Toponymie bretonne
La toponymie bretonne est la toponymie de la Bretagne historique et se compose d'une part des toponymes brittoniques et d'autre part des toponymes romans ou romanisés. Les appellatifs toponymiques et les anthroponymes issus du breton se concentrent essentiellement à l'ouest de la Bretagne (Bretagne bretonnante) et les toponymes romans dans sa partie orientale et méridionale (Bretagne gallèse).
Cas général
La toponymie ancienne de la Bretagne est basée principalement sur deux catégories de toponymes selon leur langue d'origine :
- Le toponymes romans ou romanisés, parmi lesquels on distingue
- Les toponymes gaulois, c'est-à-dire indigènes et aux origines parfois très anciennes. Ils ont été créés à partir d'une langue celtique continentale.
- Les toponymes gallo-romans qui incorporent parfois des éléments de la langue vernaculaire, le gaulois, mais qui sont pour l'essentiel des créations à partir de la langue de superstrat, le latin vulgaire
- Les toponymes brittoniques, c'est-à-dire importés ou créés à partir d'une langue celtique insulaire. Ils ont souvent été francisés.
Note : il n'y a pas d'opposition réelle entre les deux catégories, car certains toponymes gaulois ont été bretonnisés, ce qui s'explique par la survivance probable du gaulois au moment de l'installation des Bretons originaires de l'Île de Bretagne, avant d'être francisés plus tardivement. De même, certains toponymes gallo-romans d'origine latine ont été bretonnisés (notamment dans le Vannetais)
Le toponymie de la Bretagne se caractérise aussi par la quasi-absence d'appellatifs germaniques, alors que l'on en trouve, certes de manière erratique, dans le Maine contigu ou encore en Anjou. En revanche, la diffusion des anthroponymes germaniques qui se sont fixés dans la toponymie, a eu lieu comme ailleurs.
Le cas du suffixe -acum en Bretagne historique
Le suffixe -acum est un suffixe formateur de toponymes typique des zones géographiques ayant connu un ancien peuplement de langue celtique.
Il remonte au celtique commun *-āko(n) (non attesté). La forme gauloise est parfois notée -acon (gallo-roman -ACU, notée en latin -acum ou -acus). La forme du brittonique devait être *-ōgo(n).
D'après des comparaisons étymologiques, c'est un suffixe d'adjectif à l'origine. L'emploi comme adjectif se vérifie aussi dans des inscriptions en langue gauloise et latine : il caractérise un sanctuaire (Anualonacu « au sanctuaire d'Anualō ») ; il définit un dieu par exemple : Mars Braciaca « dieu de la bière ? » ; il indique l'origine familiale de quelqu'un et situe des marins sur la colonne des Nautes (nautae Parisiaci « marins de chez les Parisii »). Il a donc une dimension également localisante. L'adjectif localisant devient substantivé comme dans d(e)ae Rosmertae Dubnocaratiaco « À la déesse Rosmerta de Dubnocaratiacum ». C'est cet emploi substantivé qui a donné naissance aux noms de lieux. Dans ce cas, Dubnocarati- ne peut être que le nom de personne Dubnocaratius, ce qui vérifie la thèse d'Henri d'Arbois de Jubainville sur l'origine des noms en -iacum.
Ce suffixe s'est perpétué dans les langues celtiques modernes après évolution phonétique : gallois -og, vieux breton -og (noté -oc) > breton -eug (noté -euc) > -ec / -eg, irlandais -ach.
Coligny < *Kolin-(i)āko- correspond peut-être au breton kelennec (cf. Quelneuc), cornique Kelynek (cf. Callinick et Kelynack), gallois Clynnog et Irlandais cuilneach qui signifient « lieu planté de houx »
Normalement dans les régions de langue d'oïl, -(I)ACU a évolué phonétiquement en -ay, -é, -y, etc., en passant par un stade -(i)ac à une époque mal déterminée.
Ce n'est pas toujours le cas en Bretagne armoricaine où l'on parlait breton conjointement au gallo-roman. Ainsi trouve-t-on en Bretagne du sud (Loire-Atlantique, Morbihan) et à l'est (Ille-et-Vilaine, Côtes d'Armor) de nombreux toponymes terminés par -(é)ac, comme Brignac ; Moréac ; Vignac ; Campénéac ; Montennac, Lohéac, Loudéac, Tinténiac, Carnac, etc. qui ont tous leurs stricts équivalents dans d'autres régions, ainsi Brigné (Pays de la Loire), Brignac (Languedoc-Roussillon) ; Mory (Nord-Pas-de-Calais), Morey (Bourgogne) ; Vigny (Lorraine) ; Champigny, Campagnac ; Montigny, Montagnac ; Loué (Pays de la Loire) ; Taintignies (Belgique), Tintignac (Limousin) ; Carnac-Rouffiac, Charnat, Charnay, etc.
Deux théories expliquent le maintien du -ac au IXe siècle, alors qu'à cette époque il évoluait en -é, -y etc. dans la zone romane.
- Cette zone correspondrait à la zone de bilinguisme roman / breton. C'est le contact avec la langue bretonne qui a empêché l'évolution commune dans les dialectes d'oïl, cependant l'usage de la langue bretonne va être trop limité dans l’espace et le temps à l'est d’une ligne courant de Vannes à Saint-Malo (avec une pointe vers l’ouest au centre) pour provoquer la disparition du gallo-roman et le renouvellement complet de la toponymie[1]. En outre, dans la partie est et sud est du pays Rennais (Vitré, Fougères, etc.), où le breton n'a jamais été parlé, *-(I)ACU a généralement abouti à -é (cf. Vitré), tout comme dans le Maine ou en Anjou surtout (il n'y a aucun nom en -ac dans cette zone).
- Cette zone correspondrait à la zone où l'on utilisait le breton sans parler de bilinguisme véritable, même s'il y eut certainement des îlots romans comme il y eut des îlots brittophones à l'est de Rennes. Ce n'est que plus tard que le roman s'étendit vers l'ouest. Le roman gagna vraisemblablement les portes des actuels départements des Côtes-d'Armor et du Morbihan vers le XIe – XIIe siècle, puis gagna le nord est des Côtes-d'Armor un siècle plus tard[2]. Les processus et les causes de son expansion sont mal connus. Les différentes guerres ou relations diverses favorisaient l'avancée du roman, langue plus valorisée. D'autres parlent d'un essor démographique plus important en Haute Bretagne qui aurait favorisé une émigration vers l'ouest[3] et de la venue de colons originaires de la Normandie toute proche.
Parallèlement à l'emploi de -ac, la langue brittonique va introduire le suffixe *-ōgon qui s'utilise généralement dans les noms de personnes ou de saint. Au stade du vieux breton *-ōgon devient -og (noté -oc ou -uc en français), puis -eug (noté -euc) au XIIe siècle et enfin -eg (noté -ec) au XVe siècle. Ainsi, pour reprendre les exemples précédents, a-t-on des doublets Brignac / Brigneuc (Plumaugat, Côtes-d'Armor) ; Moréac / Morieux (Côtes-d'Armor, Morioc en 1211 puis Morieuc) ; Vignac / Vignoc (Ille-et-Vilaine) ; Campénéac / Campeneuc (Tinténiac, Ille-et-Vilaine, Campenoc au XIe siècle)[4].
La toponymie gallo-romane et gallo
La toponymie gallo-romane en Bretagne se caractérise par deux faits marquants[5] :
- L’abondance de la suffixation en -acum (-ais, -ac, -é) et de la suffixation romane en -aria (-ière, -erie)
- L'importante proportion des termes d'origine celtique dans le vocabulaire toponymique gallo-roman.
Les microtoponymes issus de l'ancien normand
De nombreux microtoponymes sont analogues à ceux que l'on rencontre uniquement en Normandie et parfois dans les départements contigus, car leur étymologie est scandinave. Ces toponymes sont concentrés sur la côte nord de la Haute Bretagne. Ils ont été décrits comme suit : la Hogue à Aleth (Ille-et-Vilaine); la Hoguette à Paramé (Ille-et-Vilaine); la Hoguette à Ruca; le Nez à Saint-Coulomb (Ille-et-Vilaine); le Nez à Paramé ((Ille-et-Vilaine); le Homme (Ille-et-Vilaine, Pleine-Fougères, Hulms 1160); le Dic à Cherrueix (Ille-et-Vilaine); le Dic à Pleurtuit (Ille-et-Vilaine); le Dick à Saint-Servan (Ille-et-Vilaine); le Bec-à-l'Âne, ruisseau à Cherrueix (Ille-et-Vilaine); les Miels à Cancale (Ille-et-Vilaine); la Mielle à Saint-Coulomb, à Paramé et à Saint-Lunaire (Ille-et-Vilaine), etc[6].
L'étymologie ultime de ces différents appellatifs toponymique est scandinave, il s'agit respectivement de :
- haugr « élévation, hauteur, tas », d'où la Hogue, la Houguette. Le terme hogue ou hougue est employé en Normandie avec ce sens au Moyen Âge et encore plus récemment à Jersey[7]
- nes « cap ». D'où le Nez, la graphie moderne étant inspirée par le français nez « appendice nasal »[8]
- hol « cavité » et hola « trou dans la terre », d'où la Houlle, la Houle. Mot encore en usage au sens de « cavité dans les rochers » en normand, mais aussi en gallo. Ce terme est à l'origine du français houle (de la mer). L'étymon hola a donné le normand houlette « terrier »[9]
- díki « fossé rempli d'eau, talus, embanquement, canal », d'où le Dic, le Dick, mot resté d'usage courant en Normandie jusqu'à l'époque moderne[10]
- hólmr « îlot, terrain entouré d'eau », d'où le Homme (et non pas l'homme qui désigne l'orme cf. l'Homme-Mort). Mot utilisé en ancien normand sous la forme hom, parfois homme. Encore vivant à Guernesey sous la forme du diminutif houmet « îlot, rocher, presqu'île »[11]
- bekkr « ruisseau » d'où le Bec, quand ce n'est pas le mot qui désigne un bec au sens topographique[12].
En revanche aucune forme ancienne, ni aucun élément ne permet de déceler l'utilisation du vieux scandinave borg dans la toponymie bretonne : Godebourg (Ille-et-Vilaine, Dol, Godebore 1181) ou Freebors (Ille-et-Vilaine, Roz-sur-Couesnon, XIIIe siècle) peuvent aussi bien s'expliquer par le saxon, le vieux bas francique ou encore contenir un élément tout à fait différent, tombé plus tardivement dans l'attraction de l'ancien français borc, burc « bourg » cf. Combourg.
L'article défini roman le, la apparaît dans les toponymes des régions de langue d'oïl autour de l'an mille, un des plus anciens exemples attestés est La Mare à Sainte-Opportune-la-Mare (Eure, la Mara 1059 - 1066)[13]. Ces formations toponymiques romanes n'ont pas de rapport avec la présence des Vikings en Bretagne (tout comme dans les régions du sud de la Normandie), mais témoignent de l'influence du normand sur le gallo à partir de cette époque. Il va d'ailleurs contribuer à la disparition du breton dans les régions côtières situées à l'ouest du Couesnon et au nord de Rennes. Le gallo possède d'ailleurs quelques termes dialectaux d'origine scandinave, issus du normand.
La toponymie brittonique
Les toponymes bretons sont le plus souvent composés de deux éléments : un premier élément descriptif sert à désigner un objet, le second élément détermine l'objet en question. Il peut s'agir d'un nom de personne, d'un nom commun, d'un adjectif. Par exemple :
- Ti Yann (« la maison de Jean »),
- Ti an Heol (« la maison du soleil, exposée au soleil »),
- Ti Glas (« la maison bleue, couverte d'ardoises »).
L'écriture bretonne ayant été normalisée très récemment, celle des noms de lieu fait largement la part à la phonétique, parfois bretonne comme dans :
- Gweltaz en région KLT,
- Gueltas en région vannetaise.
Mais plus souvent française, comme dans les chemins de la messe qu'on trouve à la sortie des bourgs (hent er maez, mot-à-mot « chemin pour sortir »).
Principaux appellatifs toponymiques brittoniques
La polysémie toponymique et les homonymies rendent parfois l'interprétation délicate de ces appellatifs.
La préhistoire et l'Antiquité
De nombreux toponymes bretons sont des témoins de la préhistoire[14] et de l'Antiquité :
- Karn/carn/garn : tas de pierre, monticule, cairn (Carnac, Carn, Carnoët, Pencarn, Pen-ar-Garn ou Penharn « l'extrémité du tertre », Garn An Aod « tertre de la grève », Garnilis « tertre de l'église »)
- Kruguel/cruguel : petit tumulus, tertre (Crugou, Crugan, Cruguel, Cruguellic, Crucuno ; les formes mutées Ruguel[Note 1] donnent les pluriels Ruguello, Ruguellou et les dérivés Kerruguel, Kerruc, Kerhuc, Kerrugon, Kerugou, Telgruc)
- Lac'h/lec'h vaen : pierre plate, dolmen (Liaven, Liavéan, Liavine, Leaven, Kerlieven , Kerleven ; Lelia, Lilia ou Lia contraction de [lec'h lia] « l'endroit au dolmen », Liaveur « grand Lia » ; Lec'h Bre « dolmen de la colline », Kerlec'h, Kerlec'h, Leslec'h, Lesleac'h, mais les toponymes dans lesquels le motlec'h est en première position, désignent généralement un lieu suivi du nom d'un résident)
- Magoar/magoer/magor : muraille, ruine romaine
- Peulvaen/Maen : « pieu de pierre » qui désigne la stèle (le menhir) en breton, d'où les toponymes qui lui sont associés (Pelvain, Peulven, Menez Peulven « mont des stèles », Croaz Peulven « croisée des stèles », Liorzh ar peul « courtil du pieu », ar Peulvini « les menhirs »)[15]
- Run/rhun/ru/reun/rheun : colline, tertre, tumulus (diminutifs Reunic, Runic, Reunigou, Runigou ; pluriels Reuniou, Runiou, Runio ; Rungoat[Note 2] « tertre du bois », Rumen « tertre de pierres », Rumeur « grand tertre », Run an Dol, « colline du dolmen », Mezarun « champ de la colline », Menez Rhun « mont de la colline », Penareun, Pereuniou « sommet de la colline »). Les toponymes kruguel et run font référence à des collines mais n'impliquent pas qu'il s'agisse à coup sûr de tumulus préhistoriques. Elles peuvent révéler l'étymologie d'une éminence à caractère sacralisant[16]
Les côtes
Les termes ci-dessous sont donnés sous leur forme bretonne moderne.
- Aber : estuaire (Aber-Wrac'h, Aber-Benoît) ou ria (Ria (hydrographie))
- Arvor : littoral - (Larmor-Plage, Larvor)
- Beg : bec, promontoire, pointe (Beg ar Raz : pointe du Raz ; Beg-ar-Gador : pointe de la Chaise ; Beg-Leger : embouchure du Léguer à Lannion)
- Enez / Inis : île (Douarnenez : la terre de l'île ; Enez Vriad : île de Bréhat ; Gavrinis)
- Gougoñv : grotte marine
- Karreg : rocher, récif (Le Garrec ; lieu-dit Karreg an tan à Gouézec)
- Kastell : château, falaise rocheuse (la pointe du Kastell sur le port de Trébeurden)
- Mor : mer (Morbihan = petite mer, golfe)
- Penn : tête, bout, cap, extrémité (Penn-ar-Bed : littéralement « Bout du Monde », nom du Finistère en breton ; Penmarc'h)
- Porzh/port/pro/plo : port ou plus modestement anse, crique (Port-Rhu, Porzay Porz-Guen : Port-Blanc) mais également porche, cour (de ferme, de manoir)[Note 3]
- Tevenn : dune (Pen-an-téven « bout de la dune »)
- Traezh : plage de sable (Trez Hir « plage longue » ; nombreuses plages en Tres- : Trestraou, Tresmeur et Trestrignel à Perros-Guirec, etc.)
Les eaux
- Aber : un aber (Aber-Wrac'h, Aber-Benoît)
- Avon : rivière (mot ancien qui subsiste dans Pont-Aven)
- Dour : eau, rivière (Dourdu : eau noire)
- Feunteun/fenten/fetan/fetanio/fontanio/fantain : fontaine, parfois source (Feunteun-ar-Roué « fontaine du roi », Feunteun-Venn « fontaine blanche / sacrée », Feunteun Goarec « la fontaine redemptrice »[Note 4])
- Froud : torrent, rapide, courant d'eau (Froutguen « torrent blanc »)
- Geun/Yeun : marais, marécage (Yeun Elez « marais du marais »)
- Gouver : ruisseau (Gouer-Vian « petit ruisseau »)
- Gwazh : ruisseau (Goaz-al-louarn « ruisseau du renard » ; Goas Treiz : une plage de Trebeurden)
- Kemper : confluent (Quimper, Quimperlé, Quemper-Guézennec)
- Kelenn : marais, étang
- Lenn : lac, plan d'eau (Lenhesq « lac tari, asséché »)
- Loc'h : étang côtier saumâtre (Le Loc'h)
- Poull/poul/boul/pol[17] : mare, crique, anse, étendue d'eau (Pouliguen, Poul-Fetan, Tréboul, Ploumanac'h, plage du Pouldu)
- Red, roudouz : gué (Roudou Vraz : grand gué ; le stade de Roudourou - roudouz au pluriel - à Guingamp)
- Stank : vallée, étang (Stancmadec « étang de Madec »)
- Stivell : source jaillissante (Goas-ar-Stivel « ruisseau de la source jaillissante »)
- Stêr : rivière (la rivière Steïr à Quimper)
Le peuplement
- Bod/bot/bos/bou/vod : touffe, buisson et par extension demeure, résidence d'une habitation importante en vieux breton (Bodilis, Botjaffré « demeure de Geoffroy »)[Note 5]
- Govel : forge (Gouvello « forges »)
- Gwasked : abri (Kervasquet « village de l'abri »)
- Gwic : bourg, issu du latin vicus (Guipavas « bourg de la vaste forêt », Guidel)
- Hent : chemin
- Iliz/ilis : église, mot qui a fait son apparition au XIIe siècle (Bodilis, Brennilis, Kernilis Lannilis, Hent an Ilis « chemin de l'église », Cozilis « vieille église »)
- Lez : cour, demeure d'un seigneur (Lescoat « fort de bois »)
- Lok/loc/log[18] : lieu saint, ermitage, dépendance d'un monastère (Locmiquélic, Lochrist[Note 6])
- Kastell : château (Castel Du « château noir » ; Kastellin, Châteaulin)
- Kêr/car et formes francisées quer/guer : endroit fortifié, forteresse puis tout lieu habité (ville, village, ferme, hameau, etc.) (Kermoroc'h, Kerbors, Carfantain, Kerbastar « domaine du bâtard»[Note 7])
- Kroaz/croaz/groez[Note 8] : croix, croisée et croisement (Le Croisic « la petite croix », Kergroix ou Kergroéz « village de la croix », Kroaz-Hent « croisée des chemins »[Note 9])
- Lan(n) : ermitage, lieu sacré (Landivisiau « ermitage de saint Thivisiau », Lannédern « ermitage de St-Edern »)
- Leti : auberge, hôtel
- Milin, melin : moulin (Milin Avel « moulin à vent » ; plage de Kervillen à La Trinité-sur-Mer [anciennement Kervilaine])
- Minic'hi : asile (Minihy-Tréguier, Minihy du Léon)
- Plou-/plo/ple/pleu/plu/ploe/pleb[Note 10] : paroisse[Note 11]
- Tavarn : taverne
- Ti : maison (Ty Névez « maison neuve »)
- Tre/trev/tref : à l'origine habitation, puis groupe groupe d'habitation et enfin village, trève, église succursale (Trédaniel, Trégarantec, Trégastel)
Le relief
- Blaen/blein/blen/blin/lein[Note 12] : sommet, cime[Note 13], hauteur (Blain)
- Bre/brech/bra : mont, colline (Brélévénez « mont-joie », Bramain « colline pierreuse »)
- Bren/brin/bran/bron/brech : mamelon (hauteur arrondie, colline)
- Goueled : fond ou partie occidentale d'une paroisse
- Karreg : roche (Carrec, Kerreg, Garrec-Ven « la Roche blanche » , Kergarrec « hameau pierreux », Croas- ar- Garrec « la croix de la roche » )
- Krec'h/kenec'h/kreac'h/creac'h : hauteur, tertre, monticule, colline (Creac'h-ar-Bleis « tertre du loup »)
- Léhec : endroit rocheux (diminutif Léhan, pluriel Léhou)
- Maen/men/vaen/vain/ven/min : pierre (Ménec « endroit pierreux », Menguen, Menven ou Minven « pierre blanche » faisant référence au quartz, maen griz « pierre grise » faisant référence au granit, Meurvaen et Men Meur « grande pierre », Men Diaoul « pierre du diable », Toulmin ou Toulmain « trou de la pierre » qui évoque une carrière, Créménec « côte pierreuse , caillouteuse », Rumen « tertre de pierre »)[Note 14]
- Menez : montagne (Ménesguen « montagne blanche »)
- Nant : vallée (Donnant « val profond »)
- Roc'h/roc/rohou (pluriel) : roc, roche (Guenroc « rocher blanc », Kerroc'h « hameau de la roche »)
- Roz : pente, coteau, versant (Rozanbo « le coteau sur le Bo » (nom de la rivière), Perroz-Gireg, anciennement Penn-ar-Roz « bout du coteau »[Note 15])
- Tor : flanc, ventre (tor-ar-Ménez « le flanc de la montagne »)
- Toull : trou, passage, entrée (Toul-al-Laer « trou du voleur »)
- Traon/tenaou/Tre : vallée (Trodon « val profond »). Devient traou en Trégor : « la vallée des Traouïero » à Ploumanac'h.
La végétation (campagne, forêt)
Au temps du paganisme celtique, la célébration du règne végétal a fécondé l'imaginaire populaire qui, en attribuant des pouvoirs à certaines plantes, a inspiré de nombreux lieux-dits. « En Bretagne, plus de 4 000 phytotoponymes ont été relevés, ce qui représente près d’un lieu-dit sur six[19] ».
- Argoad : bocage (l'Argouët)
- Ba(z)lan, Banal : genêt
- Aval : pomme (Kernavalen, Lavallot, Port-Navalo)
- Beuz/beuzit/buzit/beux/veuzit/vuzit : buis[Note 16]
- Bevoez : vaste forêt
- Bezv : bouleaux (Le Bézo)
- Bod/bot/bos/bou/vod : buisson, bosquet, touffe (Botquélen « buisson de houx », Botfaux « fourré de hêtre ») ou refuge, demeure
- Bonnalec : genêt (Botbonnalec « touffe de genêt »)
- Calper/cosper : poirier (Botcalper « bosquet de poiriers »)
- Derv/derv/deru/deru/derf : chênes (Coat-Déro « bois de chênes »)
- Faou : hêtres (Faouët « hêtraie »), terme issu ultimement du latin fagus cf. vieux français fau, fou, occitan faou, fau
- Forest : forêt
- Garzh : haie d'arbres (Garsalec « haie de saules »)
- Gwern/guern/wern/vern/guer/ver[Note 17]/ven/vign : zone humide où pousse l'aulne, aulnaie, lieu marécageux (Guern, Guerlédan, Kervignac,Penvern, Vergoz, Vern)
- Haleg/aleg/alleg/elél/elleg/hellél/héleg/hellé/helleg/zhilig : saule (Kernalleguen, Keralec, Ker(h)allec ou Guernaleg « village aux saules », Hellégoat « bois de saules »)
- Ivin : if (Kerivin, Kernivinen « village aux ifs »)
- Kae : haie de clôture (Quémeur « grande haie »)
- Kelenn : houx (Pen-Quélen « bout de houx », Quelneuc « houssaie » peut-être équivalent du gaulois *coliniaco- > Coligny)
- Killi : bosquet, bocage (Quilihuel « haut bosquet »)
- Kistin : châtaignes
- Koad/coat/goat/koed/C'hoed/goet/gouet : bois (Coat-Losquet « bois brûlé », Coëtquidan)
- Liorzh/luorzh : jardin
- Maez : campagne, champs ouverts (Kervaes)
- er-maez signifie « dehors ». En Bretagne, un Chemin de la messe est souvent la francisation approximative d'un hent er-maez « chemin du dehors, chemin pour sortir (des bourgs) »
- Park : champ clos (Parc-ar-Goff « champ du forgeron »)
- Raden : fougères (Bod-Raden « buisson de fougères », Radenec, Rezé)
- Rest : essart de lande, endroit nouvellement défriché
- Skav : sureaux (Kerscaven « village du sureau »)
Principaux adjectifs épithètes
La nature, l'antéposition ou la postposition de l'adjectif[20] permettent parfois de donner des éléments de datation de l'habitat.
- Avelek : venté (Ty-Avélec « maison exposée au vents »)
- Bihan/vihan : petit (kervihan « petit village »)
- Bras : grand
- Don : profond (traoñ-Don « vallée profonde »)
- Du : noir, sombre (Duault, Pouldu, Stang-Zu « étang sombre », Brenduff « étang sombre », Kerdu « village noir », i. e. à l'ombre)
- Glaz : vert (naturel) ou bleu (le pays Glazic, hent-Glaz « chemin vert, abandonné ou empierré de schiste »)
- Goulou/golou/houlou/golo/ : lumineux
- Gwenn : blanc (Gwengamp, nom breton de Guingamp), pur
- Hen/han/'hin : vieux, ancien (Hennebont « vieux pont »)[Tanguy 1]
- Hir : long
- Izel : bas
- Kozh/koz/gozh/goz/gos/cozh/coz/ : vieux , ancien ou délabé (Milin-Goz « vieux moulin », Gosquer « vieux village »)[Tanguy 1]
- Kuzh : caché, dissimulé (Toulcuz « trou caché »)
- Louet : gris (Kerlouet « village gris ou village du dénommé Louët »)
- Melen : jaune
- Meur : grand, vaste, majestueux
- Nevez : nouveau (Kernevez « villeneuve »)
- Ruz : rouge
- Uhel : haut (Huelgoat « bois d'en-haut », avec l'inversion du h en français)
- Yen, yein : froid, improductif (Prat-Yen « pré froid »)
Les néo-toponymes bretons
Si la production toponymique remonte à l'Antiquité, la néotoponymie résulte d'un processus de création toponymique qui se développe à la fin du XIXe siècle (choronymie touristique liée au littoral breton)[21] et s'accélère depuis la formation de communes associées et de communes nouvelles. Cette production néotoponymique en Bretagne transforme les toponymes d'origine (endonymes) et met en avant des enjeux patrimoniaux et économiques (marketing territorial qui est une démarche de promotion et de prospection auprès des touristes, des investisseurs ou des opérateurs) qui peuvent susciter des questionnements et des polémiques[22].
Notes et références
Notes
- Précédé de l'article, krugell donne la forme mutée ar hruguel, la forme écrite étant habituellement ruguel.
- Et ses variantes Rungoet, Reungoat, Rongoet, Rongouet.
- Son doublet lexical Porz a lui une origine latine et un sens métonymique d'un bâtiment pourvu d'un porche.
- Ce toponyme suggère une volonté de récupérer un culte de l'eau (de) plus ancien (lié à la fontaine) par le christianisme.
- Cette demeure n'a pas un caractère défensif, ce qui conduit sans doute à la fin d'usage du mot lors des raids vikings en France au IXe siècle. Cf Jean-Yves Le Moing, Noms de lieux de Bretagne, Bonneton, , p. 172.
- Plusieurs créations religieuses, dues au Templiers.
- Exemple de nom « français » totalement « naturalisé ».
- Groez est un dérivé de Kroaz « croix ». Le K initial s'adoucit en G après Ker.
- Noms de carrefours souvent traduits abusivement en français par Croissant. Exemple : le Croissant-Perros à Lannion.
- Terme issu du latin plebs (« peuple »), mais qui désigne en Armorique la population chrétienne d'une paroisse (peuple de fidèles, par opposition au clergé).
- Paroisses primitive qui peut être suivie du nom d'un saint (Ploujean, Plounez…), d'un adjectif (Pleubian, Ploemeur…), d'un élément de peuplement (Plougastel, Ploumoguer…). La formation des territoires paroissiaux est rédigée par des moines médiévaux qui ont écrit l'histoire de la Bretagne du Moyen Âge. Leurs récits légendaires, parfois tissés de faits réels, font souvent remonter cette formation aux premiers temps de la christianisation et ont recours à la légitimation religieuse en les dotant de mythes de fondation selon lesquels chaque paroisse a été fondée par un saint breton, et que toute organisation civile installée en parallèle est quasi inconnue ou inexistante (sinon dans des chartes tardives). Cf Jean-Yves Le Moing, Noms de lieux de Bretagne, Bonneton, , p. 91.
- Après affaiblissement du b en v, puis amuïssement , le vieux breton blein est devenu lein en breton moderne
- Leinig ou -lein : cime extrême.
- Et ses variantes Rumin, Ruminiou.
- En revanche bien que la graphie contemporaine soit d'aspect breton, Ros-sur-Couesnon et Roz-Landrieux semblent plutôt remonter, d'après les formes primitives du nom, au gallo-roman RAUS > ancien français ros « roseau », bien qu'il ne faille pas exclure une influence du breton roz, en effet, Roz-sur-Couesnon possède un côteau et la commune de Roz-Landrieux présente un dénivelé de 50 m
- Le buis est un arbuste introduit en Bretagne (pour ses qualités ornementales et de bois de tournage) à l'époque de la guerre des Gaules. Ces toponymes (romanisés en Boissière, Boissay, Bessay, Bussières, Boissy, Bissay, Boixière) sont de bons indicateurs de sites archéologiques puisqu'ils apparaissent souvent à la proximité de sites gallo-romains.
- Amuïssement de la lettre n lorsque le terme est en position initiale.
Note Tanguy
- « Ainsi les Henguer, Cosquer et Kergoz bretons sont tous trois de "vieux villages", mais ce sont de vieux villages d'époques différentes. Le premier critère qui permet de le déterminer, c'est d'abord la place de l'adjectif, antéposé dans l'ancienne langue. Mais si Henguer et Cosquer appartiennent tous deux à la période ancienne, le premier est plus ancien que le second, le mot hen ayant été, en effet, supplanté par le terme koz vers le XIe siècle. En position antéposée celui-ci a pris une valeur péjorative au moins dès le XVIe siècle. En tant que tels, ces noms sont donc les témoins directs de trois périodes d'occupation : Henguer du Haut Moyen Age, Cosquer du début du Bas Moyen Age et Kergoz de cette époque à nos jours ». Bernard Tanguy, « Les noms de lieux, mémoire du paysage », Penn ar Bed, nos 148-149, , p. 47.
Références
- Philippe Lanoë, « Les noms en « -ac » et la ligne Loth », Becedia, (lire en ligne, consulté le )
- André Chédeville, Noël-Yves Tonnerre, La Bretagne féodale XIe – XIIIe siècle, Éditions Ouest-France, p. 303.
- André Chédeville et Noël-Yves Tonnerre, op. cit.
- Léon Fleuriot, Les origines de la Bretagne, éditions Payot, 1980, p. 81 - 82.
- Jean-Yves Le Moing, Les noms de lieux bretons de Haute-Bretagne, Spézet, Coop Breizh, (ISBN 2-903708-04-5 et 978-2-903708-04-7, OCLC 236056804, lire en ligne), p. 68, 69
- Jean-Christophe Cassard, Le siècle des Vikings en Bretagne, éditions Jean-Paul Gisserot, 1996, p. 110 (lire en ligne)
- Elisabeth Ridel, les Vikings et les mots : L'apport de l'ancien scandinave à la langue française, éditions Errance, Paris, 2009, p. 230.
- Elisabeth Ridel, op. cit., p. 250.
- Elisabeth Ridel, op. cit., p. 231.
- Elisabeth Ridel, op. cit., p. 230.
- Elisabeth Ridel, op. cit., p. 232.
- Elisabeth Ridel, op. cit., p. 174.
- François de Beaurepaire (préf. Marianne Mulon), Les Noms des communes et anciennes paroisses de la Seine-Maritime, Paris, A. et J. Picard, , 180 p. (ISBN 2-7084-0040-1, OCLC 6403150), p. 21
- Francis Gourvil, « Actes des colloques de la Société française d'onomastique/2 », Témoins de la préhistoire dans la toponymie bretonne, , p. 63-71 (lire en ligne).
- Hervé Abalain, Noms de lieux bretons, éditions Jean-Paul Gisserot, , p. 38.
- Jean-Marie Ploneis, La toponymie celtique, éditions du Félin, , p. 50.
- Forme évoluée de porzh, « anse, port ».
- Terme issu du latin locus (« lieu »). Inexistant en vieux breton, il remplace les lan(n) à partir du XIe siècle. Au total, les toponymistes ont recensé en Basse-Bretagne plus de 250 localités possédant ce préfixe. Cf Abalain, op. cit., p.37
- Samuel Perichon, « La géographie des phytotoponymes en Bretagne », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, nos 117-2,, , p. 9 (DOI 10.4000/abpo.1764).
- Ou plus généralement du déterminant (nom commun, nom propre)
- Philippe Violier, Philippe Duhamel, Jean-Christophe Gay, Véronique Mondou, Le tourisme en France. Approche régionale, ISTE éditions, , p. 18.
- André-Yves Bourgès, « Les « communes nouvelles » et la néo-toponymie en Bretagne : le cas du Coglais », sur Variétés historiques, .
Voir aussi
Bibliographie
- Hervé Abalain, Noms de lieux bretons, Éditions Jean-Paul Gisserot, , 126 p. (lire en ligne)
- Bernard Tanguy, Les noms de lieux bretons, toponymie descriptive, Studi, Rennes, 1975
- Albert Deshayes, Dictionnaire des noms de lieux bretons, Douarnenez, Le Chasse-marée - ArMen, , 605 p. (ISBN 2-903708-85-1, BNF 37632788)
- Jean-Yves Le Moing, Noms de lieux de Bretagne : plus de 1200 noms expliqués, Paris, Christine Bonneton Éditeur, , 231 p. (ISBN 2-86253-283-5)
- Guy Souillet, « Un mirage toponymique : les établissements bretons du nord de la France », Annales de Bretagne, vol. 60, nos 60-1, , p. 191-199
- Guy Souillet, « État présent des études toponymiques en Bretagne », Annales de Bretagne, t. 58, no 1, , p. 193-195 (lire en ligne)
- Guy Souillet, « Dix ans de toponymie bretonne [Synthèse bibliographique de la décennie 1941-1951 ] : 1941-1951 », Annales de Bretagne, t. 58, no 1, , p. 207-210 (lire en ligne)
- (br) Jeremi Kostiou, Allende hag an anvioù lec'h e Breizh [Allende et les noms de lieux en Bretagne], e-barzh Allende, an emgann diwezhañ, Nadoz-Vor Embannadurioù, Brest, 2019, pp. 47-55.
- Jean-Yves Le Moing, Les noms de lieux de Haute-Bretagne, Coop Breizh, 1990, 480 p.
- Erwan Vallerie, Traité de toponymie historique. Diazezoù studi istorel an anvioù-parrez, 1995, Le Relecq-Kerhuon, An Here, 3 vol.
- Erwan Vallerie, « Le suffixe -ako, du gaulois au breton. Esquisse d’une approche matricielle », Corona Monastica. Moines bretons de Landevennec : histoire et mémoire celtique. Mélanges offerts au père Marc Simon. Textes réunis par Louis Lemoine et Bernard Merdrignac, PUR, 2004, Rennes, p. 231-239.
- Bertrand Luçon, Noms de lieux breton du Pays Nantais, Yoran Embanner, 2016, 516p.
Article connexe
Lien externe
- « La base de données KerOfis », Office public de la langue bretonne
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