparition alors que diminuait l’économie monétaire[73]. Les recherches plus récentes présentent un portrait quelque peu différent. Il est vrai que la détresse apportée par les invasions entraîna une augmentation des dépenses militaires de l’État constatée par la dévaluation de la monnaie et l’augmentation des impôts, les charges militaires atteignant la moitié des dépenses de l’État[74]. Toutefois la pression des impôts ne se fit sentir qu’à partir de l’échec des réformes du système monétaire sous Aurélien, lesquelles conduisirent à un problème structurel pour l’État et à une augmentation sans précédent de l’inflation. Mais on ne peut constater son apparition avant les années 270 à la lecture des sources qui nous viennent d’Égypte, lieu de production principal des articles usuels et de l’industrie[75]. Les chercheurs sont également divisés sur la question de savoir s’il se produisit une diminution véritable de la population[75].

Il en va de même de la question épineuse de savoir si l’esclavage a joué pour l’économie de l’empire le rôle que lui attribuait la recherche antérieure et si la réduction de l’esclavage a vraiment conduit, comme on le croyait jusqu’à présent, à une crise économique. L’étude des sources ne permet pas une telle conclusion de telle sorte qu’on peut se demander si la productivité des esclaves était vraiment plus élevée que celle des hommes libres ou semi-libres et si, par conséquent, la réduction de l’esclavage a été une véritable cause de déclin économique[76]. Il est vrai que les impôts se sont accrus en particulier pour les décurions (l’élite locale des villes) et en particulier pour les couches les moins favorisées de la population, mais on ne peut généraliser cette affirmation à la grandeur de l’empire d’autant plus que le niveau de vie variait d’une région à l’autre. Il est également vrai que la situation économique a souffert des disputes constantes entre militaires de l’époque et que l’inflation des années 270 a conduit à de dramatiques revers mais on ne peut conclure à un effondrement économique vu la diversité des situations à travers l’empire. Au contraire, les recherches récentes ont démontré que certaines régions, comme l’Égypte, l’Afrique de même que l’Espagne, ont au contraire connu une certaine prospérité. Même en Asie mineure où on devait faire face aux dangers des invasions, on ne peut constater de malaise économique généralisé[77]. Alors que commerce et industrie florissaient dans plusieurs régions particulièrement là où ils n’étaient pas entravés par les combats, d’autres provinces faisaient face à des difficultés très sérieuses, comme on le constate par les stocks amassés dans les provinces du nord-ouest de l’empire. On ne peut donc parler de crise économique ni dans l’ensemble de l’empire, ni pour toute la période des empereurs-soldats[78]. D’autres affirmations acceptées par la recherche ancienne sur la base de sources aussi bien païennes que chrétiennes et faisant croire à une crise économique généralisée sont aujourd’hui remises en question[79]. Il ne peut en effet être question de déclin généralisé dans les espoirs qu’entretenait le peuple[80].

En ce qui a trait aux villes, celles-ci continuèrent à s’administrer elles-mêmes et on ne peut parler d’un déclin généralisé, même si la construction se concentra sur les régions menacées et fut constituée surtout par des travaux défensifs. Certes, les campagnes de pillage menées par divers envahisseurs ont contribué ici et là à un déclin culturel que l’on constate jusque dans le domaine des arts. On assiste ainsi à un déclin culturel d’Athènes après l’invasion des Hérules en 267. Pourtant, la ville est demeurée, même pendant la crise du IIIe siècle un centre d’enseignement important, à l’instar de Rome, Carthage, Alexandrie et Antioche.

Autre transformation, les développements du IIIe siècle ont également permis à des personnes d’origine modeste de se tailler une carrière prestigieuse dans l’armée. Ces nouveaux venus de même qu’une nouvelle génération de dirigeants municipaux remplacèrent graduellement l’ancien système de valeurs en donnant une importance nouvelle à l’instruction. Dans le domaine de la philosophie où Plotin, Porphyrios et Longinos s’illustrèrent, le néo-platonisme apporta un courant revendicateur nouveau conforme à l’esprit du temps. Dans le domaine religieux, le christianisme gagna en influence pendant que les cultes des dieux traditionnels eurent tendance à se concentrer sur une divinité unique (monothéisme) ou à tout le moins supérieure (hénothéisme). De plus, une nouvelle religion aux prétentions universelles, le manichéisme, s’étendit de l’Ouest de l’empire jusqu’en Asie centrale[81].

Il faut donc éviter de faire des généralisations hâtives à partir de quelques symptômes de crise ou de surévaluer ceux-ci. On peut même se demander si, au plus fort de la crise, on pouvait vraiment parler de crise existentielle[82]. Même si l’empire était sérieusement affaibli, les empereurs réussirent chaque fois à reprendre le contrôle de la situation, à passer à l’offensive et à réunir les parties de l’empire qui, tant à l’Ouest qu’à l’Est, cherchaient à se séparer. Les différents angles sous lesquels la recherche moderne a étudié cette période permettent de porter un jugement d’ensemble fort différent. C’est ainsi entre autres que l’on prend maintenant mieux en considération le fait que ce sont les amorces de réformes entreprises sous l’empereur Gallien qui porteront leurs fruits sous les empereurs subséquents et jusque dans l’antiquité tardive.

L’ère de la « crise de l’empire » peut ainsi se subdiviser en trois périodes. La première comprend les années qui vont depuis la fin de la dynastie des Sévères (235) jusqu’à 253, période pendant laquelle l’empereur cherche à conserver les traditions du principat telles qu’établies par les Sévères. La deuxième qui comprend les règnes de Valérien et de Gallien présente divers symptômes d’une crise qui atteint son apogée au milieu du IIIe siècle. Mais il faut en même temps considérer que ces deux empereurs comprenaient ces problèmes et s’efforçaient d’y remédier. La troisième phase qui débute en 268 se caractérise par un rétablissement graduel qui trouvera son aboutissement dans les réformes en profondeur de l’époque de Dioclétien et de Constantin. De telles sorte que l’époque des empereurs-soldats fut surtout l’époque qui verra la transformation du principat du Haut-Empire vers celle de l’empire héréditaire du Bas-Empire.

Les sources

La question des sources concernant « la crise de l’empire » est une des plus complexes de l’histoire ancienne, en grande partie parce qu’il n’existe pas d’histoire générale qui relieraient les faits les uns aux autres[83]. La biographie des empereurs écrite par Marius Maximus ne s’étend que jusqu’à Elagabal et ne nous est pas parvenue. L’œuvre de Cassius Dion se termine avec l’année 229 alors que celle d’Hérodien, qui dépend en plusieurs endroits de Cassius Dion, Histoire de l’empire jusqu’à Marcus ne va que jusqu’en 238 et n’est pas très abondante en renseignements. Pour le reste de ce siècle allant jusqu’à la période de Dioclétien et de Constantin, il n’existe pas de description générale des évènements qui ait été écrite par un contemporain.

L’Histoire Auguste, rédigée pendant l’antiquité tardive, constitue une collection latine de biographies d’empereurs. Contrairement aux indications qu’elle contient, elle n’a pas été écrite par six auteurs différents dans les années 300, mais bien par un seul auteur païen, demeuré anonyme, écrivant autour de l’année 400. Bien qu’elle contienne d’abondants détails sur la vie des divers empereurs-soldats, une bonne partie de ceux-ci s’avère ou bien fausse ou bien fort douteuse. La description de certaines vies sont cependant complètes[84]. Également dans le monde latin, divers résumés historiques connus sous le nom de bréviaires, rédigés au IVe siècle sont dignes de mention. Citons parmi ceux-ci, les Caesares d’Aurelius Victor, le Breviarum d’Eutrope, l’œuvre de Rufius Festus de même que l’œuvre anonyme, Épitomé de Caesaribus. Les auteurs de ces bréviaires utilisent comme source importante, et parfois unique, une histoire des empereurs, aujourd’hui perdue, l'Enmanns Kaisergeschichte, en français Histoire impériale d’Enmann (du nom du linguiste allemand qui a démontré que ces divers fragments avaient bien été rédigés par un seul auteur). Celle-ci semble avoir traité de divers tyranni (usurpateurs) avec abondance de détails et contient des informations relativement dignes de confiance. D’autres sources latines qui nous donneraient de plus abondantes informations sur la période des empereurs-soldats ont été perdues, comme les passages concernant cette période du dernier historien important de l’antiquité, Ammien Marcellin, qui traite du IIIe siècle dans différentes parties de son œuvre, ou les Annales de Virius Nicomachus Flavianus[85]. On ne peut donc parler d’une abondance de sources en ce qui concerne le IIIe siècle. Des auteurs latins plus tardifs s’appuient sur des comptes-rendus du Sénat ou des ouvrages en grec ; divers spécialistes soutiennent qu’il y aurait probablement eu d’autres ouvrages historiques rédigés en latin[86].

Contrairement au monde latin, l’historiographie grecque était florissante au temps des empereurs-soldats. Nikostratos de Trébizonde écrivit un ouvrage qui couvre la période de 244 jusqu’à la capture de Valérien par les Perses ; la guerre avec les Perses est également le sujet de commentaires de Philostrate d'Athènes. Ephoros le Jeune écrivit avec force détails sur le règne de Gallien et l’Histoire des empereurs d’un certain Eusebios traita de la période allant jusqu’à Carus. De ces ouvrages, on ne connait guère que le nom des auteurs ; seuls des fragments des Histoires de Philostratos et d’Eusebios sont parvenus jusqu’à nous. Il en va de même de l’Histoire millénaire de Rome et de l’Histoire des Parthes d’Asinus Quadratus dont seulement certaines citations par des auteurs postérieurs sont conservées. Les fragments des œuvres historiques de Dexippe donnent quelques lueurs d’espoir ; sa Chronique en douze volume couvre la période jusqu’en 270, alors que sa Skythika, dépeint les combats contre les Germains de 238 à 270/274 dans un style qui se veut une imitation de Thucydide[87]. Cependant on ne doit pas perdre de vue à quel point la transmission des sources concernant cette période est pauvre, non pas que la production littéraire (du moins dans le monde grec à l’Est de l’empire) se soit tarie, mais celle-ci sera perdue par la suite[88].

Des historiens postérieurs purent toutefois s’appuyer sur ces ouvrages comme Zozime (aux environs de 500) ou divers auteurs byzantins, lesquels eurent à leur disposition ou bien les œuvres originales ou bien des sources intermédiaires. Parmi eux on peut mentionner l’Anonymus post Dionnem (pratiquement identique aux Histoires de Petros Patrikios aujourd’hui perdu), le chroniste Jean Malalas, Jean d'Antioche, Georges le Syncelle et Jean Zonaras. La qualité de leurs écrits varie bien qu’ils nous donnent des informations abondantes et en partie dignes de foi, tout comme l’Anonymus post Dionnem et Zonaras ; ce dernier reprend également la soi-disant Leoquelle. On doit aussi mentionner les œuvres d’historiens ecclésiastiques comme Lactance et Eusèbe de Césarée, également appelé le père de l’histoire de l’Église, de même que des auteurs chrétiens postérieurs comme Origène et Cyprien de Carthage. Le romanisant Jordanès le Goth qui écrivit au VIe siècle en s’appuyant dans son Histoire des Goths sur des sources qui ont disparu relate aussi des évènements ayant appartenu au temps des empereurs-soldats, même s’il n’est pas toujours fiable. De nombreuses autres œuvres en latin et en grec certes, mais aussi en syrien, en arabe, en arménien ou en perse nous apportent d’autres informations utiles pour reconstruire l’époque des empereurs-soldats même si elles ne peuvent compenser la perte d’une historiographie continue pour le IIIe siècle.

C’est pourquoi les sources non littéraires prennent une importance considérable pour cette période, qu’il s’agisse de la numismatique (ne serait-ce que comme pièces justificatives pour plusieurs empereurs dont l’existence même pourrait être mise en doute), la papyrologie (pour clarifier certaines questions de chronologie), les inscriptions (comme celles de l’Autel de la Victoire d'Augsbourg) ou les trouvailles archéologiques comme celles de Neupotz et Hagenbach[89]. Il demeure toutefois que les sources de ce genre sont souvent d’une interprétation laborieuse ou difficiles à replacer dans le contexte de l’histoire de l’empire[90].

Historique de la recherche

Edward Gibbon dont Le déclin et la chute de l'Empire romain fut l'un des premiers ouvrages à traiter des causes de la chute de Rome.

S’il est difficile de porter un jugement général sur cette époque, il l’est tout autant de la délimiter avec exactitude. La majorité des historiens de l’antiquité font appel au verdict bien connu de Cassius Dion selon lequel un âge d’or aurait pris fin avec la mort de Marc Aurèle pour laisser place à une époque de fer et de rouille[91] qui aurait débuté avec l’avènement de Septime Sévère et des empereurs-soldats. Il s’ensuivit que l’on ne fit pratiquement pas de différence entre la période des empereurs-soldats et celle de la véritable « crise de l’empire ». De nos jours, on s’entend de façon générale pour faire débuter respectivement la période des empereurs-soldats et celle de la crise de l’empire (employée ici seulement pour désigner une époque) avec l’an 235 et la faire terminer avec l’avènement de Dioclétien en 284/285[92].

L’ère de « la crise de l’empire » avait déjà été traitée dans des ouvrages classiques comme l’Histoire d’empereurs et autres princes qui ont régné pendant les six premiers siècles de l’Église de Louis-Sébastien Le Nain de Tillemont à la fin du XVIIe siècle ou dans l’History of the Decline and Fall of the Roman Empire d’Edward Gibbon dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, Gibbon s’appuyant souvent sur le matériel de Tillemont. Mais il faudra attendre le XIXe siècle pour voir se développer une recherche que l’on peut qualifier de vraiment scientifique[93]. Déjà Gibbon en s’appuyant sur le jugement de Cassius Dion caractérisait la période qui suivit le règne de Septime Sévère de « régime militaire » et décrivait les années 248 à 268 pendant lesquelles les invasions de l’empire se multiplièrent et où les Romains subirent des revers de plus en plus nombreux de « twenty years of shame and misfortune »[94]. Jacob Burckhardt dans son classique The age of Constantine the Great (1853) consacre le premier chapitre à « The Imperial Power in the Third Century ». Burckardt utilise pour caractériser cette période des notions comme celle d’empire des soldats-empereurs et de crise, tout comme Gibbon considérait l’empereur illyrien comme le sauveur de l’empire. Le jugement très largement négatif porté sur cette période résulte ainsi des biographies des empereurs de la fin du XIXe et du début du XXe siècle[95].

On doit principalement à trois érudits le développement de la recherche dans la première moitié du XXe siècle : Michel Rostovtzeff, Andreas Alföldi et Franz Altheim[96]. Leur personnalité était fort différente l’une de l’autre. Rostovtzeff était marqué par les suites de la révolution russe de 1917, Alföldi par la période de la monarchie austro-hongroise, alors qu'Altheim, qui se démarquait par l’originalité de sa pensée, se laissa entrainer par l’idéologie nationale-socialiste ; les premières amorces de leurs recherches devaient l’être tout autant. Rostovtzeff qui parlait de la période suivant 235 comme d’une « anarchie militaire », partait de considérations économico-sociales pour affirmer l’existence d’un antagonisme entre citadins et paysans de l’époque. Il publia de nombreux travaux sur la période de la crise de l’empire, parmi lesquels deux imposants articles dans le douzième volume de la Cambridge Ancient History, qui marqua un tournant décisif dans la recherche de l’époque et qui est encore utile de nos jours. Alföldi était d’avis que les symptômes de crise aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur s’aggravèrent au cours du IIIe siècle et qu’on ne trouva personne pour prémunir l’État contre eux. Alföldi voyait aussi dans l’empereur illyrien le sauveur de l’empire qui introduisit les réformes nécessaires à son relèvement. Altheim consacra aussi plusieurs travaux aux empereurs-soldats, concept qu’il contribua à rendre familier dans le public, et établit l’année 193 comme début de cette période. Dans son livre, Die Soldatenkaiser (1939), qui fut publié grâce à un financement de l'institut Das Ahnenerbe, intégré au RuSHA des SS, Altheim mettait de l’avant la thèse de l’opposition entre les régions pendant l’époque des empereurs-soldats, par exemple au sein de l’armée entre Illyriens et Germains. Le concept du souci de l’empire perdit de plus en plus de partisans jusqu’à ce qu’il s’impose à nouveau au temps de Gallien. Ce point de départ fondé sur le concept de race poussa Altheim à tenter de démontrer la « germanité » de Maximin le Thrace. Ceci lui valut les critiques de Wilhelm Enßlin, lui-même actif en Allemagne pendant la période nazie, qui s’interrogea sur le rôle qu’un tel concept pouvait jouer. Altheim, dont les considérations, comme celles de Rostovtzeff, étaient fortement influencées par son époque voulut voir dans la période des empereurs-soldats le point d’aboutissement d’une période de crise larvée dans laquelle Rome s’était laissé engouffrer. Ce n’est cependant que plus tard, dans des éditions remaniées de son œuvre que le concept de « crise de l’empire » joua un rôle. En dépit de plusieurs points problématiques, voire indéfendables, on doit reconnaître à Altheim le mérite d’avoir présenté avec plus de force que ce n’était le cas dans le passé le rôle joué par les régions limitrophes de l’empire.

L’intérêt pour la période de la crise de l’empire ne se relâcha pas pendant la deuxième moitié du XXe siècle[97]. D’importants articles parurent à la suite des travaux de Géza Alföldy qui était d’opinion que l’on pouvait déjà discerner la conscience d’un état de crise chez divers contemporains de cette période comme dans l’œuvre d’Hérodien. David S. Potter pour sa part était d’avis que de larges secteurs de la population n’étaient que peu concernés par la crise et que de nombreuses réformes des empereurs-soldats laissaient prévoir celles qui seraient adoptées pendant l’ère de Dioclétien et de Constantin. Klaus-Peter Johne fait une distinction entre la crise militaire et une crise à plus long terme. Karl Strobel et Christian Witschel suivront la même voie. Ces deux derniers ne sont pas d’accord avec le modèle traditionnel de crise qui ne peut expliquer les développements du IIIe siècle. On ne peut parler de crise tous azimuts, encore moins de « crise mondiale » comme on l’avait cru précédemment. Ils en veulent comme preuve que plusieurs régions de l’empire prospérèrent durant cette période et ne furent guère touchées par les menaces militaires. Witschel, qui ébaucha plusieurs modèles de crise, soutint le point de vue qu’il s’agissait de crises ponctuelles, de nature locale et limitées dans le temps, qui finirent par être surmontées grâce à des réformes appropriées. Elles n’auraient représenté en fin de compte que les manifestations passagères d’une transformation sur une très longue période. Strobel, se fondant également sur les changements structurels du IIIe siècle, nie l’existence d’une « conscience de crise » correspondant à cette période pendant laquelle on aurait rassemblé de nombreux problèmes individuels et catastrophes régionales pour en dresser une image globale. Toutefois, il existe encore de nombreux spécialistes, parmi lesquels Lukas de Blois, pour partir du point de vue qu’il y a bel et bien eu une crise globale qui a atteint son point culminant aux environs de 250.

Le jugement porté sur la période des empereurs-soldats s’est le plus souvent avéré négatif et fut présenté comme le parallèle d’une crise de l’empire. Plusieurs spécialistes considéraient comme fondamentaux les signes de déclin à l’intérieur de l’empire que n’auraient simplement que renforcés les menaces de l’extérieur (Gibbon, Rostovtzeff) pendant que d’autres considèrent la menace extérieure comme primordiale (Altheim). Une telle présentation reposant sur une cause unique, tout comme du reste l’hypothèse soutenue par de nombreux chercheurs marxistes à l’effet que le problème à l’intérieur de l’empire pouvait se réduire à une crise de l’« économie d’esclavage », a depuis été abandonnée comme n’étant guère plausible[98]. Depuis les années 1990, les jugements se font nettement plus nuancés. La recherche contemporaine semble montrer que tenants et opposants du concept de crise ne sont plus très loin les uns des autres, comme le suggèrent pour l’instant du moins, les apparences. Il n’est plus guère contesté que plusieurs régions prospérèrent pendant la soi-disant période de crise de l’empire, même si au même moment l’empire devait faire face à des difficultés très sérieuses. La différence réside en dernière analyse dans la pondération que l’on accorde à chacun de ces différents facteurs[99].

Chronologie

Liste des principaux évènements de cette période

235 : Mort de l’empereur Sévère Alexandre et fin de la dynastie des Sévères ; début du règne du premier empereur-soldat, Maximin le Thrace.

238 : Année des six empereurs et début de l’invasion des Scythes (Goths et autres tribus germaniques actives dans la région du Danube et de la mer Noire).

244 : Échec de la campagne de l’empereur Gordien III contre les Perses ; défaite des Romains lors de la bataille de Mesiche et mort de l’empereur.

257 : Début de la persécution de Valérien contre les chrétiens qui se termine en 260 avec l'édit de tolérance de Gallien.

260 : Les Sassanides capturent Valérien ; la crise atteint son apogée. Dans les années 260 se forment les États séparatistes de Palmyre et des Gaules.

267 : Campagne de pillage des Hérules et autres tribus germaniques en mer Égée. Athènes et de nombreuses villes sont ravagées.

268/269 : Victoires des Romains contre les Alamans et les Goths.

270 : Aurélien est proclamé empereur. Dans les années subséquentes, il mettra fin à la sécession de Palmyre et de l’empire gaulois. Toutefois, l’empereur abandonne la Dacie, trop exposée aux invasions.

285 : L’empereur Carinus est victime d’un complot. L’année précédente, le général Dioclétien était acclamé empereur. Il devient bientôt seul souverain et amorce des réformes en profondeur qui transformeront l’empire.

Liste des empereurs

Des vingt-et-un empereurs qui se succéderont de 235 à 284, deux seulement, Claude et Carus, mourront de cause naturelle ; Dèce sera tué dans une bataille aux frontières et Valérien sera prisonnier et tué par les Sassanides ; tous les autres seront déposés par leurs soldats ou ceux d’un rival[100].

Empereur Règne Méthode d'accession Cause du décès
Maximin le Thrace 235-238 élu par l'armée tué par l'armée
Gordien Ier et Gordien II 238 élus par le Sénat tués pendant la guerre civile
Balbin et Pupien 238 élus par le Sénat tués par la garde
Gordien III 238-244 héritier dynastique tué par la garde
Philippe l’Arabe 244-249 élu par la garde tué pendant la guerre civile
Dèce 249-251 élu par l’armée tué pendant une guerre contre les Goths
Trebonianus Gallus 251-253 élu par l’armée tué pendant la guerre civile
Émilien 253 élu par l’armée tué par l’armée
Valérien 253-260 élu par le Sénat et l’armée mort en captivité
Gallien 253-268 héritier dynastique tué par l’armée
Claude le Gothique 268-270 élu par l’armée mort de la peste
Quintillus 270 élu par le Sénat suicide ou tué par ses troupes
Aurélien 270-275 élu par l’armée tué par son garde du corps
Marcus Claudius Tacite 275-276 élu par le Sénat tué par l’armée
Florien 276 élu par l’armée tué par l’armée
Probus 276-282 élu par l’armée tué par l’armée
Carus 282-283 élu par l’armée mort naturelle (?)
Numérien 283-284 héritier dynastique tué par le préfet
Carin 283-285 héritier dynastique tué pendant la guerre civile

Notes et références

Notes

Références

  1. Pour un bon survol de cette période allant de Commode à Septime Sévère, voir Potter, Roman Empire at Bay, p. 85 et sq.
  2. Sur Maximin, voir le survol de Ulrich Huttner, « Von Maximin Thrax bis Aemilianus », dans Johne et alii, Soldatenkaiser, p. 161 et sq ; comparer à Henning Börm, « Die Herrschaft des Kaisers Maximin Thrax und das Sechskaiserjahr 238 » dans Gymnasium 115 (2008), p. 69-86. Pour un survol des évènements au temps des empereurs-soldats, voir John Drinkwater, « Maximin to Diocletian » dans Bowman et alii, The Cambridge Ancient History, 2e édition, vol. 12, p. 28 et sq, Potter, Roman Empire at Bay, AD 180-395, p. 167 et sq. On pourra également consulter dans la première édition de The Cambridge Ancient History : Wilhelm Enßlin, « «The Senate and the Army ». Dans The Cambridge Ancient History, vol. XII, "The Imperial Crisis and Recovery A.D. 193-324", edition S.A. Cook, F.E. Adcock et alii, Cambridge 1939, p. 72 et sq. Voir aussi Karl Christ, Geschichte der römischen Kaiserzeit, 4e édition, München, 2002, p. 634 et sq. ; Michael Sommer, Römische Geschichte II. Rom und sein Imperium in der Kaiserzeit, Stuttgart, 2009, p. 261 et sq.
  3. Voir Jan Burian, « Maximinux Thrax: Sein Bild bei Herodian und in der Historia Augusta », Philologus 132 (1988), p. 230-244.
  4. Il n’est pas assuré que, comme le laisse entendre l’historien Hérodien dans Kaisergeschichte 7,1, la famille soit d’origine thrace. Voir Huttner, « Von Maximinus Thrax bis Aemilianus » dans Johne et al., Soldatenkaiser, p. 161.
  5. Huttner, « Von Maximinus Thrax bis Aemilianus » dans Johne et al., Soldatenkaiser, p. 166.
  6. Huttner, « Von Maximinus Thrax bis Aemilianus » dans Johne et al., Soldatenkaiser, p. 173.
  7. Voir à ce sujet, Adreas Goltz, « Die Völker an der nordwestlichen Reichsgrenze » dans Johne et al., Soldatenkaiser, p. 449 et sq. Pour une analyse plus complète, voir Walter Pohl, Die Germanen, München, 2004.
  8. Pour une histoire générale des Goths, voir Herwig Wolfram, Die Goten, 4e édition, München, 2001, p. 53 et sq. Pour le récit des invasions, voir aussi Andreas , “The Invasions of Peoples from the Rhine to the Black Sea” dans The Cambridge Ancient History. Vol. XII, “The Imperial Crisis and Recovery A.D. 193 – 324”, editions S.A. Cook, F.E. Adcock, Cambridge 1939, p. 138 et sq ; Andreas Goltz, “Die Völker an der mittleren und nordöstlichen Reichsgrenze” dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 456 et sq.
  9. Voir en ce qui concerne la description traditionnelle de l’histoire, Millar, P. Herennius Dexippus et Potter, Roman Empire at Bay, p. 241 et sq.
  10. Dexippe, Skythika, Fragment 20 (= Historia Augusta, Maximus et Balbinus 16,3).
  11. Pour une introduction à ce sujet, voir Josef Wiesehöfer, « Das Reich der Sasaniden » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 531 et sq. Pour une analyse plus approfondie, voir James Howard-Johnston, East Rome, Sasanidian Persia and the End of Antiquity : Historiographical and Historical Studies (Collected Studies). Aldershot 2006 ; Klaus Schippmann, Grundzüge der Geschichte des sasanidischen Reiches. Darmstadt 1990 ; Josef Wiesehöfer, Das antike Persien. Aktual Aufl. Düsseldorf, 2005.
  12. Voir l’article sur les guerres perso-romaines.
  13. Voir à ce sujet : Erich Kettenhofen, “Die Eroberung von Nisibis und Karrhai durch die Sasaniden in der Zeit Kaiser Maximins, 235/236 n Chr.” dans Iranica Antiqua 30 (1995), p. 159-177. Pour les combats précédents entre Rome et les Perses, Peter M. Edwell, Between Rome and Persia. The Middle Euphrates, Mesopotamia, and Palmyra under Roman Control. London u.a. 2008, p. 149 et sq, ainsi qu'Erich Kettenhofen, Die römisch-persischen Kriege des 3. Jahrhunderts n. Chr. Nach der Inschrift Sähpuhrs I. an der Ka’be-ye Zartost (SKZ), Wiesbaden 1982 ; Karin Mosig-Walburg, Romer und Perser vom 3. Jahrhundert bis zum Jahr 363 n. Chr. Gutenberg 2009 ; Potter, Roman Empire at Bay, p. 217 et sq. On trouvera la traduction de certaines sources dans Michael H. Dodgeon, Samuel N.C. Lieu, The Roman Eastern Frontier and the Persian Wars (AD 226-363). London-New York 1991.
  14. Huttner, « Von Maximus Thrax bis Aemilianus » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 179 et sq.
  15. Josef Wiesehöfer, « Die Anfänge sassanidischer Westpolitik und der Untergang Hatras » dans Klio 64 (1982), p. 437-447.
  16. Voir Cassius Dion 80,4 de même que Hérodien 6,2.
  17. Voir à ce sujet, Erich Kettenhofen, « Die Einforderung des Achämeniderbes durch Ardasir : eine interpretation romana » dans Orientalia Lovaniensia Periodica 15 (1984) p. 177-190. Philip Huyse propose une nouvelle approche : « La revendication de territoires achéménides par les Sassanides : une réalité historique ? » dans Philip Huyse éditeur, Iran : Questions et connaissances I : Études sur l’Iran ancien, Paris 2002, p. 294-308.
  18. Plusieurs sources affirment que Philippe l’Arabe a assassiné Gordien, ce dont on peut douter sur la foi d’autres sources. Il n’existe pas de réponse définitive à ce sujet. Voir David MacDonald, « The death of Gordian III – another tradition » dans Historia 30 (1981), p. 502-508 ; Potter, Roman Empire at Bay, p. 232 et sq.
  19. Concernant le paiement par les Romains de tributs aux Perses, voir Henning Börm, « Anlässe und Funktion der persischen Geldforderungen an die Römer (3. bis 6. Jh.) dans Historia 57 (2008), p. 327-346. Pour le règne de Philippe, voir Christian Körner, Philippus Arabs. Ein Sodatenkaiser in der Tradition des antoninisch-severischen Prinzipats. Berlin, 2002 ; Huttner, « Von Maximin Thrax bis Aemilianus»dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 188 et sq ; Potter, Roman empire at Bay, p. 236 et sq.
  20. Zozime 1,23. À l’exemple de sa source, vraisemblablement Dexippe, Zozime appelle les Goths « Scythes ». La recherche contemporaine est en désaccord sur les raisons qui ont véritablement causé ces invasions quoique la soif de butin ait certainement joué un rôle. Voir Körner, Philippus Arabs, p. 135, remarque 63.
  21. Dexippe, contemporain des évènements, parle d’un assaut réussi des Romains (Skythika, fragment 25).
  22. Jordanès, Getica, 16, 89.
  23. Pour l’histoire de son règne, voir Huttner, « Von Maximin Thrax bis Aemilianus » dans Johne & al., Sodatenkaiser, p. 201 et sq. Pour l’histoire de cette période, Andreas « The Crisis of Empire » dans The Cambridge Ancient History. Vol. XII « The Imperial Crisis and Recovery A.D. 193-324 ». Ed. S.A. Cook, F.E. Adcock, Cambridge 1939, p. 165 et sq ; Potter, Roman Empire at Bay, p. 241 et sq.
  24. Concernant les règnes de Valérien et de son fils, Gallien, voir Andreas Goltz/Udo Hartmann, « Valerianus und Gallienus » dans Johne et al., Soldatenkaiser, p. 223-295.
  25. On consultera à ce sujet Philip Huyse, Die dreisprachige Inschrift Šabuhrs I. an der Ka’ba-i Zardušt (ŠKZ), 2e vol., Londres 1999.
  26. La date de la [première] conquête d’Antioche demeure controversée comme la plupart des autres dates de la chronologie de cette période. Nous nous en remettons ici à l’argumentation présentée dans le manuel de Johne et al.
  27. Concernant l’offensive perse de 253, voir Huttner, « Von Maximin bis Aemilianus » dans Johne et al., Soldatenkaiser, p. 218-221.
  28. Voir le résumé dans Potter, Roman Empire at Bay, p. 251 et sq.
  29. Sur les persécutions, voir Goltz/Hartmann, « Valerianus und Gallienus » dans Johne et al., Soldatenkaiser, pp. 240 à 242 ainsi que 251 et sq.
  30. Voir Goltz/Hartmann, « Valerianus und Gallienus » dans Johne et al. Soldatenkaiser, p. 244-246 ; Egon Schallmayer (éd), Der Augsburger Siegesaltar. Zeugnis einer unruhigen Zeit. Saalburgmuseum Bad Homburg v.d. H. 1995.
  31. Voir Zosime, 1,34. Les dates sont contestées ; il est vraisemblable que ces attaques débutèrent en 259. Voir à ce sujet, Goltz/Hartmann, « Valerianus und Gallienus » dans Johne et al. Soldatenkaiser, p. 247, note 135.
  32. SKZ, paras 18-22, selon le texte grec. La traduction suit Engelbert Winter, Beate Dignas, Rom und das Perserreich, Berlin, 2001, p. 98. Cette description propagandiste est confirmée par quelques sources occidentales comme Eutrope (9,7) et des historiens postérieurs comme le Byzantin Johannes Zonaras (12,23) bien que d’autres sources soutiennent que Valérien aurait demandé une trêve pour conférer avec Sapor et qu’il aurait été fait prisonnier au cours de l’entretien. Voir Goltz/Hartmann, « Valerianus und Gallienus » dans Johne et al. Soldatenkaiser, p. 250 et sq.
  33. Pour une vue générale, Andreas Luther, « Roms mesopotamische Provinzen nach der Gefangennahme Valerians (260) » dans Josef Wiesehöfer, Philip Huyse (éd), Eranud Aneran. Studien zu den Beziehungen zwischen dem Sasanidenreich und der Mittelmeerwelt. Stuttgart, 2006, p. 203-209.
  34. Sur la période de Gallien, seul empereur, voir Goltz/Hartmann, « Valerianus und Gallienus » dans Johne et al. Soldatenkaiser, p. 250 et sq.
  35. Pour de plus amples informations sur le système d’acceptation, voir Egon Flaig, Den Kaiser herausfordern. Die Usurpation im Römischen Reich. Frankfurt am Main-New York, 1992.
  36. Sur ce problème sans issue, voir Felix Hartmann, Herrscherwechsel und Reichskrise. Frankfurt am Main, 1982.
  37. Petros Patrikos, fragment 10.
  38. Voir également à ce sujet, David Potter, « Palmyra and Rome : Odaenathus’ Titulature and the Use of the Imperium Maius » dans Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik 113 (1996), p. 271-285. À l’encontre de cette thèse, Swain a tenté de prouver qu’en fait Odénat ne s’était vu conférer aucune fonction officielle de la part de Rome. Simon Swain, « Greek into Palmyrene : Odaenathus as ‘Corrector totius Orientis’ ?” dans Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik 99 (1993), p. 157-164.
  39. D’après Anonymus post Dionnem, fragment 7. Voir Hartmann, « Das palmyrenische Teilreich » dans Johne & al. Soldatenkaiser, p. 218 et sq.
  40. Voir à ce sujet, Hartmann, « Das palmyrenische Teilreich » dans Johne et al. Soldatenkaiser, pp. 343 et sq.
  41. Voir Hartmann, « Das palmyrenische Teilreich » dans Johne et al., Soldatenkaiser, p.306.
  42. Voir Drinkwater, "The Gallic Empire et Andreas Luther", « Das gallische Sonderreich » dans Johne & al. Soldatenkaiser, p. 325 et sq. Les chercheurs ne s’entendent guère pour savoir s’il faut voir ici une simple question d’usurpation ou une tentative volontaire de faire sécession de l’empire.
  43. Voir Erich Kettenhofen, « Die Einfälle der Heruler ins Römischer Reich im 3. Jh. n. Chr. » dans Klio 74 (1992), p. 291-313. Également, Millar, P. Herennius Dexippus, p. 26 et sq.
  44. Bien que certains chercheurs contestent que Dexippe ait lui-même pris part à la bataille, il est vraisemblable qu’il soit identifié au narrateur mentionné dans le « discours du commandant ». Voir Gunther Martin. Dexipp von Athen, Edition, Übersetzung und begleitende Studien, Tübingen, 2006, p. 37 et sq.
  45. Dexippe, Skythika, Fragment 28a (d’après Felix Jacoby, Die Fragmente der griechischen Historiker, Nr. 100) ; aussi Fragment 25 (Martin, Dexipp von Athen). On doit la traduction fortement abrégée à l’édition de Gunther Martin, Dexipp von Athen, pages 118, 121, 123.
  46. Pour la toile de fond du meurtre de Gallien voir Goltz/Hartmann "Valerianus und Gallienus" dans Johne & al. Soldatenkaiser, p. 289 et sq. Comparer avec l'analyse de Hartmann : Udo Hartman, "Der Mord an Kaiser Gallienus" dans Johne (éd.)Deleto paene imperio Romano, p. 81 et sq..
  47. Sur Claude II, voir Udo Hartmann, « Claudius Gothicus und Aurelian » dans Johne & al. Soldatenkaiser, p. 297 et sq.
  48. Cette campagne doit être clairement distinguée de l’attaque des Hérules en 267/268, mentionnée plus haut, ce qui n’était pas évident dans le passé. Voir à ce sujet Erich Kettenhofen, « Die Einfälle der Heruler ins Römische Reich in 3. Jr. n. Chr. » dans Klio 74 (1992), p. 291-313, p. 305 et sq.
  49. Voir à ce sujet Aldof Lippold, « Kaiser Claudius II. (Gothicus), Vorffahr Konstantins d. Gr., und der römische Senat. » dans Klio 74 (1992), p. 380-394. Les tentatives de Lippold pour faire dater l’Historia Augusta du temps de Constantin ont échoué.
  50. Et non au printemps comme l'affirmaient les recherches antérieures. Voir Udo Hartmann, "Claudius Gothicus und Aurelian", dans Johne et al. Soldatenkaiser, p. 308 et sq.
  51. Pour Aurélien, voir Udo Hartmann, « Claudius Gothicus und Aurelian » dans Johne & al. Soldatenkaiser, p. 308 et sq.
  52. Zozims, 1,49.
  53. Udo Hartmann, « Claudius Gothicus und Aurelian » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 319 et sq.
  54. . Pour la question complexe de l’origine et des formes de ce culte, consulter Steven E. Hijmans, « The Sun which did not rise in the East. The Cult of Sol Invictus in the Light of Non-Literary Evidence » dans Babesch. Bulletin Antieke Beschaving 71, 1996, p. 115-150 et spécialement les pages 119 et sq.
  55. Épitomé de Caesaribus, 35,2.
  56. Au sujet de cet empereur, voir Klaus-Peter Johne « Der ‘Senatskaiser’ Tacitus » dans Johne & al. Soldatenkaiser, p. 379-393.
  57. Au sujet de Probus, voir Gerald Kreucher, Der Kaiser Marcus Aurelius Probus und seine Zeit. Stuttgart 2003 ; également Gerald Kreucher, « Probus und Carus » dans Johne & al. Soldatenkaiser, p. 395 et sq. On ignore quel rang détenait Probus au sein de l’armée, mais on sait qu’il s’agissait d’un officier supérieur (Kreucher, Probus und seine Zeit, p. 126).
  58. Il se peut que Probus ait lui-même fait assassiner son concurrent ; voir Zonaras, 12, 29. Au sujet de Florien et de la guerre civile, voir Kreucher, Probus und seine Zeit, p. 122 et sq.
  59. Kreucher, Probus und seine Zeit, p. 133 et sq.
  60. Kreucher, Probus und seine Zeit, p. 155 et sq.
  61. Kreucher, Probus und seine Zeit, p. 162.
  62. Zosimos, 1,66 ; Zonaras, 12,29. D’après Kreucher, Probus und seine Zeit, p. 146.
  63. Kreucher, Probus und seine Zeit, p. 164 et sq.
  64. Kreucher, Probus und seine Zeit, p. 179 et sq.
  65. Pour Carus, voir Kreucher, « Probus und Carus », dans Johne & sq. Soldatenkaiser, p. 415 et sq.
  66. Voir à ce sujet John Matthews, The Roman Empire of Ammianus, Londres, 1989, p. 133 et p. 498, remarque 8.
  67. Pour la période marquant la fin des empereurs-soldats, voir Kreucher, « Probus und Carus » dans Johne & al. Sodatenkaiser, p. 419 et sq. Pour Dioclétien, voir principalement Wolfgang Kuhoff, Diokletian und die Epoche der Tetrarchie. Das römische Reich zwischen Krisenbewältigung und Neuaufbau (284-313 n. Chr.) Frankfurt am Main, 2001 ; Potter, Roman Empire at Bay, p. 280 et sq. ; Roger Rees, Diocletian and the Tetrarchy, Edinburgh, 2004.
  68. "Deleto paene imperio Romano" (Eutrope. 9,9
  69. Voir plus bas, le chapitre sur l’état de la recherche.
  70. Sur ce point, consulter également Johne/Hartmann, « Krise und Transformation des Reiches im 3. Jahrhundert » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 1025 et sq. Hekster présente aussi un rapide survol dans Rome and its Empire, p. 3 et sq.
  71. Johne/Hartmann, « Krise und Transformation des Reiches in 3. Jahrhundert » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 1026 et sq.
  72. Johne/Hartmann, « Krise und Transformation des Reiches im 3. Jahrhundert » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 1041 et sq.
  73. Survol par Kai Ruffing, « Die Wirtschaft », dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 817-819 ; voir aussi l’impression négative laissée par Géza Alfödy, Römische Sozialgeschichte, 3e édition, Wiesbaden, 1984, p. 133 et sq.
  74. Jean-Pierre Brun, « La croissance à Rome », émission La Marche de l'Histoiresur France Inter, 31 mai 2012
  75. Ruffing, « Die Wirtschaft » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 821 et sq.
  76. Ruffing, « Die Wirtschaft » dans Johne & al., Sodatenkaiser, p. 828.
  77. Voir le résumé de Kai Ruffing, « Wirtschaftliche Prosperität im 3. Jahrhundert : Die Städte Ägyptens als Paradigma ? » dans Johne (éd.) Deleto paene imperio Romano, p. 223 et sq. de même que l’article dans le même livre de Christian Witschel, « Zur Situation im römischen Africa wärhend des 3. Jahrhunderts », p. 145 et sq.
  78. Voir aussi Kai Ruffing, "Die Wirtschaft" dans Johne & al. Soldatenkaiser, p. 817 et sq. Comparer à Hekster, Rome and its Empire, p. 31 et sq.
  79. . Par exemple celles que l’on trouve dans Géza Alföldy, « The Crisis of the Third Century as Seen by Contemporaries » dans Greek, Roman and Byantine Studies 15 (1974), p. 89 et sq.
  80. Pour plus de détails, voir Strobel, Dans Imperium Romanum in 3. Jahrhundert. Strobel soutient que même là où on peut raisonnablement croire les affirmations des sources comme en ce qui a trait à l’Égypte, il est impossible de conclure à une crise prolongée (ibid., p. 285.).
  81. De façon générale, sur la dimension religieuse, voir Johne et al., Soldatenkaiser, p. 927 et sq.
  82. Voir le survol de Johne/Hartmann, « Krise und Transformation des Reiches im 3. Jahrhundert » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 1031 et sq.
  83. On trouvera un bon résumé de cette question dans le manuel de base de Johne et al., Soldatenkaiser, p. 15 et sq. Concernant la question spécifique de la façon dont l’histoire fut écrite, voir Udo Hartmann, « Die Geschichtsschreibung » dans Jonhe et al., Soldatenkaiser, p. 893 et sq.
  84. Sur l’Histoire Auguste, voir les commentaires critiques d'André Chastagnol, dans Histoire Auguste, traduction et commentaires d'André Chastagnol, éditions Robert Laffont, collection « Bouquins », 1994, (ISBN 2-221-05734-1)
  85. Il n’est pas certain toutefois si Flavianus écrivit sur la République ou l’Empire puisque rien ne nous est parvenu ; tout porte à croire cependant qu’il s’agissait de la deuxième période. Voir Bruno Bleckmann, « Bemerkungen zu den Annales des Nicomachus Flavianus » dans Historia 44 (1995), p. 83-99 ; Udo Hartmann, « Die literarischen Quellen » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 36-38 ; Jörg A. Schlumberger, Die Epitome de Caesaribus. Untersuchungen zur heidnischen Geschicthsschreibung des 4. Jahrhunderts n. Chr., München, 1974, passim.
  86. Voir Bruno Bleckmann, « Überlegungen zur Enmannschen Kaisergeschichte und zur Formung historischer Traditionen in tetrarchischer und konstantinischer Zeit » dans Giorgio Bonamente, Klaus Rosen (éds), Historiae Augustae Colloquium Bonnense, Bari, 1997, p. 11-37 et spécialement p.21 et sq.
  87. Pour une introduction à Dexippe et à l’histoire de son temps, on consultera avec profit Millar, P. Herennius Dexippus. Voir aussi Gunther Martin, Dexipp von Athen, Tübingen, 2006.). Dexippe, sur lequel enchaine la chronique d’Eunapios de Sardes, est souvent décrit comme l’historien le plus remarquable de son temps, ce qui est certainement exact en ce qui concerne les sources (86. Millar, P., Herennius Dexippus, p. 21 et sq. ; Potter porte un jugement plutôt négatif dans Roman Empire at Bay, p. 233.
  88. Voir à ce sujet, Pawel Janiszewski, The Missing Link : Greek Pagan Historiography in the Second Half of the Third Century and in the Fourth Century AD, Varsovie, 2006.
  89. Jean Hiérnard, Un témoin archéologique exceptionnel des invasions du IIIe siècle : la trouvaille de Hagenbach (Rhénanie-Palatinat), Cahiers du Centre Gustave Glotz, 8, 1997, p. 255-260 consultable sur Persée
  90. Survol dans Johne & al., Soldatenkaiser.
  91. Cassius Dion 72,36,4.
  92. Sur la problématique de la délimitation voir entre autres Matthäus Heil, « Soldatenkaiser als Epochenbegriff » dans Johne (éd.) Deleto paene imperio Romano, p. 411 et sq.
  93. Sur le traitement de ce sujet, voir Thomas Gerhardt, « Recherches » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 125 et sq.
  94. Gibbon, Decline and Fall of the Roman Empire, chapitre 10.
  95. Voir Gerhardt, « Forschung » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 130.
  96. Sur ce thème, voir encore Gerhardt, « Forschung » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 132 et sq.
  97. Voir Gerhardt, « Forschung » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 144 et sq.
  98. Voir par exemple Elena Michajlovna Schtaerman, Die Krise der Sklavenhalterordnung im Westen des Römischen Reiches. Berlin 1964. Comparer avec le survol de Géza Alföldy, Römische Sozialgeschichte, 3e édition, Wiesbaden 1984, p. 136, p. 194.
  99. Gerhardt, « Forschung » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 157.
  100. Tableau traduit de l’anglais dans Stephen Williams, Diocletian and the Roman Recovery, Routledge, New York, 1997, Appendix III.

Voir aussi

Ouvrages modernes

  • (de) Andreas Alföldi, Studien zur Geschichte der Weltkrise des 3. Jahrhunderts nach Christus. Darmstadt 1967.
  • (de) Bleckmann, Bruno, Die Reichskrise des III. Jahrhunderts in der spätantiken und byzantinischen Geschichtsschreibung. Untersuchungen zu den nachdionischen Quellen der Chronik des Johannes Zonaras. München 1992
  • (de) Henning Börm, "Die Herrschaft des Kaisers Maximinus Thrax und das Sechskaiserjahr 238. Der Beginn der 'Reichskrise'?" Gymnasium 115, 2008, p. 69-86.
  • (en) Alan Bowman, Averil Cameron, Peter Garnsey (eds.), The Cambridge Ancient History vol. 12 (The Crisis of Empire, AD 193–337). Cambridge 2005.
  • (de) Stephanie Brecht, Die römische Reichskrise von ihrem Ausbruch bis zu ihrem Höhepunkt in der Darstellung byzantinischer Autoren. Rahden 1999.
  • Michel Christol et Daniel Nony, Des origines de Rome aux invasions barbares. Hachette 1974.
  • Michel Christol, L'Empire romain du IIIe siècle. Histoire politique (de 192, mort de Commode, à 325, concile de Nicée). Paris 1997.
  • (en) John F. Drinkwater, The Gallic Empire. Separatism and Continuity in the North-Western Provinces of the Roman Empire A.D. 260–274. Stuttgart 1987.
  • (en) Olivier Hekster, Gerda de Kleijn, Danielle Slootjes (eds.), Crises and the Roman Empire. Proceedings of the seventh workshop of the International Network Impact of Empire (Nijmegen, June 20–24, 2006). Leiden 2007.
  • (de) Klaus-Peter Johne, Thomas Gerhardt, Udo Hartmann (eds.), Deleto paene imperio Romano. Transformationsprozesse des Römischen Reiches im 3. Jahrhundert und ihre Rezeption in der Neuzeit. Stuttgart 2006.
  • (de) Klaus-Peter Johne (ed.), Die Zeit der Soldatenkaiser. 2 vols. Berlin 2008.
  • Xavier Loriot et Daniel Nony, La crise de l'empire romain, 235–285, Paris, Armand Colin, , 304 p. (ISBN 2-200-21677-7).
  • Paul Petit, Histoire général de l'Empire romain, T. 2 : La crise de l'Empire. Paris 1974.
  • (en) David S. Potter, The Roman Empire at Bay. AD 180–395. London 2004.
  • Roger Rémondon, La crise de l'Empire romain, de Marc Aurèle à Anastase, Presses Universitaires de France, Paris, 1970.
  • (de) Michael Sommer, Die Soldatenkaiser. Darmstadt 2004.
  • Chester G. Starr, The Roman Empire 27 B.C.-A.D. 476, A Study in Survival. Oxford University Press, Oxford, 1982, (ISBN 0-19-503130-X) (pbk).
  • (de) Karl Strobel, Das Imperium Romanum im 3. Jahrhundert. Modell einer historischen Krise?. Stuttgart 1993.
  • Paul Veyne, L'Empire gréco-romain, Paris 2005.
  • (de) Christian Witschel, Krise - Rezession - Stagnation? Der Westen des römischen Reiches im 3. Jahrhundert n. Chr., Frankfurt/Main 1999.

Sources latines et grecques (Historiographie latine)

Articles connexes

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