Histoire de Loir-et-Cher
Le département de Loir-et-Cher est issu de la Révolution qui crée les départements français en 1790. Formé principalement à partir des anciens comtés de Blois et de Vendôme, l’unité géographique et historique du département est artificielle. Mais Blois, désignée comme préfecture, retrouve le rôle qu’elle avait perdu depuis le départ de la cour royale à la fin du XVIe siècle.
Préhistoire et époque gallo-romaine
L’homme, dont on a retrouvé des outils de silex très archaïques[1],[Note 1], s’installe en vallée du Loir (Saint-Hilaire-la-Gravelle) 1,1 million d'années av. J.-C. La période néolithique est riche de témoignages monumentaux, à travers dolmens et mégalithes (La Chapelle-Vendômoise, Tripleville, Landes-le-Gaulois), une structure funéraire sous forme de sépulture à Villerable (à proximité de Vendôme)[3], ainsi que des matériaux céramiques exhumés à Le Château-Gabillon (site de Contres)[4]. La première mention écrite concernant le département se trouve vraisemblablement dans la Guerre des Gaules, où est décrite la résistance à César de la population de Noviodunum, Neung-sur-Beuvron. Sous la domination romaine s’épanouissent de nombreux domaines agricoles, aussi bien en Beauce qu’en Sologne, tandis que se développent des bâtiments civiques, forum, thermes, théâtre, temple, ou un édifice dont la vocation n’a pas été identifiée, les Mazelles à Thésée.
Haut Moyen Âge
La christianisation se manifeste par l’installation de saints ermites, dont le souvenir reste vivace dans les églises du département : saint Eusice à Selles-sur-Cher, qui conserve quelques colonnes mérovingiennes de marbre, saint Dyé où seule la « confession » subsiste d’une basilique construite au IXe siècle. À l’époque carolingienne s’implantent de puissants établissements ecclésiastiques, qui contribuent pleinement au développement agricole de la région (moulins sur la Cisse).
Luttes seigneuriales
Le pouvoir civil des seigneurs de Blois et de Vendôme ne cesse parallèlement de croître, en témoignent les forteresses construites sur la vallée du Loir (Fréteval, Lavardin). À la mort d’Hugues le Grand en 956, la vicomté de Blois s’élève en comté s’allie aux Carolingiens. Vendôme étant fidèle aux Capétiens, les deux familles lutteront pour vouloir assurer leur domination sur le Vendômois ou la possession de la Touraine. Mais, aux XIIe et XIIIe siècles, au moment où la puissance de certaines familles féodales s’amenuise, la maison de Blois voit sa lutte se poursuivre entre leurs suzerains, roi d’Angleterre ou de France. Parallèlement, les villes prennent leur essor, obtiennent des chartes de franchise (Blois) et se fortifient (Marchenoir, Mondoubleau).
Au XIVe siècle, le Vendômois et le Blésois entrent dans le domaine royal, et la guerre de Cent Ans voit les églises et les monastères se fortifier. Le duc d’Orléans Charles, frère du roi Charles V, de retour de captivité, fait de Blois sa résidence, attirant autour de lui artistes et poètes. Par contrecoup, Blois devient une capitale administrative au service de laquelle certaines familles blésoises commencent leur ascension sociale.
Le Val de Loire, séjour des rois
L’accession au trône de Louis XII, duc d’Orléans, comte de Blois, installe la cour durablement en Val de Loire : la ville s’embellit d’hôtels aux décors nouveaux (le plus bel exemple qui en subsiste, malgré les remaniements, est l’hôtel d’Alluye), les demeures de plaisance s’élèvent dans les campagnes (Bury, Beauregard, Fougères). Le château de Blois lui-même devient la vitrine de la nouveauté architecturale et décorative, tandis que Chambord, dont le plan initial s’inspire de Léonard de Vinci (qui avait aussi projeté une demeure somptueuse à Romorantin), est le fruit de réflexions et d’expérimentations constantes de François Ier. Mais les luttes religieuses, véritables guerres civiles qui ensanglantent le royaume à partir du milieu du XVIe siècle, mettent fin à cet « âge d’or » : la collégiale Saint-Georges de Vendôme est profanée en 1562-1563, Blois saccagée en 1568. Pour tenter d’apaiser ces conflits, des états généraux sont réunis à Blois, ville royale, en 1576 et 1588. C’est lors de cette seconde réunion que le duc de Guise est exécuté par Henri III.
L’assoupissement de l’époque classique
L’intérêt que Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, porte à son duché de Blois permet au Blésois de maintenir une certaine prospérité : les grands commis de l’État continuent à construire en Val de Loire (Cheverny, Selles-sur-Cher). À Blois surtout, Gaston décide, en 1635, de l’agrandissement du château : c’est la construction de l’aile « Mansart ». Les tanneries vendômoises conservent une certaine activité, mais Blois est surtout réputée pour ses horlogers. La Contre-Réforme se manifeste dans la fondation de nombreux établissements religieux, Oratoriens à Vendôme, couvent des Visitandines (Archives départementales puis hôtel du département) et collège des Jésuites à Blois ; surtout, le diocèse de Blois est créé en 1697 à partir de celui d’Orléans et Chartres, pour tenter de convertir les communautés protestantes de la région, pourtant déjà bien affaiblies par la révocation de l’édit de Nantes.
Au XVIIIe siècle, Blois somnole alors que certains châteaux, toujours propriété de grands seigneurs, sont arrangés à la mode du temps, le plus bel exemple en restant Menars où la marquise de Pompadour fait élever par Gabriel deux ailes nouvelles et où le marquis de Marigny, son frère, aménage ensuite de superbes jardins.
Le XIXe siècle
De 1791 à 1793, les 6 districts (Blois, Vendôme, Romorantin, Mondoubleau, Mer et Saint-Aignan) du département de Loir-et-Cher fournirent 4 bataillons de volontaires nationaux.
C’est un département pauvre qui est créé en 1790.
La Sologne, la région la plus pauvre du département va être radicalement modifiée au XIXe siècle : ainsi au début du XIXe siècle la terre de Sologne est occupée par :
- 51% de terres labourables mais seul 17% sont utilisées par année car le restant demeure au repos soit dans le cadre de l’assolement triennal ou de la jachère morte qui peut durer jusqu’à 15 ans. Ces terres sont le domaine du Sarrasin et du Seigle. 7% de terres incultes 6% d’étangs, 7% de bois(en général des bois éparses à l’exception des forêts royales Chambord, Vierzon), 22% de bruyères, domaine du mouton solognot, 6% de prés non utilisés pour le pacage mais donnant du foin aux chevaux et aux bovins.
À partir de 1830 de grands propriétaires (Eugène de Beauharnais, maréchal Berthier..) essayent d’assainir leur terre, de développer la sylviculture, d’introduire les moutons Mérinos ou Southdown. Mais c’est l’action de Napoléon III qui va sortir la Sologne du sous-développement par :
- Le Marnage : Ce marnage est permis par la création du canal de Sauldre : en 1848 dans le cadre des ateliers nationaux sa création est décidée mais les ouvriers parisiens arrivés en juillet 1848 sont décimés par le paludisme provoquant l’arrêt du chantier en mai 1849 après avoir mal réalisé 13 km de Canal. Ce chantier est repris en 1852 : 29 km sont réalisés en 1860 entre Blancafort et Brinon Sauldre.
Outre ce canal c’est la voie de chemin de fer entre Orléans et Vierzon qui va permettre le marnage de la Sologne. Cette marne extraite dans les carrières prés d’Orléans et de Vierzon est de plus largement subventionnée.
- Asséchement des étangs : On passe de 2 000 étangs à 400 étangs
- Curetage de 487 km de cours d’eau
- Création d’un réseau de routes agricoles de 484 km (la Troisième République le portera à 593 km en 1874).
Ainsi les landes disparaissent (22% en 1830 contre 7% en 1887) au profit des bois (7% des bois en 1830 contre 26% en 1887) car la vrai révolution est l’introduction de la Sylviculture et de la Chasse en Sologne au détriment de l’élevage des ovins . ( Cette révolution s’accompagne à partir de 1868 de la construction de châteaux dont les propriétaires s’adonnent à la chasse et au développement des bois)
Le département profite également de la Révolution industrielle. À Romorantin, où l’on travaille la laine depuis le Moyen Âge, l’usine de draps Normant construit sa puissance au début du Le XIXe siècle. Après les échecs de plusieurs fabriques familiales, les frères Normant créent leur propre maison en 1815 : la manufacture Normant frères. Sous la conduite d’Antoine Normant, fils aîné, ils édifient alors une fabrique moderne, équipée de mécaniques et de nombreuses machines à vapeur. Leur maison, qui vient rapidement à bout de toute la concurrence locale, se hisse parmi les principaux établissements textiles du pays. Elle représente le principal foyer ouvrier du département, employant plus de 2 000 personnes vers 1849[5]. À Blois, c’est le fabricant de chocolat Auguste Poulain, d’abord petit artisan établi en 1848, qui bâtit une usine bouleversant le paysage urbain, comme le font aussi les usines de chaussures Rousset. Le chemin de fer arrive à Blois en 1846, marquant la mort de la navigation sur la Loire.
Le Loir-et-Cher de 1848 à 1851
La révolution de février 1848 ne suscite pas de troubles particuliers : Le préfet Albert Magdelaine Claude, comte de Lezay-Marnésia annonce l’installation du gouvernement provisoire qui le remplace par Germain Sarrut un républicain démocrate admirateur de Proudhon . Germain Sarrut a été professeur au Collège de Pontlevoy en 1822 avant de partir à Paris pour devenir avocat.
Sous la pression de la Bourgeoisie locale qu’effraie le socialisme de Sarrut, le gouvernement renvoie Sarrut en invoquant une faillite commerciale en 1845 indigne d’un bon républicain et le remplace par Ducoux un notable Blésois
Ducoux continue la faible épuration initiée par Sarrut : 26 maires, 15 adjoints, 7 juges proches de la monarchie de juillet sont remplacés par des notables. De plus pour implanter la république dans le département il publie Le Catéchisme républicain ou manuel du peuple.
Les élections législatives du 23-24 avril 1848 donnent lieu à une participation importante dans le Loir-et-Cher : sur 68677 inscrits 61700 votants soit 10% d’abstention malgré une faible campagne électorale et des bureaux de vote qui se situent au chef-lieu de canton. Les résultats sont sans surprise : 5 des 6 députés élus (Ducoux, Durant, Normant, Gérard, Salvat) appartiennent à l’opposition bourgeoise de la monarchie de juillet, seul Germain Sarrut représentent les républicains démocrate.
Les élections municipales (30-31 juillet 1848) et du conseil général (août 1848) sont marquées par une très forte abstention et une forte stabilité dans les résultats ; Les journées de juin 1848 ne semblent pas avoir affecté les résultats .
Il n’en est pas de même des élections présidentielles du 10 décembre 1848 qui sont un désaveu pour les notables qui avaient appelé à voter Cavaignac. Le Loir-et-Cher vote massivement pour Louis Napoléon Bonaparte (67% des inscrits) contre 8,5% pour Eugène Cavaignac et 4% pour Ledru Rollin. (Lamartine a un peu plus de 100 voix, Raspail 59 voix). En effet Louis Napoléon bénéficie du vote de la paysannerie (80% de voix dans le canton de Mondoubleau, 76% à Lamotte Beuvron) mais également dans une moindre mesure les cantons urbanisés (60% de voix). Seul point de résistance le canton de Saint-Aignan qui ne donne pas la majorité à Louis Napoléon (42%) et fait émerger la Candidature de Ledru-Rollin (27% des voix). Cette singularité est due à l’implantation à Saint Aignan de la Solidarité Républicaine organisation née à Paris en novembre 1848 sous l’impulsion de républicains démocrates dont Sarrut
Les élections législatives du 13 mai 1849 donnent également des résultats discordants par rapport aux élections précédentes :
- Les notables élus en avril 1848, républicains modérés ne sont pas élus : Ducoux perd 37000 voix, Durand 46000 voix
- 1 seul élu (Gérard Alexandre) parmi les candidats Napoléonien qui ne recueillent que 27% des voix des inscrits
- 4 députés de gauche et d’extrême gauche [Salvat, Sarrut, Benier, Cantagrel]
La période qui suit cette élection est une période de répression pour le mouvement républicain surtout à partir des manifestations parisiennes du 13 juin 1849. Elle se traduit dans le Loir-et-Cher par l’annulation de l’élection de Sarrut . Cette annulation provoque un nouveau vote le 8 juillet 1849 qui opposent Sarrut, Ducoux et le candidat bonapartiste le Vicomte de Clary . C’est ce dernier qui l’emporte avec une faible avance sur Sarrut (1000 voix) et un fort taux d’abstention (55%). Mais cette répression montre ces limites : Lors de l’élection du 11 mars 1850 visant à remplacer le député Cantagrel en fuite à la suite de la manifestation du 13 juin 1849 le candidat fouriériste Etchegoyen l’emporte sur le candidat bonapartiste Crosnier avec une forte participation 72,26%
Le Coup d’État du 2 décembre 1851
Le coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte ne provoque pas de manifestation dans le Loir-et-Cher mais dès le 9 décembre des arrestations ; Au total 137 personnes sont arrêtées dont 21 seront déportés en Cayenne et en Afrique, 9 sont expulsées de France et 12 sont internées . Ces arrestations préparent le plébiscite du 20 décembre 1851 qui valide le coup d’État du futur Napoléon III : 85% de participation/ 77% de Oui contre 7,3% de Non. Seules poches de résistance : le canton de Marchenoir (22%) lié aux votes des bûcherons, Mer (14%), Blois (13,5%), Vendôme (14,5%).
La situation économique
Le second empire ouvre une période de développement agricole qui se traduit par une augmentation par 2 de la production de froment et d’avoine (le seigle et le sarrasin disparaissent) de 1851 à 1914. Cette augmentation n’est pas liée à une augmentation des terres cultivables (seule variation le recul des landes transformées en forêts en Sologne). Elle s’explique par : le recul de la jachère, Utilisation de fertilisants : Marne, La Chaux, Guano, fumier, engrais artificiel, utilisation de charrues permettant un meilleur labour. De façon générale on observe le début de la mécanisation agricole. En 1852 on utilise 16 machines à battre contre 455 en 1873.
Concernant la vigne on observe une croissance du vignoble dans les cantons de Bracieux, Contres, Saint-Aignan, Montrichard. Le vignoble passant de 25660 hectares en 1862 à 41550 hectares en 1882.
Ainsi on observe de 1850 à 1871 les revenus de l’ensemble de la population augmentent; Cette croissance est contrastée : Les vignerons :+134% ; les céréaliers : +125% ; les ouvriers agricoles : +66% ; les ouvriers industriels : +50% ; les rentiers :+44%
La vie politique
Après le coup d’État de 1851, le pouvoir conserve le suffrage universel pour les élections législatives. Toutefois la carte électorale est modifiée : il ne reste plus que deux députés un pour l’arrondissement de Romorantin, l’autre pour celui de Vendôme mais le découpage de ces 2 arrondissements obéit à des considérations politiques ; Ainsi le canton de Contres est rattaché à l’arrondissement de Vendôme. À noter que les élections ne se déroulent plus au chef-lieu de canton mais dans chaque commune. Certes cela devrait permettre une plus grande participation mais aussi un plus grand contrôle des électeurs. Les premières élections de 1852 et de 1857 seul le candidat officiel participe. Il faut attendre 1863 pour voir s’opposer aux bonapartistes des candidats républicains. Malgré une participation plus forte, les candidats officiels progressent par rapport à 1863
Mai 1852 % des inscrits | Taux d’abstention
en 1852 |
juin 1857% des inscrits | Taux d’abstention
en 1857 |
1863 % des inscrits | Taux d’abstention
en 1863 | |
---|---|---|---|---|---|---|
Crosnier (Vendôme) | 65% | 28% | 59% | 36% | 61% | 19% |
Clary (Romorantin) | 57% | 39% | 45% | 48% | 55% | 30% |
Les élections de 1869 sont plus ouvertes : Dans l’arrondissement de Romorantin 4 candidats : Clary député sortant et candidat officiel, Cantagrel candidat républicain, Normant de Grandcourt candidat légitimiste et Tassin candidat Bonapartiste libéral. C’est ce dernier, vigneron du comte de Saint-Aignan qui l’emporte.
Ainsi les différentes élections législatives démontrent le soutien des électeurs au second empire . Il en est de même des plébiscites de 1852 ou de 1870 où le oui l’emporte respectivement avec 77,4% et 70,5% des voix. Les causes de cette hégémonie sont multiples :
- la croissance économique qui permet à chacun d’améliorer ses revenus
- l’adhésion de la bourgeoisie qui par peur sociale a fourni les cadres de l’empire
- Le soutien du clergé local
- la faiblesse des oppositions :
- les légitimistes dispose d’un organe de presse La France centrale, mais l’influence de leurs candidats, vicomte de Panousse ou Normant de Grandcourt ne dépasse les lieux où ils sont natifs, c’est-à-dire la Ville aux clercs pour le premier, Mer pour le second.
- les républicains ne se relèveront du coup d’état qu’à partir de 1859, date de l’amnistie des prisonniers politiques. Le retour de Sarrut, de Cantagrel, Joubert leur permettent d’obtenir les voix de la petite bourgeoisie et d’une fraction du prolétariat rural (Ex: bûcherons de la forêt de Marchenoir).
C’est aussi la redécouverte de l’architecture Renaissance et les premières grandes restaurations du château de Blois, sous l’impulsion de Félix Duban. La région devient une destination privilégiée pour la chasse. C’est une nouvelle époque de construction de châteaux « à la manière de ».
Le Loir-et-Cher de 1870 à 1914
Les combats de 1870
Le Loir-et-Cher fut le théâtre d’affrontements de la guerre franco-prussienne de 1870, dans la vallée du Loir notamment, ou à Chambord, que commémorent la colonne sur le Beuvron à Cellettes ou le monument au 75e mobile à Blois.
De 1870 à 1914
le 8 février 1871 ont lieu les premières élections législatives après le conflit franco-germanique. Ce scrutin se fait en pleine occupation : l’abstention est forte. Concernant les programmes l’ensemble des candidats sont d’accord pour que la France signe la paix par contre ils divergent sur la Nature du régime. Ce scrutin ne donne pas une tendance très nette : 2 députés de la Gauche républicaine (Bozerian, Ducoux), 2 de centre gauche (Tassin et Thiers) et 1 légitimiste (marquis de Sers). Toutefois l’élection partielle le 2 juillet 1871 pour désigner le remplaçant de Thiers avec la victoire du républicain Duffay montre que le Loir-et-Cher a adopté le régime républicain. Les élections de 1874 à 1877 vont confirmer ce fait. Ainsi aux élections législatives du 20 février 1876, 4 députés républicains dont 3 au premier tour (Vendôme/Duffay : 47,6% des inscrits ; Blois-Sud/Tassin 56 % des inscrits ; Blois-Nord / 47,62% des inscrits et Lesguillon au 2e tour à Romorantin).
Il en sera de même lors des élections législatives du 14 octobre 1877 à la suite de la dissolution de la chambre par le président Mac Mahon le 25 juin 1877 : malgré la fougue du préfet de L’ordre moral le vicomte Maurice de Foucaut les 4 députés républicains sont réélus aux dépens de candidats conservateurs proches de Mac Mahon et à forte coloration monarchiste.
La crise économique de 1880 à 1892
La crise se manifeste à partir de 1880 ; elle se traduit par une baisse de prix sur les céréales et les bestiaux. Elle culmine vers les années 1893. Elle se combine avec la destruction du vignoble liée au phylloxera qui apparaît en 1882 dans le canton de Mer puis en 1883 dans le canton de Vendôme. Pour les contemporains (sondages auprès des maires) cette crise est liée à la concurrence étrangère en particulier celle des céréales américaines, à la cherté de la main d’œuvre et à l’augmentation des impôts. Ainsi les maires demandent la taxation des produits importés, la baisse de l’impôt foncier et la baisse des tarifs des chemins de fer. Cette crise provoqua un exode rural de 14 500 personnes dans les cantons touchés par le phylloxera.
La crise économique se traduit lentement en terme politique :
- Les élections de 1881 sont dans la continuité des élections 1877 : seuls à se présenter les républicains l’emportent avec 54,28% des inscrits.
- Les élections de 1885 marquent une inflexion : certes les républicains, les opportunistes, l’emportent avec 36,75% des inscrits mais ils sont talonnés par les conservateurs qui obtiennent 25,35% inscrits et des candidats radicaux, anti-opportunistes qui obtiennent 18,6% des inscrits.
- Les élections de 1889 en pleine crise économique marquent une érosion lente des résultats des candidats opportunistes -33,7% (seul Tassin est élu au premier tour), une progression des candidats conservateurs en particulier dans la Beauce, dans les vallées du Loir et de la Loire -28,18% -preuve que la défense du protectionnisme est efficace auprès du monde des propriétaires ruraux enfin une stagnation des candidats de gauche-19,54%- car ceux-ci sont divisés entre radicaux et boulangistes.
Le Loir-et-Cher de 1903 à 1914
Cette période est une période de croissance économique qui se traduit par une hausse des revenus : fermiers : +71% ; rentiers :+24% ; ouvriers : +20%. De même les viticulteurs ont une croissance de 91% de leurs revenus entre 1899 et 1907 liés à la reconstitution de leur vignoble (certaines parcelles dédiées à la vigne sont reconverties dans la culture de plantes fourragères dans la vallée du Loir ou dans la culture de l’asperge dans le canton de Contres).
La traduction politique de ce mieux-être économique est le glissement du département vers les républicains modérés. Ainsi les élections de 1906 et de 1910 consacrent ce recentrage du département vers les républicains modérés. Ceux-ci ont pour nom : Pierre Pichery (Romorantin), Pierre Berger (Vendôme), Eugène Treignier (Blois Nord) et Pierre Tassin (Blois Nord) ; ce dernier est remplacé par Joseph Paul-Boncour, personnalité d’envergure nationale.
Le XXe siècle
La Première Guerre mondiale touche le Loir-et-Cher dès août 1914 : le 113e régiment d’infanterie, cantonné à la caserne Maurice de Saxe à Blois est anéanti à la bataille de Signeulx (Belgique). Comme ailleurs, les femmes prennent le relais dans les travaux agricoles. La proximité du front et le bon réseau ferroviaire expliquent l’installation, dès 1915, d’infirmeries militaires, en Vendômois d’abord, puis celle de la première base américaine en France, implantée à Gièvres.
Deux hommes politiques marquants du XXe siècle sont originaires du département : Camille Chautemps, député puis sénateur de Loir-et-Cher, plusieurs fois ministre dans l’entre-deux-guerres, et Joseph Paul-Boncour, député, ministre, qui refuse les pleins pouvoirs à Pétain en 1940 et signe pour la France la charte des Nations unies en 1945.
Entre le 29 janvier 1939 et le 8 février, plus de 3 100 réfugiés espagnols fuyant l’effondrement de la république espagnole devant Franco, arrivent dans le Loir-et-Cher. Les haras de Selles-sur-Cher sont utilisés, les syndicats ouvrent trois de leurs centres de vacances. Mais cela ne suffit pas, et devant l’insuffisance des structures d’accueil, 47 communes sont mises à contribution[6]. Les réfugiés, essentiellement des femmes et des enfants, sont soumis à une quarantaine stricte, vaccinés, le courrier est limité, le ravitaillement, s’il est peu varié et cuisiné à la française, est cependant assuré[7]. Au printemps et à l’été, les réfugiés sont regroupés à Bois-Brûlé (commune de Boisseau)[8]. Malgré les facilités offertes à ceux qui veulent rentrer en Espagne (et les incitations), ils sont encore 665 en août, à la veille de la déclaration de guerre[9].
Le second conflit mondial n’épargne pas le Loir-et-Cher : Blois et Vendôme, sévèrement bombardées, voient disparaître des quartiers entiers témoins de leur riche histoire. Et sur la ligne de chemin de fer Paris-Bordeaux-Espagne, à Montoire a lieu la rencontre entre Adolf Hitler et le maréchal Pétain, signe visible de la défaite française et de la collaboration.
La ligne de démarcation passe sur le Cher, l’extrême sud du département se trouve donc en zone libre. La résistance s’organise et de nombreux réseaux participent à la libération du département à l’été 1944.
En 1951, Pierre Sudreau est nommé préfet du département. Il est le plus jeune préfet de France à l’époque, et devient plus tard député puis maire de Blois.
Tout en restant rural, le Loir-et-Cher s’industrialise peu à peu : en 1963, le nucléaire s’installe à la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux, tandis que le tourisme devient peu à peu un facteur économique, avec la création à Chambord, en 1951, du premier spectacle son et lumière.
En 1986, Jack Lang devient député, puis maire de Blois trois ans plus tard. Il anime la vie politique locale pendant 15 ans avant d’être sèchement battu aux élections municipales de 2001. Il abandonne alors le département.
Notes et références
Notes
- Des archéologues, à la fin du XIXe siècle, ont ainsi mis en évidence des polissoirs au sein des terres du Loir-et-Cher[2].
Références
- Pour une histoire de la préhistoire : le Paléolithique, Editions Jérôme Millon, , 603 p. (lire en ligne), pages 230 et 231.
- J. de Saint-Venant, « Inventaire des polissoirs préhistoriques de Loir-et-Cher. », Bulletin de la Société préhistorique de France, vol. tome 1, no 5, , pages 162 à 164 (DOI 10.3406/bspf.1904.11269, lire en ligne, consulté le ).
- G. Barrier, « Une sépulture néolithique à Villerable, près de Vendôme (Loir-et-Cher). », Bulletin de la Société préhistorique de France, vol. tome 24, no 3, , pages 85-89 (DOI 10.3406/bspf.1927.6059, lire en ligne).
- Jean-Marc Pierrat, « La céramique du site néolithique de Contres : “ Le Château-Gabillon ” (Loir-et-Cher) au sein de la culture de Chambon », Revue archéologique du Centre de la France, vol. Tome 49, (lire en ligne, consulté le ).
- Laurent LEROY, juin 2008 : Une entreprise et des hommes : aspects de l’histoire sociale de la manufacture de draps Normant à Romorantin (vers 1800-1969). Mémoire de master de recherche en histoire contemporaine, sous la direction de Monsieur Marc DE FERRIERE LE VAYER, Tours, 286 pages ill.
- Jeanine Sodigné-Loustau, « L'accueil des réfugiés civils espagnols de 1936 à 1940. Un exemple : la région Centre », Matériaux pour l'histoire de notre temps. 1996, no 44. p. 43.
- Jeanine Sodigné-Loustau, op. cit., p. 43-44.
- Jeanine Sodigné-Loustau, op. cit., p. 46.
- Jeanine Sodigné-Loustau, op. cit., p. 47.
Liens externes
- La manufacture Normant : une aventure industrielle unique en Sologne. Site consacré à l’histoire de la manufacture textile de Romorantin aux XIXe et XXe siècles.
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