Opérations SAS en Bretagne
Les opérations SAS en Bretagne furent des opérations menées par des SAS français en Bretagne à partir de la nuit du 5 au , en soutien au débarquement de Normandie pendant la Seconde Guerre mondiale. Le but de ces commandos était d'empêcher les troupes allemandes présentes en Bretagne de rejoindre le nouveau front ouvert en Normandie. Ce furent les premières troupes alliées engagées sur le territoire français dans le cadre de l'opération Overlord. Ces opérations se terminèrent lorsque l'avance alliée permit de libérer la majeure partie du territoire breton, en , à l'exception des ports de Brest, de Lorient et de Saint-Nazaire.
Date | 5 juin - |
---|---|
Lieu | Bretagne |
Issue | Victoire alliée |
Forces françaises de l'intérieur France libre (éléments de la 8e armée britannique) | Allemagne nazie |
Roddy Mac Leod Pierre Bourgoin Pierre Sicaud | Wilhelm Fahrmbacher (XXVe) Général Koltitz (LXXIVe) |
2e RCP/4th SAS (450 hommes)
3e RCP/3rd SAS (82 hommes) Quelques SAS britanniques de liaison Résistance intérieure française | XXVe corps d'armée LXXIVe corps d'armée 2e division aéroportée 3e division aéroportée 5e division aéroportée (85 000 hommes) Futurs éléments de l'Armée Vlassov[1] Bezen Perrot Milice française |
SAS : 77 morts 200 blessés, qq prisonniers FFI : 116 morts, qq blessés, prisonniers, déportés |
Opération Overlord (Seconde Guerre mondiale)
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Description des opérations
Contexte
En janvier 1942 en Égypte, le major britannique Stirling, fondateur et chef des SAS, intègre à son unité, le L detachment of the SAS Brigade, les parachutistes de la France libre de la 1re Compagnie d'Infanterie de l'Air du capitaine Bergé. Ces hommes sont alors chargés d'effectuer des missions de sabotage et de harceler les forces de l'Axe en Crète, en Libye et en Tunisie. De retour en Grande-Bretagne en , deux bataillons voient finalement le jour en novembre : le 3e Bataillon d'Infanterie de l'Air (BIA) sous le commandement du capitaine Pierre Chateau-Jobert, surnommé Conan, et le 4e BIA dirigé par le commandant Pierre-Louis Bourgoin surnommé « le manchot »[2]. Finalement, ces deux unités de parachutistes français sont intégrées au sein de la brigade SAS placée sous le commandement du général Roddy McLeod (remplaçant de Stirling, prisonnier) sous les dénominations de 3rd SAS et 4th SAS.
Buts et moyens
Lorsque la Normandie est choisie comme lieu de débarquement, il est vital pour la réussite de l'opération que les Allemands ne renforcent pas rapidement le front. L'opération Fortitude a pour but de faire croire aux Allemands que le débarquement en Normandie n'est qu'une diversion, et qu'un second débarquement est prévu dans le Pas de Calais, afin que les troupes allemandes stationnées dans le Nord de la France et en Haute-Normandie y restent. Pour prévenir le risque que les troupes allemandes stationnées en Bretagne (dont des supplétifs ukrainiens, géorgiens et russes) ne rejoignent rapidement le front normand, les Alliés décident que la nuit précédant le débarquement, une partie des SAS français seront larguées en Bretagne afin d'y mener des opérations de sabotage et de guérilla.
Les SAS français n'étaient pas attendus par la Résistance Bretonne. Les Anglo-Américains au moment du débarquement n'avait pas de relation avec le général De Gaulle et donc pas avec la Résistance.
Les SAS doivent par des opérations de sabotage des voies et des moyens de communication bloquer les 85 000 soldats allemands[3] et troupes supplétives, soit huit divisions en Bretagne pendant toute la bataille de Normandie.
Pour cela, à J-1, quatre sticks SAS, respectivement aux ordres des lieutenants Pierre Marienne, Henri Deplante, Botella et Deschamps, embarquent dans deux quadrimoteurs Short Stirling de la RAF à destination de la Bretagne. Ils sont largués deux à deux dans le sud et le nord de la péninsule bretonne afin de préparer le terrain pour d'autres parachutages qui suivront les jours suivants.
Les deux premières équipes sont donc parachutées dans le Morbihan le à 0 h 30, heure anglaise, (22 h 30, soir du en Bretagne[4]), près de Plumelec ; les deux autres sont « droppés » en forêt de Duault dans les Côtes-d'Armor. Leur mission est d'établir deux bases pour mener des opérations de guérillas dont les noms de code sont respectivement Dingson et Samwest.
Les opérations
Opération Samwest
Sous le commandement des lieutenants Deschamps et André Botella[5], 18 hommes du 4th SAS français furent parachutés près de la forêt de Duault dans les Côtes-du-Nord, à une trentaine de kilomètres de Guingamp. La première phase de la mission consistait à établir une base sûre dans la péninsule bretonne, nom de code Samwest, près de Callac (22), puis établir des zones de parachutage et d'atterrissage pour le bataillon. Jusqu'au , 114 SAS français furent parachutés sur Samwest.
En se rendant compte du potentiel de la Résistance locale, il fut décidé, par le commandement Anglais, de l'intégrer aux opérations de guérilla contre les troupes allemandes et surtout de leur fournir armes et munitions qui leur faisaient cruellement défaut
Le , l'armée allemande passe à l'assaut du rassemblement, mais obtient seulement la dispersion des SAS qui rejoindront Dingson.
Opération Dingson
Un premier groupe de 18 hommes (sticks des lieutenants Marienne et Deplante) avait été parachuté entre Plumelec et Guehenno[6], dans le Morbihan, non loin de Vannes. Leur but était d'établir la base Dingson où seront parachutés ensuite d'autres SAS. Immédiatement après leur parachutage, répéré par l'ennemi, ils furent contraints de combattre des troupes supplétives allemandes (des Ukrainiens et Géorgiens de l'armée Vlassov). Une heure plus tard, le caporal Émile Bouétard, un Breton, la première victime du début de l'opération Overlord[2], est blessé près de Plumelec, puis achevé. Marienne avait également perdu dans l'opération ses trois radios, faits prisonniers. 14 des 18 parachutistes purent rejoindre le maquis de Saint-Marcel en cours de mobilisation, distant de 15 km, avec l'aide de la Résistance locale[7]. Jusqu'au , 160 soldats français du 4th SAS (dont son commandant, Bourgoin, auquel les Anglais offrirent un parachute tricolore) furent parachutés sur la base Dingson installée dans ce maquis[8],[9].
Un grand stock de matériel fut aussi parachuté presque chaque nuit sur la zone de largage (D.Z. ou dropping zone) « Baleine » (située comme le P.C. à la ferme de la Nouette, sur la commune de Sérent), y compris, peu avant l'attaque allemande, quatre jeeps et des mitrailleuses. Les mitrailleuses furent endommagées en arrivant au sol : la puissance de feu de l'escadron motorisé s'en trouva amoindrie. Une partie des survivants de Samwest avait alors rejoint la base Dingson ainsi que quelques cooneys parties venus se réarmer. La défense allemande locale attaqua le maquis le 18 juin. Les pertes, côté français furent d'une trentaine de victimes, les Allemands achevant les blessés. Après la bataille, les troupes allemandes, aidés de collaborateurs français, profitant d'un uniforme SAS récupéré, traquèrent SAS et maquisards[10].
Opération Cooney parties
58 parachutistes répartis dans 18 sticks de 3 à 5 hommes furent parachutés dans la nuit du 7 au dans le cadre de l'opération Cooney Parties. Largués essentiellement sur le Morbihan et les Côtes-d'Armor sans comité d'accueil, ils étaient chargés du sabotage du réseau ferré breton, ainsi que du réseau électrique et de celui de communication, en parallèle des opérations Samwest et Dingson. Ces 18 sticks, leur mission remplie, devaient rejoindre, quelques jours plus tard, les bases Dingson ou Samwest, pour se réarmer, former les maquisards ou participer à d'autres missions de sabotage.
Opération Grog
Après la fin de Samwest puis Dingson cette opération débuta le . Le capitaine Deplante quitte le secteur de Saint-Marcel, il est chargé de mettre en place la base Grog dans les environs de Guern près de Pontivy. Cette organisation, sans base fixe, doit assurer les parachutages pour l'armement et la formation des bataillons FFI et FTP d'un large secteur.
Opération Lost
L’opération Lost fut le parachutage de sept SAS dans la nuit du 22 au au-dessus de la Bretagne, à la suite de la dispersion de la base Dingson (Saint-Marcel). Le major britannique Carry Elwes fut chargé de reprendre contact avec le commandant Bourgoin, afin d'informer le commandement allié, sans nouvelles depuis la bataille de Saint-Marcel. Cette mission impliquait également le retour en Grande-Bretagne d'un officier français chargé de rendre compte.
L'équipe radio, dirigée par le sergent Marty, fut chargée de rejoindre le capitaine Marienne, afin de remplacer son équipe disparue. Le lieutenant Fleuriot et son stick furent chargés de veiller à la sécurité du groupe.
Opération Derry
Cette opération, complètement indépendante des précédentes, fut conduite par la 2e compagnie du 3rd bataillon SAS du commandant Chateau-Jobert, du 5 au . Elle avait pour but de préparer la libération du Finistère, en prévision de l'avance alliée. Ce squadron, aux ordres du capitaine Sicaud, et réparti en 5 sticks, fut parachuté dans la nuit du 4 au . Sur les 82 hommes engagés, 4 furent tués et 3 furent blessés.
Réactions des Allemands
Outre les tentatives d'encerclement des bases Samwest et Dingson, les Allemands traquèrent les résistants et les parachutistes. Le notamment, aidés par un groupe de collaborateurs affiliés à la Gestapo dont Maurice Zeller, les Allemands découvrent et surprennent le PC de Pierre Marienne à Kerihuel, un hameau de Plumelec. Le capitaine Marienne et 17 de ses hommes (6 parachutistes, 8 résistants et 3 fermiers locaux) furent exécutés à l'aube, de façon sommaire. Ils multiplièrent les représailles contre les prisonniers, mais aussi contre la population locale accusée de soutenir les SAS et la Résistance.
Fin des opérations
En août 1944, les Américains réussirent avec la percée d'Avranches à pénétrer en Bretagne. L'insurrection générale fut déclenchée par la Résistance, et la Bretagne rapidement libérée, à l'exception des ports forteresses : Brest, Lorient et Saint-Nazaire. Sur les 450 SAS engagés du 4e bataillon SAS, 70 ont été tués et 197 blessés. Les FFI qui y avaient pris part, encadrés par les SAS, avaient aussi subi de sérieuses pertes : 116 morts dont 30 dans le maquis de Saint-Marcel. Une partie de ces forces forma, dès 1944, le 41e RI dont le drapeau porte l’inscription « Saint Marcel 1944 ». Les SAS, du 3rd comme du 4th, rejoignirent Vannes, où ils se regroupèrent. Ceux du 3rd retournèrent en Angleterre par la Normandie, en prévision d'un second parachutage en France. Le 4th SAS (ou 4e bataillon de l'infanterie de l'air (BIA)) devenu le 2e régiment de chasseurs parachutistes en , et fut envoyé sur un autre théâtre d'opérations, la Loire : ce fut l'opération Spencer qui put débuter fin août après la réception le à Locoal-Mendon, de 10 planeurs Waco contenant chacun une jeep et 3 SAS, ce qui augmentait considérablement la mobilité et la puissance de feu des parachutistes[11],[12],[13]. Le 3rd SAS (3e BIA) changera également de nom, et deviendra le 3e régiment de chasseurs parachutistes.
Inspirations
Différents films ou téléfilms se sont inspirés de ces opérations pour leur scénario :
- Le Jour le plus long (The Longest Day, 1962) : une scène du film montre des SAS français en action, intervenant avant les parachutages américains sur le Cotentin. 3 parachutistes SAS atterrissent près d'une résistante qui agite une lampe. L'un d'eux qui porte une croix de Lorraine sur sa manche, lui demande s'ils sont en retard (en français dans la version anglaise du film). La résistante les guide ensuite vers un résistant qui les attend sur une ligne de chemin de fer. Les SAS tuent 2 soldats allemands de garde et sabotent la voie. L'explosion fait dérailler un train.
- Le Bataillon du ciel (1947), film d'Alexander Esway, avec Pierre Blanchar et Raymond Bussières, (2 parties : « Ce ne sont pas des anges » - « Terre de France »).
- Un jour avant l'aube (1994), téléfilm de Jacques Ertaud, avec Xavier Deluc et Jean-Pierre Bouvier, retraçant les opérations Samwest et Dingson, ainsi que la bataille de Saint-Marcel et la mort du capitaine Pierre Marienne.
- Le 16 à Kerbriant (1971), feuilleton de Michel Wyn, avec Louis Velle en officier allemand, Tsilla Chelton en résistante et Jean-Pierre Castaldi en sergent parachutiste SAS. Ce feuilleton en noir et blanc rend bien l'atmosphère de l'été 1944 en Bretagne. Le débarquement aérien des parachutistes français à partir du et la bataille de Saint Marcel annoncent la libération tant espérée.
Notes et références
- Contributions des forces spéciales aux missions d'interdiction et de fixation stratégiques : l'exemple des SAS en Bretagne.
- François Malye, Une Bataille de Corsaires, Le Point, p. 70, no 1916, 4 juin 2009.
- Ordre de la Libération, « Pierre-Louis Bourgoin », sur Site de l'ordre de la Libération (consulté le )
- « D-Day : Émile Bouétard, le premier mort pour la France », sur France 24, (consulté le )
- Voir le récit du lieutenant SAS André Botella, http://callac.joseph.lohou.fr/botellarecit.html
- C Prime, « Des paras tricolores », Historia, , p. 24
- Jean Paulin, radio parachutiste SAS : la rage au cœur (1958), marabout junior.
- Musée des parachutistes à Pau (Pyrénées-Atlantiques) "Camp d'Astra".
- Henry Corta (1921-1998), lieutenant parachutiste SAS : les bérets rouges (1952), amicale des anciens parachutistes SAS.
- Corta et al. 1997
- Photos aux archives départementales du Morbihan
- Lucien Neuwirth, Mais, après tout… (Ma guerre à 16 ans), Actes Sud, 1994.
- Leroux 1990, p. 505
Annexes
Liens externes
- (en) 38e groupe RAF
- Parachutistes S.A.S de la France Libre 1940 - 1945
- [PDF] « Il y a 62 ans… du ciel - au combat : la libération ! » Le SOE en Bretagne, par le Major Senmartin, du Centre de documentation de l'ESAT, Transmissions magazine, no 54, , p. 32-33
Articles connexes
Bibliographie
- Henry Corta, Marie Chamming's, Joseph Jégo, Noël Créau et Philippe Reinhart, Qui ose gagne (France-Belgique 1943-1945, les parachutistes du 2e RCP / 4th SAS), Service historique de l'armée de terre, , 296 p. (ISBN 978-2-86323-103-6)
Témoignages
- Henry Corta, Les Bérets Rouges, Amicale des Anciens Parachutistes S.A.S., , 329 p.
- Jean Paulin, La rage au cœur, Marabout junior, , 158 p.
- Henri Deplante, La liberté tombée du ciel, Paris, Editions Ramsay, , 250 p. (ISBN 2-85956-015-7)
- Roger Flamand, Paras de la France libre, Paris, Presse de la cité, , 316 p. (ISBN 2-258-00036-X)
- Jack Quillet, Du maquis aux parachutistes S.A.S., Saint-Cloud, Atlante Editions, , 203 p. (ISBN 978-2-912671-26-4 et 2-912671-26-4)
- Lucien Neuwirth, Mais, après tout… : Ma guerre à 16 ans, Actes Sud, , 235 p. (ISBN 2-7427-0220-2)
- Edgard Tupët-Thomé, Special Air Service : L'épopée d'un parachutiste en zone occupée 1940-1945, Grasset,
- Marie Chamming's, J'ai choisi la tempête, Éditions France-Empire, , 324 p. (ISBN 978-2-7048-0819-9)
Livres historiques
- David Portier, Les parachutistes SAS de la France libre 1940-1945, Nimrod, 2010 (lire en ligne)
- Roger Leroux, Le Morbihan en guerre 1939-1945, Imprimerie de la manutention Mayenne, , 671 p. (ISBN 2-85554-042-9)
- Paul Bonnecarrère, Qui ose vaincra, Fayard, 1971, 475 p., (livre de poche, 1975, 572 p. (ISBN 2-253-01011-1)).
- Pierre Montagnon, Histoire des commandos : 1944-1945, vol. 2, Paris, éditions Pygmalion, , 332 p. (ISBN 2-85704-737-1)
- Jean-Charles Stasi, Les paras français du jour J, Heimdal, 2017, 80 p..
- Olivier Porteau, « Esquisse d’un bilan réévalué de l’action des parachutistes français en Bretagne : mission militaire et/ou politique ? », En Envor, revue d'histoire contemporaine en Bretagne,
- Olivier Porteau, L’Action combinée du 2e régiment de chasseurs parachutistes et de la Résistance bretonne dans le dispositif stratégique de l’opération Overlord, in Patrick Harismendy et Erwan Le Gall (dir.), Pour une histoire de la France Libre, Presses Universitaires de Rennes, 2012, p. 107-123 (ISBN 978-2-7535-1734-9)
- Anthony Cave Brown (trad. de l'anglais), La guerre secrète, Le rempart des mensonges, Le Jour "J" et la fin du IIIe Reich, Paris, éditions Pygmalion/Gérard Watelet, , 469 p. (ISBN 2-85704-098-9)Chapitre IV. - L'insurrection française. l'intervention victorieuse des maquis contre la division das Reich, pp. 289 à 303.
- Pierre Le Don, Opération Derry : paras FFL dans le Finistère, Militaria, n° 416, mai 2020, pp. 58-61. (ISSN 0753-1877)
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