Auguste Lecœur
Auguste Lecœur, né le à Lille et mort le à Chalon-sur-Saône, est un dirigeant du Parti communiste français, qui a organisé la « grande » grève patriotique des cent mille mineurs du Nord-Pas-de-Calais en mai-juin 1941[1] puis le fonctionnement du parti dans la clandestinité, de 1942 à 1944, alors que Maurice Thorez était en Union soviétique. Membre des premiers gouvernements de l'après-guerre ensuite, il a été sous-secrétaire d'État à la Production charbonnière, en charge de la Bataille du charbon. Maire de Lens, député du Pas-de-Calais, numéro trois du PCF[1] il a été le « dauphin »[1], jusqu'à son éviction de la direction en 1954, du numéro un Maurice Thorez.
Pour les articles homonymes, voir Lecœur.
Député français Pas-de-Calais | |
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Maire de Lens | |
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(à 80 ans) Chalon-sur-Saône |
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Biographie
Enfance et jeunesse (1911-1936)
Le père d'Auguste Lecœur était mineur dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, comme son grand-père et son arrière-grand-père. Auguste est le deuxième d'une famille de trois enfants. Ses parents divorcent et sa mère se remarie en 1919 avec un mineur qui est embauché successivement à Marles-les-Mines, Bruay-en-Artois et Haillicourt. Comme le note Annie Kriegel, la famille d'Auguste avait régressé jusqu'à appartenir au sous-prolétariat. Auguste ne brille pas particulièrement à l'école. Il est placé à douze ans en apprentissage chez un boucher, mais à treize ans, il descend pour la première fois à la mine, à Bruay.
Après un séjour de la famille à Paris, Auguste refuse de retourner à la mine, il trouve à quatorze ans un emploi de manœuvre à l'usine SEV. Il occupe par la suite bien d'autres emplois. En 1927, il manifeste contre l'exécution de Sacco et Vanzetti, adhère au Parti communiste, mais milite surtout à la CGTU.
La guerre d'Espagne
En , Auguste Lecœur, 26 ans, était doubleur aux laminoirs et tréfileries de Lens, c'est-à-dire que, dans un vacarme infernal, il découpait à la cisaille le ruban métallique sortant du laminoir. Communiste, mais surtout responsable syndical à l'échelon du département, il avait passé son certificat d'étude à l'armée, pour pouvoir lire des ouvrages marxistes. Des responsables communistes l'attendaient à la sortie de l'usine. On lui demande de partir en Espagne comme commissaire politique dans les Brigades internationales. Le au soir, avec soixante militants, il est reçu par Maurice Thorez au siège du Parti. Le groupe prend ensuite la direction de Perpignan, accompagné par Léon Mauvais, membre du Comité Central, dirigeant de la CGT, membre de l'Internationale syndicale rouge (ISR), le pendant syndical de l'Internationale communiste (IC). La base des brigades à Albacete était sous l'autorité d'André Marty, inspecteur général des Brigades internationales, membre du Bureau politique du Parti et membre du secrétariat exécutif de l'IC. Marty avait un caractère difficile, mais Staline reconnaissant à l'ancien mutin de la mer Noire de son geste de solidarité vis-à-vis de l'Union soviétique lui gardera sa confiance. C'est dans cet environnement qu'Auguste Lecœur fait ses classes dans le contre-espionnage et la police interne, mais il demande à être muté sur le front et participe aux combats à Peña Roya et à Brunete. Il est l'un des soixante et un rescapés des 380 combattants de son bataillon.
En octobre 1937, la fin des brigades internationales ayant été décidée en haut lieu, il devient permanent du Parti communiste en France, organise les comités d'aide à l'Espagne du Pas-de-Calais et devient rapidement premier secrétaire du parti communiste dans ce département.
Les années de guerre (1939-1944)
En , Auguste Lecœur n'est pas encore un dirigeant national, mais il est déjà secrétaire fédéral du Pas-de-Calais. Après l'annonce du Pacte germano-soviétique, Auguste poursuit la diffusion de L'Enchaîné, le journal communiste du Nord, et participe à des réunions pour la défense du pacte. C'est pourquoi, lorsqu'il est mobilisé, il se retrouve dans une « prison départementale militaire », gardé par des gendarmes débonnaires, jusqu'au mois de janvier. Ensuite, il est affecté dans une compagnie qui tient position sur la ligne Maginot et se retrouve au mois de juin avec dix mille autres prisonniers dans un camp de Meurthe-et-Moselle.
« L'état d'esprit était tel, dans ce camp, que personne, quoique ce fût facile, ne songeait à s'en aller… Je rencontrai un Lensois qui habitait la même rue que mes parents… Il était persuadé que la liberté était proche et que les Allemands attendaient seulement la remise en marche des moyens de transport pour nous renvoyer à la maison… À la dernière minute, je trouvais un Espagnol qui, à la déclaration de guerre, se trouvait dans un camp de Républicains installé en France. Nous décidâmes de partir sans délai ».
Lecœur et son camarade espagnol parviennent à fausser compagnie aux soldats allemands. Le , Lecœur entre dans Paris par la Porte de Vincennes sur une bicyclette trouvée à Provins. Le 14, par un coup de chance, il croise sur les grands boulevards Jean Jérôme qui l'aiguille sur Jean Catelas désireux de renouer des contacts avec la région du Nord Pas-de-Calais d'où est originaire Lecœur.
De retour dans le Pas-de-Calais le , Lecœur est consterné par l'état de sa fédération, où tout le dispositif clandestin mis en place avant-guerre a été démantelé par la défection de ses deux responsables, et où les dirigeants de la fédération vivent légalement, chez eux. Le Nord vit la semi-légalité au diapason avec Paris. Il prend ses fonctions de dirigeant de la fédération du Pas-de-Calais, et un peu plus tard, il devient secrétaire de l'inter-région 5, celle qui comprend le Nord et le Pas-de-Calais. Entre-temps, il aura été un des principaux animateurs de la grande grève des mineurs de mai-juin 41. Cette grève a représenté, dans les premières années de l'occupation, le seul mouvement de rébellion d'une certaine ampleur développé sur le territoire national. L'organisation syndicale clandestine qui s'est mise en place dans le bassin minier, - les CUSA (Comités d'unité syndicale et d'action) -, a, dès la fin 40, développé en dehors des directives nationales une ligne revendicative qui n'excluait pas l'affrontement avec les Allemands. Les traditions patriotes sont plus vivaces qu'ailleurs dans cette région qui a déjà connu l'occupation pendant la première guerre mondiale et qui, de surcroît, est directement rattachée à l'administration allemande de Bruxelles.
Auguste Lecœur est alors un des animateurs de la grève des 100 000 mineurs du Nord-Pas-de-Calais de 1941, déclenchée le 27 mai. Les conditions de vie sont aussi dures que dans tout le pays, mais les Allemands maintiennent les cadences de production à un niveau extrêmement élevé. À la suite d'un incident banal entre des mineurs et un chef porion, le débrayage de la fosse numéro 7 de Dourges s'étend en quelques jours à tout le bassin minier. Lecœur et la direction des CUSA ont lancé le mot d'ordre de grève. Le mouvement culmine le : 100 000 mineurs sont alors en grève dans le bassin, soit la quasi-totalité de l'effectif ouvrier. Auguste Lecoeur coordonne la diffusion de la grève vers les autres puits de mine, en organisant un comité central de grève à Lens dès le lendemain du premier arrêt de travail[2].
Les mineurs obtiennent rapidement satisfaction, mais les Allemands se sont lancés dans une sanglante chasse aux meneurs : emprisonnement et déportation d'hommes et de femmes, souvent désignés avec la complicité des cadres des Compagnies minières. Jusqu'à la fin de l'occupation, la résistance ouvrière demeurera particulièrement vivace dans la région du Nord.
Lecœur conserve pendant toute cette période une certaine indépendance par rapport à la direction parisienne : dans les articles qu'il rédige pour l'Enchaîné du Pas-de-Calais, il associe toujours la lutte contre les Compagnies minières, Vichy et les « collabos » à un refus de l'occupant, alords que l'édition du même journal dans le département du Nord élude la dimension patriotique de la grève[2].
Pour prendre la suite du service d'approvisionnement des houillères, il crée avec Victor Foulon la coopérative centrale du personnel des mines[3].
Lecœur va devenir de plus en plus important au sein du Parti à partir de la mi-42, bien que l'ordre hiérarchique ne le place qu'en quatrième position. Appelé par Duclos, en mai 42, à prendre en main l'organisation du Parti, en remplacement de Jean Laffitte, arrêté très peu de temps après sa prise de fonctions, vers la même époque que son camarade responsable des cadres, Robert Dubois. La période Lecœur, qui couvre les deux dernières années de la guerre fait suite aux périodes Tréand et Dallidet.
Le premier objectif que s'assigne Lecœur quand il prend ses fonctions est de mettre un terme à l'hécatombe qui frappe les cadres dont le niveau de responsabilité est situé à l'échelon immédiatement inférieur au secrétariat. À l'exception du triangle majeur, la direction du Parti a été complètement démantelée avec les arrestations de Catelas, Cadras, Dallidet, Bréchet, Laffitte et Dubois pour ne citer que quelques-uns des plus importants. Les impératifs générés par la volonté de maintenir en fonctionnement un Parti centralisé tout en préservant efficacement la direction suprême conduisent à exercer une pression énorme sur ces cadres de niveau intermédiaire. La survie même du Parti implique de protéger plus efficacement ceux pour qui l'esprit de sacrifice est inhérent à leur engagement dans la Résistance.
Lecœur est un dur, un homme à poigne, il parvient à imposer les règles minimum de sécurité, en dépit des contraintes de travail qui pèsent sur tous les cadres.
« … J'imposai une discipline rigoureuse. Pour commencer, je fis suivre tel ou tel camarade responsable par un camarade de mon service. Au début, il ne s'apercevait de rien et se montrait tout étonné quand je lui rendais compte minute par minute de son emploi du temps pour tel jour. Par la suite, ils se méfièrent tous et se montrèrent plus prudents, ce que je désirais. J'interdis progressivement aux responsables les rendez-vous dans les cafés de Paris ou aux stations de métro, puis, en fin de compte, tout rendez-vous dans Paris. Peu à peu, ces consignes furent respectées par les militants de toutes les fédérations… ».
La mainmise de Lecœur sur les structures du Parti dépasse largement les problèmes de sécurité. C'est lui qui, de fait, contrôle les divers mouvements de cadres entre le Parti, les Jeunesses, et les FTP. Il supervise également le groupe Valmy, ce groupe de choc des OS, dépendant directement du service des cadres, pour servir à la fois de garde prétorienne et de police interne en plus des activités de résistance anti-allemandes.
Aidé par Jean Chaumeil, Lecœur nomme des militants sûrs, comme Robert Ballanger pour la région parisienne ; il puise surtout dans le vivier des cadres du Nord-Pas-de-Calais qu'il connaît bien. Il sera souvent amené à s'opposer à Charles Tillon et aux FTP pour privilégier le Parti dans l'affectation des cadres. Pendant la période 42-44, il réside à Antony. Lors de la libération de Paris, c'est lui qui mène l'assaut contre le siège du parti occupé par la milice et qui, le , va chercher Jacques Duclos et Benoît Frachon dans le Hurepoix, pour les conduire au « 44 ».
La mairie de Lens
Ses talents d'organisateur et son sens de la synthèse déjà révélés dans la clandestinité éclatent au grand jour à la Libération. Il se marie avec celle qui fut son agent de liaison pendant la clandestinité et dont il aura trois enfants. Les années d'après-guerre sont consacrées à renforcer l'appareil du Parti. Dès 1945, Thorez lui confie la responsabilité de la partie clandestine : officiellement, il n'est que membre du Comité central, mais il n'a jamais cessé d'assister aux réunions hebdomadaires du Bureau politique.
En plus de ses responsabilités au sein du Parti, il des mandats électifs : député du Pas-de-Calais dans l'assemblée constituante et maire de Lens, élu en 1945. Le 11 mars 1945, au Stade de l'Est, avenue Raoul Briquet, une foule immense assiste à un meeting dans lequel Maurice Thorez prononce un discours vantant les qualités de Lecœur[4]. Roger Pannequin obtient le plus grand nombre de suffrages mais c'est bien Auguste Lecœur qui est élu maire de Lens le 9 mai 45 puis engage un programme de reconstruction des écoles, logements et ateliers de formation professionnelle et fonde un Mutuelle municipale chargée d'acheter directement les produits alimentaires, ce qui alimentera plus tard les critiques contre une institution émettant une quasi-monnaie lors des grèves de 1947 et 1948.
L'entrée au gouvernement
En plus de ses mandats politiques, il se fait élire président du syndicat régional des mineurs. Cette fonction où il défend les conditions de vie des mineurs l'amène à s'opposer à la fois au préfet gaulliste et à Maurice Thorez qui s'était engagé en juillet 1945 dans la Bataille du charbon, idéalisée comme le combat des « gueules noires », nouveaux héros de la reconstruction et de ses besoins en énergie[5], car le Nord-Pas-de-Calais ne produisait plus que 18 millions de tonnes de charbon en 1944, contre 28,2 millions en 1938[6] avant de retrouver ce niveau dès l'été 1946, puis de le dépasser rapidement. Vertement rappelé à l'ordre sur ce thème, lors d'une séance du comité central fin 1945, Lecœur y montre son caractère en maintenant un temps sa position[5], puis en s'inclinant, ce qui permet à Maurice Thorez de le faire nommer en janvier 46 sous-secrétaire d'État au Charbon, dans l'équipe du ministre de l'énergie Marcel Paul, pilier des gouvernements Félix Gouin (du au ) et Georges Bidault (1) (du au ).
En tant que responsable de la stratégique production charbonnière, il promulgue alors le statut du mineur, l'emportant sur Marcel Paul, qui aurait préféré un statut commun avec celui d'EDF/GDF. La presse syndicale y voit un progrès considérable[7]: un jour par mois de plus que le congé légal[7], et 24 jours pour 10 ans d’ancienneté[7], salaire calqué sur la métallurgie de la région parisienne avec une majoration, faisant des mineurs la corporation la mieux payée[7]. Il obtient aussi la loi nationalisant les Charbonnages de France. Ce poste lui donne l'occasion d'accompagner Jean Monnet aux États-Unis pour négocier l'approvisionnement de la France en attendant la reprise de la production nationale, sur fond de projets de George Marshall, l'ex-bras droit de Roosevelt, promu secrétaire d'État en janvier 1947[8], dont le plan Marshall est signé par seize pays le 20 septembre[8], pour financer le nouveau laminoir en continu de Denain dès la rentrée 1948. Après d'y être opposé en 1945, Lecœur se rallie en 1946 à cette « Bataille du charbon », même s'il a constaté qu'elle a fait fuir en 1945 de nombreux militants communistes, retrouvés « qu’après le départ des ministres communistes du gouvernement et pendant les grandes grèves de 1947 »[9],[7]. L'introduction du salaire au rendement fait que certains mineurs doublèrent, voire triplèrent le salaire de base, à condition d'obtenir des « grosses quinzaines », parfois compromises car la prime d’assiduité est supprimée avec perte du pourcentage sur toute la paye, pour qui s’absente dans la quinzaine. Lecœur porte plainte contre les propos de Joseph Sauty au congrès CFTC de mai 46 le faisant apparaître comme « le boucher des mines », tandis que le journal socialiste L'Espoir ironise sur « l'idée que bientôt les communistes vont faire dormir les mineurs au fond de la mine », le journal communiste régional Liberté titrant un article « Pour le travail du dimanche ».
Retour à Paris en octobre 1947
Après son départ du gouvernement en janvier 1947, il redevient président du syndicat CGT des mineurs de la région et ne participe pas aux grèves démarrées en avril 1947 par des trotskistes aux usines Renault de Boulogne-Billancourt, avant le départ du ministres PCF du gouvernement, même lorsqu'elles s'étendent puis reprennent début novembre à Marseille. Le 18 novembre, le ras-le-bol gagne le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Lecœur est alors depuis octobre installé à plein temps à Paris, à la demande de Jacques Duclos, pour se consacrer à l'organisation nationale du Parti, aux côtés de Léon Mauvais, qu'il remplacera définitivement en 1950.
Les « bons d'achat Lecœur » de novembre 1948
C'est lors de la grève des mineurs de 1948 que sa popularité lui permet d'assurer aussi une forme de coordination régionale, via ses amis de la « Maison des mineurs de Lens », une seconde activité lui sera reprochée en bloc au moment de l'éliminer en 1954. Pour « maîtriser la distribution des importantes sommes d’argent » versées en solidarité en 1948 par les syndicats des pays d'Europe de l’Est[7], il « fit circuler des "Bons Lecœur" (...) une monnaie fictive utilisée en remplacement des billets de la République par les grévistes pour payer leurs achats, acceptés par les commerçants que le syndicat des mineurs remboursait ensuite »[7]. Par lettre ouverte aux commerçants le 28 octobre, Lecœur et André Parent, initiateurs et signataires de ces « bons de solidarité », s’engagent à leur remboursement[7]. « Le grand mouvement de solidarité qui s’amplifie chaque jour permettra qu’une autre tranche de 100 millions soit distribuée (...) chaque gréviste recevra un bon de 500 francs » écrit Liberté le 9 novembre, tout en observant que « dans de nombreux endroits, on interdit l’accès aux bureaux du syndicat qui les délivre »[7] et qu'à Méricourt, le responsable de la distribution a été arrêté[7]. « M. Lecoeur sera-t-il poursuivi pour émission de fausse monnaie ? » s'interroge Le Figaro.
Début novembre Louis Aragon écrit un poème, « L’éclatante victoire des CRS », dans L'Humanité[10], en réaction à l'assaut des forces de l'ordre contre les mineurs à Carvin, dans le Pas-de-Calais[10], où la Wermarcht avait aussi attaqué durant la guerre[10]. Le 15 novembre, il est invité au comité central du PCF, où l'ex-résistant Lecœur dénonce les « mesures fascistes du gouvernement » et la « terreur hitlérienne dans les corons », cité le lendemain dans L’Humanité[7], où Aragon publie un nouveau poème, « Chanson de La Ricamarie » sur d'autres incidents entre mineurs et policiers à La Ricamarie[10], inspiré par témoignage d'un mineur lors de la réunion de la veille[10].
Le succès dans son département aux élections de 1951
Les législatives de 1951, les premières depuis les grandes grèves des mineurs de l'hiver 1947 puis celui de 1948, sont très attendues dans l'une des deux circonscriptions du Pas-de-Calais, celle d'Arras et des principaux cantons miniers[11], terrain des affrontements avec les non-grévistes de la CFTC et du nouveau syndicat FO, mais aussi avec la police du socialiste Jules Moch. Le scrutin annonce risqué car le PCF est sévèrement brouillé avec la SFIO, qui y obtenait encore 38% en 1945
Dans cette région fief de Lecœur, le PCF résiste finalement beaucoup mieux qu'ailleurs à l'émergence gaulliste, le RPF, qui obtient 21,6% des voix et 120 députés, le PCF restant le premier parti avec 26% à l'échelle nationale, mais perdant 2 points. Dans le Nord-Pas-de-Calais, il reste au plus haut, à 29,7%[11],[12], alors que la SFIO y perd 3,5 points pour revenir à 24,6%[11] et même 7 points par rapport aux législatives de 1945, où elle dominait la région avec 31,8% des suffrages[11]. Dans le Pas-de-Calais, qui représente deux tiers des mines de la région, la liste communiste gagne même un point, à 36,4 %[13], devançant de plus de dix points sa rivale, la SFIO socialiste, revenue à 25,5% contre 28,5% en 1946 et 38% en 1945[13]. La liste socialiste du Pas-de-Calais est pourtant menée par Guy Mollet, député-maire d'Arras, qui n'a abandonné la présidence du conseil général en 1946 qu'après son élection comme secrétaire général de la SFIO et qui deviendra président du conseil en janvier 1956.
Le PCF du Pas-de-Calais passe en 1951 de 4 à 5 députés, le succès de René Camphin permettant l'entrée dans l'hémicycle de deux quadragénaires, André Mancey et Jeannette Prin, une ex-socialiste, Médaille de la résistance, spécialiste des questions du droit des femmes[14], qui sera réélue en 1956 puis une voix remarquée des opposants à la Guerre d'Algérie à l'Assemblée nationale lors des incidents de février 1958, en donnant lecture des témoignages du comité de résistance spirituelle[14].
Conflit avec Thorez sur la mémoire de la grève de 1941
La disgrâce de Lecœur, dans un PCF rejoint à la Libération par la majorité des artistes et intellectuels se noue au printemps 1950 sur fond de lyrisme mémoriel dans sa région, placée depuis dix ans au cœur de l'Histoire de France par la prestigieuse grève des mineurs de mai-juin 1941 contre l'occupant allemand et la Bataille du charbon de 1946, que Lecœur a organisées avec Emilienne Mopty et Michel Brulé, puis les grèves de mineurs, très dures en 1947 et très longues en 1948.
Les enjeux de mémoire semblent alors justifier toutes les manipulations. Sur la plaque commémorant la grève de 1941[15] à Montigny-en-Gohelle, une seconde ajoute bientôt que la grève « répondait à l'appel historique lancé du sol national le 10 juillet 1940 par Maurice Thorez et Jacques Duclos »[16], alors qu'« en 1940 Duclos est en Belgique et Thorez est en URSS »[17],[18], tandis que le premier Congrès du PCF à la Libération est marqué par un « Salut à Maurice Thorez, le premier FTP de France! »[19].
Divergences avec Thorez lors de la "bataille du charbon"
Après le discours productiviste de Thorez à Waziers le 21 juillet 1945, Auguste Lecœur regrette l'arrêt de l'épuration des ingénieurs qui avaient collaboré avec les Allemands, mais Thorez lui intime rapidement de se taire.
Réagissant à ce différent, le poète Louis Aragon, proche du secrétaire général, publie peu après dans la revue Europe de février 1946[20] des poèmes de soutien au discours de Thorez, écrits par André Stil, 25 ans, responsable de l'Union Nationale des Intellectuels à Lille, qui invite Aragon dans la région[21], les 18 et 19 mars 1946[22], pour une visite au quotidien régional où il travaille, et au Puits de mine no 7 de Dourges-Dahomey[22], où avait commencé la prestigieuse grève de 1941[22].
Cette visite de mars 1946 prépare la saga, à la fois réaliste et romanesque, que prévoit Aragon, en six tomes, Les communistes, mais qui renoncera à évoquer cette grève pourtant prestigieux. Dès la publication du premier tome, en mai 1949, c'est la déception sur ce terrain: pas un mot sur cette grève héroïque de 1941.
Lecoeur et la "bataille du livre"
Pour mieux vendre le Tome 1 de cette grande fresque Les Communistes, Aragon décide de lancer une « bataille du livre », nom choisi en écho à la Bataille du charbon de 1945-1946. Il s'agit aussi de préparer la réédition prochaine des Œuvres autobiographiques à la gloire de Maurice Thorez[23],
Cette « bataille du livre » est lancée à la mi-juin 1949 lors d'une réunion au 33 Rue de la Grange-aux-Belles, siège historique de la CGT, célébrée par la presse communiste[24] : une dizaine de lecteurs, ouvriers ou employés, sont invités à commenter ce premier tome, parfois sans complaisance, face à Louis Aragon qui les écoute humblement. Lecœur est dans la salle.
« Comment les travailleurs, les résistants, tous les bons Français, ne reconnaîtraient-ils pas leur bien dans ce premier volume (...) l’œuvre de tout un peuple, dont Aragon n'est que l’inégalable porte-parole », écrit-il le lendemain dans l'hebdomadaire communiste France nouvelle[25].
Son article[26] déplore cependant que « beaucoup de ces critiques laissent dans l’ombre le fait que le roman Les Communistes doit être considéré comme un véritable événement littéraire », observation qui vexe Aragon. Un autre passage évoque les lecteurs présents dans la salle, en termes qui scandalisent les proches d'Aragon, habitués à plus de déférence, et qui vont le juger "ouvriériste": « Il paraît qu’il est très difficile d’écrire un livre comme celui d’Aragon. Je ne le pense pas […] Est-il plus difficile pour un homme de plume, membre du Parti, d’écrire en fonction des tâches qui lui sont imparties, qu’au militant politique et syndical de résoudre les problèmes politiques de l’heure en fonction des tâches fixées par la même orientation politique ? ».
En filigrane, les proches d'Aragon perçoivent une accusation de méconnaître la classe ouvrière à laquelle le poète, bon prince, répond dans La Nouvelle Critique de juillet 1949 qu'il « essaie de la connaître mieux qu’un certain nombre d’écrivains »[27]. Le PCF a cependant besoin plus que jamais besoin de l'ex-résistant Lecœur, car il est aussi en pleine bataille mémorielle: L'Humanité venait de publier du 6 au 18 juin une série d'articles appelant à manifester contre l'inauguration d'une avenue du Général-Leclerc, censée commémorer le « libérateur de Paris » pour les gaullistes[28] alors qu'il n'existe pas d'avenue du Colonel-Henri-Rol-Tanguy, chef de l'insurrection d'août 1944. Elle ne sera inaugurée qu'en 2004, sur la portion de la place Denfert-Rochereau qui abritait le QG souterrain du commandant en chef de la Résistance lors de la Libération de Paris[29].
La manifestation contre la Guerre d'Indochine
Quinze jours après l'article "ouvriériste" de Lecoeur, Aragon, sans rancune, est dans le Pas-de-Calais, où Lecoeur l'a invité. Le photojournaliste Willy Ronis, qui a couvert la grève des mineurs de 1948 à Saint-Étienne, les immortalise pour Les Lettres françaises manifestant à la Nécropole de Lorette. La photo montre aussi Léon Delfosse, qui sera mis en valeur dans le tome suivant de la saga d'Aragon. Aragon et Lecoeur sont au milieu de pancartes « Paix au Viet-Nam » et « Amnistie aux mineurs »[30],[31].
La grève des dockers de 1949-1950 en France n'a alors pas encore commencé mais ses futurs instigateurs à Dunkerque étaient déjà en action: 3 000 soldats avaient dû être envoyés le 19 novembre 1948[32] décharger le charbon à la place des dockers barricadés, solidaires avec la grève des mineurs de 1948. Proche d'Auguste Lecoeur, Lucien Duffuler, leur leader depuis 1937, avait été arrêté deux jours après[33]. Avant-guerre, Lucien Duffuler avait été licencié pour avoir refusé de décharger des navires allemands à Croix gammée après l’accession de Hitler au pouvoir en 1933[34]. Condamné le 12 janvier 1949 à huit mois de prison avec sursis[35], puis révoqué en mai à la suite de cette condamnation[36],[37], il devient un héros local. Dunkerque sera le premier port à suivre Marseille dans la grève des dockers de 1950 contre la Guerre d'Indochine: des envois de locomotives Fives-Lille y sont bloqués dès le Nouvel an 1950[38] et L'Humanité titre : « pas de locomotive pour la sale guerre, décident les ouvriers riveurs de la grosse chaudronnerie de Fives-Lille »[39]. L'action s'est déroulée sous les yeux du jeune journaliste de Liberté, André Stil[40], qui en tire sur le champ une nouvelle publiée dans la revue Europe de janvier 1950, Fleur d'acier, servie par une illustration de Boris Taslitzky, déjà célèbre. Utilisant la métaphore de la « machine à écrire à sept branches »[40], s'inspirant du chandelier à sept branches, la nouvelle « accroche à ce petit endroint à tout instant vérifiable, la chose la plus lointaine et la plus difficile à concevoir, qui est la guerre en cours »[40].
Entre-temps, dès l'été 1949, Lecœur édite et préface Le Pays des mines une plaquette anthologique sur Aragon, qui fait la part belle aux grèves des mineurs. Le document parait aux Éditions de La Tribune des Mineurs à Lens. Ce journal, contrôlé par Lecoeur, commande à Aragon une série 18 critiques littéraire, qui doit commencer en janvier 1950 mais s'interrompra avant la fin[41]. Le journal de Lecœur invite aussi l'artiste Mireille Miailhe, égérie du PCF et future Prix Fénéon 1950[42], à dessiner des mineurs en grève[43], notamment « Tiens bon la rampe ! », dessin qui sera republié dans Les Lettres françaises[44].
La CGT des mines et Lecœur sont aussi en lien avec le peintre néo-réaliste André Fougeron depuis 1947[45]. Son tableau Les Parisiennes au marché d'André Fougeron fut à la fois dénoncé et salué au Salon d'automne le 24 septembre 1948. Lors de l'édition 1949, c'est un autre de ses tableaux qui est remarqué:Hommage à André Houiller, militant CGT de 54 ans tué par la police en novembre 1948 alors qu'il collait une affiche contre la Guerre d'Indochine[46]. La CGT des mines et Lecœur lui demandent de s'installer à Lens, pour une série de dessins et de toiles sur la vie des mineurs, ce qu'il fait janvier 1950.
Le congrès du PCF d'avril 1950
Lors du congrès d'avril 1950, du PCF, Maurice Thorez fustige les « œuvres décadentes des esthéticiens bourgeois, partisans de l’art pour l’art »[47] ou encore « l'obscurantisme rétrograde des philosophes existentialistes »[47], en visant directement Jean-Paul Sartre, qui venait de critiquer les positions staliennes du PCF. Il salue également le tableau du peintre André Fougeron contre la répression policière. Mais lors du congrès suivant, Louis Aragon entre au comité central du PCF, salué par le secrétaire général Maurice Thorez de retour d'URSS, et publie une brochure d'une centaine de pages L'Art de parti en France, qui restera, selon le quotidien L'Humanité un événement important de l'année 1954[48], fustigeant l'ouvriérisme attribué à Auguste Lecœur et au peintre André Fougeron, qui disparaitra alors des publications communistes et sera diabolisé en général[49].
Plus généralement, la situation bascule dès le congrès de 1950 : nombre d'ex-résistants y sont évincés du comité central. Lecœur parvient cependant à y rester et faire entrer son fidèle lieutenant de la résistance Roger Pannequin. Au même moment, il s'est réconcilié avec son ex-ministre de tutelle, Marcel Paul, qui convient avec lui que les nationalisations d'EDF-GDF ont tourné au bénéfice des trusts.
Mais dès les jours qui suivent le congrès, le ton d'Aragon se durcit et il arrête à l'été ses critiques littéraires dans La Tribune des mineurs. Lecœur s'investit ensuite dans l'exposition Au Pays des mines, commandée à André Fougeron par la fédération des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais: 40 tableaux et dessins racontant la grève des mineurs de 1948, qui débute le 12 janvier 1951 à la galerie Bernheim-Jeune, avenue Matignon, au cœur des beaux quartiers parisiens[50].
Mars 1951, tensions entre ex-résistants et Thorez-Duclos
Les tensions entre ex-résistants et la direction du PCF s'avivent en mars 1951, quand sort un ouvrage illustré de nombreuses photos[51], première réelle publication rappelant l'action des combattants des FTP-MOI, résistants de la région parisienne, appelés « Groupe Manouchian », fusillés le 21 février 1944[52], avec une postface de Charles Tillon, ex-commandant en chef des Francs-tireurs et partisans et déjà en disgrâce.
En mai, c'est la sortie des Tomes V et VI de la saga Les Communistes d'Aragon, comportant le passage contesté sur Léon Delfosse, le récit stagnant à l'année 1940, toujours loin de la grève de 1941. En juin, c'est la publication des carnets de Charles Debarge, largement annotés, avec d'autres erreurs historiques. La Nouvelle Critique de septembre-octobre 1951[53] contient un article de Pierre Daix affirmant prendre la défense d'Aragon.
Malgré ces difficultés, Lecœur se retrouve brièvement numéro un de fait du PCF au à la mi-1952 : Maurice Thorez se fait soigner en URSS et son numéro deux Jacques Duclos passe un mois en prison après les affrontements très violents avec la police qui font deux morts et plusieurs dizaines de blessés, lors de la Manifestation contre le général Ridgway du 28 mai 1952. Des cortèges entiers d'ouvriers de Renault-Billancourt ont traversé Paris équipés d'armes blanches[54] après avoir été préparés à l'affrontement par la presse communiste les jours précédents[54].
Au même moment, André Stil, directeur de L'Humanité est incarcéré le 26 mai 1952[54] en raison de ces appels à la violence. La maladie de Thorez, toujours soigné en URSS[5], qui dure depuis novembre 1950, puis l'arrestation de Jacques Duclos, dans cette affaire de la Manifestation contre le général Ridgway[5] et la mise à l'écart de Marty[5] qui a déjà commencé et s'accélère au cours de l'été 1952, font de Lecœur le numéro un de fait du PCF à l'automne 1952, voire avant[5].
Le procès contre Marty et Tillon
Lecœur est entre-temps progressivement impliqué dans le « procès » interne au PCF lancé discrêtement dès juillet 1951, qui aboutit à l'exclusion d'André Marty et à la disgrâce de Charles Tillon, le PCF créant une commission d'enquête contre le premier, dont Lecœur n'est d'abord pas membre.
André Marty avait été secrétaire de l'Internationale communiste de 1935 à 1943, et Charles Tillon, commandant en chef des Francs-tireurs et partisans pour toute la France pendant la Seconde Guerre mondiale. Au début du mois de juillet 1951, Marcel Servin passe plusieurs jours auprès du secrétaire général du PCF Maurice Thorez en URSS[55],[56] et il évoque avec lui la condamnation en avril 1951 par le Comité central du PCF des positions de Charles Tillon au sein du Mouvement de la paix[55] ainsi que la rencontre privée de ce dernier avec André Marty, chez son beau-frère Georges Beyer, le 6 mai 1951[55]. Servin créé secrètement une commission d’enquête sur le sujet dès son retour[55], composée de Gaston Auguet et Léon Mauvais[55],[56], dont l'existence ne sera dévoilée qu'à la mi-mai 1952[55],[56]. Entre-temps, en août 1951, Jacques Duclos voyage auprès de Thorez puis de Staline[57],[55]. Fin janvier 1952, Lecœur visite à son tour Thorez[55], suivi en mars par François Billoux qui revient porteur d’une lettre de Thorez[55],[56] préparant le durcissement politique anti-américain qui conduira fin mai 1952 à la Manifestation contre le général Ridgway[55],[56].
À la mi-mai 1952, Lecœur demandant s’il ne vaut mieux pas attendre le retour prochain de Thorez pour s'attaquer à Tillon et Marty, Duclos lui répond que Léon Mauvais ira en URSS mettre au point les termes du rapport d’accusation afin que tout soit réglé avant[58]. L'interrogatoire d'André Marty commence alors les 26 et 27 mai 1952[55], la mise en accusation de Tillon n'arrivant qu'après l'été[55].
Ces deux évictions causent des remous importants au sein du PCF, en particulier à Marseille. Pour mobiliser contre ce qui ressemble à une opposition interne[59], la direction du PCF n'en informe que les cadres des sections, qui organisent des réunions de préparation avant de les apprendre aux militants, via un « système en pyramides ».
Près de 54 assemblées départementales sont ainsi préparées et appelées à statuer sur le cas Marty-Tillon[60]. Le 29 septembre, Le Figaro fait courir la rumeur de tentatives d'assassinat contre André Marty, qui écrit une lettre pour se défendre, non publiée par L'Humanité[60], tandis que France-Soir affirme le lendemain qu'André Marty profère des accusations contre la direction du PCF[60] et que cette dernière prend ombrage du soupçon de ne pas le protéger[61]. Une dizaine de militants du PCF se heurtent même à la police près de chez lui le 2 octobre[61]. Le député radical-socialiste Pierre de Léotard utilise à son profit le rapport de Léon Mauvais, pour poser une question au gouvernement sur le détournement des fonds venant d'un holdup à Chamalières en 1944[60]. Le 5 octobre, au moment du 19e congrès du PCUS[60], Lecœur est tancé par Maurice Thorez pour le retard à régler l'Affaire Marty[60] et L'Humanité du 9 octobre 1952 publie un long document d'accusation contre Marty[60], à la gloire de Staline[60], où il est accusé d'avoir minimisé le rôle de l'Union soviétique dans la victoire de 1945 (L'Humanité du 2 janvier 1953[60]).
Claude Lavezzi, cadre communiste en Normandie, coordonne au cours de l'hiver les soutiens à Marty, avec une campagne d'affichage pour sa réintégration[61] et le conseille pour créer un journal[61]. L'Humanité affirme alors à tort qu'il avait déjà été exclu en 1948[61]. Marty leur demande de rester infiltrés au PCF[61] et freine les campagnes de tracts et brochures qui durent jusqu'à sa brouille avec Lavezzi en avril 1953[61].
Entre-temps, dans L'Humanité du 2 janvier 1953, Étienne Fajon accuse André Marty d'être lié à un suppôt du titisme, le communiste yougoslave Colic Hadid, 45 ans[61],[60]. Cet ancien trotskyste des Brigades internationales[61], est en fait aveugle et dans la misère pour avoir signé une lettre dénonçant Tito lors de son exclusion par la section PCF du 19e arrondissement de Paris en 1951[60], sous la pression de Marcel Servin et Lecœur[61]. Le 10 février 1953, la direction du PCF et sa commission d'enquête demandent à Lecœur d'écrire dans L'Humanité un article contre André Marty : « La duplicité du policier Marty et la vigilance du comité central », qui reprend un autre article paru dans l’Humanité le 19 novembre 1952, « La duplicité d’André Marty »[56] et déclenche une lettre ouverte « d’un groupe de militants du Parti de la Fédération de la Seine »[56]. Lecœur y reprend les accusations de Max Lejeune au Parlement le , reprenant elle-même des soupçons de Vincent Auriol datant de juillet 1949, concernant le comportement de Marty pendant la révolte de la Mer Noire en 1919[56].
Le même automne 1952 voit aussi l'éviction de Georges Guingouin, ex-leader des maquis du Limousin, en attendant celles en 1953-1954 de deux leaders de la résistance dans le Nord-Pas-de-Calais, René Camphin et Roger Pannequin, blâmés dès 1951 lors de l'Affaire Pronnier[62] sur la base d'un témoignage controversé auquel la justice n'a pas donné crédit[63],[64].
Philippe Robrieux voit dans l'ensemble de ces mises à l'écart un réflexe de défense de l'entourage de Maurice Thorez[65], qui n'avait pas la même légitimité historique, n'ayant pas participé à la Résistance française[66], dont Lecœur fut un symbole lors de la grève des 100 000 mineurs contre l'occupant en mai 1941[66].
Unité syndicale ou réunification
Le comité central de mars 1954, qui évince Lecœur de la direction du PCF, l'accuse longuement sur la question de l'unité syndicale en plus d'avoir commis des « erreurs graves » lors des grèves de 1948[67]. Il est ainsi victime du débat de 1952 sur une réunification syndicale, inspiré par le succès de la Fédération de l'éducation nationale depuis sa scission de la CGT en 1948 et la répression syndicale des années 1950-1952. En mars 1952, ce débat domine une conférence qui réunit 200 militants CGT et FO, menés par Yves Dellac, ex-leader de la CGT exclu et Michel Morin, rédacteur en chef du journal L'Unité (journal)[68] », tous deux compromis par leur rencontre avec le trotskiste Pierre Lambert[69], honni de la direction du PCF, lors d'un voyage à Belgrade au avec un groupe de cégétistes.
Depuis le 10 octobre 1952, Alain Le Léap, co-secrétaire général de la CGT avec Benoît Frachon est emprisonné à Fresnes[70], ans le sillage de la Manifestation contre le général Ridgway du 28 mai 1952 et de l'affaire Henri Martin. Fin octobre 1952, en plein congrès CFTC, sept fédérations animées par des diffuseur du bulletin ronéotypé Reconstruction, claquent la porte du bureau confédéral[71] car il leur est reproché des relations trop étroites avec la CGT.
Auguste Lecœur lance à son tour en juillet 1952 dans L'Humanité un appel à « l'union des forces ouvrières, républicaines et démocratiques »[72] face au renforcement de l'aile droite de la majorité gouvernementale, à la suite de la scission du RPF[72]. Il annonce que le PCF pourrait même soutenir des mesures gouvernementales si elles sont favorables aux ouvriers[72]. Puis Raymond Le Bourre, leader de la fédération FO du spectacle réclame de « faire un bout de chemin avec la CGT »[73] mais Force Ouvrière-mineurs, une des fédérations les plus virulentes contre la CGT, brandit alors le thème alternatif, de l'unité syndicale[70]
En 1953, la direction de la CGT, dont le siège vient d'être perquisitionné[70], multiplie les réunions en faveur de cette unité syndicale[70], sur fond de pouvoir d'achat laminé par l'inflation et blocage des salaires[70] et de grandes grèves d'août 1953 dans la fonction publique qui voient la libération de Lucien Molino et Alain Le Léap et finalement, la ligne unitaire est maintenue lors du congrès CGT de juin 1953[70]. Mais des articles dans La Tribune des mineurs du Nord-Pas-de-Calais, animée par Maurice Andrieux, ex-rédacteur au journal quotidien communiste Liberté[74], souhaitent une réunification syndicale, plutôt que l'unité d'action entre syndicats, thème qui divise alors le Bureau de la Fédération nationale du Sous-sol CGT[70], certains jugeant l'unité syndicale impossible[70]. Le 4 décembre 1952[70], Lecœur a dénoncé le cliché qui « représente trois ouvriers se tenant la main et sur la poitrine desquels on lit : CGT-CFTC-FO ». Ce discours de Nœux-les-Mines intervient peu après la mort du très anticommuniste William Green, ex-leader du syndicat des mineurs et de l'AFL [75] et quelques jours après celle de Philipp Murray, secrétaire du CIO, l'autre grand syndicat, dont l'AFL avait fait scission en 1938 pour attaquer les syndicats communistes à l'étranger. Ces deux décès ont relancé les spéculations sur une réunification des syndicats aux Etats-Unis, qui deviendra effective dès 1955 grâce aux efforts de Walter Reuther (CIO) et George Meany (AFL). L'« l'arrivée imminente de successeurs plus jeunes, pourrait peut-être favoriser la tendance à l'unité des deux centrales », écrivait Le Monde le 24 novembre 1952, en annonçant le second décès.
Lecœur auarait alors incommodé une partie de la CGT[70], selon l'historien Pierre Outteryck et réveillé les mauvais souvenirs de la grève des mineurs de 1948, au cours desquelles il avait demandé, sans l'obtenir, que les militants CGT prennent le risque industriel d'arrêter les four à coke de Carbolux à Bruay-en-Artois[76],[77], parmi les plus modernes d’Europe, au risque de rendre la reprise de l'activité délicate après les grèves, au moment où Jules Moch déchaîne une violente campagne de presse accusant la CGT de détruire les installations minières[78].
Le complot des blouses blanches
La presse communiste française est rapide à dénoncer le prétendu complot des blouses blanches dans le sillage d'un article du journal soviétique la Pravda reprenant l’agence TASS accusant 9 médecins, dont 6 juifs[79] d'avoir tenté d’assassiner, avec la complicité du Congrès juif mondial, les dirigeants soviétiques Ivan Koniev, Alexandre Vassilievski et Leonid Govorov.
La plupart des médecins ont été arrêtés fin 1952[80], et les « meurtres » allégués remontaient à 1945 et 1948 afin d’associer au complot le célèbre acteur juif Mikhoels, président du Comité antifasciste juif soviétique, assassiné sur l’ordre de Staline cinq ans plus tôt[81]. Ces accusations font suite aux exécutions de dirigeants tchécoslovaques fin 1952 [82]. Dans L'Humanité reprend les alléguations dès le 14 janvier[83] et le 16 janvier 1953, un article signé par la rédaction affirme que "l’indignation contre les médecins terroristes et leurs maîtres américains étreint le cœur des Soviétiques, la nouvelle annonçant que le groupe assassin avait été démasqué est interprétée comme un coup terrible porté aux fauteurs de guerre"[84].
Le 20 janvier, même Le Monde semble s'interroger[85]. Mais le lendemain, avec le Daily Telegraph, il révèle que c'est le prétexte à une « épuration des services de sécurité » permettant à Lavrenti Beria de renforcer son autorité[86],[87].
Raymond Guyot, secrétaire de la fédération de Paris charge Annie Kriegel, responsable de l’idéologie de la fédération parisienne du PCF de collecter d'approcher des médecins du PCF pour signer une pétition contre les médecins russes mais ceux de la Clinique des Bleuets, propriété du Syndicat des Métaux se montre très divisé[83]. Elle rédige un article dans les Cahiers du communisme stigmatisant des « médecins terroristes », complices du « sionisme » et « approuvant l’emploi des tortures pour extorquer aux « assassins en blouse blanche » des aveux fantasmagoriques, prélude à une « solution finale » pogromiste », selon Boris Souvarine et estimant que « la qualité de juif prédispose à devenir un espion au service de l'impérialisme »[83].
Quelques semaines avant sa disparition, le quotidien Ce soir, dirigé par Pierre Daix, publie une série de six articles intitulée « Les assassins en blouse blanche » entre le et le , répercutant la version stalinienne de la conspiration du Joint, décrit comme instrument de « la grande finance juive » qui a « commandité Hitler » et qui a transformé la Diaspora juive en arme de guerre froide au service du Département d’État de Washington. Ces articles combinent la dénonciation des cosmopolites « dégénérés » et des « sionistes-trotskystes[88],[89] ».
Mais André Salomon, chroniqueur médical de L'Humanité, l'autre quotidien communiste, refuse de signer, tout comme René Zazzo[90]. Et juste après la mort de Staline le 5 mars 1953, Semion Ignatiev est limogé. Lavrenti Beria, qui récupère ses attributions, met fin à cette « affaire » des médecins. Le , le MVD annonce que l’arrestation des neuf médecins était « illégale et sans fondement » et leurs aveux obtenus « par des moyens strictement interdits par la loi ». Ils sont réhabilités et l'ordre de Lénine retiré à leur dénonciatrice Lidia Timachouk. Le 6 avril la Pravda annonce que le « complot des médecins » n’a jamais existé. Pierre Hervé, l'auteur des articles dans Ce soir, fait son autocritique immédiatement[91], dans L'Humanité, Ce soir ayant fait faillite en février. Sous le choc de ce retournement aussi rapide, la direction du PCF recherche en interne des bouc-émissaires.
Bien que Lecoeur n'ait laissé aucun écrit sur le complot des blouses blanches, Pierre Daix, responsable éditorial à l'époque de Ce soir, l'accuse deux décennies plus tard dans ses mémoires d'en avoir parlé au meeting organisé chaque année[92] à la Mutualité pour l'anniversaire de la mort de Lénine[93], déclaration qui aurait été en partie censurée par L'Humanité, dans laquelle il dénonce « les tentatives des fauteurs de guerre pour camoufler leurs crimes sous le vêtement rabbinique, la blouse médicale ou la soutane du prêtre »[94]. Les récits du meeting du 10 mars au Vel d'Hiv, cinq jours après la mort de Staline, présidé par Lecoeur, n'en fait pas état[95]. Au même moment se déroule l'affaire du portrait de Staline, dans laquelle Lecoeur s'est opposé publiquement, début mars, au sujet du choix d'un dessin de Picasso, à Pierre Daix, ex-directeur du quotidien Ce soir, recyclé à la tête de l'hebdo de Louis Aragon, proche de Maurice Thorez, en attendant le retour en France de ce dernier, le 10 avril.
Le voyage à Moscou de l'été 1953
Au cours de l'été 1953, trois mois après la mort de Staline et le retour en France de Maurice Thorez, la conférence des 12, 13 et 14 juillet 1953, se tient à Moscou, au cours de laquelle Malenkov, Molotov et Nikita Khrouchtchev, le nouveau numéro un soviétique, font une critique de la période stalinienne et expliquent aux représentants de 19 partis communistes européens qu'il y avait eu en URSS des « défauts dans les méthodes de direction », « déviations de la conscience léniniste » et surtout un dangereux « culte de la personnalité »[96]. Les nouveaux dirigeants soviétiques les incitent à « faire eux aussi des réformes dans leurs partis », notamment le PCF, représenté à cette réunion par Jacques Duclos.
Sur fond de luttes pour le pouvoir encore incertaines à Moscou, Auguste Lecœur est convoqué à Moscou par Mikhaïl Souslov, en tant que secrétaire de l'organisation du PCF, et interrogé sur le rapport présenté à la direction du PCF par Jacques Duclos à son retour. Duclos n'en avait rien dit[97], selon l'historien Marc Lazar[96], et il ne parlera pas non plus de ce qui avait été dit dans ses mémoires publiées en 1972[98], où il ne rapporte que les accusations portées à Moscou contre Beria, transmises au Bureau politique du PCF, et « rien n'a bougé dans le PCF » en 1953[96], raison pour laquelle Lecœur fut convoqué à Moscou à son tour au cours du même été[96].
Lecœur abordera le sujet dans son livre d'autocritique de 1955[99], exigé par la direction du PCF et publié avant les « révélations » de Khrouchtchev en 1956[96]. Il y explique que « Le Parti communiste de l'Union soviétique, à la mort de Staline, donna un exemple de poids » des dérives à éviter et procéda à une « critique sévère des méthodes contraires aux principes d'organisation du parti, qui s'étaient dangereusement développées du vivant de Staline »[99]. Peu avant son décès, il va plus loin sur le sujet, en confirmant à l'historien Marc Lazar ce qu'il avait déjà évoqué en 1977[100] dans le livre publié par le journaliste et ancien résistant français Paul Noirot, de son vrai nom « Henri Blanc », exclu du PCF en janvier 1969[101],[102], que le bureau politique du PCF n'a eu, à l'été 1953 « qu'une version affadie de la réunion du Kominform des 12 et 14 juillet 1953, au cours de laquelle Duclos, représentant le parti français, a entendu mettre en accusation et, probablement déjà, impliquer Staline »[103].
Lors de son retour de Moscou à Paris, Lecœur exposa les demandes de réformes des soviétiques devant le bureau politique du PCF[100], conformément à ce que Souslov lui réclamait, mais « la discussion tourna court à la suite d'une réaction immédiate et virulente de Jeannette Vermeersch », offusquée par la mise en cause de Staline[103].
Automne 1953, la direction du PCF le menace et l'isole
Auguste Lecœur se retrouve menacé depuis qu'il a été témoin à la fin de l'été 1953 de la déstalinisation qui débute timidement en URSS, selon le consensus des historiens[5]. Le culte de la personnalité de l'époque Staline et ses dérives sont dénoncés par ses premiers successeurs. Mais l'épouse de Maurice Thorez s'oppose alors immédiatement et violemment au rapport qu'en fait Lecoeur en revenant de Moscou[5]. Ce dernier devient dès lors victime la purge de grands Résistants du PCF, lancée dès 1950 par Maurice Thorez[104], à laquelle il avait jusque là échappé non sans contraintes et difficultés.
Le PCF tente d'abord de l'isoler en privant de ressources ses deux bras-droits, Louis Lambin et Roger Pannequin, qui furent ses principaux adjoints à la mairie de Lens en 1946-1947. À partir de l'automne 1953, il sera aussi menacé d'être accusé de porter la responsabilité des débordements des grèves de 1947-1948, pas seulement dans le Nord-Pas-de-Calais mais toute la France, car il s'agit d'obtenir de lui une autocritique qu'il refusera jusqu'au bout. François Billoux, numéro un du PCF à Marseille, où le PCF efface désormais ces grèves des commémorations, sera chargé six mois plus tard de l'accuser de ce que l'historien Guillaume Bourgeois appelle « cet espèce de gauchisme des années 1947-1948 »[105] en « pratiquant l'amalgame avec un art consommé »[105].
Ce dernier a eu accès à la fin des années 1990 aux archives du PCF, pour la première fois ouvertes. Dans l'acte d'accusation contre Lecoeur François Billoux écrit que « dans la fédération du Pas de Calais que suit particulièrement Lecoeur, la situation est la suivante depuis 1947 » avec « le recours à des petits groupes, le plus souvent incontrôlés et incontrôlables, qui ont par exemple été chargés en 47-48 de durcir les grèves et en 1950 de répondre du tac-au-tac à des attentats ». Des petits groupes qui « malheureusement ne sont pas fermés aux provocateurs! La responsabilité du camarade Lecoeur est directement engagée lorsqu'on sait que telles directives ont été tenues ou données par lui dans d'autres fédérations »[105]. Lecoeur révèlera des décennies plus tard qu'on le menace ainsi, à partir de l'automne 1953, de l'accuser d'être indirectement responsable du déraillement qui a fait 20 morts à Arras le 3 décembre, même s'il était alors à Paris, pour n'avoir pas été suffisamment vigilant sur les adhésions. Billoux est assisté par deux autres dirigeants du PCF, Léon Feix et Marcel Servin, dans une « commission d’enquête », qui se rend discrètement à Lens, sans le prévenir, dans l'espoir de recueillir des témoignages, mais sans succès[106].
Dès la mi-septembre 1953, le PCF demande à Lecoeur d'exclure, au motif d'une affaire de mœurs, Roger Pannequin, qu'il avait déjà accepté de sanctionner en 1951 par un blâme lors de l'affaire Pronnier. Quelques semaines après[107], François Billoux convoque Louis Lambin[107], arrivé à la tête de la fédération du Nord en 1950 avec l'appui de Lecoeur[108], qui se retrouve soudain accusé d'une « politique pas assez collective » tandis que sa femme, secrétaire à l’Union locale des syndicats, perd son emploi[107]. Louis Lambin et toute son équipe sont remplacés par un trio de permanents syndicaux de la métropole lilloise, Hector Viron[108], Jean Colpin[109] et Gustave Ansart, qui organisera deux ans après l'agression d'Auguste Lecœur en juin 1956 et sera récompensé le mois suivant par une entrée au bureau politique à 33 ans, puis sous Georges Marchais par la circonscription sidérurgique de Denain, la plus facile de la région malgré sa faible expérience des questions sidérurgiques. Une fois Lecoeur écarté, les ennuis de Louis Lambin cesseront et il sera ensuite réhabilité lors d’un comité fédéral du Nord dirigé par Léon Mauvais[107], à condition d'expliquer qu'il avait été la victime d'Auguste Lecœur qui aurait voulu faire un exemple en « cassant » un jeune cadre dont la personnalité commençait à émerger[107],[108].
Peu avant le comité central d'octobre 1953 à Drancy, Le Monde publie un rapport de Lecoeur proposant de renforcer le poids des ouvriers dans la vie du PCF, en scindant en 4 la puissante fédération de la Seine[110],[5], tout comme il avait demandé au même moment à Louis Lambin de décentraliser l'équipe dirigeante du PCF dans le Nord entre plusieurs villes. Dès 1951, sensible aux accusations d'avoir laissé des provocateurs s'infiltrer au PCF, Leceur avait instauré des « instructeurs politiques de cellule »[111], visant à recentrer le PCF sur des militants sûrs.
Cette politique est soudainement dénoncée à l'automne 1953 par un article de Gaston Plissonnier dans les Cahiers du communisme, car elle créerait à tous les échelons du parti, une "surveillance hiérarchique permanente des cadres"[111] », en fait déjà pratiquée à grande échelle depuis les années 1930, comme le montrera en 2000 l'enquête de Bernard Pudal et Claude Pennetier[104]. Plissonnier insiste sur l'importance de la cellule dans l'organisation du PCF[59], selon lui dévalorisée par Lecœur, et il est nommé adjoint de Lecoeur au secrétariat à l'organisation du pCF, en vue de le remplacer [112].
Le 7 décembre 1953[111], la direction du PCF demande cette fois à Louis Aragon de lancer une série d'accusation contre l'ouvriérisme supposé de Lecœur dans le domaine culturel et contre le peintre André Fougeron qu'il avait recruté pour l'exposition "Au Pays des mines".
L'éviction de Lecœur, qui se met ainsi en place à l'automne 1953 sous forme de menaces tous azimuths, est contemporaine de celle des dirigeants de plusieurs départements où le PCF est très implanté, à partir de 1952-1953, de qui on exige aussi, souvent sous des menaces diverses, des autocritiques. Le Pas-de-Calais est visé mais aussi trois autres grosses fédérations très « résistantes » pendant la guerre, le Nord, la Somme et les Bouches-du-Rhône[113], où le processus a commencé dès 1952[113].
Dans le Nord-Pas-de-Calais, la très solide implantation de Lecœur et son prestige font craindre à la direction du PCF que cette éviction soit difficile. Elle cherche des motifs suffisants, les uns après les autres. Comme pour celle de Tillon et Marty en 1952, un système « en pyramide » est mis en place pour atténuer les protestations de militants contre son éviction, qui l'apprennent lors de réunions soigneusement préparées en amont[114]. Il s'agit d'obtenir l'unanimité, mais Benoît Frachon, numéro un de la CGT refusera de s'y joindre.
Lors de la grève des fonctionnaires de l'été 1953, de larges fronts syndicaux sont cependant recherchés par la CGT pour éviter la répression des grèves de 1947, 1948 et 1950, ce qui fragilise le projet de réunification syndicale de Lecoeur. Pour l'accuser de gauchisme, on rappelle aussi qu'il avait validé l'arrêt des cokeries dans le Nord lors de la grève des mineurs de 1948, au coût financier potentiellement élevé, même si ce choix fut fait aussi dans le bassin minier de Carmaux. On l'accuse enfin, sans éléments solides non plus, d'être un frein à un projet, encore très hypothétique, de rapprochement avec la SFIO.
Le 22 janvier, en l’absence de Lecœur, Maurice Thorez valide le travail de la "commission d’enquête"[106] qui le convoque pour le 22 février 1954 à huis-clos, mais il refuse de s'y rendre[106].
Le procès de mars 1954 et la diabolisation
Michel Vandel, de la nouvelle fédération de Seine-et-Oise, qui avait travaillé avec Lecœur à la section d'organisation, est chargé d'instruire le « procès » qui occupe la totalité des deux jours d'un comité central les 5 et 6 mars 1954. Son discours fustige les « instructeurs politiques de cellule » proposés dès 1951 par Lecœur et dans son rapport d'octobre 1953[115]. François Billoux aura la mission de l'achever si cela ne suffit pas, mais tous les intervenants ont au préalable ajouté chacun une pierre à la lapidation.
Lecœur ne s'y présente pas et René Camphin, avec qui il est désormais brouillé, décède mystérieusement le 5 mars après avoir quitté la réunion dès le midi[116].
Le Monde souligne alors que ce décès « a eu un profond retentissement dans les milieux communistes limousins » en raison des réunions que René Camphin « organisait depuis un mois » pour la libération des inculpés des Affaires de Domps et Chambenet[13], en notant qu'on « se demande si la disgrâce de M. Lecœur n'aura pas des répercussions sur la fédération communiste » de Guingouin[117].
Ces réunions on lieu depuis le début février 1954, en Haute-Vienne, fédération communiste qui avait confié en 1950 la responsabilité de l'enquête sur cette affaire à son secrétaire général-adjoint, l'ex-colonel de la Résistance Georges Guingouin, lors d'un congrès fédéral de 1950, présidé par Auguste Lecœur[13]. Georges Guingouin est un autre résistant prestigieux, ex-chef des maquis du Limousin, exclus du PCF en 1952, qui avait refusé en 1944 l'ordre de la direction du PCF de prendre la ville de Limoges, jugeant plus prudent et efficace d'attendre quelques semaines.
Concernant Aguste Lecoeur, les vraies causes de l'éviction ne manquent pas, selon l'historien Yves Le Maner[106]: rivalité avec Jacques Duclos depuis 1952[106], craintes de Maurice Thorez, qui aurait déclaré après son éviction « Il voulait m'enterrer avant que je meure »[106], hostilité de sa femme Jeannette Vermeersch[106], plusieurs fois prise en défaut par Lecœur, et surtout les luttes liées à la déstalinisation après la mort de Staline en mars 1953, exacerbées en France par le souhait du PCF de trouver un « bouc émissaire »[106] aux deux années de déclin de son nombre d'adhérents[106].
La liste des griefs identifiés par les historiens n'a cessé de s'épaissir avec les décennies. Yves Le Maner écarte « les accusations de droit commun, formulées par le PCF, comme dans tous les procès de type stalinien »[106]. Annie Kriegel, qui a travaillé sur le communisme entre 1964 et 1984, a retenu un désaccord de fond général entre dirigeants communistes à l'époque de la mort de Staline, Philippe Robrieux évoquant en particulier, à la même époque, le réflexe de défense du noyau historique du PCF, autour de Maurice Thorez[118], après l'entretien entre Lecœur et Souslov de l'été 1953 à Moscou, qui ne sera révélé que par les mémoires de Lecoeur dix ans après son éviction.
Maurice Thorez craignait que les Soviétiques ne se servent de lui pour imposer une déstalinisation via un allié français. Cette thèse sera solidement renforcée par la révélation fin 1990 par Marc Lazar de la découverte aux archives d'un compte-rendu du représentant italien à une première réunion à la même teneur, tenue à Moscou dès juillet 1953, dont le représentant français, Jacques Duclos, n'a jamais soufflé mot à son retour à Paris.
Auparavant, en 1989-1990, Lecœur avait affirmé au cinéaste Mosco que Maurice Thorez aurait tout tenté pour l'évincer, y compris la menace de s'en prendre aussi à René Camphin par ailleurs atteint d'un cancer depuis 1950, afin de l'obliger à accuser Lecoeur lui aussi, ce qui aurait pu contribuer au suicide de cette autre icône de la Résistance, en pleine « affaire Lecœur », hypothèse dont Lecœur acceptera peu après de reparler peu avant sa mort à l'historien Guillaume Bourgeois, sans réellement donner plus de précisions.
Les enregistrements du « procès » de mars 1954, retrouvés aux archives et publiés en 1998 par ce dernier, ne comportent pas cette menace. Ils témoignent surtout d'une autre menace, omniprésente, de continuer à accuser publiquement Lecœur, comme Aragon l'avait fait dès octobre 1953 d'avoir brimé les intellectuels du PCF depuis 1949, et qui sera, elle, mise à exécution ensuite pendant des années. Six mois après son éviction du secrétariat du PCF, Lecoeur finit par accepter de se présenter devant la « commission d’enquête » le 25 novembre 1954[106]. Deux mois après il est exclu pour un an du PCF[106], puis définitivement le 16 novembre pour « conceptions opportunistes (...) masquées par une phraséologie gauchiste et aventuriste »[106].
La CGT accepte de supprimer son poste de président du syndicat régional des mineurs du Nord-Pas-de-Calais, ce qui lui interdit tout repli[106], mais sans calmer la presse et la direction du PCF[106], Jacques Duclos écrivant dans L'Humanité du 22 octobre 1955 que « Lecœur, c’est Doriot ! »[106]. Les menaces redoublent huit mois plus tard lorsqu'il est invité à un congrès de la SFIO puis peu après à parler dans un meeting d'information sur la déstalinisation: un commando du PCF investit la tribune et le tabasse[119].
Le pamphlet de 1955 et le métier de chauffeur routier
Au début de l'année 1955, il est exclu à titre temporaire du PCF et rédige L'Autocritique attendue un pamphlet au titre ironique où il dénonce les méthodes staliniennes de la direction du PCF, qui l'exclut définitivement fin 1955. Il perd au même moment son poste de député. Privé de son salaire de permanent politique, Auguste Lecœur se fait embaucher comme chauffeur routier dans une entreprise de transports internationaux et s'installe dans un pavillon à Antony en région parisienne.
Au cours de l'année 1955, il organise aussi le "Mouvement communiste et national" et fonde le mensuel La Nation socialiste [1].
Les élections de janvier 1956 et l'agression de juin
À l'été 1955, il se rapproche d'un autre contestataire du PCF, Pierre Hervé, rédacteur en chef adjoint de L'Humanité de décembre 1946 jusqu'en 1950[120], qui est en train de rédiger La Révolution et les fétiches, publié en janvier 1956[121], amenant L'Humanité à annoncer son exclusion. Sans se résigner à un dénigrement frontal du PCF à la André Marty ou Auguste Lecœur[122], il accuse son ex-parti de « créer une théologie redoutable » consistant à ramener la vérité à « une révélation faite à certains hommes en raison de leur origine, leur condition et leur rang dans une hiérarchie »[122]. C'est un clin d'œil à la science prolétarienne des années 1948-1951, car selon lui, un « fétichisme moralisant pénètre dans la science, la philosophie et les arts, via le stalinisme français[122]. Dès le 22 novembre 1946[120], Pierre Hervé avait titré « Il n’y a pas d’esthétique communiste » un article dans Action[120], se voyant sanctionné et convoqué par Maurice Thorez, Duclos et André Marty, puis subissant un réquisitoire de Louis Aragon et une autocritique de Roger Garaudy qu’il avait refusé de suivre[120].
Attentif aux premiers signes de la déstalinisation et en lien avec Lecœur, Pierre Hervé y dénonce le fait que « les idées reçues de l'Est soient si peu examinées, discutées, analysées, dans leurs tenants et aboutissants ». Il publiera un autre livre critique, Dieu et César sont-ils communistes ?[123]. En 1956, juste après son exclusion définitive, Lecœur crée avec lui et d'autres anciens communistes comme Auguste Havez un hebdomadaire intellectuel de réflexion, La Nation socialiste, imprimé à 6 000 exemplaires par l'Imprimerie du Cantal à Aurillac et diffusé dès le 26 avril, puis un parti politique, le Mouvement communiste démocratique national. Pierre Hervé sera candidat SFIO à une législative dès le 13 janvier 1957 dans la première circonscription de Paris, dans l'attente de « la résolution sur l'Algérie » votée par le Congrès[124].
Son éviction du PCF débouche sur un affaiblissement durable de ce parti dans le Pas-de-Calais, qui ne retrouvera jamais son niveau de 1951. Aux législatives de janvier 1956, il est stable, en voix, profitant dans tout le pays du reflux du RPF, mais plus particulièrement, la loi des apparentements n'étant plus beaucoup utilisée[11], et reprend 47 députés, dont 2 dans le département du Nord[11].
Mais dans le Pas-de-Calais, le PCF reperd au contraire un point et garde de justesse ses 5 députés, là où la SFIO regagne 5,5 points[11], enrayant ses déclins de 1946 et 1951. Dans la 2e circonscription, celle de Lecœur et ses amis, Arras et le bassin minier, les socialistes regagnent même 8 points[11], à presque 33 %, et le PCF rebaisse[11]. C'est désormais dans le versant oriental du bassin minier, la 3e circonscription du Nord, que le PCF est au plus haut: 37 % des voix[11], contre seulement 23,5 % pour les socialistes[11]. Guy Mollet, leur traditionnel chef de file dans Pas-de-Calais, triomphe : sur ses 89 députés, 15 viennent du Nord-Pas-de-Calais[11]. Peu après l'élection, le Président de la République le nomme président du Conseil, alors qu'on attendait Pierre Mendès France, leader du Front Républicain. Le PCF va même le soutenir, pour se rapprocher des partis de gouvernement comme le veut la détente pratiquée en URSS.
Cinq mois après les élections, en juin 1956, Lecœur est « victime d'une violente agression attribuée a un commando communiste, a l'issue d'une reunion publique à Hénin-Liétard », selon l'AFP [1]. Il venait d'assister comme invité au congrès de la SFIO à Lille du 28 au 30 juin[4] puis devait prendre la parole à un meeting SFIO à Hénin-Liétard, future Hénin-Beaumont, organisé par Fernand Darchicourt, le maire SFIO de la ville et consacré à la déstalinisation : peu avant, il est violemment agressé par un groupe mené par Gustave Ansart[119], 33 ans, qui vient d'être élu député PCF du Nord. Roué de coups à la tribune, puis tabassé dans les coulisses, Lecœur voit son visage boursouflé et ensanglanté à la "Une" de la presse nationale, notamment de France-Soir.
L'adhésion à la SFIO un mois avant les élections d'octobre 1958
En octobre 1958, un mois avant les élections législatives de novembre, il adhére à la SFIO, alors qu'il exprimait quelques années plus tôt encore un rejet viscéral de ce parti et de ses idées[70]. Aux législatives de 1958, qui voient les gaullistes percer comme en 1951, le PCF perd ses 12 députés dans la région. Son discours anti-fasciste, récurrent depuis 1947, ne parvient pas à profiter du Coup d'État du 13 mai 1958. La diabolisation du général de Gaulle lancée par le quotidien régional communiste Liberté, sous forme d'un éditorial de Jacques Duclos, repris de L'Humanité, non plus, alors que Jacques Estager, journaliste local de Liberté, a fait une distinction plus fine entre les « ultras » et de Gaulle. Dans le Nord, la chute du PCF a surtout lieu au référendum de septembre 1958 lancé par de Gaulle, et reste plus modérée aux législatives de novembre 1958, alors que, dans le Pas-de-Calais, le recul est beaucoup plus spectaculaire aux législatives: -8 %, un désaveu pour les équipes qui ont succédé les années précédentes à Lecœur, Camphin, Pannequin et Legrand.
L'autobiographie antistalinienne de 1963
En 1963, il écrit en six semaines un ouvrage autobiographique Le Partisan, qui aura un réel succès. Trois ans après, Louis Aragon réédite son œuvre Les Communistes en modifiant le cinquième tome[125], au sujet duquel Auguste Lecœur lui avait fait une remarque dont il n'avait pas tenu compte dans la première édition, ce dont Lecœur s'indigne dans Le Partisan[125]. L'œuvre de Louis Aragon met en scène des militants communistes au début de la Résistance dans le stade d'Hénin-Liétard, dans le bassin minier du Nord, parmi lesquels Léon Delfosse, qui sera directeur des Charbonnages de France de 1945 à 1947. Alors que l'écrivain était venu dans la région rencontrer Lecœur et lui avait lu ensuite le passage mettant en scène Léon Delfosse[125], Lecœur avait mis en doute l'importance de ses actions résistantes et expliqué qu'il avait été promu au comité central, contre la volonté des délégués syndicaux, à la demande insistante et peu appréciée de la femme de Maurice Thorez[125]. La version rééditée en 1966 du roman Les Communistes tient finalement compte des écrits de Lecœur et réduit le rôle de Léon Delfosse[125].
Auguste Lecœur sera impliqué jusqu'à sa mort, en 1992, dans la tentative de constitution d'un certain nombre de petites formations politiques proches de la social-démocratie, comme le mouvement « Socialisme et Liberté », fondé en 1968 avec député-maire SFIO de Saint-Amand-les-Eaux (Nord), Georges Donnez, puis le Parti de la démocratie socialiste, aux côtés du maire de Mulhouse Émile Muller, ou la Fédération des socialistes démocrates en 1978.
Dans ses différents ouvrages, il a souvent essayé d'analyser le processus de stalinisation. Bien que pigiste au Figaro, il n'a jamais dévoilé les secrets dont il était détenteur comme responsable des activités clandestines du Parti.
Peu avant l'élection présidentielle de 1981, il publie une nouvelle histoire du stalinisme au PCF en mettant en cause le passé et le parcours du candidat désigné par le PCF Georges Marchais, qui coïncide avec de nouvelles révélations sur le fait qu'il ait travaillé dans une usine allemande pendant la Guerre puis ait bénéficié d'une promotion politique rapide favorisée par Maurice Thorez[126]. C'est en 1971 qu'il avait lancé une offensive en règle contre le nouveau secrétaire général du PCF[5].
À son décès en 1992, L'Humanité ne publiera que quelques lignes non signées, maintenant qu'il n'a organisé la grande grève des 100 000 mineurs du Nord et du Pas-de-Calais qu'« au côté de Jacques Duclos » et affirmant qu'il « fut souvent sollicité par la presse écrite et audiovisuelle pour participer à des campagnes montées contre la direction du PCF et son secrétaire général »[127].
Les apports historique de 1971, 1977 et 1980
Avant et après , avant même le succès en 1974 des livres de Soljenitsyne sur le Goulag, la tension entre le PCF et les nouveaux partis trostskistes et maoistes accélère la déstalinisation intellectuelle en France, et avive l'intérêt des médias pour le regard critique sur le passé du PCF, en particulier son lien avec Staline dans les années 1950 et l'éviction des grands résistants par Maurice Thorez.
La Tchécoslovaquie et les affaires Garaudy et Tillon
Adversaire déclaré du sécrétaire général du PCF Georges Marchais, Lecoeur « s'en prend violemment a plusieurs reprises » et « notamment à son attitude pendant la guerre »[1], y consacrant un livre entier, publié en janvier 1980, alors qu'une candidature Marchais à la présidentielle se profile[128].
Lecœur s'oppose à Georges Marchais dès qu'il devient sécrétaire général-adjoint, poussé par les soviétiques[129], au congrès du PCF à Nanterre le 4 février 1970, et de fait numéro deux, Waldeck Rochet étant gravement malade depuis des semaines. Ce congrès voit l'éviction de Roger Garaudy, qui avait pris la tête de l'opposition à l'intervention soviétique de l'automne 1968 en Tchécoslovaquie, lui consacrant même un livre [130],[131] et son épouse venant de signer dans Le Monde du 16 janvier 1970, avec d'anciens grands résistants et dirigeants du PCF exclus dans les années 1950, parmi lesquels Jean Chaintron, Paul Noirot, Roger Pannequin et Charles Tillon, un hommage aux précurseurs du "Printemps de Prague"[132].
Dans la Nation socialiste de février 1970, Lecoeur défend en Roger Garaudy l'un « des plus talentueux intellectuels du PCF », qui ne fait que reprendre les propositions que lui-même, Georges Guingouin et Pierre Hervé avaient formulées quand ils avaient fondé, en juin 1958, le mouvement communiste démocratique et national[133]. Le Monde du 6 février 1970 observe que depuis qu'a éclaté l'affaire, le PCF « n'est plus accusateur mais accusé » et se défend en parlant de mensonge de "haine et de " déchéance "[134], mais le 30 avril, l'exclusion de Roger Garaudy est votée par sa cellule de Chennevières sur Marne[135] et en mai 1970, au micro d'Europe 1, il maintient ses accusations contre le PCF au sujet d'un document donné au PC tchécoslovaque pour nuire à son ex-dirigeant Alexander Dubcek [136]. Puis Garaudy met en cause avec une ardeur accrue le " groupe Marchais ", distinct selon lui du reste de la direction du PCF, qui l'accuse de "prendre la tête " de la campagne anticommuniste[137]
Le 3 juin 1970, Le Nouvel Observateur publie, sous le titre « Il n'est plus possible de se taire », un appel de quatre anciens résistants et responsables du PCF, Roger Garaudy, Maurice Kriegel-Valrimont, Jean Pronteau et Charles Tillon, qui reprochent à Georges Marchais de n'avoir participé à aucun des " combats vitaux " du parti communiste[129],[138].
Le 11 juin 1970 est annoncé la création du Secours rouge international, éponyme de son ancêtre du début des années 1920, chargé lui aussi de défendre des militants poursuivis[139]: 17 personnalités de son "comité d'initiative" lancent un appel présenté par Jean-Paul Sartre le 18 juin. Parmi elles, d'ex-résistants célèbres, Charles Tillon, Eugénie Camphin[140] et Roger Pannequin[141] signataires une semaine avant de l'appel dénonçant Marchais dans Le Nouvel Observateur. Jean Chaintron qui fut un temps au PSU, en 1967-1968, ancien secrétaire du Secours rouge international, est son président[142] mais Lecoeur est resté à l'écart, car brouillé avec Charles Tillon et Roger Pannequin, d'un projet déjà vieux de juillet 1969 au sein de la gauche prolétarienne[143], mais freiné par les dissensions entre groupes gauchistes[144] et leur fascination pour la violence[145], qui entrainent le départ des ex-résistants dès juin 1971[146].
Entre-temps, le 1er juillet 1970, Charles Tillon affirme dans L'Obs que la direction du PCF cherche à obtenir son exclusion et demande : "Pourquoi Marchais, en se décidant à pénétrer dans le P.C. en 1947, a-t-il remis à un membre du comité central une biographie mensongère, déclarant qu'il était resté en France pendant toute l'occupation ? ". Sa lettre met aussi en cause Georges Gosnat et Jean Jérôme[147] et fait la Une du journal[148]. Dans L'Express, Michèle Cotta « souligne à quel point l'action de Charles Tillon a été passée sous silence depuis 1952 » [148]. Il est exclu trois jours après de sa cellule, à Aix-en-Provence[138] et dans L'Humanité du 21 juillet 1970, André Vieuguet affirme au contraire que Marchais fut victime de la déportation du travail et effectua une tentative d'évasion en février 1943. Lecoeur le soutient et souligne que l'ascension au PCF de Georges Marchais, à partir du congrès de juin 1959, résulte de l'appui des Soviétiques[149] et son ralliement à l'Union de la gauche, qui sera conclue en 1972, est opportuniste et tributaire du jugement des soviétiques sur la question[149].
Publications de mars 1973 et procès gagné contre Marchais
La polémique rebondit en 1973 quand Lecoeur produit dans l'édition de mars de son journal La Nation socialiste des documents témoignant du passé de Georges Marchais en 1939-1945, amenant ce dernier à lui intenter un procès, visant aussi Jean Boizeau, directeur de Minute et Pierre Lucchini, directeur de Rivarol, qui ont repris ces accusations[138]. Lecoeur y produira le témoignage écrit de l'ex-leader résistant Eugène Saint-Bastien, conseiller municipal PCF de Paris (19e et 20e arrondissements) de 1944 à janvier 1956, date à laquelle il a été évincé par son parti via une fausse lettre de démission[150], pour avoir soutenu Lecoeur, en cours d'exclusion[151]. Selon ce dernier, les documents viennent de fuites au sein du "comité de criblage" de la Fédération des déportés[152], qui avait accès au dossier de tous ceux qui rentraient d'Allemagne[152]. Un autre communiste dissident, Georges Heckli, ex-adjoint administratif au ministère des anciens combattants, révèlera en 1991 au cinéaste Mosco Boucault et au quotidien Le Monde que cette administration comptait 52 militants communistes en 1956, année où certains ont fait disparaître des archives le contrat de travail en Allemagne pendant la guerre de Georges Marchais[153],[154], qui venait d'accéder en 1956 au Comité central puis en 1959 au bureau politique du PCF. Georges Heckli a ensuite déclaré en en 2001 au journaliste Thomas Hofnung, auteur d’une biographie de Georges Marchais que Gaston Auguet lui avait demandé de retrouver ce dossier pour y détruire certains documents[155].
Entre-temps, la signature du programme commun de l'Union de la gauche en 1972 assure Georges Marchais de nouvelles sympathies au sein de la gauche non communiste et Lecoeur se retrouve isolé, d'autant que les autres anciens résistants mobilisés en 1970 ont quitté le Secours rouge international dès 1971.
Pendant la procédure judiciaire, le représentant du ministère public l'accuse d'avoir volontairement ignoré un texte du 4 septembre 1942 prévoyant déjà l'éventualité du travail forcé avant le départ de Marchais, effectué avant son instauration[156] et Le Monde donne principalement la parole à l'avocat[157] puis au secrétariat du parti communiste [158], mentionant en quelques mots qu'Auguste Lecœur porte plainte pour dénonciation calomnieuse, tandis que L'Humanité du 29 juin omet de mentionner l'ordonnance du 25 juin 1977, qui prononce un non-lieu quant à l'origine de la falsification des documents incriminés par Georges Marchais, avec un renvoi en correctionnelle. A l'audience qui suit 4 mois après, Le Monde accuse Lecoeur de « recourir souvent au ton de la polémique ou de la chamaillerie puérile »[152], ce qui indisposerait le tribunal et présente Marchais comme la victime « d'une campagne de dénigrement née de luttes de factions au sein de son parti au moment de son ascension » au milieu des années 1950[152].
En octobre, Georges Marchais est finalement débouté de sa plainte par la chambre correctionnelle du tribunal de Paris[159], jugement est confirmé en 1978 par la cour d'appel de Paris[159], et en mars 1980 c'est L'Express qui relance la polémique en publiant la fiche des archives municipales d'Augsbourg en Bavière (Allemagne) - qui tend à établir que Marchais serait resté volontairement en Allemagne au moins jusqu'au 10 mai 1944[159], tandis qu'en février 1981 Le Point affirme établir avec certitude que M. Marchais "a travesti la vérité" sur son attitude pendant la guerre[159] mais Auguste Lecoeur est déjà sorti de son isolement grâce à l'historien Philippe Robrieux et a déjà publié son livre de 1980, qui relève que Georges Marchais vient lui-même d'affirmer dans une interview qu'il doit son ascension au PCF à Maurice Thorez et ajoute que son profil de non-résistant correspondait parfaitement aux besoins de Thorez au milieu des années 1950 pour évincer les résistants du parti[160]. Auguste Lecoeur y indique que la démarche de Marchais consistant à se parer du titre de "déporté" et "d'évadé" est ce qui le "choque vraiment", lui et "la masse de nos contemporains". Il s'indigne au passage de voir Georges Marchais « soutenir le pouvoir en place dans l'affaire Robert Boulin » dans l'espoir que l'Elysée « lui rende la pareille le cas échéant ».
Attaques de Pierre Daix, Pannequin, Duhamel et Kriegel
En 1975, le premier ouvrage d'un universitaire et agrégé d'histoire, Philippe Robrieux, consacré à Maurice Thorez, montre combien ce dernier, attaché au stalinisme, fit tout pour « désamorcer » la publication du « rapport Khrouchtchev » () au XXe congrès du PCUS[161]. Dans le même esprit, l'année suivante, les mémoires de l'ex-journaliste communiste Paul Noirot[54],[100], racontent comment Jacques Duclos a dissimulé[162] à l'été 1953 le contenu réel de la réunion de Moscou dénonçant le stalisme après la Mort de Staline[103], confirmant ainsi le récit effectué par Lecœur dans son autobiographie dès 1961. Mais la presse élude le sujet[163]et une vague d'autres livres, hostiles, est publiée en 1976 et 1977 alors qu'il se retrouve finalement isolé et accusé d'affaiblir sérieusement le PCF mais aussi l'Union de la Gauche dans le procès qui l'oppose à Georges Marchais: Jacques Fauvet, directeur du journal Le Monde, hostile à lui pendant le procès Marchais, réédite notamment son "Histoire du PCF", co-écrite avec Alain Duhamel, tandis que sortent les livres de Pierre Daix, resté très proche de Louis Aragon, et d'Annie Kriegel. Tous deux avaient couvert en 1953 le « Complot des blouses blanches » puis milité activement pour son éviction en 1954. Pierre Daix trace de Lecoeur un profil encore plus sombre et diabolique que celui formulé lors de son éviction en 1954[164], l'accusant, sans preuves, d'être le symbole et l'instigateur des pires errements du PCF entre 1949 et 1953, évoquant l'affaire du portrait de Staline et le complot des blouses blanches, dans lequel les errements du quotidien Ce soir auraient résulté de ses pressions, via le discours du 21 janvier 1953[165], alors que L'Humanité avait attaqué les médecins russes plusieurs fois avant. L'année suivante, Annie Kriegel s'en prend à lui aussi sur le même sujet[166] et affirme que son soutien à Picasso contre Lecœur, dans l'Affaire du portrait de Staline, aurait contribué à sa perte de responsabilité en décembre 1953[167], le secrétariat du PCF décidant le 11 février 1954 « d'envisager pour elle un emploi technique dans une organisation dépendant du Comité central »[167], période où elle a débuté des recherches universitaires sur l’origine du PCF avec Ernest Labrousse[167] avant de se rallier aux gaullistes en mai 1958[167].
Annie Kriegel et Pierre Daix deviennent en 1976-1977 des spécialiste médiatiques du communisme: la première est chroniqueuse régulière dans Le Figaro à partir de 1976[167], Robert Hersant et Max Clos lui confiant aussi un éditorial hebdomadaire en 1977[167], tandis que Pierre Daix devient au même moment chroniqueur régulier dans Le Point puis conseiller de Philippe Tesson à la direction du Quotidien de Paris. Ces deux années voient aussi publiées les mémoires d'autres grands résistants, Charles Tillon[168] et Roger Pannequin, tous deux brouillés avec Lecoeur, qui rappellent sa complicité avec leurs évictions de la direction du PCF, en 1952 et 1953. La presse en parle beaucoup, notamment Pierre Daix pour évoquer le mystère du décès de René Camphin en 1954[169]. Alors que le livre publié par Lecoeur en 1971, "Croix de guerre pour une grève. 100 000 mineurs contre l'occupant 27 mai-10 juin 1941" n'a pas eu le succès espéré, le suivant sort en 1977 chez Robert Laffont un autre éditeur, consacré à l'actualité: "Le PCF, continuité dans le changement. De Maurice Thorez à Georges Marchais" mais Le Monde moque successivement des « scissions d'antan et de vétérans »[170] et des « témoignages de disgraciés » [171], ou « un livre trop sommaire, fait de bric et de broc »[171] y compris sur l'épisode des dissimulations de Jacques Duclos après la mort de Staline en août 1953[171].
Lecœur se rapproche alors de l'historien Philippe Robrieux, qui prépare la publication à partir de la première Histoire intérieure du Parti communiste saluée par ses pairs. Les quatre volumes se suivront en peu de temps, le 1er, publié en 1980, étant suivi d'un 2e dès le printemps 1981, qui couvre la période d'après-guerre, avec les éléments fournis par Lecoeur[172]. Dirigeant contestataire de l'Union des étudiants communistes à la fin des années 1950, puis universitaire et agrégé d'histoire, Robrieux partage avec Lecœur des informations sur Georges Marchais[128]. Lecoeur lui confie ses carnets de note, qui ont permis à l'historien d'établir des tableaux d'effectifs de militants du PCF[173], montrant le déclin des années 1950, ou des souvenirs permettant à Robrieux de glisser quelques lignes sur les menaces du PCF contre Lecœur en 1954, en particulier celle de l'accuser d'être indirectement responsable du sabotage meurtrier d'un train de voyageurs pendant les grèves de 1947 dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais[172]. Dès la fin de l'année 1978, Lecoeur est aussi interviewé par un autre historien, l'américain Irwin M. Wall.
Décoration de juillet 1992
Déjà "Croix de guerre 1939-1945", Auguste Lecoeur a été fait chevalier de la Legion d'honneur dans la promotion du 14 juillet 1992, deux semaines avant son décès le 28 juillet 1992[1]. Dans sa courte nécrologie, l'AFP mentionne, contre toute vraisemblance, qu'il a organisé « au coté de Jacques Duclos, la grande » grève patriotique des cent mille mineurs du Nord-Pas-de-Calais en mai-juin 1941[1]. Georges Marchais n'a pas réagi à son décès, laissant le président du groupe PCF à l'Assemblée André Lajoinie déclarer prudemment « il a évolué, il a changé. Il a terminé ses jours au Parti socialiste. C'est une trajectoire que je ne compte pas suivre. L'histoire fera la part des mérites et des non-mérites de cet homme-là »[174].
Fonctions tenues par Auguste Lecœur
Électives
- Maire de Lens : -
- Député du Pas-de-Calais : 1re Assemblée nationale constituante, -
- Député du Pas-de-Calais : 2e Assemblée nationale constituante, -
- Député du Pas-de-Calais : Assemblée nationale, -
- Député du Pas-de-Calais : Assemblée nationale, -
Gouvernementales
- Sous-secrétaire d'État à la Production industrielle (charbon) du au (gouvernement Félix Gouin)
- Sous secrétaire d'État à la Production industrielle (charbon) du au (gouvernement Georges Bidault (1))
Politiques
- Membre du Comité central du Parti communiste français (PCF) : -
- Bureau politique du Parti communiste français : -
- Secrétariat à l'organisation du Parti communiste français : -1944 (clandestin), -
- Secrétaire général du Parti de la démocratie socialiste (PDS): 1970-1973
Syndicales
- Président de la Fédération régionale CGT des mineurs du Nord-Pas-de-Calais : 1948
Sources
Ouvrages d'Auguste Lecœur
- L'Autocritique attendue, Éditions Girault, Paris, 1955[1].
- Le Partisan, coll. « l'actuel », Flammarion, 1963,
- Le Parti communiste français et la Résistance, Plon, Paris, 1968.
- Croix de guerre pour une grève. 100 000 mineurs contre l'occupant -, Plon, Paris, 1971.
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Autres sources
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- Pannequin Roger, Adieu camarades, Paris, Sagittaire, 1977
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Notes et références
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- "Le parti communiste français dans la région du Nord en 1958, par Serge Curinier, aux Publications de l’Institut de recherches historiques du Septentrion
- "Le Nord-Pas-de-Calais en 1958", par Philippe Roger, Publications de l’Institut de recherches historiques du Septentrion, 2018
- Le Maitron
- Biographie Le Maitron de Jeannette Prin, octobre 2008
- Article d'Olivier Nowicki dans La Voix du Nord le 28/05/2018
- Dans "Les bataillons de la jeunesse", publié en 1967, l'ex-FTP Albert Ouzoulias reproduit une photo des deux plaques, sans questionner la validité de la seconde
- Témoignage de Roger Pannequin en page 114 du film-livre Mémoires d'Ex
- "Auguste Lecœur et la grève des mineurs de 1941" par YVES JEANNEAU ET SIMON BOUCHER Le Monde du 8 juin 1981
- Témoignage de Roger Pannequin en page 113 du film-livre Mémoires d'Ex
- « André Stil », sur Maitron
- « Waziers, la chance de ma vie », écrivit Stil cinq ans plus tard, dans un hommage vibrant à Thorez
- "Aragon et la grève des mineurs de mai-juin 1941" par Lucien Wasselin, dans Faites entrer l'Infini de juin 2011
- "Le bolchévisme à la française" par l'historien Stéphane Courtois
- L'Humanité des 16, 17 et 18 juin 1949
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- titré "Critique aux critiques"
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- "50 ans d'une passion française : de Gaulle et les communistes" par Stéphane Courtois et Marc Lazar, Editions Balland, 1991
- Aragon au pays des mines par Lucien Wasselin et Marie Léger, Le Temps des Cerises éditeurs, 2007.
- Aragon et la grève des mineurs de mai-juin 1941 par Lucien Wasselin, dans Faites entrer l'Infini de juin 2011.
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- Biographie Le Maitron de Lucien Duffuler
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- Biographie Le Maitron d'Eugénie Camphine
- "Adieu camarades. Les années sans suite, par Roger Pannequin, aux Editions Le Sagittaire, Paris, 1977
- "Le Secours rouge est profondément divisé" par Thierry Pfister, dans Le Monde 17 avril 1971
- " De la révolution prolétarienne aux révoltes démocratiques (1966-1974) : une étude de la mouvance maoïste française" par Camille Anglada Université Paris I Panthéon-Sorbonne UFR 09 Histoire Master d’Histoire des Sociétés Occidentales Contemporaines
- "Histoire du gauchisme: L'héritage de Mai 68" par Philippe Buton, Olivier Wieviorka · 2021
- IGPN: Une institution au-dessus de tout soupçon ?" par Frédéric Charpier
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- Le Monde du 6 septembre 1991
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- Biographie Le Maitron de Georges Heckli
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- "LE P.C.F. SE FÉLICITE DU RENVOI EN CORRECTIONNELLE DES DIRECTEURS DE " MINUTE " ET DE "LA NATION SOCIALISTE "" le 1er juillet 1977 dans Le Monde
- "La polémique sur l'activité de M. Marchais pendant l'Occupation". Dépêche de l'AFP le 16 novembre 1997
- "La Stratégie du mensonge : Du Kremlin à Georges Marchais" par Auguste Lecoeur en 1980
- Pierre Souyri, Philippe Robrieux, Maurice Thorez. Vie secrète et vie publique (compte-rendu), Annales, Année 1978, 33-4, p. 852-854
- Le bureau politique n'a eu « qu'une version affadie de la réunion du Kominform des 12 au 14 juillet 1953, au cours de laquelle, il a entendu mettre en accusation et, probablement déjà, impliquer Staline »
- "Le vent de l'histoire et sa mémoire" par Paul Morelle dans Le Monde
- J'ai cru au matin, Laffont, Paris, 1976, 470 p. (autobiographie politique) par Pierre Daix
- Pierre Daix, J’ai cru au matin, Paris, Laffont, 1976, p. 314. Cité par J.-J. Marie, op. cit., p. 164
- "Les Juifs et le monde moderne. Essai sur les logiques d'émancipation, Paris, Le Seuil, 1977, par Annie Krigel.
- Biographie Le Maitron d'Annie Kriegel
- "On chantait rouge", par Charles Tillon, Editions Robert Laffont, 1977
- "Une chronique de la bureaucratie" par Pierre Daix le 25 novembre 1977 dans Le Monde
- "Une rentrée monstrueuse" par Jacqueline Piatier le 26 août 1977 dans Le Monde
- "Deux témoignages de " disgraciés " sur le P.C" par Alain Duhamel le 16 septembre 1977 dans Le Monde
- "Histoire intérieure du Parti communiste" en 4 volumes, par Philippe Robrieux, Volume II, 1945-1972, Editions Fayard 1981
- "Histoire intérieure du Parti communiste", par Philippe Robrieux, 1984, compte-rendu par Denis Peschanski dans la revue d'histoire Vingtième Siècle en 1984
- Auguste Lecoeur: "un dirigeant important" du PCF qui " a changé", selon M. Lajoinie, dépêche AFP du 28 juillet 1992
Voir aussi
Bibliographie
- Roger Philippe, article Au sujet de l'affaire Lecœur in Gauheria no 69, p. 45 sq, 2009.
- Démarez André, article Les notes de Léon Delfosse sur l'affaire Lecœur in Gauheria no 69, p. 47 sqq, 2009.
Articles connexes
Liens externes
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