Une chambre en ville
Une chambre en ville est un film musical dramatique français écrit et réalisé par Jacques Demy, sorti en 1982.
Réalisation | Jacques Demy |
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Scénario | Jacques Demy |
Acteurs principaux | |
Sociétés de production | Progefi - TF1 Films Production |
Pays de production | France |
Genre |
Musical Drame |
Durée | 92 minutes |
Sortie | 1982 |
Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution
Sur fond de grèves et de conflits sociaux, à Nantes, François, un ouvrier en lutte, et Édith, une fille d'aristocrate, mal mariée à un bourgeois, s'aiment éperdument sous l'œil désabusé et impuissant de la mère d'Édith, veuve d'un colonel, chez qui François a pris la chambre en ville du titre.
Salué par la critique, mais boudé par le public à sa sortie, Une chambre en ville, entièrement chanté comme le sont Les Parapluies de Cherbourg, est beaucoup plus sombre que la plupart des films de Demy. Il exprime sa part d'ombre et permet de reconsidérer l'œuvre du réalisateur sous une autre perspective.
Le film a pendant longtemps était la comédie musicale la plus nommée aux Césars (9 nominations) sans en recevoir avant d'être dépasser par Annette de Leos Carax (11 nominations et 5 récompenses).
Synopsis
Le film se déroule en 1955, à Nantes, en pleine grève. François Guilbaud, un ouvrier gréviste, loue une chambre en ville à Mme Langlois, veuve d'un colonel qu'elle n'aimait pas, ruinée par les frasques de son fils mort. L'appartement se situe dans la rue du Roi-Albert, qui relie la cathédrale à la préfecture, où manifestations et affrontements se déroulent entre les grévistes et les forces de l'ordre.
Guilbaud a une liaison avec une ouvrière, Violette, qui tombe enceinte et veut se marier avec lui. Mais il ne partage pas les sentiments de la jeune femme. Un soir, il fait la rencontre d'Édith, mal mariée à Edmond Leroyer, marchand de télévisions. Édith, nue sous son manteau de fourrure, se prostitue, plus par volonté de se venger de son époux que par besoin financier. C'est le coup de foudre entre eux. Le couple passe la nuit à l'hôtel et chante son amour au petit matin. Or la jeune femme n'est autre que la fille de Mme Langlois. Celle-ci reçoit, en pleine nuit, la visite de son gendre, qui, armé d'un rasoir, laisse éclater sa colère.
Édith et François décident de vivre ensemble, ce qui n'est pas du goût de l'aristocrate. Au cours d'une nouvelle dispute, alors qu'Édith vient chercher ses affaires, Edmond se coupe la gorge sous ses yeux. Elle se réfugie alors chez sa mère. Violette lui rend visite, au même moment Guilbaud est frappé à la tête pendant de nouveaux affrontements. Ses camarades le portent, inconscient, chez Mme Langlois, il y meurt. Incapable d'envisager sa vie sans lui, Édith se suicide d'une balle dans la poitrine.
Fiche technique
- Titre original : Une chambre en ville
- Réalisation : Jacques Demy
- Scénario : Jacques Demy
- Musique : Michel Colombier
- Son : André Hervée
- Photographie : Jean Penzer
- Montage : Sabine Mamou
- Décors : Bernard Evein
- Costumes : Rosalie Varda
- Affiche : Philippe Lemoine
- Production : Christine Gouze-Rénal
- Société de distribution : UGC
- Pays d'origine : France
- Langue originale : français
- Format : couleurs (Eastmancolor) - 35 mm - Dolby Stéréo
- Genre : musical, drame
- Durée : 90 minutes
- Dates de sortie :
- France : (sortie initiale) ; (version restaurée)
- États-Unis : (festival du film de New York)
Distribution
- Dominique Sanda : Édith Leroyer (doublée pour le chant par Florence Davis)
- Richard Berry : François Guilbaud (doublé pour le chant par Jacques Revaux)
- Michel Piccoli : Edmond Leroyer, le mari d'Édith (doublé pour le chant par Georges Blaness)
- Danielle Darrieux : Margaux Langlois, la mère d'Édith
- Fabienne Guyon : Violette Pelletier
- Anna Gaylor : Mme Pelletier, la mère de Violette (doublée pour le chant par Liliane Davis)
- Jean-François Stévenin : Dambiel (doublé pour le chant par Aldo Franck)
- Jean-Louis Rolland : Ménager
- Marie-France Roussel : Mme Sforza
- Georges Blanes : l'officier des CRS
- Yann Dedet : un ouvrier
- Nicolas Hossein : un ouvrier
- Gil Warga : un ouvrier
- Antoine Mikola : un ouvrier
- Marie-Pierre Feuillard : la femme à l'enfant
- Monique Créteur : la dame au chat
- Patrick Joly : l'arroseur (doublé pour le chant par Michel Colombier)
- Michel Colombier : un ouvrier (voix chantée)
- Jacques Revaux : un ouvrier (voix chantée)
- Daniel Epstein : un homme à la télé
- Jean Porcher : l'homme dans le passage Pommeraye
Production
Genèse
Jacques Demy avait commencé à écrire un roman sur le sujet, au milieu des années cinquante, puis le transforme en scénario à la fin de la décennie[1],[2]. Il met de côté ce projet, car il n'arrive pas à trouver une fin satisfaisante, sans doute parce que l'histoire est trop proche de lui et de la vie de son père[3]. Dans le roman, et le scénario qu'il reprend en 1964, la veuve du colonel n'a pas de fille, mais un fils homosexuel attiré par Guilbaud, l'ouvrier qu'elle loge ; la fille de l'industriel contre lequel les ouvriers luttent tombe amoureuse du héros ; la colonelle se suicide après la mort de son fils dans un accident de voiture ; Guilbaud et Violette se retrouvent à la fin[1]. Demy pense réaliser un véritable opéra[1] mais abandonne à nouveau le projet face aux difficultés pour trouver des fonds, qui furent récurrentes tout au long de sa carrière[4].
Il réécrit l'histoire en 1973 et 1974, sous le titre Édith de Nantes (jeu de mot avec l'édit de Nantes)[5]. Le scénario se rapproche alors de la version que nous connaissons. Il envisage Catherine Deneuve dans le rôle d'Édith, Gérard Depardieu dans celui de Guilbaud, Simone Signoret pour camper la colonelle et Isabelle Huppert en Violette[1],[3]. Mais il se heurte à plusieurs refus, le plus frappant étant celui de Michel Legrand, son compositeur attitré, à qui le script déplaît, n'appréciant pas les thématiques sociales, y voyant l'influence d'Agnès Varda, et qui, même dans des entretiens tardifs, manifeste toujours l'hostilité envers Une chambre en ville[6],[7]. Le casting aussi est marqué par les refus, celui de Catherine Deneuve, qui tenait à chanter elle-même et non plus à être doublée comme dans les films musicaux précédents[1]. En 1979 dans Courage fuyons, l'actrice était apparue pour la première fois chantant à l'écran sans doublure[8]. En 1981, l'actrice explique son refus : « À tort ou à raison, j'estimais que ma voix faisait partie de mon intégrité d'artiste[9] ». En 1990, son explication est légèrement différente : « Jacques a pris mon désir de chanter pour un désir d'actrice d'exprimer tout. J'essayai de lui expliquer que nous étions trop connus, Gérard et moi, pour faire un film entièrement doublé musicalement [...] Avant de changer d'avis ou de renoncer, j'aurais voulu qu'on essaie[10] ».
Sans les noms de Legrand, Deneuve et Depardieu — qui soutient l'actrice — Demy ne peut monter la production du film. Il doit à nouveau abandonner le projet, lâché aussi par Gaumont, qu'il avait pourtant réussi à intéresser. En effet, Daniel Toscan du Plantier, échaudé par les échecs commerciaux de films qu'il vient de produire, renonce à financer un projet aussi audacieux, d'autant que Demy, à l'époque, vient aussi d'essuyer un revers commercial avec L'Événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la Lune[11]. Demy regrettera que « Gaumont laisse tomber à deux mois du tournage[12] ».
C'est en 1981 que le réalisateur peut enfin reprendre son projet. Dominique Sanda, avec qui Demy, l'ayant déjà dirigée dans le téléfilm La Naissance du jour, souhaitait retravailler[13], sollicite Christine Gouze-Rénal, productrice qui se consacre à l'époque essentiellement aux œuvres télévisuelles, et belle-sœur du nouveau président de la République; cette dernière accepte de produire le projet. Jacques Revaux, qui doublait Jacques Perrin dans Les Demoiselles de Rochefort et Peau d'âne et a entre-temps gagné en notoriété, finance la réalisation de la bande-son et prête sa voix à Richard Berry pour les chants du personnage de Guilbaud[14]. Il aura donc fallu près de trente ans pour que le projet, au départ littéraire, aboutisse à un film.
Influences
Jacques Demy tire son inspiration de ses souvenirs. Il met en scène des lieux qu'il fréquentait, comme le passage Pommeraye où il a vécu son enfance et son adolescence à déambuler, entre autres pour aller au cinéma[15]. Le drame est aussi traversé par l'évocation des grèves et manifestations qu'il a connues, ou dont son père lui a fait le récit. L'une d'entre elles avait conduit à la mort d'un ouvrier, lors d'affrontement avec les forces de l'ordre[15],[16]. Nantes, ville traversée par l'histoire et les tensions qu'elle soulève, joue ainsi un rôle fondamental dans la construction du film[16].
Le réalisateur se nourrit aussi de ses souvenirs cinématographiques : Le jour se lève de Marcel Carné et Jacques Prévert, avec son ouvrier frappé par le destin[16] ; Quai des brumes et sa passion amoureuse ainsi que son personnage d'amant pitoyable, joué par Michel Simon, qui préfigure Edmond[16] ; Les Portes de la nuit et son héroïne qui traverse le film en vison, comme Édith, et dont certaines répliques sont reprises par Demy[17] ; L'Éternel Retour, scénarisé par Jean Cocteau, pour l'image finale des deux amants morts, allongés l'un à côté de l'autre[16] ; les films de Sergueï Eisenstein pour les scènes de manifestations.
Musique
Après le refus de Michel Legrand, Demy contacte Michel Colombier qui s'intéresse au projet. Celui-ci, qui ne peut composer en présence de quiconque, enregistre des propositions de musique sans se fonder sur le scénario, ni sur les paroles. Il estime que c'est à Demy de faire le tri et travaille donc à partir d'une interprétation confuse de l'atmosphère générale du film. La seule exception réside dans les scènes de confrontation entre manifestants et CRS, pour lesquelles il a travaillé à partir des dialogues[18]. Colombier orchestre sa partition pendant l'hiver 1981 et procède à l'enregistrement en février 1982.
Tournage
Les scènes en intérieur ont été tournées aux studios de Billancourt, du 13 avril au , celles en extérieur à Nantes même du 19 au 27 mai. Un nouveau tournage, pour les scènes en intérieur, est effectué à Paris du 1er au 3 juin[19]. Le budget empêche le tournage intégral en décor naturel. De plus, Jacques Demy s'enthousiasme à l'idée de travailler, pour la première fois, en studio. Il sera néanmoins déçu par cette expérience[20].
Le décorateur Bernard Evein est particulièrement vigilant sur la continuité entre les décors naturels, en extérieur, et ceux des studios. Il crée cette continuité notamment autour de la couleur bleue : « Tous les extérieurs sont construits sur le bleu, et cela, c'est venu dès le départ. [...] Au départ, j'avais prévu un bleu céruléen très fort, et puis, ayant vu les décors construits en studio, ça s'est décalé, le bleu est devenu plus sombre[21] ».
C'est aussi le décorateur qui, avec l'aide d'un spécialiste du trucage, André Guérin, recrée pour les besoins du générique un monument disparu, le pont transbordeur de Nantes, grâce à un effet appelé glass shot. Ce procédé consiste à poser au premier plan une plaque de verre sur laquelle a été reproduite une photo du pont transbordeur détruit à la fin des années 1950, et de filmer le port de Nantes à travers la plaque, en jouant avec la perspective. Le temps du générique, ce trucage donne ainsi l'illusion que le pont enjambe à nouveau le port et permet au spectateur de voir la ville telle qu'elle était à l'époque de la narration[22].
Le documentaire Jacques Demy tourne « Une chambre en ville » montre la méthode utilisée par Demy pendant le tournage des scènes : un appareil passe la musique déjà enregistrée, sur laquelle les comédiens se fixent pendant la prise en chantant par-dessus. Danielle Darrieux évoque les qualités du réalisateur : gentil, calme, précis[23].
Accueil
Une chambre en ville reçoit un soutien unanime de la critique française. Mais le public ne suit pas et le film n'est classé que quatorzième au box-office, avec 3 165 entrées le premier jour et 20 000 entrées la première semaine, loin derrière L'As des as de Gérard Oury, un film populaire sorti la même semaine, qui attire environ 71 000 spectateurs le premier jour et cumule 463 000 entrées la première semaine[24]. En 1983, le drame musical a cumulé 102 872 entrées sur Paris et sa périphérie[25], contre cinq millions et demi sur toute la France pour la comédie d'aventures de Gérard Oury.
Le film va alors être au centre d'une polémique dans la presse écrite, déclenchée involontairement par les critiques de cinéma qui cherchent à promouvoir l'objet de leur admiration[24],[26],[27]. 23 critiques, réunis autour de Gérard Vaugeois, publient dans le numéro de Télérama du 10 novembre, un texte intitulé « Pourquoi nous louons Une chambre en ville », dans lequel les auteurs opposent le film de Demy et celui d'Oury, parlant de « deux poids, deux mesures », pointant le rôle perdu par la critique, désormais, à leurs yeux, « noyée par le flot promotionnel », et n'hésitant pas à parler d'échec du cinéma français, comparant le sort public d'Une chambre en ville à celui de La Règle du jeu. Parmi les signataires, figurent notamment Jacques Siclier, du Monde, Philippe Collin, de Elle, Michel Boujut, des Nouvelles littéraires, plusieurs journalistes de L’Humanité, du Matin, la plupart des critiques de Télérama, et des journalistes d’Antenne 2, de France Culture et de l’Agence France-Presse[28]. Les journalistes de Libération, contactés, refusent de s'associer à cette tribune, ne souhaitant pas opposer ainsi une œuvre de Jacques Demy à une autre de Gérard Oury, et ne trouvant pas si grave que la critique de cinéma ne soit plus aussi prescriptive[28]. Un journaliste de Libération, Gérard Lefort, confirme ce point de vue face à Michel Boujut au cours de l'émission radio Le Masque et la Plume sur France Inter[28]. Jean-Pierre Berthomé souligne la maladresse de l'argumentation de cette tribune, montrant notamment que le film de Demy a profité d'une promotion et d'une distribution bien supérieures à celles d'autres films qui ont eu les faveurs du public[24]. Gérard Vaugeois, en 2008, assume le texte et l'argumentation, et reprend la comparaison avec La Règle du jeu[26].
Dans Le Monde daté du , 80 critiques publient un nouvel appel, moins ouvertement polémique et cette fois avec des journalistes de Libération. Cet appel se résume en fait à la phrase suivante, en gros et en gras, dans un espace de type publicitaire, suivi des critiques signataires : « Le film à voir aujourd'hui, c'est Une chambre en ville »[28]. L'affaire devient encore plus médiatisée quand Jean-Paul Belmondo, héros de L'As des as, se jugeant mis en cause, publie dans la presse une « Lettre ouverte aux "coupeurs de têtes" », qui dénonce l'intolérance des critiques et leur mépris du public, et rappelant que le succès d'un film peut inciter le public à aller en voir d'autres. L'acteur écrit : « Gérard Oury doit rougir de honte d'avoir "préconçu son film pour le succès". Jacques Demy a-t-il préconçu le sien pour l'échec ? Lorsqu'en 1974 j'ai produit Stavisky d'Alain Resnais et que le film n'a fait que 375 000 entrées, je n'ai pas pleurniché en accusant James Bond de m'avoir volé mes spectateurs. (..) Oublions donc cette agitation stérile et gardons seulement en mémoire cette phrase de Bernanos : "Attention, les ratés ne vous rateront pas !" »[29]. S'ensuivent de nombreux articles, tribunes, dont la « Lettre d'un coupeur de tête » de Gérard Vaugeois[26].
Demy, embarrassé, se contentera d'une simple déclaration dans Les Nouvelles littéraires du et d'une page publicitaire de remerciements à ses soutiens dans Le Monde. Mais la polémique contribue à le marginaliser, le fait passer pour un mauvais perdant et le met involontairement dans le camp d'une « intelligentsia » coupée du public, ce qui est pourtant à l'opposé de ses principes[27]. En 1986, dans Libération, Marguerite Duras, qui vient de découvrir le film, constate son succès grandissant auprès du public, assurant que celui-ci « ne rate jamais le génie à longue échéance[30] ». Jacques Siclier juge pour sa part que c'est le sujet d'Une chambre en ville qui lui a porté préjudice et non le succès de L'As des as[31].
Distinctions
Récompenses
- 1983 : Prix Méliès pour le meilleur film français, décerné par le Syndicat français de la critique de cinéma lors de ses prix annuels[32],[33].
- 1984 : Prix Sant Jordi du meilleur film étranger[34].
Nominations
En 1983, Une chambre en ville est nommé dans neuf catégories lors de la 8e cérémonie des César, sans en recevoir aucun. Ce furent les seules nominations aux César pour Jacques Demy[35] :
- César du meilleur film – Christine Gouze-Rénal et Jacques Demy
- César du meilleur réalisateur – Jacques Demy
- César du meilleur acteur dans un second rôle – Jean-François Stévenin
- César de la meilleure actrice dans un second rôle – Danielle Darrieux
- César du meilleur décor – Bernard Evein
- César du meilleur espoir féminin – Fabienne Guyon
- César de la meilleure musique écrite pour un film – Michel Colombier
- César de la meilleure photographie – Jean Penzer
- César du meilleur son – André Hervée
Analyse
Personnages
- Mme Langlois. Souvent filmée un verre d'alcool à la main, désabusée, dépassée par les événements, cette veuve de colonel s'ennuie dans son appartement, où elle garde fermée la chambre de son fils mort, qui l'a ruinée par ses frasques[36]. Elle « vomit » les bourgeois[37]. Ses dialogues sont marqués d'emphase et d'hyperbole au point que sa fille lui demande de ne pas faire de mélodrame[38]. Elle affectionne aussi les locutions populaires[39]. Pour Michel Chion, elle est représentative, chez Demy, de ces « femmes sacrificielles, abandonnées, endeuillées » qui donnent à la vie « sa juste dimension féerique et théâtrale[40] ».
- Édith Leroyer. Fille de la veuve Langlois, mariée insatisfaite qui se prostitue par révolte, Édith est nue sous son manteau de fourrure durant l'intégralité du film. L'image d'une femme en vison vient du film de Marcel Carné, Les Portes de la nuit, où une belle inconnue incarnée par Nathalie Nattier fait fantasmer le personnage joué par Yves Montand[41]. Édith reste inflexible, tant face à sa mère que face à son mari. C'est cette inflexibilité qui la conduit au suicide. Pour Jean-Pierre Berthomé, qui fait un parallèle avec Les Parapluies de Cherbourg, Édith est « une Geneviève plus âgée, déçue, insatisfaite, détrompée des mirages de respectabilité[42] ». Elle forme avec sa mère une image renouvelée des relations mère-fille si prégnantes dans Lola ou Les Parapluies de Cherbourg[42].
- François Guilbaud. Héros du film, l'ajusteur-outilleur des chantiers navals refuse l'amitié de l'aristocrate, mais franchit les barrières de classe par amour pour sa fille. Avec ce personnage, Demy assume la part archétypale du personnage : « Il y aura toujours des types qui laisseront des filles enceintes pour une autre fille[43]. ». Il s'attache par ailleurs à faire de Guilbaud « une partie intégrante, militante » de la collectivité des grévistes « en laquelle il se fond à la fin de la scène du Café des Chantiers après avoir surgi de ses rangs[44]. »
- Edmond Leroyer. Amoureux transi, impuissant, le personnage d'Edmond, marié à Édith, rappelle celui de Zabel dans Le Quai des brumes. Edmond pousse jusqu'au bout de l'abjection une logique déjà présente chez Guillaume dans Les Demoiselles de Rochefort. Il incarne l'amour auto-destructeur. Avec lui apparaît dans le cinéma de Demy une nouvelle valeur, « le mépris pour celui qui n'a pas la capacité morale d'assumer cette passion[45] ». Enfermé dans sa boutique de télévisions, il n'est qu'« insultes, argent, violence et passion morbide[46] ». Après avoir fait un scandale chez Mme Langlois, il se tranche la gorge devant sa femme[36].
- Violette Pelletier. La petite amie de Guilbaud semble « l'avatar ultime où se fondent à la fois Lola, Geneviève et Madeleine[42] », selon Jean-Pierre Berthomé, qui met en relation les différents films de Demy. Fille-mère comme Geneviève, fille du peuple, attentionnée envers sa mère comme Madeleine l'était envers Élise, elle présente cependant des traits nouveaux, notamment une fierté et un refus de la résignation absents de ses devancières[42].
- Mme Pelletier. Mère attentionnée comme l'était Élise avec son neveu dans Les Parapluies de Cherbourg, Mme Pelletier est une nouvelle figure féminine sacrificielle, résolue à renoncer à son bonheur pour celui de sa fille[47].
Un « opéra populaire »
« Un peu comme dans Les Parapluies de Cherbourg, j'ai voulu faire un opéra populaire », affirme le réalisateur dans le documentaire sur le tournage d'Une chambre en ville[23]. La comparaison avec Les Parapluies et l'opéra s'impose puisque les deux films sont entièrement chantés. Mais la structure musicale est très différente. Dans Une chambre en ville, il n'y a plus d'air autonome, mais « une sorte de récitatif ininterrompu construit autour d'une vingtaine de motifs[48] ». On peut cependant isoler quelques thèmes, principalement dans les scènes d'amour[49].
Michel Colombier indique que Jacques Demy voulait « quelque chose de très profond, de très russe ». Il évoque à propos du film « une tragédie avec des outrances », où les personnages passent d'une émotion violente à son contraire, comme dans la littérature ou l'opéra russes[50]. Colombier ajoute que Demy avait pour modèle la collaboration entre Prokoviev et Eisenstein[51]. Le réalisateur avait travaillé sur une comédie musicale russe, à partir de l'automne 1973 et dans les années suivantes, et avait déjà pensé à y faire jouer Dominique Sanda et Michel Piccoli[52]. Le registre épique perceptible dans Une chambre en ville évoque au critique Gérard Vaugeois les films du réalisateur russe Eisenstein, comme Alexandre Nevski et La Grève[53].
Musique et dialogues
Chaque thème musical passe d'un personnage à l'autre. Le premier monologue de Mme Langlois est ainsi répété une dizaine de fois par d'autres protagonistes du film. Pour Michel Chion, ces répétitions sur des paroles différentes créent « une sorte de sous-texte[54] ». Ainsi le thème musical, sur lequel la colonelle, lors de leur première discussion, assène à sa fille « je te l'ai déjà dit cent fois », est répété cent fois, dans d'autres situations, par d'autres personnages, créant des échos entre la classique dispute entre mère et fille et d'autres scènes[54].
Chion analyse les rapports entre la musique et les mots. Selon lui, on accorde trop d'importance à l'idée que le chant donnerait de la grâce et de la fantaisie à la parole, alors qu'« il s'agirait, avec Demy, grand dialoguiste, de débanaliser et de rafraîchir le langage parlé français, sans le faire plus poétique ou au contraire plus naturaliste qu'il n'est ». Les mots retrouvent la force qu'ils ont dans la vie réelle, ils peuvent être « mieux entendus en tant que mots[54] ». Ainsi, ce poids qu'ils ont dans la réalité, le roman ou l'opéra, leur est redonné par un « procédé follement articifiel[55] ». Cette analyse est confirmée par Jean-Pierre Berthomé, qui indique que le chant permet de mettre en valeur les inflexions du langage parlé[48], la musique agissant comme un « prolongement naturel de la parole[49] ».
De plus, avec le chant, le spectateur n'a plus à chercher une signification cachée en interprétant la prononciation des acteurs, dans une approche psychologiste des dialogues. Les chanteurs qui doublent les acteurs ne jouent pas sur des sous-entendus, ils ne dissimulent pas des intentions[54]. Le chant permet aussi de donner une « résonance profonde aux formules les plus usées[55] », comme lorsque la mère de Violette lui dit :« Il faut surtout penser à toi, à ta vie. Moi, j'ai déjà fait la mienne ». La musique oppose dans les aigus « à ta vie » à « la mienne » dans les graves et dans la cadence de la période musicale. « Une fin de vie s'annonce. C'est tout et c'est très beau[55] », souligne Michel Chion.
Un film politique ?
« C'est l'histoire de gens qui défendent leur droit, qui défendent leur vie, leur amour, leur bonheur, et cela m'a paru un sujet intéressant. (...) Mais je ne veux pas faire un film politique, cela ne m'intéresse pas, je n'y connais rien. », déclare Jacques Demy dans le documentaire sur le tournage du film[23]. Aux Cahiers du cinéma, il précise ses intentions : « Ce sont des gens passionnés, et je voulais faire ce film sur la passion qu'on met dans la vie jusqu'à l'absurde[56] ».
Néanmoins, de nombreux critiques mettent en avant la portée politique d'Une chambre en ville. Pour Gérard Vaugeois, le cinéma de Demy est un des plus politiques du paysage français, mais « à sa manière[26] ». Pour lui, ce film est celui qui va le plus loin dans la description de tous les affrontements de classe possibles[26]. Même si les différences sociales jouaient un rôle important dans Lola ou Les Parapluies de Cherbourg, « ce qui frappe particulièrement dans Une chambre en ville, c'est l'émergence brutale au premier plan du conflit des classes sociales[57] ». Les tensions sociales étaient de plus en plus présentes dans les films précédents de Demy, Lady Oscar[58] et Le Joueur de flûte. Mais Demy devient ici explicite, ressentant le besoin de faire prononcer à la colonelle sa pensée[59], dans le but évident d'éviter d'être mal interprété comme cela avait été le cas avec Les Parapluies[57].
On ne se rassemble plus dans un carnaval, mais dans une manifestation, sous un drapeau tricolore qui rivalise avec celui de la préfecture et des forces de l'ordre, dans un face-à-face épique avec les CRS[57].
La part d'ombre de Jacques Demy
Le film est nourri de citations extraites du reste de l'œuvre du réalisateur. Comme Les Parapluies de Cherbourg, il est entièrement chanté. Comme Lola, il se passe à Nantes. On y retrouve des personnages qui font écho à d'autres, notamment les couples mère-filles, si importants dans ces deux films[42]. Demy multiplie les auto-citations. Dans le magasin de télévisions, on découvre qu'un appareil appartenant à Mme Desnoyers, personnage de Lola, est en réparation[60]. Le satyre en imperméable de ce même film réapparaît dans le passage Pommeraye, et croise Dominique Sanda[61]. Édith et Guilbaud se croisent sans se remarquer au début du film, écho au chassé-croisé amoureux, dicté par le hasard, de Catherine Deneuve et Jacques Perrin dans Les Demoiselles de Rochefort[60]. Les allusions sont donc nombreuses, créant un effet de continuité certain.
Mais Une chambre en ville apparaît surtout comme un « complément nécessaire qui amène à la lumière la face obscure, la part souterraine si essentielle à la compréhension du reste de l'œuvre[49] ». Le film rend « la dimension morbide, violente, charnelle, au petit monde acidulé dont l'écume de la mémoire collective n'avait fixé que la joliesse aseptisée[62] ».
Il est ainsi fait un usage complètement différent de la ville de Nantes : alors que Lola se déroulait dans les quartiers luxueux de la ville, Une chambre en ville met en scène le centre militaire, des rues fermées par de hauts immeubles et bloquées par les forces de l'ordre[63]. La lumière du soleil n'entre pas dans les appartements, et la colonelle ne sort jamais de sa « prison »[49]. Les deux duos amoureux entre Guilbaud et Violette ont lieu en extérieur et, si le premier, rempli de l'insouciance de la jeune fille, se passe dans le décor ouvert et lumineux du cours Saint-Pierre, le deuxième, celui de la rupture, se passe dans un marché clos par des colonnettes et des cars grillagés[64].
Le passage Pommeraye, seul décor commun aux deux films, témoigne de ces changements : lumineux et fréquenté dans Lola[63], il devient sombre et abandonné quand Édith le parcourt pour se rendre à « la caverne vert glauque » qu'est le magasin de télévisions de son mari[61],[63].
L'amour, sublimé dans les premiers films, s'exprime dans Une chambre en ville de façon charnelle et physique. La nudité y est affichée de façon provocante par le personnage d'Édith, qui traverse le film nue sous son manteau de fourrure et racole de façon explicite[65]. La passion devient obsessionnelle et destructrice comme en témoigne le personnage du mari malheureux, pitoyable et méprisable. Là où la Geneviève des Parapluies de Cherbourg s'arrangeait finalement, malgré ses menaces initiales de dépérissement[66], de la longue absence de son amant contraint de partir pour la guerre d'Algérie, la mort devient ici « la seule issue, le premier point final de toute l'œuvre de Demy[65] ».
Notes et références
- Taboulay 1996, p. 144
- Berthome 1996, p. 288. Jacques Demy y témoigne : « Je l'avais commencé en 1953 ou 1954 comme un roman. J'apprenais à écrire… J'avais fait sept ou huit chapitres et puis j'avais tout laissé tomber parce que je m'étais dit que ce n'était pas du tout un roman, qu'il valait mieux en faire un film. »
- Berthome 1996, p. 288
- Selon les autobiographies de Michel Legrand, Rien n'est grave dans les aigus et J'ai le regret de vous dire oui, Jacques Demy aura toujours eu de nombreuses difficultés de financements et de productions pour tourner certains de ses films, y compris pour Les Parapluies de Cherbourg, ce qui n'est pas étranger pour accepter le film de commande Lady Oscar. L'échec d'Une chambre en ville jeta le froid auprès des producteurs, Demy se retrouva avec plusieurs scénarios ébauchés non réalisés bien que le cinéaste Claude Berri lui garantit un fond élevé pour Trois places pour le 26.
- Michel Legrand, J'ai le regret de vous dire oui, Fayard, , p. 153-154
- « Michel Legrand ne fait pas de cadeau », Paris-Match, (lire en ligne) :
« [sur le fait qu'il refusa de nombreuses propositions de compositions] De même pour Une chambre en ville de Jacques Demy. C'était moche. Il n'a pas compris. On ne s'est pas parlé pendant deux ans. Il a fait le film avec un autre. Un four, ridicule. »
- « Michel Legrand : "J'écris la musique du dernier Orson Welles, produit par Netflix" », Le Parisien, (lire en ligne) :
« Au début des années 1980, il m'envoie un script qui parle d'usines et de conflits sociaux. Je le lis : c'était désespérant ! Je fonce à Nantes lui dire que je ne le ferai pas et, par amour pour lui, je lui déconseille de le tourner. Il m'a jeté dehors. C'était Une chambre en ville, un film ridicule. »
- Anthony Martin, « Catherine Deneuve chante "Lady From Amsterdam" dans "Courage Fuyons" », RTL, .
- Gaston Haustrate et Jean-Pierre Le Pavec, « Entretien avec Catherine Deneuve », Cinéma 81, nos 271-272, , p. 67 cité dans Berthomé 1996, p. 290
- Serge Toubiana, « Entretien avec Catherine Deneuve », Cahiers du cinéma, no 438, , cité dans Demy Intégrale en DVD
- Berthomé 1996, p. 292
- Taboulay 1996, p. 130
- Interview de Dominique Sanda dans Madame Figaro, 7 juillet 2007
- Berthomé 1996, p. 326
- Taboulay 1996, p. 11
- Berthomé 1996, p. 331 à 334
- « J'ai horreur de la vulgarité » et « Tu m'es indispensable ». Voir Taboulay 1996, p. 32
- Berthomé 1996, p. 323
- Berthomé 1996, p. 453
- Berthome 1996, p. 327
- Cité dans Berthome 1996, p. 329
- Berthome 1996, p. 330
- Follin, Rabourdin et Ventura 1982
- Berthomé 1996, p. 347 à 349
- Chiffres communiqués par Le Film français dans la saison cinématographique du Film français
- Bénigni et Vignet 2008
- Taboulay 1996, p. 179
- Samuel Blumenfeld, « « L’As des as » contre « Une chambre en ville », le match qui mit fin à l’âge d’or de la critique française », Le Monde, (lire en ligne)
- Gilles Durieux, Belmondo, Le Cherche-midi, 2009, pages 283-287
- Taboulay 1996, p. 145
- Jacques Siclier, Le cinéma français : de Baisers volés aux Nuits fauves, 1968 - 1993, Volume 2, Ramsay, 1993, page 270
- Ciné-ressources, « Une chambre en ville (1982) Jacques Demy », www.cineressources.net (consulté le )
- Site officiel du Syndicat français de la critique de cinéma
- (en) « Awards for 'Une chambre en ville' », sur imdb (consulté le )
- « 1983, 8ème cérémonie des César », Académie des César (consulté le )
- Taboulay 1996, p. 178
- Berthomé 1996, p. 342
- Chion 2008, p. 108
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- Taboulay 1996, p. 32
- Berthomé 1996, p. 335
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- Taboulay 1996, p. 135
- Taboulay 1996, p. 135 à 139
- Bénigni et Vignet 2008
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- Daney, Narboni et Toubiana 1982
- Berthomé 1996, p. 341-343
- Taboualy 1996, p. 145
- « J'emmerde les bourgeois. Je ne leur appartiens pas (...) Vous et les vôtres vous battez pour quelque chose. » dit-elle à Guilbaud
- Berthomé 1996, p. 334
- Taboulay 1996, p. 148-149
- Taboulay 1996, p. 151
- Berthomé 1996, p. 333-334
- Berthomé 1996, p. 338
- Berthomé 1996, p. 339 à 341
- « Je ne pourrai jamais vivre sans toi. Je ne pourrai pas, ne pars pas, j'en mourrai » chante-t-elle quand Guy lui annonce son ordre de mobilisation pour l'Algérie.
Annexes
Bibliographie
- Michel Chion, Le complexe de Cyrano : La langue parlée dans les films français, Paris, Les Cahiers du cinéma, , 192 p. (ISBN 978-2-86642-515-9), p. 108 à 112 (Chapitre XVII « Une chambre en ville, 1982, de Jacques Demy »)
- Camille Taboulay, Le cinéma enchanté de Jacques Demy, Paris, Les Cahiers du Cinéma, , 192 p. (ISBN 978-2-86642-167-0)
- Jean-Pierre Berthomé, Jacques Demy et les racines du rêve, L'Atalante, (ISBN 978-2-84172-042-2)
- Serge Daney, Jean Narboni et Serge Toubiana, « Interview de Jacques Demy », Les Cahiers du cinéma, no 341,
- Bruno Villien, « Entretien avec Jacques Demy », Le Nouvel Observateur,
- Laurent Jullier, Abécédaire des parapluies de Cherbourg, Paris, éditions de L'amandier EDS, , 113 p., poche (ISBN 978-2-35516-032-5)
Éditions vidéo
- Une chambre en ville de Jacques Demy, VHS, Tréma vidéo, 1983
- Une chambre en ville, de Christine Gouze-Rénal (prod.) et de Jacques Demy (réal.), Ciné-Tamaris, coll. « Intégrale Jacques Demy », 2008, coffret 12 dvd (EAN 3333290001615) : Édité par Ciné-Tamaris Vidéo et Arte Vidéo, avec le soutien du CNC, du Comité Jean Cocteau, de la Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent et de l'INA.« Catalogue », Ciné-Tamaris.
Reportages documentaires et vidéos
- Gérard Follin et Dominique Rabourdin, Jacques Demy tourne « Une chambre en ville », Video Ciné-Tamarin, Arte Video et INA, Ce documentaire se trouve sur le DVD d'Une chambre en ville et sur le site de l'INA (Jacques Demy tourne "Une chambre en ville sur ina.fr).
- Thomas Bénigni et Valentin Vignet, Le film vu par Gérard Vaugeois, critique et producteur, Video Ciné-Tamarin, Arte Video et INA,
- Thomas Bénigni et Valentin Vignet, Autour de la sortie du film, Video Ciné-Tamarin, Arte Video et INA,
Articles connexes
Liens externes
- Ressources relatives à l'audiovisuel :
- Allociné
- Centre national du cinéma et de l'image animée
- Ciné-Ressources
- Cinémathèque québécoise
- Unifrance
- (en) AllMovie
- (en) BFI National Archive
- (en) British Film Institute
- (it) Cinematografo.it
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