Dette publique de la France

La dette publique de la France, rigoureusement dette brute de l’ensemble des administrations publiques françaises, regroupe l'ensemble des engagements financiers, sous formes d'emprunts, pris par l’État (y compris les ODAC), les collectivités territoriales et les organismes publics français (administrations de sécurité sociale…).

Dette publique de la France, en milliards d'euros courants et en % du PIB, fin 1978 à fin décembre 2020.
Dette publique et affichage des couleurs politiques des gouvernements (source : INSEE).

La dette publique, « au sens de Maastricht » estimée par l'Insee, s'élevait à 2 638,3 milliards d'euros à la fin du deuxième trimestre 2020, soit 114,1 % du PIB[1], contre 55,8 % à la fin de 1995 et 66,8 % à la veille de la crise de 2008.

Ce montant à rembourser par les administrations publiques est brut : il ne tient pas compte des actifs financiers, et ne constitue qu'une des composantes du patrimoine net. Il ne tient pas compte non plus des engagements hors bilan, qui en France représentent plusieurs fois le montant de la dette brute.

L’endettement public a connu au cours de l'histoire de la dette publique française de grandes variations, et est l'une des causes de la Révolution française de 1789. Les guerres mondiales le pousseront à des niveaux considérables avant une chute durant les Trente Glorieuses. Le défaut de paiement (comme la banqueroute des Deux-Tiers), l'inflation, la dévaluation, et une hausse des recettes publiques ont été les moyens de la réduire.

L’appartenance de la France à l’Union économique et monétaire européenne, depuis 1999, nécessite, pour éviter les phénomènes de passager clandestin et pour garantir une stabilité macroéconomique de la zone euro, de respecter des critères définis en 1992 par le traité de Maastricht et renforcés par le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) signé le 2 mars 2012 et entré en vigueur le 1er janvier 2013, dont notamment :

  • un déficit public annuel qui ne devrait pas excéder 3 % du PIB ;
  • une dette publique « au sens de Maastricht » qui devrait rester inférieure à 60 % du PIB, sauf circonstances « exceptionnelles ou temporaires »…
  • …ou, lorsque la dette dépasse cette limite, un objectif à moyen terme de baisse de cette dette sur des périodes glissantes de trois ans, de chaque année au moins 0,5 % du PIB et au moins un vingtième de l'excès par rapport aux 60 %.

De 2007 à 2017, la France ne respectait aucun de ces critères. Aussi a-t-elle fait l'objet d'une procédure de déficit excessif dont elle est sortie en juin 2018, la Commission européenne estimant que le déficit serait inférieur à 3 % pendant trois années consécutives de 2017 à 2019.

La question de la dette publique occupe aujourd'hui le débat public. La croissance de l'endettement des principaux pays développés, à partir des années 1980, a conduit certains économistes à définir et évaluer la soutenabilité à long terme de la dette publique d'un pays. La persistance de déficits publics élevés remet en cause cette soutenabilité. L’OCDE considérait en 2016 que la probabilité de défaut de paiement était quasiment nulle dans la plupart des pays avancés, à l’exception notable du Japon, de l’Italie et, dans une moindre mesure, de la France.

Définitions et mesures

Pour la France, comme pour tous les pays, il serait plus juste d'utiliser le pluriel que dette publique au singulier, en raison de questions comme :

  • qui doit ? périmètre des administrations ;
  • qu'est-ce qui est dû ? définition de ce qui est retenu comme dette, ou pas ;
  • consolide-t-on les dettes et les créances (dette nette), voire considère-t-on aussi l'actif (patrimoine net), ou seulement les dettes brutes ?

Dans le cadre des comparaisons entre pays ou entre deux périodes historiques, il faut notamment tenir compte de la place des systèmes de protection sociale (pris en charge par l’administration et donc inclus, ou par des assurances privées et donc exclus), et des choix d'organisation financière.

Définitions

D’une manière simple, la dette est une ressource en principe remboursable.

La dette publique doit être distinguée de la dette totale d'un pays qui comprend dette publique, endettement des ménages, dette des entreprises non financières et enfin dette des entreprises du secteur financier (banques…).

Les nationaux détiennent la dette intérieure. La dette extérieure désigne l'ensemble des dettes qui sont dues par un État, entreprises et particuliers compris, à des prêteurs étrangers.

Un passif du bilan

La dette publique est le principal élément du passif du bilan des administrations publiques françaises (APU). Le conseil de normalisation internationale des comptes publics (IPSASB) définit ainsi le passif d'un organisme public comme des obligations actuelles de l'entité, résultant d'événements passés, et dont la satisfaction résultera a priori en une sortie de l'entité de ressources représentant des avantages économiques ou un potentiel de services[2]. L'intérêt de cette définition est de montrer la particularité du secteur public en reliant la sortie de ressources au potentiel de services.

La dette publique regroupe les dettes contractées par l'ensemble des administrations publiques au sens des comptes nationaux : l'État, les organismes divers d'administration centrale (ODAC), les administrations publiques locales et les administrations de sécurité sociale auprès de prêteurs privés ou publics, français ou non, sous forme d’emprunts d'État (obligations du Trésor, BTAN, BTF, EMTN) et autres emprunts ; elle ne comprend pas les produits dérivés et les autres comptes à payer[3], tels que les factures impayées, dont l'importance est bien moindre, mais qui figurent aussi dans le passif comptable.

Selon l'INSEE, la dette de l'État est l'ensemble des emprunts que ce dernier a émis ou garantis et dont l'encours (c'est-à-dire le montant total des emprunts) résulte de l'accumulation des déficits de l'État[4]. Selon l'Agence France du Trésor (AFT), la dette de l’État est le total des engagements financiers de l'État. Elle résulte du cumul des besoins de financement de l'État, c'est-à-dire de la différence, année après année, entre ses produits (recettes fiscales, produits de privatisations, etc.) et ses charges (dépenses budgétaires, prises de participation, etc)[5].

La dette de l'État comprend une dette négociable contractée sous forme d'instruments financiers échangeables sur les marchés financiers (obligations et bons du Trésor) et une dette non négociable, correspondant aux dépôts de certains organismes (collectivités territoriales, établissements publics, etc.) sur le compte du Trésor[6].

Pour tous les États de l'Union européenne, c'est la dette au sens de Maastricht qui s'est progressivement imposée ; elle est évaluée en valeur nominale, c'est-à-dire à la valeur de remboursement du principal. Ainsi, les intérêts courus non échus ou les fluctuations des cours des titres ne sont pas compris dans l'évaluation des instruments, alors que la réévaluation de la valeur de remboursement des titres indexées sur l'inflation est prise en compte[3]. Les dettes des administrations les unes envers les autres sont neutralisées; ainsi les dettes publiques sont consolidées.

Elle ne tient pas compte des engagements hors bilan, qui sont reconnus dans les systèmes comptables internationaux (IFRS et IPSAS).

Hors bilan : définitions

Au sens de la norme internationale de comptabilité publique no 19[7], les engagements hors bilan comprennent les actifs et les passifs éventuels. Les actifs éventuels peuvent être définis comme des actifs potentiels résultant d'événements passés et dont l'existence ne sera confirmée que par la survenance (ou non) d'un ou plusieurs événements futurs incertains qui ne sont pas totalement sous le contrôle de l'entité.

Les passifs éventuels sont définis comme suit :

a. une obligation potentielle résultat d'événements passés et dont l'existence ne sera confirmée que par la survenance (ou non) d'un ou plusieurs événements futurs incertains qui ne sont pas sous le contrôle de l'entité; ou
b. une obligation actuelle résultant d'événements passés mais qui n'est pas comptabilisée car :
  • il n'est pas probable qu'une sortie de ressources représentatives d'avantages économiques ou d'un potentiel de services sera nécessaire pour éteindre l'obligation ;
  • le montant de l'obligation ne peut être évalué avec une fiabilité suffisante.

Eurostat donne une définition voisine des engagements conditionnels[8].

Il faut noter que les définitions plus haut ne s’appliquent pas aux sommes dues au titre des futures pensions de retraite[9]

Cas des pensions de retraite

Selon la norme internationale de comptabilité publique no 25[10] celles-ci doivent apparaître dans le bilan, au passif, (pour le plan comptable général français, traduites par des provisions au compte 153), et non hors bilan. Cependant, en dépit de l’obligation légale qui prévoit l'application des normes comptables des entreprises privées à l’État sauf en raison des spécificités de son action[11], les administrations publiques françaises ont rejeté hors bilan les engagements à cet égard, et il en sera donc beaucoup question dans la suite : elles représentent l'essentiel des sommes en jeu, comme on le verra.

Cette question reste ouverte, au niveau français[12] et international[13]. Elle est sensible en raison des montants en jeu, estimés par l'INSEE à 3,7 fois le PIB – c'est-à-dire que leur prise en compte porterait la dette publique française à environ 470 % du PIB[14] –, et des implications politiques pour les États[13].

Ce facteur est particulièrement important lorsqu'on fait des comparaisons avec d'autres pays, ou d'autres époques françaises, selon le poids et l'appartenance (ou pas) du système de retraite général (en plus du système de retraite propre aux administrations) au périmètre des administrations. Il est cependant rarement mentionné.

Les différents agrégats mesurés

Si la dette au sens de Maastricht est celle qui est le plus souvent utilisée, les instituts statistiques mesurent plusieurs agrégats de dette publique[15] :

  • l'Insee calcule le total des passifs bruts en comptabilité nationale, établis pour la plupart en valeur de marché. Ce montant n'est pas consolidé, donc les éléments de dette détenus par une administration sur une autre y sont comptabilisés (3 090 milliards d'euros fin 2017) ;
  • l'OCDE exclut les actions et parts de fonds d’investissement ainsi que les produits dérivés des comptes à payer (2 807 milliards d'euros fin 2017) ;
  • la dette au sens de Maastricht retient les dettes financières brutes, en ce sens que les actifs financiers ne sont pas soustraits des éléments de passif, et consolidées : les éléments de dette détenus par une administration publique sur une autre ne sont pas comptabilisés (2 258 milliards d'euros fin 2017) ;
  • l'Insee mesure également la dette publique nette, égale à la différence entre la dette au sens de Maastricht et les actifs exigibles (dépôts, crédits, titres de créance) détenus par les administrations publiques sur les autres secteurs, évalués à leur valeur de marché (2 055 milliards d'euros fin 2017).

L'augmentation de la dette par rapport au PIB entre 2008 et 2017 se vérifie quel que soit l'agrégat retenu[16].

Mesures

Deux mesures principales sont couramment utilisées : le montant en euros, et le ratio en pourcentage du PIB.

Pour mémoire et par exemple :

  • le FMI utilise une définition qui donne une dette qui est plus élevée que celle au sens de Maastricht : par exemple (au troisième trimestre 2017) 2 554,5 milliards d'euros contre 2 226,1 milliards d'euros[17].
  • Au quatrième trimestre 2016, selon la banque des règlements internationaux, la dette publique française estimée à sa valeur nominale atteignait 2 264 milliards $; évaluée à la valeur de marché, elle s'élevait à 2 602 milliards $[18].

On utilisera ici la dette des administrations publiques au sens de Maastricht.

Volume brut

Mesurée en euros courants, la dette publique est sur une tendance croissante depuis longtemps. Elle n’a pas cessé d’augmenter depuis au moins fin 1978 ; elle atteignait 1 520 milliards au troisième trimestre 2008, à la veille de la crise de 2008, et 785,1 milliards d'euros à la fin de 1995[19].

Selon le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques rendu public en juin 2017, cet endettement était, fin 2016, de 32 000 euros par habitant.

À la fin de septembre 2019, la dette publique s'élevait à 2 415 milliards d'euros, soit 100,4 % du PIB. Elle avait déjà dépassé par deux fois le PIB en 2017, après intégration de la dette de la SNCF : 100,7 % au premier trimestre 2017, et 100,9 % au deuxième trimestre 2017[20].

À la suite de la crise liée à la pandémie de Covid-19, selon le rapport rédigé par la commission des finances et annexé au deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, la dette publique devrait dépasser 115 % du PIB[21].

Proportion du PIB

La mesure en euros courants ne prend pas en compte la dépréciation de la monnaie, et même en l’évaluant en euros constants, cela ne donne pas son poids réel par rapport à l'activité économique. C'est pourquoi on utilise le ratio de la dette publique sur le produit intérieur brut (PIB). Ce ratio est notamment utilisé dans les critères de convergence de l’Union européenne.

Avec cette échelle, les variations historiques sont significatives. Le poids de la dette publique peut baisser d'une année à l'autre, même si sa valeur nominale (en euros courants) augmente : il suffit que l’activité économique augmente plus vite que la dette. Cela sera le cas, par exemple, lorsque le déficit public[22] est de 1 % du PIB alors que la croissance du PIB est de 2 %[23].

Sur la période récente, des réductions (assez faible) de la dette publique sont constatées entre 1997 et 2002, et entre 2005 et 2008 ; à ces périodes, une stabilisation de la dette au niveau des 60 % du PIB semble un objectif atteignable. Mais la progression reprend ensuite, à un rythme d'environ 3 points par an pendant dix ans. La dette publique de la France s'élevait ainsi à 99 % du PIB à la fin du deuxième trimestre 2018 après avoir atteint un niveau maximum de 99,3 % au deuxième trimestre 2017, contre 66,8 % au troisième trimestre 2008 et 56,1 % à la fin de 1995[24].

Avec sa dette publique à 96,3 % du PIB, la France est le septième pays le plus endetté de l'Union européenne ; c'est aussi celui qui a (ex-æquo avec le Portugal) passé le plus grand nombre d'années en procédure pour déficit excessif depuis 2002[25].

En 2009 des économistes de l'OFCE relativisaient l'ampleur de la dette française en la présentant comme significativement inférieure à l'ensemble des actifs publics, évalués à 75 % du PIB (y compris les actifs incessibles tels que les écoles, hôpitaux, routes, etc.)[26]. En 2017, le solde comptable entre actifs et passifs des administrations publiques s'élevait à 190 milliards d'euros[27], soit environ 8 % du PIB. Le conseil d'orientation des retraites rappelle que les droits acquis à pension de retraite à supporter par les administrations, évalués entre 6 837 G€) et 9 804 G€ (soit 3 à 4 fois le PIB) ont été comptabilisés hors bilan comme s'ils n'étaient pas dus[28] et ne sont donc pas intégrés dans le calcul de ce solde.

Déficit public et endettement

Excédents (+) et déficits (-) publics de la France en pourcentage du PIB (1960-2015)[29]

Le déficit budgétaire concerne le budget de l’État, et le déficit public, l'ensemble des Administrations publiques françaises (APU).

Le déficit budgétaire est le principal contributeur à la dette publique, mais d'autre facteurs interviennent. L'accroissement de la dette publique au cours d'une année n'est jamais strictement égal au déficit public de l'année. Elle n'est qu'un des moyens d'assurer le financement de l’État[30], et d'autres éléments peuvent jouer (mais toujours de façon marginale)[30] : acquisition ou cession d'actifs, augmentation ou réduction de trésorerie, raccourcissement ou allongement de délais de paiement, etc.[30],[31].

L'analyse du budget fait intervenir deux éléments supplémentaires :

  • le « solde primaire des finances publiques »
  • le solde structurel

Le solde primaire est égal au solde budgétaire des finances publiques avant la prise en compte des intérêts déficit primaire » lorsque le solde est négatif, « excédent primaire » lorsqu'il est positif). Ce solde primaire correspond à la contribution à la dette du budget de l'année (les intérêts étant, eux, une partie de la contribution de la gestion passée).

Si la dette publique était nulle, alors le déficit public serait égal au déficit primaire. Un déficit public entraîne une augmentation de la dette, qui sera réduite par des recettes futures (impôt ou autre), Robert Barro écrivant que le déficit public est l’« impôt de demain »[32], ou par de l'inflation, qui a pour inconvénient de défavoriser les créanciers[33].

En 2006 et 2007, le budget de l’État (et non pas de l’ensemble des administrations publiques françaises) a été en excédent primaire (+ 0,7 milliard d'euros pour 2007)[34], mais le solde budgétaire final est resté négatif en raison des intérêts, appelés « charge de la dette ».

Dans les phases hautes du cycle économique, en raison des bonnes rentrées fiscales et des dépenses en diminution, le solde primaire s’améliore mécaniquement. C'est la raison pour laquelle, pour évaluer les efforts réels des gouvernements, on calcule un solde public structurel[35], qui correspond au niveau du solde hors effets conjoncturels[36].

Mise en perspective

L’ensemble de la dette (brute) des administrations publiques (passifs financiers), 3 031 milliards d'euros à fin 2016, équivaut à 239 % de leur patrimoine financier qui se montait à 1 269 milliards d'euros[37]. La dette nette, 1 762 milliards d'euros, est équivalente à 79 % de la richesse produite par la France au cours de l’année 2016 : 2 229 milliards d'euros[38] ; même si la comparaison entre un flux (création de richesses) et un stock (quantité de dettes) requiert des précautions d'analyse, son intérêt est de permettre des comparaisons entre pays.

Dette publique et actifs publics

Le solde net du patrimoine au bilan des administrations publiques est estimé par l'INSEE. Selon cet organisme, il était fin 2017 comptablement positif d'environ 190 milliards d'euros (8 % du PIB)[27] contre 420 milliards d'euros en 2009[39], différence entre :

  • en positif : 2 027 milliards d'actifs non financiers (essentiellement bâti, pont, routes, et terrains) et 1 308 milliards d'actifs financiers,
  • en négatif : 3 145 milliards de passifs financiers,
  • non compris 8 108 milliards (3,7 années de PIB) d'engagements de retraites au titre des services d'ores et déjà effectuées et des cotisations encaissées[14].

Par comparaison, le solde net du patrimoine de tous les agents économiques français (patrimoines nets des sociétés financières, sociétés non financières, administrations publiques, ménages, et institutions sans but lucratif) était estimé par l'INSEE à environ 14 763 milliards d'euros à fin 2017, dont 11 370 milliards d'euros des ménages.

En outre, les actifs publics ont généralement la particularité d'être difficilement vendables (infrastructures, monuments, …) et de générer des coûts (entretien) plus que des profits. Il en résulte que le solde des flux financiers, avec le remboursement des emprunts et des intérêts sur la dette publique, reste négatif.

Service et charge de la dette

Le service de la dette représente le paiement annuel des échéances (capital plus intérêts) des emprunts souscrits. La charge de la dette représente le paiement des intérêts seuls.

Mais la technique de l'OAT permet à l’État de fixer les intérêts qu'il paye au niveau de son choix. Veut-il en payer moins ? Il ouvre une tranche d'une OAT à 0 %. Est-il prêt à en payer plus ? Une OAT à 8,5 % en sera le véhicule. La seconde lui permettra de récolter plus d'argent à la souscription que la première (pour une même valeur de remboursement et un même terme), au prix d'un service plus élevé dans exactement le même rapport ; de sorte que finalement les deux auront, pour la même somme récoltée, un service de valeur identique[40], mais avec une proportion d'intérêts complètement différente. Au deux extrêmes, l’État pourrait ne verser aucun intérêt (il lui suffirait de vendre des OAT 0 %, qui trouveraient preneur moyennant un prix suffisamment bas par rapport à la valeur de remboursement promise) ou aucun capital (via une rente).

De ce fait, les analyses sur la quantité d'intérêts versés par l’État sont à prendre avec excessivement de prudence.

Le montant total du service de la dette pour l'ensemble des administrations n'est pas connu. Celui de l’État (au sens strict) l'est, par les chiffres en loi de finance et ceux de l'Agence France Trésor, qui donne les montants remboursée et ceux des intérêts versés. Il peut varier dans des proportion sensibles selon les années, en fonction de la maturité des OAT[41]. Mais là encore, puisque l’État rembourse avec de l'argent qu'il réemprunte, et qu'il peut à loisir convertir une OAT arrivant à échéance une année donnée, en une autre OAT d'échéance différente, plus longue ou plus courte, cette donnée n'a de sens que pour des spécialistes.

Pour l’État Stricto sensu, le service de la dette représente environ la moitié de son budget (avec les précautions d’interprétation mentionnées plus haut). Par exemple, il devait atteindre 161,2 milliards d'euros selon le projet de loi de finances pour 2018[42]. Le remboursement du capital relatif aux emprunts de l'État est considéré comme une opération de trésorerie. À ce titre, seul l'article d'équilibre en loi de finances initiale ou en loi de règlement révèle que des emprunts nouveaux permettent d'assurer ce remboursement en capital et une partie des intérêts à travers la couverture du déficit de l'État. Ainsi, l'article 28 du projet de loi de finances pour 2018 prévoit de nouveaux emprunts à hauteur de 120 milliards d'euros pour rembourser les emprunts échus et 80 milliards d'euros pour couvrir le déficit prévisionnel de l'État. C'est de la cavalerie budgétaire, comme le rappelait Philippe Marini en ces termes[43] : « Que l'on cesse enfin de faire de la cavalerie en empruntant de nouveau pour rembourser des emprunts qui financent des dépenses de fonctionnement ».

Engagements hors bilan : volume en jeu

Chaque année, le compte général de l'État dresse un tableau de synthèse des principaux engagements hors bilan évaluables et autres informations[44].

En 2005, le rapport Pébereau estimait le montant supplémentaire de dette publique compris entre 790 et 1 000 milliards d'euros[45].

En 2015, le hors bilan était estimé à 3 200 milliards €, en sus des 2 000 milliards € « au sens de Maastricht »; les dettes totales des administrations françaises, au sens des normes comptables internationales (IFRS et IPSAS) atteignaient donc plus de 5 200 milliards € ; les engagements hors bilan représentent 158 % du PIB et ont été multipliés par 3,5 en dix ans[46]. Cette évolution est cohérente avec celle du patrimoine des administrations publiques françaises, bien que ce dernier ne retrace que le bilan.

En 2017, la Cour des comptes recensait dans son rapport sur la certification des comptes de l'État pour l'exercice 2016 plus de 4 000 milliards d'euros d'engagements hors bilan de l'État ; à eux seuls, les engagements de retraite portés par l'État représentaient 2 352 milliards d'euros, soit plus que l'ensemble de ses dettes financières, 1 647 milliards d'euros[47]. La proportion de retraités augmentant, leurs retraites seront de plus en plus difficiles à financer par les recettes publiques (ceteris paribus). De plus, à la même date le solde du bilan était de -1 203 milliards d'euros en 2016[47], pour un total négatif, bilan et hors bilan de 5 200 milliards €. La capacité de l'État à lever l'impôt le sauve. Ce rapport contient un inventaire des principaux engagements hors bilan[47] :

  • engagements de retraite : 2 352 Mds €, dont 2 139 Mds€ pour les fonctionnaires de l'État et 147 Mds€ pour les fonctionnaires de La Poste ;
  • dette garantie par l'État : 195 Mds € ;
  • garanties liées à des missions d'intérêt général : 500 Mds €, dont 406 Mds € de garantie des livrets d'épargne réglementés et 77 Mds € au titre de la COFACE ;
  • garanties de passif : 230 Mds €, dont 126 Mds € de quote-part française au capital appelable du MES et 22 Mds € d'engagement pris envers la Caisse nationale des industries électriques et gazières ;
  • engagements financiers de l'État : 185 Mds €, dont 42 Mds € d'engagements envers le FMI ;
  • engagements découlant de la mission de régulateur économique et social de l'État : 571 Mds €, dont 346 Mds € de subventions d'équilibre aux régimes spéciaux (SNCF, RATP…) et 164 Mds € d'engagements au titre des aides au logement.

Si la plupart de ces engagements ne deviendront exigibles qu'à long terme et de façon progressive (en particulier les retraites), le risque principal réside dans leur dynamique, hors de contrôle : leur croissance rapide met en danger l'équilibre budgétaire futur ; c'est particulièrement visible dans le cas des retraites. L’autre risque est lié à une potentielle remontée des taux d'intérêt, susceptible d’accroître la charge de la dette de 60 Mds € par an, selon l'économiste Jean-Yves Archer[48], ou de déclencher une crise financière mondiale comme celle de 2008[49].

Bien que l'État ne provisionne pas au fur et à mesure les droits à la retraite de ses agents au titre de leur service déjà effectué comme il le devrait légalement, il retrace une estimation de ces engagements dans un document annexe au projet de la loi de finances. En outre, le compte général de l’État contient un tableau de synthèse des principaux engagements hors bilan. Ces informations confirment la place prépondérante des engagements de retraite au profit des fonctionnaires civils de l’État et militaires pour 2 212 milliards d'euros[50], ce qui représente un peu plus de la moitié de la dette hors bilan de la France, qui atteint 4 070 milliards €, dont 139 milliards € de subventions aux régimes de retraites et subventions d'équilibre au régime spécial de la SNCF[51].

De même, la sécurité sociale n'applique pas non plus les normes comptables et ne provisionne pas non plus les droits à pension acquis. Le Conseil d'orientation des retraites utilise les estimations de l’INSEE, qui donne fin 2015[52] un chiffre global (y compris pensions de l’État) de 8 108 milliards d’euros[53].

Fin 2018 la dette publique hors publique hors bilan est estimée à plus de 4 000 milliards d’euros[54].

Au 31 décembre 2019, les principaux engagements hors bilan correspondant au total des engagements donnés sont estimés à 4 428 milliards d'euros. Les postes connaissant des variations significatives sont :

  • les engagements de retraite de l’État, pour l’essentiel au titre de ses fonctionnaires civils et militaires, représentent 2 480 Md€, en hausse de 193 Md€ entre 2018 et 2019;
  • les engagements relevant de la mission de régulateur économique et social de l’État sont évalués à 720 Md€ en 2019, en augmentation de 82 Md€ par rapport à 2018;
  • la garantie des épargnants au titre des produits d’épargne réglementée, qui est évaluée à 450 Md€ en 2019, en augmentation de 16 Md€ par rapport à 2018, fait partie des garanties de l’État liées à des missions d’intérêt général, l’État garantissant aux épargnants leurs dépôts y compris les intérêts capitalisés[55].

Dette publique et autres dettes

La dette publique est à distinguer, entre autres, de la « dette extérieure de la France », qui correspond à l'ensemble des engagements des administrations publiques et de la sphère privée vis-à-vis du reste du monde (c’est-à-dire les autres pays). En 2006, la dette extérieure brute représentait 2 918 milliards d’euros, soit 162 % du PIB national[56], la dette extérieure nette (c’est-à-dire en comptant les créances détenues par la France sur l'étranger) étant proche de zéro[57],[58].

La Banque de France s'inquiète depuis 2017 de l'endettement des entreprises qui continue à croître : fin mars 2018, il représentait près de 73 % du PIB, un ratio largement au-dessus de la moyenne de la Zone euro (61 %) ; par ailleurs, selon le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), l'évolution du marché des prêts à l'habitat justifie aussi une vigilance renforcée[59].

Dans le cas de déficits simultanés des finances publiques et de la balance courante, on parle de déficits jumeaux.

Pour Bernard Marois, président du Club Finance HEC, « il est indispensable de prendre en compte l'endettement total d'un pays, c'est-à-dire sa dette publique et sa dette privée (entreprises et ménages) ». Dans cette optique, la France serait début 2010, grâce à un endettement privé modéré, dans une situation moins délicate que les États-Unis dont l'endettement total s'élèverait à 350 % du PIB[60]. Au deuxième quadrimestre 2014, l'endettement total, public et privé, de la France atteignait 280 % du PIB[61]. À titre de comparaison, l'endettement total du Japon s'élevait à 400 % du PIB, celui des États-Unis à 233 % du PIB.

Gestion et répartition de la dette publique

Gestion de la dette

Les administrations publiques locales et les administrations de sécurité sociale gèrent elles-mêmes leur dette publique. Toutefois une convention de mandat signée le a confié la gestion technique de la dette de la CADES à l'Agence France Trésor[62].

La dette de l’État est gérée par l'Agence France Trésor (AFT). Les emprunts d'État français sont émis sur le marché obligataire: la dette est donc qualifiée de négociable[63]. Chaque année, le programme d'émission est le principal moyen de couvrir les remboursement des emprunts passés (cavalerie) et le déficit de l'année : 215 Md€ sur 236 pour 2019[64].

L'AFT recense les risques liés à la gestion de la dette : risques de taux, de contrepartie, de liquidité et risques opérationnels[65]. Conformément à sa définition du point 52 du paragraphe 1 de l’article 4 du règlement (UE) n° 575/2013, le risque opérationnel correspond au risque de pertes découlant d’une inadéquation ou d’une défaillance des processus, du personnel et des systèmes internes ou d’évènements extérieurs, y compris le risque juridique. Le risque majeur de défaut n'est pas clairement identifié. Dans une conférence organisée par le FMI les 13 et 14 septembre 2018, Julianne Ams (IMF), Reza Baqir (IMF), Anna Gelpern (Georgetown), Christoph Trebesch (Kiel) ont essayé de définir le défaut souverain[66], ses conséquences et les moyens d'y faire face.

Supports (ou instruments)

Décomposition par instrument de la dette publique au sens de Maastricht, France, 1978-2010

Les principaux supports de la dette sont les obligations assimilables du Trésor (OAT), les bons du Trésor à intérêts annuels (BTAN), et les bons du Trésor fixes et à intérêts précomptés (BTF). Depuis septembre 1998, l’État émet également des OATi dont le taux d’intérêt et le principal sont indexés sur l'inflation[67].

Contrats d’échanges de taux d’intérêt (« swaps »)

En 2001, l’Agence France Trésor a mis en œuvre une série de contrats d’échanges de taux d’intérêt (ou « swaps ») de façon à substituer à une charge de taux fixe à long terme une charge de taux fixe plus courte tout en limitant au mieux la volatilité accrue de la charge de la dette[68]. À cet effet, l’agence évalue quantitativement le compromis entre la charge d’intérêt moyenne et la variabilité de celle-ci selon de nombreux scénarios calculés au moyen d’un modèle macrofinancier. En raison de la baisse des taux, la politique de gestion de la durée de vie moyenne de la dette négociable via les swaps a été suspendue depuis juillet 2002, mais l’agence continue d’opérer des swaps « courts » pour limiter l’exposition à des taux à moins d’un an[69].

Échéancier, durée de vie moyenne et duration modifiée

Durée de vie moyenne (en années) de la dette négociable de l’État, France, 1995-2011.

La dette publique négociable se compose d'instruments dont la maturité varie fortement, de 3 mois pour certains BTF, jusqu'à 50 ans pour l'OAT émise en 2005, dont le capital ne sera remboursé qu'au 25 avril 2055… À tout moment, on peut représenter la dette comme un échéancier, série de flux de remboursements à effectuer le jour même, le lendemain, dans 3 mois, dans 10 ans, etc.

À partir de l'échéancier, on peut calculer la durée de vie moyenne des supports de la dette, calculée comme moyenne pondérée des maturités résiduelles des titres émis, sans prendre en compte les intérêts. À la fin de 1995, la durée de vie moyenne de la dette de l’État était de 6 ans et 176 jours, ou 6,48 années. Par une politique de réduction de la maturité des obligations, cette durée a été réduite à 5,64 années fin 2004. La politique de contrats d’échanges de taux d’intérêt (« swaps » (voir plus loin)), la durée de vie moyenne de la dette aurait été de 5,81 années, soit 62 jours de plus. De fin 2004 à fin 2007, la durée de vie moyenne a augmenté rapidement et s'établissait à 7,08 années fin juin 2011, la réduction due à la politique de swaps s'étant réduite à 7 jours[70]. Fin janvier 2018, la durée de vie de la dette négociable à moyen et long terme était de 7 ans et 275 jours[71].

Si l'on tient compte à la fois du capital et des intérêts et du fait « qu'un euro à rembourser aujourd'hui vaut plus qu'un euro à rembourser dans 10 ans », on peut également calculer une « duration modifiée » de la dette, fonction des différents flux à payer et des coefficients d'actualisation (ou du taux d'actualisation) retenus. En France, la duration modifiée de la dette de l'État est environ 1,5 année plus basse que sa durée de vie moyenne[72].

Dans son discours du 22 janvier 2018 à la Cour des comptes, le président de la République avance qu’il fallait réduire la dette publique pour préserver la justice intergénérationnelle et pour retrouver la souveraineté nationale : « ne nous y trompons pas, notre véritable enjeu en matière de finances publiques, vous l'avez rappelé, c'est de contenir, puis de réduire, notre endettement. Non pas parce qu'il s'agirait d'une finalité en soi, parce que c'est à la fois un devoir sur le plan de la justice intergénérationnelle, et la condition même de notre souveraineté véritable, de notre capacité à continuer à proposer au pays une voie et de pouvoir le dessiner nous-mêmes, pour nous-mêmes et par nous-mêmes »[73].

Le « transfert entre générations » peut être contesté car, au 31 octobre 2020, selon l'agence France Trésor, la durée de vie moyenne de la dette négociable de l'État, 1 995 milliards , était de 8 ans et 64 jours[74]. Or, la durée moyenne d'une génération est de 25 ans[75]. Jean-Marie Monnier considère donc que la dette publique ne repose pas sur les générations futures[76]. Mais chaque fois que l'État rembourse un emprunt, il emprunte à nouveau un montant encore plus élevé, car son budget est déficitaire, si bien que la dette est reportée indéfiniment sur les générations suivantes. La courbe de la dette publique publiée par l'INSEE montre bien que la dette augmente d'année en année : il n'y a jamais de remboursement net[77].

Selon Jean-Marc Daniel : « En principe, tout agent économique est contraint de rembourser ses dettes au moment de sa disparition. Mais l'État, qui est éternel, ne disparaît jamais, si bien qu'il n'a jamais à rembourser. Ce raisonnement a fait naître ce que naguère on appelait des « rentes perpétuelles », c'est-à-dire des titres publics qui donnaient le droit au versement d'un intérêt jusqu'à la fin des temps. Aujourd'hui, les rentes perpétuelles ont disparu mais chaque titre qui arrive à échéance donne lieu à un réemprunt »[78].[source insuffisante]

Selon Robert Barro : « Essentiellement, les déficits de l'État sont un moyen pour permettre aux membres de la génération présente de mourir insolvables en laissant à leurs descendants des dettes »[79][source insuffisante]. Paul Fabra rejette cette affirmation : « C'est le contraire qui est vrai : le déficit public implique par définition l'existence de prêteurs privés […] Les membres d'une génération vivant dans un état endetté, loin de rendre l'âme en état de faillite, expirent sur un matelas rempli d'obligations émises par le Trésor Public… Du point de vue macroéconomique, le transfert s'opérera à l'intérieur de la génération nouvelle, entre d'une part les contribuables et de l'autre les porteurs de bons émis dans le passé (ceux-ci se confondant souvent avec ceux-là »[80][source insuffisante]. Ce raisonnement n'est plus valable à l'époque actuelle où les taux d'intérêt de la dette publique s'approchent de zéro ou deviennent négatifs, suscitant le rejet des prêteurs privés et amenant les banques centrales à devenir les principaux détenteurs de dette publique[81],[82]. Inscrite à l'actif des bilans des banques centrales, cette détention a pour contrepartie, au passif de leur bilan, l'émission de monnaie[83]. C'est la monétisation de la dette publique.

Taux d'intérêt de la dette

Taux sur titres d'État français par maturité (3 mois à 50 ans), juin 2011

L’État français s'endette à un taux d'intérêt de référence bien plus bas que les entreprises et son niveau n'a pas cessé de baisser depuis trente ans. À l'époque du Serpent monétaire européen, la France empruntait à un taux d'intérêt significativement plus élevé que l'Allemagne, en raison des risques de dévaluation du franc français par rapport au Deutsche Mark. Depuis la création de l'euro, l'écart par rapport à l’Allemagne s'est réduit, et la France emprunte à bien meilleur marché que l'Espagne, l’Italie, l'Irlande et la Grèce.

Selon l'Agence France Trésor, le taux implicite moyen du stock de la dette de l'État, dont la maturité moyenne est de près de 8 ans, devrait être de l'ordre de 2 % en 2018 ; sur les marchés en septembre 2018, le taux à 8 ans sur les emprunts de l'État français s'établissait à 0,45 % environ alors que les emprunts qui arrivent à échéance en 2019 ont été contractés à 2,40 % en moyenne[59].

La Cour des comptes a montré que la forte réduction des taux d'intérêt était à l'origine de 40 % de la réduction des déficits entre 2011 et 2016 : la charge d'intérêt avait baissé de 11,6 milliards € (-22 % sur 4 ans), alors que la dette passait de 89,5 % à 96,3 %. Le budget prévoit une nouvelle légère baisse de la charge d'intérêt en 2018, à 41,2 milliards €, mais la tendance devrait s'inverser dès 2019, avant une nette remontée de la charge en 2020, estimée à 44,7 milliards €, avec l'hypothèse d'une remontée progressive des taux de moyen et de long terme de 75 points de base par an ; mais l'Agence France Trésor a calculé qu'un choc de taux de 1 % augmenterait la charge de la dette de 2,1 milliards € la première année et de 6,9 milliards € au bout de trois ans[84].

Le taux d'intérêt des emprunts publics français à 10 ans, le plus suivi, avait atteint un maximum historique lors du second choc pétrolier, à 17 %[85]. Dès août 2010, il bat des records de baisse[86]. Le taux d'intérêt réel (une fois déduit l'inflation) passe même sous les 2 %, à un niveau inférieur de plus des deux-tiers à sa moyenne des années 1980 et des années 1990. Depuis le début des années 2010, il est en moyenne égal à 1,1 %, soit seulement le cinquième de son niveau des années 1980. Depuis juillet 2012, l'État français emprunte à court terme à des taux d'intérêt négatif[87]. Carmen M. Reinhart donne des explications sur le sujet : « Les périodes de fort endettement ont toujours été associées à une fréquence croissante des défauts ou des restructurations de la dette publique et privée. Parfois cette restructuration s'opère plus subtilement, prenant la forme de la "répression financière". Lorsque les taux d'intérêt réels sont négatifs sur la durée, ils équivalent à un impôt sur les porteurs d'obligations, et, plus généralement sur les épargnants »[88].

En 2019, pour la première fois de son histoire, le taux français à 10 ans passe sous 0 %, à - 0,004 %[89]. Jacques de Larosière signale trois risques inhérents à la pratique de taux bas ou négatifs :

  • diminution de la volonté des États, d'assainir leur situation budgétaire ;
  • raréfaction ou renchérissement du crédit aux PME ;
  • engagements des organismes d'assurance - vie et des fonds de pension avec des actifs à rendement nul[90].

Dénonçant une impasse de la politique monétaire engendrée par la politique des taux bas et de rachat des dettes publiques et privées, Jacques de Larosière suggère trois solutions pour en sortir :

  • la mise en œuvre d'instruments budgétaires et structurels ;
  • la neutralisation de liquidités en abondance ;
  • un système monétaire international organisé pour que le taux de change retrouve son rôle de stabilité[91].
Année[92] 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 Années 1980
Taux 10 ans (fr) 17,4 % 14,8 % 14,4 % 13,4 % 11,9 % 9,2 % 9,9 % 8,6 % 9,3 % 10,0 % 11,9 %
Indice prix[93] 13,4 % 11,8 % 9,6 % 7,4 % 5,8 % 2,7 % 3,1 % 2,7 % 3,6 % 3,4 % 6,6 %
Taux 10 ans réel 4,0 % 3,0 % 4,8 % 6,0 % 6,1 % 6,5 % 6,8 % 5,9 % 5,7 % 6,6 % 5,5 %
Année[92] 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 Années 1990
Taux 10 ans (fr) 8,6 % 8,1 % 5,6 % 8,3 % 6,6 % 5,8 % 5,3 % 3,9 % 5,5 % 5 % 6,3 %
Indice prix[93] 3,2 % 2,4 % 2,1 % 1,6 % 1,8 % 2,0 % 1,2 % 0,7 % 0,5 % 1,7 % 1,7 %
Taux 10 ans réel 5,4 % 6,1 % 3,5 % 6,7 % 4,8 % 3,8 % 4,1 % 3,2 % 5 % 3,3 % 4,6 %
Année[92] 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Années 2000
Taux 10 ans (fr) 5 % 4,3 % 4,3 % 3,7 % 3,3 % 4 % 4,4 % 3,4 % 3,6 % 3,4 % 3,9 %
Indice prix[93] 1,7 % 2,1 % 1,9 % 2,1 % 1,8 % 1,6 % 1,5 % 2,8 % 0,1 % 1,5 % 1,7 %
Taux 10 ans réel 3,3 % 2,2 % 2,4 % 1,6 % 1,5 % 2,4 % 2,9 % 0,6 % 3,5 % 1,9 % 2,2 %
Année 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Années 2010
Taux 10 ans 2,5 % 3,2 % 2,2 % 1,9 % 1,1 % 0,5 % 0,8 % 0,7 % 1,3 %
Indice prix 2,1 % 2,0 % 0,9 % 0,5 % 0,0 % 0,2 % 1,0 % 1,8 % 0,9 %
Taux 10 ans réel 0,4 % 1,2 % 1,3 % 1,4 % 1,1 % 0,3 % -0,2 % -1,1 % 0,4 %

Il est intéressant de comparer la charge de la dette au solde public (déficit budgétaire).

Globalement, entre 2014 et 2018, la charge de la dette exposée par les administrations publiques figure dans le tableau ci-après :

Évolution de la charge (source : Eurostat[94])
Année Montant des intérêts Données
2014 46,44 Md€ Définitives
2015 43,80 Md€ Idem
2016 41,98 Md€ Semi - finalisées
2017 42,67 Md€ Estimées
2018 43,35 Md€ Prévues

S'agissant de l’État, la charge de la dette était de 47,4 milliards[réf. nécessaire] d'euros pour l'année 2005 et le solde public déficitaire de 59,3 milliards d'euros[95] soit 85 %[réf. nécessaire] du solde (négatif). Cette charge était également comparable à la presque totalité de l'impôt sur le revenu payé par les Français (qui représente, en 2006, 17 % des recettes de l'État). Cette charge était en 2005 le deuxième poste budgétaire de l'État français, après celui de l'Éducation nationale et avant celui de la Défense[96]. En 2006, et pour l'État seul, la charge des intérêts de la dette était de 39 milliards d'euros, soit 14,6 % du budget de l'État[97]. La charge des intérêts se montait en 2007 à plus de 50 milliards d'euros (augmentation de 12 % par rapport à 2006)[réf. souhaitée]. Il s'agit de l'équivalent du déficit public.

De 2012 à 2014, la charge de la dette est devenue le premier poste budgétaire de l'État. Après un pic à 48,8 milliards d'euros en 2012[98], elle a toutefois diminué grâce aux taux de refinancement de l'État historiquement bas. À partir de 2015, elle n'est plus que le second poste de dépenses de l'État derrière celui de l'Éducation nationale[99]. En 2019, selon le projet de loi de finances[100], avec 42 Md€, la charge des intérêts occupe le troisième poste budgétaire après l'enseignement scolaire, 72,7 Md€ et la défense, 44 Md€.

L'évolution de la charge de la dette ne dépend pas seulement de celle de l'encours de la dette, mais aussi de celle des taux d'intérêt :

Évolution de la charge de la dette de l'État français[101],[102]
Année Montant (Mds €)
2008 44,3
2009 37,5
2010 40,1
2011 46,3
2012 48,8
2013 44,9
2014 43,4
2015 42,1
2016p 44,5
2017p 41,8
2016-2017 : prévisions

De 2012 à 2016, malgré la progression rapide de la dette, la charge d'intérêt diminue grâce à des taux de plus en plus bas. Le remboursement du capital de la dette, qui fait partie du service de la dette, représentait en 2007 pour l’État environ 80 milliards d'euros, c'est-à-dire la somme de toutes les autres recettes fiscales directes (impôt sur les sociétés, ISF, etc.). Au total, le service de la dette de l'État représentait 118 milliards d'euros, ce qui correspond à la totalité de ses ressources fiscales directes, ou encore, presque à la TVA (environ 130 milliards)[103]. Pour 2015, l'Agence France Trésor prévoit un besoin de financement total de 192,3 milliards d'euros, dont 116,5 milliards € de remboursements de dettes et 74,4 milliards € de déficit budgétaire prévisionnel ; l'AFT a réduit préventivement ce besoin de financement en rachetant, en 2013 et 2014, 37,6 milliards € de titres arrivant à maturité en 2015[104].

Le taux d'intérêt payé sur la nouvelle dette émise est susceptible de varier dans les années à venir. En 2007, les taux réels sont particulièrement bas et les économistes anticipent une augmentation de ces taux dans le futur[105]. En pratique, ces taux ont en 2010 puis en 2011 atteint des niveaux encore plus bas qu'en 2007. Comme l'indiquait Gilles Carrez en août 2010, une hausse de seulement un point du taux d'intérêt exigé par les marchés coûterait deux milliards d'euros en 2011, soit l'équivalent du budget du ministère de la Culture[106]. De fait, trois ans après, le taux d'intérêt exigé par les marchés avait non pas augmenté de 1 % mais diminué de 1,2 %.

Dans la mesure où l'État rembourse l'annuité en capital de ses emprunts et une partie des intérêts correspondants grâce à de nouveaux emprunts, il est possible d'avancer que les emprunts d'État sont devenus des emprunts perpétuels dans l'acception de Jean-Marc Daniel[107] : « À l'origine, on assimilait dette publique et dette de l'État. Ce qui faisait la particularité de cette dette, c'est le rapport de l'État au temps. En principe, tout agent économique est contraint de rembourser ses dettes au moment de sa disparition. Mais l'État qui est éternel, ne disparaît jamais, si bien qu'il n'a jamais à rembourser. Ce raisonnement a fait naître ce que naguère on appelait des « rentes perpétuelles », c'est-à-dire des titres publics qui donnaient le droit au versement d'un intérêt jusqu'à la fin des temps. Aujourd'hui, les rentes perpétuelles ont disparu mais chaque titre qui arrive à échéance donne lieu à un réemprunt immédiat ».

Risques

S’agissant de l’État, l’agence France Trésor[108] s’efforce de protéger contre les risques associés à la gestion de la dette publique en les identifiant : les risques de taux (variation à la hausse), de contrepartie, de liquidité, opérationnels (risque de pertes découlant d’une inadéquation ou d’une défaillance des processus, du personnel et des systèmes internes ou d’évènements extérieurs, y compris le risque juridique) et de change (de marché).

Pour sa part, la Cour des comptes a recensé en février 2019 les principaux risques qui concernent les dettes des entités publiques[109],[110]. Elle estime que :

  • l'État est exposé au risque de taux en raison de l'importance de ses émissions de dette ;
  • hors dette de SNCF Réseau, les risques liés à la dette des organismes divers d'administration centrale (ODAC) paraissent limités ;
  • l'encours de dette des administrations publiques locales (APUL) comporte des risques a priori moins forts que par le passé ;
  • les risques induits par la dette des administrations de sécurité sociale (ASSO) se concentrent sur l'Unedic et l'ACOSS.

La Cour des comptes suggère que la coordination des émissions obligataires par l'Agence France Trésor permettrait de réduire les risques opérationnels.

Le taux d'endettement maximal supportable fait débat. Si l’administration publique française était soumise aux mêmes critères de mesure de l’endettement qu’une entreprise privée, à savoir le ratio dette sur chiffre d'affaires, elle serait considérée comme trop endettée, puisque le ratio dette sur dépenses publiques dépasse les 120 %[111],[45],[112]. Cependant, à la différence des entreprises, la durée de vie d'un État est en première approximation infinie, il peut donc toujours se ré-endetter pour rembourser les dettes passées. De l'autre, il doit chaque année payer le service de la dette : intérêts annuels plus quote-part annuelle de remboursement. Cette charge pèse sur le budget de l'état, et si elle est trop forte va empêcher toute autre action (éducation, armée, justice, etc.), ou finir par atteindre un niveau qui n'est plus supportable et provoquer un défaut de paiement. Le niveau de dette supportable dépend donc à la fois de la dette accumulée et des taux d'intérêt. Quand ces derniers baissent de moitié, ou deviennent en partie négatifs comme en 2016, ils permettent une augmentation de la dette indolore à court terme, jusqu'à ce que les taux remontent. Il dépend aussi de la part qui est financée par les résidents. Si la dette est essentiellement locale (comme au Japon), les prêteurs sont en quelque sorte « captifs » et continuer à prêter à l'État même quand la dette augmente. Et il est plus facile d'augmenter les impôts pour couvrir le déficit, puisque le service de la dette reste payé aux ménages qui ont donc les moyens de payer les impôts. À l'inverse, si comme en France la dette est en majeure partie étrangère, si l'État perdait sa crédibilité, il ne pourrait plus s'endetter à bas taux, les étrangers se détournant, et sa dette deviendrait rapidement insoutenable. C'est ce qui est arrivé à la Grèce.

Il n'est donc pas totalement pertinent d'appliquer à l'État les critères de mesure de l’endettement d’une entreprise privée ; étant donné les moyens de coercition de l’État et sa capacité à lever de nouveaux impôts, les agences de notation estiment que le risque de défaut sur la dette publique est généralement minime. Entre 1558 et 1788, la France a fait défaut à huit reprises[113]. L'État français n'a pas fait officiellement défaut sur sa dette après 1797, date du vote de la loi dite du « tiers consolidé »[114], mais à partir de 1914 il profité de l'inflation et organisé des dévaluations qui reviennent à un défaut partiel dans les mêmes proportions.

L'effet « boule de neige »

La Commission identifie un effet « boule de neige » lorsque le ratio de la dette publique au PIB s'accroît de manière autonome, par le seul effet de la charge de la dette. Lorsque le taux de croissance est inférieur au taux d'intérêt, ce ratio s'accroît même si le budget ne connaît pas de déficit primaire (c'est-à-dire qu'il est équilibré hors charge de la dette) : un accroissement des taux d'intérêt peut alors rendre la dette progressivement insoutenable par une augmentation de la charge de la dette.

Inversement, si le taux d'intérêt est inférieur à la croissance, la dette se réduit d'elle-même en proportion du PIB et peut compenser de légers déficits primaires[115]. Il se trouve que cette situation qui est actuellement en cours, de sorte que l'effet « boule de neige » reste une menace théorique. En janvier 2019, l'ancien économiste en chef du FMI Olivier Blanchard estime devant l'Association des économistes américains que la dette publique ne présente actuellement guère de problème de soutenabilité[116].

La dette des sous-secteurs de l’administration publique

En comptabilité nationale française, les administrations publiques (APU) peuvent être décomposées en trois ou en quatre sous-secteurs :

La dette de Maastricht des APU en fin de premier trimestre par an et sa répartition par sous-secteur (en Mds€)[117]

500
1 000
1 500
2 000
2 500
3 000
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
  •   État
  •   Organismes divers d'adm. centrale
  •   Administrations publiques locales
  •   Administrations de sécurité sociale

Données brutes

La dette publique totale peut être obtenue par simple addition des dettes et des créances de chaque sous-secteur envers des agents n’appartenant pas à l’administration publique : les dettes et créances entre sous-secteurs de l’administration publique ne font pas partie de la dette publique.

  • Au tournant des années 1980, la dette de l’État ne représentait qu’un huitième du PIB annuel (12,2 % fin 1980) pour s’accroître ensuite, avec quelques fluctuations, jusqu’à 76,7 % du PIB fin 2016. En pourcentage du PIB, la dette des administrations de sécurité sociale, presque négligeable jusqu’aux années 2000 (1,0 % fin 1978, 2,9 % fin 2001 et 2002), augmentait considérablement par la suite (environ 10 % de 2011 à 2016). Par contre, la dette des administrations locales en pourcentage du PIB fluctuait entre 6,6 % et 9,2 % (6,8 % fin 1978, 9,0 % fin 2016).
  • Au troisième trimestre 2018, la dette publique de Maastricht s'établit à 2 322,3 Md€, en hausse de 22,5 Md€ par rapport au trimestre précédent. La contribution de l'État à la dette croît de 32,2 Md€, après +19,5 Md€ au deuxième trimestre, pour atteindre 1 860,5 milliards d'euros. La part des organismes divers d'administration centrale reste stable à 60,1 milliards d'euros. Le sous - secteur des administrations publiques locales diminue de 0,4 milliard d'euro à 199 milliards d'euros. La contribution des administrations de sécurité sociale baisse de 9,2 milliards d'euros[118] à 202,7 milliards d'euros.
  • À la fin du deuxième trimestre 2020, la dette publique de Maastricht s’établit à 2 638,3 Md€, en hausse de 199,9 Md€ par rapport au trimestre précédent. Exprimée en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), elle augmente de 12,7 points, soit la plus forte hausse trimestrielle depuis le début de la série au quatrième trimestre 1995. Elle s’établit à 114,1 % du PIB. Le tableau suivant exprimé en milliards d'euros donne la répartition par sous - secteur au deuxième trimestre 2020[119].
La dette de Maastricht des APU en fin de trimestre et sa répartition par sous-secteur
2019 T2 2019 T3 2019 T4 2020 T1 2020 T2
Ensemble des administrations. publiques 2375,0 2414,7 2380 2438,4 2638,3
En points de PIB 99,1 % 100 % 98,1 % 101,4 114,1
dont, par sous-secteur, consolidée :
État 1905,3 1946,9 1911,8 1958,2 2071,6
Organismes divers d'adm. centrale 65,4 65,8 64,9 64,8 63,7
Administrations publiques locales 206,6 205,9 210,3 213,6 216,3
Administrations de sécurité sociale 197,8 196,1 193,1 201,8 286,7

Sur la base des données brutes, il apparaît ainsi que l’accroissement de la dette publique est due principalement à la progression de l’endettement de l’État. À la différence des collectivités locales, il emprunte pour financer des charges courantes et rembourser le capital de ses emprunts par de nouveaux emprunts. L'équilibre réel des budgets locaux prévu par l'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales s'oppose au remboursement d'emprunts par de nouveaux emprunts. En définitive, pour une collectivité locale, le besoin de financement s'identifie à des dépenses d'équipement.

Mais il faut examiner à quel point ces chiffres bruts sont affectés par des effets de transferts et des variations de périmètre entre sous-secteurs.

Après neutralisation des effets de transfert et à périmètre constant

La dette publique totale peut également être obtenue par consolidation des comptes de chacun des sous-secteurs[120]. Elle est ainsi égale à la somme des « dettes consolidées » des sous-secteurs. La répartition de la dette publique totale entre sous-secteurs et le montant de la dette publique consolidée de chaque sous-secteur dépendent non seulement de l’équilibre des dépenses et des recettes de chaque sous-secteur, mais également d’autres facteurs, notamment :

  • les changements d’affectations de recettes et les transferts de compétences entre sous-secteurs– notamment entre l’État et les administrations locales, mais aussi entre l’État et les ODAC ;
  • les variations de « périmètre » des sous-secteurs (reclassements d’un organisme public dans un sous-secteur différent)
  • les transferts d’activité entre les administrations publiques et le secteur privé (si une administration confie à une entreprise privée une mission, toute dette envers cette entreprise est comptabilisée dans la dette publique ; elle ne l’aurait pas été si la mission était remplie par l’administration elle-même).

Les opérations de neutralisation des effets de transfert et des effets de périmètre ne sont pas des opérations simples. Elles permettent de mesurer pour chaque sous-secteur « l’évolution annuelle des dépenses et des recettes en l’absence d’effets de transfert et de périmètre ». Elles montrent que sur la période 2002-2008, la croissance des dépenses publiques (2,3 % par an) a été supportée pour plus de la moitié aux collectivités territoriales, un peu moins d’un tiers aux administrations de sécurité sociale et très peu (environ un sixième) à l’État. Pendant la même période (ainsi que sur la période antérieure 1978-2002), la part des prélèvements obligatoires perçus par les administrations centrales baissait au profit des administrations locales et de sécurité sociale. Ce qui permet au rapport Champsaur & Cotis de conclure : « À des degrés divers, toutes les administrations ont contribué à la dégradation des finances publiques »[121].

Créanciers de l’État

Part des non-résidents dans la détention des titres de la dette négociable de l’État, France, 1993-2017 (%)

L'État s'est volontairement privé de la possibilité de connaître ses créanciers en excluant les personnes morales de droit public du dispositif mis en place en 2014 pour permettre aux entreprises d'identifier leurs obligataires ; en effet, pour que la dette française soit attrayante, il faut respecter l'anonymat des investisseurs[122]. Suivre la circulation de ces titres est très difficile : la rapidité avec laquelle les titres sont échangés et l'internationalisation des marchés, avec de nombreux intermédiaires, compliquent la recherche ; l'équivalent de 10 milliards d'euros de titres change de mains chaque jour, soit deux fois le stock de dette chaque année.

L'État ne connaît donc pas de façon précise les propriétaires des titres de sa dette.

Les statistiques trimestrielles publiées par l'Agence France Trésor (AFT) proviennent de la Banque de France, qui collecte les informations auprès des établissements teneurs de comptes titres : ceux-ci déclarent leurs positions propres et, de façon agrégée, celle de leur clientèle.

La base de données Protide de l'Eurosystème fournit des données complémentaires, ainsi que les 18 banques partenaires Spécialistes en valeurs du Trésor (SVT) de l'AFT. Lors d'une enquête menée par la commission des Finances de l'Assemblée en 2016, un de ces SVT a déclaré qu'en 2015 près de 70 % des achats nets de dette ont été réalisés par des banques centrales ou des fonds souverains. Cela va dans le sens indiqué en 2010 par le directeur de l'Agence France Trésor : 61 % des achats d’obligations françaises de durée supérieure à 2 ans, avaient été le fait de banques centrales étrangères, qui s'en servaient comme réserves de change[123]. Un autre SVT a estimé que les banques centrales autres que la BCE (surtout asiatiques) représentaient un quart de la part détenue par les non-résidents.

La Banque de France détient un peu moins de 20 % de la dette négociable de l'État, qui s’élevait à 1 700 milliards d'euros à la fin 2017, contre moins de 5 % à la fin 2014, en application du vaste programme d'achat de dette publique lancé en mars 2015 par la Banque centrale européenne ; dans ce cadre, c'est la Banque de France qui est chargée d'acquérir les titres français. Du fait de cette intervention massive, la part des détenteurs étrangers a reculé à 55,1 % fin 2017 contre 67,8 % fin 2009[124].

La Banque de France détient en 2020 environ 23 % de la dette publique française[125].

Au quatrième trimestre 2017, les porteurs (et non les propriétaires) français de la dette ne détenaient que 44,9 % des titres de la dette négociable de l'État, contre 55,1 % pour les non-résidents : les assurances françaises 18,0 % (en particulier les fonds euros en assurance-vie), les établissements de crédit français 6,6 %, les OPCVM français 1,3 %, les divers français (surtout Banque de France) 19 %[126] ; les assurances, OPCVM et établissements de crédits sont pour l'essentiel dépositaires de ces titres pour le compte des épargnants, qui en sont les vrais propriétaires.

Selon les sources, les trois plus gros pays étrangers détenteurs de dette française pourraient être en 2011 : les îles Caïmans, le Luxembourg et le Royaume-Uni[127]. Ou bien le Royaume-Uni, le Japon, les États-Unis[128]. Dans les deux cas, plus que les pays détenteurs, il s'agit des pays de transit identifiés, que les véritables détenteurs de titres français utilisent.

La chambre de compensation Euroclear France[129], communique cependant la liste de ses 50 plus gros acheteurs de dette française en 2011 (cette liste ne comprend donc pas les institutions comme les banques centrales, qui n'ont pas à signaler leur portefeuille aux régulateurs)[130]. La liste donnée n'a donc qu'une valeur indicative, car elle ne représente qu'une partie du marché secondaire. Il apparait, sans surprise, que la plupart de ces gros acheteurs sont des compagnies d'assurances, mutuelles ou fonds de pension, qui acquièrent ces titres de dette pour le compte de leurs clients épargnants.

Rang Créanciers Pays
1 AXA Investment Managers Paris France
2 Allianz Global Investors France SA Allemagne
3 MMA Finance France
4 CM-CIC Asset Management France
5 BNP Paribas Asset Management SAS France
6 CNP Assurances France
7 Amundi France
8 Covéa Finance SAS France
9 Matmut France
10 AEGON Investment Management B.V. Pays-Bas
11 Fideuram Asset Management Irlande
12 Pioneer Investment Management Irlande
13 Groupama Asset Management France
14 Pacific Investment Management Co. États-Unis
15 Suravenir France
16 Natixis Assurances France
17 Swiss Life (France) Suisse
18 MAAF France
19 Natixis Asset Management France
20 Eurizon Capital SA Luxembourg
21 UBS Global Asset Management Suisse
22 Standard Life Investments Ltd Royaume-Uni
23 MACSF France
24 Lyxor Asset Management France
25 Credit Suisse Asset Management Suisse
26 State Street Global Advisors UK Ltd Royaume-Uni
27 Monceau Assurances France
28 BNP Paribas Investment Partners France
29 Union Investment Privatfonds GmbH Allemagne
30 BlackRock Global Investors États-Unis
31 Malakoff Médéric France
32 Dexia Asset Management Belgium SA Belgique
33 Scottish Widows Investment Royaume-Uni
34 La Banque Postale Asset Management France
35 ING Investment Management B.V. Pays-Bas
36 ING Investment Management Belgium Pays-Bas
37 Kokusai Asset Management Co Ltd Japon
38 Pioneer Investments Austria GmbH Autriche
39 MACIF Gestion France
40 Erste-Sparinvest Autriche
41 Deka Investment GmbH Allemagne
42 Vanguard Group Inc, The États-Unis
43 DWS Investment GmbH Allemagne
44 La Française des Placements France
45 Legal & General Asset Management France
46 Insight Investment Management Royaume-Uni
47 Halbis Capital Management (France) Royaume-Uni
48 KBC Asset Management SA (Luxembourg) Belgique
49 J.P. Morgan Asset Management Royaume-Uni
50 BNP Paribas Luxembourg SA France

Prévisions budgétaires

Prévisions pluriannuelles : loi de programmation des finances publiques

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 prévoit un recul du solde public de 2,9 % du PIB en 2017 à 0,3 % en 2022, mais l'essentiel de cette baisse est reporté aux années 2020 à 2022 ; la dette publique s’accroîtrait donc de 96,7 % du PIB en 2017 à 97,1 % en 2019, puis s'abaisserait à 91,4 % en 2022[131].

Le projet de loi de finances 2019 prévoit une dette publique de 98,7 % à la fin de 2018 et de 98,6 % fin 2019. À partir de 2020, la réduction du déficit budgétaire et une croissance relativement forte devraient permettre de la réduire plus vite, avec 92,7 % fin 2022[59].

L'article 98 de la loi de finances initiale pour 2019 augmente, pour l’État[132], le besoin de financement de 9 milliards d'euros puisque le déficit progresse du même montant. Pour financer ce besoin, le même article prévoit une progression des emprunts à long et moyen terme de 5 milliards d'euros et des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État de 4 milliards d'euros. Dans ces conditions, la dette publique des administrations publiques frôlerait 100 % du PIB.

Fin juin 2019, le gouvernement revoit ses ambitions à la baisse :

  • la prévision de déficit s'établirait respectivement pour les années 2019, 2020, 2021 et 2022 à 3,1 %, 2,1 %, 1,7 % et 1,3 % ;
  • la dette prévisionnelle en % du PIB atteindrait 98,9 % pour les années 2019 et 2020, 98,3 % en 2021 et 97 % en 2022[133]

Même si la loi de programmation des finances publiques n'a pas été actualisée, la crise sanitaire que provoque la pandémie de Covid19 bouleverse les prévisions. Ainsi, le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020 estime que le déficit et la dette publique atteindraient respectivement 11,4 % du PIB et plus de 120 % du PIB[134].

Prévisions annuelles : lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale

Chaque année, les lois de finances initiales et rectificatives inscrivent les crédits budgétaires nécessaires au paiement des intérêts de la dette contractée par l'État. En revanche, le remboursement des emprunts en capital est constaté au tableau de financement. Ainsi, la charge de la dette est une opération budgétaire alors que l'amortissement des emprunts est une opération de trésorerie[135].

Les lois de financement de la sécurité sociale ne contiennent pas de dispositions budgétaires spécifiques pour prévoir l'évolution future de la dette sociale[136].

Dans le secteur public local, il n'existe pas de loi de programmation intéressant l'ensemble des collectivités locales et de leurs établissements publics. C'est pourquoi, dans son rapport[137], le député Jean-René Cazeneuve invite à « tirer les leçons de la crise sanitaire » en créant «une loi de programmation des finances locales», afin de « donner de la visibilité aux élus et réduire leur dépendance vis à vis de l'Éat ».

Dette publique française dans une perspective internationale

Dette publique française et Union économique et monétaire européenne

La mise en place d’une monnaie commune, au sein d’une union économique et monétaire, agit comme une mutualisation des risques sur les dettes, le taux de change de la monnaie servant comme variable d’ajustement en cas de crise de dette extérieure ; cette situation conduit à une convergence des taux d’intérêts d’emprunt des pays membres. Ainsi, l’ensemble des pays de la zone euro qui, au sein de l’Union européenne, ont adopté l’euro ont connu une convergence forte des taux d’intérêts sur la dette, qui ne sont séparés que par quelques dixièmes de points[138].

Cependant, cette mutualisation incite chaque pays à se comporter en « passager clandestin », c’est-à-dire à augmenter son endettement national pour couvrir des dépenses de court terme, en sachant qu’il n’aura pas à subir en conséquence une hausse de ses taux d’intérêt d’emprunt. Lors de la signature du Traité de Maastricht, un pacte de stabilité et de croissance[139], pourvu de critères de convergence, a donc été mis en place, prévoyant :

  • un déficit public annuel qui ne devrait pas excéder 3 % du PIB[140]. En 2017, le déficit de la France était de 2,7 % du PIB contre 1 % pour la zone euro et l'union européenne à 28[141].
  • un objectif de solde structurel : l'article 3, §1, a) du Pacte budgétaire européen correspond à l'objectif à moyen terme spécifique à chaque pays, tel que défini par le Pacte de stabilité et de croissance révisé, avec une limite inférieure de -0,5 % du produit intérieur brut aux prix du marché. D'après l'article 3, §3, b) du TSCG[142], le solde structurel annuel des administrations publiques signifie le solde annuel corrigé des variations conjoncturelles, déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires. La France ne respecte ni le déficit public annuel de 3 % ni le déficit structurel de 0,5 %.
  • une dette publique « au sens de Maastricht » qui devrait rester inférieure à 60 % du PIB[143]. L'article 4 du TSCG prévoit que la partie contractante au TSCG réduit une dette publique supérieure à 60 % du PIB à un rythme moyen d'un vingtième par an, à titre de référence ainsi que le prévoit l'article 2 du règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, modifié par le règlement (UE) n°1177/2011 du Conseil du 8 novembre 2011. Lorsqu'il est supérieur à la valeur de référence, le rapport entre la dette publique et le PIB est considéré comme diminuant suffisamment et s'approchant de la valeur de référence à un rythme satisfaisant conformément à l'article 126, §2, point b), du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, si l'écart par rapport à la valeur de référence s'est réduit sur les trois années précédentes à un rythme moyen d'un vingtième par an, à titre de référence numérique fondée sur les changements survenus au cours des trois dernières années pour lesquelles les données sont disponibles. L'exigence concernant le critère de la dette est considérée comme remplie si les prévisions budgétaires établies par la Commission indiquent que la réduction requise de l'écart se produira au cours de période de trois ans couvrant les deux années qui suivent la dernière année pour laquelle les données sont disponibles. Pour un État membre soumis à une procédure concernant les déficits excessifs à la date du 8 novembre 2011 et pendant une période de trois ans à compter de la correction du déficit excessif, l'exigence relative au critère de la dette est considérée comme remplie si l'État membre concerné réalise des progrès suffisants vers la conformité, tels qu'évalués dans l'avis formulé par le Conseil sur son programme de stabilité ou de convergence. Lors de la mise en œuvre de la référence d'ajustement du ratio de la dette, il convient de tenir compte de l'influence du cycle sur le rythme de la réduction de la dette.

Respect des critères depuis 1999

Depuis son adhésion à la zone euro en 1999, la France se doit de respecter ces critères ; la Commission européenne surveille le déficit public et l’évolution de la dette des pays membres, et peut engager une procédure pour endettement et déficit excessif. Les États européens s'engagent régulièrement sur des objectifs de réduction de dette et de déficit, par exemple de réduction du déficit de 0,5 % par an. La Commission européenne et la BCE font pression pour éviter le « laxisme » et le comportement de « passager clandestin » de pays européens. En cette matière, la France apparaît comme un des plus mauvais élèves : fin 2017, elle restait l'un des trois pays de l'Union européenne encore sous le coup de cette procédure, avec le Royaume-Uni et l’Espagne, alors qu’ils étaient 24 en 2011[144].

En mars 2005, le pacte de stabilité est assoupli à la suite des pressions de l'Allemagne et de la France, engagées dans la procédure pour déficit excessif. En novembre 2006, la Commission abroge la procédure de déficit excessif engagée à l'égard de la France à la suite du retour du déficit sous les 3 %[145].

Périodiquement, la France communique ses scénarios prévisionnels de déficits[146] et prend des engagements envers la Commission européenne sur l'évolution des finances publiques de la France. La France s'est engagée vis-à-vis de ses partenaires européens à réduire sa dette publique en dessous de 60 % du PIB, contre 64,5 % fin 2006. En décembre 2005, Dominique de Villepin l'avait fixé pour objectif à l'horizon 2010[147]. Nicolas Sarkozy a ensuite repoussé l'objectif à 2012, puis la crise de 2008 a fait exploser la dette, qui atteint 85,3 % en 2012[148].

La Banque centrale européenne (BCE) a rappelé qu’elle « n’avait pas vocation à être prêteur en dernier ressort des États » ; plusieurs pays membres présentent des ratios d’endettement préoccupants, et leurs dettes ont des notations dégradées (Grèce, Italie, Portugal en particulier)[149].

En janvier 2012, l’agence de notation financière Standard & Poor's avait dégradé la note de la dette publique française, l'abaissant de AAA (meilleure notation existante sur une échelle de 22) à AA+, puis avait en novembre 2013 à nouveau abaissé cette note à AA ; en octobre 2016, elle maintient la note AA mais passe sa perspective de « négative » à « stable »[150].

On trouve la définition du « déficit public excessif » à l'article 126 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne[151]. D'après Sophie Baziadoly[152] « la réforme du Pacte de stabilité et de croissance impose une obligation de désendettement avec une réduction chiffrée de la dette à raison d'1/20e de la différence entre le ratio d'endettement atteint et le plafond de 60 % prescrit. La Commission européenne pourra analyser ce critère en tenant compte des différentes composantes de l'endettement national (dette bancaire, sociale, privée, maturité des titres souverains…) avant d'ouvrir une procédure d'infraction. »

Le 23 mars 2020, en raison de la crise sanitaire, le Conseil européen a décidé le déclenchement de la clause dérogatoire qui permet de s’écarter des obligations qui s’appliquent en temps normal[153].

Comparaison de l'endettement au sein de la zone euro

La dette publique française de 99,1 % au deuxième trimestre 2018 se situe au-dessus du niveau moyen de dette des pays de la zone euro : 86,3 % et a fortiori du niveau moyen de l’UE-28 : 81,0 %[154]. Son évolution est plus inquiétante que celle des autres pays de la zone euro : au sein de la zone euro, la dette publique est passée de 69,6 % du PIB en 2000[155] à 89,16 % en 2013 ou près de 20 points en plus ; sur la même période, en France, la dette publique est passée de 57,3 %[156] à 99,35 %, soit 42 points de plus.

En 2017, le tableau Eurostat de suivi de l'endettement de la France au sens du traité de Maastricht se présente de la manière suivante :

État membre : France Années
données en millions de monnaie nationale 2013 2014 2015 2016 2017
Prêteur net (+) emprunteur net (-) Définitif Définitif Semi-définitif Estimé Prévu
Total pays -87 477 -84 333 -78 832 -75 957 -66 994
- gouvernement central -69 711 -72 325 -74 471 -76 376 -74 572
- gouvernement local -8 515 -4 871 -384 2 760 3 328
- organismes de sécurité sociale -9 250 -7 138 -3 976 -2 340 4 250
Dette brute consolidée du gouvernement général Définitif Définitif Semi-définitif Estimé Prévu
Niveau à la valeur nominale atteinte à la fin de l’année 1 954 941 2 040 380 2 101 200 2 150 950 2 214 791
Par catégorie :
Monnaie et dépôts 39 276 37 990 39 084 36 455
Dettes garanties 1 630 021 1 705 069 1 760 566 1 817 318
- court terme 199 761 196 824 178 353 168 025
- long terme 1 430 260 1 508 245 1 582 213 1 649 293
Autres emprunts 285 644 297 321 301 550 297 177
- court terme 8 186 11 800 14 445 13 279
- long terme 277 458 285 521 287 105 283 898
Dépenses du gouvernement général en :
- formation brute de capital fixe 84 295 79 638 74 985 75 141 76 366
- intérêts consolidés 48 188 46 519 44 453 42 016 40 504
Produit intérieur brut aux prix de marché courant 2 115 256 2 147 609 2 194 243 2 228 858 2 283 601
Source : Eurostat, 16/10/2017[157]

Comptabilisation des engagements de la France dans les mécanismes d'aide au pays européens en crise

Les engagements de la France dans les mécanismes de soutien sont depuis juillet 2011 comptabilisés dans la dette publique. Ils s'élèvent en juillet 2011 à 15 milliards d'Euros[158]. Il s'agit de garanties données notamment au FESF pour qu'il puisse prêter aux pays en crise. Elles ne deviendraient exigibles que si les dits pays ne pouvaient pas rembourser leurs prêts.

Comparaison de l’endettement avec les autres pays développés

Des pays développés tels que le Japon, l’Italie et les États-Unis ont des niveaux d’endettement public plus élevés que le niveau français. La dette brute du secteur public du Japon atteint 232,1 % du PIB au 3e trimestre 2017, contre 112,9 % pour la France, selon les critères du Fonds Monétaire International ; la dette de l'Italie est à 134,1 % du PIB et celle des États-Unis à 124,3 %[159] ; le cas du Japon est cependant particulier, en raison d'une épargne financière publique élevée (85 % du PIB)[160] et du fort taux d'épargne privé. La dette publique du Japon atteignait, selon l’OCDE, 9266 milliards d’euros en mars 2017, soit 246,6 % du produit intérieur brut (PIB), c’est la plus élevée du monde. La dette nippone est pourtant toujours considérée comme une valeur refuge ; malgré son niveau, elle n’expose pas le pays à un risque de défaut de paiement, parce qu'elle est pour l’essentiel détenue par les Japonais eux-mêmes, et parce que le pays est dans son ensemble un créancier du monde. En septembre 2016, selon le Ministère des finances, 36,7 % l’étaient par la Banque du Japon, 24,7 % par les institutions financières du pays et 21,8 % par les assureurs locaux. Seuls 6,7 % étaient aux mains d’étrangers, contre 60 % pour la dette française[161].

Selon l'OCDE, la France avait un endettement public net de 42,5 % en 2006, inférieur à celui de la zone euro, estimé à 50,3 % et à celui des États-Unis (43,4 %)[162].

Soutenabilité de la dette

La mesure et l'évolution de la soutenabilité

La croissance de l'endettement des principaux pays développés, à partir des années 1980, a conduit certains économistes à définir et évaluer la soutenabilité[163] de la dette publique d'un pays.

La Commission européenne a publié son rapport 2018 sur la soutenabilité de l’endettement public dans les pays de l’Union européenne[164]. S'agissant de la soutenabilité à court terme[165], la Commission examine les risques de survenance d’une « crise des finances publiques » à moins d’un an. Une « crise » est caractérisée par un défaut de paiement, une restructuration des dettes ou l’apparition d’une prime de risque (écart entre le taux d’intérêt des emprunts de l’État considéré et celui d’un emprunt sans risque, en général une obligation fédérale allemande) supérieure à sa moyenne historique majorée de deux fois son écart-type. Le risque de crise est apprécié sur la base d’une série de 25 variables à la fois budgétaires (solde structurel…) et macroéconomiques (solde des transactions courantes…) et de seuils spécifiques à chacune de ces variables dont le franchissement a été un signal précurseur d’une crise dans le passé. La position du pays par rapport à chacun de ces seuils, en deçà ou au-delà, est synthétisée dans un indicateur global, dit S0, pour lequel il est également possible de définir un seuil au-delà duquel une crise est probable. La France ne présentait pas un risque de soutenabilité à court terme.

Pour ce qui concerne la soutenabilité à moyen terme, la Commission européenne retient un indicateur, dit S1, qui mesure l’écart entre le déficit primaire structurel prévu pour 2020 et celui qui permettrait de ramener la dette à 60 % du PIB à l’horizon de 2033 s’il était constaté chaque année à partir de 2025 après une baisse de 2020 à 2025. Pour la France, l’effort structurel requis pour ramener la dette publique à 60 % du PIB représente 4,2 points de PIB, soit 1,0 point pour stabiliser la dette, puis 2,8 points pour la ramener à 60 % du PIB et 0,4 point pour compenser l’effet du vieillissement sur les dépenses publiques. Cet effort est supérieur à l’effort moyen requis dans la zone euro (2,1 points) et l’Union européenne (1,4 point).

S'agissant de la soutenabilité à long terme, à partir d’un certain moment, la dette doit être indéfiniment stable en pourcentage du PIB, quel que soit ce pourcentage. L’indicateur dit S2 mesure l’écart entre le solde primaire structurel de 2020 et celui qui permettrait cette stabilisation s’il était constaté chaque année à partir de 2021 sur une durée infinie. Pour la France, il est de - 0,1 % du PIB, alors qu’il est nettement positif pour la zone euro (+ 1,8 % du PIB) et l’Union européenne (+ 2,0 %). En effet, si la stabilisation de la dette requiert un effort plus important en France, l’impact du vieillissement est bien plus favorable.

La persistance de déficits publics élevés remet en cause cette soutenabilité. Les résultats des nouvelles approches de la soutenabilité des finances publiques au sens macroéconomique sont également présentés dans un chapitre des perspectives économiques de l’OCDE de l’automne 2016. L’OCDE considère que la probabilité de défaut de paiement est quasiment nulle dans la plupart des pays avancés, à l’exception notable du Japon, de l’Italie et, dans une moindre mesure, de la France. L’OCDE présente ainsi un graphique (page 10 du chapitre 2) où la France se situe à proximité de la zone dangereuse dans laquelle la probabilité d’un défaut de paiement croît rapidement[166]. Néanmoins, le programme de stabilité 2017 - 2020 publié en avril 2017 par le ministère des Finances (Michel Sapin) affirmait que l'indicateur de soutenabilité[167] permettrait d'affirmer que la stabilisation de la dette à long terme serait assurée même si le solde structurel primaire était maintenu à son niveau de 2016 sur la période 2017 - 2020.

Le guide des pratiques recommandées n°1 de l’IPSASB envisage la soutenabilité à long terme des entités financières pour ce qui concerne la dette publique. Il s'agit de savoir si une entité publique a la capacité à respecter ses engagements financiers à mesure qu'elle est due ou à refinancer ou augmenter la dette si nécessaire. Il concentre également l'attention sur la question de savoir si l'entité est vulnérable à la confiance du marché et du prêteur et sur le risque de taux d'intérêt[168].

Le solde stabilisant

Le solde stabilisant est le solde public qui, exprimé en part de PIB, conduirait à stabiliser le ratio de la dette publique au PIB, hors effets liés par exemple à des achats ou ventes d’actifs[169],[170]. Ce déficit stabilisant est estimé à 2,1 points de PIB en 2016. Dépendant de la croissance et du niveau d'endettement, il n'est identique au déficit budgétaire maximum fixé à 3 % par le traité de Maastricht que dans des situations particulières, par exemple pour une croissance en volume de 3 %, une inflation de 2 % et un rapport de la dette au PIB de 60 %.

Quoi qu’il en soit, depuis 2005, sauf en 2006 et en 2007, la France ne connaît pas de solde stabilisant puisque le stock de dette publique n’a cessé d’augmenter. Le solde public a été supérieur au solde stabilisant en 2006 et 2007 et la dette publique est revenue de 67,2 à 64,4 % du PIB. Ensuite, il est devenu inférieur au solde stabilisant, avec un écart très important en 2009 et 2010 qui s’est resserré fortement en 2011, plus progressivement sur 2012-2015. En 2016, le solde stabilisant a augmenté parce que la croissance du PIB en valeur a ralenti. En 2017, le solde public (2,6 % du PIB) était quasiment égal au solde stabilisant (2,7 %).

Le problème de la maîtrise de la dette

En février 2019, le rapport annuel de la Cour des comptes critique « l'insuffisance et la grande fragilité du redressement opéré jusqu'à présent », qui place la France « en décalage croissant avec les autres pays européens » avec un déficit structurel qui devrait se rapprocher en 2019 des deux plus mauvais élèves européens, l'Italie et l'Espagne et conclut : « Le haut niveau d'endettement et le niveau important de déficit ne laissent donc que peu de marges de manœuvre, notamment en cas de retournement de la conjoncture ou de situation de crise »[171].

En 2011 déjà, dans son rapport annuel, la Cour des comptes s’inquiétait de ce que la dette publique pourrait atteindre dès 2012 le seuil de 90 % du PIB au-delà duquel, selon certaines études, la croissance du PIB pourrait être diminuée, 100 % du PIB en 2016 et dépasserait 110 % du PIB en 2020.

Causes de la montée de la dette depuis trente ans

La dette ne monte jamais que pour une seule raison : des dépenses durablement supérieures aux recettes, et le financement de la différence par l'emprunt.

Deux types d'analyse se développent :

  • celles portant sur le choix d'emprunter au lieu d'égaliser dépenses et recettes ;
  • celles dénonçant des dépenses jugées excessives (par exemple sociales ou militaires) et des recettes considérées comme « manquantes ».

Les recettes « manquantes » sont de différentes natures, on cite souvent :

  • la chute des recettes due au ralentissement de l'activité économique et de la montée du chômage[172] ;
  • l'évasion fiscale qui représenterait, d'après l'ONG Oxfam, 60 à 80 milliards d'euros par an[173] d'impôts non collectés en France ;
  • les « cadeaux » fiscaux : c'est-à-dire les taxes et impôts initialement prélevés et que l’État décide de supprimer (comme la suppression de la taxe d'habitation [174] ou de l'ISF[175]) ;
  • la fraude sociale : les fausses déclarations patronales (soit 25 milliards d'euros par an[réf. nécessaire][176]) et la fraude aux prestations sociales (soit 350 millions d'euros par an[177]). La fraude sociale, telle que caractérisée en droit français dans l'article L. 114-16-2 du code de la sécurité sociale, est donc imputable à hauteur de 98,6 % aux entreprises[réf. nécessaire].
  • la vente d'actifs qui rapportent (voir les privatisations en France, des autoroutes[178], française des jeux[179], aéroports de Paris[180],[181]).

Le traité de Maastricht limite l’influence de l’État sur son emprunt et les taux associés.

Dépenses durablement supérieures aux recettes

En 2016, les dépenses publiques de la France rapportées au PIB se placent au 1er rang mondial des pays classés par l'OCDE[182]. Il n'est pour autant aucunement assuré que le niveau élevé des dépenses publiques garantisse leur efficacité[183].

Total des prélèvements obligatoires, en % du PIB, dans quelques pays de l'OCDE, 1965-2015[184]
Pays 1965 1975 1985 1995 2000 2007 2014 2015 2016 2017p
France 33,6 34,9 41,9 41,9 43,1 42,4 45,4 45,3 45,5 46,2
Italie 24,7 24,5 32,5 38,6 40,6 41,7 43,5 43,1 42,6 42,4
Allemagne[n 1] 31,6 34,3 36,1 36,2 36,2 34,9 36,7 37,0 37,4 37,5
Danemark 29,1 37,0 43,9 46,5 46,9 46,4 48,5 46,1 46,2 46,0
Espagne 14,3 18,0 26,8 31,3 33,4 36,5 33,6 33,6 33,2 33,7
États-Unis 23,5 24,6 24,6 26,5 28,2 26,7 26,0 26,2 25,9 27,1
Royaume-Uni 29,3 34,2 35,1 29,8 32,8 33,0 31,8 32,2 32,7 33,3
Moyenne OCDE[n 2] 24,8 28,6 31,5 33,3 34,0 33,8 33,6 33,7 34,0 34,2

Recettes et dépenses publiques de la France, 1980-2017
Source : Eurostat[185]

Comme le montre le tableau ci-dessus, la France est le pays où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés. Pourtant les recettes des administrations publiques demeurent en permanence largement inférieures à leurs dépenses :

Recettes et dépenses des administrations publiques en % du PIB, en France, 1995-2015[185]
France 1980 1990 2000 2009 2010 2015 2016 2017
Dépenses publiques 46,4 % 50,1 % 51,7 % 57,2 % 56,9 % 56,8 % 56,7 % 56,5 %
Recettes publiques 46,0 % 47,7 % 50,3 % 50,0 % 50,0 % 53,2 % 53,2 % 53,8 %
Besoin de financement 0,4 % 2,4 % 1,3 % 7,2 % 6,9 % 3,6 % 3,5 % 2,7 %

Les recettes publiques suivies par Eurostat (tableau ci-dessus) englobent, en plus des prélèvements obligatoires, l'ensemble des recettes non fiscales des administrations publiques.

Choix de la dette : est-ce si absurde ?

Dans la mesure où, au début 2019, l’État emprunte à des taux négatifs pour les durées de 5 ans et moins, et où même pour des échéances plus lointaines le taux est inférieur aux anticipations d'inflation (soit un taux d'intérêt réel négatif), plus il emprunte plus il s'enrichit[186],[187]. Les autres agents économiques du pays n'ont pas cette possibilité et il est dès lors bénéfique à la collectivité dans son ensemble d'emprunter plutôt que de taxer.[réf. nécessaire]

Le problème n'est alors pas tant l'endettement lui-même, que d'une part l'usage qui est fait des ressources obtenues, et d'autre part le risque, le jour où l’endettement redevient cher, de ne pas savoir s'en passer (c'est-à-dire être capable de réduire les dépenses ou d’accroître les impôts) : une hausse de 1 % des taux d’intérêt alourdirait les remboursements de l’État de plus de 2 milliards l’année suivante, et de presque 20 milliards au bout de dix ans[188].

Même lorsque l’emprunt est plutôt nuisible à la collectivité, il peut être rationnel pour le responsable d'y recourir : l'emprunt permet de faire bénéficier l'électeur de biens publics immédiats, à un prix reporté à plus tard, et payé par d'autres[189].

Fonctionnement des gouvernements

En France usuellement les gouvernements entendent par réduction des dépenses non pas une baisse des dépenses mais une augmentation plus faible que celle de l'inflation. D'où en cas d'inflation faible des problèmes qui poussent en septembre 2014 le ministre des finances Michel Sapin à envisager une réduction plus limitée des dépenses que prévu[190]. Dans son article 5, la loi de programmation des finances publiques 2018 - 2022[191] prévoit une diminution des dépenses publiques sur la période : en points de produit intérieur brut, la dépense publique passerait de 53,9 en 2018 à 50,9 en 2022. Cette baisse ne doit pas faire illusion. En effet, l'article 8 de cette loi de programmation précise le taux de croissance des dépenses publiques en volume, hors crédits d'impôt et transferts, corrigées des changements de périmètre. La précision révèle un ralentissement de la progression de la dépense et non une diminution de la dépense : toutes administrations publiques confondues, le taux de croissance de la dépense publique varie de + 0,9 % en 2018 à + 0,1 % en 2022.

Une tribune publiée en 2014 par « Les Arvernes », collectif composé de hauts fonctionnaires, de chefs d'entreprise et de professeurs d'université, les responsables de cet échec seraient au nombre de cinq[192] :

  1. les politiques de gauche et de droite qui n'ont pas fait grand-chose ;
  2. la haute fonction publique qui, certes, a produit de nombreux rapports mais « dont on ne peut s'empêcher de se demander à quoi servent ces corps administratifs si peu écoutés » ;
  3. l'Europe qui a fait preuve d'une « terrible faiblesse » dans l'application des règles ;
  4. les économistes et les commentateurs qui ont cru peser sur les décisions et qui, en fait, n'ont pas été entendus ;
  5. la génération des baby-boomeurs.

Selon eux, il y aurait trois urgences[192] :

  1. examiner le « périmètre de l'action publique » ;
  2. faire que la prévision de croissance sur laquelle le budget est bâti ne soit plus réalisée par le ministère des finances ;
  3. faire un travail de pédagogie sur la dépense publique.

Baisse de la fiscalité sans baisse des dépenses au début des années 2000

Pour une partie des économistes l'endettement est en grande partie liée à la baisse de la pression fiscale opérée depuis le début des années 2000 par les gouvernements successifs. Jean-Philippe Cotis et Paul Champsaur estimaient en 2010 que si la fiscalité n'avait pas changé depuis 1999, « la dette publique serait environ 20 points de PIB plus faible aujourd'hui qu'elle ne l'est en réalité »[193] ; à leur avis, « il eût été préférable que (la baisse des prélèvements obligatoires) soit entièrement gagée par un effort équivalent sur les dépenses »[194]. Les auteurs concluaient qu'« un ajustement important de nos finances publiques est donc nécessaire » ; pour contenir la dette publique à 90 points de PIB en 2020, « l’effort à accomplir par rapport aux tendances spontanées des dépenses et des recettes peut être évalué à environ 0,7 point de PIB d’effort supplémentaire par an pendant dix ans »[195].

Le collectif Pour un audit citoyen de la dette publique pointe essentiellement sur les « cadeaux fiscaux octroyés depuis plus de dix ans aux plus riches ». Il s'interroge aussi sur la possibilité d'emprunter directement auprès des banques centrales plutôt que sur les marchés. En effet selon lui cela permettrait d'emprunter à des taux moins chers[196]. Enfin, il envisage la constitution d'un tribunal de la dette[196].

Le magazine L’Économie politique détaille en 2009 les montants d'impôts non payés selon lui du fait des paradis fiscaux pour quelques pays : en France, l'État perdrait au minimum 40 à 50 milliards d'euros par an, soit environ 3 % du PIB[197].

Crise de 2008 et politiques de relance

Fin 2008, la crise financière de 2007-2010 pousse d'abord le gouvernement à soutenir le secteur bancaire puis à lancer un plan de relance pour soutenir l'économie lors de la Crise économique de 2008-2009. Cela, joint à des moindres rentrées fiscales liées à la crise (notion de stabilisateur automatique) et à des réductions d'impôts régulières, pousse la dette à la hausse comme c'est le cas également dans la plupart des pays. La dette passe de 63,8 % du PIB en 2007 à 77,4 % du PIB en 2009 et, selon les prévisions, à 83,2 % en 2010[198].

En 2009, la commission Juppé-Rocard chargée de proposer les axes et le montant du Grand Emprunt voulu par le président de la république, opte pour un montant plus faible de 35 milliards que celui avancé dans un premier temps. Ce rapport intitulé Investir pour l'Avenir ; priorités stratégiques d'investissement et emprunt national[199] met surtout l'accent sur des investissements favorisant l'innovation (développement durable, universités et recherche notamment) qui devraient générer un supplément de croissance de 0,3 % par an[198].

S'agissant des politiques de relance, Paul Fabra intitule l'une de ses chroniques « une relance keynésienne, ça n'a jamais existé ! »[200]. Il explique : « Aussi incroyable que cela puisse paraître, aucun institut de recherche n a jamais entrepris, par étude minutieuse de l'histoire économique, de vérifier l'efficacité ou non d'une relance dite « keynésienne » : abaissement des taux d'intérêt et dépenses publiques (en principe : d'investissement) venant relayer un secteur privé défaillant ».

Sur la relance budgétaire, les études économiques les plus récentes paraissent contradictoires :

  • en réponse au rapport public annuel 2013 de la Cour des comptes[201], le ministre de l’Économie et des Finances citait une étude du Fonds Monétaire International (FMI) publiée sous la direction d’Olivier Blanchard[202] pour affirmer : « il est en outre justifié économiquement de faire porter la majorité de l'effort de redressement sur les recettes en période de bas de cycle : les multiplicateurs budgétaires à court terme sont en effet nettement plus élevés sur les dépenses, et une consolidation trop axée sur les dépenses à court terme risquerait d'être contre-productive, notamment pour l'emploi » ;
  • toutefois, une étude menée par Mc Kinsey sur le fondement du modèle économétrique utilisé par le FMI montre qu’une relance par la dépense publique produit, à l’horizon de 5 ans, un effet récessif[203] ;
  • de leur côté, malgré les erreurs de calcul qu’ils reconnaissent, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff estiment qu’une dette publique élevée, supérieure, respectivement à 60 % et à 90 %, amputent une partie de la croissance économique aussi bien dans les économies développées que dans celles qui sont en voie de développement[204].

Crise de 2020

En 2020, les mesures de confinement prises par le gouvernement en réaction à la pandémie de Covid-19 et la fermeture des frontières ont arrêté l'activité de plusieurs secteurs de l'économie pendant près de deux mois, ce qui a causé une augmentation des dépenses publiques et une réduction des recettes fiscales, donc une augmentation du déficit public prévu à 11 % du PIB pour 2020. La Cour des comptes prévoit que la dette publique devrait dépasser 120 % du PIB[205].

En janvier 2021, le chef de la mission du FMI en France, Jeffrey Franks, déclare que « la dette en France est élevée et nous pensons que le moment est venu d’élaborer et d’approuver un plan d’assainissement budgétaire crédible à moyen terme »[206].

Analyses économiques : conséquences de la dette française

Les économistes ne préconisent pas une dette nulle, ils mettent en garde contre des effets négatifs du recours à l'endettement. Patrick Artus montre qu’il « est optimal de réduire la dette si elle est élevée », car « une hausse supplémentaire de la dette réduit le bien-être, l’effet dominant étant la réduction du capital productif et la hausse des impôts alors que le revenu est déjà faible ». Par ailleurs, un « niveau nul de dette publique n’est peut-être pas optimal »[207]. C'est l'effet d'éviction. Celui ci est lié à l'usage qui est fait des sommes empruntées : au lieu de s'investir dans des spéculations productives de richesses, elles sont utilisées par la sphère publique pour son fonctionnement.

« Bonne » ou « mauvaise » dette ?

Antonio Fatas (INSEAD), Rex Ghosh (FMI), Ugo Panizza (Genève), Andrea Presbitero (FMI) recensent les motifs de la dette[208]. Certains seraient selon eux associés à une « bonne » dette :

  • le moindre recours à l'impôt, notamment pour financer l'effort de guerre ou, en temps de paix, les fluctuations relatives aux cycles des affaires ;
  • la stimulation keynésienne de la demande ;
  • la gestion des actifs publics ;
  • la défaillance du secteur privé.

D'autres motifs seraient liés à une « mauvaise » dette, notamment en cas de surendettement.

Selon Dominique Hoorens, tout déficit public, autrement dit tout alourdissement de la dette publique, « devrait être structurellement réservé au financement d'investissements qui viendront accroître le patrimoine collectif de la nation » (« bonne dette »), alors que la « mauvaise dette » ne sert qu'à financer en continu des dépenses publiques courantes[209]. La dette des collectivités locales ne représente a priori qu'une dette liée aux investissements, puisque le CGCT fait obligation aux collectivités locales de voter en équilibre leurs budgets de fonctionnement. L'État impose cette règle aux collectivités territoriales, mais pas aux administrations de sécurité sociale, et ne la respecte pas lui-même : le produit des emprunts est versé dans la caisse unique qui alimente les dépenses de toutes nature (investissement et fonctionnement), de sorte qu'il n'est ni possible ni même permis de relier directement un emprunt à une dépense qu'il serait « bon » ou « mauvais » de financer par emprunt[210]. Il est toutefois possible de comparer les montants empruntés aux investissements. Grâce aux annexes des projets de lois de règlement qui présentent, depuis 2006, la section de fonctionnement et la section d'investissement de l'État[211], il est possible d'avancer que la dette a financé surtout des dépenses de fonctionnement.

La "bonne dette" pourrait être liée au financement d'actifs publics générateurs de flux de trésorerie et de potentiels de services futurs, conformément à leur définition internationale[212]. Seule une évaluation des politiques publiques est de nature à contrôler la vocation des actifs publics.

Les remboursements de capital sont compensés par la souscription de nouveaux emprunts, comme le montre l'article 57 d'équilibre de la loi de finances 2018[213] ou l'article 2 de la loi de règlement 2016[214]. C'est l'illustration de la cavalerie budgétaire : des emprunts nouveaux remboursent les emprunts anciens. Depuis 2006 au moins[215], le contribuable n'a pas remboursé le capital.

Remboursement en capital des emprunts d'État par de nouveaux emprunts (milliards d'euros)
Années Emprunts remboursés Emprunts nouveaux
2006 89,90 86,15
2007 79,6 118,51
2008 112,8 191,7
2009 125 259
2010 110 192
2011 120 201
2012 123 200
2013 136 205
2014 134 212
2015 150 221
2016 153 216
2017 144 216
2018 116,6 195
2019 130,2 200

Source : compte général de l'État - tableau des flux de trésorerie. À partir de 2018, le tableau des flux de trésorerie sera supprimé[216]. Dès lors, l'information correspondante devra être recherchée dans les lois de règlement.

Selon Patrick Artus, la dette publique française est essentiellement une « mauvaise dette » qui reporte sur les générations futures le coût de frais de fonctionnement des administrations publiques et de dépenses de consommation trop importantes[217] ; de même, le Rapport Pébereau sur la dette publique écrit : « Depuis 25 ans, la plupart du temps (19 années sur 25), le déficit public (et donc la dette correspondante) n’a pas servi à financer de nouveaux éléments d’actifs mais d’autres dépenses : le renouvellement des équipements existants et des dépenses de fonctionnement courant »[218]. La dette des collectivités locales ne représente a priori qu'une dette liée aux investissements, puisque le CGCT fait obligation aux collectivités locales de voter en équilibre leurs budgets de fonctionnement (ce qui n’est pas le cas de l'État et des administrations de sécurité sociale).

Lors de la campagne présidentielle française de 2007, les candidats Nicolas Sarkozy[219] et François Bayrou[220] ont proposé que soit rendu inconstitutionnel le recours à l’emprunt pour équilibrer le budget, sauf pour les montants empruntés affectés à un accroissement du patrimoine public (un investissement). Les notions de « bonne dette » (permettant d’accroître le patrimoine public et les équipements collectifs) et de « mauvaise dette », celle-ci correspondant à des dépenses de fonctionnement non financées par les recettes, ont alors été utilisées.

Des hommes politiques ont même demandé que les dépenses de fonctionnement comme l’éducation ou le financement de la recherche soient considérées comme des investissements[221].

En 2020, dans le contexte des nouveaux endettements publics consécutifs à la pandémie du Covid-19, le débat "bonne" ou "mauvaise" dette refait surface[222].

De son côté, à l'instar de Smith et de Ricardo, Paul Fabra associe, le cas échéant, le recours à l'emprunt aux dépenses productives, dans les termes suivants : « D'un point de vue économique, la dette publique ne pose problème que dans la mesure où elle finance des dépenses improductives au sens strict du terme… Pour éviter toute confusion, improductif ne signifie pas inutile, et il arrive souvent qu'une dépense que l'on peut qualifier d'improductive (parce qu'elle n'est pas financièrement rentable) soit indispensable et plus utile qu'un investissement économique. La distinction ne vaut que pour le mode de financement. Faut-il rappeler que pour les dépenses improductives, le seul mode de financement que l'on puisse recommander, c'est l'impôt ? »[223].

Au demeurant, même pour financer des dépenses extraordinaires, David Ricardo, en 1817, mettait en garde contre le recours à l'emprunt, en ces termes[224] : « Il ne faut pas conclure de mes propos que je considère l'emprunt comme le système le plus adapté pour couvrir les dépenses extraordinaires de l'État. C'est un système qui tend à nous rendre moins économes, à nous aveugler sur la situation réelle ».

Appauvrissement du secteur public français

En 2016, le patrimoine des administrations publiques continue à diminuer. L'endettement augmente, mais il ne sert pas à accroître le patrimoine public, au contraire même, c'est ce patrimoine qui est mis à contribution pour contribuer au fonctionnement courant. Ainsi, le patrimoine net des administrations publiques continue de diminuer et s’établit à 190 milliards d’euros fin 2016, contre 255 milliards d’euros en 2015[225]. Dans le même temps, le patrimoine économique national net s’élève à 14 023 milliards d’euros, soit 7,7 fois le produit intérieur net de l’année.

Effet d'éviction

En avril 1987, Jacques de Larosière, alors gouverneur de la Banque de France, déclarait : « On ne soulignerait jamais assez combien les déficits publics opèrent une ponction sur les ressources de la nation, diminuent l'épargne disponible pour l'investissement productif et accroissent l'endettement et ses charges ». C'est l'illustration de l'effet d'éviction. L'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en a proposé la définition suivante[226] : « De manière générale, on désigne sous le nom d'éviction le phénomène qui conduit l'activité économique du secteur public à supplanter celle du secteur privé, l'analyse portant habituellement sur les incidences d'une progression de la dépense publique financée par l'émission d'un volume accru de titres ».

Dans son manuel, Paul Krugman nie l'effet d'éviction sous la forme de pétitions de principe, sans démonstration[227]. En revanche, la Fédération bancaire française montre[228] que l'évolution des encours de crédit à l'économie depuis plusieurs années a progressé et avoisine le montant du PIB, soit 2 200 milliards d'euros. Sachant que la variation relative à l'encours de la dette publique est d'un montant proche de 200 milliards d'euros, il est possible d'avancer que la part des financements publics est de l'ordre de 10 % sur la période. C'est donc dans cette proportion que l'effet d'éviction peut contribuer à entretenir le chômage de masse, comme essayait de le montrer Paul Fabra[229] : « Les facteurs cruciaux auront sans doute été à gros traits les suivants : la "décapitalisation" de l'économie a longtemps favorisé le développement de la consommation sous toutes ses formes (y compris les programmes de protection sociale) ; l'euphorie d'est poursuivie jusqu'au moment où l'accumulation des dettes a porté les taux d'intérêt à un niveau supérieur au rendement normal des investissements productifs. D'où un formidable détournement de l'épargne au profit des placements purement financiers. Ces derniers sont d'abord destinés au financement des déficits publics ».

Contribution négative à la position extérieure de la France

Les déficits budgétaires continus creusent la position extérieure de la France[230], un peu moins de 60 % de la dette publique française étant détenue par des non-résidents. En revanche, les autres acteurs économiques sont, hormis les banques, prêteurs nets au reste du monde. Ainsi, en 2016, selon la Banque de France[231], la position extérieure était négative de 351 milliards d'euros, les administrations publiques contribuant à hauteur de - 1 165 milliards d'euros.

Déflation par la dette publique

Selon Paul Fabra[232], « le laboratoire japonais a fait apparaître clairement les facteurs déterminants de la déflation : taux voisins de zéro poussant au paroxysme la bulle obligataire. Amérique et Europe sont en train de se précipiter dans le piège ». Jean-Marc Vittori actualise en 2014 le constat sur le Japon en ces termes[233] : « Impôts, salaires, taux de change : le gouvernement Abe a actionné tous les leviers de l'inflation sans réussir à enclencher une mécanique haussière des prix ». Pour mémoire, des investissements massifs engagés en 1990 ont provoqué l'explosion de la dette publique japonaise brute qui atteignait 250 % en 2016.

Dans les perspectives économiques mondiales trimestrielles, le Fonds Monétaire International analysait en octobre 2016[234] le phénomène de la désinflation en la reliant à la politique monétaire contrainte. Les causes de la désinflation récente étaient imputées à la stagnation de l'économie et à la baisse des prix relatifs aux marchandises. Un regard particulier était porté sur le cas japonais.

Selon Irving Fischer[235], la baisse des prix accroît le poids des dettes et réciproquement. À partir de ce cercle vicieux, Fischer voulait expliquer toutes les dépressions économiques, y compris celle de 1930.

Questions techniques sur la comptabilisation de la dette

L'expression de la dette en pourcentage du PIB a-t-elle un sens ?

Une référence aux recettes effectives traduit mieux, à la fois le volume de l'assiette taxable (qui ne se limite pas à la production) et la capacité de la personne publique à effectivement la taxer. C'est pourquoi le conseil de normalisation internationale des comptes publics propose une référence de la dette nette aux recettes publiques dans le guide n°1 des pratiques recommandées intitulé « Reporting sur la soutenabilité financière à long terme des entités publiques »[236].

Dans le même sens, en France même, l'article R. 2313-1 du code général des collectivités territoriales retient un 11e ratio financier qui est intitulé : « Encours de dette/recettes réelles de fonctionnement ».

La dette est-elle toujours bien comptabilisée ?

Les règles relatives à la comptabilisation de la dette sont différentes selon qu'on parle de l'État (et des ODAC), des administrations publiques locales, ou de la Sécurité sociale :

  • l'État : considère les intérêts de ses emprunts comme des opérations budgétaires, mais pas les souscriptions et remboursements en capital des emprunts, qui sont considérés comme des opérations de trésorerie et sont retracés dans la loi de finances à l'article d'équilibre. Ainsi, l'article 50 II de la loi de finances initiale pour 2017[237] prévoyait des souscriptions d'emprunts nouveaux pour un montant de 185 milliards d'€ et des remboursements d'emprunts pour 115,3 milliards d'€. Ces opérations participent de l'équilibre financier et non de l'équilibre budgétaire.
  • Les administrations publiques locales : toutes les opérations relatives à la dette sont traitées comme des opérations budgétaires et participent de l'équilibre réel des budgets locaux que prescrit l'article L. 1612-4 du CGCT.
  • La Sécurité sociale : les opérations en capital pour décrire les souscriptions et les remboursements en capital sont traitées au niveau de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)[238].

En avril 2008, un rapport thématique de la Cour des comptes (« Le réseau ferroviaire : une réforme inachevée, une stratégie incertaine »)[239] critique les « artifices comptables et statistiques » pratiqués par l'État pour désendetter la SNCF en créant une nouvelle structure, Réseau ferré de France, afin de respecter plus facilement les critères de Maastricht. Ce rapport engage l'État à réintégrer environ 12 milliards d'euros de dette de RFF[240].

Les partenariats public-privé (PPP) peuvent faire financer par le privé, en contrepartie d'un loyer, la construction puis la gestion de bâtiments ou d'infrastructures. D'après le conseil national de l'ordre des architectes, les PPP sont utilisés de manière abusive. Ils contribuent à augmenter la dette, tout en n'apparaissant pas comme tels dans les comptes publics[241].

D'autres moyens de ces opérations sont parfois utilisés comme le versement de « soultes » par de grosses entreprises publiques (qui sont comptabilisées comme recette et donc réduisent la dette, en contrepartie l'État prend à sa charge les retraites des agents de ces entreprises, ce qui n'est pas comptabilisé comme une dette « au sens de Maastricht »). En particulier, la dette des ODAC a fortement augmenté entre 1994 et 2006[242]. Ces opérations sont parfois refusées par la Commission européenne ou par Eurostat ; ainsi, en 2007, l'État a été obligé de recomptabiliser dans la dette publique une somme de 8 milliards d'euros, issue de la SNCF et qui avait été transférée à un organisme ad hoc[243].

La définition européenne du besoin de financement par Eurostat ne correspond ni à celle du tableau de financement de l'État ni à celle du déficit de la section d'investissement pour une collectivité locale[244]. En éliminant les transactions financières, la définition européenne contrevient au principe de non-compensation entre actifs et passifs. La méthode comptable utilisée présente l'inconvénient de masquer le recours à l'emprunt perpétuel pour financer leur besoin de financement. Seul apparaît le besoin de financement annuel. Il n'existe pas d'information sur les besoins de financement cumulés depuis l'origine. Cette omission empêche de relier la dette brute depuis l'origine à ses contreparties (investissement accroissant les actifs de l'entité publique, neutre entre les générations ; ou fonctionnement, c'est-à-dire un service rendu aux générations actuelles payé par les générations futures).

Solutions

L'objectif n'est pas de réduire à zéro la dette brute, ni même la dette nette. Un simple retour à l'équilibre est le plus souvent envisagé, la croissance ou l'inflation se chargeant ensuite de faire baisser le poids de la dette par rapport au PIB et aux recettes, sur une durée très longue.

Secteur public local

Les collectivités territoriales sont soumises, sous peine de passage sous la tutelle budgétaire de l’État, à une double interdiction : d’emprunter pour financer la section de fonctionnement, réservant ainsi l’emprunt au seul financement des dépenses d’investissement, et d’emprunter pour rembourser le capital des emprunts venant à échéance[245],[246].

Ces règles anciennes ont été imposées par un État méfiant et craignant des dérapages financiers avec la décentralisation. Cela apparaît rétrospectivement ironique, puisque ce secteur est le seul à maîtriser sa dette brute, sa dette nette, et il concentre la quasi-totalité des actifs du patrimoine des administrations publiques françaises (respectivement 186 Mds €, 80 Mds €, et près de 1340 milliards d'euros).

Ces règles fonctionnent donc, mais il ne semble pourtant pas envisagé de les appliquer aux autres composantes du secteur public.

Proposition de règle d'or constitutionnelle

À la suite des travaux d'un groupe de travail présidé par Michel Camdessus qui avait conclu en juin 2010 qu’une législation contraignante était indispensable[247] un projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques[248] a été adopté le 13 juillet 2011, mais n'a pas encore été présenté au Congrès du Parlement.

L’article principal du projet de loi disposait :

« Les lois-cadres d’équilibre des finances publiques déterminent, pour au moins trois années, les orientations pluriannuelles, les normes d’évolution et les règles de gestion des finances publiques, en vue d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques. Elles fixent, pour chaque année, un plafond de dépenses et un minimum de mesures nouvelles afférentes aux recettes qui s’imposent globalement aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Elles ne peuvent être modifiées en cours d’exécution que dans les conditions prévues par une loi organique[249]. »

L’essentiel des discussions avait porté sur le « monopole fiscal », selon lequel les mesures fiscales ne peuvent provenir que des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, interdisant aux députés de déposer des amendements ayant des incidences sur l’équilibre des finances publiques.

Plusieurs députés et sénateurs ont qualifié de « règle d'or » ce projet gouvernemental d'inscrire dans la Constitution des règles prévoyant un retour progressif à l'équilibre budgétaire[250], en référence aux diverses règles d’or budgétaires adoptées par plusieurs pays concernant l’équilibre entre recettes et dépenses publiques (courantes et/ou d'investissement) et/ou entre celles-ci et les variations de la dette publique. Le terme n’apparaît pas dans le texte, et a été utilisé diversement par les analystes et journalistes, certains l’interprétant même – à tort - comme une « interdiction » des déficits publics.

De son côté, la Commission européenne s'est inquiétée en juin 2011, lors de l'examen du plan national des réformes et de réduction des déficits et des dettes publiques, du flou des mesures envisagées[251].

Pacte budgétaire de l'union européenne

Le pacte budgétaire renforce la règle d’équilibre structurel, ou règle d’or, du pacte de stabilité et de croissance (PSC) en ce que l’objectif à moyen terme (OMT) doit être un solde structurel supérieur à - 0,5 % du PIB (-1 % dans le PSC). Si la dette publique est “sensiblement inférieure” à 60 % du PIB et ne pose pas de problème de soutenabilité, l’OMT peut toutefois être fixé à - 1 % du PIB. Entre 1997 et 2017, la France n'a jamais respecté le déficit structurel de 0,5 % : il n'a jamais été inférieur à 1,9 % du PIB[252]. L'article liminaire de la loi de finances pour 2019[253] prévoit un déficit structurel de 2,3 %. Dans l'avis du 19 septembre 2018[254], organisme associé à la Cour des comptes, le Haut Conseil des Finances Publiques a estimé que « le déficit structurel de la France reste à un niveau élevé. Il ne se réduirait que lentement au regard des règles européennes et la France n’aurait pas encore amorcé, à l’horizon de 2019, le mouvement de réduction de son ratio de dette publique au PIB, à la différence de la quasi-totalité des pays européens ». L'article 2 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 prévoit que le solde structurel ne sera jamais atteint sur la période ; en 2022, le déficit structurel serait de 0,8 % du PIB[255]. Depuis 2012, l'Allemagne respecte largement le solde structurel fixé par le pacte budgétaire[252].

Autres solutions

Il n'existe que deux moyens de se désendetter : rembourser selon les modalités prévues, ou pas. Mais ce second moyen recouvre un nombre sans limite de modalités, selon le degré d'accord des créanciers, les éventuelles contreparties non financières cédées, les justifications apportées, le caractère officiel ou pas, l'ampleur des entorses aux modalités… On citera pour l'exemple :

  • L'abandon de créances de la part des prêteurs. Signé le 27 février 1953, l'accord de Londres a permis à la République fédérale d'Allemagne d'effacer la moitié de sa dette, un cas rare en Europe au XXe siècle. Le miracle économique allemand était lancé[256] ;
  • La répudiation de la dette, comme lors de la banqueroute intervenue en 1797. Certains pays comme l'Équateur et l'Islande ont répudié dans les années 2000 une partie de leurs dettes qu'ils considéraient comme illégitime[257] ;
  • La création d'un fonds d'amortissement qu'envisageait David Ricardo à partir des excédents de recettes sur les dépenses, en exécution budgétaire. Depuis 2014, en Allemagne, les excédents budgétaires permettent de réduire l'encours de la dette publique[258]. Pour la France, Jean-Marc Daniel suggère la même voie en réduisant le solde structurel à 0 [259]. Pour y parvenir, il s'agit de réduire la dépense publique. François Ecalle a donné des indications de façon à réduire les dépenses de 8 points de PIB pour rapprocher le poids des dépenses au niveau européen[260] : en relevant de trois ans l'âge minimal du départ à la retraite et en revalorisant les pensions d'1 point de moins que l'inflation pendant 5 ans (réduction d'1,5 point de PIB), réduction des remboursements de soins d'1,5 point de PIB, diminution des dépenses de protection de l'environnement sous la moyenne européenne (gain de 0,5 point de PIB), réduction des dépenses de logement de 0,7 point de PIB, meilleur ciblage des dépenses en faveur des familles et des chômeurs (gain de 0,8 point), réduction des subventions aux entreprises d'1 point de PIB. Une étude plus récente du FMI[261] démontre que la baisse des dépenses est moins néfaste à la croissance que la hausse des impôts ;
  • Une entente entre les pays créanciers comme les accords qui sont intervenus à propos de la crise grecque de l'été 2011[262] ;
  • La monétisation de la dette : la Banque Centrale Européenne détiendrait 12 % de la dette publique française en 2016[263] ; la monétisation revient à faire fonctionner la « planche à billets » ; le débat sur la monétisation de la dette a été relancé depuis octobre 2011 ; en effet l'écart (spread) entre les taux des obligations françaises et allemandes a augmenté de près de 0,5 % depuis cette date[264] ; cette augmentation résulte en partie de la spéculation sur les taux des obligations européennes[265],[266]. Lord Adair Turner ancien président de l'autorité des marchés financiers britannique recommande[267] « qu'au lieu de faciliter temporairement les déficits, les banques centrales devraient les financer de façon permanente en monétisant la dette des États. En clair, en faisant marcher la planche à billets ». Il serait souhaitable que l'auteur explique comment monétiser une dette publique mondiale de 54 000 milliards de dollars au 1er trimestre 2014 alors que les rachats de dettes publiques atteignent moins de 6 000 milliards de dollars depuis 2011 dans le monde entier. Dans l'ouvrage « Les dettes publiques à la dérive »[268], le chapitre 7 de Vivien Levy-Garboua et Gérard Maarek intitulé « Le Quantitative Easing et le financement de l'économie » rappelle que la Fed détenait 2 500 Mds USD de bons du trésor au 27 juillet 2017 sur un bilan total de 4 500 Mds USD ; à la même date, la BCE détenait 1 609 Md€ de titres souverains et 223 Md€ de covered bonds sur un bilan total de 4 300 Md€ ; la Banque du Japon 396 000 Mds yens JGB sur un bilan total de 503 000 Mds yens ; au 26 juillet 2017, la Banque d'Angleterre détenait 435 Mds GBP de titres souverains sur un bilan total de 548 Mds GBP ;
  • L'inflation agissant comme un prélèvement occulte[269] et la dévaluation permettent de rembourser officiellement et facialement la somme due, mais avec une valeur réelle réduite, ce qui réduit à proportion la dette[270]. Thomas Piketty écrit[271] : « La palme de l’amnésie revient quant à elle à l’Allemagne, avec la France en fidèle second. En 1945, ces deux pays avaient une dette publique dépassant 200 % du PIB. En 1950, elle était tombée à moins de 30 %. Que s’est-il passé, aurait-on soudainement dégagé les excédents budgétaires permettant de rembourser une telle dette ? Évidemment non : c’est par l’inflation et la répudiation pure et simple que l’Allemagne et la France se sont débarrassés de leur dette au siècle dernier. S’ils avaient tenté de dégager patiemment des excédents de 1 % ou 2 % du PIB par an, alors on y serait encore, et il aurait été beaucoup plus difficile pour les gouvernements de l’après-guerre d’investir dans la croissance ».

Notes et références

  1. avant 1991, données pour la RFA ; après 1991, données pour l'Allemagne réunifiée
  2. moyenne non pondérée
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  33. cf. Rapport sur la loi de finances rectificative de 2007, p. 10 et suivantes
  34. Voir par exemple les explications sur le déficit structurel, « Déficit public et solde structurel », Université de Genève, mars 2000.
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Articles connexes

Bibliographie

Liens externes

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