Yves Farge
Yves Farge, né le à Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône) et mort le à Tbilissi (Géorgie, URSS), est un journaliste, résistant, Compagnon de la Libération et homme politique français.
Pour les articles homonymes, voir Farge.
Yves Farge | |
Fonctions | |
---|---|
Ministre du Ravitaillement | |
– (11 mois et 8 jours) |
|
Premier ministre | Georges Bidault |
Gouvernement | Bidault I |
Prédécesseur | Henri Longchambon |
Successeur | Poste supprimé |
Biographie | |
Nom de naissance | Yves Louis Auguste Farge |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône) |
Date de décès | |
Lieu de décès | Tbilissi (Géorgie, URSS) |
Nationalité | Française |
Profession | Journaliste |
Biographie
Jeunesse et études
Yves Louis Auguste Farge naît dans les Bouches-du-Rhône le 19 août 1899. Sa famille est issue de la classe moyenne. Son père, d'abord expert-comptable, est ensuite nommé professeur au lycée Thiers à Marseille[1]. Sa mère meurt lorsqu'il a trois ans. Il est élevé par son père et sa tante, professeur à l'École supérieure de Nice et laïque militante[2].
Yves Farge fait son collège au lycée Mignet à Aix-en-Provence[2]. Il adhère aux Jeunesses socialistes. Il étudie ensuite au lycée Thiers. Il se passionne d'écriture et de peinture[3]. Il y reste jusqu'en classe de Première[4].
Débuts dans la vie active
Pendant la Première Guerre mondiale, il est mobilisé comme aide-infirmier.
Après la guerre, il devient journaliste et travaille au Maroc jusqu'en 1931. Ensuite, il vit à Paris où il travaille pour les revues Monde d'Henri Barbusse et La Lumière, puis à Grenoble où il entre à La Dépêche dauphinoise dont il devient le rédacteur en chef l'année suivante. Après les accords de Munich, il devient pacifiste[5], il quitte la SFIO et entre au Progrès de Lyon pour y diriger les services de politique étrangère. C'est là que commence son action de résistant à travers des contacts avec Emmanuel d'Astier de la Vigerie, Georges Bidault, Eugène Claudius-Petit puis Jean Moulin et le général Charles Delestraint. En 1942, après le sabordage de la flotte française à Toulon, il se rend sur place et en tire un reportage publié en 1943.
Le résistant
Il poursuivit ses activités de journaliste au Progrès jusqu'en , mais son collègue Georges Altman l'avait mis en contact avec le mouvement de résistance Franc-tireur dès 1941, il devint alors tour à tour : Grégoire, Bessonneau, Pétrequin, Dumaine Lévy, Bonaventure. Il continua son activité journalistique dans la clandestinité et rédigea avec Altman la plupart des éditoriaux du Père Duchesne, journal satirique de Franc-Tireur. Parallèlement, à la même époque, le dirigeant communiste Georges Marrane l'avait fait entrer au comité directeur du Front national[6].
Yves Farge fut impliqué dans l'histoire du maquis du Vercors, mais l'affirmation trouvée sur le site de l'Ordre de la Libération selon laquelle Jean Moulin lui aurait donné en 1942 la mission d’organiser militairement le maquis du Vercors[5] n'est pas reprise par les historiens. Ces derniers retiennent que Farge a transmis à Jean Moulin fin une note écrite par Pierre Dalloz sur les possibilités militaires du Vercors. Moulin entérina le projet connu sous le nom de code « Montagnards » après une rencontre entre Farge, Dalloz et le général Delestraint le [6],[7]. Devenu commissaire de la République, il sera présent dans le Vercors en juillet 1944 lors de l'épisode de la « République libre du Vercors »[8].
Il fut aussi membre de l’état-major de l’Armée secrète dirigée par le général Delestraint. Après les arrestations de ces deux grands résistants, il fut recherché par la Gestapo et se rendit à Paris où, contre le Service du travail obligatoire, il présida le Comité d'action contre la déportation[9]. Dans ce cadre, il rencontre les chefs d'entreprise membres de l'Union des cadres industriels de la France combattante (UCICF, devenue UCIF puis UNITEC), dont Léon Blanchard, directeur de l’Énergie électrique du Rhône et du Jura, chargé d'organiser le sabotage des usines du Creusot et futur préfet de l'Ain, ainsi qu'Eugène Roy, avec qui Farge travaille sur la conception de clous tétraédriques capables de percer les pneus des véhicules allemands.
Devant le refus d'Alban Vistel d'occuper ce poste, le général de Gaulle nomme, en , Yves Farge commissaire de la République pour les départements de la région rhodanienne : l'Ain, l'Ardèche, la Drôme, la Savoie, la Haute-Savoie, l'Isère, la Loire et le Rhône. Il rencontre à Paris Michel Debré qui lui remet son ordre de nomination signé par le général de Gaulle ainsi qu'un document lui donnant le pouvoir de nommer les préfets des huit départements.
Sous le nom de Grégoire, Yves Farge part alors pour Lyon avec son épouse et quelques collaborateurs dont Josèphte Condamin, sa secrétaire. Il s'installe clandestinement dans un appartement mis à sa disposition par son ancienne patronne, Hélène Brémond, copropriétaire du Progrès, au 37 rue Bugeaud, près de la gare des Brotteaux et de la Préfecture. Soutenu par les Mouvements unis de résistance et notamment Alban Vistel, il s'attache d'abord à prendre contact avec les résistants de la région, visitant notamment, durant l'été, le maquis du Vercors ainsi que les groupes résistant de l'Ardèche. Dans le Vercors, il organise les secours après l'invasion du plateau et de Vassieux-en-Vercors par les parachutistes allemands le .
Le , 80 Allemands sont fusillés en Haute-Savoie en représailles du massacre de détenus de la prison Montluc au fort de Côte-Lorette[10],[11]. Farge menace « de faire fusiller 800 Allemands prisonniers du maquis s'il arrivait quoi que ce soit aux internés de Montluc »[12],[13]. Dans la soirée du , le commandant de la prison, l'Hauptmann Boesche, remet les clés au général Chevalier, l'un des prisonniers[12] ; il avait aussi reçu, à 18 heures, 2 parlementaires alsaciens envoyés par le lieutenant Nunninger, qui conduisait avec le commandant Kœnig le Groupe Franc disposé autour de la prison[12],[13]. Près de 800 prisonniers seront ainsi sauvés[14].
Le , Yves Farge sort de la clandestinité et salue le drapeau à la croix de Lorraine hissé dans la cour de la Préfecture. Il se fait reconnaître à ses fonctions de commissaire de la République par le général Diego Brosset, commandant la 1re Division de la France libre qui avait investi la ville. Farge met en place immédiatement le nouveau Conseil municipal, dirigé par Justin Godart.
Le même jour, il signe 25 arrêtés qui sont publiés le lendemain dans le premier numéro du Journal officiel du Commissariat de la République de la région Rhône-Alpes. Ces textes, qui initient le rétablissement de la République en Rhône-Alpes, nomment les responsables des services du Commissariat de la République ainsi que des préfets, suppriment l'impôt-métal et les lois raciales, prévoient la suspension de plusieurs corps constitués suspectés de collaboration (magistrature, Chambre de commerce, ordre des avocats, municipalité).
Comme tous ses collègues, Yves Farge détient, de début septembre jusqu'au , le droit de grâce délégué par le président du Gouvernement provisoire, le général de Gaulle. Or, c'est durant cette période que les tribunaux d'exception chargés de juger les crimes de collaboration (cour martiale créée le , remplacées par trois cours de justice à Lyon, Grenoble et Chambéry, auxquels s'ajoutent des tribunaux militaires), tournent à plein régime. Farge reçoit les demandes de grâce adressées par les condamnés à mort sur lesquelles il doit statuer en quelques heures. Il raconte, dans ses mémoires, l'émotion que lui procure une telle responsabilité.
Pendant ses quinze mois de présence à Lyon comme commissaire de la République, Yves Farge est énormément mobilisé par les problèmes de ravitaillement, cruciaux du fait de l'importance de la population lyonnaise. Cette compétence l'amène à prendre le poste de ministre du Ravitaillement en .
L'homme politique
Homme de gauche sans appartenance politique précise, il est ministre du Ravitaillement, poste très difficile, dans le gouvernement provisoire de Georges Bidault, du au de la même année. Il dénonce le trafic des vins et procède à l'épuration des services les plus compromis de son ministère. Ce combat contre le marché noir débouche sur la plus grosse affaire politique du début de la IVe République dite « scandale du vin ». L'affaire devient politique du fait des personnalités impliquées et de leurs liens avec le Parti socialiste[15]. Yves Farge met en cause Félix Gouin (SFIO), alors vice-président du Conseil du gouvernement.
Ce progressiste, proche des communistes[16], participe à la fondation du Mouvement de la Paix en 1947. Il en devient le président jusqu'à sa mort. Il était également membre du Conseil mondial de la paix. Il dirige alors le journal Action, qui disparaitra en 1952.
Selon l'essayiste et historien russe Arkadi Vaksberg, son accident de voiture serait un assassinat déguisé, ordonné par les autorités soviétiques[17].
Hommage et distinctions
- Il est fait Compagnon de la Libération par décret du .
- Pour ses actions en faveur de la lutte pour la paix, il reçut le prix Staline pour la paix en 1953.
Une rue est créée à son nom à Lyon, le , dans le prolongement de la rue de Marseille[18].
Il existe une rue Yves-Farge à Champigny-sur-Marne.
Œuvres
On lui doit de nombreux ouvrages :
- Toulon, Éditions de Minuit, Paris 1943
- Sauvons nos gosses. À Megève, premier village d'enfants, Lyon, 1945
- Vent des fous, Paris 1946
- Rebelles, soldats et citoyens. Souvenirs d'un Commissaire de la République, Paris 1946
- Le pain de la corruption, Editions du Chêne, Paris 1947
- Lettre au Président Truman, Paris 1949
- La République est en danger, Paris 1950
- La Guerre d'Hitler continue, Paris 1950
- Le sang de la corruption, Paris 1951
- Témoignage sur la Chine et la Corée, Paris 1952
- Un simple mot, Paris 1953
- Histoire vécue de la Résistance. Rebelle soldat et citoyen, carnet d'un Commissaire de la République, Genève 1971
Notes et références
- Georgette Elgey, Histoire de la IVe République: La République des illusions (1945-1951), Fayard, (ISBN 978-2-213-66422-4, lire en ligne)
- Claude Morgan, Yves Farge, FeniXX réédition numérique, (ISBN 978-2-307-05849-6, lire en ligne)
- Bernard Michal, Les Grandes énigmes de la IVe République ..., Éditions de Saint-Clair, (lire en ligne)
- Jean Maitron, Claude Pennetier, Gilles Vergnon, « FARGE Yves, Louis, Auguste. Pseudonymes dans la clandestinité : BESSONNEAU, BONAVENTURE, DUMAINE, GRÉGOIRE, PETREQUIN », dans Le Maitron, Maitron/Editions de l'Atelier, (lire en ligne)
- Notice biographique Yves Farge sur le site de l'Ordre de la Libération.
- Dominique Veillon, article Yves Farge dans dictionnaire historique de la Résistance, Robert Laffont, p. 416.
- Dominique Veillon, article Maquis du Vercors dans dictionnaire historique de la Résistance, Robert Laffont, p. 767.
- Gilles Vergnon, Le Vercors, histoire et mémoire d'un maquis, éditions de l'Atelier, 2002, p. 83-106.
- Raphaël Spina, Histoire du STO, Paris, Perrin, , 570 p. (ISBN 978-2-262-04757-3 et 226204757X, OCLC 985443025, lire en ligne), p. 295
- Rude 1974, p. 82-83.
- Ruby 1985, p. 39.
- Rude 1974, p. 90.
- Ruby 1985, p. 40.
- Ruby 1985, p. 41.
- Joël Drogland, « Les scandales du ravitaillement. Détournements, corruption, affaires étouffées en France, de l’Occupation à la guerre froide » [archive du ], sur clio-cr.clionautes.org, . Présentation en ligne du livre de Fabrice Grenard, Les scandales du ravitaillement. Détournements, corruption, affaires étouffées en France, de l’Occupation à la guerre froide, Payot, , 294 p.
- Renaud de Rochebrune et Jean-Claude Hazera, Les patrons sous l'Occupation, p. 25.
- Arkadi Vaksberg, Staline et les Juifs, Paris, Robert Laffont, 2003.
- Luc 2002, p. 21.
Voir aussi
Bibliographie
- Raphaël Spina, Yves Farge: entre Résistance et pacifismes, Patrimoine en Isère : Musée de la Résistance et de la déportation de l'Isère-Maison des droits de l'hommes, (ISBN 978-2-35567-130-2, OCLC 1059268985).
- Claude Morgan, Yves Farge, Les Éditeurs Français Réunis, (ISBN 2-307-39182-7 et 9782307391821, OCLC 914605822).
- Le Français Yves Farge, Société fermière "Libération, (OCLC 415934530).
- Dominique Veillon, article « Yves Farge » tiré de Dictionnaire historique de la résistance sous la direction de François Marcot, Robert Laffont, 2006.
- Fernand Rude (préf. Pascal Copeau), Libération de Lyon et de sa région, Paris, Hachette, coll. « La libération de la France », , 287 p. (BNF 34561277).
- Marcel Ruby, La libération de Lyon, Limonest, Commission d'histoire de la guerre, coll. « Cahiers d'Histoire de la Guerre » (no 11), , 96 p. (OCLC 83698079).
- Robert Luc, 100 boulevard Yves Farge : La Mouche, Lyon, SACVL, coll. « Pierres Vivantes », , 110 p., p. 21-23.
Filmographie
- Alias Caracalla, au cœur de la résistance (téléfilm), réalisé par Alain Tasma en 2013, France 3, joué par Thierry Hancisse.
Liens externes
- Bibliographie détaillée et une photographie sur le site de l'Ordre de la Libération
- Notices d'autorité :
- Fichier d’autorité international virtuel
- International Standard Name Identifier
- Bibliothèque nationale de France (données)
- Système universitaire de documentation
- Bibliothèque du Congrès
- Gemeinsame Normdatei
- Bibliothèque nationale de la Diète
- Bibliothèque royale des Pays-Bas
- Bibliothèque nationale de Pologne
- Bibliothèque nationale d’Israël
- Bibliothèque universitaire de Pologne
- Bibliothèque nationale tchèque
- WorldCat
- Ressources relatives aux beaux-arts :
- Ressource relative au spectacle :
- Ressource relative à la vie publique :
- Portail de la politique française
- Portail de la presse écrite
- Portail de la Seconde Guerre mondiale
- Portail de la Résistance française
- Portail de la paix