Loi du 22 juin 1886 relative aux membres des familles ayant régné en France
La loi du relative aux membres des familles ayant régné en France[1], souvent appelée loi d'exil, est une loi d'interdiction de séjour en France, votée sous la Troisième République, visant les chefs des familles ayant régné en France et leurs héritiers directs dans l'ordre de primogéniture. Elle s'apparente à une loi d'exil ou de bannissement[N 1], comme il en fut adopté en France lors des changements de régime ou dans d'autres pays, à l'encontre de monarques déchus et de leur famille. Cette loi, abrogée en 1950, interdisait aussi l'exercice de toute fonction publique aux autres membres de ces familles et les rendait susceptibles d'interdiction du territoire de la République.
Titre | Loi du 22 juin 1886 relative aux membres des familles ayant régné en France |
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Pays | France |
Territoire d'application | France |
Type | Loi |
Gouvernement | Cabinet Freycinet |
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Signataire(s) | Jules Grévy, Demôle et Sarrien |
Promulgation | 23 juin 1886 (JORF) |
Entrée en vigueur | 1886 |
Version en vigueur | Abrogée |
Abrogation | 1950 pour l'essentiel de la loi, 2011 pour l'article 2. (Loi abrogée dans sa totalité.) |
Contexte
« Plusieurs réunions politiques samedi et dimanche. Les partisans de Jean III et de Philippe VII ont, inter pocula, affirmé les droits des prétendants », écrit le quotidien La Croix en première page, le mardi : après la mort sans descendance, en 1883, d'Henri d'Artois, comte de Chambord (petit-fils du dernier roi de France, Charles X), prétendant légitimiste au trône (retenu par l'histoire pour son manifeste du drapeau blanc) et dernier des Bourbons issus de Louis XV, l'éloignement et la discrétion de la nouvelle branche aînée, espagnole (dont le chef, Jean de Bourbon, comte de Montizón, nouveau prétendant légitimiste — Jean III —, réside incognito en Angleterre[N 2]), ainsi que le ralliement de la majorité des anciens partisans des Bourbons à la branche cadette (mais française) d'Orléans et à celui qui en est (depuis 1850) le chef : Philippe d'Orléans, comte de Paris (petit-fils du second roi des Français, Louis-Philippe Ier), prétendant orléaniste ou désormais « fusionniste »[N 3] — Philippe VII —, favorisent un certain regain de popularité pour cette famille. Ce qui conduit le gouvernement Jules Ferry à décider d'écarter de l'armée active plusieurs de ses membres[8].
Du côté des Bonaparte, depuis la mort, en 1879, au service de l'armée britannique, du prince impérial — Napoléon IV de jure (unique fils légitime, sans postérité, du dernier empereur des Français, Napoléon III) —, deux prétendants s'affrontent : le prince Napoléon (Jérôme) (cousin germain de Napoléon III), prétendant[N 4] concurrent de son propre fils aîné, d'une part ; et ce fils, le prince Victor, principal prétendant, car désigné par testament par le prince impérial pour lui succéder dans l'ordre de primogéniture masculine, plutôt que son père — et d'ailleurs préféré par la plupart des bonapartistes. Cette querelle s'éteindra avec la mort, en 1891, du père, surnommé « Plon-Plon »[N 5].
Début 1883, le prince Napoléon (Jérôme) a été arrêté pour avoir fait placarder dans Paris un manifeste politique, avant d'être vite libéré[9]. Puis son fils, le prince Victor, qui a achevé son service militaire au 32e régiment d'artillerie d'Orléans le et aurait dû, ayant réussi son examen de sortie, être pourvu du grade de sous-officier, se l'est vu refuser par le ministre de la Guerre, Jean-Baptiste-Marie Campenon, au motif de ne pas créer un nouveau « Petit Caporal[10] ». Et en , le comte de Paris est victime d’un attentat anarchiste — dont il sort indemne[11]. L'augmentation du nombre de députés conservateurs, royalistes et bonapartistes, passés de quatre-vingt-dix à deux-cents lors des élections législatives de 1885, commence à inquiéter les républicains[11].
C'est dans ce contexte que, le , a lieu, à l'hôtel de Matignon, alors rebaptisé hôtel Galliera (du nom de la duchesse qui en est propriétaire et chez qui les Orléans résident depuis mars[12]), la célébration fastueuse[13] — voire tapageuse[14] — des fiançailles d'Amélie d'Orléans, fille du comte de Paris, avec Charles, prince royal (héritier) de Portugal. La chronique que font de cet événement les journaux monarchistes, en particulier Le Figaro, soulève la consternation des milieux républicains. S'ensuivent de nombreuses attaques contre les Orléans et les Bonaparte ; et, après les précédentes « tentatives infructueuses[12] » (de 1883) de mettre au ban les anciens princes, la loi dite « loi d'exil » est adoptée par la Chambre des députés le , par 315 voix contre 232 (Albert de Mun, etc.), et le Sénat, par 141 voix (dont celle de Louis Journault) contre 107 (dont celle de Jules Simon)[15], et promulguée le .
Dispositions[16]
Article premier. Le territoire de la République est et demeure interdit aux chefs des familles ayant régné en France et à leurs héritiers directs, dans l'ordre de primogéniture.
Article 2. Le gouvernement est autorisé à interdire le territoire de la République aux membres de ces familles. L'interdiction est prononcée par un décret du président de la République, rendu en conseil des ministres.
Article 3. Celui qui, en violation de l'interdiction, sera trouvé en France, en Algérie ou dans les Colonies, sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans. À l'expiration de sa peine, il sera reconduit à la frontière.
Article 4. Les membres des familles ayant régné en France ne pourront entrer dans les armées de terre et de mer, ni exercer aucune fonction publique, ni aucun mandat électif.
Mise en œuvre
Les Bonaparte
À la suite de la promulgation de la loi d'exil, le au soir, les Bonaparte quittent le territoire français : d'abord, le prince Victor, à la gare du Nord[17], pour la Belgique[18] ; puis son père, le prince Napoléon (Jérôme), à la gare de Lyon[17], pour la Suisse[N 6]. Ni l'un, ni l'autre prétendant bonapartiste — concurrents jusqu'à la mort, en 1891, de Napoléon (Jérôme), ainsi qu'on l'a vu — ne reviendra en France.
Le fils et successeur du prince Victor, le prince Louis, héritier direct de 1914 à 1926 puis chef de famille, fait avant 1939 quelques incursions en France pour découvrir son pays, en usant du pseudonyme de Louis Blanchard. Par la suite, n'ayant pu obtenir d'Édouard Daladier, président du Conseil et ministre de la Guerre, d'autorisation de servir dans l'armée française, il rejoint la Légion étrangère. Seule la Légion, sous la garantie de l’anonymat, lui permet alors d’offrir ses services à sa patrie au moment de la déclaration de la guerre et pour la durée des hostilités : il devient « Louis Blanchard (matricule 94.707) ». Incorporé au camp de Sathonay, il transite au fort Saint-Jean. Le , le légionnaire « Blanchard » rejoint le dépôt commun des régiments étrangers et est affecté à la compagnie de passage no 2, stationnée à Saïda en Algérie, où il suit l’instruction, puis sert au Kreider dans le Sud. La fin des combats sur le sol de France survient trop tôt pour que le jeune soldat soit envoyé au front ; et, après la signature de l'armistice du 22 juin 1940, il est libéré[9].
La carrière militaire du prince Louis ne prend cependant pas fin : il contacte la Résistance et, en 1942, est arrêté par les Allemands avec trois compagnons en tentant de franchir les Pyrénées, via l’Espagne, afin de gagner la France libre. Refusant tout traitement de faveur de la part de l'ennemi, il est incarcéré au château du Hâ, à Bordeaux, puis transféré à Fresnes. À raison de l'intervention de la famille royale italienne (famille de sa grand-mère paternelle, la princesse Marie-Clotilde), le prétendant bonapartiste est assigné à résidence. Se soustrayant à son assignation, il gagne, avec l'aide de son cousin Joachim Murat, un maquis mis sur pied dans la région de Châteauroux, et entre dans la clandestiné sous le nom de guerre de Louis Monnier, dans l'Organisation de résistance de l'armée (ORA). Le , au lieu-dit la Butte, à Heugnes (Indre), un tir de canon allemand détruit le camion qui le transportait ; seul survivant parmi les six personnes à bord et blessé à la jambe, le maquisard est cité à l’ordre de l’armée et décoré de la Légion d'honneur[9],[19].
Eu égard à ses états de service dans la Résistance, l'aîné des Bonaparte[N 7] est autorisé par le général de Gaulle, président du gouvernement provisoire de la République française, à rester en France — mais à titre officieux. Résidant en Suisse, c'est sous le nom de comte de Montfort qu'il se présente lorsqu'il séjourne dans son pays jusqu'à l'abrogation de la loi de 1886[9]. Son fils aîné et héritier présomptif[N 8], le prince Charles, naîtra en , juste après l'abrogation de la loi[19].
Les Orléans
Le lendemain du départ des Bonaparte, les Orléans quittent à leur tour le territoire français : le comte de Paris, aîné des Orléans, ainsi que son héritier direct, le duc d'Orléans — qui préparait l'École spéciale militaire de Saint-Cyr[20] —, embarquent au Tréport pour le Royaume-Uni[N 9], accompagnés de plusieurs membres de leur famille[N 10]. Le prétendant orléaniste (ou « fusionniste »[N 11] depuis la mort, en 1883, du comte de Chambord) ne retournera jamais en France.
En 1890, le duc d'Orléans va atteindre les vingt et un ans (âge théorique du service militaire en France) : sur la suggestion de deux de ses proches, Arthur Meyer, directeur du journal conservateur Le Gaulois, et le duc de Luynes, il décide — sans même demander la permission de son père[23] — de rentrer en France en 1889 afin d'y demander officiellement à effectuer son service. Il se présente au bureau du recrutement de la mairie du VIIe arrondissement de Paris, où il est récusé par l’adjudant de service, et, n'ayant davantage de succès au ministère de la Guerre, est ensuite arrêté rue Saint-Dominique (chez Luynes, qui l'héberge), puis jugé[11]. « Attendu que Louis-Philippe-Robert, duc d'Orléans est le fils aîné de M. le comte de Paris, ce dernier petit-fils du roi Louis-Philippe Ier, qu'il est donc l'héritier direct dans l'ordre de primogéniture du chef de la famille d'Orléans ayant régné en France jusqu'au 24 février 1848 ; Qu'il est ainsi l'une des personnes auxquelles le territoire de la république est interdit [...] », le tribunal correctionnel de la Seine condamne le fils aîné du prétendant orléaniste à une peine de prison ferme[24] (de deux ans). C'est alors qu'il reçoit le surnom de « Prince Gamelle », ayant déclaré ne demander « que la gamelle du soldat »[25] [N 12] — « gamelle » à laquelle il ne touchera jamais[25] puisque, tant à la prison de la Conciergerie qu'à celle de Clairvaux, le duc devait bénéficier de « repas luxueux »[25], couvertures, etc., envoyés par ses fidèles[11]. Finalement, « jugeant que le ridicule [a] assez duré »[25] (car le prisonnier recevait, parmi de nombreuses visites, celles de galantes « aux mœurs compréhensives »[N 13]), le président de la République, Sadi Carnot, accorde sa grâce au bout de quatre mois[N 14], et Philippe d'Orléans est reconduit à la frontière le [11]. Grand voyageur sa vie durant, il passe deux ans plus tard par Djibouti (alors colonie française naissante) et s'amuse de l'embarras du gouverneur Léonce Lagarde, qui, pour avertir les autorités républicaines de sa présence, doit demander au prince de poster lui-même la missive dans le port anglais le plus proche, parce qu'Obock en est encore dépouvu, avant de partir pour le Harrar[11]. Son dernier séjour en France : une incursion en métropole, en 1899, en « se cach[ant] dans un château ami »[27], puisqu'il ne lui est pas accordé de servir la France pendant la Guerre de 1914-1918[28]. « À peine Mgr le Duc d'Orléans [sans postérité] avait-il rendu le dernier soupir [le 28 mars 1926], qu'automatiquement la loi d'exil a frappé Mgr le Duc de Guise [cousin germain et successeur du duc d'Orléans] et son fils le prince Henri », relève l'avocat Henry Moinecourt[N 15].
Le (nouveau) comte de Paris, fils et successeur du duc de Guise, héritier direct puis chef de famille à partir de 1940, donne cependant, dès [N 16], à la suite des accords de Munich (qu'il désapprouve), une conférence de presse clandestine près de Pontoise[N 17]. Deux ans plus tard, Henri d'Orléans sollicite en vain l'autorisation de servir dans l'armée française[32] ; le président du Conseil, Paul Reynaud, ne lui permet que de s’engager dans la Légion étrangère — le , sous le nom d'Henri Robert Orliac[33]. Il fait un bref passage en France sous le nom de « Commandant Bertrand »[34], en , pour rencontrer en secret le maréchal Pétain, chef de l'État français (près de Vichy), puis le président du Conseil, Pierre Laval (à Riom), lequel lui propose le secrétariat d'État au Ravitaillement[N 18] — offre que le prétendant décline avant de quitter le territoire. Entre et , le comte de Paris séjourne à Alger (sous le nom d'emprunt de M. Robin, mais « à peine incognito »[36]), à l'invitation du résistant royaliste Henri d'Astier de La Vigerie, qui fomente une conspiration visant à remplacer l’amiral Darlan, haut-commissaire de France résidant en Afrique du Nord, par le prétendant orléaniste[N 19] ; il est même reçu par le général Giraud, haut-commissaire fraîchement élu (après l'assassinat de Darlan), qu'il ne parvient pas à rallier à sa cause[N 20], mais qui lui rappelle que la loi de proscription est encore en vigueur. Néanmoins les autorités se contenteront de rapidement l'expulser d’Algérie, le [37].
Enfin, le comte de Clermont, fils aîné et héritier direct d'Henri d'Orléans, comte de Paris, fait ses études à Bordeaux dès 1947, sur autorisation spéciale du président Vincent Auriol[N 21][19] — avant l'abrogation, en 1950, de la loi de 1886[N 22].
Les Bourbons
Au moment de la promulgation de la loi en , Jean de Bourbon, comte de Montizón, aîné des Bourbons depuis 1883, ainsi que son héritier direct, Charles de Bourbon, duc de Madrid (tous deux nés espagnols, mais auxquels le territoire de l'Espagne était interdit en vertu d'un décret royal[3] du ), ne sont pas en France et résident, le père au Royaume-Uni (où il mourra l'année suivante), et son fils aîné en Italie.
Cinq ans plus tôt, le duc de Madrid assistait à Paris, le , à la messe de la Saint-Henri, fête patronale de son oncle maternel le comte de Chambord (prétendant légitimiste au trône de France, dont le plus proche cousin salique n'était autre que le père du duc de Madrid). Le retentissement donné à cet événement — à l'occasion duquel Charles de Bourbon, alors prétendant carliste au trône d'Espagne[N 23], est acclamé par des saint-cyriens[N 24] — vaut au prince d'être expulsé du territoire de la République, par arrêté[N 25][N 26] d'Ernest Constans, ministre de l'Intérieur et des Cultes (et de son sous-secrétaire d'État, Armand Fallières, futur président de la République), « considérant que la présence de l’étranger susdésigné [« don Carlos, duc de Madrid »] sur le territoire français [était] de nature à compromettre la sûreté publique ». Chef de famille de 1887 à 1909, le duc de Madrid fera toutefois un court séjour en France en — après avoir obtenu l'autorisation officieuse du gouvernement français[44] — pour rendre visite à Nice à son fils, Jacques de Bourbon, dont l'état de santé laissait augurer du pire[N 27].
Fils et successeur du duc de Madrid, Jacques de Bourbon, duc d'Anjou et de Madrid — qui vit en Autriche, au château de Frohsdorf —, héritier direct puis chef de famille de 1909 à 1931, séjourne souvent en France[N 28] : notamment à Nice, où il possède à partir du milieu des années 1920 une propriété dans le quartier de Caucade[47] — la villa Alpens, héritée de Juan Savalls y Vivaudo (1856-1924), fils du général carliste Francisco Savalls (es), marquis d'Alpens — et à Paris, où il a un pied-à-terre avenue Hoche (où il meurt en 1931). Il est d'ailleurs, à partir de 1900, membre de l'Aéro-Club de France[48]. Son oncle et successeur, le duc de San Jaime, chef de famille jusqu'en 1936 — qui réside également en Autriche — se rend en France en 1934, à une réunion de 400 carlistes à Mondonville (Haute-Garonne), dans le château du légitimiste Joseph du Bourg. Et le duc d'Anjou et de Ségovie, chef de famille à partir de 1941 (lui aussi de nationalité espagnole[N 29]), s'installe en France dès 1949, à Cannes puis au Cap d'Antibes (où il obtient son permis de conduire[49] en ), peu avant l'abrogation de la loi de 1886.
Bien que l'article 1er de la loi de 1886 vise les « chefs des familles ayant régné en France » et leurs héritiers directs, sans les nommer ni non plus leur famille, et malgré l'absence de décrets ou circulaires venus préciser le champ d'application de la loi, Emmanuel Le Roy Ladurie (dans Le Figaro littéraire[26]) affirme que : « la “loi d’exil” [...] a fixé pour longtemps le sort de la famille royale française, plus précisément de la branche orléaniste d’icelle ». De son côté, l'historien, docteur en droit et essayiste orléaniste Pierre de Meuse (responsable local de l'Action française) soutient (dans sa Lettre sur la légitimité[50]) que la loi de 1886 « ne proscrit que les Orléans et les Bonaparte ». L'avocat Jean Foyer, ancien ministre de la Justice, a critiqué en 1989 (dans le cadre de sa défense des intérêts de Louis de Bourbon, petit-fils du duc d'Anjou et de Ségovie) ce raisonnement tendant à exciper de la condamnation à deux ans de prison du duc d'Orléans en 1890 et, a contrario, de l'absence de condamnation de ceux des chefs de la maison de Bourbon et de leurs fils aînés qui se trouvèrent en France entre 1886 et 1950 : « Par cette condamnation, alors qu'elle laissait tranquilles les Bourbons-Anjou, qui ne se livraient du reste à aucune activité politique en France, la République aurait [selon les orléanistes] désigné le prétendant légitime. Singulière méthode, en vérité ! Reconnaître un prétendant en l'envoyant en prison »[14]. Dans le même sens, Hervé Pinoteau, chancelier des chefs de la maison de Bourbon depuis 1969 (et secrétaire d'Alphonse de Bourbon, duc d'Anjou et de Cadix, de 1962 à 1989), a écrit que Jacques de Bourbon, duc d'Anjou et de Madrid, avait bénéficié de « quelques passe-droits »[51] pour pouvoir séjourner en France, malgré sa position d'héritier direct puis de chef d'une famille ayant régné en France ; après la fin de la Seconde Guerre, les passe-droits devinrent la règle[52], a commenté le même auteur en 1960, en s'appuyant également sur la présence d'Henri d'Orléans à Bordeaux et de Louis Napoléon à Paris.
Autres membres de ces familles
Dès la promulgation de la loi d'exil, le général Boulanger, ministre de la Guerre, prend des arrêtés de radiation de l'armée, immédiatement notifiés aux « membres des familles ayant régné en France » — y compris concernant Roland Bonaparte[N 30] (petit-fils de Lucien Bonaparte), pourtant considéré comme non dynaste sous le Second Empire, et même un Murat (Joachim[N 31],[N 32],[N 30], petit-fils de Caroline Bonaparte) —, ce qui lui vaut les applaudissements des républicains radicaux[N 33]. Le duc d'Aumale (fils du roi Louis-Philippe Ier), rayé des listes des cadres de l'armée comme les autres Orléans, tente un recours — tant en son nom qu'en celui de ses frères et neveux —, mais sa requête est rejetée par le Conseil d'État[N 34],[54], tandis que celle déposée par Joachim Murat rencontre plus de succès : la juridiction rend, le , son arrêt Duc d’Aumale et Prince Murat[55], et, contrairement aux Orléans, Murat obtient sa réintégration dans l'armée française et retrouve son grade de général de brigade. Radié lui aussi par Boulanger, Louis Bonaparte (fils cadet de Napoléon (Jérôme)) sollicite de son côté la nationalité italienne — son oncle n'est autre que le roi d'Italie Humbert Ier — et peut poursuivre (de 1887 à 1890) une carrière militaire dans la patrie de sa mère, puis, confronté à un vif sentiment anti-français au sein l'armée italienne, bénéficie de l'influence de sa tante et marraine (Mathilde Bonaparte) pour intégrer l'armée russe — où il terminera sa carrière dans la garde impériale en 1910, avec le grade de lieutenant-général[56]. Quant au duc de Penthièvre (petit-fils du roi Louis-Philippe Ier), bien qu'exclu de la marine nationale en 1886, il mettra à disposition de l’armée française son château d'Arc-en-Barrois pendant toute la durée de la Première Guerre mondiale, afin qu’il y soit improvisé un hôpital militaire pour les blessés de Verdun et de l’Argonne[57].
En dehors de la procédure qu'il a engagée, le duc d'Aumale adresse, le , au président de la République, Jules Grévy, une véhémente lettre de protestation contre la décision du général Boulanger, qu'il termine par ces mots : « Les grades militaires sont au-dessus de votre atteinte, et je reste le général Henri d'Orléans. » Il sera le seul membre d'une famille ayant régné en France à se voir appliquer l'article 2 de la loi d'exil : un décret, pris immédiatement, lui interdit le territoire de la République et, le , le directeur de la Sûreté fait procéder à son expulsion vers la Belgique. Une pétition pour la levée de la mesure, envoyée en 1888 au gouvernement, permettra le retour en France, en 1889, du fils du roi Louis-Philippe[12],[54].
Pendant toute la première moitié du XXe siècle, l'interdiction de servir dans les armées françaises est opposée aux membres de ces familles. Se voyant interdire de faire son service militaire au sein de l'armée française, le duc de Guise — qui ne sera que plus tard chef de la famille d'Orléans — se rend au Danemark (pays de son beau-frère le prince Valdemar) pour y apprendre le métier des armes[58]. Lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale, le duc cherche de nouveau à intégrer l’armée ; mais ni la République ni ses alliés ne l’autorisent à revêtir leur uniforme, et il doit donc se résoudre à servir dans la Croix-Rouge française — ce qui lui vaudra la Croix de guerre, remise le par le président Raymond Poincaré[11]. Sixte et Xavier de Bourbon-Parme (issus d'un rameau cadet des Bourbons et tous deux de nationalité étrangère) tentent — en vain — de s'engager dans l'armée française au début du premier conflit mondial[59] ; et, avant la Seconde Guerre, le même refus est opposé (en ) à leur frère René de Bourbon-Parme — qui avait été naturalisé français dans l'entre-deux-guerres[N 35] —, à cause de son appartenance à une famille ayant régné en France[60]. Mais, finalement autorisé à entrer dans l'armée française en 1944 comme capitaine de cavalerie[N 36] dans la 1re armée, où il sert pendant la campagne d'Allemagne, ce dernier sera décoré de la croix de guerre 1939-1945 et nommé officier de la Légion d'honneur.
L'article 4 de la loi de proscrition interdit, enfin, l'exercice de toute fonction publique ou élective aux « membres des familles ayant régné en France » : le duc d'Aumale, président du conseil général de l'Oise, dans l'impossibilité légale d'exercer ses fonctions, est remplacé par le général Henri Saget, élu le . Néanmoins, quelques ponctuelles missions au service du gouvernement sont par la suite remplies par certains membres des familles précitées. Ainsi le duc de Guise est-il chargé par le gouvernement français, en 1915, d’une importante ambassade auprès de son oncle maternel le roi Ferdinand Ier de Bulgarie — qui s'avèrera un échec, puisque Sofia devait entrer en guerre aux côtés des pays de la Triple Alliance[61]. De même, en 1919, c'est avec la collaboration de l’ex-impératrice Eugénie que la question du rattachement de l’Alsace-Lorraine à la France devient un point central abordé pendant la Conférence de paix de Paris. La veuve de Napoléon III concourt à la diplomatie française en transmettant au gouvernement une dépêche du roi de Prusse Guillaume Ier, que la souveraine avait reçue le (en sa qualité de régente) et dans laquelle le futur empereur allemand affirmait que l’annexion de l'Alsace-Lorraine n’avait qu'un intérêt défensif pour son pays. Au terme de la Grande Guerre, les États-Unis ne sont pas pressés de voir ces territoires revenir sous l'autorité française ; mais le président du Conseil, Georges Clemenceau, pourra arguer du bien-fondé de la position française en s'appuyant sur la lettre transmise par la dernière impératrice[62].
Abrogation
Près de soixante-dix ans après l'adoption de la loi de 1886, « Enfin un retour sembl[e] possible pour tous les chefs de famille en exil, le prince [Louis] Napoléon comme le comte de Paris », écrit Pierre Branda[9]. « Voilà donc les hommes que maintient en exil, au mépris des principes qui nous sont chers, une loi provisoire et cruelle », conclut[9], après avoir évoqué leur biographie, Bertrand Chautard, rapporteur de la proposition de loi d'abrogation de la loi d'exil déposée par le député Paul Hutin-Desgrées[63].
Sur cette proposition, la loi du est abrogée par la loi du .
L'article 1er abroge la loi ; l'article 2 dispose toutefois :
« Au cas où les nécessités de l'ordre public l'exigeraient, le territoire de la République pourra être interdit à tout membre des familles ayant régné en France par décret pris en Conseil des ministres. »
L'article 2 de la loi du est lui-même abrogé par l'article 175 de la loi du de simplification et d'amélioration de la qualité du droit[64].
Notes et références
Notes
- Le site officiel Légifrance donne même à cette loi le nom de « Loi du 22 juin 1886 instaurant l'exil des membres des familles ayant régné en France », alors que le mot « exil » n'apparaît nulle part dans le texte publié au Journal officiel le , ni dans la loi d'abrogation[2] du .
- Ayant été dans son enfance infant d'Espagne, puis, à l'âge de douze ans, exclu de la succession à la couronne d'Espagne et proscrit[3] de son pays natal par sa cousine germaine, la reine Isabelle II, Jean de Bourbon prit ensuite le titre de courtoisie de comte de Montizón. Méconnu des Français, il résidait incognito en Angleterre sous le nom d'emprunt de Mr Charles Monfort ; il y menait « une vie bourgeoise et anonyme »[4] « chez une Anglaise qui lui donna des enfants »[5] adultérins[6].
- Voir l'article Querelles dynastiques françaises sur la division des royalistes depuis 1830, entre d'une part les légitimistes, partisans des Bourbons (détrônés par la chute de la Seconde Restauration), et d'autre part les orléanistes, partisans des Orléans (montés sur le trône avec la monarchie de Juillet). En 1883, une minorité de légitimistes reste fidèle aux Bourbons et à leur nouveau chef, Jean de Bourbon (comte de Montizón), issu du deuxième petit-fils de Louis XIV — Philippe de France, duc d'Anjou, devenu roi d'Espagne sous le nom de Philippe V. Pour ces légitimistes « non fusionnistes » (appelés aussi Blancs d'Espagne, Blancs-Saliens, Blancs d'Anjou, ou simplement Angevins), le prétendant doit obligatoirement être l'aîné de tous les Capétiens légitimes, quelle que soit sa nationalité et nonobstant la renonciation (en vue des traités d'Utrecht de 1713) à ses droits au trône de France (pour lui-même et sa descendance) de son ancêtre Philippe V — ce dernier ayant d'ailleurs tenu pour non valable (en 1728) cette renonciation au droit que sa naissance lui donnait de succéder à la Couronne de France. Parallèlement, la majorité des anciens légitimistes se joint aux orléanistes et se rallie à Philippe d'Orléans (comte de Paris), héritier des prétentions orléanistes issues de la monarchie de Juillet, descendant seulement du frère de Louis XIV (Philippe de France, duc d'Orléans) mais devenu l'aîné des Capétiens légitimes de nationalité française ; pour ces « fusionnistes » (appelés aussi Blancs d'Eu ou néo-légitimistes[7]), qui se réclament d'une « fusion » dynastique, le prétendant doit, précisément, remplir cette condition d'être français.
- Fils du roi Jérôme de Westphalie (lui-même dernier frère de Napoléon Ier), Napoléon (Jérôme) n'est pas l'aîné de toute la famille Bonaparte, mais seulement de ceux de ses membres considérés comme dynastes sous le Second Empire. Le prince a quatre cousins (Lucien-Louis, Napoléon-Charles, Louis-Lucien et Roland) et deux neveux (Jérôme-Napoléon — qui a un fils — et Charles Joseph).
- Sur cette querelle entre Bonaparte, voir encore l'article Querelles dynastiques françaises.
- Retiré à Prangins, c'est là que le prince Napoléon (Jérôme) recevra, en 1888, la visite du général Boulanger, cherchant à obtenir le soutien des bonapartistes[9]
- Ce qu'il devient après l'extinction des branches réputées non dynastes de la famille Bonaparte, le 10 novembre 1945.
- En 1996, par testament, c'est son petit-fils le prince Jean-Christophe que le prince Louis désignera pour lui succéder comme prétendant bonapartiste dans l'ordre de primogéniture masculine, plutôt que son père, le prince Charles.
- « Lors de son départ, le 23 juin 1886, une foule de plus de 12 000 personnes accompagne le Comte de Paris jusqu’au Tréport d’où il s’embarque pour l’Angleterre. Dans la voiture qui emmène le prince ont pris place deux de ses plus fidèles amis, le marquis de Breteuil et Louis Charles de la Trémoïlle, duc de Thouars. Celui-ci se propose même d’accompagner le Comte de Paris en exil, ce que ce dernier refuse. »[21]
- Au congrès légitimiste du 3 juillet 1886 à Paris, l'expulsion des Orléans est qualifiée d'« expiation » — allusion à la déchéance de Charles X et à l'avènement de Louis-Philippe Ier en 1830[22]. Ces légitimistes fidèles aux aînés des Bourbons (espagnols), qui seront évoqués dans la section suivante. Cf. aussi l'article Querelles dynastiques françaises.
- Cf. supra sur cette « fusion » dynastique revendiquée par les partisans des Orléans.
- Emmanuel Le Roy Ladurie (dans Le Figaro littéraire[26]) narre la chose comme suit : « C’est un texte parlementaire de 1886, la “loi d’exil” qui a fixé pour longtemps le sort de la famille royale française, plus précisément de la branche orléaniste d’icelle, seule survivante (du moins dans l’Hexagone) de la race capétienne. Dès la Belle Époque, en effet, nos “rois” successifs, à savoir le duc d’Orléans (“Philippe VIII”) [fils du comte de Paris, exilé en même temps], puis le duc de Guise (“Jean III”) [cousin germain et successeur du duc d'Orléans] vont manger le pain amer de l’exil. Le duc d’Orléans portait le surnom de “prince gamelle”, car il avait souhaité, honorablement, faire son service militaire en France et partager la gamelle des troupiers, ce qui lui valut, récusé par l’adjudant de service, quelques semaines de prison [etc.] ».
- Les visites, rendues publiques (tout comme les menus du duc d'Orléans, énumérés par la presse républicaine), de la danseuse Émilienne d'Alençon et de la chanteuse Nellie Melba devaient causer la rupture de ses fiançailles avec sa cousine germaine Marguerite d'Orléans (fille du duc de Chartres)[25],[11]
- Sur l'expérience de la captivité, le duc d'Orléans dira : « La prison est moins dure que l’exil, car la prison c’est encore la terre de France. »[11]
- Cet avocat à la Cour d'appel de Lyon ajoute que « Le premier ministre de l'Intérieur qui eut qualité pour faire exécuter contre eux cette loi [...] se nommait [...] Malvy »[29].
- Beaucoup plus politique que ses deux prédécesseurs, les ducs d'Orléans et de Guise, Henri d'Orléans a très vite entendu s'impliquer dans la vie politique de son pays, avant même de devenir le chef de sa famille.
- Organisée avec l'aide de ses partisans (chez l'un d'eux, Louis Émery), cette rencontre avec des journalistes fait suite à cet important épisode de la diplomatie européenne, qu'Henri d'Orléans commente en ces termes « le diktat allemand est une humiliation sans précédent dans notre histoire »[30]. L'incursion en France du prétendant orléaniste fera la « Une » de plusieurs journaux. Ainsi, dans Le Populaire du , le journaliste raconte comment il a « été "kidnappé" par le comte de Paris » : « On répartit une vingtaine de journalistes entre six ou sept voitures. Chacune de celles-ci prend une route différente… Près de Pontoise… Une gentilhommière en briques rouges, au milieu d'un grand parc. Tout le monde descend. Un homme se précipite à notre rencontre. C'est le propre frère du colonel de La Rocque, l'homme de confiance de la maison. »[31] Paris-Soir narre aussi cette conférence de presse à la « Une » de son édition du 22 octobre 1938 : « Malgré la loi d'exil, le comte de Paris revient en France pour lancer une proclamation. Il arrive secrètement en avion aux environs de Paris, prend une coupe de champagne avec les journalistes convoqués et repart aussitôt par la voie des airs ». Le journaliste Rochat-Cenise y décrit : « Un petit village, un village de France avec des maisons grises au milieu d'arbres encore verts. Un château charmant avec un grand parc et quinze journalistes dans ce château [...] ». Et le comte de Paris déclare : « J'ai une seconde demande à vous adresser, c'est de ne jamais dévoiler l'endroit où vous êtes réunis ici. »[30]
- Ces entrevues sont évoquées dans un ouvrage par son fils l'actuel duc d'Orléans[35].
- Les comploteurs envisagent un gouvernement d’union, mis en place en Algérie, des autorités françaises de Londres et d'Alger — dans lequel, derrière l'aîné des Orléans, le général de Gaulle serait chargé des affaires politiques et le général Giraud chef des forces militaires. Toutefois, après qu'un fidèle de d'Astier, le jeune Fernand Bonnier de La Chapelle, a abattu l’amiral, on accusera le comte de Paris et son hôte d'avoir « armé le bras de Fernand », voire de complot monarchiste. L'enquête sur l’assassinat de Darlan ne mettra pas en évidence l'implication d'Henri d'Orléans[37].
- « Un rassembleur qui s’appelle Henri de France ne camoufle pas aisément la personnalité du prétendant. Sa désignation passerait pour un essai de restauration [...] », lui dit Giraud[37].
- Discours de Nicolas Sarkozy pour la remise des insignes de la Légion d’Honneur au Comte de Paris, 13 octobre 2009 : « En 1947, par un décret spécial du Président Vincent Auriol – la loi d’exil n’a pas encore été abrogée, vous [le comte de Clermont, actuel comte de Paris et « chef de la famille de France », selon les termes du président de la République alors en fonction] êtes autorisé à séjourner en France pour y faire vos études. [...] »[38]
- Loi de 1886, dite « loi d'exil », qu'Isabelle d'Orléans — dont le père (le comte de Paris), le frère (le duc d'Orléans), le cousin et mari (le duc de Guise), le fils (aussi comte de Paris) et le petit-fils (alors comte de Clermont) ont tous subi la plus sévère mesure, leur imposant l'exil — qualifiait de « loi inique »[39].
- Depuis l'abdication en sa faveur, en 1868, de son père, le comte de Montizón, précédent prétendant carliste. Charles de Bourbon deviendra également prétendant légitimiste au trône de France à la mort de son père en 1887. Son fils puis son frère assumeront eux aussi, jusqu'en 1936, cette double revendication dynastique, qui sera reprise ensuite par la nouvelle branche aînée des Bourbons, issue de François de Paule de Bourbon, oncle cadet du comte de Montizón.
- Ce qui vaut à une trentaine de ces saint-cyriens d'être exclus[40],[41] de leur école militaire (par décision ministérielle du général Farre, ministre de la Guerre).
- « Ministère de l’Intérieur – Division de la sûreté générale – 2e bureau – Police des étrangers – Expulsion
[...]
« Le ministre de l’intérieur pourra, par mesure de police, enjoindre à tout étranger voyageant en France, de sortir immédiatement du territoire français et le faire conduire à la frontière »
[...]
Vu les renseignements contenus dans le rapport de M. le préfet de police, en date du 15 juillet 1881, sur don Carlos, duc de Madrid ;
Considérant que la présence de l’étranger susdésigné sur le territoire français est de nature à compromettre la sûreté publique,
Arrête :
Article Ier. Il est enjoint au sieur don Carlos, duc de Madrid ;
De sortir du territoire français.
[...]
Paris le 16 juillet 1881 »[42] - Jules Brémond, dans Le Figaro du 18 juillet 1881, se livre à des hypothèses sur le motif de cette expulsion : « Ce décret ne donne [...] aucun motif à la mesure prise par le gouvernement. Toutes les suppositions sont donc permises. Nous savons très bien que dans les cercles gouvernementaux on essayera — on essaye déjà — de faire croire que l’expulsion de don Carlos est due à son attitude pendant la messe à l’occasion de la fête de Mgr le comte de Chambord. Mais ce motif n’est pas le vrai. La messe légitimiste de Saint-Germain des Près n’a d’ailleurs provoqué aucune manifestation, et l’attitude de don Carlos, aussi bien à l’église qu’à la sortie, a été absolument digne et correcte. Il faut chercher ailleurs la vraie raison du décret d’expulsion que vient de signer M. Constans. Il faut la chercher d’abord, croyons-nous, dans le désir du gouvernement français d’être agréable au gouvernement espagnol, avec lequel nos rapports sont assez tendus en ce moment. L’expulsion de don Carlos servirait de prétexte à un rapprochement. » Et dans la presse morlaisienne, Henri des Houx croit pouvoir affirmer que : « Mgr le duc de Madrid [...] n'est pas un prétendant français, et sa présence à la Chapelle expiatoire ou à Saint-Germain-des-Prés ne pouvait inquiéter la République. Non, ce n'est pas cela. Mgr le duc de Madrid est chassé, parce le gouvernement de la République française a peur du gouvernement espagnol[43] ».
- L'état du prince Jacques, convalescent depuis un accident d'automobile survenu fin décembre à Villefranche, venait d'empirer « par suite d'une attaque d'angine diphtérique »[45]
- Il compte d'ailleurs parmi ses amis le président de la République, Paul Doumer, auquel il dit en plaisantant qu'il devrait faire un procès à la République pour récupérer le palais de l'Élysée[46].
- Ses deux fils, nés de mère française, ont hérité de la double nationalité.
- Journal des débats politiques et littéraires, 24 juillet 1886 : « S'il est exact que l'article [4 de la loi de 1886] prescrit la mise en non-activité des princes de la Maison d'Orléans, il est non moins certain que cet article n'est pas applicable aux princes Murat, ni au prince Roland Bonaparte. C'est, en effet, par suite d'une étrange erreur que M. le ministre de la guerre les a considérés comme appartenant à une des familles qui ont régné en France. M. le ministre n'avait qu'à se reporter aux actes qui ont réglé l'état de la famille des Napoléon. Il y aurait lu que, à côté de la famille impériale proprement dite, il y avait la famille civile de l'empereur ; que les membres de cette dernière n'avaient aucun droit d'hérédité au trône, que les descendants de Napoléon 1er, de Joseph, de Louis et de Jérôme Bonaparte ont seuls été appelés éventuellement à recueillir la dignité impériale, mais que les Murat et les descendants de Lucien Bonaparte, dont le prince Roland est le petit-fils, n'ont jamais eu à invoquer des droits héréditaires à la couronne de France. C'est fausser leur rôle que de les traiter en prétendants, et on se trompe en les mettant au nombre des membres de la famille impériale. La loi du 23 juin est dirigée contre les princes qui, à un moment donné pourraient, en vertu du droit d'hérédité monarchique, aspirer au trône ; elle ne concerne donc pas la famille Murat et la descendance de Lucien Bonaparte. »
- « Par décision du ministre de la guerre, le général prince Joachim Murat vient d'être rayé des cadres de l'armée, en vertu de la loi récemment votée sur les prétendants », affirme Jules Brisson dans sa chronique politique publiée dans Les Annales politiques et littéraires, revue dirigée par Adolphe Brisson, 4 juillet 1886[53]. La famille Murat n'a pourtant jamais régné en France.
- Jean Tulard (Murat, éditions Fayard, 1999) estime que « La République [...] en 1886 [...] inclut [les Murat] dans certaines dispositions de la loi d'exil visant les membres des anciennes familles régnantes ».
- Charles de Freycinet, chef du gouvernement pour la troisième fois, évoque ces évènements dans ses mémoires : « Ce drame eut un épilogue, aussi fâcheux qu'imprévu. L'article 4 portait que les membres des familles ne pourraient « entrer » dans l'armée. La première rédaction de M. Brousse disait : « faire partie ». Pour éviter de donner à la loi un caractère rétroactif, il avait, sur notre demande, substitué le mot « entrer », ce qui permettrait de conserver leurs grades (non l'emploi) à ceux qui les possédaient déjà. Le général Boulanger, toujours désireux de se signaler, avait, sans prévenir le conseil, signé des arrêtés de radiation et les avait notifiés aux princes. Dès que nous l'apprîmes, nous interpellâmes le général. Il s'excusa, disant qu'il ne s'était pas avisé de la distinction dont nous l'entretenions, qu'il avait appliqué la loi de bonne foi, et qu'aujourd'hui, les arrêtés étant publics et aux mains des intéressés, il ne pouvait les retirer; que du reste, si ces arrêtés avaient violé la loi — ce qu'il ne croyait pas — les parties lésées n'avaient qu'à se pourvoir devant le Conseil d'Etat. »[12]
- L'ancien président du Conseil, Freycinet, commente ainsi cette décision du juge administratif : « Le duc d'Aumale se pourvut, en effet, tant en son nom qu'au nom des autres membres de la famille, et, ce qui est piquant, le Conseil d'Etat donna gain de cause au ministre. »[12]
- Ses quatre enfants, quant à eux, sont tous nés en France.
- Ce grade avait été le sien dans l'armée autrichienne pendant la Première Guerre mondiale.
Bibliographie
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Références
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- Georges Poisson 1999, p. 341-342.
- L'affaire est racontée en détail par André Besombes dans l'article « Odonto-Stomatologie et Diplomatie : de l'Impératrice Eugénie à Clemenceau », publié dans Histoire médicale, tome XVII, vol. 1 – 1983 (« Odonto-Stomatologie et Diplomatie », sur www.biusante.parisdescartes.fr (consulté le )). Cette lettre figure dans Novembre 18 en Alsace par Jacques Granier, publié en 1968 aux Éditions des Dernières Nouvelles de Strasbourg (p. 88), accompagnée de la photocopie de l'original.
- Cf. Notice officielle sur le site de l'Assemblée nationale « http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/hutin-desgrees-paul-21101888.asp »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
- « Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit » - Article 175
Voir aussi
Article connexe
- Chanson L'Expulsion
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