Mafia

La mafia est une organisation criminelle dont les activités sont soumises à une direction collégiale occulte et qui repose sur une stratégie d’infiltration dans la société civile et des institutions. On parle également de système mafieux. Les membres sont appelés les « mafieux » (sans distinction de nombre), ou parfois « mafiosi », d’après le nom italien (au singulier : « mafioso »).

Pour les articles homonymes, voir mafia (homonymie).

Représentation symbolique de la Mafia par la pieuvre : même décapitée, la pieuvre conserve un bon nombre de ses tentacules en activité.

Étymologie

Le terme « mafia » a diverses étymologies possibles plus ou moins vérifiables et vraisemblables. Dans les années 1860, le terme apparaît dans des documents officiels et les communications des fonctionnaires de l'époque pour désigner, tout à la fois, une association de malfaiteurs et un comportement de la société sicilienne couramment admis à l'époque[1].

Selon le compte rendu historique de Giuseppe Pitré sur les traditions populaires de cette époque (1841-1916) et dont les travaux furent fortement remis en question par certains historiens de la mafia même (John Dick soulignera que Pitré était alors un proche collaborateur du député notoirement lié au milieu mafieux Raffaele Palizzolo[2]), le terme était également employé en tant que synonyme de beauté, bravache et audace dans la langue populaire d’un quartier de Palerme (Italie). Ce même sens étymologique sera repris par Diego Gambetta, en 1993, dans son ouvrage The Sicilian Mafia: the Business of Private Protection[3], tandis que John Dickie insiste sur l'ambivalence du terme, désignant, à la fois et tour à tour, un comportement machiste dit « d'honneur » et une association criminelle proprement dite… Toujours selon Dickie, certains auteurs d'alors auraient ouvertement insisté sur le premier sens afin de faire croire à leurs contemporains l'absence de toute forme d'association criminelle.

L'expression prise dans son sens criminel proprement dit serait apparue[1] à partir de 1863, avec la pièce I mafiusi di la Vicaria de Giuseppe Rizzotto et Gaspare Mosca, laquelle connut un grand succès et fut traduite en italien, napolitain et meneghino, diffusant alors le sens véritable de ce terme sur tout le territoire national de l'Italie[1]. Dans cette pièce, le personnage du mafioso est le « camorista » ou l'homme d'honneur, c’est-à-dire celui qui adhère à une société s'opposant ouvertement aux institutions gouvernementales et exhibant, ainsi, courage et supériorité. Selon J. Dickie, l'abondante diffusion de cette pièce de théâtre serait à l'origine du mythe de la mafia protectrice des faibles et symbole de comportement honorable de la part de ses membres[1]. Dans son rapport de 1864 sur la sécurité publique en Sicile, le baron Niccolò Turrisi Colonna ne parle pas de mafia, mais plutôt de « secte »[1] et Dickie affirme que c'est le gouvernement italien qui popularisa le terme dans son sens criminel actuel[1].

Un document confidentiel signé en par le marquis et préfet de Palerme Filippo Antonio Gualterio, mentionne la présence et l'existence de la mafia sous la formulation « Mafia, o associazione malandrinesca » (en français : la mafia, ou association de malandrins). Selon Gualterio, la mafia offrait alors son aide et sa protection aux opposants du gouvernement[1]. Dès lors, tenant compte de ces recommandations, le gouvernement italien enverra en Sicile, pendant 6 mois, une troupe forte de 15 000 soldats afin d'y contrer toute forme d'opposition politique populaire[1]. Selon Dickie, Gualterio aurait sciemment décrit les agissements de la mafia en tant que manœuvres adverses visant à renverser ledit gouvernement, alors que certains de ses chefs parmi les plus importants tel Antonino Giammona, s'étaient plutôt rangés du côté du gouvernement[1]. Ce rapport suscitera en outre une longue controverse sur le sens du mot « mafia », certains affirmant qu'il signifiait « comportement honorable et brave », d'autres déclarant, au contraire, qu'il décrivait bel et bien une organisation criminelle[1]. De sorte qu'en 1877, le rapport de Leopoldo Franchetti et Sidney Sonnino décrit la mafia comme une « industrie de la violence » et la notion d'association criminelle est donc à nouveau confirmée par le rapport Sangiorgi paru au tournant du XXe siècle.

D'autres sens et définitions étymologiques ultérieurement évoqués suscitent l'ironie dans la nouvelle Philologie de Leonardo Sciascia (1973, in La Mer couleur de vin) qui y met en scène deux mafieux proposant des significations opposées visant essentiellement à confondre et égarer le lecteur alors médusé[1]. Pour Salvatore Lupo, « on invente une série d’invraisemblables dérivations du mot qui remontent souvent à la nuit des temps, comme si d’avoir trouvé son étymologie résolvait le problème interprétatif ou, pire, opératif. »[4]

Naissance et origine de la mafia

Le terme de mafia est polysémique : au sens large il désigne toute forme de crime organisé n'importe où sur la planète (c'est ainsi qu'on parle des mafias américaine, russe, irlandaise, italienne, bosniaque, serbe, turque, albanaise, corse, chinoise, japonaise, marocaine, mexicaine, etc.) ; mais le sens premier désigne l'organisation du crime sicilienne ; la Sicile est le berceau de la mafia.

La mafia sicilienne : onorata società, omertà, etc.

Carte représentant la conquête musulmane dans le sud de l'Italie et l'Émirat de Sicile au IXe siècle.
 
Régions historiques du Sud de l'Italie, berceau des mafias. Il est possible que ces mafias tirent leurs origines lors de la conquête musulmane, quand les princes chrétiens ont pris le maquis pour continuer à diriger leurs terres en secret. Ces anciens princes chrétiens pourraient ainsi être à l'origine de ces sociétés dogmatiques[réf. souhaitée]. Ces mafias ne furent connues du monde qu'avec l'émigration italienne, qui commencera au XIXe siècle, date à laquelle le monde prend en réalité connaissance de ce système ancestral.

La mafia à l'origine est donc sicilienne. Elle apparaît dans la seconde moitié du XIXe siècle. Dans la première moitié du XIXe siècle, l'aristocratie a laissé de plus en plus de place à la bourgeoisie dans la gestion des terres. D'une manière générale, les taxes ont augmenté ; les terres réservées autrefois aux pauvres ont été confisquées et privatisées. Avec le rattachement à l'Italie (1861), de nouvelles taxes imposées par le Nord s'ajoutent, rendant la situation intenable. C'est dans ce contexte que la mafia surgit.

Le mafieux est d'abord un misérable, chassé de ses terres, contraint à l'errance, mendiant, brigand, louant ses services, rackettant. Mais il y a un autre type de mafieux : le riche, le possédant qui expulse et qui rémunère les gros bras qui expulsent, récoltent les taxes, extorquent les fonds sous la menace de l'arme, sans passer par les tribunaux (trop laxistes de toute façon). À une époque où le pauvre et le riche vont s'appauvrir, les liens vont se resserrer ; au fur et à mesure que les difficultés s'accroissent, la valeur de la parole donnée augmente, ainsi naît l'onorata società, la société des hommes d'honneur, ceux qui tiennent leur parole et leur langue. Avec la mafia, la notion d'omertà est scellée. Tout « homme d'honneur » doit tenir sa langue, il doit préférer le silence à la dénonciation, l'action à la parole. L'omertà, c'est l'homme (omu) et l'humilité (umiltà), l'homme humble, respectable, digne de ce nom, qui se tait et qui agit. C'est indéniablement dans un contexte d'extrême pauvreté que se développe la mafia : sans conditions extrêmes, les hommes de main sont difficiles à recruter, et sans homme de main prêt à exécuter les ordres, il n'y a pas d'organisation.

La mafia est également liée à la notion de « parrain ». Le parrain est le chef de l'organisation, celui qui accumule le plus de richesses et celui qui prend toutes les décisions. Chaque homme lui doit le « respect » ; celui qui enfreint cette règle doit mourir. À l'origine, la mafia est organisée, elle a un chef et des exécutants ; mais plus la pauvreté va croître dans la Sicile de la fin du XIXe siècle, plus les « mafias » vont prospérer et s'organiser, plus elles vont être nombreuses et s'affronter pour le contrôle des territoires et des revenus.

Le premier Parrain : « Don Vito » (1862-1943)

Le premier véritable « parrain » de la mafia s'appelle Vito Cascio Ferro. Il modernise l'organisation, impose le pizzo, impôt (racket) à tous les commerçants. Il raconte qu'il va « picorer » chez les commerçants comme le moineau pique son bec dans une flaque d'eau pour boire ; d'où le terme « pizzo ». Il est le parrain qui chapeaute tous les capos qui eux-mêmes dirigent tous les hommes de main. Chaque capo a un consigliere (bras droit). « Don Vito », comme on l'appelle, ne faillira jamais, parsemant sa vie de nombreux morts. Il est la légende qui a inspiré le personnage du film Le Parrain prêtant son surnom et son prénom à Don Vito Corleone (le nom de Corleone étant emprunté au village de mafieux le plus dur qu'ait connu la Sicile : Corleone, au sud-ouest de Palerme). C'est lui qui exporte la mafia aux États-Unis à la fin du XIXe siècle.

La mafia sicilienne aux États-Unis

Les Siciliens pauvres fuyaient la misère et malheureusement ne trouvaient que misère également aux États-Unis ; l'organisation de la mafia trouva donc un terrain prospère pour ses affaires. C'est ainsi que dès l'arrivée des premiers Siciliens se mit en place l'organisation de la Mano Nera. Les mafieux envoient des lettres anonymes aux autres Siciliens avec une demande de rançon signée par un dessin représentant une main gantée de noir. Celui qui reçoit la lettre n'a qu'à se rendre au rendez-vous fixé avec la somme demandée, sinon c'est l'assassinat. Ce phénomène n'étant réservé qu'aux Siciliens, et ces Siciliens étaient généralement très pauvres, la police américaine se moque éperdument de tout ça. Il n'y a guère qu'une fois le cadavre retrouvé que l'on s'inquiète un peu, puis on passe. C'est ainsi que l'organisation criminelle de Don Vito va s'étendre de la Sicile aux États-Unis et y prospérer également. On trouve très tôt des marques d'implantation de la mafia partout où il y a des Siciliens : New York bien sûr, mais aussi Chicago, Los Angeles et même Kansas City.

Les mafias italiennes

Si la mafia se développe d'abord en Sicile, elle se développe aussi rapidement dans le Sud de l'Italie, cette autre partie soumise au nord et négligée par le nord dès après 1861.

Les mafias italiennes portent différents noms selon le lieu où elles règnent :

  • Cosa nostra (ou mafia sicilienne) en Sicile - celle-ci était jadis désignée sous le nom de « mafia », dont le sens fut ensuite élargi, et ce jusqu'à ce qu'un pentito révèle qu'entre eux, les mafieux siciliens utilisaient le terme de Cosa nostra ;
  • la 'Ndrangheta (ou mafia calabraise) en Calabre ;
  • la Camorra (ou mafia napolitaine) en Campanie ;
  • la Sacra corona unita dans la région des Pouilles, parfois divisée en plusieurs sous-groupes comme la Società foggiana ;
  • la Stidda (autre mafia sicilienne) dans le sud de la Sicile ;
  • D'autres groupes criminels au fonctionnement de type mafieux se sont développés à certaines époques sur certains territoires, comme les Basilischi en Basilicate ou la banda della Magliana à Rome.

Les autres mafias dans le monde

Les organisations criminelles considérées comme des mafias stricto sensu par les criminologues[Qui ?] sont, outre les mafias italiennes :

Il existe toutefois d'autres groupes criminels qui ne sont pas reconnus stricto sensu comme des mafias. C'est notamment le cas des cartels mexicains et colombiens, du milieu anglais et écossais, des clans nigérians ou de la pègre du sud de la France.

Caractéristiques d'une mafia

Six caractéristiques définissent une mafia :

  • Structuration de l'organisation qui suppose un engagement réciproque de ses membres et un certain nombre de règles internes.
  • La violence qui est à la fois utilisée pour accéder à des richesses et pour protéger l'organisation par l'intimidation.
  • La mafia a aussi un rôle social. Les mafieux cherchent à avoir des rôles importants dans des activités de médiation sur le plan politique, social ou économique, en particulier pour la jonction entre la sphère légale et illégale.
  • Un ancrage territorial. Ainsi tout en ayant des activités internationales, les mafias cherchent à garder des liens sur leurs territoires d'origine.
  • La coexistence entre les activités légales et illégales entre l'ensemble des ressources de l'organisation. Seule l'Italie, confrontée de longue date aux phénomènes mafieux, a défini le crime d'association mafieuse.
  • Le lien avec les classes politiques et les institutions, soit à l'échelle régionale, soit à l'échelle nationale. Grâce à cette interpénétration, elle arrive à accéder à certaines ressources, dont des marchés publics. Cette « expertise en relations sociales » analysée par le sociologue Rocco Sciarrone, différencie dès l’origine les mafias des autres formes de crime organisé comme les gangs ou les bandes[5].

Fonctionnement

La mafia fonctionne sur un modèle d’économie parallèle ou souterraine. Elle cherche à contrôler les marchés et les activités où l’argent est abondant, circule en numéraire (argent liquide) et est facile à dissimuler au fisc. La plupart des activités commerciales usuelles sont utilisées, que ce soit comme paravent à des activités illégales ou comme moyen de blanchiment de l’argent récolté. Ces activités recouvrent aujourd’hui les domaines les plus variés :

  • contrôle « douanier » des biens et des personnes en entrée et en sortie d’un quartier (pour certains lieux) ;
  • voto di scambio (vote d’échange) : achat de consensus électoral contre les « faveurs » accordées à une partie de l’électorat (ce fut longtemps le cas de la DC) ;
  • la vente d’armes ;
  • faux et usage de faux ;
  • la contrefaçon ;
  • le trafic de drogue, d’êtres humains, d’organes, d'œuvres d'art, d'alcool, de monnaie, de montres, de bijoux et de pierre précieuses ;
  • le blanchiment d'argent ;
  • les jeux d’argent (paris, casinos…) ;
  • la prostitution qui passe par le proxénétisme, la pornographie ;
  • la cybercriminalité ;
  • l'immobilier ;
  • le racket (extorsion ou pizzo), le vol ;
  • les paris et paris clandestins ;
  • la corruption (dont les pots-de-vin) ;
  • les antiquités ;
  • l'infiltration de l’économie légale ;
  • luxe ;
  • l'escroquerie ;
  • les prêts d'argent ;
  • la fausse monnaie ;
  • la protection ;
  • cigarettes ;
  • les comptes bancaires offshore, virtuels, fantômes ;
  • le recyclage ;
  • la fraude dans l'agroalimentaire (24,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2018 en Italie, en hausse de 12,4 %)[6],[7].

En général, la mafia préfère recourir à l’intimidation, la corruption ou le chantage plutôt qu’à la force pour contraindre ceux qui lui résistent. De cette manière elle attire moins l’attention du grand public sur elle. Mais il arrive régulièrement que pour se débarrasser de concurrents, de témoins gênants ou de traîtres, les mafias usent de méthodes sanguinaires : guerres de gangs pour la prise de contrôle d’un territoire ou d’un marché, assassinat de témoins, de complices ou de juges avant un procès en sont quelques exemples. Mais ce fonctionnement est souvent régi par une Commission dirigée par les chefs et parrains d'un vaste territoire. Chaque protagoniste dirige alors un secteur (voir ci-dessus). Elle peut être fondée sur un système démocratique avec une constitution et des lois ou sur un système despotique. La plus célèbre fut celle d'Atlantic City dont les dirigeants furent les plus grands mafieux du XXe siècle (Al Capone, Lucky Luciano...).

La direction des organisations mafieuses d'Italie est composée de personnes agissant dans un cadre illégal (les capimafia) mais aussi légal (politiciens et fonctionnaires, hommes d’affaires, avocats, conseillers financiers, etc.)[8].

L'infiltration mafieuse dans l'économie

L'infiltration mafieuse dans l'économie des provinces italiennes par le prélèvement du pizzo: rouge (pizzo courant), orange (pizzo occasionnel), jaune (pizzo peu pratiqué).

Fonctionnement de l'économie mafieuse

La base de l’économie mafieuse se situe dans le système de collecte du « pizzo » : les mafieux imposent aux commerçants des revenus en échange d’une « protection » mais aussi sous peine de voir leurs vitrines saccagées et leurs marchandises disparaître ou brûler. Bien qu’elle soit l’une des techniques les plus importantes en matière d’économie mafieuse, les revenus ont des centaines d’origines différentes. Il faut d’abord préciser que l’économie mafieuse se divise en trois parties : l’économie illégale, légale et légale-mafieuse. Ces trois circuits sont intimement liés. Ainsi, par exemple, les revenus de l’économie illégale (economia sommersa) permettent de créer de nouvelles entreprises cette fois-ci totalement légales. De même, la production peut être légale mais la vente illégale et inversement. Ce sont ces liens étroits qui posent les difficultés énormes qu’affronte le gouvernement italien pour débusquer les entreprises mafieuses, notamment en vérifiant les mouvements et les dépôts bancaires ou les appels d’offres. Le recyclage d’argent sale est une activité à part entière. Drogues, armes, œuvres d’art volées, constituent les grandes filières classiques des trafics illégaux. Mais il faut aussi citer des affaires moins connues tels que le trafic de déchets industriels, la fraude aux subventions alimentaires, les grands travaux d’infrastructure et ainsi de suite. La liste des secteurs est longue voire illimitée : cela va du proxénétisme au contrôle des casinos, de la fausse monnaie au trafic d’êtres humains mais aussi plus récemment de la cybercriminalité (piratage et détournement de fonds sur Internet). Tous ces réseaux se sont bien évidemment étendus aujourd’hui au niveau international.

Selon le rapport annuel de la Confesercenti en 2007, une association qui regroupe 270 000 commerçants et patrons de petites entreprises italiennes[9], le chiffre d'affaires des organisations mafieuses italiennes s'élèverait à 90 milliards d'euros, hors trafic de drogue[10]. Principales sources de revenus : le prêt usuraire (30 milliards d'euros de recettes, 150 000 entreprises victimes), le pizzo (10 milliards), les contrefaçons (7,4 milliards), le vol (7 milliards), l'escroquerie (4,6 milliards) et le jeu et paris clandestins (2 milliards).

Conséquences

Le poids du crime organisé italien dans le PIB national connaît des estimations contradictoires : environ 7 % selon l'organisation patronale Confesercenti en 2007[11],[9], environ 10,9 % selon la Banque d'Italie en 2012[12], ou moins de 1 % selon une étude financée par le gouvernement en 2013[13]. Le chiffre d'affaires des mafias n'est traditionnellement pas calculé dans les statistiques officielles du PIB, car il est le fruit d'activités économiques illégales ou bien au noir ; cependant, le gouvernement italien pourrait intégrer les revenus du trafic de drogue et de la prostitution dans le PIB en 2015 suivant des directives de l'Union européenne[12]. La mafia n’est plus une entreprise familiale mais est devenue au fil du temps un empire financier de type multinational.

L’infiltration mafieuse dans la politique

La mafia en Sicile représente un électorat relativement important, quoique toujours très minoritaire par rapport à la grande masse d'électeurs siciliens. Par une technique rodée, elle pousse ses affiliés à voter pour certains partis, certaines personnes. Les politiciens, en échange de cette faveur, garantissent la protection de la mafia et de son commerce une fois au pouvoir. C’est ainsi que des pro-mafias, ou des mafieux même, accèdent à des rangs tels que celui de maire (Vito Ciancimino) ou de conseiller communal (it). C’est surtout lorsqu’elle a affaire aux tribunaux que la mafia réclame son soutien aux hommes politiques.

Aucune préférence en général n’est remarquée chez les mafieux en matière de partis excepté un anticommunisme fervent. La démocratie chrétienne fut largement sollicitée par la mafia car elle occupa le pouvoir de 1947 à 1990 sans discontinuer. À ce titre, le nom de Giulio Andreotti fut cité plusieurs fois lors de procès. Il a toujours été acquitté en dernière instance, même si des représentants de la DC sur place ont été arrêtés.

Les militants du Parti communiste italien ont été victimes de la violence de la mafia. Celle-ci est liée au massacre de Portella della Ginestra, au cours duquel onze personnes sont abattues lors de la fête des travailleurs du 1er mai 1947. Le juge et ancien député communiste Cesare Terranova est assassiné en septembre 1979, ainsi que le responsable de la section communiste de Sicile Pio La Torre en avril 1982.

Par anticommunisme, l’Église a longtemps ignoré le réseau de complicité qui liait la mafia aux hommes de pouvoir. Depuis quelques années l’Église s'engage plus fermement dans la dénonciation de la mafia, qualifiant celle-ci de « péché social ». Certains prêtres ont été assassinés en raison de leur engagement contre les milieux criminels, mais d'autres sont accusés de collaboration avec la mafia[8].

Présence de la mafia en France

Le crime organisé est également présent sur le territoire français. Celui-ci est largement dominé par le grand banditisme corse, mais aussi (en moindre partie) par la criminalité issue des banlieues des grandes agglomérations.

Cependant, hormis en Corse (le sujet fait encore débat, mais de nombreux spécialistes de la criminalité considèrent clairement le milieu corse comme une mafia), il n'existe pas de mafia française à proprement parler.

En revanche, plusieurs organisations criminelles opèrent et sont présentes en France. Parmi celles-ci, figurent :

Présence de la mafia en Suisse

En 2021 a vu le jour en Suisse dans le canton du Tessin, l'Observatoire tessinois de la criminalité organisée (O-TiCO), qui fait partie de l’Institut de droit de l’Université de la Suisse italienne, développé en collaboration avec la Radio télévision Suisse de langue italienne (RSI). Constatant qu’en Suisse on parle trop peu du phénomène mafieux, l’O-TiCO permet d’étudier le crime organisé de façon approfondie avec une rigueur scientifique. La cheffe de l'Office fédéral de la police (fedpol), Nicoletta della Valle, lors de la présentation au mois de mai 2021 à Lugano de cet observatoire du crime organisé, voit une occasion de collaboration avec l'Office fédéral de la police[18]. Au mois de juillet 2020, le journal alémanique NZZ am Sonntag rapporte que selon des experts italiens, il y a une vingtaine de cellules mafieuses comptant en tout 400 membres en Suisse. Interpellé à ce sujet, l'Office fédéral de la police indique que cela pourrait même être en deçà de la réalité, soulignant « qu'on ne voit pas tout ». Dans son rapport annuel de 2019, fedpol indique avoir connaissance d'une centaine de membres se trouvant en Suisse, principalement de la 'Ndrangheta calabraise, mais aussi de la Cosa Nostra sicilienne et de la Camorra napolitaine[19].

Lutte contre la mafia

Les politiques de lutte contre cette organisation criminelle se heurtent à l’adaptabilité de ces structures souples et décentralisées, capables de délocaliser leurs activités et de diversifier leurs flux financiers sans limites dans le monde entier. Entreprendre des enquêtes transnationales et remonter les multiples filières devient alors un casse-tête pour les juges, d’autant plus que certains pays comme les paradis fiscaux ne font rien pour leur faciliter la tâche. En réponse, Interpol doit faciliter la coopération policière internationale contre le crime, et des organismes nationaux comme le FBI et la DEA disposent d'« attachés » dans le monde qui favorisent les enquêtes bilatérales contre les mafias, par exemple entre les États-Unis et l'Italie[20].

International

Interpol est la deuxième plus grande organisation au monde derrière les Nations unies. La gestion des forces de police nationales européennes vont être modifiées en 1996 avec la création de l'agence de police européenne Europol.

Nationale

Personnages célèbres ayant combattu la mafia et le crime organisé

Mafieux célèbres

Les trente fugitifs les plus dangereux d'Italie

Au mois de , le ministère de l'intérieur a publié une liste où figuraient les 30 fugitifs les plus dangereux d'Italie.

Au mois de , 4 de ces fugitifs sont encore recherchés[21].

  • Camorra[22]
    • Mario Caterino, recherché depuis 2005, arrêté le à Casal di Principe (1)
    • Marco Di Lauro, recherché depuis 2005, capturé le à Naples
    • Francesco Matrone, recherché depuis 2007, arrêté le à Batticaglia (2)
    • Pasquale Scotti, recherché depuis 1985, arrêté le à Recife et extradé en Italie le [23]
    • Giuseppe Dell'Aquila, ajouté à la liste en , arrêté en [24].
  • Cosa nostra
    • Giovanni Arena, recherché depuis 1993, arrêté le à Catania (3)
    • Vito Badalamenti, recherché depuis 1995, déclaré libre par prescription en 2012[25].
    • Matteo Messina Denaro, recherché depuis 1993
    • Giovanni Motisi, recherché depuis 1998
  • 'Ndrangheta
    • Morabito Rocco, recherché depuis 1994, arrêté le à Montevideo. Il vivait depuis 13 ans en Uruguay, dans la station balnéaire de Punta del Este[26].
    • Domenico Condello, recherché depuis 1993, arrêté le à Catona[27].
    • Giuseppe Giorgi, recherché depuis 1995, arrêté le à San Luca[28]
    • Sebastiano Pelle, recherché depuis 1995, arrêté le à Reggion Calabre (5)
    • Michele Antonio Varano, recherché depuis 2000, arrêté en [29]
  • Anonima sequestri
    • Attilio Cubeddu, recherché depuis 1997
  • Sacra corona unita
    • Giuseppe Pacilli, recherché depuis 2009, arrêté le à Monte Sant'Angelo (7)

Filmographie

Cinéma

Année Titre français Titre original Réalisateur
1931 Le Petit César Little Caesar Mervyn LeRoy
L'Ennemi public The public Enemy William Wellman
1933 Scarface Scarface Howard Hawks
1937 Pépé le Moko Pépé le Moko Julien Duvivier
1949 L’Enfer est à lui
1954 Touchez pas au grisbi Touchez pas au grisbi Jacques Becker
1959 Al Capone
1961 Le Cave se rebiffe Le Cave se rebiffe Gilles Grangier
1969 Le Clan des Siciliens Le Clan des Siciliens Henri Verneuil
1970 Seule contre la mafia La moglie più bella Damiano Damiani
1971 Guerre des gangs à Okinawa Bakuto gaijin butai Kinji Fukasaku
1972 Okita le pourfendeur: yakuza moderne
Le Parrain Mario Puzo's Godfather Francis Ford Coppola
Cosa Nostra The Valachi papers Terence Young
1973 Mean Streets Mean Streets Martin Scorsese
Combat sans code d'honneur
1975 Le Cimetière de la morale
Capone Capone Steve Carver
1984 Scarface Scarface Brian De Palma
Cent Jours à Palerme
Il était une fois en Amérique Once upon a time in America Sergio Leone
1985 L’Honneur des Prizzi
L'Année du dragon Year of the Dragon Michael Cimino
1987 Le Sicilien The Sicilian Michael Cimino
Les Incorruptibles The Untouchables Brian De Palma
1989 Violent Cop Takeshi Kitano
1990 The King of New York King of New York Abel Ferrara
1990 Les Affranchis Goodfellas Martin Scorsese
Premiers Pas dans la mafia The Freshman
1991 Bugsy
1993 Il était une fois le Bronx Robert De Niro
L’Impasse Carlito's way Brin De Palma
La scorta
Le Syndicat du crime Ying hung boon sik John Woo
1994 Little Odessa James Gray
1995 Casino Martin Scorsese
1996 Kids Return Takeshi Kitano
1997 Donnie Brasco Mike Newell
1999 Mafia Blues Harold Ramis
2000 Les Cent pas
Aniki, mon frère Takeshi Kitano
2002 Les Sentiers De La Perdition Road to Perdition Sam Mendes
Infernal Affairs Wu jian dao Andrew Law et Alan Mak
Un nouveau Russe
2003 Kill Bill Quentin Tarantino
2005 A History of Violence
2006 Les Infiltrés The Departed Martin Scorsese
Un'altra storia
Romanzo criminale
2007 Les Promesses de l'ombre Eastern Promises David Cronenberg
La Sicilienne La Siciliana ribelle Marco Amenta
American Gangster American Gangster Ridley Scott
La Nuit nous appartient We Own the Night James Gray
2008 Gomorra
2009 Public Enemies
Un prophète Jacques Audiard
2010 L'Immortel Richard Berry
Outrage Takeshi Kitano
Mon père, Francis le Belge Frédéric Balekdjian
Une vie tranquille Una vita tranquilla Claudio Cupellini
2013 Malavita The Family Luc Besson
2014 La French Cédric Jimenez
2015 Suburra Stefano Sollima
2018 Mocro Maffia Achmed Akkabi
2019 Le Traître Le Traître Marco Bellocchio
2019 The Irishman The Irishman Martin Scorsese

Télévision

Documentaire

  • A Very British Gangster
  • La Vida loca
  • Ndrangheta, main basse sur l'Europe
  • Yakuza
  • Marokkaanse onderwereld documentaire

Jeux vidéo

On retrouve également la mafia dans plusieurs jeux vidéo :

  • Mafia, sorti en 2002 pour Windows, PlayStation 2, Xbox et sur GameCube a été développé par une équipe tchèque. Le joueur est placé dans la peau d’un homme qui adhère à la mafia italo-américaine des années 1930, dans une ville semblable à Chicago.
  • Grand Theft Auto et ses suites, les héros des différents épisodes travaillent pour de nombreuses associations du crime organisé (mafia italo-américaine, triades chinoises, yakuzas, mafia russe, etc.).
  • Le Parrain, sorti en 2006, est un jeu vidéo qui retrace l’histoire du film Le Parrain.
  • Yakuza, jeu se déroulant dans un Tokyo réaliste, le héros y travaille pour les Yakuza.
  • Mafia II, sorti en 2010 a été développé par la même équipe que Mafia, c'est un nouveau volet du jeu sans lien avec le premier, qui plonge le joueur dans la peau d'un mafieux, l'histoire se déroule après la Seconde Guerre mondiale.
  • Pokémon Rouge et Bleu, la team rocket est une mafia, elle se livre aux mêmes genres d'activités, a un poids politique sur la région, et est dirigée par le parrain Giovanni.
  • Mafia III, suite de Mafia II et dernier volet de la série.

Manga et anime

Light Novel

  • Baccano!, light novel de type shonen, écrit par Ryohgo Narita, en cours depuis le . Un grand nombre de mafias font partie du centre de l'intrigue, comme la Camorra ou la famille Gandor, une famille mafieuse dirigée par les trois frères Gandor.
  • Durarara!!, light novel de type shonen, écrit par Ryohgo Narita. La première série de "Durarara!!" a commencé le et se termine le . La suite de Durarara!!, nommée "Durarara!!SH", a débuté le , 10 ans après le début de Durarara!!. Dans ces deux séries, on peut noter l'apparition récurrente de yakuzas et diverses mafias.

Notes et références

  1. John Dickie (trad. de l'anglais par Anne-Marie Carrière), Cosa Nostra : la mafia sicilienne de 1860 à nos jours, Paris, éditions Perrin, coll. « Tempus », , 509 p. (ISBN 978-2-262-02727-8), en particulier chapitre I.
  2. John Dickie (2004), Cosa Nostra : la mafia sicilienne de 1860 à nos jours, éd. Perrin, 2007, p. 119.
  3. Harvard University Press, 1993.
  4. Salvatore Lupo, « La Sicile entre métaphore et histoire », dans Sicile(s) d'aujourd'hui, Presses Sorbonne Nouvelle, coll. « Études italiennes », (ISBN 978-2-87854-989-8, lire en ligne), p. 33–41.
  5. Jacques de Saint Victor, « Justice et politique en Italie : les procès de mafia (xixe-xxe siècle) », Histoire de la justice, vol. 2017/1, no 27, , p. 115-132 (lire en ligne)
  6. « Italie : la mafia dans l'agroalimentaire, un business en croissance », sur RTBF Info, (consulté le )
  7. « Comment la mafia infiltre le business de l'agro-alimentaire en Italie », sur rts.ch, (consulté le )
  8. (it) « Histoire des luttes contre la mafia », sur Centro Impastato, .
  9. 7 % : part occupée par la mafia dans le produit intérieur brut italien, Le Monde, .
  10. (es) "La Mafia représente 7 % du PIB italien", El Pais, le 22 octobre 2007.
  11. (en) Peter Kiefer, « Mafia crime is 7% of GDP in Italy, group reports », The New York Times, (lire en ligne).
  12. « Le PIB de l'Italie bientôt dopé par la drogue et la prostitution ? », Le Point, (lire en ligne).
  13. « Italy's mafia makes 'less profit than believed' », BBC News, (lire en ligne).
  14. Le Point du 21 juillet 2011 : La mafia en France p. 48.
  15. « On les appelle " Voleurs dans la loi " », sur Le Point, (consulté le ).
  16. https://www.20minutes.fr/marseille/1970963-20161129-marseille-comment-petite-epicerie-servi-grande-blanchisseuse-argent-sale.
  17. Juliette Mickiewicz et AFP agence, « Marseille : un système «hors norme» de blanchiment d'argent sale démantelé », Le Figaro, (lire en ligne, consulté le ).
  18. Un observatoire au Tessin pour lutter contre la criminalité organisée, Le Temps, 12 mai 2021
  19. Au moins 400 membres de la mafia italienne sont établis en Suisse, Radio télévision suisse, 27 juillet 2020
  20. (en) John A. Cassara, Hide and Seek : Intelligence, Law Enforcement, and the Stalled War on Terrorist Finance, Potomac Books, Inc., , 281 p. (ISBN 978-1-61234-335-8, lire en ligne), p. 76-81.
  21. Direction centrale de la police criminelle, Ministère de l'Intérieur.
  22. « Arrestation d'un chef important de la mafia napolitaine », sur www.20minutes.fr (consulté le ).
  23. Pasquale Scotti, extradé en Italie
  24. Arrestation d'un chef de la mafia napolitaine.
  25. La beffa di Badalamenti Jr: da latitante a libero.
  26. Un mafieux italien arrêté après 22 ans de cavale, 20 minutes (Suisse), 4 septembre 2017.
  27. « È finita la latitanza di Domenico Condello » (consulté le ).
  28. Le juge qui tente de briser les liens de sang des mafieux, Le Temps, 23 juin 2017.
  29. .

Voir aussi

Histoire de la mafia

  • Philippe Di Folco, Dictionnaire des mafias et du crime organisé, Paris, Perrin, , 700 p. (ISBN 978-2262041151)
  • John Dickie, Cosa Nostra : histoire de la mafia sicilienne de 1860 à nos jours, Buchet-Chastel, 2007
  • Amedeo Feniello, Naples, 1343. Aux origines médiévales d'un système criminel, Seuil, , 288 p.
  • Eric Frattini, Cosa Nostra : un siècle d’histoire, Flammarion, 2003
  • Salvatore Lupo, Histoire de la mafia des origines à nos jours, Flammarion, 2001
  • Marie-Anne Matard-Bonucci, Histoire de la Mafia, Complexe, 1994
  • Jacques de Saint Victor, Mafias : l'industrie de la peur, Monaco/Paris, Rocher (collection Un Nouveau Regard), , 419 p. (ISBN 978-2-268-06410-9)
  • Jacques de Saint Victor, Un pouvoir invisible : les mafias et la société démocratique (XIXe et XXIe siècles), Paris, Gallimard (collection L'esprit de la cité), , 424 p. (ISBN 978-2-07-012322-3)
  • (it) Saverio Lodato, Quarant'anni di mafia, Rizzoli, 2012

Autres

  • (it) Pino Arlacchi, La Mafia Imprenditrice (langue : italien), L’éthique mafieuse et l’esprit de capitalisme, il Mulino/Contemporanea 2,1983
  • Clotilde Champeyrache, Sociétés du crime : un tour du monde des mafias, CNRS éditions, 2007, 427 pages.
  • Thierry Colombié, French Connection, les entreprises criminelles en France, Paris, Non Lieu/OGC Éditions (2012). Essai socio-économique sur les stratégies des groupes criminels français ayant investi le trafic d'héroïne (White Horse) de 1935 à 1985.
  • Philippe Di Folco, Dictionnaire des mafias et des organisations criminelles, Perrin, 2021.
  • Jean-François Gayraud, Le monde des mafias : géopolitique du crime organisé, Odile Jacob,
  • Clare Longrigg, Bernardo Provenzano, le Parrain des parrains, Buchet-Chastel, 2006, 2010
  • Fabrizio Maccaglia et M.A. Matard-Bonucci, Atlas des mafias : acteurs, trafic et marchés de la criminalité organisée, Cartographie Alexandre Nicolas, Autrement, 2009
  • Marcelle Padovani, Les dernières années de la Mafia, Gallimard, 1987
  • Antonio Nicaso et Lee Lamothe, Les liens du sang, Montréal, QC, Éditions de l'Homme, 2003. Concerne la famille Caruana-Cuntrera et la mafia au Canada.
  • William Reymond, Mafia S.A. : les secrets du crime organisé, Flammarion, 2001
  • Saverio Lodato et Roberto Scarpinato, Le Retour du prince, La Contre-allée, 2012, traduit par Deborah Puccio-Den

Articles connexes

Liens externes

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