Cour pénale internationale

La Cour pénale internationale (CPI ; en anglais International Criminal Court ou ICC) est une juridiction pénale internationale permanente, et à vocation universelle, chargée de juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d'agression et de crime de guerre[alpha 1]. La Cour inscrit également son action dans une dimension préventive et dissuasive : l'objectif est de responsabiliser les individus, qu'il s'agisse d'autorités civiles ou militaires[alpha 2].

Pour les articles homonymes, voir CPI et ICC.

Cour pénale internationale
(en) International Criminal Court
  • États signataires et ratificateurs du Statut de Rome.
  • États signataires du Statut de Rome mais ne l'ayant pas ratifié.
  • États retirés du Statut de Rome.
  • États non signataires ni ratificateurs du Statut de Rome.
Situation
Création  : adoption du Statut de Rome
 : entrée en vigueur du Statut
Type Juridiction internationale
Siège La Haye (Hollande-Méridionale, Pays-Bas)
Coordonnées 52° 04′ 06″ N, 4° 21′ 13″ E
Langue De travail : anglais, français
Officielles : anglais, français, russe, espagnol, chinois, arabe
Budget 148 000 000
Organisation
Membres 123 États parties
Effectifs 900
Président Piotr Hofmański (en)
Procureur Karim Khan

Site web www.icc-cpi.int
Géolocalisation sur la carte : Pays-Bas
Géolocalisation sur la carte : Europe
Géolocalisation sur la carte : Monde

Le Statut de Rome est le traité international qui a fondé la Cour pénale internationale. Il est adopté lors d'une conférence diplomatique réunissant les représentants des États adhérant aux Nations unies, dite Conférence de Rome, qui se déroule du au à Rome, en Italie. Il entre en vigueur le après sa ratification par 60 États[alpha 3] : la Cour pénale internationale est alors officiellement créée. La compétence de la Cour n’étant pas rétroactive, elle traite les crimes commis à compter de cette date.

Le siège officiel de la Cour est situé à La Haye, aux Pays-Bas. Depuis le , 123 États sur les 193 États membres de l'ONU ont ratifié le Statut de Rome et acceptent la compétence de la CPI (dont tous les États de l'Union européenne). Trente-deux États, dont la Russie et les États-Unis, ont signé le Statut de Rome mais ne l’ont pas ratifié. Enfin, certains, dont la Chine et l’Inde, n’ont pas signé le Statut.

La CPI peut en principe exercer sa compétence si la personne accusée est un national d'un État membre, ou si le crime supposé est commis sur le territoire d'un État membre, ou encore si l'affaire lui est transmise par le Conseil de sécurité des Nations unies. La Cour ne peut exercer sa compétence que lorsque les juridictions nationales n'ont pas la volonté et/ou la capacité pour juger des crimes internationaux (principe de complémentarité). En d'autres termes, la Cour n'intervient que lorsque les systèmes internes sont défaillants.

À ce jour, la Cour a ouvert une enquête dans quinze situations : Ouganda (2004), République démocratique du Congo (2004), Soudan (2005), Centrafrique (2007), Kenya (2010), Libye (2011), Côte d'Ivoire (2011), Mali (2013), Centrafrique II (2014), Géorgie (2016) et Burundi (2017), Bangladesh/Birmanie (2019), Afghanistan (2020) et Ukraine (2022). Six examens préliminaires sont en cours : Colombie (2004), Guinée (2009), Palestine (2015), Philippines (2018), Venezuela I (2018), Venezuela II (2020) et Bolivie (2020). Sept autres sont clos avec ou sans suite.

Le premier procès de la CPI, celui de Thomas Lubanga, commence le . Le , il est reconnu coupable de crimes de guerre[n 1]. Il est alors le premier individu condamné par la juridiction. Depuis lors, d'autres individus sont condamnés, notamment Ahmad al-Faqi al-Mahdi tandis que certains sont acquittés, à l'instar de Jean-Pierre Bemba Gombo.

La Cour traverse trois crises : celle de l'annonce en cascade du retrait d'États de son système, une autre portant sur certaines pratiques du premier procureur, Luis Moreno Ocampo, ainsi qu'enfin une dernière relative au refus d'autoriser une enquête sur l'Afghanistan. La CPI fait également l'objet de critiques récurrentes qui sont consubstantielles, pour la plupart, à l'existence de la justice pénale internationale.

Histoire

Au bout de maintes tentatives, la communauté internationale est parvenue, au XXe siècle, à un consensus concernant :

  • une définition juridique des concepts de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre ;
  • la manière et l'instance juridictionnelle internationale à laquelle serait confiée la mission de juger lesdits crimes : la Cour pénale internationale, via le Statut de Rome du .

Genèse

Historiquement, les violations du droit de la guerre ont quasiment toujours été jugées par des tribunaux ad hoc créés par les vainqueurs. Jules Deschênes fait remonter les prémices de la justice pénale internationale au Moyen Âge[1]. La première manifestation concrète d'une « cour criminelle internationale » se situerait précisément au XVe siècle, lorsque vingt-huit magistrats venant des États alliés du Saint-Empire romain germanique siègent dans un même tribunal pour juger Pierre de Hagenbach, accusé de crimes commis par ses subordonnés à l'occasion du siège de Breisach (viols, meurtres et pillages)[2],[3].

En , Gustave Moynier, membre du Comité international de la Croix-Rouge, propose de créer un tribunal qui serait compétent pour certaines violations du droit international humanitaire, par exemple celles issues de la 1e Convention de Genève de 1864[4]. Cette idée, novatrice pour l'époque et liée aux répercussions traumatiques de la guerre franco-prussienne de 1870, est doublée de celle d'ordonner la réparation des dommages y afférents[5]. Toutefois, elle n'est pas concrétisée.

Première Guerre mondiale

À la fin de la Première Guerre mondiale, le traité de Versailles énonce en son article 227 la création d'un tribunal international en vue de mettre en accusation Guillaume II pour « offense suprême contre la morale internationale et l’autorité sacrée des traités », tribunal qui jugera « sur motifs inspirés des principes les plus élevés de la politique entre les nations avec le souci d'assurer le respect des obligations solennelles et des engagements internationaux ainsi que de la morale Internationale »[6]. Même si la formulation est imprécise d'un point de vue juridique, elle « porte le germe de la responsabilité internationale de l'individu »[7]. En toute hypothèse, cette disposition est restée sans application. En effet, Guillaume II s'est exilé aux Pays-Bas et ces derniers ont toujours refusé de le remettre[8].

L'article 228 prévoit quant à lui la possibilité, pour « les puissances alliées et associées », de juger devant leur propres tribunaux militaires les individus accusés d'« actes contraires aux lois et coutumes de la guerre »[6]. En pratique, le résultat s'est avéré en dessous des attentes : environ huit-cent-cinquante poursuites ont été effectivement engagées mais elles ont eu lieu pour diverses raisons devant la Cour suprême de Leipzig. Seule une dizaine de personnes ont été jugées ; la moitié a été acquittée en raison de problèmes de preuves principalement[9],[10].

La lecture combinée desdites dispositions du traité de Versailles articulant deux niveaux de juridictions illustre le « scepticisme » de l'époque sur la question de savoir si, pour des crimes internationaux commis par un appareil étatique, une véritable réaction nationale aura lieu, d'où la nécessité de créer, au moins, un tribunal international compétent pour les plus hauts responsables[11].

Ce traité est enfin à l'origine du principe coutumier — repris dans le Statut de Rome — selon lequel, les chefs d’État ne bénéficient pas d'immunité de poursuite devant une juridiction internationale[12].

Entre deux-guerres

Durant l'entre deux-guerres, dans la doctrine, l'existence d'une cour internationale compétente pour juger les États est désormais ancrée, tandis que celle d'une juridiction pénale internationale destinée à juger des individus demeure moderne[13] et ce même si elle se répand rapidement. Vespasian Pella est l'une des figures du développement du droit international pénal[14]. En ce sens, il élabore en un projet de codification[15].

En , un projet de traité, sous l'égide de la Société des Nations et relatif au jugement des infractions de terrorisme, est à l'ordre du jour[16] mais cette initiative n'ira pas plus loin.

Seconde Guerre mondiale

Les crimes commis durant la Seconde Guerre mondiale par les nazis et les japonais seront les premiers crimes internationaux jugés comme tels. Le premier tribunal est celui de Nuremberg, créé par les Accords de Londres du qui définissent les notions de crimes contre la paix, crimes de guerre et de crimes contre l'humanité[17]. Le Tribunal de Tokyo est institué quant à lui le . Dans les deux cas, le système repose d'une part sur l'articulation avec les juridictions nationales, d'autre part sur la répression de crimes commis par des personnes physiques, « peu importe le rang militaire ou la fonction civile occupés »[18].

Bien qu'imparfaits dans leur composante internationale[19], les deux tribunaux constituent une innovation[20].

Guerre froide

Dès sa 1re session en , l'Assemblée générale des Nations unies « confirme les principes de droit international reconnus par le statut de la Cour de Nuremberg et par l'arrêt de cette Cour »[21]. L'année suivante, elle demande à la Commission du droit international (CDI) d'élaborer un « projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité »[22]. En parallèle, deux comités intergouvernementaux sont respectivement chargés, en [23] et [24], de rédiger le statut d’une future cour criminelle internationale[25]. Ces deux instruments correspondent à ce qui se retrouve dans les architectures juridiques internes à savoir un code définissant les infractions et un autre rassemblant les règles qui gouvernent la procédure[26]. En , un premier rapport préconise la création d'une juridiction dans la droite ligne des dispositions de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide[27]. En , un second rapport est déposé[25]. Un an plus tard, en raison de difficultés liées à la définition du crime d'agression (celui-ci étant inclus dans les travaux de la CDI), l'Assemblée générale décide de différer l'examen du projet de Code[28] puis celui du Statut de la future juridiction[29].

La Guerre froide freine finalement toutes les initiatives visant à créer une juridiction pénale internationale[30],[31]. En effet, en raison du danger de guerre fréquent, les États sont à l'époque dans une logique d'affrontement des souverainetés, Cherif Bassiouni (en) voyant même dans l'absence de coordination des travaux une volonté politique délibérée de retarder le processus[32]. Certaines voix se font cependant entendre, à l'instar de Benjamin Ferencz, enquêteur au procès de Nuremberg et procureur général des États-Unis au procès Einsatzgruppen, qui soutient l'établissement d'un corpus de règles à vocation universelle et d'une cour pénale internationale[33].

En , la Convention sur le crime d'apartheid est adoptée. Elle contient une disposition analogue à celle de 1948 sur le génocide : les accusés pourront être jugés alternativement soit par les juridictions d'un État partie, soit par un « tribunal pénal international » à la condition que leur État de nationalité ait accepté la compétence d'une telle juridiction[34].

En , l'Assemblée générale adopte la résolution 3314 (XXIX) définissant l'agression. L'obstacle juridique étant supprimé, les travaux sur le projet de Code reprennent en [35]. En parallèle, différents rapports auprès de la sous-commission des droits de l'homme, dont le rapport Whitaker en 1985, recommandent la création d'une juridiction permanente pour sanctionner les génocides.[réf. souhaitée]

Reprise des travaux au sein de l'ONU

La chute du Mur de Berlin et l'effondrement de l'empire soviétique permettent la levée des freins politiques. En , à l'occasion d'une initiative de Trinité-et-Tobago visant à créer un tribunal international en matière de trafics de drogue, la Commission du droit international se voit confier le projet d'élaborer les statuts d'une cour compétente pour l'ensemble des crimes internationaux[36]. Un comité ad hoc prend la suite pour aboutir au Comité préparatoire en sur la base duquel la conférence diplomatique de Rome sera convoquée en [35].

Création des tribunaux internationaux ad hoc et hybrides

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En parallèle des travaux menés par les comités d'experts, à la suite de la commission de crimes internationaux à différents endroits du globe, l'ONU instaure dans les années 1990-2000 des tribunaux internationaux. Ces juridictions voient leur compétence limitée dans le temps (ratione temporis), dans l'espace (ratione loci) et pour certains faits précis (ratione materiae). On dénombre - sans exhaustivité :

  • Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) : mis en place en 1993 par les résolutions 808 et 827 du Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII et s'est établi à La Haye aux Pays-Bas. Il est compétent pour juger les actes commis sur le territoire de l'ancienne République socialiste de Yougoslavie à partir du . Le bilan de son travail est mitigé[réf. souhaitée] : 48 accusés détenus, 31 faisant l'objet d'un mandat d'arrêt, 23 personnes jugées.
  • Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) : créé en 1994 par la résolution 955 du Conseil de sécurité et s'est établi à Arusha en Tanzanie. Il est compétent pour juger les actes commis sur le territoire du Rwanda et sur le territoire d’États voisins « en cas de violation grave du droit international humanitaire commise par des citoyens rwandais » au cours de l'année 1994. Après des débuts peu encourageants[pas clair][réf. souhaitée], 50 personnes sont cependant mises en accusation, plus de 40 sont détenues, et 9 sont condamnées.

Les deux TPI fonctionnent selon le principe de primauté[n 2] selon lequel « à tout stade de la procédure, (ils peuvent) demander officiellement aux juridictions nationales de se dessaisir en leur faveur »[37].

Création de la CPI

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La création des deux TPI (ceux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda) a remis à l’ordre du jour le projet de création d’une juridiction pénale universelle. En 1993, la Commission du droit international soumet à l’Assemblée générale un projet de statut d’une Cour pénale internationale sur lequel elle avait commencé à travailler en 1948, projet sur la base duquel se sont ensuite nouées des négociations intergouvernementales[réf. souhaitée].

Les organisations non-gouvernementales ont aussi joué un rôle important dans l'avènement de la CPI puis dans le processus de ratification, en témoigne la création en 1995 de la Coalition pour la Cour pénale internationale[réf. souhaitée].

Bâtiment de la Cour à La Haye en 2019.

La création de la CPI s'est déroulée en deux temps :

  • Adoption du Statut de Rome le par 120 États participant à la Conférence diplomatique des plénipotentiaires de l'ONU sur l'établissement d'une Cour pénale internationale (7 voix contre, 21 abstentions). Ce statut définit les pouvoirs et obligations de la CPI. Bien que créée sous l’impulsion de l’ONU, la CPI est indépendante du Conseil de sécurité, ce qui renforce sa crédibilité. De la même façon, l'adhésion au statut de Rome est volontaire.
  • Une fois le Statut de Rome adopté, il fallait qu'un minimum de 60 États le ratifie pour qu'il entre en vigueur. Ce quorum a été atteint le après qu'un groupe de 10 États ait ratifié en même temps le Statut.

Le marque l'entrée en vigueur du Statut de la CPI.

Le premier groupe de 18 juges a été élu par l’AEP (Assemblée des États Parties) en février 2003, et ceux-ci ont prêté serment lors de la session inaugurale de la Cour le .

États membres et non membres

États ayant ratifié ou adhéré au Statut

Depuis le , 123 États sont parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale ce qui signifie qu'ils ont ratifié ou adhéré au traité. Parmi eux :

  • 33 sont des membres du groupe des États d'Afrique ;
  • 19 sont des membres du groupe des États d’Asie et du Pacifique ;
  • 18 sont des membres du groupe des États d'Europe Orientale ;
  • 28 sont des membres du groupe des États d'Amérique Latine et des Caraïbes ;
  • 25 sont des membres du groupe des États d'Europe occidentale et autres États[39].

26 États ont émis des réserves ou des déclarations au Statut de Rome.

Les États parties sont légalement tenus de coopérer avec la Cour quand elle en a besoin : arrestation et transfert des personnes inculpées ou accès à des preuves et témoins[réf. souhaitée]. Les États parties ont le droit de participer et de voter à l'AEP, organe de direction de la Cour qui élit les juges et le procureur, approuve le budget de la Cour et adopte les amendements du Statut de Rome[réf. souhaitée].

France

La France a signé le Statut le et l'a ratifié le [40].

Bien que cet État ait toujours œuvré pour la mise en place de juridictions pénales internationales, certaines de ses actions au moment de la Conférence de Rome et après ont suscité nombre de questions et polémiques[41],[42]. En effet, la France a maintenu coûte que coûte sa position de principe concernant l'adoption de l'article 124 du Statut de Rome. Cette disposition controversée est introduite par la délégation française lors des négociations et permet de décliner la compétence de la Cour pour les crimes de guerre, pendant sept ans, à compter de l'entrée en vigueur de l'instrument[43],[44],[45]. Jean-François Dobelle, conseiller des affaires étrangères, soutient qu'il s'agissait de vérifier, au moins au début de l'activité de la Cour, que les garanties du Statut permettaient « d'éviter les recours abusifs, à caractère politique, auxquels les pays participant aux opérations de maintien de la paix sont plus particulièrement exposés »[46]. Cette justification, reprenant l'essence du propos de Jacques Chirac tenu aux ONG en [47], n'a pas emporté l'adhésion de la doctrine pour diverses raisons : d'abord, la Cour aurait plus à perdre qu'autre chose en engageant des poursuites injustifiées ; ensuite, les pouvoirs de la Chambre préliminaire permettent précisément de contrôler les actions du Procureur ; enfin, les juridictions nationales demeurent prioritaires en vertu du principe de complémentarité[48]. Seules la France et la Colombie activent cette option lors de la ratification[49]. La France la retire en [50] tandis que les effets de la déclaration colombienne s'éteignent en [48].

En , lors de l'adoption de l'amendement relatif au crime d'agression — qui, de par sa nature, est nécessairement lié à d'éventuels crimes de guerre — la France obtient, au côté du Royaume-Uni, certains aménagements de la définition visant à s'assurer que la Cour ne puisse poursuivre des faits en lien avec le conflit armé libyen de 2011 et l'intervention militaire menée en parallèle[51].

In fine, la France se démarque par une position particulière à l'égard des crimes de guerre, reposant alternativement soit sur « une forme de résistance », soit sur une « volonté de modulation à l’égard de la mise en œuvre de l’obligation internationale de répression des violations graves du droit international humanitaire ». Différents facteurs expliquent cette attitude — histoire (2nde Guerre mondiale et guerre d'Algérie), politique étrangère (opérations militaires extérieures), politique pénale (choix des poursuites sous l'empire des qualifications juridiques de terrorisme) — qui n'a pas quasiment pas varié depuis la fin du XXe siècle[52].

Palestine

En , l'Autorité palestinienne fait une déclaration à l'effet d'accepter la juridiction de la Cour en invoquant l'article 12 paragraphe 3 du Statut de Rome[53],[54]. Un examen préliminaire est ouvert[55].

En , le Bureau du Procureur considère que le statut de l'entité ne lui permet pas d'adhérer au traité et qu'il ne lui appartient pas de décider si la Palestine pourrait être considérée comme un État au sens du droit international public[56],[57]. Jean Salmon dénote des « ambiguïtés » dans cette position en considérant qu'au regard de la pratique antérieure, la qualité d’État membre au sein d'une institution spécialisée de l'ONU, à savoir l'UNESCO, aurait pu suffire à ce que la Palestine accède au Statut de Rome[58]. Quelques mois plus tard, la Palestine obtient le statut d' « État observateur non membre » à l'ONU ce qui relance le débat[59].

En , l'Autorité palestinienne est officiellement devenue un État membre de la Cour[60],[61] ouvrant un nouveau front dans sa « guerre diplomatique » contre Israël étant précisé que cette adhésion l'expose elle aussi à des risques de poursuites pénales pour les crimes commis de son côté[62]. La Palestine allègue que des crimes de guerre ont été commis, dans les territoires occupés, par leur adversaire pendant la guerre de Gaza en 2014[63]. Amnesty International détaille, pour sa part, dans un rapport, une opération menée en représailles à la capture d'un soldat israélien qui pourrait constituer un crime contre l'humanité au vu du « caractère systématique et délibéré de l’attaque terrestre et aérienne menée contre Rafah »[64]. En , de nouvelles informations transmises à la Procureure dénoncent d'éventuels crimes contre l'humanité (en l’occurrence apartheid)[65].

États signataires n'ayant pas ratifié le Statut

31 États ont uniquement signé le Statut de Rome sans le ratifier.

États-Unis

De façon générale, il n'existe pas d'opposition de principe à la justice pénale internationale de la part des États-Unis, en témoigne la création des autres juridictions (TPIY, TPIR, TSSL)[66]. Toutefois, cet État rejette l'idée qu'une entité puisse « entraver » son choix de recourir à la force armée. Il s'oppose aussi à d'éventuelles poursuites visant les militaires nationaux en opérations extérieures[67]. Enfin, très soucieux « de préserver leur justice de toute influence extérieure », les États-Unis ont pu redouter dès le début que la Cour enquête sur le traitement des détenus de Guantanamo dans le cadre de la lutte antiterroriste[68].

Présidence de Bill Clinton

Malgré une opposition pendant tout le processus de négociation et au moment de l'adoption[69], motivée notamment par le fait que la future cour risquerait d'interférer sur le « maintien de la paix et de la sécurité internationales » — domaine réservé au Conseil de sécurité[70] — le , soit le dernier jour avant la fermeture pour signer le Statut de Rome, Bill Clinton signe le traité[71],[72]. Selon Le Temps, ce changement de cap est le « tour le plus spectaculaire » laissé par Clinton à son successeur. Cet événement constitue aussi un énième désaveu à l'égard du Secrétaire à la défenseWilliam Cohen — tandis que le camp Albright a gagné. La colère des républicains est immédiate[73].

Présidence de Georges W. Bush

En , sous l'impulsion du président George W. Bush, les États-Unis décident de retirer leur signature[74]. Colin Powell précise : « il convient, parce que nous avons de sérieux problèmes avec la CPI, de notifier le dépositaire [...] que nous n'avons pas l'intention de le ratifier et en conséquence nous ne sommes plus liés en aucune manière à son but et objectif »[75]. La même année, l'American Service-Members' Protection Act est promulguée[76]. Cette loi permet de soustraire de la compétence de la CPI les ressortissants américains résidant sur leur territoire d'origine ainsi que ceux qui seraient éventuellement remis par un autre État à la Cour[77].

Avant que soixante États ne ratifient le Statut[n 3], les États-Unis exercent des pressions importantes (interruption de l'aide économique ou militaire, fin d'avantages douaniers) auprès des États s'apprêtant à reconnaître la compétence de la future juridiction[78],[79]. Le Brésil, le Pérou, le Costa Rica, l’Équateur, la Bolivie et l’Uruguay sont ainsi sanctionnés par Washington[80]. Par ailleurs, les États-Unis établissent des accords bilatéraux avec des États parties au Statut de Rome garantissant que les Américains qui seraient amenés à répondre de leurs actes devant la CPI soient rapatriés dans leur pays d'origine[81]. En , HRW recense une vingtaine d’États ayant signé tandis qu'une quarantaine a refusé après avoir été contacté[82].

Présidence de Barack Obama

Le changement d'administration et l'arrivée au pouvoir de Barack Obama mettent un terme à la relation d'hostilité ouverte entre les États-Unis et la CPI[83]. En 2009, déclarant regretter la position de l'administration précédente, Hilary Clinton, alors secrétaire d’État, assure : « nous aurions pu résoudre certains défis qui se posent concernant notre adhésion »[84]. Réagissant à cette déclaration, le Washington Post considère qu'Hillary Clinton a, en réalité, entrepris peu d'actions concrètes pour dialoguer avec la Cour[85]. Finalement, progressivement, le pouvoir démocrate adopte une démarche plus constructive avec la CPI sans pour autant chercher à adhérer au traité[86].

Présidence de Donald Trump

La donne change à nouveau avec l'élection de Donald Trump ; les relations avec la Cour se tendent graduellement.

En , à propos d'une potentielle enquête sur des crimes de guerre présumés commis en Afghanistan par l’armée américaine, mais aussi s'agissant d'éventuelles poursuites dirigées contre Israël dans le cadre du conflit l'opposant à la Palestine, le conseiller à la sécurité nationale, John R. Bolton, qualifie la CPI d’« inefficace, irresponsable et carrément dangereuse »[87]. Il indique également que différentes mesures pourront être prises contre les juges et le procureur, dont l'interdiction d'accès au territoire et le gel des avoirs, en concluant : « Nous laisserons la CPI mourir seule. Après tout, et pour ainsi dire, la CPI est déjà morte à nos yeux »[88].

En , les menaces sont renouvelées[89].

Le , la Cour ayant décidé d’ouvrir une enquête pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité en Afghanistan, Mike Pompeo, Secrétaire d'État des États-Unis, qualifie la Cour d' « institution politique irresponsable se faisant passer pour un organisme juridique » et déclare : « Les États-Unis prendront les mesures nécessaires pour protéger leur souveraineté et pour protéger notre peuple »[90].

En , Donald Trump signe un ordre exécutif afin d'autoriser, d'une part, des sanctions économiques (blocage des biens et avoirs) et, d'autre part, des restrictions de visa, l'ensemble des mesures étant applicable aux personnels de la Cour et à leur famille[91]. De plus, Mike Pompeo qualifie la Cour de « kangaroo court »[92]. Le jour de l'annonce, la Cour répond que cet acte n'est que le dernier « d'une série d'attaques sans précédent » qui « constitue une escalade et une tentative inacceptable de porter atteinte à l'état de droit et aux procédures judiciaires »[93]. O-Gon Kwon (en), président de l'AEP, dit « regretter vivement » le décret entériné et rappelle que « le système du Statut de Rome reconnait que c'est aux États qu'il revient en premier lieu d'enquêter et de poursuivre les crimes d'atrocité. En tant que cour de dernier ressort, la CPI est complémentaire aux institutions judiciaires nationales. C'est là une pierre angulaire du Statut »[94]. L'Union européenne fait part de son inquiétude et réitère son soutien à la juridiction internationale[95] tandis que la France affiche sa « consternation »[96]. A contrario, Benjamin Netanyahou salue la décision de son homologue en insistant sur une « chasse aux sorcières » menée contre Israël et les États-Unis[97]. De l'avis de certains juristes, cet événement est inédit puisque le décret élève la question au rang d’urgence nationale avec un cadre posé et « une palette de sanctions très large » pouvant aller jusqu'à viser quiconque coopérerait avec la Cour, ONG comprises. En outre, bien que l'argument du lawfare soit récurrent du côté de l'administration trumpiste (accusations de manipulation par la Russie), en réalité, le travail du Procureur est fondé essentiellement sur « les conclusions de commissions d’enquête, dont celle du Sénat, qui ont rendu des rapports critiques sur les « mémos » torture pris par l'administration Bush dans le cadre de la « guerre » contre le terrorisme »[98].

Début , la Procureure et l'un de ses subordonnés sont inscrits sur une liste noire américaine bloquant leurs avoirs[99],[100]. Les mesures entravent également l'entrée sur le territoire américain sauf pour New York qui dispose d'un statut spécial en raison de la présence des Nations Unies dans la ville[101].

Présidence de Joe Biden

En , Joe Biden révoque le décret signé par son prédécesseur qui mettait en place des sanctions contre le personnel de la Cour ; la diplomatie américaine précise néanmoins qu'elle est toujours opposée aux enquêtes relatives à l'Afghanistan et à Israël[102].

Israël

Israël a signé le traité en , mais ne l'a pas ratifié[103] avec les arguments suivants :

« Le droit international reconnaît depuis longtemps qu'il existe des crimes d'une telle gravité qu'ils devraient être considérés comme des « crimes internationaux ». Ces crimes ont été établis dans des traités tels que la Convention sur le génocide et les Conventions de Genève [...] Les principaux motifs inquiétant Israël sont les suivants :

  • L'inclusion des activités de colonisation comme acte constitutif de « crime de guerre » constitue une tentative cynique d'abuser de la Cour à des fins politiques. La classification du transfert de population dans des territoires occupés dans une catégorie équivalente, en termes de gravité, aux attaques contre les centres de population civile ou aux meurtres de masse est absurde et n'a aucun fondement en droit international. [...]
  • La compétence de pouvoir juger des individus dont l'État de nationalité n'est pas partie à la Cour méconnaît le principe fondamental de l'effet relatif des traités »[104].

L'ouverture d'un examen préliminaire portant sur des crimes de guerre présumés en Palestine déclenche la colère d'Israël en janvier 2015 qui qualifie la décision de « scandaleuse »[105].

En réponse aux allégations palestiniennes relatives à la guerre de Gaza en 2014, Israël a affirmé que le Hamas et ses milices avaient violé le droit international humanitaire en procédant à des tirs indiscriminés de roquette visant des lieux habités par la population civile[106]. Amnesty International a conclu dans le même sens dans l'une de ses publications au printemps 2015[107]. En mai de la même année, un nouveau rapport relate des faits d'exécution arbitraire et de torture attribuables au Hamas[108].

Russie

La Russie signe le traité le mais l'Assemblée fédérale ne le ratifie pas. Si certains obstacles juridiques existent effectivement au regard de la Constitution russe, ils ne sont pas insurmontables. La raison est donc avant tout d'ordre politique[109].

En , elle use conjointement avec la Chine, de son droit de veto pour bloquer un projet de résolution, initié par la France, et tendant à déférer les crimes commis dans le cadre de la guerre civile syrienne au Procureur de la CPI[110],[111]. Dans une tribune publiée sur Le Monde, Laurent Fabius — alors Ministre des affaires étrangères — se défend de toute posture politicienne et indique que le texte proposé au Conseil de sécurité « vise tous les crimes commis en Syrie, quels qu'en soient les auteurs [...] Si le régime syrien s'est couvert de sang, cette résolution n'omet pas les crimes commis par d'autres groupes »[112].

En , Vladimir Poutine signe un décret pour retirer la signature[113] en réponse à l'autorisation d'ouvrir une enquête concernant des faits commis en Ossétie du sud au cours de l'année 2008[114]. Quelques jours plus tard, le dépositaire du traité reçoit la notification suivante : « J’ai l’honneur de vous informer de l’intention de la Fédération de Russie de ne pas devenir partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale [...] » ; selon le rédacteur de la notification, cette déclaration correspond à l'article 18 alinéa a) de la Convention de vienne sur le droit des traités[115]. Cependant, il n'existe aucune procédure de la sorte dans cette convention car au sens strict, l'État « n’a pas manifesté son consentement à être lié. La démarche russe constitue donc un nouvel exemple d’instrumentalisation du droit international »[116].

Soudan

Le Soudan a signé le Statut le , en précisant le qu'il n'avait pas l'intention de devenir partie[117]. Cette déclaration faisait suite à la demande en du Procureur d'émettre un mandat d'arrêt contre le président Omar el-Béchir[118]. Le , les juges accèdent à cette requête (ce qui fait de ce mandat le premier délivré contre un chef d'État en exercice dans l'histoire de la CPI)[119],[120] en visant les chefs de crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au Darfour[121]. Pendant l'été, l'Union africaine vote une résolution indiquant que les États membres n'exécuteront pas le mandat émis[122]. En , un nouveau mandat d'arrêt est délivré et inclut cette fois les charges de génocide[123].

Omar el-Béchir est destitué en [124]. Le gouvernement de transition se serait engagé, en , à la remettre à la Cour[125]. En juin de la même année, Ali Kosheib — l'un des plus redoutés chefs de milices janjawids — est transféré à la Cour par les autorités centrafricaines, pays dans lequel il s'était réfugié depuis janvier[126]. L'opération d'identification qui a permis l'arrestation a été menée conjointement avec la MINUSCA[127].

États non signataires et non parties

De tous les États qui sont membres des Nations unies, des observateurs de l'Assemblée générale des Nations Unies ou autrement reconnus par le Secrétaire général des Nations Unies en tant qu'États ayant des compétences d'élaboration des traités complets[pas clair], 42 États n'ont ni signé ni adhéré au Statut de Rome.

Chine

La Chine a participé à la Conférence diplomatique mais a voté négativement à la fin du processus[128]. La liste d'arguments ci-après est non exhaustive :

  • la Cour telle qu'instituée ira à l'encontre la souveraineté des États ;
  • le principe de la complémentarité permet à la Cour de juger un système judiciaire national ;
  • les crimes de guerre visés par le Statut couvrent à la fois des conflits internes et internationaux ;
  • la juridiction de la Cour couvre les crimes contre l'humanité en temps de paix ;
  • l'inclusion du crime d'agression dans le futur affaiblirait le rôle du Conseil de sécurité à cet égard ;
  • le Procureur peut agir proprio motu ce qui constitue un pouvoir pouvant être exercé « sans contrepoids » et mener à des « poursuites futiles » [129],[130].

Inde

L'Inde s'est abstenue lors du vote de l'adoption du Statut de Rome en 1998 ; elle a avancé différents arguments (liste non exhaustive)[131],[132] :

  • la définition trop large des crimes contre l'humanité et celle des crimes de guerre (incluant conflits armés internes et internationaux)
  • l'absence de clarté s'agissant de la criminalisation de l'utilisation d'armes nucléaires
  • la possibilité que le Conseil de sécurité renvoie une situation d'un État non partie
  • le pouvoir d'auto-saisine du Procureur.

Compétence et critères préalables

La compétence et les critères préalables sont définis par le Statut de Rome.

Compétence ratione materiae

La compétence matérielle de la Cour porte sur quatre types de crimes[alpha 4] :

  • Génocide : « actes commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux »[alpha 5].
  • Crime contre l'humanité : « actes [...] commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque »[alpha 6].
  • Crime de guerre : « infractions graves aux conventions de Genève de 1949 »[alpha 7] ; « autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux »[alpha 8] ; « violations graves de l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 » en cas de conflit armé non international[alpha 9] ; « autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés ne présentant pas un caractère international »[alpha 10].

Sur ces trois premières infractions, adoptées par consensus en , il n'y a pas de spécificité majeure par rapport aux statuts des deux TPI (Ex-Yougoslavie et Rwanda)[133].

  • Crime d'agression : sa définition a été adoptée le lors de la Conférence de révision à Kampala[134]. Il s'agit de « la planification, la préparation, le lancement ou l’exécution par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire d’un État, d’un acte d’agression qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies »[alpha 11],[135]. La compétence de la Cour à l'égard de ce crime est activée lors de l'AEP 2017[51]. Ceci ouvre la voie à des poursuites pour crime d'agression en théorie à partir du . « La résolution prend toutefois le soin d'exclure cette compétence à l'égard des nationaux et du territoire des États qui n'ont pas ratifié les amendements, à tout le moins en cas de renvoi par un État, ou de saisine proprio motu, le Conseil de sécurité restant libre de s'affranchir de ces limites »[136].

Le terrorisme, en tant que crime autonome, n'a pas été retenu dans la compétence de la Cour. Cependant, la juridiction est compétente pour certains actes sous-jacents de crimes de guerre et crimes contre l'humanité qui pourraient s'analyser en acte de terrorisme[137].

Compétence ratione personae

Seuls des individus peuvent être poursuivis devant la Cour pénale internationale[alpha 12]. La compétence à l'égard des personnes morales de droit privé (sociétés par exemple) a été étudiée dans les travaux préparatoires et introduite lors de la Conférence de Rome mais la proposition n'a pas été retenue en raison de divergences dans les législations nationales[138]. Le Statut de Rome retranscrit ainsi l'une des formules du Tribunal militaire international de Nuremberg selon laquelle : « Ce sont des hommes et non des entités abstraites qui commettent les crimes dont la répression s’impose [...] »[139].

En outre, aucune personne ne peut voir sa responsabilité engagée devant la juridiction si elle « était âgée de moins de 18 ans au moment de la commission prétendue d’un crime »[alpha 13].

Compétence ratione temporis

Sa compétence n'est pas rétroactive[alpha 14]: les crimes doivent avoir été commis après l'entrée en vigueur de son statut (). Il n'y a pas de prescription pour les crimes commis après l'entrée en vigueur de son statut[alpha 15].

Critères préalables

La Cour n'est compétente que si l'une des trois conditions suivantes est remplie :

  • l'accusé est ressortissant d'un État partie au statut ou qui accepte la juridiction de la CPI en l'espèce,
  • le crime a été commis sur le territoire d'un État partie ou qui accepte la juridiction de la CPI en l'espèce,
  • le Conseil de sécurité a saisi le procureur en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies (pas de limite alors de compétence ratione personae).

En outre, en vertu du principe de complémentarité[alpha 16], les États conserveront à titre principal la responsabilité de poursuivre et juger les crimes les plus graves. La CPI n'exercera pas sa compétence « si un tribunal national a la capacité et la volonté » d'exercer la sienne[140]. La Chambre préliminaire I, dans l'affaire Thomas Lubanga Dyilo a précisé que pour qu'une affaire soit déclarée irrecevable devant la Cour, il fallait que les poursuites visent la même personne et concernent les mêmes faits. [réf. souhaitée]

La CPI peut-être saisie par un État partie (c'est-à-dire qui a ratifié le statut de Rome) ou par le Conseil de Sécurité de l'ONU qui « défère » une « situation » concernant des crimes présumés commis et relevant de la compétence matérielle de la Cour. Le procureur peut également procéder à une saisine de sa propre initiative dite proprio motu.

Fonctionnement

Principaux instruments

Outre le Statut de Rome, la Cour dispose d'autres instruments juridiques qui prévoient les règles générales applicables à l'institution[141]. On retrouve notamment :

  • les Eléments des crimes : précisent davantage les définitions et les éléments constitutifs des crimes ainsi que les infractions sous-jacentes pour lesquels la Cour a compétence ;
  • le Règlement de procédure et de preuve ;
  • le Règlement du Bureau du Procureur ;
  • le Règlement de la Cour ;
  • le Règlement du Greffe ;
  • le Code de conduite professionnelle des conseils ;
  • le Code d'éthique judiciaire ;
  • le Règlement financier.

Organes de la Cour

La CPI est composée de quatre organes[alpha 17].

La présidence

Elle se compose d'un président et des premier et second vice-présidents[alpha 18]. La présidence est chargée de trois domaines principalement : premièrement la bonne administration de la Cour - à l'exception du bureau du procureur de manière à garantir son indépendance (par exemple superviser le travail du Greffe), deuxièmement les relations extérieures (par exemple représenter la Cour lors de réunions avec les Nations Unies ou encourager les relations avec d'autres partenaires), troisièmement les affaires juridiques et judiciaires (par exemple négocier et conclure des accords bilatéraux ou examiner certains recours)[142].

Succession des présidents de la CPI
PortraitIdentitéNationalitéPériode
DébutFin
Philippe KirschCanadien
Song Sang-hyun[143]Sud-coréen
Silvia Fernández de Gurmendi[144]Argentine
Chile Eboe-Osuji[145]Nigérian
Piotr Hofmański (en)[146]PolonaisEn cours

Les Chambres

Organisées en section, elles se chargent des fonctions judiciaires[alpha 19]. Les sections sont au nombre de trois :

  • La section préliminaire : chaque chambre préliminaire compte soit un juge unique, soit 3 juges[alpha 20]. Chaque « situation » est assignée à une Chambre préliminaire[alpha 21]. La Chambre préliminaire a notamment pour fonction d'autoriser ou non l'ouverture d'une « enquête » par le Procureur ; de délivrer les mandats d'arrêt et citations à comparaître ; de garantir les droits de toutes les personnes impliquées dans la procédure (exemple : protection d'un témoin, d'une victime ou d'une personne détenue) ; de décider si les charges doivent être confirmées ou non lors d'une audience dédiée à cette question (étape obligatoire avant l'ouverture du procès le cas échéant)[alpha 22].
  • La section de première instance : chaque chambre de première instance compte 3 juges[alpha 23]. La Chambre devra conduire le procès qui suivra la confirmation des charges en respectant les droits de l'accusé, des victimes et des témoins (exemple : ordonner le huis-clos) ; rendra un verdict de condamnation ou d'acquittement et se prononcera sur la peine le cas échéant ; pourra ordonner que des réparations soient accordées aux victimes[alpha 24].
  • La section d'appel : la chambre d'appel compte tous les juges de la section[alpha 25] - 5 en principe. Elle est compétente pour : juger des appels formés sur la décision relative à la culpabilité et/ou la peine, des ordonnances de réparation et de certaines questions sur la compétence et la recevabilité ; réexaminer les peines en cours d'exécution (par exemple lorsque les deux tiers de la peine prononcée ont déjà été effectués ou 25 ans en cas de perpétuité)[alpha 26].

Le Bureau du procureur

Il se compose du Procureur, de procureurs adjoints et des équipes (enquêteurs, juristes, etc). Il gère en autonomie son budget et son organisation. De façon général, son rôle est[alpha 27] :

  • d'ouvrir des « examens préliminaires » afin de déterminer s'il existe une base raisonnable pour ouvrir une « enquête » étant précisé que quiconque peut envoyer des « communications » qui peuvent servir de fondement aux examens préliminaires. Lors de cette phase, il doit :
    • s'assurer, d'une part, que les crimes ont été commis après le (date d'entrée en vigueur du Statut) et, d'autre part, qu'ils l'ont été sur le territoire d’un État partie ou par un ressortissant d’un État partie (sauf si la situation a été déférée par le Conseil de sécurité) ;
    • vérifier que les faits soumis relèvent de la compétence matérielle de la Cour visée à l'article 5 du Statut de Rome ;
    • évaluer la gravité des crimes ;
    • vérifier qu’il n’y a pas d’enquêtes ou de poursuites en cours pour les mêmes crimes à l’échelle nationale ;
    • examiner s’il y a des raisons de penser que l’ouverture d’une enquête ne servirait pas les intérêts de la justice et des victimes[147] ;
  • d'ouvrir des « enquêtes » (sur autorisation de la Chambre préliminaire) puis les coordonner et les diriger ; il doit enquêter à charge et à décharge[alpha 28] en utilisant « tous les faits et éléments de preuve pertinents pour évaluer la responsabilité pénale des personnes impliquées »[148] ; il demande la délivrance de mandat d'arrêt et citation à comparaître ;
  • de convaincre la Chambre préliminaire que les charges doivent être confirmées ;
  • le cas échéant de démontrer la culpabilité de l'accusé « au-delà de tout doute raisonnable »[alpha 29].
Identité Pays Période
Luis Moreno Ocampo Argentine
Fatou Bensouda Gambie
Karim Khan Royaume-Uni — ...

Le Greffe

Il comprend le Greffier et éventuellement un adjoint[alpha 30]. Sous l'autorité du Président de la juridiction, le service est chargé « des aspects non judiciaires de l’administration et du service de la Cour » avec une obligation de neutralité en toutes circonstances[149]. Concrètement, il a pour mission d'organiser la tenue de procès publics, équitables et rapides. Par exemple, il aide la Défense à remplir sa mission[alpha 31], assiste les victimes dans leur participation aux procès, ou encore fournit des services de traduction. En outre, il est amené à collaborer avec l'extérieur (établissement des contacts régulier avec les ONG ou le monde universitaire ; mise en œuvre de la logistique relative à l'exécution des peines avec les États candidats ; établissement de documentation à destination du public).

Identité Pays Période
Bruno Cathala France
Silvana Arbia Italie
Herman von Hebel Pays-Bas
Peter Lewis Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande — ...

À l'Assemblée des États parties

La Cour est composée de 18 juges au moins, chacun de nationalité d'un des États parties[alpha 32]. Pour se porter candidat, il est nécessaire d'une part de posséder des compétences dans les domaines qui intéressent le travail de la Cour (droit pénal / procédure pénale ; droit international - droit international humanitaire / droits de l'homme), d'autre part de démontrer une expérience de praticien (juge, avocat, procureur, juriste)[alpha 33]. Les juges sont élus lors de l'AEP à bulletin secret[alpha 34]. En principe, le mandat est de neuf ans non renouvelable[alpha 35].

Le Procureur ainsi que ses procureurs adjoints sont élus lors de l'AEP par bulletin secret à la majorité absolue pour une durée de 9 ans non renouvelable[alpha 36].

Au sein de la Cour

  • Le président de la Cour ainsi que les premier et second vice-présidents sont élus à la majorité absolue par leurs pairs pour un mandat de trois ans renouvelable une fois[alpha 37].
  • Les juges présidents de chaque chambre (préliminaire, première instance et appel) sont élus par leurs pairs[alpha 38].
  • Les juges affectés en section préliminaire et première instance « siègent pendant trois ans ; ils continuent d'y siéger au-delà de ce terme, jusqu'au règlement de toute affaire dont ils ont eu à connaître dans ces sections » tandis que ceux affectés en appel « siègent pendant toute la durée de leur mandat »[alpha 39].
  • Le Greffier est élu par les juges à la majorité absolue pour une durée de cinq ans, renouvelable une fois. Au besoin, un greffier adjoint est élu dans les mêmes conditions[alpha 40].

Juges actuels

A la date du  :

Identité Nationalité Mandat
Marc Perrin de Brichambaut[150] France
Piotr Hofmański[151] Pologne

Président de la Cour

Bertram Schmitt[152] Allemagne
Péter Kovács[153] Hongrie
Tomoko Akane[154] Japon
Reine Alapini-Gansou[155] Bénin
Chung Chang-ho[156] Corée du Sud
Antoine Kesia-Mbe Mindua[157] République démocratique du Congo

Second vice-président de la Cour

Raul Cano Pangalangan[158] Philippines
Solomy Balungi Bossa[159] Ouganda
Kimberly Prost[160] Canada
Rosario Salvatore Aitala[161] Italie
Luz del Carmen Ibáñez Carranza[162] Pérou

Première vice-présidente de la Cour

Joanna Korner (en)[163] Royaume-Uni
Gocha Lordkipanidze[164] Géorgie
Socorro Flores Liera[165] Mexique
Sergio Gerardo Ugalde Godínez[166] Costa Rica
Miatta Maria Samba (en)[167] Sierra Leone
Althea Violet Alexis-Windsor (en)[168] Trinité-et-Tobago

Défense

En 2016, l'Association du Barreau près la Cour Pénale Internationale est créée « dans un contexte de vives tensions avec des barreaux nationaux et associations professionnelles », ces derniers lui reprochant son absence d'indépendance[169].

Droits des accusés, sanctions encourues et détention

Une cellule typique du centre de détention à Schéveningue.

La présomption d'innocence s'applique pendant toute la procédure[alpha 41]. Le Statut de Rome prévoit, en plus de ce principe cardinal, un régime complet de droits accordés aux personnes qui l'ont l'objet de poursuites[alpha 42]. Par exemple, « le droit d’être informé des charges qui pèsent contre elle, de disposer de temps et de services pour préparer sa défense et être jugée sans retard excessif, de choisir librement un avocat, d’interroger des témoins et de présenter des éléments de preuve, de ne pas être forcé de témoigner contre elle-même ou de se s’avouer coupable, de garder le silence, de recevoir du Procureur les éléments de preuve dont celui-ci estime qu’ils disculpent l’accusé ou tendent à atténuer sa culpabilité, d’être en mesure de suivre les procédures dans une langue qu’elle comprend parfaitement et donc de bénéficier des services d’un interprète et de traductions dans la mesure nécessaire »[170].

La peine de mort n'a pas été retenue comme pour les deux TPI (ex-Yougoslavie et Rwanda)[171]. La Cour peut prononcer une peine d'emprisonnement maximale de 30 ans ou un emprisonnement à perpétuité « si l'extrême gravité du crime et la situation personnelle du condamné le justifient »[alpha 43]. Elle peut ajouter à ces peines privatives de liberté une amende ou « la confiscation des profits, biens et avoirs tirés directement ou indirectement du crime [...] »[alpha 44].

Avant et pendant le procès, les individus sont détenus dans une aile de la prison de Schéveningue[172] appartenant à l'Etat néerlandais[173]. Le lieu peut paraître luxueux[174]. Toutefois, la Cour est liée par le droit international des droits de l'homme et à ce titre, elle doit respecter certains standards, non sans points de divergence avec d'autres juges parfois[175]. Les peines prononcées sont en principe accomplies dans un État désigné par la Cour conformément à liste de pays candidats[176]. En d'autres termes, la Cour est tributaire de la coopération des États[177].

Indemnisation des victimes

Des réparations en faveur des victimes (restitution, indemnisation, réhabilitation) sont prononçables[alpha 45]. Cette possibilité représente l'une des innovations de la CPI par rapport aux autres juridictions pénales internationales ; elle s'inscrit dans la volonté de donner une place accrue aux victimes dans la procédure pénale[178].

Budget

Le budget-programme de la CPI pour est de 148 millions d'euros[179]. À titre comparatif, il était de 53 millions d'euros pour [180]. Lors de l'AEP de , onze États ont souhaité limiter le budget de l'année suivante eu égard, selon eux, à la crise économique mondiale et à certains mécanismes de fonctionnement de la Cour inefficaces. Cette initiative a été critiquée par certains puisque dans le même temps, le groupe d'États appelait la Cour à ouvrir de nouvelles enquêtes, notamment hors d'Afrique[181].

Détail du contentieux

CPI - état des procédures en
  • Situation sous enquête en cours
  • Examen préliminaire clos en attente de l'autorisation d'ouverture d'une enquête
  • Examen préliminaire en cours
  • Examen préliminaire clos sans suite

Enquêtes et affaires en cours

Situation État en
Ouganda
crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui auraient été commis en Ouganda depuis le dans le contexte d’un conflit opposant l’Armée de résistance du seigneur (ARS) aux autorités nationales

Région concernée : nord du pays[182]

Saisine de la Cour en par le gouvernement ougandais. Ouverture d’une enquête en .
Accusés Procédure
Joseph Kony[183]Mandat d’arrêt délivré le - en fuite.
Vincent Otti[183]Mandat d’arrêt délivré le - en fuite.
Okot Odhiambo[183]Mort, affaire close le .
Raska Lukwiya[183]Mort, affaire close le .
Dominic Ongwen[184]Reconnu coupable le de crimes de guerre et crimes contre l'humanité puis condamné à vingt-cinq d'emprisonnement le .
République démocratique du Congo
crimes de guerre dans le contexte d'un conflit armé en RDC et crimes contre l'humanité qui, tous deux, auraient été commis depuis le

Régions concernées : est du pays, région de l'Ituri, provinces du Nord Kivu et du Sud Kivu[185]

Saisine de la Cour en par la RDC. Ouverture d’une enquête en .
Accusés Procédure
Callixte Mbarushimana[186]Charges non confirmées le . Remis en liberté le .
Thomas Lubanga[187]1er condamné de l'histoire de la CPI. Reconnu coupable le de crime de guerre puis condamné le à quatorze ans d'emprisonnement ; verdict de culpabilité et peine confirmés en appel le . Transféré le vers une prison de RDC et libéré le . Montant des réparations : 10 000 000 USD () ; confirmé en appel le .
Sylvestre Mudacumura[188]Mandat d’arrêt délivré le .
Mathieu Ngudjolo Chui[189]Acquitté des charges de crimes de guerre et crimes contre l'humanité le . Libéré le . Verdict de non culpabilité confirmé en appel le .
Germain Katanga[190]Reconnu coupable le de crimes de guerre et de crime contre l’humanité puis condamné à douze ans d'emprisonnement le . Jugement devenu définitif à la suite du désistement d'appel. Peine réduite le . Transféré le vers une prison de RDC et fin de la peine le . Montant des réparations : 1 000 000 USD () ; confirmé pour l'essentiel en appel le .
Bosco Ntaganda[191]Reconnu coupable le de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité puis condamné à trente ans d'emprisonnement le . confirmé en appel le . Montant des réparations : 30 000 000 USD ().
République centrafricaine I
crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui auraient été commis dans le contexte d’un conflit en RCA depuis le  ; atteintes à l'administration de la justice

Région concernée : ensemble du territoire[192]

Saisine de la Cour en par le gouvernement centrafricain. Ouverture d’une enquête en .
Accusés Procédure
Jean-Pierre Bemba Gombo[193] Reconnu coupable le de crimes contre l'humanité et crimes de guerre puis condamné à dix-huit ans d'emprisonnement le . Acquitté en appel le et remis en liberté le .
Jean-Pierre Bemba Gombo, Aimé Kilolo Musamba, Jean-Jacques Mangenda Kabongo, Fidèle Babala Wandu et Narcisse Arido[194] Reconnus coupables d'atteintes à l'administration de la justice le puis condamnés à différentes peines d'emprisonnement le (respectivement : un an, deux ans et demi, deux ans, six mois, onze mois). Confirmé pour l'essentiel en appel le (verdict et peines) - sauf pour J.-P. Bemba, A. Kilolo et J.-J. Mangenda.
Soudan
génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui auraient été commis au Darfour (Soudan) depuis le

Région concernée : Darfour[195]

Situation déférée par le Conseil de sécurité en . Ouverture d’une enquête en .
Accusés Procédure
Ahmed Haroun[196]Mandat d’arrêt délivré le - en fuite.
Ali Kosheib[197]Mandat d’arrêt délivré le  ; transféré à la Cour le . Audience de confirmation des charges fixée au .
Omar el-Béchir[198]Mandats d’arrêt délivrés les et .
Bahar Idriss Abu Garda[199]Comparution volontaire - charges non confirmées le .
Abdel Rahim Mohamed Hussein[200]Mandat d’arrêt délivré le - en fuite.
Saleh JerboMort, affaire close le .
Abdallah Banda[201]Confirmation des charges le après comparution volontaire de l'accusé. Mandat d’arrêt délivré le - en fuite.
Kenya
crimes contre l'humanité qui auraient été commis dans le contexte des violences postélectorales au Kenya en 2007-2008

atteintes à l'administration de la justice Régions concernées : Nairobi, vallée du Rift Nord, vallée du Rift central, vallée du Rift Sud, province de Nyanza et province Occidentale[202]

Autorisation de l'ouverture d’une enquête proprio motu en .
Accusés Procédure
Henry KosgeyCharges non confirmées le .
Francis MuthauraRefus de confirmer les charges le .
Mohammed Hussein AliRefus de confirmer les charges le .
Walter Barasa[203]Mandat d’arrêt délivré le - en fuite.
William Ruto[204]Ouverture du procès le . Fin de l'affaire au vu des preuves le - remis en liberté.
Joshua SangOuverture du procès le . Fin de l'affaire au vu des preuves le - remis en liberté.
Uhuru Kenyatta[205]Abandon des charges par l'Accusation le . Clôture de l'affaire le - remis en liberté.
Paul Gicheru[206]Comparution volontaire le après un mandat d'arrêt délivré le .
Philip Kipkoech Bett[207]Mandat d’arrêt délivré le - en fuite.
Libye
crimes contre l’humanité et crimes de guerre qui auraient été commis dans le contexte de la première guerre civile libyenne depuis le

Région concernée : ensemble pays, notamment Tripoli, Benghazi et Misrata[208]

Situation déférée par le Conseil de sécurité en . Ouverture d’une enquête en .
Accusés Procédure
Saïf al-Islam Kadhafi[209]Mandat d’arrêt délivré le . Affaire déclarée recevable le  ; confirmé en appel le - considéré comme en fuite car détenu à un endroit inconnu par les autorités libyennes.
Mouammar Kadhafi[209]Mort, affaire close le .
Al-Tuhamy Mohamed Khaled[210]Mandat d’arrêt délivré le - en fuite.
Abdallah Senoussi[209]Affaire déclarée irrecevable le en raison de l'enquête nationale menée sur les faits et de la capacité + volonté de la Libye de mener véritablement ce processus judiciaire.
Mahmoud al-Werfalli[211]Mandats d’arrêt délivrés les et - en fuite.
Côte d'Ivoire
crimes relevant de la compétence de la Cour qui auraient été commis dans le contexte des violences postélectorales en Côte d’Ivoire en 2010 et 2011, mais aussi du à ce jour

Régions concernées : ensemble du pays, y compris Abidjan et l’ouest[212]

Déclaration d'acceptation de la compétence par la Côte d'Ivoire en . Autorisation de l'ouverture d’une enquête proprio motu en . Elargissement du champ temporel de l'enquête autorisé en . Ratification du Statut de Rome en .
Accusés Procédure
Simone Gbagbo[213]Mandat d’arrêt délivré le . Exception d'irrecevabilité de l'affaire rejetée le  ; confirmé en appel le - en fuite
Laurent Gbagbo[214]Acquitté des charges de crimes contre l'humanité le . Mise en liberté sous conditions le  ; acquittement confirmé en appel le
Charles Blé GoudéAcquitté des charges de crimes contre l'humanité le . Mise en liberté sous conditions le  ; acquittement confirmé en appel le
Mali
crimes de guerre qui auraient été commis au Mali depuis janvier 2012

Régions concernées : essentiellement au nord (Gao, Kidal et Tombouctou) et, dans le sud (Bamako et Sévaré)[215]

Saisine de la Cour en par le gouvernement malien. Ouverture d’une enquête en .
Accusés Procédure
Ahmad al-Faqi al-Mahdi[216]Reconnu coupable de crime de guerre et condamné à neuf ans d'emprisonnement le . Montant des réparations : 2 700 000 .

Décisions sur verdict, peine et réparations confirmées globalement en appel le . Transfert vers une prison d'Ecosse le .

Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud[217]Charges confirmées le . Ouverture du procès le .
République centrafricaine II
crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui auraient été commis dans le contexte de la recrudescence des violences en RCA à partir de 2012

Région concernée : ensemble du pays[218]

Saisine de la Cour en par le gouvernement centrafricain. Ouverture d’une enquête en .
Accusés Procédure
Alfred Yekatom[219] Mandat d'arrêt délivré le . Ouverture du procès le .
Patrice-Edouard Ngaïssona[219] Mandat d'arrêt délivré le . Ouverture du procès le .
Mahamat Said Abdel Kani[220] Mandat d'arrêt délivré le . Remis à la cour le .
Géorgie
crimes contre l'humanité et les crimes de guerre qui auraient été commis dans le contexte d'un conflit armé international entre le et le .

Régions concernées : Ossétie du sud et ses environs[221]

Ouverture d'un examen préliminaire en . Autorisation d'ouvrir une enquête proprio motu en .
Burundi
Crimes contre l'humanité qui auraient été commis au Burundi ou par des ressortissants burundais à l'extérieur de leur pays depuis le et jusqu'au .

Régions concernées : intérieur et extérieur du Burundi[222].

Ouverture d'un examen préliminaire en . Autorisation d'ouvrir une enquête proprio motu en .
Bangladesh / Birmanie (Myanmar)
crimes relevant de la compétence de la Cour qui auraient été commis à l'encontre des Rohingya ou d'autres personnes à partir du .

Régions concernées : en particulier dans l'État de Rakhine (Myanmar)[223].

Ouverture d’un examen préliminaire en . Autorisation d'ouvrir une enquête proprio motu en .
Afghanistan
crimes relevant de la compétence de la Cour qui auraient été commis sur le territoire national depuis le et crimes suffisamment liés à la situation de conflit armé en Afghanistan présumés commis sur le territoire d'autres États parties depuis le [224].
Ouverture d'un examen préliminaire rendu public en 2007. Rejet de la demande d'ouverture d'enquête proprio motu en . Infirmation lors de l'appel en  : autorisation d'ouverture d'enquête.
Palestine
Crimes présumés commis sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, depuis le [225].
Ouverture d’un examen préliminaire en  ; ouverture d’une enquête en .
Ukraine
Crimes présumés commis dans le cadre de la situation en Ukraine depuis le [226].
Ouverture d'un examen préliminaire en avril 2014 ; ouverture d'une enquête en mars 2022.

Examens préliminaires en cours

Pays État en
Colombie
crimes de guerre prétendument commis depuis le et crimes contre l'humanité prétendument commis depuis le en Colombie, dans le contexte du conflit armé entre et au sein des forces gouvernementales, des groupes armés paramilitaires et des groupes armés illégaux ; porte également sur l'existence et l'authenticité de procédures nationales relatives à ces crimes[227].
Ouverture d’un examen préliminaire en - phase 3 (recevabilité).
Guinée
crimes contre l'humanité prétendument commis dans le cadre du « massacre du  » 2009 au stade de Conakry en Guinée[228].
Ouverture d’un examen préliminaire en - phase 3 (recevabilité).
Philippines
crimes présumés commis depuis le au moins et jusqu'au dans le contexte de la campagne de « guerre contre la drogue »[229].
Ouverture d’un examen préliminaire en - phase 3 (recevabilité).
Venezuela I
crimes présumés qui auraient été commis depuis au moins, dans le contexte des manifestations et des troubles politiques y afférents ; porte également su toutes les enquêtes et poursuites dignes d'intérêt à l'échelle nationale[230].
Ouverture d’un examen préliminaire en - phase 3 (recevabilité).
Venezuela II
crimes présumés qui seraient en cours sur le territoire vénézuélien[231].
Ouverture d'un examen préliminaire en - phase 2.
Bolivie
crimes présumés qui auraient été commis sur le territoire bolivien en [232].
Ouverture d’un examen préliminaire en - phase 2 (compétence ratione materiae).

En attente de l'autorisation d'ouverture d'une enquête

Pays / Nationalité État en
Nigeria
crimes contre l'humanité ou crimes de guerre prétendument commis dans le Delta du Niger, dans les États du centre du pays et dans le cadre du conflit armé au Nigéria entre Boko Haram et les forces de sécurité nationales[233].
Ouverture d’un examen préliminaire rendu public en . Clôture en avec une base raisonnable de croire que lesdits crimes ont été commis.

Sans suite

Pays / Nationalité État en
Irak / Royaume-Uni
crimes de guerre prétendument commis par des ressortissants du Royaume‑Uni dans le cadre du conflit en Irak et de l'occupation ultérieure de 2003 à 2008[234].
Ouverture d’un examen préliminaire (date inconnue). Clôture en . Rouvert en sur la base de nouveaux éléments. Clôture en en raison du fait qu'aucune affaire susceptible d'en découler ne serait recevable à cette date.
Venezuela
crimes contre l'humanité qui auraient été commis contre des opposants politiques[235].
Ouverture d'un examen préliminaire à une date inconnue. Clôture en .
Honduras
crimes contre l'humanité prétendument commis dans le cadre du coup d'État du au Honduras[236].
Ouverture d’un examen préliminaire en . Clôture en en raison de l'absence de base raisonnable permettant de croire que des crimes contre l'humanité - au sens du Statut de Rome - ont été commis même après le .
Corée du Sud
crimes prétendument commis en mer Jaune en mars et [237].
Ouverture d’un examen préliminaire en . Clôture en .
Les navires battant pavillon comorien, grec et cambodgien (flottille pour Gaza)[238]. Ouverture d’un examen préliminaire en à la suite du renvoi par les Comores. Clôture en . En puis , la Ch. préliminaire ordonne au Procureur de procéder à une nouvelle révision de sa décision de ne pas enquêter ; ordre confirmé en appel en .
Gabon
crimes présumés commis depuis , notamment dans le contexte des élections présidentielles qui se sont déroulées le [239].
Ouverture d’un examen préliminaire en à la suite du renvoi de la situation par le gouvernement gabonais. Clôture en en raison de l'absence de base raisonnable permettant de croire que des crimes contre l'humanité ou un génocide - au sens du Statut de Rome - ont été commis.

Données globales / chiffres (2020)

En 2020, on dénombre (données publiques) :

  • 13 situations sous enquête en cours ;
  • 10 examens préliminaires en cours ;
  • 5 examens préliminaires clos ;
  • 5 individus jugés définitivement pour des crimes du Statut de Rome :
    • 2 acquittés ;
    • 3 condamnés ;
  • 8 individus poursuivis pour des atteintes à l'administration de la justice (5 condamnés définitivement) ;
  • 7 affaires dont le procès est en cours ou programmé / délibéré en attente (1ère instance et appel) ;
  • 4 suspects morts ;
  • 14 suspects non détenus par la Cour (dont 5 notices rouges d'Interpol[240]) ;
  • 6 individus détenus par un établissement en coopération avec la Cour ou à Scheveningen.

Crises

Annonce de retrait d'États (2016 - 2018)

En , le Burundi annonce à la suite d'un vote de son Parlement qu'il se retire de la Cour, devenant ainsi le premier Etat à prendre une telle décision depuis l'entrée en fonction de la Cour[241]. Les autorités justifient cette décision par la « politisation de l’action de la CPI » devenue, selon eux, « un instrument de pression sur les gouvernements des pays pauvres ou un moyen de les déstabiliser sous l’impulsion des grandes puissances », alors que l'opposition y voit une volonté d'échapper à d'éventuelles poursuites[242]. Quelques semaines plus tard, l'Afrique du Sud et la Gambie annoncent à leur tour leur retrait de la CPI, déclenchant une crise au sein de l'institution[243]. En , la Namibie déclare qu'elle conditionne son maintien dans le système de la Cour à l'adhésion au traité constitutif des États-Unis[244].

En , la Gambie annonce qu'elle demeure membre de la CPI à la suite de l'arrivée au pouvoir du nouveau président Adama Barrow[245]. En conséquence, la procédure de retrait est arrêtée. De son côté, la Haute Cour de Pretoria rend un jugement début par lequel elle invalide la sortie de l'Afrique du Sud de la CPI pour vice de procédure, le gouvernement ayant omis de consulter le Parlement[246]. En conséquence, le gouvernement annonce qu'il renonce – au moins provisoirement – tout en précisant qu'il réfléchira à toutes les options possibles[247],[248]. Un an après la notification de retrait au dépositaire du traité, soit en , le Burundi est officiellement sorti du système du Statut de Rome ; ceci n'a aucune conséquence juridique sur l'examen préliminaire en cours[249].

Début , la CPI ouvre un examen préliminaire relatif à la « guerre contre la drogue » lancée par les Philippines[250], politique qui, selon un rapport de Human Rights Watch en , aurait fait au moins 7 000 morts[251]. En réaction, le président Rodrigo Duterte annonce le retrait des Philippines du système de Rome[252]. Celui-ci est effectif le [253].

« Morenogate » et ses suites (2017 - 2019)

En , le réseau European Investigative Collaborations publie des documents confidentiels révélant certaines pratiques discutables de l'ancien procureur Luis Moreno Ocampo, durant et après son mandat[254] : redevenu avocat dans le secteur privé après avoir quitté la CPI, il aurait par exemple indirectement rémunéré des membres du personnel de la Cour pour que ceux-ci y fassent du lobbying en faveur de ses clients[255]. Il est également mis en cause pour des conflits d'intérêts relatifs à la situation libyenne[n 4], éléments qu'il réfute soutenant qu'il a précisément mis en garde l'un de ses clients pour ses liens avec le maréchal Haftar[256],[257].

Face aux révélations, Fatou Bensouda annonce l'ouverture d'une enquête interne[258]. Deux collaboratrices de la Cour, soupçonnées d'avoir été impliquées dans lesdites affaires, sont suspendues à titre conservatoire[259]. Quelques mois plus tard, l'ONG Norwegian Helsinki Committee (en) demande à ce que, d'une part, « des enquêtes larges et transparentes sur les violations des normes professionnelles et éthiques commises par des membres de la Cour » soient diligentées et, d'autre part, que les rôles de l'ancien Procureur et celui de son chef de cabinet de l'époque, Silvia Fernández de Gurmendi, soient précisés[260].

Deux ans plus tard, des experts nommés par la Cour concluent à une « organisation inefficace » du bureau du procureur ainsi qu'à l'autoritarisme de Luis Moreno Ocampo. Une absence de professionnalisme vis-à-vis des pressions exercées sur les témoins kenyans, ce qui a causé en grande partie l'échec de la procédure, est aussi pointée[261].

Refus d'autoriser l'ouverture d'une enquête sur l'Afghanistan (2019)

En , l'une des Chambres préliminaires rejette la requête du Procureur demandant l'autorisation d'ouvrir une enquête sur l'Afghanistan[262]. Selon les juges, s'il existe « une base raisonnable permettant de considérer que des crimes relevant de la compétence de la CPI [y] auraient été commis », la procédure a cependant peu de chances d'aboutir en raison de différents facteurs dont l'instabilité du pays et le contexte politique international, y compris concernant les Etats non parties au Statut. Il existe ainsi un risque de créer un sentiment de « frustration », voire d'« hostilité » de la part des victimes. En conséquence, l'ouverture d'une enquête est contraire aux « intérêts de la justice »[alpha 46],[263]. Cette décision s'inscrit dans un contexte de tensions grandissantes avec les États-Unis, le visa de la Procureur ayant notamment été révoqué la semaine précédente[264]. De plus, les promesses d'enquête sur les faits allégués, par exemple par les autorités britanniques, ne sont suivies d'aucun effet depuis l'été 2018[265]. Partant, l'examen préliminaire ouvert depuis 2006 semble constituer la seule voie judiciaire ouverte pour les exactions commises par les forces internationales, les talibans et celles soutenant le gouvernement afghan[266].

Nombre d'ONG réagissent en émettant de vives critiques[267],[265]. HRW évoque un « déni de justice » estimant qu'il s'agit d'« une invitation lancée aux gouvernements à entraver l’action de la CPI »[268]. Pour Amnesty International, ceci « affaiblit davantage encore la crédibilité de cette institution » et la politique, davantage que le droit, a guidé l'action de la Cour[269] tandis que la FIDH fustige un « abandon » des victimes[270].

Les universitaires s'interrogent également sur les conséquences de ce choix. D'un côté, une approche dite des « petits pas », c'est-à-dire se concentrant d'abord sur les situations à l'égard desquelles un soutien est assuré, est justifiable dans la mesure où l'institution, relativement récente, ne peut se permettre sur le long terme des échecs particulièrement coûteux quant à sa légitimité[271]. De l'autre côté, même si l'approche « réaliste » n'est pas dénuée de fondement, l'absence de coopération est une difficulté récurrente sans pour autant qu'il y ait eu, par le passé, un refus d'autoriser une enquête comme en témoigne la Géorgie ou le Burundi. Par conséquent, cette décision illustre les propres limites de l'action de la Cour à l'égard des grandes puissances et amplifie par la même occasion les critiques portant sur le fossé les ambitions affichées et la réalité des poursuites intentées[272]. Sur un autre terrain, il est relevé qu'en cédant finalement aux menaces américaines, les juges de la Chambre préliminaire oublient que leur rôle ne se limite pas à évaluer les chances concrètes de réussite d'une procédure et que leur crédibilité s'évalue également au regard de leur capacité à adresser des « mises en garde » en cas d'abus commis par des Etats puissants, dimension jusqu'ici inédite pour une juridiction pénale internationale[273].

Critiques

Efficacité, coût et visibilité

L'efficacité de la CPI a été questionnée au vu du nombre d'individus effectivement jugés (verdict de condamnation ou d'acquittement)[274],[275]. En , Antoine Garapon préconise « une politique de poursuite plus déterminée, des procédures simplifiées et des moyens d’action allégés »[276]. Raphaëlle Nollez-Goldbach relève que la lenteur des procédures et la longueur des décisions s'expliquent notamment par le rythme des audiences (et la nécessité de traduction en temps réel), la complexité des affaires (crimes multiples à l'échelle d'une région voire d'un pays, nombre de témoins ou de victimes élevé) ou encore les règles juridiques afférentes aux preuves (phase procédurale pré-procès, possibilité d'appel sur de nombreuses décisions intermédiaires)[277]. Bruno Cotte, ancien juge à la Cour, témoigne pour sa part des différences de méthode, de culture juridique, voire de rythme de travail entre les personnels de la Cour auxquelles il a dû s'habituer[278],[279]. Depuis les répercussions de la crise économique de 2008 en particulier, les dépenses liées aux procès sont questionnées. En , Philippe Sands (en) relève cependant l'action de la Cour s'inscrit sur le long terme et qu'il est hors de propos de « comparer le coût de la justice pénale internationale à des courses dans un supermarché »[280]. In fine, les critiques relatives à la longueur des procédures devant la Cour font écho à celles que le TPIY et le TPIR ont pu rencontrer[281]. En ce sens, Maître François Roux regrette que le modèle procédural accusatoire prime majoritairement dans les juridictions pénales internationales malgré quelques correctifs apportés au fil du temps[282].

Par ailleurs, le travail de la CPI doit s'évaluer à l'aune des difficultés relatives à la coopération internationale. En effet, la Cour, comme les autres juridictions pénales internationales, ne dispose pas de « moyens de contrainte et d'exécution »[283]. Par conséquent, elle est dépendante de la bonne volonté des États à respecter leur obligation de coopérer pendant toute la procédure (recueil de preuves, arrestation des suspects, protection des témoins, etc.)[284]. Cette caractéristique est aussi à prendre en compte dans le débat récurrent s'agissant de la sélectivité des poursuites connu sous l'expression des « gros et petits poissons »[285].

Selon un adage traditionnel, Justice must not only be done; it must also be seen to be done. Or, les procès devant les juridictions internationales sont délocalisés du lieu de commission des actes : la CPI et le TPIY se trouvent à La Haye tandis que le TPIR est situé à Arusha. C'est la raison pour laquelle le statut des victimes a progressivement été créé en droit international pénal afin que celles-ci puissent participer aux procédures[286]. Pour répondre aux critiques, la Cour développe aussi de nombreuses actions de « sensibilisation »[287],[288].

Impartialité, justice des « vainqueurs » et des « puissants »

L'éventuelle partialité de la juridiction a été mise en cause à l'occasion du procès du président Laurent Gbagbo, en particulier par ses soutiens[289]. Bien qu'à la date du seul l'ex-président ait été jugé, les faits commis par les partisans d'Alassane Ouattara, éventuels actes constitutifs de crimes internationaux, demeurent sous enquête[290].

Plus largement, la justice pénale internationale fait très souvent l'objet de critiques en ce qu'elle serait une « justice des vainqueurs »[291],[292]. La sociologue Nathalie Heinich critique fortement l'un des ouvrages soutenant cette thèse en indiquant que « la conclusion de chacun des articles aboutit invariablement aux mêmes poncifs : le droit ne serait que la dissimulation de la force, et les puissants ont, de toute façon, toujours tort. En outre, les sophismes et manipulations rhétoriques abondent, qui lui permettent de tordre une réalité complexe dans le sens qui conforte sa vision du monde »[293].

William Schabas établit un parallèle entre la CPI et la Cour internationale de justice en expliquant que cette dernière a été confrontée à des défis similaires sur le plan de la « crédibilité » s'agissant de faire appliquer le droit international par les Etats puissants, et partant de condamner leurs éventuelles violations. En ce sens, il rappelle que la décision de 1966 relative à l'occupation sud-africaine de la Namibie a provoqué nombre de déceptions et qu'il a fallu attendre l'année 1985, avec la condamnation des Etats-Unis liée à leur soutien aux Contras, pour que la Cour trouve son rythme de croisière. Il conclut : « Au meilleur d'elle-même, la justice internationale est capable de contraindre les Etats et les individus à se comporter conformément aux mêmes règles que celles qu'ils souhaitent tant faire appliquer à ceux qui sont petits et faibles »[294].

Vis-à-des vis des organisations non gouvernementales

Les liens entre certaines ONG et le Bureau du Procureur font l'objet de critiques portant sur l'indépendance puisque ce dernier s'appuie notamment sur les rapports de Human Rights Watch pour les dossiers d'accusation[242]. Sur ce point, la Cour a précisé dès 2008 que l'enjeu se situait autour de la valeur probante des éléments et non de leur admissibilité en indiquant tenir compte « notamment de la cohérence intrinsèque des informations et de leur concordance avec l’ensemble des preuves, considérées comme un tout, de la fiabilité de la source et de la possibilité pour la Défense de contester la source »[295].

En 2015, l'avocat Toby Cadman évoque « l'héritage Ocampo » en soutenant qu' « un grand nombre des ONG qui fournissent des témoins à la CPI ont reçu des subventions de la part de gouvernements européens qui financent aussi la Cour »[296].

Vis-à-vis du Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité peut demander à la Cour de suspendre une enquête ou des poursuites pendant douze mois en vertu d'une résolution adoptée sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies ; la demande étant renouvelable dans les mêmes conditions[alpha 47]. Cette disposition a constitué « l'une des clefs des négociations » à Rome, en particulier pour les États participant de façon significative aux opérations de maintien de la paix. Ceux-ci souhaitaient en effet conserver une marge de manœuvre certaine afin de limiter le risque de poursuites, de leurs propres militaires, par la Cour[297]. Utilisée à cinq reprises[n 5], cette possibilité soulève des interrogations au regard d'une part de la sélectivité des poursuites qu'elle engendre, d'autre part du risque de confusion ainsi créé entre la mission d'un organe politique, le Conseil, et celle d'un organe judiciaire, la Cour[298]. En outre, eu égard à la « liberté d'appréciation » laissée, le Conseil de sécurité a pu s'écarter de la lettre et de l'esprit du texte[299],[300].

Paix et justice

Le dilemme paix-justice est consubstantiel au droit international pénal. Généralement, la mise en œuvre d'un processus judiciaire peut bloquer l'apparition d'autres mécanismes de règlement des différends. A moyen terme, il existe un risque de complexifier le retour à la paix[301],[302]. En outre, de par la nature même de la Cour — permanente et à vocation universelle —, celle-ci est amenée à intervenir au cours de conflits[303]. Or, « la justice ne peut qu’imputer un crime collectif à quelques hommes [...] : on ne peut lui demander d’arrêter la guerre et donc de poursuivre une autre fin que la justice. Lorsque le juge veut empêcher la guerre, dire l’histoire ou honorer la mémoire, il cherche un autre objectif que celui de la justice au sens strict »[304]. La question a été notamment soulevée s'agissant de la répercussion des mandats d'arrêt lancés contre Joseph Kony et quatre autres hauts gradés de la LRA sur les pourparlers de Juba (en)[305] avec des positions antagonistes entre médiateurs et ONG[306],[307]. Quelques années plus tard, d'aucuns ont soutenu que les poursuites engagées contre Uhuru Kenyatta lui ont permis de gagner des voix lors de la présidentielle de 2013 en se faisant passer pour la « victime d’un tribunal principalement financé par l’Occident »[308].

C'est la raison pour laquelle certains plaident en faveur des Commissions vérité et réconciliation[309] tandis que d'autres se montrent plus réticents en relevant que ce type de mécanisme « peut générer une forme de ressentiment et d'insécurité »[310]. Dans le même ordre d'idées, l'expérience des Gacaca au Rwanda[311] a permis une certaine réconciliation en parallèle des poursuites menées par le TPIR[312] bien que le fonctionnement de ces tribunaux populaires ne soit pas exempt de critiques[313],[314]. Enfin, l'aide au développement traditionnelle (sécurité, économie) peut tout autant être mobilisée[315]. Enfin, une part minoritaire adopte une position radicale vis-à-vis de la justice pénale internationale en considérant que celle-ci « tend à renforcer le pouvoir des criminels de guerre et à supprimer les incitations à la capitulation ou à une sortie négociée »[316].

En toute hypothèse, les mécanismes alternatifs de règlement des conflits qui pourraient par exemple inclure l'amnistie générale ne doivent pas mener à une impunité de fait difficilement acceptable pour les populations[317]. De plus, au regard du droit international conventionnel et coutumier, il existe une obligation de réprimer et de poursuivre les crimes internationaux les plus graves[318].

À l'égard des poursuites menées en Afrique

Certains États africains accusent la CPI de mener une politique judiciaire néo-colonialiste[319]. L'un des principaux arguments au soutien de cette thèse est le suivant : pendant les premières années d'existence, les poursuites se sont concentrées sur le continent africain[320],[321]. Par exemple, à l'occasion du premier mandat d'arrêt délivré contre Omar El Beshir, Jean Ping – à l'époque président de la Commission de l'UA – a regretté « que la justice internationale ne semble appliquer les règles de la lutte contre l'impunité qu'en Afrique comme si rien ne se passait ailleurs, en Irak, à Gaza, en Colombie ou dans le Caucase »[322]. Par la suite, le ministre gambien de l'information a accusé la Cour de passer sous silence « les crimes de guerre commis par les pays occidentaux »[323]. Le Président namibien Hage Geingob s'est dit pour sa part favorable à la création d'une Cour de justice africaine qui remplacerait « celles imposées par des pays étrangers »[324].

Face à ces critiques, Fatou Bensouda a reconnu qu'il existait un « malaise » des États africains[325]. De leurs côtés, le Sénégal, le Mali ou encore le Lesotho – tous partisans de la juridiction – ont estimé qu'elle présentait des « dysfonctionnements »[326]. Enfin, le Président de l'AEP, Sidiki Kaba, a considéré que le retrait d'un État ou de plusieurs « constituerait un recul dans la lutte contre l'impunité » et a plaidé pour l'ouverture d'un dialogue[327].

Les travaux des chercheurs sont également partagés sur la question. Certains réfutent l'idée selon laquelle la CPI serait « une justice de “blancs” » en rappelant que les premières procédures ont été lancées par les Etats africains eux-mêmes et en considérant que la rupture proviendrait en réalité des poursuites visant des chefs d'Etat à l'instar d'el-Bechir, Kadhafi et Kenyatta[328],[329]. Jean-Baptiste Jeangène Vilmer propose différentes pistes pour sortir de la crise : renforcer les capacités des juridictions nationales sur le continent, créer des structures intermédiaires et mobiliser davantage la société civile[330]. A contrario, Sara Dezalay soutient que le « biais africain » s'expliquerait notamment par la « faiblesse structurelle » de la justice pénale internationale et par la place qu'occupent les juristes occidentaux ainsi que ceux issus de l'élite africaine (par exemple Fatou Bensouda) dans l'architecture et la pratique de l'institution[331].

Notes et références

Notes

  1. Sa responsabilité est retenue pour les chefs suivants : enrôlement, conscription et utilisation d'enfants-soldats de moins de 15 ans.
  2. Art. 9 §2 du Statut TPIY / Art. 8 §2 du Statut TPIR.
  3. Quota nécessaire pour que le traité entre en vigueur
  4. L'enquête a été ouverte en mars 2011.
  5. S/RES/1422 (2002) ne visant aucune situation géographique particulière, renouvelée un an plus tard par S/RES/1487 (2003) ; S/RES/1497 (2003) concernant le Libéria ; S/RES/1593 (2005) portant sur le Darfour ; S/RES/1970 (2011) relative à la Libye

Textes du régime

  1. Article 1 du Statut de Rome.
  2. Préambule du Statut de Rome.
  3. Article 126 du Statut de Rome.
  4. Article 5 du Statut de Rome.
  5. Article 6 du Statut de Rome.
  6. Article 7 du Statut de Rome.
  7. Article 8, alinéa (a) du Statut de Rome.
  8. Article 8, alinéa (b) du Statut de Rome.
  9. Article 8, alinéa (c) du Statut de Rome.
  10. Article 8, alinéa (e) du Statut de Rome.
  11. Article 8 bis du Statut de Rome.
  12. Articles 1 et 25 §1 du Statut de Rome.
  13. Article 26 du Statut de Rome.
  14. Article 11 du Statut de Rome.
  15. Article 29 du Statut de Rome.
  16. Article 17 du Statut de Rome.
  17. Article 34 du Statut de Rome.
  18. Norme 2 du Règlement de la Cour.
  19. Article 39 du Statut de Rome.
  20. Article 39 §2, alinéa b. iii) du Statut de Rome.
  21. Norme 46-2 du Règlement de la Cour.
  22. Pour le détail complet, v. article 57 du Statut de Rome.
  23. Article 39 §2, alinéa b. ii) du Statut de Rome.
  24. Pour le détail complet, v. article 64 du Statut de Rome.
  25. Article 39 §2, alinéa b. i) du Statut de Rome.
  26. Pour le détail complet, v. chapitre VIII du Statut de Rome.
  27. Pour le détail complet, v. notamment articles 42, 15, 54 du Statut de Rome ; Règlement du Bureau du Procureur.
  28. Article 54 §1 du Statut de Rome.
  29. Article 66 §§2-3 du Statut de Rome.
  30. Pour le détail complet, v. notamment article 43 du Statut de Rome ; Règlement du Greffe.
  31. V. en ce sens : Règle 20 du Règlement de procédure et de preuve.
  32. Article 36 §§1-2 et §4 du Statut de Rome.
  33. Article 36 §3 du Statut de Rome.
  34. Article 36 §6 du Statut de Rome.
  35. Article 36 §9 du Statut de Rome.
  36. Article 42 §4 du Statut de Rome.
  37. Article 38 du Statut de Rome.
  38. Norme 13 du Règlement de la Cour.
  39. Article 39, §3, alinéas a) et b) du Statut de Rome.
  40. Article 43, §§4-5 du Statut de Rome.
  41. Article 66 §1 du Statut de Rome.
  42. V. en particulier articles 55 et 67 du Statut de Rome.
  43. Article 77, alinéa 1 du Statut de Rome.
  44. Article 77, alinéa 2 du Statut de Rome.
  45. Article 75 du Statut de Rome.
  46. V. articles 15 et 53 du Statut de Rome.
  47. Article 16 du Statut de Rome.

Références

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Annexes

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Articles connexes

Liens externes

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