Vitamine B12
La vitamine B12, également appelée cobalamine, est une vitamine hydrosoluble essentielle au fonctionnement normal du cerveau (elle participe à la synthèse des neurotransmetteurs), du système nerveux (elle est indispensable au maintien de l'intégrité du système nerveux et tout particulièrement de la gaine de myéline qui protège les nerfs et optimise leur fonctionnement) et à la formation du sang. C'est l'une des huit vitamines B. Elle est normalement impliquée comme cofacteur dans le métabolisme de chacune des cellules du corps humain, plus particulièrement dans la synthèse de l'ADN et sa régulation ainsi que dans la synthèse des acides gras et dans la production d'énergie.
Pour les articles homonymes, voir B12.
Vitamine B12 | ||
R = –5'-désoxyadénosyl, –CH3, –OH ou –CN. | ||
Identification | ||
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Nom UICPA | α-(5,6-diméthylbenzimidazolyl)cobamidcyanure | |
Synonymes |
cobalamine |
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No CAS | (Cyanocobalamine) (Hydroxocobalamine) |
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No CE | 237-627-6 200-680-0 (Cyanocobalamine) |
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SMILES | ||
InChI | ||
Propriétés chimiques | ||
Formule | C72H100CoN18O17P [Isomères] |
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Masse molaire[1] | 1 579,581 8 ± 0,073 3 g/mol C 54,75 %, H 6,38 %, Co 3,73 %, N 15,96 %, O 17,22 %, P 1,96 %, |
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Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire. | ||
Elle existe sous plusieurs formes appartenant à la famille des cobalamines : cyanocobalamine, hydroxocobalamine, méthylcobalamine et adénosylcobalamine, les deux premières étant ses formes stables. Les cobalamines ont une structure chimique proche de l’hème mais l’atome central de fer y est remplacé par un atome de cobalt, d’où leur nom.
Un déficit en vitamine B12 entraîne une forme d'anémie dont l'une des caractéristiques est la présence de globules rouges fortement augmentés en taille (macrocytose). Relativement rare, cette carence peut notamment résulter d'apports insuffisants chez des personnes suivant un régime végétalien non complémenté, ou ayant des problèmes d'absorption. La complémentation est également recommandée aux personnes suivant un régime végétarien approchant le végétalisme.
La synthèse totale de cette biomolécule complexe, réalisée en 1972 par Robert Burns Woodward, Albert Eschenmoser et leur équipe, demanda plusieurs années.
Histoire
Les recherches sur cette vitamine sont issues de la description au début du XIXe siècle d'une anémie mortelle, l'anémie pernicieuse, par différents auteurs dont Thomas Addison ou Anton Biermer[2],[3],[4].
Vers 1920, George Whipple, George Minot et William Murphy (prix Nobel de médecine en 1934) démontrent que des extraits de foie sous forme de compléments alimentaires peuvent corriger certaines anémies[5]. William Castle montre qu'il existe un facteur intrinsèque indispensable et inexistant chez les malades souffrant d'anémie pernicieuse, et un facteur extrinsèque venant de l'alimentation (foie, viandes).
Grâce aux travaux de Mary Shorb (en), ce facteur extrinsèque (la vitamine B12) est isolé sous une forme cristalline[6] en 1948 par l'équipe de Karl Folkers (en) du laboratoire Merck à partir de la bactérie Streptomyces griseus[7], puis par Lester Smith du laboratoire Glaxo la même année. Sa configuration tridimensionnelle fut identifiée par Dorothy Hodgkin (prix Nobel de chimie en 1964).
Cette vitamine B12 reste néanmoins mal comprise ; il faut attendre 2007 pour que des chercheurs du MIT et de la Harvard Medical School en expliquent le processus complet de synthèse par des micro-organismes[8].
Physiologie
Biosynthèse
Ni les plantes ni les animaux, et plus généralement aucun eucaryote, ne peuvent produire de vitamine B12[9]. Seules quelques bactéries et archées ont les enzymes nécessaires à sa biosynthèse. Chez des eucaryotes du phytoplancton, quelques gènes intervenant dans cette biosynthèse ont été détectés, mais cela ne suffit pas pour prouver qu'ils la synthétisent[10].
Les espèces des genres suivants sont connues pour synthétiser de la vitamine B12 : Acetobacterium, Aerobacter, Agrobacterium, Alcaligenes, Azotobacter, Bacillus, Clostridium, Corynebacterium, Flavobacterium, Halomonas[11], lactobacilles, Micromonospora, Mycobacterium, Nocardia, Propionibacterium, Protaminobacter, Proteus, Pseudomonas, Rhizobium, Salmonella, Serratia, Streptomyces, streptocoques et Xanthomonas.
L'ensemble des animaux dépend donc d'autres organismes, tels que les bactéries. La chaîne alimentaire transmet ce nutriment des herbivores aux carnivores de sorte que l'ensemble des produits d'origine animale en contient, mais pas les végétaux[12]. L'absorption intestinale de la vitamine B12 a lieu uniquement au niveau de la portion terminale de l'iléon[13].
Fermentation pré-gastrique
Chez les ruminants, tels que la vache, la lenteur de la digestion des fibres permet à des populations bactériennes de se développer pendant plusieurs heures, grâce à une fermentation prégastrique. La rumination consiste à faire remonter le contenu de la première poche (rumen) puis à l'ingérer de nouveau. Les aliments remontent et passent donc de poche en poche avant d'atteindre le troisième feuillet (processus pouvant durer de 20 à 48 heures).
Au cours de ce processus, la vitamine B12 est produite par les micro-organismes (bactéries, archées) qui se multiplient dans le rumen. Cette synthèse nécessite la présence d'une quantité suffisante de cobalt[14]. Lorsque les aliments atteignent la partie terminale du grêle, la vitamine B12 d'origine bactérienne peut enfin être absorbée.
Dans le cadre de l'agriculture intensive, les vaches laitières ont un risque de carence en vitamines B, dont la vitamine B12[15].
Coprophagie
Chez d'autres herbivores, comme le lapin, le lièvre et le chinchilla, ou encore le castor, la multiplication bactérienne a surtout lieu vers la fin des intestins, ce qui ne permet pas à ces animaux d'avoir le temps d'absorber assez de vitamine B12. Pour obtenir leur vitamine B12, ces mammifères consomment leurs cæcotrophes ou crottes molles, imprégnées de mucus et riches en bactéries, évacuées la nuit, pour être ré-ingérées[16] ; ils sont dits cæcotrophes.
Beaucoup d'herbivores sont coprophages quand ils sont très jeunes, tels les poulains, les jeunes éléphants, pandas, koalas, hippopotames... puis abandonnent la coprophagie à l'âge adulte, une fois leur microbiote intestinal établi[16].
Carnivores et primates non humains
Les carnivores, eux, obtiennent leur B12 à partir de la chair des herbivores.
En dépit d'un régime frugivore ou végétal prédominant, les primates consomment naturellement des insectes et leurs larves[17]. Le ouistiti et le saïmiri sont particulièrement friands d'insectes. La valeur nutritionnelle des insectes ne diffère guère des autres sources de viande[18]. La vitamine B12 est bien représentée par exemple chez le grillon domestique Acheta domesticus (5,4 μg par 100 g forme adulte et 8,7 μg pour 100 g nymphes). Toutefois, de nombreuses espèces d'insectes ont aussi de très faibles taux de B12, et d'autres travaux sont nécessaires pour identifier les insectes comestibles riches en vitamines B[19].
Le babouin, le gibbon chassent et mangent de petits animaux. L'alimentation des chimpanzés est constituée d'une petite portion de produits d'origine animale (insectes, œufs d'oiseaux, miel, et à l'occasion des petits mammifères)[17].
Une minorité de primates, comme les colobes (singe foliophage, mangeur de feuilles) ont un estomac à plusieurs poches. Ce système proche de celui des ruminants leur permet de digérer la cellulose et de profiter de la production bactérienne de vitamine B12, mais les humains ne le possèdent pas[20],[21].
Chez les humains
Chez les humains, la vitamine B12 provient presque exclusivement des aliments d'origine animale[22],[12], de compléments alimentaires ou d'aliments enrichis en vitamine B12. Ces compléments et aliments enrichis sont la seule source significative de vitamine B12 pour les végétaliens[23]. Il existe de petites quantités de vitamine B12 dans certaines algues, mais leur contribution à l'apport alimentaire de cette vitamine est considérée insuffisante par le corps médical (voir la sous-section Teneurs alimentaires en B12).
Il n'a jamais été démontré que la flore intestinale humaine produisait de la vitamine B12 absorbable par l’appareil digestif, même en pratiquant une alimentation crue et strictement végétale[24],[25],[26]. Au contraire, le système digestif a plutôt tendance à dégrader la vitamine B12 ingérée[27]. Une carence peut donc survenir à la suite d'une alimentation végétale non complémentée, ainsi que de certaines pathologies réduisant la capacité d'absorption telles que des maladies de l'estomac, du pancréas, des intestins, du foie ou autres[28].
Absorption digestive
La vitamine B12 alimentaire est absorbée par un processus en plusieurs étapes. Dans le milieu acide de l'estomac, elle est séparée du substrat alimentaire d'origine animale par les pepsines gastriques. Elle se lie alors à des protéines R salivaires dont elle se libère dans le duodénum sous l'effet des protéases pancréatiques. Elle peut alors s'associer au facteur intrinsèque, une glycoprotéine de liaison sécrétée par les cellules pariétales de l'estomac. Le complexe de vitamine B12 et de facteur intrinsèque parcourt tout l'intestin grêle avant d'être absorbé sous cette forme dans l'iléon grâce au récepteur cubam. L'assimilation de la vitamine B12 est compromise lorsque l'un des mécanismes ci-dessus fait défaut, par exemple lorsque l'estomac n'est plus assez acide (une partie de la population à partir de 50 ans), ou qu'il ne produit pas de facteur intrinsèque (anémie pernicieuse), et probablement pour certaines personnes traitées par IPP (inhibiteur de la pompe à protons).
Absorbée sous forme de cobalamine, la B12 passe dans la circulation sanguine. Environ 20 % (de 5 à 25 %) de la forme circulante est fixée à une protéine, la transcobalamine II ou holotranscobalamine (TC-II ou holo-TC-II) ; c'est la forme biodisponible rapidement utilisable[12],[29]. Le reste est lié à l'haptocorrine (transcobalamine I) dont le rôle serait inconnu[30] ou une forme de stockage[31].
Réserves
L'organisme humain stocke cette vitamine dans le foie, le pancréas, le cœur et le cerveau. Une partie de la vitamine B12 des réserves est plus ou moins bien recyclée selon la capacité de ré-absorption des individus[32].
Les réserves totales de vitamine B12 des adultes ont été estimées de 2 à 3 mg, par analyses microbiologiques de tissus humains post-mortem[33]. La durée théorique de ces réserves a été calculée sur la moyenne des pertes quotidiennes par excrétion biliaire, elles-mêmes estimées entre 0,1 et 0,2 % des réserves totales (en tenant compte d'une réabsorption entéro-hépatique elle-même estimée à 50 %), à partir de très rares données obtenues par expériences après cholécystectomie[34].
Les besoins en vitamine B12 étant modestes (de 0,1 à 1 μg/j), une vraie carence n'apparait qu'après plusieurs années de déficit (5 à 6 ans par exemple) chez les personnes ayant suivi précédemment un régime alimentaire occidental standard[35].
Fonctions biochimiques
La fraction biodisponible (transcobalamine II ou holo-TC-II) est transformée dans les cellules des tissus périphériques en deux formes coenzymatiques actives : la méthylcobalamine et l'adénosylcobalamine (synonyme de cobamamide), d'où l'existence de plusieurs rôles métaboliques majeurs[31].
Méthylcobalamine
La méthylcobalamine est le cofacteur de la méthionine synthase pour la méthylation de l'homocystéine en méthionine. Le groupement méthyl est apporté par le 5-méthyl-tétrahydrofolate (5-CH3-THF) ce qui permet la régénération du tétrahydrofolate (THF), indispensable à la synthèse du thymidilate[12]. Donc, de façon indirecte, la méthylcobalamine joue aussi un rôle dans la synthèse de la thymidine (substance importante pour le métabolisme des nucléotides).
Une carence en méthylcobalamine a pour conséquences une accumulation de l'homocystéine, et un piégeage du 5-CH3-THF devenu indisponible pour se régénérer en THF. Il se forme ainsi une « trappe métabolique » qui se manifeste par un blocage des mitoses cellulaires des lignées à renouvellement rapide (cellules sanguines et des muqueuses digestives)[12].
Il existe donc une interaction métabolique essentielle entre le métabolisme des cobalamines et celui des folates[12].
Adénosylcobalamine
L'adénosylcobalamine est le cofacteur de la méthylmalonyl-CoA mutase[30] qui catalyse la conversion de la méthylmalonyl-CoA en succinyl-CoA[36]. Il s'agit d'une des réactions permettant la dégradation de la propionyl-CoA (non métabolisée dans le corps humain), qui provient directement de l'hélice de Lynen lors de la bêta-oxydation des acides gras à nombre impair de carbones.
Un déficit en adénosylcobalamine induit de ce fait une accumulation d'acide méthylmalonique (précurseur du méthymalonyl-CoA)[12],[30].
Fonctions physiologiques
Au total, la vitamine B12 facilite la synthèse de l'ADN et l'hématopoïèse. Elle maintient l'intégrité des épithéliums digestifs ; elle est nécessaire au développement et à la myélinisation du système nerveux central ainsi que de sa maintenance fonctionnelle[30],[37].
Elle a une nette action sur la croissance. Cette action doit être rapprochée de l'activité de la vitamine vis-à-vis des acides aminés dont le taux sanguin chute après administration de la vitamine.
Besoins et sources alimentaires
Apports quotidiens et recommandés
L'apport journalier recommandé par l'Union européenne pour un adulte est de 2,5 µg (règlement 1169/2011[38]), tandis que les recommandations américaines de la FDA sont de 6 μg (RDI ou Reference Daily Intake[39]). La différence est notable, mais cela s'explique par une limitation de la capacité du système digestif à absorber la vitamine B12 : la quantité absorbée est relativement proche entre ces deux recommandations (de 1,2 à 1,5 µg), pourvu que les produits consommés tout au long de la journée contiennent de la vitamine B12[40]. L'absorption maximale conséquente à une ingestion de 5 à 50 µg est de 1,5 µg[41].
Les méthodes qui permettent de déterminer ces apports quotidiens recommandés tiennent donc compte des phénomènes de limitation de l'absorption, et formulent des règlements qui permettent de sécuriser 97 % des populations[39]. À moins de disposer de produits suffisamment enrichis en vitamine B12, et de les consommer régulièrement tout au long de la journée, comme le font les consommateurs de produits d'origine animale, les personnes qui font le choix d'une alimentation végétale sortent de cette catégorie de recommandations. Le fait de reposer sur un complément hebdomadaire oblige à tenir compte de l'absorption d'autant plus limitée que le dosage est élevé : on peut passer de 50 % à 0,5 % de B12 absorbée[42]. Rappelons l'innocuité internationalement reconnue de la vitamine B12, pour laquelle il n'existe pas de dose toxique[43]. De plus, la vitamine est hydrosoluble (élimination avec les urines).
L'apport quotidien d'un régime de type européen est de l'ordre de 5 à 30 µg, soit nettement plus que les besoins quotidiens. Seule une fraction de la vitamine ingérée est absorbée (de l'ordre de 1 à 5 µg)[44].
Dans le cas d'un régime occidental typique, les produits laitiers constituent généralement la principale source végétarienne de vitamine B12, compléments et produits enrichis mis à part[45].
Teneurs alimentaires en B12
En microgrammes (μg) pour 100 g[46],[47] :
- viande :
- animaux marins :
- produits laitiers
- fromage frais : 1,28
- œufs : 1,3 (seulement bio-disponible à moins de 10 %)[48]
- les aliments enrichis en vitamine B12 ne sont pas disponibles dans tous les pays. Il existe :
- des boissons ou laits végétaux enrichis,
- divers types de céréales de petit déjeuner,
- des jus multi-vitaminés, cocktails de jus de fruits, jus de fruits,
- des simili-carnés,
- des substituts d'œufs,
- des compléments alimentaires,
- micro-algues : malgré une certaine richesse en vitamine B12 par certaines variétés d'algues, de nombreux facteurs peuvent influer sur leur teneur réelle en vitamine B12. Leur utilisation comme source fiable de vitamine B12 chez les humains n'est pas validée. Il est généralement admis par le corps médical qu'il n'existe aucun aliment végétal non enrichi, algues comprises, qui puisse assurer en pratique un apport suffisant en vitamine B12 à l'organisme humain[49].
- La Chlorella vulgaris contiendrait parfois de la vitamine B12, parfois aucune[50][source secondaire nécessaire].
- Selon une étude de Dagnelie (1991), le nori n'est pas une source fiable de vitamine B12 biodisponible[51][source secondaire nécessaire]. Selon une étude de Rauma, Törrönen, Hänninen et Mykkänen (1995), sa consommation fait certes augmenter le taux mesuré de vitamine B12 dans le sang, mais son taux reste inférieur à celui du groupe témoin ; les auteurs de l'étude concluent que la consommation habituelle de nori par les adeptes de l'« alimentation vivante » ne suffit pas à maintenir un niveau suffisant de vitamine B12 dans l'organisme[52][source secondaire nécessaire]. Selon une étude de Watanabe et al. (2014), l'algue nori séchée est la meilleure source disponible en vitamine B12[53][source secondaire nécessaire]. Selon une autre étude, lorsque du nori séché est ingéré, le taux d'acide méthylmalonique augmente, indiquant une carence en vitamine B12 ; en revanche, ce problème n'a pas été observé par les auteurs Yamada et al. (2018), avec le nori non séché, qui semble contenir une quantité significative de vitamine B12 biodisponible[54][source secondaire nécessaire].
Synthèse chimique
Synthèse totale
La synthèse chimique de la vitamine B12 (en) a été réussie par Robert Burns Woodward[57] et Albert Eschenmoser en 1972[58],[59], et reste une réussite majeure de la synthèse organique totale.
Différentes formes
Il existe neuf formes de cobalamine[60],[61] :
- la cyanocobalamine ;
- l'hydroxocobalamine (également appelée hydroxycobalamine) ;
- la méthylcobalamine ;
- l'adénosylcobalamine (ou cobamamide) ;
- l'aquocobalamine ;
- la nitritocobalamine ;
- la nitrosocobalamine ;
- la sulfitocobalamine ;
- la glutathionylcobalamine.
Production industrielle
La synthèse totale de la vitamine B12 est d'une telle complexité (100 étapes), que la B12 des compléments alimentaires et des produits enrichis provient toujours de cultures bactériennes.
La production industrielle de vitamine B12 se fait par la fermentation de microorganismes qui la produisent[62] parfois à l'aide d'organismes génétiquement modifiés[63].
Streptomyces griseus, une bactérie qu'on a longtemps prise pour une levure, a été pendant longtemps la source de vitamine B12 destinée à un usage commercial[64],[65]. Les espèces Pseudomonas denitrificans (en) et Propionibacterium freudenreichii subsp. shermanii sont plus couramment utilisées aujourd'hui[66].
La production mondiale de vitamine B12 est estimée en 2020 à 80 tonnes[67]. Bien que deux tonnes pourraient suffire pour couvrir les besoins annuels en matière de supplémentation humaine, la vente à destination des secteurs alimentaire et pharmaceutique représente 70 % du chiffre d'affaires, contre 30 % pour le secteur de l'élevage[67]. Selon d'autres sources plus anciennes (2010 et 2013), 90 % de la production était destinée à l'élevage, le reste servant à l'alimentation humaine et aux soins[68],[69].
Délivrance médicale (médicament)
L'administration parentérale a été étudiée en 1968[70] pour évaluer et comparer, dans le corps entier, la durée de la rétention de la cyanocobalamine, de l'hydroxocobalamine et du coenzyme B12 (3 et 28 jours après l'administration). Les auteurs en ont conclu qu'un traitement d'entretien adéquat des états de carence en vitamine B12 non compliquée peut être obtenu par administration parentérale de 1 000 μg d'hydroxocobalamine tous les 4 mois ou de la même dose de cyanocobalamine tous les 2 mois. En présence d'une maladie rénale ou hépatique, la même dose de cyanocobalamine doit être administrée tous les 11/2[Quoi ?] mois et d'hydroxocobalamine tous les 2 mois[réf. souhaitée].
Un débat a concerné la meilleure voie d'administration (orale,- ou sous-cutanée ?)[71] ou intramusculaire[72],[73],[74],[75]. Selon une analyse des données disponibles autour de 2015 dans la base de données Cochrane Database of Systematic Reviews, en cas de carence, la vitamine B12 peut être délivrée par voie orale (elle est alors absorbée dans la partie terminale de l'iléon) ou par injection intramusculaire[75],[76]. Les effets semblent dans les deux cas similaires en termes de normalisation des taux sériques, mais avec un moindre coût pour la prise orale[75]. Une supplémentation régulière est recommandée aux végétariens[77],[78].
Carences et déficiences
L'épidémiologie des carences et déficiences en vitamine B12 est délicate à interpréter, notamment parce qu'utilisant des définitions variables (ainsi le terme « carence » ne désigne théoriquement que les manifestations cliniques (anémiques ou neurologiques), alors que le terme « déficience » englobe les sujets définis par dosage biologique variable selon les techniques et les normes (absence de gold standard). Les deux mots sont en outre parfois considérés comme synonymes. Et si le dosage biologique est assez précis pour détecter ou confirmer des carences sévères, il reste trop imprécis pour les évaluations épidémiologiques de la proportion de sujets à risques en déficience modérée. Les études épidémiologiques réputées les plus fiables sont celles qui sont réalisés dans le cadre des études de Framingham.
La carence nutritionnelle pure (avitaminose) en vitamine B12 est considérée comme rare chez l'adulte (moins de 0,1 %)[79] (presque exclusivement chez des végans stricts[80]), mais une déficience plus modérée est présente chez les personnes âgées (plus de 12 % des personnes âgées dans une étude de Framingham[81],[82]).
Selon la définition retenue du « déficit » en vitamine B12, dans la population générale, ce déficit varie de 5 à 60 %, en augmentant avec l'âge[83] et dans les pays en développement.
Aux États-Unis, selon Tucker et al., le taux plasmatique en B12 dépend du régime alimentaire indépendamment de l'âge. La prise de suppléments, de céréales enrichies et de produits laitiers semblent protéger d'un déficit en B12[84].
En 2000, une étude conclut qu'un taux sanguin élevé de B12 chez des patients âgés atteints de cancer avancé est un facteur prédictif de mortalité[85]. Inversement, en 2012, E. Andres et al. estiment que le pronostic vital est engagé chez 10 % des sujets carencés de plus de 75 ans[86].
La vitamine B12, seule ou associée à l'acide folique et à la vitamine B6, pourrait ralentir ou prévenir l'atrophie cérébrale chez les personnes âgées[87],[88]. Des études complémentaires sont nécessaires pour déterminer un effet préventif sur le déclin cognitif et la maladie d'Alzheimer[89],[90].
Troubles cliniques
La carence en vitamine B12 et/ou sa mauvaise absorption digestive peuvent entraîner :
- une anémie de Biermer (dite sévère quand l'hémoglobine chute sous 6 g/dl[91]) et une sclérose combinée de la moelle dans le cadre d'un syndrome neuro-anémique (avec une possible pseudo-microangiopathie thrombotique[91]) ;
Cette carence induit des symptômes cliniques tels que des fourmillements dans les extrémités ou l'absence de sensation et une extrême fatigue. Mais ces symptômes peuvent n'être perceptibles qu'après de longues années ; - une hyperhomocystéinémie, la vitamine B12 insuffisante ne pouvant plus catalyser l'homocystéine en méthionine, ce qui augmente le risque cardiovasculaire (thrombose[92]), de maladies neuropsychiatriques et de fractures. L'hyperhomocystéinémie est particulièrement préoccupante dans les projets de grossesse[93] car augmentant le risque de fausse couche, de naissance prématurée, de pré-éclampsie, de faible poids à la naissance, de malformations du tube neural, de pied bot, etc. L'enfant né et allaité par une mère carencée en vitamine B12[94] présente un retard de croissance, une hypotonie, une somnolence, une anorexie (plus ou moins réversibles après complémentation, selon les cas)[95] ;
- des complications neurologiques et neuropsychiatriques (paralysie, fatigue et troubles de l'humeur, démence, risque accru de délire) sont plus fréquentes chez les patients âgés subissant une chirurgie cardiaque[96] ;
- risque accru d'infarctus du myocarde et d'accident vasculaire cérébral[96],[88] ;
- une maldigestion[91].
Causes
À moins d'adopter une alimentation strictement végétale sans complémentation, ou d'être atteint de maladies auto-immunes provoquant une malabsorption, comme l'anémie pernicieuse ou la maladie cœliaque, ou d'avoir subi une gastrectomie, les réserves font que la carence est rare[97].
Problèmes d'absorption
L'anémie pernicieuse (ou de Biermer) est secondaire à une malabsorption d'origine auto-immune de la vitamine par le tube digestif. Elle peut aussi être conséquence d'une chirurgie digestive (gastrectomie) ou d'une maladie inflammatoire chronique de l'intestin (maladie de Crohn). Enfin, et en raison de l'affaiblissement de l'acidité de l'estomac d'une proportion importante des individus au-delà de 50 ans, l'Institut de médecine des États-Unis, en édictant les apports journaliers recommandés, a déclaré que :
« La gastrite atrophique, présente chez 10 % à 30 % des personnes âgées, diminue l'acidité de l'estomac et l'absorption de la vitamine B12 (...) En conséquence, l'IOM (Institute of Medicine) recommande aux personnes de plus de 50 ans d'obtenir plus de vitamine B12 par supplément vitaminique ou aliments enrichis[98] ».
Interactions médicamenteuses
La metformine (un anti-diabétique oral) pourrait réduire l'acide folique et les taux de vitamine B12. L'utilisation à long terme de metformine augmente de manière substantielle les risques de déficiences en vitamine B12 et d'hyperhomocystéinémie (chez ceux qui deviennent déficients). Ceci présente un risque de maladie cardiovasculaire, particulièrement chez les sujets avec un diabète de type 2[99]. Il y a aussi de rares rapports d'anémie mégaloblastique lors d'utilisation chronique de metformine de cinq ans ou plus. Le risque de taux abaissés de vitamine B12 concerne 30 % des sujets prenant de la metformine. Cependant, une carence cliniquement significative ne risque pas d'apparaître si la prise alimentaire est adéquate. Cette carence peut être corrigée par la prise de vitamine B12 orale même si la prise de metformine se poursuit. Cette carence est aussi réversible par la prise de calcium[100].
Le protoxyde d'azote, utilisé comme anesthésique et comme substance récréative, peut oxyder la cob(1)alamine en cob(3)alamine, causant ainsi un déficit fonctionnel en vitamine B12[101].
Les traitements diminuant l'acidité de l'estomac, comme les inhibiteurs de la pompe à protons et les antihistaminiques H2, peuvent conduire sur le long terme à une carence en vitamine B12. Cela s'explique par une mauvaise dissociation de la vitamine B12 et de ses protéines porteuses dans l'estomac, dépendante d'un pH acide[102],[103].
Autres
Beaucoup plus rarement, la carence peut être due à un défaut congénital (déficit en transcobalamine II, transport plasmatique de la B12) ou à une anomalie héréditaire du métabolisme héréditaire intracellulaire des cobalamines[81].
Dosage
Le dosage peut s'effectuer par une technique dite de « competitive-binding luminescence » mais cette dernière est incapable de détecter certains cas de vrai déficit, probablement en raison de problèmes d'interférences avec le facteur intrinsèque fixé sur la cobalamine[104]. Les méthodes microbiologiques confondent les analogues et la vitamine B12. Cela fausse les résultats des dosages chez les végétaliens qui consomment des aliments contenant des analogues, comme les algues par exemple.
Le dosage de la protéine porteuse, la transcobalamine, ou plus précisément, la fraction de cette protéine fixée à la vitamine (holotranscobalamine), peut également s'effectuer[105], mais cette technique n'est pas disponible partout.
Les taux d'acide méthylmalonique (dosage remboursé sur prescription, en France) et d'homocystéine sont presque constamment élevés en cas de déficit en cobalamine et sont donc de bons indicateurs[106]. L'élévation de la concentration sanguine en homocystéine est cependant moins spécifique puisqu'elle peut se voir dans d'autres maladies. Cependant, des taux élevés d'acide méthylmalonique peuvent également être causés par une acidémie méthylmalonique. Si des taux élevés d'acide méthylmalonique s'accompagnent en outre de taux élevés d'acide malonique, cela peut indiquer une maladie métabolique habituellement négligée[107], l'acidurie combinée malonique et méthylmalonique (CMAMMA)[108].
Végétalisme et B12
Les aliments exclusivement végétaux ne contenant pas naturellement de vitamine B12, les personnes suivant un régime végétalien sont très susceptibles d'être carencées en B12, à moins de se supplémenter. Les végétariens sont également concernés, dans une moindre mesure[109]. En raison des troubles graves susceptibles d'être engendrés par une carence en vitamine B12, la complémentation systématique est donc recommandée par des organisations véganes majeures[110],[111]. Elle peut se faire à l'aide de comprimés (disponibles en magasins bio, en ligne et en pharmacie), de fioles de vitamine B12 (disponibles en pharmacie), ou d'aliments enrichis comme certaines céréales de petit déjeuner, jus de fruits, laits végétaux, etc.
Il peut être difficile de détecter une déficience en vitamine B12 chez les végétariens et végétaliens[111], car leur régime procure un apport élevé en acide folique qui peut masquer ou retarder les premiers symptômes[17]. De même, la spiruline alimentaire et le tempe, souvent utilisés à tort comme sources de vitamine B12, n'en contiennent pratiquement pas. Il s'agit en fait d'analogues structuraux de la B12, non utilisables par l'organisme[112].
Une méta-analyse de 2013 conclut à une carence en vitamine B12 chez une proportion importante des végétariens et végétaliens[113]. Une raison invoquée est la prise insuffisante de compléments qui, consommés en suffisance, apporteraient pourtant une quantité adéquate de vitamine métabolisable.
Notes et références
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Liens externes
- Compendium suisse des médicaments : spécialités contenant Vitamine B12
- Page spécifique sur le Vidal.fr
- Site Internet destiné à la protection des populations véganes.
- Portail de la chimie
- Portail de la médecine