Bataille de France
La bataille de France ou campagne de France désigne l'invasion des Pays-Bas, de la Belgique, du Luxembourg et de la France, par les forces du Troisième Reich, pendant la Seconde Guerre mondiale. L'offensive débute le 10 mai 1940, mettant fin à la « drôle de guerre ». Après la percée allemande de Sedan et une succession de reculs des armées britannique, française et belge, ponctuées par les batailles de la Dyle, de Gembloux, de Hannut, de la Lys et de Dunkerque, elle se termine par la retraite des troupes britanniques et la demande d'armistice du gouvernement français, qui est signé le , les militaires ayant refusé la capitulation.
Matériel abandonné dans le nord de la France
Armées allemandes défilant à Paris
Soldats britanniques mettant en place une position d'armes
Véhicule blindé français détruit
Soldats français en route vers les camps de prisonniers de guerre allemands
Chars allemands traversant les ArdennesDate |
– (1 mois et 15 jours) |
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Lieu | Pays-Bas, Luxembourg et Belgique puis France |
Issue |
Victoire allemande décisive
|
140 divisions 3 383 chars 2 935 avions 3 300 000 hommes | 163 divisions 2 445 chars[1] 5 638 avions 3 350 000 hommes |
Note : il ne s'agit ici que des pertes militaires : France : 58 829 tués au combat officiellement[2] 123 000 blessés 1 800 000 prisonniers 1 875 blindés Belgique : 7 500 tués 15 850 blessés 600 000 prisonniers Royaume-Uni : 4 206 tués 16 815 blessés 47 959 prisonniers[3] 1 029 avions Totalité du matériel lourd terrestre Pays-Bas : 2 890 tués 6 889 blessés Pologne : 6 000 tués et blessés | Allemagne : 27 074 morts et 18 384 disparus[4]- 63 682 tués[source insuffisante][5] 111 034 blessés 1 290 avions 1 158 blindés Italie : 1 247 tués et/ou disparus 2 631 blessés 2 151 hospitalisés |
10 000 000 de civils néerlandais, belges, luxembourgeois et français déplacés ou réfugiés.
Batailles
Le territoire des quatre pays est alors occupé militairement selon différentes modalités : en France, une zone occupée par le Troisième Reich au Nord et à l'Ouest, une zone très réduite occupée par l'Italie dans le Sud-Est et une zone libre sous l'autorité du gouvernement de Vichy. Dans la zone nord de la France occupée, une zone dite « zone interdite » se compose des départements du Nord rattachés au gouvernement militaire de la Belgique occupée, sous les ordres du général von Falkenhausen, qui a tous les pouvoirs. Les cantons d'Eupen et de Malmedy, partie germanophone de la Belgique, à l'est du pays, devenus belges en 1919, sont annexés à l'Allemagne de facto ; il en est de même pour l'Alsace et le département de la Moselle ainsi que pour le Grand-duché de Luxembourg. Les Pays-Bas sont sous l'autorité d'un gouverneur issu du parti nazi, un gauleiter, qui dispose de tous les pouvoirs par délégation spéciale de Hitler. L‘ensemble de ces territoires n'est libéré par les offensives alliées qu'à partir de juin 1944 ; les derniers ne le seront qu'en mai 1945[N 1].
Contexte géopolitique
- 18 juillet 1936 au 1er avril 1939[6] : la guerre d'Espagne. Le Premier ministre britannique Neville Chamberlain refuse d'aider le gouvernement républicain espagnol et le gouvernement de Léon Blum ne peut déroger aux accords de l'Entente cordiale franco-britannique[7], ce qui permet au général Franco d'établir son emprise en Espagne, et à Hitler et Mussolini d’intervenir aux côtés des nationalistes et de tester leurs armes de guerre respectives. L'Union soviétique, quant à elle, soutient les républicains espagnols et envoie du matériel de guerre, des commissaires politiques et militaires pour organiser leur résistance[8].
- 30 septembre 1938 : les accords de Munich[9] avalisent l'annexion des Sudètes à Hitler. Avant de signer cet accord, le Premier ministre britannique Neville Chamberlain avait rencontré trois fois Hitler, sachant que le Royaume-Uni n'était pas suffisamment armé pour faire face aux ambitions du Troisième Reich et que les populations britannique et française ne voulaient pas d'une nouvelle guerre.
Lors de son retour à Londres, Chamberlain déclare : « Mes bons amis, pour la deuxième fois de notre histoire, un Premier ministre britannique revient d'Allemagne apportant la paix dans l'honneur. Je crois que c'est la paix pour notre temps… Retournez à la maison et dormez paisiblement. » (« My good friends, for the second time in our history, a British Prime Minister has returned from Germany bringing peace with honour. I believe it is peace for our time… Go home and get a nice quiet sleep. »).
De son côté, Édouard Daladier, président du Conseil français, amer et lucide, confie dans l'avion du retour à Alexis Léger, alias Saint-John Perse, secrétaire général du Quai d'Orsay : « Les cons ! Ah les cons ! S'ils savaient ce qui les attend… »[10]
- 15 mars 1939 : invasion par le Troisième Reich de la Bohême-Moravie, partie occidentale de la Tchécoslovaquie[11].
- 23 août 1939 : signature du pacte de non-agression germano-soviétique, où les deux pays s'entendent notamment sur un partage de la Pologne et dans un premier temps, sur la « neutralité » de l'URSS dans le conflit à venir à l'ouest de l'Europe[12].
- , à 4 h 45 : les troupes allemandes envahissent la Pologne[13], sans déclaration de guerre, et après d'intenses bombardements. Le Royaume-Uni et la France déclarent la guerre à l'Allemagne deux jours plus tard le .
- 17 septembre 1939 : l'armée soviétique attaque la Pologne sans déclaration de guerre préalable, soit seize jours après le début de la campagne de Pologne par l'Allemagne nazie.
- Fin septembre, la Pologne est occupée par l’Allemagne et son alliée l’URSS qui se partagent son territoire selon leurs accords du mois d'août.
La « drôle de guerre »
Après l'invasion de la Pologne commencée le , les Alliés déclarent la guerre à l'Allemagne le , le jour même des troupes de reconnaissance françaises sont envoyées sans autorisation en territoire allemand.
Quatre jours après la déclaration de guerre à l'Allemagne, l’Armée française commandée en chef par le général Gamelin franchit la frontière allemande le 7 septembre 1939 pour pénétrer en Sarre, les troisième, quatrième et cinquième armées constituant le 2e groupe d'armées (GA2) sous le commandement du général Prételat, soit neuf de ses 102 divisions).
À la suite de l’offensive de la Sarre, les troupes françaises avancent de dix kilomètres en territoire allemand, où les populations civiles allemandes ont été évacuées et mises à l'abri des combats. De plus, tout ce qui permet de se ravitailler est emporté ou saboté, des dizaines de milliers de mines antipersonnel (S-Mine) et antichars (Teler-Mine) sont installées sur les routes, les chemins, les ponts, les places et dans les maisons. Le , les deux groupes de reconnaissance sont atteints par les mines, conduisant les survivants à renoncer. Le à 3 h 50 du matin, quatre divisions blindées lancent une offensive dans le secteur de la Sarre et de la Blize. Les Allemands font immédiatement sauter tous les ponts sur les cours d'eau. Plusieurs dizaines de chars français sont détruits par des mines.
La Première armée allemande reçoit l'ordre de ne pas contre-attaquer, de laisser les unités françaises avancer et de n'opposer qu'une guerre de sabotage et d'escarmouches.
Le l'Allemagne et l'URSS annoncent qu'elles ont signé le Pacte germano-soviétique de non agression, mais gardent secret le partage envisagé de la Pologne. L'Armée polonaise sera donc prise en étau.
Le , les divisions françaises progressent de 8 kilomètres et établissent un front large de 25 kilomètre. L'armée française est à 4 kilomètres de la Ligne Siegfried, bientôt à portée de l'artillerie de son ennemi. Le général Gamelin se rend compte qu'il ne dispose pas d'une artillerie de rupture, il a aussi appris que la Pologne a été envahie à l'est par l'URSS qui est passée à l'offensive le .
Les opérations sur le front franco-allemand sont arrêtées, la ligne de front est fortifiée, et la presse internationale est invitée à constater la victoire éclatante remportée par l'armée française malgré la défense acharnée des troupes allemandes. Les centaines de soldats français tués, en particulier ceux de la 11e division, dite « Division de Fer », sont rapatriés discrètement pour être enterrés à Sarreguemines où on peut toujours voir le monument. Environ 2 000 soldats français ont été tués pendant cette campagne qui a duré dix jours[14].
Les commandements français et britannique avaient estimé l'armée polonaise capable de tenir tête plusieurs mois à l'armée allemande, c'est-à-dire jusqu'au printemps. Mais après la défaite polonaise fin septembre 1939, les troupes françaises quittent les avant-postes de la Sarre et se replient derrière la ligne Maginot.
Les états-majors britannique et français sont persuadés qu'ils peuvent bloquer les Allemands comme lors de la Première Guerre mondiale. Les forces du Royaume-Uni, qui avait envoyé sur le continent un corps expéditionnaire britannique (en anglais British Expeditionary Force ou BEF en abrégé), s'installent dans l'attente du prochain mouvement allemand, en maintenant un blocus maritime afin de provoquer l’effondrement allemand comme en 14-18. Stratégie de blocus absolument illusoire puisque l'URSS livre des centaines de milliers de tonnes d'aliments et de matières premières au Reich, qui importe aussi massivement du fer norvégien et du pétrole roumain. Au , la RAF engage 416 avions dont 92 chasseurs et 192 bombardiers sur le sol français. Cette force aérienne, la BAFF (British Air Forces in France) était sous le commandement de l'Air Marshal Barratt et se subdivisait à son tour en Advanced Air Striking Force (AASF) dont la mission était de renforcer l'Armée de l'air française et l'Air Component of the British Expeditionary Force (BEF) chargée de soutenir le Corps expéditionnaire britannique.
Au 30 mai 1940, 35 chasseurs (sur 650 possédés par le Royaume-Uni) et 40 bombardiers (sur 286) étaient en France.
Cette période de trêve tacite, que l'on surnomma la « drôle de guerre », dure jusqu'au , date de l'opération Weserübung lancée par l'Allemagne sur le Danemark et la Norvège, pour devancer les Alliés qui prévoyaient d'envoyer un corps expéditionnaire à Narvik afin de priver l'industrie allemande de l'approvisionnement du minerai de fer de la Mine de Kiruna, en Suède, qui se transportait par le port de Narvik l'hiver, quand la navigation à travers la mer Baltique était empêchée par la glace pendant quatre ou cinq mois[15].
Hitler, qui voulait une attaque sur l'Europe occidentale le juste après l'invasion de la Pologne, est convaincu par son État-major de la reporter à l'année suivante. La Wehrmacht prépare pendant ce temps les plans d'invasion.
Genèse du plan allemand
À l'origine, l’Oberkommando der Wehrmacht (grand état-major de la Wehrmacht) ou OKW envisageait une attaque du front ouest en préconisant une stratégie d'enveloppement des armées alliées par le nord ; en quelque sorte une reprise du plan Schlieffen de 1914 qui aurait amené le puissant groupe d'armées B, celui du général von Bock, stationné au nord du front allemand, à déborder les unités franco-britanno-belges sur leur aile gauche, par une offensive blindée à travers la Belgique et les Pays-Bas, et d'en rabattre les éléments défaits sur la région lorraine. Dans un deuxième temps, il était envisagé de prendre en tenaille les troupes alliées restantes ; le groupe d'armées B venant de l'ouest les repoussant sur le groupe d'armées A du général von Rundstedt, placé entre le groupe d'armées B et le groupe d'armées C du général von Leeb, lui-même au sud du front vers l'Alsace[16], et qui aurait joué le rôle d'une enclume sur laquelle auraient été définitivement écrasées les meilleures divisions alliées. Les Alliés eurent connaissance de ce plan initial par les Belges, à la suite de l'atterrissage forcé d'un avion de la Luftwaffe, à Mechelen-aan-de-Maas (en français : Malines-sur-Meuse), en Belgique, le et à la saisie de documents dont était porteur un officier allemand[17],[18].
À la suite de l'attaque de la Pologne, Hitler, dont les plans d'expansion à l'est, élaborés de longue date (1922)[19], étaient de soumettre la Russie afin de permettre la conquête d'un « espace vital » pour le peuple allemand (le Lebensraum), ainsi que la « destruction de la puissance juive »[19] dont elle était censée être le berceau[19], et qui espérait pour cela le concours du Royaume-Uni[19],[20], fut surpris de sa réaction et de celle de la France[21] car il avait fait l'erreur de croire à la passivité des puissances occidentales, comme lors de ses précédentes agressions, en particulier contre la Tchécoslovaquie (le ses armées occupent le reste du pays (Bohême et Moravie) et il instaure le protectorat de Bohême-Moravie) et pensait qu'il en serait de même pour sa revendication sur le Corridor de Dantzig[21].
Bien que la déclaration de guerre des Alliés occidentaux contrariât ses plans initiaux — la guerre contre l'Union soviétique attendrait —, il souhaitait profiter de l'effet de sa victoire éclair sur la Pologne pour « infliger une défaite cuisante à la France et […] forcer la Grande-Bretagne à reconnaitre sa faiblesse et à trouver un accommodement »[21]. Une fois la guerre gagnée à l'ouest, il pourrait se retourner contre le « judéo-bolchevisme »[21] de l'Est et conquérir la Russie afin d'assurer l'avenir à long terme du Reich, par les ressources immenses de ces territoires[21]. Cependant ses généraux ne mettaient pas la guerre à l'ouest sur le même plan que la bataille de Pologne, laquelle fut tout de même coûteuse en matériel détruit (la moitié des chars et véhicules à moteurs avaient été mis hors d'état)[21]. Ils craignaient la puissance défensive de la France (son immense armée et sa ligne Maginot) ainsi que le bloc que constituait l'alliance avec la Grande-Bretagne et son Empire. Ils considéraient que les forces armées allemandes n'étaient pas prêtes pour un conflit, qui, à leurs yeux, ne pouvait que durer[21]. Hitler, dans un premier temps, enragea devant leurs hésitations mais finit par s'incliner devant leurs arguments sur les mauvaises conditions climatiques annoncées (à l'automne 1939) et les problèmes de transport[21]. Il accepta donc de nombreux reports pour le début de l'offensive (un total de 29)[21]. L'intervention en Scandinavie fut ensuite une priorité[21]. Toute la période de la « drôle de guerre » permit, en fin de compte, un renforcement très important des moyens militaires allemands et la mise au point d'un plan d'attaque audacieux[21]. Ce plan, issu d'une idée du général von Manstein, consistait à attaquer à l'endroit le plus inattendu[21]. Hitler le fit sien[21],[22].
Le plan de Manstein, baptisé par Winston Churchill « Sichelschnittplan » (coup de faucille), prenait le contre-pied de la théorie précédente et préconisait une attaque en force venue, non plus du nord, mais du centre. Il partait de l'hypothèse qu'il fallait surprendre l'adversaire au défaut de la cuirasse puis, la surprise passée, le prendre de vitesse dans une avance rapide vers la Manche : le pivot de l'offensive ne pouvait se trouver qu'à travers le massif boisé de l'Ardenne, région défendue, dans la partie belge, par des unités d'avant-garde, les chasseurs ardennais, et, du côté français, dans la région de Sedan, par des unités françaises de réservistes mal armés et sous-équipés. Or, Sedan est le lieu précis où l'on avait arrêté la construction de la ligne Maginot. Ce nouveau plan, par sa hardiesse même et sa logique tant tactique que stratégique, enthousiasma Hitler qui l'imposa à un OKW réticent.
Dès lors, le Fall Gelb (plan jaune)[23] vit le jour ; désormais le poids du succès reposait sur le groupe d'armées du centre, le groupe d'armées A de Rundstedt[17], dont on s'empressa de renforcer les capacités opérationnelles en mettant à sa disposition les deux tiers des forces blindées de toute l'armée (sept divisions blindées et trois divisions mécanisées[17]). Pendant que le groupe d'armées B du général von Bock envahissait la Belgique et les Pays-Bas[17], entraînant l'intervention des armées alliées dans ce secteur du front, le groupe d'armées de Rundstedt, constitué de trois armées et des blindés de Kleist[17], devait attaquer plein ouest depuis les frontières belge et luxembourgeoise, percer sur la Meuse, entre Sedan et Namur, en franchissant les Ardennes[17]. Tandis que le groupe d'armées C, de Leeb, fixait les unités françaises de la ligne Maginot et du Rhin[17].
Forces en présence au 10 mai
Nation | nombre de divisions | nombre de canons | nombre de blindés | nombre d'avions |
---|---|---|---|---|
France | 86 | 10 700 (a) | 2 268 | 1103[24] |
Royaume-Uni (b) | 13[24] | 1 300 | 310 | 460 |
Belgique | 22 | 1 400 | 280[25] | 250 |
Pays-Bas | 13[24] | 700 | 1 | 175 |
Luxembourg | 0 | ? | ? | ? |
Pologne | 1[24] | ? | 45 | 75 |
Total des armées alliées | 135 | 14 100 | 2 724 | 2 285 |
Allemagne | 141 | 7 000 | 2 574 | 4 020 (c) |
- (a) En ce qui concerne la France, si le chiffre des matériels en date du 1er septembre 1939 est exactement établi, il en va différemment pour celui du . Ainsi l'Armée française disposait, dès , de 2 946 blindés, dont 2 300 chars et 650 automitrailleuses, sans compter les 1 590 chars obsolètes (Renault FT et Char 2C) et 3 700 chenillettes de transport et ravitaillement, inutilisables au combat. En outre, de à mai 1940, 2 909 nouveaux blindés (dont 1 597 chars ; 314 lourds) avaient été produits, dont 264 livrés à la Turquie et la Roumanie, et une autre partie inachevés et restés au parc du matériel de Gien (environ 700). Quoi qu'il en fût, au , la France possédait un minimum de 3 700 chars plus ou moins modernes, sans compter plusieurs milliers d'autres véhicules blindés légers, automitrailleuses, chars obsolètes ou chenillettes d'infanterie. Si certains modèles de chars français (B1bis, Somua S-35) surclassaient les chars allemands en termes de blindage et d'armement , les unités de chars souffraient toutefois de graves défauts d'ordre technique et tactique : absence quasi totale de radios, visibilité et ergonomie intérieure des chars médiocres, manque de fiabilité des moteurs, équipages de trois hommes (ce qui surchargeait de tâches le chef de char dans la tourelle APX très mal conçue), approvisionnement en carburant problématique, etc. Les unités de chars manquaient gravement de protection anti-aérienne — de DCA comme de liaison avec les escadrilles de chasse. Même vainqueurs en plusieurs combats contre les panzers allemands, les chars français étaient donc désarmés contre les Stukas. Enfin, si dès le milieu des années 1930 l’état-major français avait décidé de créer des divisions cuirassées équipées de chars rapides et puissants pour l'attaque en profondeur, la mise sur pied de ces grandes unités avait progressé lentement, contrariée à la fois par les hésitations politiques, la multiplication de projets n'aboutissant pas ou lentement, les contraintes budgétaires et par le conservatisme d'une partie des généraux ; et plus profondément par la difficulté à introduire des innovations radicales dans une armée de conscription, où les soldats ne sont opérationnels que quelques mois, à la fin de leur service.
- (b) Ne sont pris en compte que l'armement et effectifs du BEF (British Expeditionary Force) en France au .
- (c) Ce chiffre ne prend en compte que le nombre d'avions réellement opérationnels.
Les armées françaises, britanniques, belges et néerlandaises totalisent quelque 135 divisions sur le front nord/nord-est, soit environ 2 900 000 hommes[26]. Mais elles ne forment pas un ensemble cohérent — il n'y a, notamment, aucune unité d'action avec les armées belge et néerlandaise. La Wehrmacht, bien soudée sous un commandement unique, comporte 137 divisions, soit 2 750 000 hommes[26]. Sur le front sud, l'Italie alignera 22 divisions[27] appartenant à la première et quatrième armée Italienne face aux 5 divisions françaises de l'armée des Alpes, ce rapport de force restera le même durant tout le mois de mai et le mois de juin.
État des forces blindées allemandes au 1er septembre 1939 et au :
Modèles | Au | Au |
---|---|---|
Pz I | 1 445 | 523 |
Pz II | 1 223 | 955 |
Pz III | 98 | 349 |
Pz IV | 211 | 278 |
Skoda.35 (t) | 0 | 166 |
Skoda.38 (t) | 0 | 228 |
Pz de commandement | 0 | 135 |
Totaux | 2 977 | 2 574 |
Fall Gelb (« Plan jaune »)
La percée de Sedan et ses conséquences
Le , la Wehrmacht attaque en envahissant les Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique[28],[29],[30]. La Luftwaffe procède au bombardement systématique des aérodromes. Le commandement français s'y était préparé du fait des contacts secrets existant avec le roi des Belges et son état-major depuis 1938 et aussi à la suite des avertissements des attachés militaires français, belges et hollandais en Allemagne (et encore par la révélation des plans allemands tombés dans les mains belges à la suite d'un incident aérien à Mechelen-aan-de-Maas (en français : Malines-sur-Meuse), le ), comme le relate, dans ses mémoires, le général en chef français Maurice Gamelin[31]. Aussi, le général français Chambon arrive-t-il au Quartier général de l'Armée belge pour coordonner la stratégie des armées désormais alliées. En même temps, l'Armée française entre en Belgique, comme il était prévu de longue date par le plan Dyle. La première escadrille française envoyée au-devant des colonnes blindées allemandes pénétrant en Belgique ne les a pas bombardées in extremis. Les pilotes avaient cru discerner dans leur environnement immédiat des colonnes de réfugiés et ont voulu à tout prix éviter de causer des pertes parmi ces derniers[32].
Mais toutes les prévisions alliées sont déjouées, les Allemands utilisant à plein les concepts de choc et de vitesse (Blitzkrieg). Le couple char-avion communiquant par radio et la concentration des moyens sur des points sensibles du front allié surprennent par leur rapidité d'action les états-majors français et belge. Le fer de lance de l'Armée allemande (une dizaine de divisions blindées) traverse le massif ardennais jugé impénétrable par certains généraux. Le généralissime Gamelin a, de plus, sur une décision personnelle, fait déplacer la 7e armée française (une armée bien équipée) qui était chargée de défendre cette zone non couverte par la ligne Maginot. L'Armée belge y retarde les Allemands les 10 et 11 par la résistance des chasseurs ardennais, notamment à Bodange, Chabrehez et Martelange[33] qui parviennent même à disperser des soldats allemands déposés par des avions légers sur leurs arrières à Léglise, Nimy et Witry[34]. En plus, le caractère du massif ardennais aux routes étroites et sinueuses parsemées de chausse-trapes et de blockhaus contribue à compliquer la tâche de la Wehrmacht retardée par les nombreux obstacles dressés par le génie belge, murs de moëllons, entonnoirs géants et ponts détruits[35], ainsi que par des champs de mines dans les prairies et les bois interdisant le contournement des obstacles[36],[34]. Aussi, les avant-gardes allemandes ne peuvent-elles se grouper pour attaquer le front français de la Meuse, région de Sedan et de la Semois, que les 11 et 12. La résistance des Belges a donné un court délai aux Français, deux jours comme prévu dans les plans de l'état-major français. Mais, mal préparées, les troupes de réserve du secteur de Sedan ne peuvent espérer offrir une résistance efficace sur un front mal équipé dont les fortins sont en cours d'achèvement. Néanmoins, leur commandant, le général Huntziger, envoie des chars légers dans le Sud de l'Ardenne belge, à la rencontre des Allemands dont une partie des blindés foncent par le Sud du grand-duché de Luxembourg. Mais ces chars légers français sont défaits par des panzers beaucoup plus nombreux et mieux armés, ainsi que par des canons anti-chars efficaces. Les survivants se replient. Et quand, le , la Wehrmacht attaque vers le sud la 2e armée française retranchée derrière la Meuse à proximité de Sedan, négligeant la ligne Maginot, il se produit ce qu'avait redouté le député français Pierre Taittinger dans un rapport du [37]. « La rumeur de Bulson » affirmant à tort que les Allemands attaquent Bulson à l'arrière des lignes françaises avec des chars alors que leurs éléments avancés viennent à peine de traverser la Meuse, entraîne une panique chez près de 20 000 soldats français. Les Allemands percent et, ignorant la route de Paris, envoient leurs blindés vers l'ouest jusqu'à atteindre la Manche le 21 mai dans le but d'encercler les forces françaises, britanniques et belges. Dès le début de l'attaque du sont particulièrement visés par les bombardements allemands les terrains d'aviation de Calais, de Dunkerque, de Metz, de Essey-lès-Nancy, de Bron et de Châteauroux. Cependant, contrairement à une légende répandue par la propagande nazie et reprise sans critique par l'historiographie anglophone, l'Armée de l'air n'est nullement « clouée au sol » par la Luftwaffe : celle-ci ne détruit qu'une soixantaine d’appareils français. En Belgique, la moitié des avions de la force aérienne sont détruits. Le 10 mai 1940, c'est la Luftwaffe qui subit les pertes de loin les plus lourdes : 323 avions allemands sont perdus en une journée[38]. Les attaques aériennes allemandes se portent ensuite sur le réseau ferré français, ainsi que sur les gares et les nœuds de communication de Belgique, jusqu'à Bruxelles où des carrefours sont bombardés.
La partie nord de l'offensive, en Hollande, vise les ponts de Rotterdam, Dordrecht, Moerdjik, qui sont pris par l’Armée allemande. En Belgique, les troupes allemandes percent le front à la jonction du canal Albert et de la Meuse grâce, en partie, à l'emploi de troupes aéroportées au fort d'Ében-Émael qui est annihilé en 24 heures par l'emploi d'un explosif inconnu des alliés, les charges creuses. L'Armée néerlandaise, refoulée du Limbourg néerlandais, abandonne toute liaison avec l'Armée belge dès le deuxième jour de l'attaque. Dès lors, l'Armée belge est tournée sur sa gauche en même temps qu'elle est tournée sur sa droite par la Basse-Ardenne et par le grand-duché de Luxembourg que les troupes allemandes traversent comme à la promenade, car ce petit pays n'a pas de véritable armée pour le défendre, mis à part le corps des volontaires dont les effectifs ne dépassent pas 425 hommes à ce moment-là. L'Armée belge, percée en son centre à Ében-Émael et menacée sur sa gauche et sa droite, doit refluer pour ne pas être encerclée et pour pouvoir reformer un front continu avec l'Armée française elle-même en retraite. Quant aux Hollandais, ils sont en plein recul jusqu'aux îles du delta maritime qui sont censées constituer un réduit national. Mais ils capitulent au bout de cinq jours, ce qui menace les arrières de l'Armée belge alors qu'elle s'aligne en vue de la bataille d'arrêt que les Alliés (comprenant les Britanniques) croient pouvoir livrer sur la Dyle (ligne de défense d'Anvers). Mais la tactique allemande de percée en profondeur empêche de reconstituer un front allié solide et Bruxelles est occupée par l'Armée allemande le et Anvers le 18.
Les forces belges tentent en vain de contenir l'ennemi à la bataille de la Lys qui commence le 23 et durera cinq jours, seule véritable bataille d'arrêt de toute la campagne. C'est que l'Armée belge avait pu garder sa cohésion, étant « restée sur elle-même », selon le mot du général Van Overstraeten, conseiller militaire du roi Léopold III. Le commandement français, par contre, confiant dans l'importance de ses effectifs, avait divisé ses forces en étirant son centre et sa gauche vers le nord, laissant sa droite, en Ardenne, à des troupes de réserve peu mobiles qui ne purent être secourues lors de la percée allemande de Sedan. Le but de l'état-major français était de livrer bataille en Belgique et aux Pays-Bas en application d'un plan Dyle-Breda. La doctrine militaire française était que l'on allait assister à la répétition du plan allemand de 1914, mais en plus étendu, englobant les Pays-Bas. On n'imaginait pas que les Ardennes et la Meuse puissent être franchies par un groupement motorisé et encore moins que l'Armée des Pays-Bas allait capituler en cinq jours. L'état-major français a donc engagé les meilleures et les plus mobiles des divisions franco-britanniques en Belgique pour secourir les Pays-Bas. Mais ceux-ci ayant capitulé en cinq jours sans attendre les Français, il ne restait à ces derniers qu'à refluer vers le sud pour tenter d'y arrêter les meilleures forces allemandes, mais dans une pagaille monstre.
Se reportant au , on comprend donc que les Panzerdivisions du général von Kleist créent une surprise stratégique en attaquant tout au sud de la Belgique, débordant par leur flanc droit les meilleures troupes françaises qui montent vers le nord. Après avoir traversé les Ardennes belges, elles attaquent le front français sur la Meuse, près de Sedan dès le . Cette attaque avait été grandement favorisée par le fait que le grand-duché de Luxembourg, petit pays sans armée, avait été traversé en un jour, ce qui avait amené les éléments avancés allemands sur la frontière française dès le 11. L'attaque proprement dite commença le 12. Mais cette partie du dispositif français était tenue par des unités de second ordre, souvent incomplètement équipées (voir le rapport de la commission d'enquête dirigée par le député Pierre Taittinger[39]). Et le , les fantassins allemands, sous le couvert d'un bombardement aérien intensif, réussissent à enfoncer le dispositif défensif de la 55e division d’infanterie (général Henri Lafontaine) de la 2e armée du général Huntziger. Guderian exploite ces gains par une Blitzkrieg efficace.
Le haut commandement allemand croyait devoir s'attendre à une contre-attaque française qu'il considérait comme inévitable selon les principes classiques de l'art militaire. Aussi, tente-il, à maintes reprises, de ralentir la progression de ses chars et de leur infanterie d'accompagnement vers l'ouest à travers les positions tenues par les troupes françaises. Et d'ailleurs, comme pour leur donner raison, en Belgique, le général Mellier attaque les Allemands avec des troupes majoritairement marocaines et parvient à les contenir localement, ainsi que, sur la Dyle, le général Prioux à la tête de ses chars, lors des batailles de Hannut et Gembloux, et le général Bruneau à la bataille de Flavion. Mais ces actions ne sont que d'éphémères succès tactiques, n'étant pas soutenues par des renforts tandis que les commandants des Panzerdivisions, ne se laissant pas impressionner, poussent toujours plus à l'ouest en désobéissant à leurs supérieurs. Le , ils atteignent la mer.
Malgré ses succès, le haut commandement allemand n'est pas rassuré et vit des journées d'angoisse à l'idée d'une vaste contre-offensive stratégique sur les flancs de la percée, pensant que le recul des Alliés est un piège. Mais le général français Weygand, qui a remplacé Gamelin le 19 mai[40], a reporté de trois jours la contre-offensive prévue. C'est qu'il sait que les troupes françaises commencent à se disloquer et qu'il veut en rallier les éléments. Il donne pour commencer l'ordre de ne plus s'occuper de colmater des brèches dans l'espoir toujours déçu de reformer le front allié, ce qui a conduit, de réajustement en réajustement, à abandonner aux Allemands des milliers de kilomètres carrés qu'il n'est plus possible de reconquérir. La consigne est de tenir sur place, en créant une série de nœuds de résistance (appelés des « hérissons ») qui vont insécuriser les pointes avancées allemandes si elles ne peuvent plus s'appuyer mutuellement, comme elles avaient pu le faire jusque-là. Il faudrait donc que l'ensemble des troupes encore en état de combattre adoptent résolument cette tactique. Une entrevue, la conférence d'Ypres, avait eu lieu les 20 et entre Weygand, le roi des Belges et le général français Billotte, sans lord Gort, le général en chef britannique. Son avion ayant été attaqué, Weygand a fait halte à Calais et reporté la réunion d’Ypres : Lord Gort n’a pas été prévenu de l’heure ni du lieu et ne participe donc pas à la réunion, qui ne peut coordonner toutes les armées. Weygand repart aussitôt en sous-marin[41]. Qui plus est, le général Billotte, chargé de la mise en œuvre de cette contre-offensive, se tue dans un accident de voiture le soir même. Le général Blanchard, qui lui succède, n'a pas assisté à la conférence. À ce stade, le Cabinet de guerre de Churchill avait déjà donné l’ordre à Gort, le 19 mai au soir, de foncer au sud pour couper les lignes allemands mais celui-ci était réticent[41]. Le 25, Gort prend seul la décision de renoncer à une attaque vers le sud, le corridor vers Dunkerque commençant à se rétrécir dangereusement[42]. Churchill écrit dans ses mémoires : « Face à ce cruel dilemme, nous acceptant le plan de Weygand, et jusqu’au 25 mai, nous fîmes des efforts loyaux et persévérant, bien que désormais inefficace »[41].
Les Belges ont pu contenir les Allemands pendant les cinq jours de la bataille de la Lys. Se sentant abandonné, le roi Léopold III pose clairement la question d'une reddition au cours d'une entrevue orageuse avec les ministres Pierlot et Spaak, l'Armée belge étant au bord de l'effondrement et de la rupture de ses stocks de munitions. Il en prévient Britanniques et Français, ces derniers recevant en quelques jours plusieurs communications radio adressées au général français Blanchard et captées par les services d'écoute français du colonel Thiery[43],[44]. Mais les Français n'ont plus de capacité offensive. La capacité offensive, c'est ce qui, depuis le début de la campagne, a manqué aux armées alliées confrontées à une Armée allemande essentiellement fondée sur cela même : l'offensive.
Conséquences de la défaite
Le pouvoir du maréchal Pétain entame une collaboration avec l'Allemagne, ayant refusé, avec le soutien de Weygand, une capitulation uniquement militaire (comme ce qui a été fait en Belgique. La reddition purement militaire des troupes de Belgique excluant un armistice, le gouvernement belge a continué la guerre avec la flotte, des aviateurs et le Congo belge contre les Italiens alliés de l'Allemagne). En effet, Pétain considérait que capituler militairement en France métropolitaine rendrait l'Armée française responsable de la défaite, qu'il jugeait due aux politiques. Il est le seul parmi les gouvernements légaux des pays vaincus à adopter cette politique qui découle de l'armistice. Elle entraîne l'alliance de certaines forces de droite et de gauche avec l'Allemagne sous l'égide du régime de Vichy, ce dernier poussant la collaboration jusqu'à organiser l'envoi de travailleurs dans l'industrie de guerre allemande et de combattants sur le front de Russie. Une réaction française vient du général De Gaulle réfugié à Londres qui, par son appel du , commence à reconstituer une force combattante qui s'affirme dans les années suivantes.
Le Gouvernement polonais en exil, représentant officiel et légitime de la Pologne s'évacue au Royaume-Uni dès la demande française d'armistice. Il rassemble rapidement les militaires polonais désireux de poursuivre la lutte et constitue l'armée polonaise de l'Ouest, jusqu'en 1944 première force alliée aux côtés des Britanniques. Les escadrilles polonaises (303e escadrille de chasse polonaise et 302e escadrille de chasse polonaise) constituées au sein de la RAF jouent un rôle déterminant pendant la bataille d'Angleterre.
Le gouvernement néerlandais continue la guerre dans la Royal Air Force et avec une partie de la marine dont la marine de guerre qui combat jusqu'à l'engloutissement contre les forces japonaises conquérant l'Indonésie.
Le gouvernement belge en exil continue la guerre, notamment en Afrique, avec la victoire contre les Italiens d'Abyssinie, et sur mer et dans les airs avec trois escadrilles dans la Royal Air Force, ainsi qu'en Europe continentale en soutenant la Résistance armée et, plus tard, par l'envoi de troupes qui vont contribuer à la libération de l'Éthiopie, du Nord de la côte française et de la Belgique.
Dans l'Europe occupée par les armées allemandes, une résistance clandestine s'organise constituée de divers groupements nés spontanément avant d'être prise en mains depuis Londres par les gouvernements en exil aidés par les Britanniques. Messages radio en langage codé, parachutages d'armes et envois de personnel formé au sabotage et à la guérilla vont démontrer, durant toute la guerre, que les gouvernements de Belgique et des Pays-Bas régentés par les nazis entendent affirmer leur légitimité comme seules autorités légales de leurs pays[pas clair]. En France, ce sont d'abord les agents de l'Intelligence Service, notamment des Polonais qui entament des contacts avec la résistance intérieure qui s'organise avant la prise en mains progressive des Français gaullistes qui avaient refusé l'armistice de Pétain.
La résistance des armées française et belge permet le rembarquement allié de Dunkerque
L'Armée britannique n'a pas été anéantie en mai-juin 1940, car la résistance franco-britannique a protégé le rembarquement de Dunkerque, ainsi que la bataille d'arrêt menée par l'Armée belge sur la Lys du 23 au 28 mai 1940. Il en résulte, pour les Français, d'être enfermés dans la poche de Lille. Avant de capituler, les Français qui y combattent retardent les Allemands assez longtemps pour permettre le rembarquement en protégeant les arrières britanniques. Rapatriée, l'Armée britannique reconstitue ses forces à l'abri de la mer. D'autre part, la 4e DCR, commandée par le général de brigade à titre provisoire de Gaulle, parvient à s'enfoncer quelques jours dans le flanc de la progression allemande à Abbeville. Mais ce succès n'est pas exploité, faute de soutien logistique, d'appui aérien et de renforts. C'est que le commandement français, abasourdi par la rapidité manœuvrière de l'Armée allemande, ne trouve pas de solution devant les progrès quotidiens de l'ennemi. Les unités françaises qui ne se sont pas effondrées sont envoyées en ordre dispersé, dans des contre-attaques locales, du fait de la nature extrêmement mouvante de la situation.
De plus, l'ordre de Hitler de laisser à la Luftwaffe la tâche d'interdire la retraite par la mer et d'arrêter l'avancée des troupes blindées quelques kilomètres avant la mer a bien facilité la réussite de la défense.
Pourtant, les troupes alliées n'avaient pas toujours reculé devant le combat : on peut citer le sacrifice, chez les Belges, des chasseurs ardennais à Martelange et Bodange et Chabrehez, ainsi qu'à Vinkt, pendant la bataille de la Lys. Il faut citer la victoire française de la bataille de Hannut, première bataille de chars de l’histoire ; la bataille de Stonne surnommée le « Verdun de 1940 » ; la contre-attaque du 231e RI appuyé de chars FCM 36. À Saumur, les cadets de Saumur, jeunes élèves officiers de cavalerie qui ne sont que quelques dizaines au plus, résistent héroïquement à une division allemande entière déviée de son itinéraire pour réduire cette poche de résistance. Le général de la division allemande décide, contre l'avis de Berlin, de rendre des honneurs militaires appuyés après la reddition des élèves officiers survivants.
Le chiffre exact des pertes françaises n'est pas connu et le chiffre souvent avancé de 100 000 morts est exagéré au regard des estimations les plus récentes, qui concluent sur environ 60 000 morts en 6 semaines de combats, les Allemands 60 000 pour l'ensemble la campagne 39-40 [réf. nécessaire], bilan pour ces derniers tout à fait comparable à l'âpreté des futurs combats de la campagne de Russie (on trouve également fréquemment le chiffre de 92 000 soldats français tués en mai-juin 40 mais celui-ci inclut les morts en captivité et entre septembre 39 et mai 40)[réf. nécessaire]. La Belgique termine sa campagne des dix-huit jours avec 12 000 morts.
Obstiné, dès avant la guerre, dans sa conception du front continu, l'État-major français est rejoint par les chefs militaires belges qui, comme les Français, en étaient restés aux conceptions héritées de 1914-1918. Les Britanniques n'ont pas non plus compris à temps que les Allemands ne se souciaient pas d'avancer sur un front continu, mais procédaient par des percées profondes de chars rapides appuyés par des attaques aériennes incessantes, désarticulant le front de leurs adversaires
Le tournant de Dunkerque
Les forces de l'aile gauche française et le corps expéditionnaire britannique ayant été enfermés, dès le , dans une vaste poche autour de Dunkerque (Nord de la France), le rembarquement est rendu possible par le sacrifice de la 225e demi-brigade d’infanterie française[45] qui se fait littéralement tuer sur place, luttant à un contre quatre durant plusieurs jours jusqu'à épuisement des munitions, appuyée par l'infanterie britannique et la RAF qui a autant souffert que l'Armée de l'air française dans cette bataille[46], qui permet l’évacuation de 338 000 hommes, en majorité britanniques, mais aussi 125 000 Français[47], dans des conditions épouvantables.
L'armée britannique parvient ainsi à sauver ses hommes, mais perd tout son matériel. La plus grande partie des Français qui purent embarquer sont renvoyés en France pour reprendre le combat et sont finalement faits prisonniers après l'armistice signé par le gouvernement Pétain. Les militaires belges, orphelins de leur pays vaincu, restent en Angleterre où ils reconstituent de nouvelles forces en vue de la reconquête future du continent sous l'autorité du gouvernement belge en exil.
Fall Rot (« plan rouge ») : l'invasion de la France
Le , l'offensive reprend alors vers le sud avec une supériorité numérique désormais écrasante. Le général Weygand, nommé commandant en chef des armées françaises en cours de bataille, a constitué une ligne de défense sur la Somme, le canal Crozat, l'Ailette et l'Aisne dite ligne Weygand ou position Somme-Aisne. L'attaque allemande est déclenchée tout d'abord () sur la Somme et l’Ailette, puis () sur l’Aisne. Malgré une résistance héroïque des unités françaises deux jours durant, le , le front français est percé sur la Somme, le sur l'Aisne.
Devant la déroute des restes des armées françaises, le gouvernement quitte Paris le pour Tours et ses environs. Les réfugiés qui fuient la Belgique et le Nord de la France sont alors rejoints par 2 millions de réfugiés de la région parisienne. Pour Jean-Pierre Azéma, entre le et le , au moins six millions de Français abandonnent leur domicile et participent à l'exode de 1940, se retrouvant sur les routes sous les attaques des Stukas de la Luftwaffe, ruinant la logistique militaire française. Les personnels médicaux quittent les hôpitaux et asiles, certains aliénés sont abandonnés à leur sort ou euthanasiés (comme à l'hôpital d'Orsay de Paris, où il est mis fin à la vie de 6 patients intransportables le )[48]. Les établissements pénitentiaires sont évacués devant l'avance allemande : les détenus sont acheminés vers le sud, sous escorte militaire. Les prisonniers qui tentent de s'évader et ceux qui retardent volontairement le convoi sont sommairement exécutés[49]. La bataille de France est perdue, en dépit de la résistance farouche et héroïque de nombreuses unités, comme pendant la bataille d'Amiens du au (les 16e et 24e divisions d'infanterie françaises stoppent plus de trois Panzerkorps pendant neuf jours et causent la perte de 196 panzers).
Les troupes allemandes atteignent la Seine à Rouen le . Paris, déclarée ville ouverte, tombe sans combat le . Entre les 13 et , les Allemands franchissent le Rhin entre Schœnau et Neuf-Brisach. Guderian s'engouffre alors jusqu'à Pontarlier, atteint le , et Belfort, le , prenant à revers les unités restées dans la ligne Maginot et les capturant en masse après quelques jours de combat. Le 13 juin, Churchill en visite en Touraine pour la journée auprès du gouvernement français refuse que la France signe une paix séparée et obtient le transfert en Grande-Bretagne des aviateurs de la Luftwaffe prisonniers des Français[50].
Dans le même temps, Weygand concentre les troupes qui lui restent sur la Loire pour en faire un dernier obstacle à l'avancée ennemie. Les Allemands arrivent à Orléans le , passent le même jour le fleuve en plusieurs points entre Gien et Nantes. Le même jour, à Brest, l'amiral Brohan met à disposition 5 paquebots, Ville d'Oran[51], El Mansour[52],[53], El Kantara, El Djezaïr et Ville d'Alger afin d'évacuer l'or de la Banque de France pour qu'il ne tombe pas aux mains de l'envahisseur. Le transport de l'or entre le fort de Portzic et les navires commence immédiatement[54]. Tandis que Pétain, nouveau chef du gouvernement, appelle à cesser le combat le , les Allemands poursuivent vers le sud. Cherbourg en Normandie est prise le en même temps que les Allemands arrivent au bord du Cher (« frontière » de la future ligne de démarcation) et sont devant Lyon le , puis ce sont Clermont-Ferrand, Angoulême et Bordeaux qui sont atteintes le , alors que, le , avant-veille de l'armistice, la 5e Panzerdivision s'empare du port breton de Brest.
Le , Mussolini, allié de Hitler, déclare la guerre à la France, alors en pleine déroute militaire : l'attaque italienne est qualifiée à l'époque de « coup de poignard dans le dos »[55]. Les troupes italiennes, commandées par le prince héritier Humbert de Savoie, ne parviennent cependant pas à avancer à travers les Alpes : sur le front du Nord-Est, la ligne Maginot a joué son rôle, et l’armée des Alpes, commandée par le général Olry, résiste victorieusement face aux armées italiennes à l’est, et allemande au nord.
Le dictateur espagnol Franco, sollicité d'entrer en guerre contre la France, refuse, même lorsque l'effondrement français est patent.
L'effondrement et la demande d'armistice
Le 14 juin, les armées allemandes atteignent Paris déclarée ville ouverte pour éviter sa destruction comme Varsovie et Rotterdam.
C'est la panique en France dans le monde politique et militaire. Les uns se résignent à la défaite et réclament l'armistice, les autres veulent poursuivre la lutte comme promis aux Britanniques, en s'appuyant sur l’Empire et notamment l'Afrique du Nord. La création d'un réduit breton, destiné à accueillir le gouvernement pour poursuivre le combat, a été envisagée.
C'est le premier camp, celui de l'armistice, soutenu par le général Weygand, le maréchal Pétain, Pierre Laval et l'amiral Darlan, qui l'emporte. En effet, le président du Conseil Paul Reynaud, partisan de continuer le combat tout comme le général de brigade Charles de Gaulle, est alors incapable d'imposer aux militaires le principe de la capitulation au lieu de l'armistice[56].
Le choix des mots est fondamental. La capitulation est un acte militaire : l'armée du pays constate sa défaite sur le territoire de la métropole mais le pays reste en guerre, sur d'autres lieux et avec d'autres ressources humaines et techniques[56]. C'est notamment la position du général Charles de Gaulle qui pense que la France doit s'appuyer sur les ressources de ses colonies et sur son allié britannique pour continuer le combat[56]. L'armistice est en revanche un acte politique : le gouvernement demande les conditions d'arrêt des combats à l'adversaire dans l'attente de signer l'acte de paix. De ce fait, il s'en remet entièrement à la volonté de ce dernier[56].
Par conséquent, à la différence des différents pays occupés dont la Pologne, la Hollande, la Norvège ou la Belgique, dont les gouvernements se sont réfugiés en Angleterre, la France est le seul pays d'Europe à accepter volontairement les conditions de l'Allemagne nazie[57]. Face à la rupture du pacte républicain par les généraux de l'armée qui, en refusant le principe même de la capitulation, refusent d'obéir au pouvoir politique, Paul Reynaud choisit finalement de démissionner le [56]. Son ministre de l'Intérieur Georges Mandel est arrêté une première fois dès le lendemain, le .
Le , dans la soirée, le général de Gaulle, alors sous-secrétaire d'État à la Guerre et à la Défense nationale dans le gouvernement Reynaud est envoyé en mission à Londres. Partisan de la poursuite de la guerre, il quitte le port de Brest à bord du contre-torpilleur Milan, débarque à Plymouth le au matin et rejoint Londres le soir. Le lendemain matin, le , il se retrouve à Bordeaux d'où il repart finalement le soir même à bord de l'avion du général anglais Edward Spears, un ami de Churchill. C'est dès son retour dans la capitale britannique qu'il prononce son appel devenu célèbre sous le nom d'« appel du 18 Juin », mais passé relativement inaperçu dans le chaos ambiant. Ayant une vision mondiale du conflit qu'il pressent devoir durer, il pense que la France doit s'appuyer sur les ressources de son Empire et sur son allié britannique pour continuer le combat[56]. Le noyau de la France libre se constitue alors avec d'autres volontaires français. D'autres personnalités se sont réfugiées en Amérique (Jean Monnet). Comble de la désorganisation militaire française, les troupes allemandes découvrent le 19 juin, à La Charité-sur-Loire, un train abandonné transportant les archives secrètes du Grand quartier général français.
Le , le président de la République Albert Lebrun nomme Philippe Pétain président du Conseil. Le lendemain, ce dernier annonce à la radio que la France doit cesser le combat et demander l’armistice. Signé seulement le , avec une entrée en vigueur le à 0 h, le long intervalle permet à l’armée allemande de faire davantage de prisonniers. 1,2 million de soldats français se rendent à l'ennemi entre le 16 et le 25 juin pensant que la guerre était finie.
Le gouvernement Philippe Pétain, constitué à Bordeaux le , et le Parlement s'installent en juillet à Vichy, ville disposant de grandes capacités hôtelières et d'un standard téléphonique[58] récemment modernisé.
Le , vingt-sept députés, dont Mendès France, Daladier et Mandel accompagnés de quelques personnalités ou familiers, s'embarquent sur le Massilia. Ils sont tous arrêtés à leur arrivée le à Casablanca.
Le , la délégation française signe l’armistice[59] dans la clairière de Rethondes, dans le wagon de l'Armistice (à la demande d'Hitler, qui ne sera pas présent pour la signature), celui-là même qui avait servi de cadre à l'armistice de la Première Guerre mondiale, et devant la statue du maréchal Foch. Quant au wagon il est envoyé à Berlin pour y être exposé, en premier lieu devant la porte de Brandebourg pendant une semaine, puis au Lustgarten. Évacué de Berlin en 1944, il est mis à l'abri en Thuringe, près de Ruhla puis à Ohrdruf. Il est brûlé non loin de là, à Crawinkel par les SS en avril 1945[60] sur ordre d'Hitler, les troupes alliées approchant.
L'article 23 (22 dans le texte définitif) de la convention d'armistice subordonne la mise en application de l'armistice franco-allemand à la signature d'un armistice franco-italien[61]. Le , la France signe également cet armistice avec l'Italie qui avait tenté d'envahir les Alpes de son côté, sans réussir à dépasser les zones frontalières en Savoie et à Menton. Les deux armistices entrent en application six heures après la signature du deuxième armistice, soit le à 0 h 35[62].
Les Allemands poursuivent leur avancée militaire jusqu'au minuit ce qui fait que les deux tiers de la France sont envahis ainsi que les îles Anglo-Normandes britanniques[63].
Après la catastrophe, et malgré la signature des armistices, les soldats de la ligne Maginot poursuivirent la lutte, estimant n'avoir pas été vaincus, et pour certains jusqu'au 25 juin. L'armée des Alpes n'a de son côté pas failli, en repoussant assez facilement tous les assauts de l’Armée italienne jusqu'aux derniers jours de combat.
La plus grande partie de la France est occupée par les troupes allemandes, le pays est divisé en une zone occupée et administrée militairement par l'Allemagne (Nord, Ouest et Sud-Ouest), et en une zone libre (Centre et Sud). Le gouvernement de Vichy du maréchal Pétain administre l’ensemble du territoire français et l’Empire[64].
Le Gouvernement polonais en exil du général Sikorski s'estimant non concerné par cette décision de son allié, aucune unité polonaise n'appliqua les consignes de l'armistice du . Environ 6 000 soldats polonais ont été tués ou blessés pendant la campagne de France. Environ 13 000 hommes (soit l'équivalent d'une division) parvinrent à s'enfuir en Suisse (où ils restèrent internés). Enfin, de 20 000 à 35 000 militaires polonais (selon les sources) parvinrent à être évacués vers la Grande-Bretagne, où ils reformèrent sous le commandement du général Sikorski une nouvelle armée polonaise, qui allait devenir le 1er corps polonais. La brigade du général Kopanski rejoint les troupes britanniques de la 8e armée au Moyen-Orient après l’armistice du maréchal Pétain[65].
Conditions d’armistice
Dès que la décision de demander l’armistice fut prise par le nouveau gouvernement Pétain, le , chacun s'attendit au pire. Il suffisait de se rappeler les conditions drastiques de l'accord allié imposé aux plénipotentiaires allemands de , pour envisager une terrible réaction des autorités du Troisième Reich.
Il en allait tout autrement pour la France de : non seulement les armées alliées avaient été détruites ou capturées, mais encore, près des deux tiers du territoire national étaient occupés par la Wehrmacht. La convention d’armistice, négociée par le gouvernement français, précise que la souveraineté française s'exerce sur l'ensemble du territoire, pleinement en zone libre et sur son empire colonial[59], laisse de côté la flotte française, mais en réduisant cependant son armée à 100 000 hommes (comme l'armée du traité de Versailles). Les Allemands obligent leur allié italien à retirer certaines de leurs exigences, particulièrement celles concernant la flotte et la Tunisie.
Paradoxalement, et avant qu'un tel état de chose n'empire, c'est l'opération Catapult, menée en , en vue de neutraliser définitivement le risque que représentait la flotte française, et qui aboutit au bombardement d'une escadre à Mers-el-Kébir, qui devait amener les autorités allemandes à plus de souplesse dans leur relation avec le gouvernement Pétain, allant jusqu'à envisager de celui-ci une politique de collaboration.
Les conditions de l'armistice sont dictées par les préoccupations stratégiques d'Hitler qui sont les suivantes : maintenir la France dans un état de colonie de ravitaillement économique pour le Reich allemand (les indemnités journalières d'occupation de 400 millions de francs en 1940 seront de 500 millions à partir de 1942 puis presque 20 % des ressources du Reich allemand en 1944)[57], tout en empêchant de façon durable que son empire colonial serve aux alliés[57] et que la France ne redevienne une grande puissance militaire. À court terme, il faut veiller à ce que sa flotte ne rejoigne pas le Royaume-Uni qui reste le dernier pays à vaincre ou à séduire, car un accord de paix avec le Royaume-Uni reste souhaité en cette fin du mois de juin. Enfin, il ne faut froisser ni l'allié italien, ni le potentiel allié espagnol. Hitler a rencontré Mussolini le à Munich pour le convaincre d'abandonner ses prétentions d'occuper la France jusqu'au Rhône, de s'emparer de la flotte et d'annexer Nice, la Corse et la Savoie.
Ce sont toutes ces considérations complexes qui déterminent le contenu de la convention d'armistice, un texte bref de vingt-quatre articles, qui contient notamment les clauses suivantes :
- les prisonniers de guerre (plus de 1,5 million d'hommes) restent en captivité jusqu'à la signature d'un accord de paix ;
- la moitié nord, ainsi que la côte atlantique, passent sous occupation allemande : c'est la zone occupée, qui couvre à peu près les trois cinquièmes du territoire, le reste constituant la « zone libre », c'est-à-dire non occupée, regroupée essentiellement au sud de la Loire, les deux zones étant séparées par la ligne de démarcation ;
- la France doit pourvoir à l'entretien de l'armée d'occupation ; il s'avère que le montant de ces indemnités va être fixé de façon quasi discrétionnaire par les Allemands, et leur montant s'est élevé, en moyenne, à 400 millions de francs par jour[66] ;
- dans la zone libre, l'Armée française est limitée à 100 000 hommes et les troupes sont désarmées ;
- la souveraineté française s'exerce sur l'ensemble du territoire, y compris la zone occupée, mais dans la zone occupée, il est stipulé que l'Allemagne exerce « les droits de la puissance occupante », ce qui implique que l'administration collabore avec elle d'une « manière correcte » ; il n'est pas question d'annexion de territoires français par l'Allemagne (ce qu’elle fera pourtant dès le mois de juillet en instaurant un cordon douanier et en annexant l’Alsace-Moselle) ;
- l'Empire colonial français reste également sous l'autorité du gouvernement français ;
- les bâtiments de guerre rejoignent leurs ports d'attache du temps de paix, dont certains, comme Cherbourg, Brest ou Lorient, se trouvent en zone occupée ;
- la France doit livrer les réfugiés politiques allemands ou autrichiens présents sur son sol.
En outre, l'Italie bien que revendiquant l'ancien comté de Nice et la Savoie, dont elle n'est pas parvenue à s'emparer, doit se contenter de Menton (selon les conditions de l'armistice du 24 juin 1940 signée avec elle). Les autres territoires revendiqués ne sont occupés par l'Armée italienne que le , à la suite de l'invasion de la zone libre par les troupes allemandes puis italiennes.
Les pertes et leurs conséquences pour la suite de la guerre
Pour la plupart des pays participant aux combats, les pertes militaires sont bien connues[67] :
- Belgique : 12 000 morts, 15 850 blessés et 300 000 prisonniers ;
- Pays-Bas : 2 890 morts et 6 889 blessés ;
- Pologne : 6 000 morts et blessés ;
- Royaume-Uni : 3 458 morts, 13 602 blessés, 48 052 disparus ou prisonniers (dont 45 000 prisonniers à Dunkerque) ;
- Allemagne : 63 682 tués[68],[69], 111 034 blessés, 18 384 disparus[68],[69] ou prisonniers.
Le plus important concerne les pertes de la Luftwaffe, qui s’avéreront décisives pour la suite immédiate de la guerre. La Luftwaffe a perdu en cinq semaines 1 300 avions sur les 3 900 engagés le 10 mai[70], dont 200 chasseurs Me-109 sur 1 000 soit 20 % du total et 125 chasseurs Me-110 sur 355 soit 35 % du total, appareils qui manqueront pour la bataille d'Angleterre. L'Armée de l'air française a perdu entre 1.500 à 2.000 avions, pour environ 500 avions ennemis abattus[71], le solde d'avions allemands perdus provenant d'autres forces aériennes ou d'artillerie anti-aérienne. Ce qui représente une moyenne d'environ trente avions allemandes perdus par jour de guerre.
Certes, l'industrie allemande est capable de combler rapidement ces vides, mais ce qui n'est pas remplaçable aussi vite, ce sont les quelque 1 000 aviateurs allemands tués ou tombés aux mains des Alliés. Mais les Français, qui avaient donné l'assurance au gouvernement britannique que les 400 pilotes allemands capturés seraient transférés en Angleterre, les feront finalement libérer et rendus aux Allemands après l'armistice par le nouveau gouvernement de Pétain[72], dont des as comme Werner Mölders, abattu au combat le 5 juin 1940 par un Dewoitine D 520 piloté par le sous-lieutenant René Pommier Layragues, et libéré deux semaines plus tard par les Français à la signature de l'armistice[73].
À ces morts au combat, s’ajoutent les pertes civiles, victimes de bombardements, d’exécutions sommaires et de massacres :
Pour la France, jusqu'à la fin des années 2000, le chiffre des pertes militaires du au n'était pas connu avec précision, les estimations faites par les historiens variant entre 55 000 et 123 000 morts, et entre 120 000 et 250 000 blessés[76],[77]. Ces chiffres comprenant parfois également environ 39 000 morts en captivité, et 5 200 disparus[78] ; mais aussi 21 000 civils[75] et les morts de l’Armée de Vichy jusqu’au (combats du Levant et d’Afrique du Nord). Jean-Jacques Arzalier évalue ces pertes à non moins de 50 000 et au plus à 90 000 soldats morts au combat et à 123 000 blessés, le chiffre le plus probable se situant entre 55 000 et 65 000 tués[68].
La période équivalente de 1914, les six premières semaines de combat, qui est souvent comparée sous cet aspect-là à la bataille de France, avait fait perdre 700 000 hommes à l’Armée française (tués, blessés, prisonniers), dont 313 000 morts[79]. En outre, 1 800 000 soldats de l'Armée française sont capturés par les troupes allemandes avant d'être internés dans différents types de camps. Un grand nombre de prisonniers tente de s'évader, 70 000 réussissant sur l'ensemble de la période, sans compter ceux évadés dès les premiers mois avant leur transfert vers l'Allemagne[80].
En 2010, le fichier de l'état civil militaire de la Seconde Guerre mondiale, mis en ligne sur le site Mémoire des hommes, a permis d'établir une statistique précise du nombre de morts de la campagne de mai-juin 1940 qui s'élève à 58 829 décès. Selon le Ministère de la Défense, « le chiffre de 100 000 morts, longtemps avancé et repris jusque-là par les meilleurs spécialistes de la période, révèle ainsi son caractère symbolique. Les pertes au combat s'établissent en réalité à 58 829 décès, exception faite cependant des marins, dont les décès étaient enregistrés selon des procédures différentes »[2],[81]. Treize officiers généraux sont morts pour la France.
Date | Nombre de morts |
10 mai | 409 |
11 mai | 314 |
12 mai | 614 |
13 mai | 832 |
14 mai | 1 266 |
15 mai | 1 471 |
16 mai | 1 456 |
17 mai | 1 572 |
18 mai | 1 543 |
19 mai | 1 435 |
20 mai | 1 726 |
21 mai | 934 |
22 mai | 737 |
23 mai | 1 349 |
24 mai | 1 081 |
25 mai | 992 |
26 mai | 920 |
27 mai | 1 180 |
28 mai | 944 |
29 mai | 724 |
30 mai | 816 |
31 mai | 1 213 |
1er juin | 879 |
2 juin | 993 |
3 juin | 870 |
4 juin | 619 |
5 juin | 2 321 |
6 juin | 1 883 |
7 juin | 1 529 |
8 juin | 1 652 |
9 juin | 2 746 |
10 juin | 2 351 |
11 juin | 1 419 |
12 juin | 1 651 |
13 juin | 1 536 |
14 juin | 2 342 |
15 juin | 1 995 |
16 juin | 2 013 |
17 juin | 2 209 |
18 juin | 1 813 |
19 juin | 1 551 |
20 juin | 1 383 |
21 juin | 933 |
22 juin | 613 |
Outre les pertes humaines, les pertes en moyens militaires sont énormes :
- le Corps expéditionnaire britannique abandonne tout son matériel à Dunkerque[82] ;
- la RAF perd plus de 1 000 appareils et 435 pilotes, dont plus de 400 chasseurs dans la bataille[82]. La majorité étant des chasseurs Hurricane[83] et quelques Spitfire relativement peu employés sur le continent[24] ;
- l’Armée française perd 320 000 de ses 400 000 chevaux, et tout le matériel lourd qu’ils tractaient (artillerie antichar[84]) ;
- la flotte française a perdu 2 contre-torpilleurs, 5 torpilleurs, 1 pétrolier et des petits bateaux sans grande valeur militaire. Elle a réussi à sauver la plus grosse partie de ses navires de combat (235 des 291 navires à flot, 95 % du tonnage[85]) ; mais tous les ports et arsenaux de la côte atlantique sont sabotés et elle se retrouve pratiquement sans infrastructures de soutien, donc avec un niveau opérationnel limité. De plus, 148 des navires évacués s’abritent dans des ports britanniques (38 % du tonnage évacué)[86], et sont finalement retenus par le Royaume-Uni ()[87]. De plus encore, de nombreux navires en construction ou en réparations ont été sabordés ou saisis par les Allemands, le tonnage de ces pertes s’élevant à 170 000 tonnes[88]. Et surtout, la France avait promis à son allié britannique que sa flotte ne tomberait pas aux mains de l’Allemagne. Or, les conditions d’armistice imposent aux navires français ayant rejoint les ports de l’empire colonial de rentrer en métropole. Tombés dans les mains allemandes, ils représenteraient une telle menace pour le Royaume-Uni que cela rend inévitable, d'après Churchill, une réaction (opération Catapult et, en particulier, Mers el-Kébir) durant laquelle plusieurs bateaux français sont détruits[89].
Les raisons de la défaite française
L'Armée française était-elle aussi surclassée en quantité et en qualité qu'on a bien voulu le dire ? C'est le sujet d'une controverse qui dure depuis juin 1940, entre les auteurs qui défendent le bilan des anciens gouvernements de la IIIe République, leurs accusateurs qui leur reprochent de n'avoir pas préparé sérieusement la guerre, et les historiens qui ont la lourde tâche de comparer des statistiques hétérogènes[90]. Deux précautions de méthodes sont rarement respectées par ceux qui s'engagent dans cette discussion.
- La suite des évènements peut influencer l'historien. Notamment l'héroïque résistance britannique à partir de juillet 1940 fait oublier que, dans la bataille de France, le grand empire britannique n'a été capable de mettre que 13 divisions au combat. Et que ces troupes, avec leurs commandements, ne se sont comportées ni plus mal ni mieux que les Français.
- Facteur stratégique décisif pouvant être oublié, le Reich hitlérien bénéficiait de la neutralité bienveillante de l'URSS et des livraisons massives qui en provenaient. L'Allemagne nazie a donc pu échapper au blocus économique anglais, et concentrer toutes ses forces pour frapper les démocraties occidentales, tandis que la France devait maintenir des troupes dispersées face notamment à l'Italie, dans les Alpes du Sud et en Afrique du Nord.
Au niveau matériel, les forces allemandes blindées en présence alignent 2 600 chars contre 2 300 pour les forces françaises[56].
D'un point de vue strictement matériel, l'Armée française de terre fait donc quasiment jeu égal avec la Wehrmacht : son taux de motorisation est égal à celui de l'Armée allemande (autour des 20 %), et même supérieur dans le domaine de l'artillerie. Les blindés français étaient eux, mieux blindés dans l'ensemble et parfois mieux armés, mais un peu moins rapides, mal conçus et plus difficiles à manœuvrer que les Panzers. Les meilleurs chars français, les chars B1, étaient les mieux armés de la bataille ; et leur blindage était si épais que seul le 88 antiaérien allemand pouvait espérer le percer. Ils avaient toutefois des défauts de conception technique : le pointage du canon de 75 en casemate nécessite d'avoir le moteur constamment allumé, ce qui réduit l'autonomie déjà limitée, une tourelle monoplace à l'ergonomie et visibilité catastrophiques, en plus une conception qui s'est faite dans la douleur sans aucune réflexion d'emploi préalable.
Selon l’historien Olivier Wieworka, la défaite éclair ne provient pas d’une insuffisance de moyens ni d’une combattivité insuffisante coté alliés, mais d’une part d’une méconnaissance des possibilités offertes par l’aviation et les chars, d’autre part d’une conduite désastreuse des opérations par l’état-major[91].
Ainsi, les chars sur le front ont été mal employés par l'état-major en vertu d'une doctrine datant de 1918 et jamais remise à jour où l'infanterie est toujours considérée du point de vue français comme la maîtresse des batailles [56] : sur les quatre divisions cuirassées françaises (contre dix Panzerdivisionen allemandes), deux seulement ont été utilisées pour attaquer en masse, les deux autres ont été dispersées dans des actions défensives, et sacrifiées vainement, là où les stratèges allemands concentraient sur un front court mais continu leurs Panzerdivisionen de 250 chars chacune avec pour objectif de percer le front en laissant à l'infanterie le soin de réduire les poches de résistance après la percée[56].
Sur le plan de l'artillerie, les deux camps opposent les canons antichars suivants : les canons de « Flak 88 » allemand, détournés de leur emploi primaire, seul capable de percer le blindage du char B1 ; le 25 et le 47 mm français (le plus puissant jusqu'à l'armistice) — mais la défense antichar française était souvent clairsemée.
Le seul domaine où les Allemands disposent d'une supériorité technique et numérique très nette est l'aviation. Ils disposent en effet de 3 600 avions chasseurs et bombardiers contre 1 103 avions et 1 800 britanniques dont 400 basés en France. La supériorité allemande est indiscutable sur le domaine des bombardiers où la France ne possède pas d'équivalent[56].
Sur le plan stratégique, le Reich applique à fond la doctrine de la « maîtrise de l'air ». Privilégiée par le régime nazi, la Luftwaffe est dotée d'avions très supérieurs à tout ce qui équipe les escadrilles alliées. Le chasseur Messerschmitt 109 surclasse nettement les Morane-Saulnier MS.406 français et Hurricane anglais qui constituent l'essentiel des chasses alliées, sur le plan de la vitesse (plus de 80 km/h chacun en vitesse maximale) et de l'armement. Ce déséquilibre ne peut être compensé par l'arrivée d'une centaine d'avions Curtiss américains à l'Armée de l'air française, ni par les premières livraisons de chasseurs modernes Dewoitine D.520 (32 exemplaires, versés au GCI/3 principalement) ou Spitfire, qui n'équipent encore que de rares unités en . Du côté du bombardement, la Luftwaffe attaque avec des appareils très modernes, parfois plus rapides que les chasseurs alliés, et avec les bombardiers en piqué Stuka, qui détruisent méthodiquement les centres de résistance, les batteries d'artillerie, les chars alliés, et dont l'efficacité produit un effet psychologique très démoralisant sur les troupes au sol. Celles-ci n'ont qu'une défense antiaérienne faible (elle est principalement massée près des grandes villes). Enfin, la Luftwaffe lance des raids massifs de bombardiers (souvent une centaine d'appareils à la fois), puissamment escortés, qui surprennent la chasse alliée non préparée à des combats de cette ampleur, preuve d'une doctrine française profondément restée ancrée dans les conceptions de 1914-1918[56].
Une cause essentielle englobe un certain nombre de manquements dans le haut-commandement. Depuis 1918, l'Armée française disposait d'une structure de commandement complexe, extrêmement efficace sur le papier ; mais la disparition des compétences et le vieillissement des cadres avaient contribué à « ossifier » le commandement, qui se montra trop peu réactif et commit des erreurs majeures. Mais ces défauts n'étaient pas spécifiques à la France, on les retrouve dans toutes les démocraties, qui ne cherchaient pas à préparer une guerre. L'Allemagne nazie (comme le Japon en Asie) a forgé un outil militaire offensif, avec les équipements, la motivation et la sélection des chefs adéquats. De fait elle vaincra tous ses adversaires jusqu'en 1942.
Aviation, DCA et artillerie
L'aviation est le domaine où l’Armée allemande domine dès le début de la campagne.
Le ciel n’est pas vide d’avions français, comme il a souvent été dit, même si les chasseurs français vraiment capables de rivaliser avec leurs homologues allemands sont encore trop peu nombreux au sein des unités, comme le Dewoitine D.520, avec seulement une escadrille dotée de 36 de ces appareils le . Les forces aériennes françaises étaient également éparpillées par petits groupes de la frontière belge à la frontière italienne, ce qui rendait leur nécessaire disponibilité en masse impossible au point chaud des combats.
Le retard de l'aviation française s'explique par un certain désintérêt pour cette arme, composante de l'Armée de terre, un nombre incroyable de projets concurrents abandonnés ou mal finalisés, occasionnant un éparpillement des ressources et une perte de temps considérable dans la mise au point des appareils. Il en a résulté qu'au 10 mai 1940, un grand nombre d'appareils très différents était en service, rendant également leur maintenance cauchemardesque du fait de la multiplicité des pièces de rechange nécessaires aux divers appareils. L'industrie d'aviation était également très morcelée et semi-artisanale, d'où la multiplication des appels à projets concurrents et la lenteur de production et de mise au point. Ce problème fût partiellement résolu par la nationalisation de la production aéronautique par le Front populaire, mais ce processus de rationalisation de la production commença trop tard pour porter ses fruits à temps pour l'attaque allemande de mai 1940[92],[93].
Le résultat fut que la quasi-totalité des appareils en service dans l'armée de l'air française au 10 mai 1940 étaient dépassés et incapables de soutenir la comparaison avec leurs homologues allemands[réf. nécessaire]. Les appareils modernes étant arrivés trop tard et en trop petit nombre, les pilotes et équipage manquaient également d’entraînement sur ces appareils, ce qui a grandement diminué leur efficacité. Tout ceci se résume dans le ratio victoires/pertes de 1 pour 2 lors de la campagne de mai-juin 40, soit environ 500 victoires pour 1000 appareils perdus, même si une partie fut abattue par la FLAK, il est vrai[94].
D'autre part, au-delà des considérations statistiques, les avions français souffrent de défauts techniques qui réduisent encore leur efficacité : mauvais fonctionnement à haute altitude (armes enrayées par le froid, manque de dégivrage…), moteurs peu fiables et pas assez puissants[réf. nécessaire]. On a aussi noté des sabotages effectués par des ouvriers communistes en vertu du pacte germano-soviétique, dans les usines françaises notamment sur des moteurs d'avions[95],[96],[97]. Signalons que l'Armée disposait à l'époque de nombreux avions modernes américains mais qui n'étaient pas équipés pour les combats et qu'elle avait aussi dans le Midi de nombreux avions français neufs qui devaient recevoir des équipements complémentaires pour être prêts à l'usage militaire ou qui, même prêts pour le combat, ne pouvaient pas être amenés au front faute de pilotes. Les aviateurs et la défense anti-aérienne parviennent tout de même à des résultats : 20 % des Messerschmitt-109 alignés en ont été abattus. Les pertes en mai-juin de la Luftwaffe (1 300 appareils, en incluant les appareils perdus lors d'accidents) sont comparables à celles de la bataille d'Angleterre[98]. La chasse française, et marginalement la DCA, ont comptabilisé un nombre de victoires compris entre 400 et 500[99], chiffre ne tenant pas compte du système d'homologation « généreux » des victoires aériennes en vigueur (tous les appareils ayant pris part à la destruction d'une cible se voient chacun crédités d'une victoire) et qui conduira au mythe des 1000 victoires longtemps repris sans discernement par de nombreux historiens. Le chiffre de 500 victoires peut cependant être doublé si l'on tient compte des avions allemands gravement endommagés, même si beaucoup furent récupérés et réparés. Au moment de l'armistice, la France détenait 900 aviateurs allemands prisonniers[réf. souhaitée]. Malgré des demandes de la Grande-Bretagne, l'Armée française refusa de transférer au Royaume-Uni ces aviateurs qui furent libérés après l'armistice. Certains historiens considèrent que cette usure de la Luftwaffe comptera de façon décisive dans la bataille d'Angleterre, mais la récupération des avions endommagés et surtout des pilotes allemands prisonniers des Français tempère quelque peu cette affirmation.
La dotation en DCA dans l'Armée française est globalement insuffisante, l'effort industriel en vue de la production de canons anti-aériens ayant été trop tardif dans les années précédant l'entrée en guerre. Beaucoup d'unités en seront réduites à utiliser leurs mitrailleuses comme défense anti-aérienne. L'un des principaux problèmes de l'aviation de chasse française vient aussi du fait que ses unités sont éparpillées sur l'ensemble du territoire, et de ce fait souvent indisponibles dans la zone des combats. Cela avait par contre l'avantage théorique non négligeable de réduire la probabilité de pertes massives d'avions en cas d'attaques surprises. C'est aussi et surtout l'absence de coordination avec les autres armes qui a déterminé le manque d'efficacité de l'aviation, alors que la tactique allemande implique une collaboration très étroite entre les troupes au sol et les unités aériennes, ces dernières se tenant à disposition des unités au sol dans des délais le plus souvent très brefs. Il est cependant à signaler que l'usage de cette tactique d'attaque combinée était connue et enseignée en France et qu'elle a même été appliquée au niveau de la première armée, dont le corps de cavalerie a pu bénéficier de l'appui de forces aériennes de reconnaissance et de bombardement en plus de l'appui classique de l'artillerie tractée. Cela explique en partie le succès qu'elle a eu lors des premiers combats en Belgique face à des unités allemandes blindées modernes aguerries. Cette doctrine d'emploi était connue dans certains états-majors français, mais le problème était surtout que l'Armée souffrait d'un manque de matériel moderne de télécommunication et de techniciens radio formés pour l'utiliser
Le Haut Commandement français ne semble pas avoir réussi à préciser de doctrine d'emploi claire pour l'aviation dans les années 1930. Il n'a pas non plus réussi à compenser les grandes pertes en avions (environ 1 000) et subvenir aux gros besoins en matériel de réparation et de maintenance de ses unités, malgré un effort industriel colossal pendant la campagne ; la France aura fin plus d'avions disponibles qu'au , mais une majorité sera capturée dans les dépôts et usines par les Allemands sans avoir pu servir. Beaucoup d'avions français, ainsi que la plupart des avions belges et hollandais, sont détruits au sol le par des attaques surprises d'avions allemands en piqué (principalement des Stukas conçus dans ce but). C'est encore l'aviation d'assaut allemande qui fait vaciller la résistance des réservistes tenant le front à Sedan.
Le 10 mai, l'artillerie antiaérienne belge, pourtant constituée d'excellents canons de marque Bofors de conception suédoise, est surprise à plusieurs endroits puis se reprend en se révélant une des armes les plus efficaces de la campagne de Belgique. Parvenant à soustraire la majeure partie de leurs batteries à la capture, les artilleurs les laissent aux Britanniques qui les récupèrent le . L'aviation belge rescapée des attaques du peut intervenir pour des bombardements de ponts, mais avec de grosses pertes, parfois pour des attaques en rase motte contre des pointes avancées d'infanterie allemande et pour l'observation et le réglage de tirs de l'artillerie terrestre. Les derniers appareils rescapés sont sabotés le .
Au sol, l'artillerie française, contrairement au début du premier conflit mondial et à la guerre de 1870-1871, n'a rien à envier à son homologue allemande[100]. Les archives allemandes témoignent largement de l'efficacité et de la précision des artilleurs français. La guerre de mouvement rapide imposée par les Allemands réduit cependant le rôle de l'artillerie lourde française. Les batteries françaises seront souvent confrontées à des attaques directes de chars allemands et devront parfois utiliser leurs 75 mm comme antichar en tir tendu !
L'intervention de l'aviation britannique doit aussi être relevée, par exemple face à la percée du front à Sedan. Elle remporte une part honorable de victoires jusqu'au début de . Ensuite, ce qui en subsiste se replie en Angleterre qu'elle est chargée de défendre en priorité pour ne plus guère intervenir efficacement dans le ciel français.
En y regardant de près, on pourrait conclure que c'est la supériorité tactique et technique de la Luftwaffe qui a rendu la victoire allemande possible si rapidement en mai-juin 1940.
Il faut également noter l'absence décisive d'exploitation par le généralissime Gamelin des repérages multiples et répétés par l'aviation de reconnaissance des troupes allemandes fortement concentrées sur les routes ardennaises avant leur percée à Sedan et la non-application des plans de destructions de ponts et de routes qui étaient pourtant prévues en cas de mouvements allemands trop rapides.
Toutefois, les pertes allemandes (plus de 20 % des effectifs engagés de la Luftwaffe) ont été importantes et auront contribué de l'échec allemand de la bataille d'Angleterre.
Blindés
La France dispose des SOMUA S35 et des B1/B1 bis qui étaient avec le KV-1 les chars avec le meilleur blindage/armement au monde en 1940. Les blindés allemands peinent à percer le blindage du B1-bis et doivent souvent demander un appui aérien ou des canons antichars pour être sûrs de pouvoir les détruire[101],[102].
Lors de la première bataille de chars de l’histoire (la bataille de Hannut), les chars français font jeu égal avec les Panzers, ces derniers conservant l'avantage uniquement grâce à leur couverture aérienne efficace et parfaitement coordonnée, et aux terribles canons antichar/antiaériens de 88 mm.
S'il est vrai que la majorité des chars en service sont des blindés légers de qualité très relative (Renault R35, R39, Hotchkiss H35, H39, FCM 36, sans compter un grand nombre de Char Renault FT datant de la Première Guerre mondiale totalement dépassés), c'est également le cas dans les divisions blindées allemandes, où le char le plus puissant, le panzer IV, seul capable de rivaliser avec les chars Somua S-35 et B1-bis français, ne représente qu'environ 10 % des blindés en service. Les blindés légers français, bien qu'étant inefficace en combat anti-char et peu efficace contre l'infanterie en raison de leur armement totalement dépassé, (pour majorité les 37mm court SA18 récupérés sur les FT), disposent cependant d'un bien meilleur blindage que les PzI et PzII allemands. Reste que ces défauts, associés à une lenteur préjudiciable dans une guerre rapide, font des R35, H35, FCM36 des chars quasiment "inutiles" lors de la bataille de France.
Les gros défauts des chars français était leur tourelle à un seul homme. Le chef de char, seul dans sa tourelle exiguë, peu ergonomique et offrant une visibilité exécrable, était à la fois viseur, tireur et devant recharger son canon, il était submergé par les tâches à accomplir alors que la conception des chars allemands (cinq hommes dans les chars lourds) permettait une meilleure répartition des tâches et donc une meilleure efficacité du char en combat.
La tourelle APX1 à coupole, commune à de nombreux chars français pour des raisons d'économies budgétaires, ne permettait pas au chef de char de sortir la tête au-dessus, contrairement aux chars allemands équipés de trappe, pour avoir momentanément une meilleure vision du terrain et donc de compenser la très mauvaise visibilité depuis l'intérieur du char, défaut majeur de l'ensemble des chars français. Il était donc très difficile pour les équipages de repérer l'ennemi et d'observer le terrain correctement.
La plupart des chars français n'étaient pas équipés de radio. Ceux qui l'étaient ne pouvaient en tirer grand avantage du fait de leur faible portée et de leur mauvaise fiabilité (une simple rangée d'arbres pouvait bloquer tout communication). On doit s'imaginer des chefs de bataillon de char obligés de communiquer leurs ordres par fanion depuis l'arrière de leur tourelle, sous le feu ennemi. La radio étant généralisée dans l'armée allemande, il était extrêmement facile pour elle de guider ses unités, de faire passer des ordres rapidement et ainsi d'obtenir un mouvement coordonné et immédiat des unités engagées. Seuls les chefs de bataillons de H39 étaient équipés d'émetteurs au sein des DLC.
Un autre aspect essentiel des chars français vient de leur conception en tant que soutien d'infanterie pour leur majorité, conformément à la doctrine en vigueur dans l'armée française (et britannique) de l'époque. Outre les DCR, (dont la 4e du Colonel de Gaulle fut constituée en catastrophe dans le chaos des combats, insuffisamment dotée et servie par des équipages pour la plupart totalement novices), les chars français étaient fractionnés en dizaines de Bataillons de Chars de Combat, non autonomes, lents, aux communications défaillantes, alors que les Panzerdivisions étaient capables d'actions autonomes « en profondeur », c'est-à-dire derrière le front ennemi après sa rupture.
Leur vitesse moyenne et leur autonomie inférieure à celle des chars allemands (à l'exception du S35, mais son système de plein de carburant à deux réservoirs posera quelques problèmes aux équipages novices), en particulier celles des B1-bis, feront qu'un grand nombre de ces chars finiront en panne de carburant au milieu des champs de bataille, sabordés par leurs équipages, ou récupérés par les Allemands. À noter que l'utilisation des jerricans (invention allemande, d'où leur nom : bidon fritz en anglais) permettait aux équipages allemands d'être ravitaillés par avion, et de remplir leur réservoir autrement plus facilement qu'avec les pompes à main utilisées par les Français, ces derniers devant passer à la pompe l'un après l'autre dans un processus interminable.
Le cas du B1 est très parlant. Projet "bâtard", retardé maintes fois en raison des limitations imposées par les conventions de désarmement de l'entre deux guerres (interdiction de chars de plus de 15t, quand le B1 dépassait les 30 t). La conception du B1 s'est faite dans l'optique d'un char lourd de bataille, mais sans réelle réflexion préalable sur sa doctrine d'emploi. En a résulté un char bien armé et bien protégé mais difficile d'emploi, notamment pour les raisons techniques évoquées plus haut, et finalement pas vraiment adapté à quoi que ce soit, soutien d'infanterie ou percée du front. La conception et l'emploi de ce char sont assez symptomatiques et représentatives des errements et de l'absence de vision rationnelle du commandement pour l'ensemble des armées et de ses matériels. Certains ne sont pas mauvais, mais aucun n'est vraiment bon et conçu pour correspondre à une tâche bien précise, pensée et réfléchie sérieusement en amont.
Stratégie et tactique
C’est principalement aux niveaux opérationnel et tactique, soit la doctrine d'emploi des armes, en particulier des blindés, et de la liaison chars-avions, que l’Armée française se révèle inférieure face à l'Armée allemande.
Alors que les 2 592 Panzers allemands sont regroupés au sein de dix divisions très autonomes et cohérentes d'environ 250 blindés soutenus par de l’infanterie, du génie, de l’artillerie motorisée, un système logistique performant et surtout par l'aviation d'assaut, plus des deux tiers des 4 002 chars français sont éparpillés en « groupements de bataillons de chars » d'une centaine d'engins aux diverses armées, sans aucune autonomie opérationnelle ni appui suffisant d'infanterie ou d'artillerie et surtout, ce qui sera le plus grave défaut de la tactique française, sans soutien aérien ou logistique adapté. Pour l’état-major français de l'époque, le blindé restait principalement un élément d'accompagnement et de soutien de l'infanterie, tout comme en 1918[56].
Les chars français sont donc conçus en conséquence et, en dépit de leur blindage et de leur armement supérieur, souffrent de nombreuses lacunes par rapport à leurs rivaux allemands dont notamment l'absence quasi totale de système de communications radio qui, lorsque présents, ont souvent des problèmes de fiabilité. En comparaison, tous les chars allemands disposent de radios modernes et fiables, la où l'Armée française restait encore à l'emploi du pigeon voyageur et du téléphone[56].
Leur autonomie est réduite également du fait de leur conception en tant que soutien d'infanterie, qui se combine avec la lenteur et la lourdeur du système de ravitaillement en carburant par camion citerne, alors que les Allemands utilisent des jerrycans qui permettent un approvisionnement bien plus rapide. On note aussi la prédominance de tourelles monoplaces où le chef de véhicule est surchargé par les tâches à accomplir. D'une certaine façon, le pire côtoie le meilleur. On voit néanmoins des succès francs, comme à Stonne, avec plus de 100 chars allemands détruits, dont douze par un seul char B1 bis[réf. nécessaire], ou encore à Hannut et à Montcornet (offensive de De Gaulle). Mais les chars français ont peu d'opportunités pour profiter de leurs avantages et ne peuvent influer sur le cours des événements, car la guerre menée par les Allemands va plus vite qu'eux. À signaler également la première attaque de nuit de l'histoire par des chars lors de la bataille d'Abbeville, un succès français[source insuffisante][103].
Si l'emploi combiné de l'aviation et des blindés aux mains d'un corps de soldats professionnels explique en partie la défaite française, elle est insuffisante à elle seule. Élaborée et mise en pratique sur le plan tactique par les Allemands lors de la campagne en Pologne en 1939, son efficacité contre l’Armée française était encore sujette à caution au sein du commandement allemand avant le déclenchement des opérations. Même si elle y reçoit un écho peu favorable, en raison du conservatisme de l’état-major, elle est prônée aussi en France et aurait pu être appliquée par certains de ses théoriciens comme le colonel Charles de Gaulle. Mais il se heurta au conservatisme de la doctrine militaire des chefs de l'Armée française des années 1930, ainsi qu'aux réticences du monde politique qui s'opposait fortement à la constitution d'une armée professionnelle mécanisée, telle que préconisée par De Gaulle.
Tout le monde[Qui ?][évasif] comptait sur la ligne Maginot, dont le but était de fixer et retarder suffisamment l'ennemi pour permettre la mobilisation et la montée en ligne du corps de bataille français, et non de réitérer une guerre de position dans le style de 14-18 comme on l'a souvent entendu. Un autre point capital était la protection des bassins industriels et des mines du nord-est essentiels à l'effort de guerre français et directement menacés par une éventuelle invasion allemande. La ligne Maginot n'était pourtant pas exempte de faiblesses. Winston Churchill jugeait en effet:"« extraordinaire qu'elle n'ait été prolongée au moins le long de la Meuse »[104].
Cependant, la prolongation de la ligne Maginot se heurtait à la topographie défavorable et à une urbanisation très dense à partir de la frontière Belge, ce qui rendait ce type de fortifications inefficaces, d'autant que l'on comptait sur les fortifications Belges pour couvrir leur secteur et faire de la Belgique un champ de bataille envisagé pour la bataille à venir. D'autres secteurs de la ligne Maginot furent peu fortifiés pour ces mêmes raisons, notamment le secteur de Sedan. L'aspect diplomatique est souvent avancé pour expliquer l'arrêt de la ligne à la frontière Belge, mais cela a eu un impact marginal au regard des considérations topographiques et pratiques évoquées plus haut. Le ratio dépense/résultat était tout simplement trop défavorable pour engager la poursuite de la ligne le long de la Belgique.
En effet, en 1934, et outre l'aspect diplomatique, alors qu'il est ministre de la guerre, Pétain avait limité les travaux d'extension de la ligne Maginot à la frontière belge[105] ayant foi dans le bloc des Ardennes et considérant l'apport des nouvelles technologies comme les chars et les avions comme négligeable[56]. Les autorités et stratèges militaires français pensaient que les Ardennes étaient une barrière naturelle infranchissable pour les forces allemandes[56] et n'intègrent donc pas dans leurs plans la possibilité d'un franchissement par des unités motorisées, réduisant sa capacité défensive et n'ayant pas eu, comme l'indiquait Marc Bloch, "la sagesse de bétonner suffisamment notre frontière du Nord aussi exposée que celle de l'Est"[106].
La France dispose en mai de sept divisions blindées : les 1re, 2e et 3e divisions légères mécaniques (nettement inférieures aux divisions Panzer) et 1re, 2e, 3e et 4e divisions cuirassées. Certes, les deux dernières ont été constituées à la hâte après le début du conflit, mais la plupart sont plus puissantes que leurs équivalentes allemandes même si elles sont moins bien organisées.
Avant la guerre, l'État-major français prévoyait que les Allemands tenteraient une répétition du plan Schlieffen de 1914. Ce postulat était très rationnel et cohérent avec la sclérose de la bataille d'encerclement qui sévissait au sein de l'État-major allemand (toutes les batailles livrées par la Wehrmacht pendant le conflit seront des batailles d'encerclement, tentatives de répétition à échelle stratégique de la bataille de Cannes). Une trahison vénale avait de plus livré aux Alliés le plan de bataille allemand original, qui prévoyait en effet de passer par la Belgique. Les Allemands apprirent cette trahison et changèrent leurs plans en conséquence. Le 10 mai 1940, un groupe d'armées allemandes envahissait la Belgique et les Pays-Bas. Leur objectif était d'attirer les meilleures unités françaises et anglaises, le British Expeditionnary Force, la 1re et la 7e armée le plus au nord possible. Les haut commandements français et britannique réagissent en envoyant donc aux Pays-Bas la plus mobile des armées françaises afin de couper l'herbe sous les chenilles allemandes, tombant dans le piège stratégique allemand et laissant le champ libre dans les Ardennes aux meilleures unités allemandes[56].
Quant à l'exécution du plan allemand, Rommel mena sa division à bride abattue sur plusieurs centaines de kilomètres vers l'ouest malgré les tentatives désespérées de son propre état-major pour le faire freiner et au mépris de toutes les règles les plus élémentaires de la guerre : une telle manœuvre en territoire ennemi, sans support de l'arrière avec la menace constante du sectionnement du « cordon ombilical » le reliant à la base, était considérée comme un suicide. De fait, il passa plusieurs fois bien près du désastre, mais il réussit.
L'état-major de l'armée française
Dès le début, les erreurs et les effets de la rigidité de la structure de commandement s'accumulèrent.
Avant le début des opérations, durant la période de la drôle de guerre, du 3 septembre 1939 au 10 mai 1940, là où le commandement militaire allemand mit à profit ce délai pour entraîner au maximum ses unités, le commandement français s'abstint de tout entrainement pouvant motiver et maintenir l'efficacité opérationnelle des troupes[56].
Les déficiences du système de communication se font cruellement sentir : l'absence généralisée de radios dans toutes les unités combattantes et non-combattantes au profit du téléphone[56] est à l'origine d'un chaos difficilement imaginable: ordres reçus trop tard, contre-ordres envoyés et donc reçus trop tard, lenteur générale de la circulation des informations ; les messages sont toujours codés, même là où ce n'est pas nécessaire, les lignes téléphoniques souvent coupées, les estafettes à moto se perdent, ne trouvent pas les PC des unités qui ont bougé, se retrouvent empêtrés dans le flot des réfugiés, etc.
Les meilleures unités blindées furent baladées et souvent éparpillées inutilement entre les différents points du front, assignées puis réassignées à des unités distantes de dizaines de kilomètres, séparées de leur échelon logistique, fractionnées puis diluées, certains éléments étant déplacés par train, d'autres par la route, souvent pour ne jamais pouvoir se regrouper, puis utilisées en missions-suicide de retardement. Certains généraux d'armée virent arriver des unités sans même être au courant qu'elles étaient placées sous leurs ordres, d'autres ne recevant jamais les renforts demandés.
L'État-major fut rapidement débordé par l'avance fulgurante des armées allemandes, et sera presque toujours incapable de réagir à temps, ne sachant parfois même pas où se trouvaient ses propres unités, et encore moins où se trouvait l'ennemi[56].
Avant la guerre, des parlementaires et militaires avaient tout de même alerté le gouvernement et l'État-major sur l'insuffisance des défenses de la région de Sedan, mais sans succès face à l'aveuglement idéologique des responsables militaires qui étaient persuadés que les Allemands agiraient conformément à leurs prévisions théoriques. Ils croyaient toujours que les Ardennes étaient impénétrables par des unités motorisées[56] et ce, malgré le fait qu'un Kriegspiel, organisé quelques mois avant l'attaque allemande, avait montré que ce n'était pas le cas.
Le Général Huntziger, commandant du secteur de Sedan, porte une grande responsabilité dans la percée allemande sur la Meuse à la sortie des Ardennes. Des renforts, du soutien aérien lui ont été proposés, il les a refusés jusqu'au bout, malgré la gravité de la situation et a tenté, une fois la catastrophe avérée, de faire porter le chapeau à Corap et ses divisions de réservistes mal équipées et mal entraînées.
Les chefs français avaient visiblement oublié les enseignements de Napoléon, pour qui le plan de bataille considéré comme parfait, préparé jusque dans ses moindres détails, était voué à l'échec s'il ne prenait pas en compte l'imprévu. Les Allemands, étant capables de s'adapter rapidement aux imprévus, ne commirent pas cette erreur en plus de ne pas « jouer » selon les règles prévues par l'état-major français…
Cet état d'esprit de rigidité doctrinaire militaire a notamment été analysé par l'historien et témoin direct des événements, Marc Bloch dans son ouvrage historique L'Étrange Défaite[106] :
« (…) Parce que beaucoup de savants professeurs de tactique se méfiaient des unités motorisées, jugées trop lourdes à mouvoir (les calculs leur attribuaient, en effet, des déplacements très lents ; car on les imaginait, par sécurité, ne bougeant que de nuit ; la guerre de vitesse eut lieu, presque uniformément, en plein jour); parce qu'il fut enseigné, au cours de cavalerie de l'École de Guerre, que les chars passables pour la défensive, étaient de valeur offensive à peu près nulle; parce que les techniciens ou soi-disant tels estimaient le bombardement par artillerie beaucoup plus efficace que le bombardement par avions, sans réfléchir que les canons ont besoin de faire venir de fort loin leurs munitions, au lieu que les avions vont eux-mêmes, à tire-d’aile, se recharger des leurs. En un mot, parce que nos chefs, au milieu de beaucoup de contradictions, ont prétendu avant tout, renouveler en 1940, la guerre de 1914-1918. Les Allemands faisaient celle de 1940. »
Cette vision est corroborée par le procès-verbal du Comité de guerre, du 25 mai 1940, (document récupéré et publié en 1941 par les autorités allemandes après la capture du train des archives de l'état-major français en gare de Charité en 1940) où le général Weygand, chargé de la défense du front français à partir du 20 mai[56], déclara : « La France a commis l'immense erreur de rentrer en guerre n'ayant ni le matériel ni la doctrine qu'il fallait »[107].
Les chefs militaires portent d'un point de vue stratégique la plus grande responsabilité dans la défaite militaire de 1940[56],[réf. à confirmer] . Plus profondément, en s'accrochant aux conceptions, théories et enseignements issus de la Première Guerre Mondiale, et en refusant les nouveautés technologiques comme l'usage massif des chars proposés par le colonel Charles de Gaulle ou l'aviation, des moyens modernes de communication tel la radio et l'emploi de nouvelles tactiques comme la liaison blindés, aviation, infanterie, l'Armée française se condamna à reproduire des solutions inadéquates, déconnectées des réalités du terrain des opérations et menant au désastre sur le plan militaire[56],[réf. à confirmer] .
Défaitisme
L'idée d'une tactique allemande irrésistible, la Blitzkrieg (le mot a été inventé par la presse britannique de l'époque), est apparue comme une évidence par tous ceux qui l'ont vécue sur le terrain, d'abord lors de l'écrasement de la Pologne, ensuite à l'ouest en mai-juin 1940. Elle a été mise en l'avant après la défaite par les chefs militaires français, pour minimiser leur responsabilité dans la débâcle française. Dès le procès de Riom, les autorités vichystes qui font juger les « fautifs » de la grande débâcle du printemps 1940, vont jusqu'à avancer les chiffres de 7 500 chars et de plus de 5 000 avions mis en ligne par la Wehrmacht.
Des historiens, tels que Kenneth Macksey ou John Keegan, apportent aujourd'hui une analyse nouvelle sur cet épisode historique et remettent en question la supériorité de l'Armée allemande ou les causes purement militaires et le défaitisme ambiant ayant conduit au désastre. Ils mettent au jour la responsabilité des élites dont on parlait peu jusqu'alors. En fait, la Blitzkrieg est à la fois une réalité (manifestée par des offensives brutales et une mobilité remarquablement organisée des unités blindées allemandes appuyées par l'aviation) et un « mythe », dans la mesure où il s'agit plus d'un « accident » dû aux circonstances et au coup d'œil des commandants de Panzer Division que d'une doctrine ou d'un plan préparé et prévu. Celui-ci inspirera à leur tour les généraux alliés, y compris le Français Leclerc de Hautecloque. Le succès allemand de 1940 tient beaucoup plus du « coup de chance » que du véritable modèle théorisé : il le deviendra progressivement et sera reproduit avec succès en Libye, dans les Balkans et en Russie.
Il a été souvent dit que les Français de 1940 n'ont pas voulu se battre, en raison d'un pacifisme massivement partagé dans la population. S'il est vrai que le pacifisme prédomine pendant toutes les années 1920 et 1930, pour des raisons évidentes provenant des conséquences de la Grande Guerre, les choses changent radicalement avec l'arrivée de Daladier au pouvoir en 1938. L'opinion française est, dès lors, massivement en faveur d'agir contre Hitler et passe du pacifisme à la résolution de se battre s'il le faut. Malgré les grèves des années précédentes, les ouvriers jouent le jeu et l'industrie atteint des sommets de productivité, sous l'impulsion d'abord du Front populaire, qui malgré le mythe créé par Vichy, a amorcé un redressement militaire massif dès 1936 et n'est donc en rien responsable de la défaite, poursuivi en 1938 par Daladier, avec une explosion des budgets militaires, passant de 10-15 milliards de Francs au début des années 1930 à 65 Milliards sous le gouvernement Daladier.
À titre de comparaison, le Ministre de la Guerre en 1934, Philippe Pétain, aura passé commande de 7 chars de combat durant sa mandature. Au même moment, Hitler passait commande de 3 Panzer Divisions.
Succès français
Lors de la retraite au mois de mai 1940, puis de la débâcle en juin, l’Armée française a quand même connu des succès : la bataille de Hannut près de Gembloux menée par le général Prioux, la bataille de Flavion, près de Charleroi et menée par le général Bruneau, qui eurent pour effet de retarder les chars allemands de 48 heures tandis que des chars français, dirigés par le capitaine Billotte, reprirent dix-sept fois le village de Stonne aux mains des Allemands durant une période de quatre jours. Mais dans tous ces engagements, le soutien aérien français est insuffisant pour permettre une exploitation durable propre à stabiliser les lignes alliées. Ainsi, le , le colonel De Gaulle reçoit la mission de retarder l'ennemi dans la région de Laon. Sa division blindée n'est pas encore complètement opérationnelle, mais malgré cela sa contre-attaque de Montcornet parvint à s'enfoncer de plusieurs dizaines de kilomètres dans le front ennemi avant de devoir battre en retraite par manque d'appuis au sol et de soutien aérien.
La ligne de résistance Weygand sur la Somme et l'Aisne fut l'objet de combats très durs un peu partout et de succès défensifs locaux. Parmi eux, le fait d'armes du 18e régiment d'infanterie qui va tenir le village d'Attigny du au pendant 25 jours de combats consécutifs[108].
Même si la bataille de Dunkerque se solde par un échec pour les armées franco-britanniques, il est important de préciser l'héroïsme des soldats français qui ont permis aux anglais d'évacuer leurs troupes (soit 220 000 hommes + 110 000 soldats français)[56]. On peut citer des témoignages de généraux allemands : « Malgré notre écrasante supériorité numérique, les Français contre-attaquent en plusieurs points. Je ne parviens pas à comprendre comment ces soldats, luttant parfois à 1 contre 20, trouvent la force de donner l'assaut. C'est stupéfiant. Je retrouve en ces soldats la même fougue que ceux de Verdun en 1916. Nous ne perçons nulle part et nous subissons des pertes terrifiantes. […] Dunkerque m’apporte la preuve que le soldat français est l’un des meilleurs au monde. L’artillerie française, tant redoutée déjà en 14-18, démontre une fois de plus sa redoutable efficacité. Nos pertes sont terrifiantes : de nombreux bataillons ont perdu 60 % de leurs effectifs, parfois même plus ! », général von Küchler, commandant la XVIIIe armée de la Wehrmacht (journal de campagne).
Il faut aussi mentionner le combat pour l'honneur des Cadets de Saumur : à peine 2 500 hommes soutinrent le choc de 30 000 à 40 000 soldats allemands pendant plusieurs jours. À la fin des combats, les Allemands pensaient avoir eu devant eux plusieurs divisions. Impressionné par la ténacité des Français et par le fait d'avoir été tenu en échec par une poignée d'hommes, Kurt Feldt, le général allemand commandant l'attaque, eut un des plus beaux gestes de la campagne de France : il fit rendre les honneurs de la guerre aux survivants et leur permit de quitter Saumur avec armes et drapeaux et de passer la ligne de démarcation deux jours plus tard, également devant un piquet de garde allemand au garde à vous, rendant les honneurs en gants blancs. L’armée des Alpes a également tenu les Italiens en échec jusqu'au bout, avant que les Allemands n'attaquent à revers (bataille de la vallée du Rhône).
Il est à noter que le taux de pertes de part et d'autre augmente à partir de début juin malgré la désagrégation progressive de l'Armée française, ce qui tend à infirmer le mythe d'une armée capitulant sans combattre.
On peut aussi noter que, même après la signature de l'armistice, des unités françaises continuèrent à se battre (les gros ouvrages de la ligne Maginot), refusant de se rendre malgré la démission des chefs. Il fallut de nombreuses injonctions du nouveau gouvernement, menacé par les Allemands de représailles dont l'annulation de l’armistice, pour qu'ils déposent les armes seulement après le . L'Armée française de 1940 n'a donc pas été vaincue sans combattre. Les hommes ont fait ce qu'ils ont pu avec les moyens inadaptés et insuffisants qui leur avaient été fournis et les exemples de courage et de sacrifice n'ont pas manqué.
Chronologie
- 9 mai 1940 : la Wehrmacht envahit le Luxembourg.
- 10 mai : l'Armée allemande lance une offensive à travers la Belgique et les Pays-Bas, avec 141 divisions, 2 flottes aériennes (Luftflotte 2 de Kesselring et la Luftflotte 3 de Sperrle)[109] comprenant presque 4 020 avions et un corps de blindés.
- 10 mai : capitulation du Luxembourg ; puis occupation totale et annexion de fait du pays le .
- 15 mai : les Pays-Bas capitulent.
- 17 mai : entrée des troupes allemandes à Bruxelles.
- 18 mai : entrée des troupes allemandes à Anvers.
- du 20 au 27 mai : front de l'Escaut (Nord) entre Wavrechain-sous-Faulx et Bruille-Saint-Amand
- 20 mai : les blindés allemands approchent d'Abbeville.
- 28 mai : reddition de l'Armée belge.
- 28 mai : annexion de fait des communes de langue allemande de l'Est de la Belgique.
- 14 juin : entrée des blindés allemands à Paris.
- 17 juin : Pétain, nouveau chef du Gouvernement français, fait un discours officiel à la radio où il annonce qu'« il faut cesser le combat » et qu'il recherche avec l'ennemi « les moyens de mettre un terme aux hostilités » (les combats vont toutefois se poursuivre et ne cesseront réellement qu'à partir du 22 juin).
- 17 juin : départ de de Gaulle pour Londres.
- 18 juin : 1er appel de de Gaulle à poursuivre la lutte sur les ondes de la BBC.
- 22 juin : signature de l’armistice franco-allemand.
- 22 juin : 2e appel de de Gaulle à poursuivre la lutte sur les ondes de la BBC.
- 24 juin : signature de l’armistice franco-italien.
- 25 juillet : annexion de facto par l'Allemagne des départements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin.
Notes et références
Notes
- En l'occurrence, certaines zones côtières françaises en Bretagne et plus au sud, ainsi que certains secteurs des Pays-Bas.
Références
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- http://chs.huma-num.fr/exhibits/show/marty-et-les-brigades-internat/guerre-d-espagne/non-intervention
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Ouvrages journalistiques, essais, témoignages
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- Jacques Belle, La Défaite française, un désastre évitable, tome 1 : 16 mai 1940, il fallait rester en Belgique, Paris, Economica, 2007, 346 p., présentation en ligne.
- Jacques Belle, préface de Philippe Séguin, La défaite française, un désastre évitable, tome 2 : Le 16 juin 1940, non à l'armistice !, Paris, Economica, coll. « Campagnes & stratégies », no 73, 2013, 2e édition (1re éd. : 2009), XII-347 p., (ISBN 978-2-7178-6590-5).
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- Pierre Lyet, La Bataille de France, mai-juin 1940, Payot, Paris, 1947.
- René-Gustave Nobécourt, Les Soldats de 40 dans la première bataille de Normandie, Bertout, Luneray, 1986, 397 p. (ISBN 286-743-045-3).
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- Jean-Pierre Richardot, 100 000 morts oubliés – Les 47 jours et 47 nuits de la bataille de France 10 mai-25 juin 1940, Le Cherche Midi, 2009 (ISBN 978-2749106441).
- Ward Rutherford (trad. François Lourbet), La Bataille de France, E.P.A., Paris, 1980 (ISBN 2-85120-097-6).
Articles connexes
- Étapes marquantes de la Seconde Guerre mondiale
- avant : Drôle de guerre
- Bataille de France Bataille de la Lys (1940) | Bataille de Dunkerque | Poche de Lille | Siège de Boulogne-sur-Mer | Opération Ariel | Opération Cycle
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- Bataille de Pont Saint-Louis
- Bombardement de Toulon | Bombardements de Marseille
- Chronologie : mai 1940 - juin 1940
- Unités de volontaires polonais au service de la France
- Participation de l'Armée polonaise dans la bataille de France
- Incidents aériens en Suisse de 1940
- Incident de Mechelen en Belgique en janvier 1940.
- Exode de 1940 en France
- Armistice du 22 juin 1940
- Troisième République
- Régime de Vichy
- La Libération en 1944-1945
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Les causes de la défaite de 1940, Étude réalisée par Joël Cambre, 15 pages.
- (en) « Maginot Line at War ».
- Site de l'association Ardennes 1940 à ceux qui ont résisté, consacrée à la mémoire de la résistance de l'Armée française en mai et juin 1940.
- « Les pertes de la campagne de France, 10 mai – 22 juin 1940 », sur servicehistorique.defense.gouv.fr.
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