Géopolitique de l'Europe au XXIe siècle

La géopolitique de l'Europe au XXIe siècle consiste en la description des relations des États européens entre eux et avec le reste du monde. Cette description prend en considération les facteurs politiques, géographiques, économiques, démographiques et culturels qui les influencent. Le terme de géostratégie est aussi employé dans un sens voisin de celui de géopolitique[note 1].

Géopolitique de l'Europe au XXIe siècle
Carte politique de jure des États de l'Europe.
Date 2000 -
Lieu
Chronologie des années 2000 - 2009
Russie : élection de Vladimir Poutine à la présidence
UE : lancement de l'Euro
Espagne : attentats à Madrid faisant 200 morts revendiqué par Al-Qaïda
OTAN : élargissement à 7 pays de l'ancien bloc soviétique
UE : entrée de 10 nouveaux membres
UE : le non l'emporte en France et aux Pays-Bas lors du referendum pour la constitution européenne
Russie : Poutine dénonce les projets de défense antimissile des États-unis en Europe
Kosovo : Russie et Serbie s'opposent au plan d'indépendance préparé par l'ONU
Irlande du Nord : accord de gouvernement entre protestants et catholiques
Géorgie : début de la deuxième guerre d'Ossétie du Sud
Europe : la crise financière partie des États-Unis affecte lourdement les économies européennes
Ukraine - Russie : conflit gazier engendrant des craintes d'approvisionnement en Europe
Chronologie des années 2010 - 2019
France : importante participation à l'intervention militaire en Libye
Ukraine - Russie : crise de Crimée
UE - Turquie : signature de l'accord sur l'immigration
UE : les Britanniques votent pour le Brexit
Chronologie des années 2020 -
Le Royaume-Uni quitte l'UE
Invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022

L'Europe est la partie occidentale de la plaque eurasiatique. Les liens entre l'Europe et l'Asie sont donc une dimension fondamentale de la géopolitique européenne, d'autant plus que deux pays majeurs, la Russie et la Turquie sont situés à cheval sur les deux continents et jouent un rôle clef sur chacun d'eux.

L'Europe politique est fragmentée en une quarantaine de pays, dont le nombre et les frontières sont pour beaucoup le résultat des grands conflits du XXe siècle, la Première et la Seconde Guerre mondiale, puis la guerre froide qui s'achève par l'effondrement et l'éclatement de l'Union soviétique. L'Europe est aussi le continent qui pousse le plus loin les coopérations interétatiques et le seul qui développe, via l'Union européenne, une intégration avancée entre des pays qui représentent la majeure partie de sa population et de sa richesse.

L'Europe, continent à géométrie variable

L'usage fait de l'Europe un continent mais elle est, d'un point de vue géographique, la partie occidentale de la plaque eurasiatique. Les limites terrestres de l'Europe ont donc toujours été imprécises à l'est car il n'existe pas de relief ou de mer venant clairement scinder l'Eurasie. Les frontières géographiques de l'Europe sont donc plus politiques que physiques[1].

Quoique la géographie ne soit pas le seul déterminant en matière de géopolitique, elle joue cependant un rôle important dans la fixation des frontières entre les États européens et dans les rapports entre eux et le reste du monde. Les montagnes ou les fleuves sont des frontières naturelles entre de nombreux pays d'Europe. Certaines, comme la ligne Oder-Neisse qui sépare l'Allemagne de la Pologne depuis la fin de la Seconde guerre mondiale sont devenues symboliques de la paix retrouvée en Europe[2]. Les pays d'Europe de l'Est sont par nature essentiellement continentaux ; la Russie, qui est le plus grand pays du monde, tire de cette situation un avantage stratégique induit par les possibilités de repli dans la profondeur dont elle a su tirer parti lors de la campagne de Russie contre Napoléon puis durant la Seconde guerre mondiale. L'accès aux débouchés maritimes constitue en revanche une préoccupation constante pour les pays qui en sont privés. Staline a cherché à plusieurs reprises à s'assurer le contrôle du Bosphore et de ports à l'extrême-Ouest de l'Union soviétique pour sécuriser l'accès à la Méditerranée depuis la Mer noire. Les autres pays d'Europe possèdent pour la plupart d'entre eux de vastes accès maritimes qui les ont encouragés depuis des siècles à se projeter au-delà des mers et ont largement contribué à leur essor économique.

Au XXIe siècle, la France et quelques autres États européens possèdent encore des territoires dans l'océan Indien et l'océan Pacifique qui constituent des points d'appui stratégiques importants pour projeter leur puissance dans les zones de conflits hors d'Europe et pour protéger leurs communications maritimes, vitales pour leurs économies, dès lors qu'elles ne possèdent sur leurs territoires qu'une faible partie des ressources énergétiques et des matières premières qu'elles consomment[2].

Principaux pays d'Europe et des confins de l'Europe et de l'Asie (selon la classification de l'ONU[3])[note 2]
Europe de l'Ouest
(9 États)
Europe de l'Est
(10 États)
Europe du Nord
(10 États)
Europe du Sud
(15 États)
Confins Europe-Asie
Asie occidentale
(5 États)
Asie centrale
(5 États)
Allemagne
Autriche
Belgique
France
Liechtenstein
Luxembourg
Monaco
Pays-Bas
Suisse
Biélorussie
Bulgarie
Hongrie
Pologne
Moldavie
Roumanie
Russie
Slovaquie
Tchéquie
Ukraine
Danemark
Estonie
Finlande
Islande
Irlande
Lettonie
Lituanie
Norvège
Suède
Royaume-Uni
Albanie
Andorre
Bosnie-Herzégovine
Croatie
Espagne
Grèce
Italie
Macédoine
Malte
Monténégro
Portugal
Saint-Marin
Serbie
Slovénie
(Vatican)[note 3]
Arménie
Azerbaïdjan
Chypre
Géorgie
Turquie
Kazakhstan
Kirghizistan
Ouzbékistan
Tadjikistan
Turkménistan
49 États d'Europe considérés dans le présent article

Halford John Mackinder, théoricien « classique » de la géopolitique, soutient que l'opposition géopolitique entre puissances continentales et puissances maritimes est une constante. Sa thèse est que le « Heartland » qu'il situe en Russie occidentale est le pivot géographique de l'histoire, foyer des conflits résultant des tentatives des puissances continentales de dominer les débouchés littoraux, le « Rimland », qui s'étend des côtes européennes au Moyen-Orient, à l'Inde et à l'Extrême-Orient[2]. Son contemporain, Nicholas Spykman, reprend la théorie du Heartland, mais considère que le « Rimland » offre un potentiel économique et démographique et donc de pouvoir plus important que le « Heartland » de par des caractéristiques géographiques également plus propices au développement[4].

Des frontières souvent récentes et parfois contestées

Les frontières européennes sont le plus souvent récentes et résultent pour une majorité de décisions internationales prises lors du règlement des grands conflits du XXe siècle ou de la fin de la guerre froide, en particulier dans la partie Est du continent où des pays comme les États baltes ont alternativement été annexés et recréés, d'autres comme ceux de l'ex-Yougoslavie, sont nés dans la guerre civile à la toute fin du XXe siècle, et enfin où beaucoup d'autres ont connu des rectifications importantes de leurs frontières à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Vingt-sept pour cent des frontières résultent d'événements qui se sont produits en Europe depuis 1991. La guerre froide avait figé les frontières et les revendications territoriales. Sa fin et l'effondrement de l'Union soviétique se traduisent au début du XXIe siècle par le retour en force des questions frontalières le plus souvent liées aux minorités ethniques ou religieuses dans de nombreux États-nations récents à l'Est, et par la montée des régionalismes dans les États-nations plus anciens à l'Ouest[5].

Les régionalismes, les irrédentismes ou les indépendantismes prennent à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle le plus souvent une forme pacifique ou très marginalement violente. Mais ils débouchent parfois sur des luttes armées qui s'éteignent par lassitude et impopularité ou par l'action de la communauté internationale comme en Irlande du Nord, ou bien qui sont entretenues lorsqu'ils se doublent d'un enjeu géopolitique aux marches entre la Russie et les Occidentaux qui ont repoussé loin vers l'Est leur présence via les élargissements successifs de l'OTAN et de l'Union européenne. À l'Ouest les États-nations comme l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne ou le Royaume-Uni, ont souvent répondu aux attentes régionalistes par un niveau élevé de décentralisation[5].

Liste des principaux mouvements nationalistes armés de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle
État ou région
séparatiste
État
d'origine
Conflit armé Reconnu par
ONU Russie États-
Unis
UE
Abkhazie[6] Géorgie Guerre d'indépendance (1992-1993) et conflit de 1998
Chypre du Nord Chypre Invasion turque de Chypre (1974)
Crimée Ukraine Annexion par la Russie (2014)
Donbass Ukraine Guerre du Donbass (2014 - )
Haut-Karabakh[7] Azerbaïdjan Guerre du Haut-Karabakh (1988-1994) et 2020
Irlande du Nord Royaume-Uni Conflit nord-irlandais (1966 - 1998) Nation constitutive du R.-U.
Kosovo[note 4] Serbie Guerre du Kosovo (1998 - 1999) et déclaration d'indépendance en 2008
Ossétie du Sud Géorgie Première guerre (1991 - 1992) et deuxième guerre d'Ossétie du Sud (2008)
Pays basque espagnol Espagne Conflit basque mené par l'ETA (1961 - 2018) Communauté autonome d'Espagne
Transnitrie Moldavie Guerre indépendantiste de 1992

Coopérations et intégration européennes

Principales organisations internationales en Europe
Organisation Nombre membres Pays de
l'UE
Russie Turquie
1989 2020
Union européenne 12 27
OTAN 16 30 21 sur 27
OCDE 24 36
OSCE 32 57
Conseil de l'Europe 23 47

L'Europe est la région du monde qui compte le plus grand nombre d'organisations internationales de coopération et qui atteint le niveau d'intégration le plus élevé à travers l'Union européenne[8]. De toutes ces organisations, l'UE est celle qui se rapproche le plus d'un État fédéral de par ses caractéristiques institutionnelles et juridiques que toute autre organisation[note 5],[9]. Ces organisations ont souvent été créées durant la guerre froide, soit du côté occidental comme c'est le cas de l'OTAN, de la CEE, ou de l'OCDE, soit dans l'optique des politiques de détente et de coopération entre l'Ouest et l'Est comme c'est le cas de la CSCE devenue l'OSCE[10].

Élargissement vers l'Est des organisations occidentales

Depuis la fin de la guerre froide, la plupart de ces organisations accueillent de nombreux nouveaux membres afin de favoriser la stabilité politique et le développement économique du continent européen. Deux de ces organisations, le Conseil de l'Europe et l'OSCE, rassemblent la quasi-totalité des États d'Europe. Cet universalisme leur permet d'être des lieux d'échanges entre tous les pays mais limite aussi par construction leurs possibilités d'action dès lors qu'elles fonctionnent sur un principe d'unanimité.

Fondé en 1949, le Conseil de l'Europe est la plus ancienne organisation intergouvernementale européenne et celle qui regroupe le plus de pays d'Europe (47 pays membres en 2017). Il agit principalement pour la sauvegarde des droits de l'homme et pour les valeurs démocratiques, à travers notamment la Cour européenne des droits de l'homme. La Turquie en devient membre dès 1950, afin de l'arrimer au camp occidental, sans réellement prendre en considération sa politique des droits de l'homme. En , la Hongrie, premier pays de l'Est à rejoindre le Conseil de l'Europe, en devient le 24e membre. Entre 1990 et 1996, tous les pays d'Europe de l'Est et du Nord de l'ancien bloc soviétique, à l'exception de la Biélorussie, en deviennent membres. La Russie, dont l'adhésion est freinée par la guerre de Tchétchénie, finit par être admise au Conseil de l'Europe en 1996, bien qu'elle soit loin de respecter tous les critères en matière de respect des droits de l'homme. Durant la décennie 1990, la volonté politique des dirigeants occidentaux d'associer la Russie est la plus forte[11],[12].

L’origine de l’OSCE, créée en 1994, remonte à la période de détente du début des années 1970, lorsque la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) a été constituée pour servir d’instance multilatérale de dialogue et de négociation entre les blocs de l’Est et de l’Ouest. L'action de l'OSCE qui vise à assurer la paix et la sécurité en Europe, s'appuie notamment sur les principes de l’Acte final d’ Helsinki (1975) et de la Charte de Paris pour une nouvelle Europe[13]. Dès l'origine, elle compte donc parmi ses membres les États européens de l'Est et l'Union soviétique dont la Russie, comme c'est le cas de manière générale, prend la suite. Son élargissement entre 1991 et 1993 concerne presque exclusivement des États qui n'existaient pas sur le plan international du temps de l'Union soviétique. En 2017, l’OSCE met en œuvre seize opérations de terrain situées en Europe du Sud-Est, en Europe orientale, dans le Caucase du Sud et en Asie centrale[14].

Le sommet annuel des « principales puissances économiques démocratiques »[15],[16], le G7, devient en 1998 le G8 avec l'entrée de la Russie[17],[note 6].

Genèse de la coopération entre l'Union européenne et la Russie

La disparition de l'Union soviétique le et la naissance de l'Union européenne par le traité de Maastricht du fondent un cadre géopolitique radicalement nouveau en Europe au début des années 1990. L'Union européenne dont un des piliers fondateurs est l'adoption d'une « politique étrangère et de sécurité commune », la PESC, met sur pied dans l'urgence une politique à l'égard de la Russie et des États de l'Est avec lesquels les Communautés européennes n'avaient que peu de relations institutionnelles. La stratégie générale adoptée par l'UE vise à accompagner l’adoption par les États post-soviétiques d’un ensemble de normes fondé sur la démocratie, les droits de l’homme et l’économie de marché[18]. En pratique, l'UE conçoit de nouveaux types d'accords, les « accords de partenariat et de coopération » (APC) dans lesquels les volets commerciaux et économiques sont complétés par un volet politique par lequel les États signataires souscrivent à certains engagements politiques en matière de droits de l’homme, d'application des principes relatifs à l'État de droit et à la démocratie[18].

La négociation de l'APC entre la Russie et l'Union européenne débute en 1992. Les deux parties peinent à s'entendre sur le volet politique relatif aux valeurs démocratiques, un compromis est finalement trouvé en . Le déclenchement en de la première guerre menée par les Russes dans leur province sécessionniste de Tchétchénie entraîne la suspension du processus de ratification de l'accord. L'accord de partenariat et de coopération entre la Russie et l'Union européenne entre finalement en vigueur le [19],[18].

L'UE conclut ensuite un APC en 1998 avec l'Ukraine et la Moldavie, et en 1999 avec six États du Caucase et d'Asie centrale nés de la disparition de l'URSS[20].

Coopérations en demi-teinte avec la Russie au sein de l'OTAN et de l'OCDE

L'intégration de la Russie dans le système institutionnel européen et occidental demeure partielle : outre le fait qu'elle n'est volontairement pas engagée dans un processus d'adhésion à l'UE, elle n'est membre ni de l'OTAN, ni de l'OCDE. Elle a toutefois établi avec ces deux institutions un « partenariat » qui permet de nombreux échanges mais sans qu'elle bénéficie d'un droit de vote sur les décisions. Ces instances de dialogue et de coopération entre le monde occidental et la Russie continuent de fonctionner malgré l'aggravation des tensions enregistrées depuis 2014.

Établi en 2002, le Conseil OTAN-Russie continue d'exister bien que l'OTAN ait suspendu toute coopération pratique avec la Russie en 2014[21]. Des réunions périodiques au niveau des ambassadeurs ou des chefs d'état-major permettent de garder ouverts les canaux de communication civils et militaires[22],[note 7].

La coopération entre l’OCDE et la Russie démarre en 1992. En 1996, la Russie demande à en devenir membre. En 2007, l'OCDE approuve une « feuille de route » pour l'adhésion de la Russie. Par décision de son Conseil de gouvernance en , l'OCDE reporte sine die les activités liées au processus d'adhésion de la Fédération de Russie, et dans le même temps décide de renforcer davantage la coopération existante entre l'OCDE et l'Ukraine[23],[24]. Dans le même temps, les négociations menées en parallèle depuis 1994 pour l'adhésion de la Russie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) aboutissent en 2012[25].

Coopérations eurasiatiques sous l'impulsion de la Russie

Principales organisations interétatiques
impulsées par la Russie
CEI OTSC UEE(A) OCS
Europe de l’Est
Biélorussie 1991 1992 2015
Moldavie 1991
Russie 1991 1992 2015 2001
Ukraine 2018
Asie occidentale (Caucase)
Arménie 1991 1992 2015
Azerbaïdjan 1991 1999
Géorgie 2008 1999
Asie centrale
Kazakhstan 1991 1992 2015 2001
Kirghizistan 1991 1992 2015 2001
Ouzbékistan 1991 2012 2001
Tadjikistan 1991 1992 2001
Turkménistan
Asie de l’Est et du Sud
Chine 2001
Inde 2017
Pakistan 2017

La Russie ne peut résister dans les années 1990 à l'élargissement vers l'Est des institutions dominées par les Occidentaux. Elle tente de le contrebalancer par des initiatives dans la zone eurasiatique en direction d'anciennes républiques soviétiques et de pays d'Asie. Les principales organisations créées dans cette optique et toujours en activité en 2018, sont la Communauté des États indépendants (CEI), l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), l'Union économique eurasiatique (UEE ou UEEA) et l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Moscou s'appuie sur ces nombreuses structures multilatérales pour régénérer sur le plan international son influence et son rayonnement, sensiblement amoindris depuis l’éclatement de l’URSS.

Concomitamment avec la dissolution de l'Union soviétique, la Russie, l'Ukraine et la Biélorussie créent la CEI[26] en par le traité de Minsk. Huit autres anciennes républiques soviétiques du Caucase et d'Asie centrale rejoignent la CEI lors du sommet d'Alma-Ata (actuelle Almaty)[27]. Quelques mois plus tard, en , neuf de ces onze États signent un traité de sécurité collective, donnant naissance à l'OTSC, seules la Moldavie et surtout l'Ukraine faisant exception. La Géorgie se retire de la CEI en 2008 à la suite du bref conflit armé qui l'oppose à la Russie pour le contrôle de sa province séparatiste d'Ossétie du Sud. L'Ukraine en fait autant en 2018 en raison des interventions russes en Crimée et dans le Donbass.

Dans le domaine de la coopération économique et du libre-échange, l'Union économique eurasiatique (UEE ou UEEA) remplace en 2015 la Communauté économique eurasiatique (CEEA). Conçue par V. Poutine comme un moyen de faire barrage aux contrats d'association proposés par l'UE, l'UEEA compte cinq membres à sa fondation en 2015, la Russie, la Biélorussie, l'Arménie, le Kazakhstan et le Kirghizistan[28]. L'Ukraine choisit finalement de ne pas y adhérer et de signer un accord d'association avec l'UE, décision qui constitue le point de départ de la crise ukrainienne. L'Inde et le Pakistan négocient des accords de libre-échange avec l'UEEA en 2017 et 2018.

En Europe de l'Est, la zone d'influence russe s'est fortement réduit. La Biélorussie est le seul État allié indéfectible de la Russie. Membre de la CEI, de l'OTSC et de l'UEEA , elle est aussi liée à la Russie par de forts accords bilatéraux. Sa frontière ouest avec la Pologne, la Lituanie et la Lettonie est stratégique pour la Russie qui stationne des troupes sur le sol biélorusse. La rupture entre la Russie et l'Ukraine fait de la Biélorussie le dernier état « tampon » face au territoire des États membres de l'OTAN. Le président biélorusse Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, fait face depuis sa réélection contestée du 9 août 2020 à d'importantes manifestations qui obligent Moscou à lui renouveler un soutien sans faille[29] et conduisent l'UE à prendre des sanctions[30].

La Moldavie, pays de 3,5 millions d'habitants, entre la Roumanie et l'Ukraine, de moindre importance stratégique, est partagée entre fidélité à la Russie et volonté de se rapprocher de l'UE avec laquelle elle signe un accord de partenariat en 2014.

L'Arménie, géographiquement aux marges de l'Europe dans le Caucase et dépendante de la Russie, s'en rapproche dans les années 2013 à 2015 et devient membre de l'UEEA[31]. Cependant, elle négocie en 2016 et 2017 un nouvel accord de coopération avec l'UE[32].

En marge des organisations animées par les grandes puissances régionales, quatre États de l'ex-Union soviétique, la Géorgie, l'Ukraine, l'Azerbaïdjan et la Moldavie, forment l'Organisation pour la démocratie et le développement, dite GUAM, d'orientation plutôt pro-occidentale[33].

Du « Forum de Shangai » à l'Organisation de coopération de Shanghai

Pour contrecarrer sa perte d'influence en Europe, et ne pas laisser le champ libre à la Chine en plein développement, la Russie initie une nouvelle alliance de sécurité collective avec la Chine et ses alliés traditionnels d'Asie centrale. Une première étape est franchie en avec la constitution du « Forum de Shanghai » par la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizstan et le Tadjikistan et la signature des « accords visant à renforcer la confiance dans le domaine militaire dans la région de la frontière ». L'année suivante, les cinq signent un « accord sur la réduction conjointe des forces militaires dans les régions frontalières ». Il s'agit en premier lieu pour Moscou et Pékin de mettre fin aux tensions sur leur longue frontière qui existaient depuis 1964, et en second lieu de stabiliser la région d'Asie centrale considérée comme un enjeu commun de sécurité au regard notamment de la montée des phénomènes terroristes et extrémistes dans la région.

Photo des dirigeants participant au sommet de l'OCS en 2018.

En 2001, les cinq sont rejoints par l'Ouzbékistan et transforment le forum en une organisation structurée de coopération dans de nombreux domaines dont la priorité demeure la sécurité collective, et la lutte contre le terrorisme, les séparatismes et les extrémismes[34],[35]. L'Inde et le Pakistan rejoignent l'OCS en 2017[36].

L’OCS a donc été créée pour des raisons sécuritaires et économiques strictement régionales et non comme un outil d'opposition à la présence des États-Unis en Asie. Cependant, l’OCS a été utilisée, de manière croissante, tant par Moscou que par Pékin, comme un vecteur pour limiter « l’expansionnisme politique » américain, sur la scène internationale comme régionale[35]. Elle sert largement les intérêts de Moscou en ce qu'elle pérennise son influence en Asie centrale et lui permet de ne pas laisser Pékin développer seule une politique de leadership régional. Ce dernier facteur explique l'insistance des Russes à ce que l'Inde et le Pakistan rejoignent l'OCS, ce qui advient finalement en 2017[37].

Quatre principaux pôles de puissance européens

Population et PIB des principaux pôles de puissance
Pays
ou entité
Population PIB
(106)
(2020)
[38]
% (109 $)
(2020)
[39]
%
Union européenne 448 53 % 15 292 70 %
Allemagne 83 10 % 3 846 18 %
France 67 8 % 2 630 12 %
Italie 60 7 % 1 889 9 %
Royaume-Uni 67 8 % 2 764 13 %
Russie 144 17 % 1 483 7 %
Turquie 84 10 % 720 3 %
Autres pays d'Europe 105 12 % 1 548 7 %
Total Europe[note 8] 848 100 % 20 226 100 %

L'Union européenne et ses grandes démocraties occidentales qui en sont le moteur, le Royaume-Uni sorti de l'UE en 2020, la Russie et la Turquie sont les quatre pôles de puissance en l'Europe : ils en détiennent l'essentiel de la population et de la richesse économique, ils exercent de par ces atouts et aussi de par leur histoire une grande influence politique auprès des autres pays d'Europe ou des régions proche-orientales ou asiatiques à proximité, enfin ils possèdent la quasi-totalité des moyens militaires d'Europe.

Union européenne

Ce premier pôle est, d'un point de vue démographique et économique, de loin au premier rang en Europe. Il s'articule autour d'un noyau d'États parmi les plus riches d'Europe : l'Allemagne, la France, l'Italie, qui jouent un rôle déterminant dans la construction de l'UE et la définition de ses orientations géopolitiques. Ces trois États totalisent près de la moitié de la population (47 %) et plus de la moitié du PIB (55 %) des 27 États membres de l'UE. Leur poids dans le monde est aussi le résultat de leur alliance historique avec les États-Unis et le Royaume-Uni avec lesquels ils forment le monde occidental, dont l'unité s'est presque toujours vérifiée dans les situations de crise géopolitique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale[note 9].

Dans un discours prononcé en 2014, la chancelière A. Merkel affirme que « l'intégration européenne – qui nous a apporté la paix, la liberté et la prospérité depuis plus d'un demi-siècle maintenant – semble presque être un miracle » qui ne doit pas être considéré comme définitivement acquis, ainsi que le montre la situation dans les Balkans occidentaux ou en Ukraine[40]. Au-delà de la paix retrouvée en Europe, la chancelière met à l'actif de l'intégration européenne la libre circulation dans une Europe sans frontières, le respect des principes de l'État de droit, l'union économique et monétaire et la préservation du modèle social européen. Ces acquis reconnus[41] sont à mettre en balance avec les difficultés rencontrées par une Union élargie à 27 membres pour approfondir son intégration en dépit de la grande hétérogénéité des pays et des populations la composant, et pour parler d'une seule voix sur la scène internationale[42].

Commerce extra-UE en 2020
(part en % du total)[43]
Pays Import Export Total
Chine 22% 10% 16%
États-Unis 12% 18% 15%
Royaume-Uni 10% 14% 12%
Russie 6% 4% 5%
Suisse 6% 7% 7%
Turquie 4% 4% 4%

L'UE est secouée par le Brexit effectif depuis le et au printemps 2020 par la pandémie de Covid-19 qui entraîne le rétablissement spontané, du jour au lendemain, des frontières internes dans l’espace Schengen. En partie grâce au retour du moteur franco-allemand et aussi en réaction à un contexte international où la pandémie exacerbe encore la brutalité politique des principales puissances mondiales, l'UE prend en avril et mai des initiatives économiques qui la consolident[44].

La mondialisation créé de fortes interdépendances commerciales entre les principales puissances européennes et mondiales. La Chine représente 16 % du commerce de biens réalisé par les vingt-sept avec des pays n'appartenant pas à l'Union, communément appelé commerce extra-UE[43]. Les États-Unis, avec 15 %, sont en deuxième position suivis du Royaume-Uni qui représente 12 % du commerce extra-UE. Ce volume illustre l'importance considérable que revêtent les accords commerciaux entre le Royaume-Uni et l'UE dans les accords du Brexit.

Limites institutionnelles de l'UE comme acteur de la géopolitique européenne

L'Union européenne, quoique l'organisation politico-économique la plus intégrée dans le monde, joue un rôle en matière de politique étrangère et de sécurité plus limité que son poids et ses institutions pourraient le permettre. Pourtant ce domaine est un des trois piliers de l'architecture institutionnelle initiale définis à la création de l'UE en 1992 par le traité de Maastricht, traité fondateur de l'Union. Le Titre V (articles 21 à 46) du traité sur l'Union européenne (TUE) intitulé « Dispositions générales relatives à l'action extérieure de l'Union et dispositions spécifiques concernant la politique étrangère et de sécurité » (PESC / PSDC) dote l'Union d'ambitions, de règles et d'institutions propres à ces domaines. Cependant, les États membres ne sont pas allés jusqu'à placer la PESC et la PSDC sous le régime de la méthode communautaire[note 10],[45]. Désireux de conserver dans ce domaine leur pleine souveraineté, ils ont réservé au Conseil européen statuant à l'unanimité les principaux pouvoirs de décision, et donné au Haut Représentant et aux organes administratifs placés sous son autorité, un rôle de proposition et de mise en œuvre des décisions. Par ces dispositions l'Union a renoncé d'elle-même par construction à mener une politique de puissance dans le jeu géopolitique européen et mondial[46]. Toutefois depuis 2015 les États européens renforcent leur Politique de sécurité et de défense commune pour moins dépendre des États-Unis qui, depuis la présidence de Barack Obama, ont commencé à regarder davantage vers l'Asie que vers l'Europe et qui surtout avec Donald Trump mènent une politique avec leurs alliés européens et dans le monde de manière générale qui les inquiète. Les initiatives prises qui relèvent soit du volontarisme de certains États membres (comme la Coopération structurée permanente ou l'Initiative européenne d'intervention) soit du renforcement des institutions communes (comme le Fonds européen de défense) marquent un rôle grandissant du niveau européen dans les questions de défense.

Stratégie de politique extérieure et de sécurité de l'UE

L'UE entend promouvoir la paix par la primauté du droit, du multilatéralisme et le développement des échanges. L'UE a mis en place sa Politique européenne de voisinage dans l'objectif de créer des relations de proximité avec les États européens non membres de l'Union et de contribuer à la stabilité du continent. Dans ce cadre général, de nombreux programmes de coopération et de partenariat sont signés avec des pays d'Europe et hors d'Europe[47],[48],[49]. Parmi eux, le Partenariat oriental lancé en 2009 concerne six pays d'Europe du Sud-Est et du Caucase[note 11] avec lesquels de multiples accords pratiques de coopération ont été signés, assortis d'aides financières[50].

Fondée pour assurer la paix en Europe, l'Union trouve davantage à s'employer dans la diplomatie que dans l'action militaire. Dans les situations de crise, elle privilégie la coopération et la recherche de solutions négociées avant d'envisager de recourir à des sanctions ou à des mesures coercitives[46]. L'UE est présente dans de nombreuses organisations internationales, permanentes  comme le G7 depuis 1977  ou temporaires  comme l'enceinte de négociation de l'Accord de Vienne sur le nucléaire iranien de 2015 [51].

Dans le contexte de la crise ukrainienne, de la guerre en Syrie, des attentats de l'État islamique et de la crise migratoire, l'Union européenne élabore en 2015-2016 une nouvelle stratégie globale qui définit les priorités et les principes d'action en commun des États de l'Union. Concernant l'ordre de sécurité européen, ce document affirme que « la gestion des relations avec la Russie constitue un défi stratégique majeur. [...]. Une évolution substantielle des relations entre l'UE et la Russie présuppose le plein respect du droit international et des principes qui sous-tendent l'ordre de sécurité européen, notamment l'Acte final d'Helsinki [de 1975] et la Charte de Paris [de 1990]. Nous ne reconnaîtrons pas l'annexion illégale de la Crimée par la Russie [en 2014] ni n'accepterons la déstabilisation de l'est de l'Ukraine »[52].

Malgré son appartenance à l'UE, la France  comme c'était aussi le cas du Royaume-Uni lorsqu'il en était membre  continue d'affirmer sa vocation mondiale et son indépendance stratégique au nom desquelles elle s'engage régulièrement dans des opérations militaires, soit seule, soit dans des coalitions ad hoc, hors du cadre de l'UE, comme ce fut le cas par exemple de la France pour l'opération Serval au Mali en 2013. Sous le poids de l'héritage du passé, l'Allemagne assume au contraire son pacifisme et ne fait intervenir son armée que dans des opérations de maintien de la paix. Le budget de la Bundeswehr est en proportion du PIB le plus faible des grandes nations européennes, et elle ne peut participer à des opérations militaires hors du territoire allemand que sous réserve d’un vote préalable du Parlement fédéral, d’une résolution des Nations unies autorisant le recours à la force et d’un ancrage des troupes allemandes dans une opération multinationale, sous les auspices de l’ONU, de l’OTAN ou de l’UE[53].

Primauté de l'OTAN sur la politique de sécurité et de défense commune

Il découle logiquement des choix effectués par les Européens que pour assurer leur sécurité la plupart des États membres de l'UE continuent de compter avant tout sur l'OTAN, dont vingt et un sont également membres. À cet égard, le TUE stipule explicitement que « la politique de l’Union [...] n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres, elle respecte les obligations découlant du traité de l’Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre »[54]. L'attractivité de l'OTAN se nourrit aussi des faiblesses de la politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne, dont la mise en œuvre pratique ne progresse que pas à pas, faute d'un consensus sur une plus grande autonomie stratégique européenne[55]. La coopération entre l'OTAN et l'UE se développe sous le signe de la complémentarité et de l'interopérabilité.

Royaume-Uni

À la suite du référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne de 2016, par lequel 51,89 % des électeurs se sont prononcés pour un retrait, la sortie du Royaume-Uni de l'Union est effective le . Selon l'organisme public de prévision budgétaire britannique OBR, le « Brexit » aura un impact négatif l'économie du pays, plus important que la pandémie de Covid-19[56]. Le commerce entre l'UE et le Royaume-Uni a baissé depuis l'entrée en vigueur effective du Brexit. La sortie de l'UE a aussi fortement compliqué la venue au Royaume-Uni de travailleurs européens, ce qui aggrave les pénuries de main-d’œuvre et les perturbations des chaînes d'approvisionnement dans le pays[57].

En , le gouvernement britannique publie sa stratégie de sécurité, de défense, de développement et de politique étrangère dont le slogan est « Global Britain »[58]. Elle met l'accent sur les ambitions globales du pays en direction notamment de la zone indo-pacifique qui devient « progressivement le centre géopolitique du monde »[59]. À l'appui de cette ambition, le Royaume-Uni entend devenir une super-puissance scientifique et technologique. Ce document s'inscrit en revanche davantage dans la continuité avec les précédentes revues dans l'identification des principales menaces  la Russie et le terrorisme  et l'affirmation de l'importance de l'OTAN, à laquelle le Royaume-Uni entend demeurer le principal contributeur européen, et de la relation privilégiée avec les États-Unis. Londres continue de se considérer comme garant de la sécurité européenne, mais les modalités de coopération avec l'UE dans ce domaine ne sont pas définies[60],[61].

Russie

Graphique d'évolution comparée sur une base 100 en 1989 du PIB et des dépenses de défense (base 100 en 1993) de la Russie et du prix du baril de pétrole brut sur le marché mondial[62],[63],[64].

La Russie constitue un troisième pôle de puissance. Sortie très affaiblie de la dislocation de l'Union soviétique à la fin de la guerre froide, elle redevient depuis le début des années 2010 un acteur important de la scène internationale en Europe et au Moyen-Orient. Plus grand pays du monde, la Russie demeure aussi la deuxième puissance nucléaire mondiale et possède de gigantesques ressources naturelles que lui achètent les autres pays d'Europe. L'évolution du PIB de la Russie est très fortement corrélée à celle du cours du pétrole dont la forte augmentation depuis le début du XXIe siècle lui permet de financer son réinvestissement dans le domaine militaire. Puissance européenne et asiatique, elle est l'héritière de l'Empire russe et aspire à jouer un rôle mondial en dépit des faiblesses de sa démographie et de son économie. Du point de vue de Moscou, les Occidentaux ont profité du démantèlement de l'Union soviétique, non pour établir une situation d'égalité, mais pour étendre la domination occidentale aux frontières de la Russie, considérée toujours comme un ennemi potentiel[65].

Stratégie de la Russie

Si la Russie se montre régulièrement critique de l'ordre international tel que les Occidentaux veulent l'imposer depuis le milieu des années 1990, son retour sur la scène internationale date véritablement de la fin des années 2000 où elle accentue son opposition, par exemple lors du discours de V. Poutine en 2007 à la conférence de Munich[66] et reprend l'initiative par exemple en intervenant militairement en Géorgie en 2008[67].

Moscou voit pour l'avenir un paysage international multipolaire complexe caractérisé par de profondes transformations, une forte compétition, des risques d'affrontement armé et la confrontation de systèmes de valeurs différents[65]. Dans ce contexte, les Russes considèrent que le risque d'une guerre à grande échelle, voire nucléaire, entre les principales puissances reste faible, mais que celui de leur implication dans les conflits régionaux et d'une escalade des crises augmente. La Russie multiplie par plus de trois son budget militaire entre 2000 et 2017, pour le porter à un niveau supérieur à celui de la France ou du Royaume-Uni[68]. L'effort porte en particulier sur la modernisation des équipements dont beaucoup sont maintenant au niveau de ceux des pays de l'OTAN[69]. En complément de la puissance militaire, l'usage des instruments de la « puissance douce » (soft power) pour atteindre ses objectifs de politique étrangère devient partie intégrante de la politique internationale du Kremlin[note 12],[70].

Concernant la « région euro-atlantique », le point de vue de Moscou est que l'expansion géopolitique de l'OTAN et de l'UE ainsi que l'absence de volonté de mettre en pratique les déclarations politiques de leurs dirigeants sur la formation d'un système européen commun de sécurité et de coopération, ont suscité une crise sérieuse dans les relations entre la Russie et les États occidentaux[71]. La Russie critique régulièrement le rôle de l'UE qu'elle voit trop inféodée à Washington. À la recherche d'une alternative, elle met en avant l'OSCE en tant que forum privilégié d'une véritable multipolarité en Europe[65].

Relations entre la Russie et l'UE

Importations d'énergie par l'UE
en % du total par nature - données 2016[72],[73]
Principaux pays
d'origine
Nature d'énergie
Pétrole Gaz Charbon
Algérie 12,1 %
Arabie saoudite 7,5 %
Australie 14,6 %
Norvège 10,8 % 24,9 %
Colombie 23,4 %
États-Unis 14,1 %
Irak 6,2 %
Qatar 5,5 %
Russie 34,6 % 40,2 % 30,2 %

Les relations entre la Russie et les États membres de l'UE sont à deux niveaux, globales avec les instances européennes et bilatérales avec les diverses capitales européennes. Les relations institutionnelles entre la Russie et l'UE sont fondées sur l'Accord de partenariat et de coopération (APC) de 1997. Ces relations sont complexes car elles combinent des facteurs positifs, comme l'interdépendance économique et l'absence de rivalité stratégique, et négatifs, comme la bienveillance de l'UE à l'égard des États-Unis et la compétition pour les quelques pays européens qui ne sont à ce jour ni dans l'UE ni sous la domination russe dont l'Ukraine est l'exemple le plus marquant[74],[75],[76].

L’UE adopte en une stratégie commune à l'égard de la Russie dont les objectifs principaux sont la « consolidation de la démocratie, de l'État de droit et des institutions publiques en Russie [et] l'intégration de la Russie dans un espace économique et social européen commun »[77]. Lors du sommet UE - Russie d' à Helsinki, Vladimir Poutine[note 13] présente la stratégie de la Russie sur le développement de ses relations avec l’UE au cours de la période 2000-2010[78]. Le point de départ en est une vision de la place de la Russie en Europe, « puissance mondiale s'étendant sur deux continents, [qui veut] garder sa liberté afin de définir et de mener sa propre politique intérieure et extérieure [et préserver] les avantages que lui confère le fait d'être un État eurasiatique et le pays le plus important de la CEI »[79],[18]. Cette vision d'une Russie totalement maîtresse de son destin et centrale en Eurasie est peu compatible avec l'approche de l'UE. Il en découle logiquement que la Russie ne se fixe pas pour objectif d'adhérer à l'Union européenne mais souhaite développer toutes les coopérations possibles[79].

En , l’Union européenne et la Russie se sont fixé pour objectif de réaliser à terme quatre « espaces communs », respectivement en matière économique, de sécurité et de justice, de coopération dans le domaine de la sécurité extérieure et enfin de recherche, d’éducation et de culture. Les progrès concrets sont restés limités. Les négociations lancées en 2008 sur un nouvel accord de partenariat stratégique n'ont pas abouti[80]. Quoiqu'obsolète, l'APC de 1997 reste en vigueur faute de pouvoir converger sur une vision stratégique partagée de l'avenir de l'Europe. La politique russe vis-à-vis de l'UE est marquée par le refus de laisser l'UE influencer les affaires politiques et économiques internes de la Russie. Les deux axes majeurs de la politique russe - forger des liens plus profonds avec ses voisins pour éviter l'isolement tout en conservant une souveraineté totale - ont compliqué l'interaction de la Russie avec l'UE[81].

Les échanges commerciaux entre l'UE et la Russie représentent 6,2 % du total des échanges de biens extra-UE en 2017, part en diminution depuis le début de la décennie[82]. La Russie est le quatrième partenaire commercial de l'UE. Mais l'UE est le premier partenaire commercial de la Russie avec plus de 40 % de son commerce extérieur[83]. La Russie est le principal fournisseur en pétrole brut, gaz et combustibles solides de l'UE[72]. Cette situation d'interdépendance a conduit les deux parties à utiliser l'arme commerciale avec retenue. Les sanctions prises en 2014 par l'UE à l'encontre de la Russie ne portent pas de conséquence catastrophique sur l'économie soviétique qui dépend avant tout de l'évolution des cours du pétrole et du gaz.

Les relations bilatérales entre la Russie et l'Allemagne, la France et d'autres États de l'UE revêtent une grande importance en raison des difficultés de l'UE de mettre en œuvre une politique extérieure unifiée.

Turquie

La Turquie est le pivot entre l'Occident et le Moyen-Orient[note 14]. Grand pays de presque 800 000 km2 et 84 millions d'habitants (en 2020), elle est l'héritière de l'Empire ottoman. Elle est une des puissances régionales qui comptent dans la géopolitique du Moyen-orient et du Caucase, mais elle entretient aussi avec l'Europe des relations anciennes et vitales pour son développement[84].

Comparaison multi-critères entre la Turquie, la Russie et trois grands pays de l'UE
Pays PIB/hab.
($ PPA)
(2017)
[85]
CPI
(2018)
[86],[87]
IDH
(2017)
[88]
IND
(2018)
[89],[90]
Allemagne 50 639 80 0,936 8,68
France 42 850 72 0,901 7,80
Italie 39 427 52 0,880 7,71
Russie 25 533 28 0,816 2,94
Turquie 26 504 41 0,791 4,37

La relation entre la Turquie et les États européens ne se résume pas à la question de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. La Turquie est aussi l'acteur d'une relation triangulaire avec la Russie et l'UE. En outre, les questions de sécurité sont une dimension dans laquelle les États-Unis sont aussi présents puisque la Turquie est membre de l'OTAN depuis 1952 et joue un rôle clef qui ne s'est pas éteint avec la fin de la guerre froide dans la stratégie de défense des Occidentaux[91]. Cet entrelacs de relations historiques et géopolitiques modernes fait de la Turquie une puissance régionale tant en Europe qu'au Moyen-Orient, d'autant plus que dans les années 2010 elle adopte une politique étrangère plus nationaliste et de moins en moins alignée sur la diplomatie des États-Unis, de l'Allemagne ou de la France[84]. La question de savoir si la Turquie est ou non dans l'Europe est de facto sans objet d'un point de vue historique et encore davantage au XXIe siècle depuis que l'UE et la Turquie ont entamé le processus officiel d'adhésion en 2005, sans toutefois que les craintes et arrière-pensées soient absentes de nombreux dirigeants européens. Les raisons en sont que la taille de la Turquie, son niveau de vie encore faible par rapport à celui des grands pays riches qui supportent l'essentiel du financement de l'Union, et des spécificités politiques, culturelles ou religieuses constituent des obstacles à franchir[92],[93].

Un partenaire ancien mais difficile des Occidentaux

Les négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne commencent officiellement en 2005. Elles sont rendues difficiles par de nombreux obstacles dont la situation préoccupante de l'État de droit et des droits de l'homme qui s'est aggravée depuis le coup d'État manqué de juillet 2016 contre le président Erdoğan[94],[95]. Celui-ci apprécie peu le soutien tardif qu'il reçoit des Américains et des Européens, qui sont en revanche prompts à le mettre en garde sur les atteintes aux libertés résultant de la vague de répressions qui suit le coup d'État ; les tensions sont aussi exacerbées par la traque d'opposants connus ou soupçonnés à l'étranger[96],[97],[98],[99],[100].

La priorité de l'UE est cependant de faire face à la crise migratoire devenue critique depuis 2015 ; l'UE signe un plan d'action commun avec la Turquie en pour limiter les flux migratoires vers l'Europe qui transitent par son territoire en provenance notamment de Syrie. Un accord complémentaire sur l'immigration est signé en [101],[102].

La Turquie est aussi membre de l'OTAN comme la Grèce depuis 1952[91] avec laquelle elle est en conflit au sujet de Chypre, État membre de l'UE, dont elle occupe la partie Nord depuis 1974. En 2017 et 2018, les relations de la Turquie avec l'OTAN sont devenues difficiles en raison du rapprochement opéré par Ankara avec Moscou et de son offensive militaire à Afrine contre les Kurdes, alliés des États-Unis et de la coalition occidentale dans la lutte contre l'État islamique[96]. Selon les propos de la ministre allemande de la Défense, « la Turquie ne nous facilite pas la tâche au sein de l’Otan »[103],[104].

Rapprochement entre la Turquie et la Russie

Les relations entre les deux États sont au plus bas fin 2015 après la destruction d'un avion russe par la Turquie dans le ciel syrien[105]. Pourtant quelques mois plus tard, et par contrecoup des tensions entre la Turquie et les Occidentaux, un rapprochement spectaculaire s'opère entre Ankara et Moscou à la faveur d'un échange entre Poutine et Erdoğan[106], qui sera rapidement suivi de plusieurs rencontres entre mi-2016 et mi-2018. Ce rapprochement trouve son application dans la guerre civile syrienne avec l'initiative diplomatique dite du processus d'Astana prise par la Russie, la Turquie et l'Iran[107], mais aussi sur le terrain de la coopération militaire avec l'acquisition de missiles antimissiles russes S-400[108] et la relance de projets comme le gazoduc Turkish Stream[109]. Mi-2018, il est encore trop tôt pour savoir si ce rapprochement, mis en scène de façon spectaculaire par les deux dirigeants, débouchera sur des résultats concrets dans la crise syrienne et sur des accords politiques et économiques de long terme ou s'il est dicté essentiellement par des considérations de court terme et la volonté de faire pression sur les États-Unis et l'UE[110].

Influence des États-Unis sur la géopolitique européenne

La géopolitique de l'Europe ne peut se comprendre sans prendre en compte le rôle premier que les États-Unis ont joué en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et continuent d'y jouer depuis la fin de la guerre froide. Les États-Unis sont au temps du Plan Marshall favorables à la fondation d'États-Unis d'Europe[111]. Depuis, ils considèrent qu'il s'agit d'une construction en éternel devenir. Aussi, vu de Washington, l'Union européenne est un géant économique qui ne pèse guère sur le plan géopolitique. Bien qu'il demeure une constante de la diplomatie américaine, l'axe transatlantique n'est plus la priorité des États-Unis pour qui les jeux de pouvoir mondiaux ont pour terrain l'Asie et dans une moindre mesure le Moyen-orient[112]. La relation entre les Américains et les Européens[note 15] au XXIe siècle est placée sous le signe du pragmatisme mutuel et de la coopération sélective ; elle se construit au cas par cas, lorsqu'elle s'avère utile et sert les intérêts de chacun[113]. Dans son ouvrage La puissance et la faiblesse, R. Kaplan soutient que ce pragmatisme résulte d'une divergence profonde entre les Européens qui aspirent à un monde de paix et de prospérité relative assis sur le multilatéralisme, tandis que les Américains croient toujours en un monde anarchique hobbesien où la sécurité et la promotion d'un ordre libéral dépendent de la possession de la puissance militaire[114],[115].

Le monde unipolaire post-guerre froide

Le monde bipolaire des années de guerre froide fait place durant la dernière décennie du XXe siècle et la première du XXIe siècle sur le plan de la géopolitique mondiale à un monde unipolaire dans lequel les États-Unis et leurs alliés européens propagent l'ordre politique et économique occidental, fondé sur la démocratie et le libéralisme économique. Dans les années 1990, face à une Russie très affaiblie, les États-Unis forts de leur puissance incontestée exploitent à leur avantage le besoin de sécurité des pays qui ont connu quarante ans de domination soviétique contre leur gré. Les Américains, soutenus finalement par leurs alliés européens, impulsent un vaste élargissement par étape de l'OTAN, malgré les protestations de Moscou qui nourrissent la controverse relative à l'engagement qu'auraient pris, ou non, les dirigeants occidentaux de ne pas étendre l'OTAN vers l'Est[note 16],[55],[116],[117].

Durant cette période, les États-Unis pratiquent aussi une politique extérieure interventionniste, le plus souvent avec le soutien des Européens : durant les années de guerres civiles dans l'ex-Yougoslavie, les États-Unis et l'OTAN interviennent militairement en Bosnie-Herzégovine (1993-2004) puis au Kosovo et en Serbie (1999), avec l'appui des Russes dans le premier cas mais contre leur avis dans le second cas. Cependant, l'atlantisme des Européens n'est pas toujours unanime : si les États-Unis obtiennent facilement l'appui de leurs alliés pour mener la guerre du Golfe (1990-1991)[118],[119], et la guerre en Afghanistan (2001-2014), ce n'est pas le cas de la guerre d'Irak (2003-2011) à laquelle la France et l'Allemagne s'opposent, empêchant ainsi avec le concours de la Russie le vote d'une résolution par le Conseil de sécurité qui aurait donné à l'intervention américaine, soutenue par le Royaume-Uni, l'Espagne et l'Italie notamment, sa légalité juridique internationale[120].

Vers un monde multipolaire et l'affaiblissement du lien transatlantique

Annoncée par les attentats du 11 septembre 2001, confirmée par l'incapacité des États-Unis à obtenir des victoires nettes dans les conflits où ils sont engagés au Moyen-Orient et en Asie centrale, et définitivement actée par la montée en puissance de la Chine, d'autres puissances régionales dont la Russie, et d'organisations non-étatiques, la fin de l'ère unipolaire post-guerre froide se traduit progressivement au cours des deux premières décennies du XXIe siècle par l'émergence d'un monde multipolaire complexe dans lequel l'ordre libéral occidental n'est plus l'unique référence et les pays européens se trouvent exposés à des risques plus nombreux et plus directement menaçant que ceux du contexte géopolitique des années 1990[121].

Le lien transatlantique est demeuré solide depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, en dépit des crises qui le secouent comme celle résultant de la décision des États-unis de mener une guerre en Irak en 2003 à laquelle plusieurs des puissances européennes, dont l'Allemagne et la France, se sont fortement opposées. Pour autant, tandis que les Américains s'enlisent en Irak dans une longue guerre, ces deux États et la plupart des autres pays européens participent avec les États-Unis à la force internationale d'assistance et de sécurité en Afghanistan et de façon générale coopèrent étroitement à la lutte contre le djihadisme international, notamment au cours des années 2010 dans le cadre de la coalition internationale en Irak et en Syrie ou des opérations françaises au Mali. Sur le plan diplomatique, Américains et Européens adoptent des positions proches concernant les relations avec la Russie concernant la crise ukrainienne[122] ou avec l'Iran, dont ils sont par exemple co-signataires de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien de 2015[123].

La politique menée par Donald Trump depuis son arrivée à la Maison-Blanche début 2017 au nom de son slogan « America First » inquiète profondément les Européens, attachés au multilatéralisme[124]. Les décisions prises à Washington contre l'avis de ses principaux partenaires européens, comme le retrait de l'accord de Paris sur le climat, le retrait de l'accord sur le nucléaire iranien ou encore les tensions commerciales avec la Chine font craindre en Europe la fin d'une relation avec les États-Unis basée sur un large socle commun de valeurs fondant l'ordre libéral occidental et sur la prééminence donnée aux négociations multilatérales dans la résolution des conflits de toutes natures[125],[126]. La fêlure du lien transatlantique est mise en évidence par exemple en février 2019 lors de la Conférence de Munich sur la sécurité où les discours du vice-président américain M. Pence et de la chancelière allemande A. Merkel ne font apparaître aucun point de convergence[127],[128].

La lutte contre le terrorisme et la montée des tensions avec la Russie incitent les Européens à continuer de s'appuyer sur les États-Unis pour leur sécurité collective. L'OTAN demeure la pierre angulaire de la défense européenne. Son élargissement vers l'Est engagé dans les années 1990 et poursuivi avec l'adhésion de dix nouveaux pays entre 2004 et 2017, ainsi que le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN le démontrent. Toutefois, la distance que Donald Trump semble prendre vis-à-vis de l'OTAN et ses virulentes critiques à l'égard du niveau des dépenses de défense des États européens conduisent ces derniers à approfondir leur coopération en matière de défense dans le cadre de la PSDC[121]. L'Europe est cependant encore loin de l'autonomie stratégique et d'un consensus sur la conduite à tenir vis-à-vis des États-Unis[129].

L'Europe, puissance maritime à l'échelle du monde

Part du commerce de biens en 2018
Pays Milliards
Euros
Rang
mondial
%
mondial
extra-UE 3 986 (1) 11,4 %
Allemagne 2 408 3 6,9 %
Pays-Bas 1 162 5 3,3 %
France 1 065 6 3,0 %
Italie 891 10 2,5 %
Royaume-Uni 948 8 2,7 %
Russie 586 17 1,7 %
Turquie 331 27 0,9 %

La géographie et l'histoire ont fait de la plupart des pays de la façade occidentale de l'Europe de grandes puissances maritimes. Leur prépondérance et leur richesse jusqu'à la Première Guerre mondiale, de par la constitution de vastes espaces coloniaux et le développement de leur commerce, sont largement associées à cette domination sur les mers et les océans[130]. A contrario, la Russie est avant tout une puissance terrestre, qui n'a cependant jamais cessé de chercher de nouveaux accès maritimes et à devenir elle aussi une grande puissance maritime.

L'Union européenne, considérée comme une entité commerciale unique (commerce dit extra-UE), représente en 2018, sans le Royaume-Uni, un peu plus de 11 % du commerce mondial de marchandises en valeur, ce qui la positionne au premier rang dans le monde de peu devant la Chine et les États-Unis. Pris séparément, quatre des États membres de l'UE font partie des 10 premiers pays au monde en matière de commerce. Le Royaume-Uni se situe au 8e rang mondial[131],[43].

Importance du commerce maritime pour l'Europe

Dans le monde, plus de 80 % du volume du commerce de biens emprunte la voie maritime. Ce pourcentage vaut pour l'Union européenne dont 80,5 % du commerce extra-EU en volume est réalisé par bateau en 2020, 12 % par la route et 0,4 % par avion. En valeur, la voie maritime ne représente plus que 46 %, contre 24 % pour la route et 23 % pour l'avion[132].

Concentration des points de passage critiques du commerce maritime au Moyen-Orient

La moitié des marchandises achetées ou vendues par l'Union est acheminée par mer, ce qui rend vital le maintien de routes maritimes ouvertes et sûres[133]. La route principale entre la mer de Chine méridionale et les côtes européennes passe par le canal de Suez – fermé entre 1967 et 1975 –, Bab el-Mandeb – infesté par la piraterie jusqu’à l’opération Atalante –, l'océan Indien et le détroit de Malacca.

Concernant spécifiquement le transport de pétrole et de gaz du golfe Persique, le détroit d'Ormuz qui débouche sur l'océan Indien constitue également un point de passage très étroit donc exposé à un blocage potentiel.

Développement de la puissance maritime de la Chine

La Chine revendique des îlots et une ZEE qui couvrent la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, en conflit avec les autres pays riverains. Après avoir militarisé plusieurs îlots des archipels Spratleys et Paracels, et développé très vite ses forces navales, la Chine a de facto le contrôle de cette région stratégique pour le commerce maritime mondial. Les risques qui pèsent sur cette route vitale pour les Européens conduisent l'UE à définir une « Stratégie de sureté maritime » en 2014[134].

La Chine et l'Inde sont en compétition en Asie et investissent toutes deux massivement dans le développement de leurs marines. Devenue la deuxième puissance navale militaire, la Chine déploie désormais sa marine dans le monde entier, de l’ensemble du Pacifique à l’Atlantique, en passant par l’océan Indien, la Méditerranée et jusqu’en Baltique[135]. La Chine commence à disposer de bases navales dans l'océan Indien. L'Inde suit la même stratégie de renforcement de ses capacités dans ce vaste océan de 70 millions km2. Elle signe un accord en lui donnant accès aux bases navales françaises dans l'océan Indien[136]. L'importance croissante de cette zone se traduit par l'utilisation de plus en plus fréquente du terme « région indo-pacifique », et simultanément par un moindre intérêt pour la notion de « région asie-pacifique »[137].

Présence outre-mer des puissances européennes occidentales

ZEE et flottes de guerre
Pays ZEE[138]
M km2
Flotte de guerre en 2021
Nbre de navires[note 17],[139]
Porte-
aéronefs
Grands bât.
de surface
Sous-marins
nucléaires
France 10,1 4 15 6
Royaume-Uni 6,6 2 12 6
Italie 2 15 0
Russie 7,7 1 25 19
Turquie 0 16 0
États-Unis 12,1 20 92 54
Chine 3 71 9
Inde 2,3 1 26 0

Si les puissances européennes ne dominent plus le monde au XXIe siècle, la France et le Royaume-Uni possèdent toujours des territoires notamment dans les océans Indien et Pacifique qui leur permettent de projeter leur puissance bien au-delà de leurs territoires métropolitains. La création des Zones économiques exclusives (ZEE) par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer a renforcé l'intérêt économique de ces territoires. Grâce à ses départements d’outre-mer et à ses collectivités territoriales éparpillés dans les océans, la France possède la deuxième ZEE, derrière les Etats-Unis[140].

La France et le Royaume-Uni possèdent des bases militaires dans l'océan Indien, qui est le pivot des routes maritimes avec l'Asie et le Moyen-orient. Ces bases se situent soit sur des territoires ultra-marins soit sur le sol de pays tiers avec lesquels des accords ont été passés. La France maintient des « forces de souveraineté » dans tous ses territoires ultra-marins et des « forces de présence » stationnées à Djibouti, au Gabon, au Sénégal, en Côte d’Ivoire et aux Emirats-Arabes Unis en vertu d'accords de défense passés avec ces États[141]. La marine française effectue des missions ponctuelles jusqu'en mer de Chine pour affirmer le caractère international de ses eaux et montrer ainsi symboliquement que la France désapprouve la politique que la Chine y mène[142],[143].

Le Royaume-Uni dispose également de points d'appui militaires dans l'océan Indien et en mer de Chine (Singapour, Brunei). Les Britanniques possèdent aussi Gibraltar qui verrouille l'accès à la Méditerranée.

L'US Navy américaine demeure de loin la plus puissante flotte de guerre au monde[139],[144]. Elle est présente en permanence en Méditerranée (6e flotte), dans les océans Indien (5e flotte), Pacifique (7e flotte) et Atlantique (2e flotte).

Ambitions maritimes de la Russie et de la Turquie

La Russie possède quatre façades maritimes, la Baltique, la mer Noire, l'océan glacial Arctique et l'océan Pacifique. Les détroits danois et le détroit du Bosphore, portes d'accès des deux premières, sont aussi des points de passage exposés et qui limitent les possibilités stratégiques de la Russie vers l'Ouest. Le réchauffement climatique bouleverse le régime glaciaire de l'Arctique qui devient un enjeu géostratégique premier et donne à la Russie un accès par le passage du Nord-Est bien davantage libre que par le passé aux océans Atlantique et Pacifique[145]. La Russie modernise rapidement sa marine militaire qui est en 2021 la troisième au monde par le nombre de ses navires combattants[139].

Les détroits du Bosphore et des Dardanelles donnent à la Turquie un atout géostratégique majeur vis-à-vis de la Russie qu'elle exploite activement sur le plan politique et renforce en modernisant et accroissant ses forces navales[144]. Cet avantage stratégique est en partie contourné par la Russie grâce à la construction de nouveaux oléoducs et gazoducs qui diminuent le trafic maritime de produits pétroliers, et sur le plan militaire, grâce à la mise à disposition de bases navale et aérienne en Syrie qui lui permettent de mener ses opérations militaires dans ce pays depuis 2015. La Turquie accroît les capacités de sa flotte de guerre[144] et conclut avec le Qatar en 2014 un accord stratégique qui lui donne pour la première fois un accès permanent au golfe Persique[146].

La Méditerranée, souvent qualifiée dans le passé de lac de l'OTAN, est devenue un lieu de face à face des marines russes et occidentales. À la faveur du conflit syrien, la Russie consolide en 2015 sa base navale de Tartous en Syrie et déploie en 2018 de façon permanente une dizaine de bâtiments. Symétriquement les États-Unis renforcent la présence de leur Sixième flotte. La Chine commence aussi à déployer périodiquement des bâtiments de guerre en Méditerranée[147].

Nouvelle guerre froide entre l'Occident et la Russie ?

Architecture européenne de sécurité

L'architecture européenne de sécurité mise en place au lendemain de la guerre froide reposait sur une organisation intergouvernementale dédiée, l'OSCE, les engagements pris par tous ses membres de respecter l'intégrité et l'indépendance de chacun d'eux (Charte de Paris pour une nouvelle Europe, Code de conduite relatif aux aspects politico-militaires de la sécurité), des dispositions spécifiques concernant notamment l'Ukraine (Mémorandum de Budapest) et des accords (FCE, FNI, Document de Vienne (MDCS)[148], Ciel ouvert) de contrôle et limitation des armements. Elle s'est progressivement désagrégée durant les années 2010 du fait des décisions prises pour la plupart à Moscou mais aussi à Washington[149].

L'élargissement de l'OTAN est dès 1994 un sujet de désaccord entre les Occidentaux et les Russes qui ne veulent pas être un pays parmi les autres pays européens mais demeurer sur un pied d'égalité stratégique comme durant les années 1970 quand Brejnev et Nixon présidaient aux destinées du monde[150]. Mais la plupart des pays européens, déjà membres ou bien aspirant à le devenir comme la Pologne, considèrent que seul l'OTAN peut leur apporter les garanties de sécurité dont elles estiment avoir besoin faute de certitude sur l'évolution à long terme de la Russie[151]. Les élargissements de 1999 et de 2004 mettent fin à tout espoir pour la Russie de retrouver son rang de partenaire stratégique privilégié dans l'architecture européenne de sécurité existante. La Russie fait alors le choix à partir de 2007 d'adopter une posture géopolitique offensive.

Les atteintes à l'intégrité territoriale de la Géorgie et de l'Ukraine par la Russie constituent les remises en cause les plus graves de l'architecture européenne de sécurité depuis le début du XXIe siècle. Contraires au droit international en général, elles violent aussi les garanties de sécurité accordées par Washington et Moscou en 1994 par le mémorandum de Budapest, confirmées en 2009 par une déclaration commune américano-russe.

L'OSCE n'a pu jouer pleinement son rôle de résolution pacifique des conflits. Bénéficiant du fort soutien de l'Allemagne[152], elle a tout de même pu héberger des négociations qui ont aidé à stabiliser la situation et déployer des opérations de terrain parmi lesquelles une mission spéciale d'observation en Ukraine et des missions dans des pays de l'ex-Yougoslavie et d'Asie centrale[153],[154].

En 2021, plus aucun traité de limitation ou de contrôle des armes conventionnelles ou nucléaires intéressant l'Europe n'est en vigueur[note 18] :

  • Le traité sur les forces armées conventionnelles en Europe (FCE), signé en 1990, a dû être renégocié par suite de l'éclatement de l'URSS. Le traité « FCE adapté » signé en 1999 n'est finalement pas entré en vigueur. En 2007, Poutine signe un décret par lequel il suspend officiellement la participation de la Russie au traité FCE, en réponse à l'expansion de l'OTAN et au projet américain de déploiement d'un bouclier antimissile en Pologne et en Tchéquie[155]. Enfin, en , la Russie suspend sa participation aux réunions du Groupe consultatif commun, dernier canal de consultation sur le FCE, qui continue d'exister dans le cadre de l'OSCE[156],[157] ;
  • Les États-Unis, imités par la Russie, se sont retirés du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) en 2019[158].
  • Le traité Ciel ouvert signé par 34 pays, qui organise la collecte par voie aérienne d'informations au sujet des forces militaires et des activités qui y sont liées, est dénoncé en 2020 par Donald Trump qui argue de sa violation par la Russie[note 19]. Après que Joe Biden a confirmé le retrait américain, Vladimir Poutine acte à son tour le retrait de la Russie[159].
  • Les « mesures de sécurité et de confiance » (MDCS) adoptées à l'OSCE dans le document de Vienne en 2011 ne sont plus respectées.

En , Moscou transmet à Washington et à l'OTAN un projet de traité qui ramènerait l'OTAN à sa configuration de 1997, avant les élargissements vers l'Est, dans un contexte de vives tensions au sujet de l'Ukraine[160]. Empreintes de la nostalgie de l'empire soviétique, ces propositions tendent à marginaliser l'UE et à réinstaller la Russie comme une puissance discutant d'égal à égal avec les États-Unis comme au temps de la guerre froide[161]. Près de huit ans après l’annexion de la Crimée, l’Ukraine reste centrale dans l’affrontement géopolitique en Europe entre la Russie et les Occidentaux[162],[163].

De la coopération à la confrontation

À partir de 1947, et pour plus de quarante ans, l'Europe est coupée en deux par le « rideau de fer ». La fin de la guerre froide devait ouvrir une « nouvelle ère de démocratie, de paix et d'unité » selon les termes de la Charte pour une nouvelle Europe signée à Paris en 1990 par les États-Unis, l'Union soviétique et la plupart des pays européens, dans le cadre de la CSCE, qui devient l'OSCE en 1995[164]. La Russie des années 1990 n'a pas les moyens de s'opposer aux initiatives des États-Unis, seule grande puissance dans un monde devenu unipolaire à leur profit, même lorsqu'elles concernent des pays de sa zone d'influence historique, dans l'ex-Yougoslavie en particulier[165].

Durant les années de la présidence de George W. Bush, les relations se tendent progressivement, après une courte période de soutien de la Russie à l'engagement militaire des États-Unis en Afghanistan faisant suite aux attentats du . Les décisions prises l'année suivante par l'Administration américaine de se retirer du traité ABM de 1972 et d'ouvrir l'OTAN à sept nouveaux pays d'Europe de l'Est mécontente fortement V. Poutine. Le déclenchement en 2003 de la guerre d'Irak est également critiqué par Moscou. Les relations ne s'améliorent pas les années suivantes[166].

Le monde occidental a investi très largement l'Europe de l'Est et du Nord en intégrant au sein de l'Union européenne en plusieurs phases à partir de 2003 les six anciens États satellites de l'URSS[note 20], les trois anciennes républiques soviétiques baltes et deux pays issus de l'ex-Yougoslavie. Ces mêmes pays ont également rejoint l'OTAN, avec un temps d'avance sur leur adhésion à l'UE, afin de bénéficier de la promesse de sécurité fournie par son organisation militaire intégrée. Tous les pays européens membres de l'OTAN continuent de considérer que les États-Unis, via l'OTAN, doivent demeurer le garant principal de leur sécurité collective[55],[note 21].

La Russie n'a plus de « glacis » la séparant des puissances de l'Ouest, ce qui constitue pour elle une situation inédite connue ni des Tsars ni des dirigeants soviétiques. La Russie est dans une situation de « solitude géopolitique » en Europe qui la conduit à consolider ses positions en Asie centrale et au Moyen-Orient, et à se rapprocher de la Chine malgré l'inquiétude que son dynamisme économique et démographique provoque[165].

Le raidissement de la Russie se confirme en 2008, lorsque V. Poutine fait intervenir l'armée russe en Géorgie[165]. Le président russe Dmitri Medvedev affirme à cette occasion que « nous n’avons peur de rien, ni de la perspective d’une nouvelle guerre froide »[167]. Depuis lors, le monde est entré pour beaucoup d'analystes dans une nouvelle guerre froide, dont le principal terrain de jeu se situe en Europe dans les anciennes républiques d'Union soviétique devenues indépendantes, comme l'Ukraine ou les pays Baltes, mais aussi au Moyen-Orient, notamment en Syrie[168].

Depuis la crise d'Ukraine et de Crimée en 2014, les tensions entre les Occidentaux et les Russes sont devenues plus aiguës. Elles se traduisent notamment par des sanctions économiques prises à l'encontre de la Russie, le renforcement des présences et des exercices militaires de part et d'autre des frontières, des actions dans le domaine du soft power.

Remilitarisation en Europe

Les plus grandes puissances militaires en Europe
(Données en $ constants de 2016 - SIPRI 2016[69])
Dépenses 2000 Pays Dépenses 2016 Variation
2000 2016
Rang Mrds $
Rang Mrds $
5 42,3 Allemagne 9 41,6 -2 %
6 41,3 Chine 2 216,0 423 %
1 420,5 États-Unis 1 600,1 43 %
2 50,9 France 5 57,4 13 %
7 35,8 Italie 11 28,2 -21 %
4 43,5 Royaume-Uni 7 48,1 11 %
10 20,4 Russie 3 69,2 239 %
14 16,9 Turquie 15 17,9 6 %
12 17,3 Espagne 17 14,0 -19 %

En 2016, les budgets de défense des cinq États européens membres de l'OTAN qui consacrent le plus de moyens à leur défense, retrouvent un niveau globalement comparable à celui de l'année 2000, après avoir connu une baisse dans les années de la crise financière de 2008. La hausse constatée depuis 2015 doit se poursuivre afin de respecter l'engagement pris par les membres de l'OTAN de consacrer 2 % de leur PIB à la défense[69].

Dans le même temps, la Russie a multiplié par 3,4 le montant de son effort de défense, entreprenant un vaste effort de modernisation de ses forces armées. La Russie passe ainsi du dixième au troisième rang dans le monde en la matière. Cependant, ses dépenses de l'ordre de 69 milliards $ demeurent très inférieures aux 175 milliards $ que les cinq principales puissances militaires européennes de l'OTAN dépensent pour leur défense. Les États-Unis demeurent de très loin la première puissance militaire mondiale[69].

Sur le plan stratégique, la Russie dénonce le déploiement en Europe du bouclier antimissile de l'OTAN et modernise en retour ses forces stratégiques nucléaires. La France en 2017 et le Royaume-Uni en 2016 ont également décidé de renouveler leurs forces de dissuasion nucléaire[169],[170].

Sur le plan tactique, les activités militaires de l'OTAN et de la Russie se multiplient depuis 2014. Le plan d'action « réactivité » de l'OTAN adopté en 2014 et les mesures complémentaires de « présence avancée » adoptées en 2016 au sommet de Varsovie se traduisent par une présence militaire accrue des forces de l'OTAN en Pologne, en Roumanie et dans les pays baltes. Des manœuvres militaires, d'une ampleur inconnue depuis la guerre froide, sont menées par l'Otan (par exemple « Saber Strike » en ) et la Russie (par exemple « Zapad » en )[171],[172].

Dans son rapport annuel 2018, la Conférence de Münich sur la Sécurité (MSC) souligne que « l'érosion rampante des traités de contrôle des armements (INF et CFE) et le déploiement de capacités militaires supplémentaires pourraient conduire à une nouvelle détérioration de la situation sécuritaire en Europe »[173].

Nouvelles formes de conflictualité

La puissance et l'influence d'un État sont devenus au XXIe siècle moins dépendants de sa puissance militaire et davantage liés à sa capacité à utiliser les capacités offertes par le soft power pour arriver à ses fins en influençant et en déstabilisant ses rivaux.

Zones de crise latente ou ouverte

Carte politique de facto des États et autres entités de l'Europe et des territoires qu'ils contrôlent effectivement.

Les tensions géopolitiques en Europe se concentrent sur quatre zones : l'Ukraine, le Caucase, les Balkans occidentaux et les États baltes.

La crise ukrainienne

L'Ukraine est avec 603 550 km2 le plus grand pays d'Europe continentale, si l'on excepte la partie européenne de la Russie, et compte en 2016 plus de 45 millions d'habitants. Sa situation géographique et son poids démographique et économique l'ont mise au centre d'un jeu d'influence très actif des Occidentaux et des Russes depuis son indépendance en 1991. L'Ukraine est membre du Conseil de l'Europe et de l'OSCE. Tout en étant partie prenante dans la Communauté des États indépendants (la CEI) qui rassemble sous le leadership russe plusieurs des anciennes républiques soviétiques, l'Ukraine se rapproche dès les années 1990 de l'Union européenne avec laquelle elle négocie des accords de coopération, puis dans les années 2010 un accord d'association. Fin 2013, le président ukrainien, V. Ianoukovytch, rompt les négociations, accédant ainsi à la demande pressante de Moscou qui voit en l'Ukraine une pièce maîtresse de son projet de constitution d'une nouvelle union douanière eurasienne, l'UEEA. Ce revirement provoque des manifestations pro-européennes dites « Euromaïdan » qui conduisent à l'élection d'un nouveau président, Petro Porochenko. Cet accord d'association est finalement signé en 2014 et entre pleinement en vigueur en . Il entraine la sortie de l'Ukraine de la CEI et la fin des espoirs de Moscou de l'inclure dans l'accord de libre échange UEEA qu'elle met sur pieds[174],[175],[176].

Les dirigeants de la Biélorussie, de la Russie, de l'Allemagne, de la France et de l'Ukraine les 11 et à Minsk.

La crise ne reste pas sur le terrain diplomatique et économique. L'Ukraine est un pays composite dont les frontières actuelles sont récentes. Avec le soutien actif de Moscou, la Crimée fait sécession en , et des troupes russes y prennent position. À l'Est du pays, une guerre civile s'ouvre dans le Donbass avec des séparatistes russophones. Visant à instaurer un cessez-le-feu, le protocole de Minsk est signé en par les représentants de l'Ukraine, de la Russie, de la République populaire de Donetsk (DNR) et de la République populaire de Lougansk (LNR), sous les auspices de l'OSCE[14],[177],[178],[note 22]. Les combats ne cessent pas pour autant. Une seconde conférence, dite Minsk II, est organisée le , cette fois avec la participation en sus de l'Allemagne et de la France. Un nouvel accord est conclu dont l'OSCE reste chargée d'en vérifier l'application sur le terrain[179],[180]. Sans que le cesse-le-feu soit complet, la situation se stabilise. Pour appuyer son application et en condamnation de l'annexion de la Crimée par la Russie, l'Union européenne prend des sanctions contre la Russie[181],[182],[183],[184].

En 2018, les tensions demeurent vives. Le HCDH enregistre sur l'année plus de 100 civils tués et le double de blessés dans des actions de guerre. Dans le Donbass, les deux Républiques autoproclamées (RPD et RPL) organisent des élections législatives en . Ces élections, jugées illégales par Kiev et les Occidentaux, confirment dans leurs fonctions les dirigeants séparatistes[185]. La Russie inaugure au printemps 2018 un pont à travers le détroit de Kertch et restreint la liberté de navigation dans la mer d'Azov[186], ce qui a pour conséquence de limiter l'accès aux ports ukrainiens de Marioupol et de Berdyansk. Fin des incidents opposent les marines russe et ukrainienne[187],[188].

Entre 2014 et 2019, malgré les multiples cessez-le-feu décidés par le Groupe de contact trilatéral (Ukraine, Russie, OSCE), le conflit fait plus de 13 000 morts dont environ 3 000 victimes civiles selon le décompte effectué par le HCDH[189],[190],[191],[192]. En 2019 toutefois, des échanges de prisonniers et des retraits partiels des forces militaires en présence ont lieu. À Paris, le , un sommet en format « Normandie »  Russie, Ukraine, Allemagne et France  renoue le dialogue, trois ans après le précédent ; cette première rencontre entre Poutine et Volodymyr Zelensky, élu Président d'Ukraine en avril, sans permettre d’avancées politiques, aboutit à un accord sur un échange total de prisonniers et un désengagement militaire sur trois nouveaux points du front[193],[194].

Le Caucase sous le coup de multiples influences et guerres ethniques

Les pays du Caucase
(Population en millions d'habitants en 2016[38])
Pays Pop. Statut au regard de
UEEA UE OTAN
Arménie 2,9 Partenariat
oriental
Coopération
Azerbaïdjan 9,8 Coopération
Géorgie 3,7 Coopération
Russie 144

Composé d'une multitude de familles ethno-linguistiques, le Caucase est un carrefour entre l’Europe et l’Asie, la Chrétienté et l’Islam, et un enjeu pour les puissances régionales frontalières, l'Iran, la Turquie et la Russie. Il constitue une région pétrolière stratégique, traversée par les oléoducs reliant la Mer caspienne à la Mer Noire. Les États-Unis y développent aussi leur présence, notamment en matière économique [195],[196].

Morcellement politique et mouvements autonomistes

La carte politique du Caucase au début du XXIe siècle est issue de la structure politique de l'Union soviétique et des conflits locaux nés de son effondrement. Dans le Caucase Sud, ou Transcaucasie, les trois anciennes Républiques socialistes soviétiques d'Arménie, d'Azerbaïdjan et de Géorgie sont devenues en 1991 trois États indépendants éponymes, membres de l'ONU depuis 1992 ; les trois régions qui bénéficiaient déjà d'un statut spécial d'autonomie au temps de l'URSS, l'Abkhasie et l'Adjarie en Géorgie, et le Nakhitchevan en Azerbaïdjan, ont conservé cette spécificité. Le Caucase Nord, ou Ciscaucasie, fait partie du territoire de la Fédération de Russie, administrée via sept républiques autonomes[note 23] selon un découpage également hérité de l'URSS[197].

La fin de l'Union soviétique en 1991 fait resurgir les revendications nationalistes internes ou inter-étatiques qui mènent à plusieurs conflits dont aucun n'est définitivement réglé. Le conflit en Tchétchénie résulte de la proclamation de son indépendance en 1991 et de son refus de signer, en 1992, le traité constitutif de la fédération de Russie. La Russie mène une première guerre de 1994 à 1996 puis une seconde en 1999 et 2000, qui se poursuit de manière sporadique jusqu'en 2009. L'indépendantisme tchétchène semble durablement brisé, mais des attentats attribués à des tchétchènes ou à des ressortissants d'autres régions du Caucase continuent de se produire en Russie dans les années 2010.

Le conflit relatif au Haut-Karabakh, région de l’Azerbaïdjan, réclamée et occupée par l’Arménie, donne lieu à des affrontements armés de grande ampleur entre 1992 et 1994 et entraîne d'importants déplacements de populations. Depuis le cessez-le-feu de , les négociations n'ont pas abouti et des flambées de violence se produisent sporadiquement, notamment en avril 2016. Les combats reprennent à grande échelle fin 2020. Les Azéris bénéficient du soutien militaire de la Turquie et prennent l'avantage sur le terrain[198]. La Russie, pourtant allié traditionnel de l'Arménie, prend acte de la défaite de son allié et obtient la signature d'un cessez-le-feu total en , hors du cadre du groupe de Minsk[199],[200].

Géopolitique de la Géorgie

Les conflits en Ossétie du Sud et en Abkhazie naissent des volontés séparatistes de ces deux régions du nord de la Géorgie, frontalières de la Russie. La crise démarre au début des années 1990, avec la première guerre d’Ossétie du Sud en 1991-1992 et la guerre d’Abkhazie de 1992-1993, suivies des déclarations d’indépendance de ces deux territoires qui ne sont alors reconnus par aucun autre pays. Les hostilités reprennent en avec la deuxième guerre d'Ossétie du Sud. Un cessez-le-feu intervient rapidement et l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud est alors reconnue par la Russie et quelques autres pays. Depuis la situation est gelée[201]. L'Union européenne déploie en Géorgie depuis 2008 une mission d'observation (EUMM Géorgie) dont le mandat court jusqu'à fin 2008. Elle compte environ 200 observateurs dont le rôle est de « contribuer à la stabilisation et à la normalisation de la situation et à l'instauration d'un climat de confiance entre les parties au conflit »[202].

Pour contrebalancer la présence militaire de la Russie, la Géorgie s'est rapprochée de l'OTAN qui réaffirme périodiquement son attachement à sa sécurité et à son intégrité territoriale, et appelle la Russie à revenir sur sa décision de reconnaître les régions géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud et à retirer ses forces du territoire géorgien[203]. Face à l'opposition de la Russie à l'adhésion de la Géorgie, l'OTAN, plutôt que d'engager un Plan d'action pour l'adhésion (MAP), met en place une solution de compromis autour d'un plan de « coopération renforcée »[204],[205].

Partenariat oriental de l'UE

Les trois pays du Caucase Sud sont parties prenantes du « Partenariat oriental » initié en 2008-2009 par l'Union européenne et qui vise à développer la coopération multilatérale entre les partenaires et les relations bilatérales entre l'UE et chacun de ces pays avec lesquels l'UE conclut des accords spécifiques[50]. Un accord d'association avec la Géorgie, le premier du genre avec un pays du Caucase, est entré en vigueur en 2016[206]. Un temps suspendu à la suite de son adhésion à l'UEEA, un nouvel accord de partenariat est finalement signé en 2017 avec l'Arménie[32],[207]. Des négociations sont en cours avec l'Azerbaïdjan pour un nouvel accord[208].

Les Balkans occidentaux, toujours une source d'inquiétude pour l'Union européenne

Les 7 pays issus de l'ex-Yougoslavie
(Population en millions d'habitants en 2016[38])
Pays Pop. Statut au regard de
UE OTAN
Bosnie-Herzégovine 3,5 En cours En cours
Croatie 4,2 2013 2009
Kosovo 1,8 Potentiel
Macédoine du Nord 2,1 En cours En cours
Monténégro 0,6 En cours 2017
Serbie 7,1 En cours
Slovénie 2,1 2004 2004

De la Yougoslavie de l'ère Tito sont issus sept pays dont deux ne sont pas reconnus universellement. Le Kosovo, qui déclare son indépendance en 2008 en se séparant de la Serbie, n’est reconnu que par une minorité de pays donc ni par l’ONU, ni non plus par l’Union européenne[209]. La Macédoine qui bénéficie d'une très large reconnaissance, est devenue membre de l'ONU en 1993, mais sous le nom provisoire d'ARYM[note 24] en raison du différend qui l'oppose à la Grèce dont une des régions porte aussi le nom de Macédoine ; ce désaccord bloque l'adhésion de la Macédoine à l'UE et à l'OTAN. L'accord de Prespa intervenu en entre ces deux pays sur le nom de « République de Macédoine du Nord » et ratifié en par leur parlement débloque cette situation[210],[211].

La stabilisation de cette région est une priorité de l'Union européenne depuis le Conseil européen de Thessalonique en juin 2003 qui adopte « l'agenda pour les Balkans occidentaux ». Les risques de nouveaux conflits ne sont pas exclus tant sont grandes les tensions d'origines ethniques ou religieuses qui existent encore à la fin des années 2010 entre États, comme entre le Kosovo et la Serbie, ou au sein même d'un État comme en Bosnie-Herzégovine[212]. Plusieurs opérations de maintien de la paix ont été menées par l'ONU ou l'UE depuis le début des années 2000 dont trois sont en cours en 2018, EUFOR Althea en Bosnie-Herzégovine, EULEX Kosovo au Kosovo et la MINUK, mission d’administration intérimaire de l'ONU au Kosovo. L'UE a pris dans les années 2000 plusieurs initiatives à la fois pour solder le passé, en exigeant de ces États une pleine coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), et pour organiser et soutenir les mutations que les États des Balkans occidentaux doivent accomplir pour remplir les critères de Copenhague qui sont un préalable nécessaire à l'aboutissement du processus de leur adhésion[212].

L'Union européenne vise l'adhésion à terme de tous les pays constitutifs des Balkans occidentaux, soit les cinq pays de l'ex-Yougoslavie qui ne sont pas déjà membres auxquels s'ajoute l'Albanie. Le document « Stratégie pour les Balkans occidentaux » publié par la Commission européenne début 2018, définit un nouveau plan d'actions relatif à ces six États et précise que l'adhésion des deux plus avancés dans le processus, le Monténégro et la Serbie, pourrait déboucher en 2025. Tous ces pays sont encore loin de satisfaire à tous les critères définis par l'UE pour que l'adhésion devienne possible, notamment au regard du respect de l’État de droit, de l'élimination de la corruption, de la sécurité et des migrations[213],[214].

La Russie est également présente dans les Balkans qui constituent après l'Ukraine et le Caucase une autre ligne de front avec l'Occident[215]. Moscou s'appuie notamment sur la Serbie, son allié traditionnel, qui en 2017 annonce qu'elle ne désire plus adhérer à l'OTAN[note 25], dont les bombardements sur le pays en 1999 continuent d'alimenter les griefs de la population[216]. La Russie et les Occidentaux sont en compétition pour la maîtrise des approvisionnements en gaz de l'Europe dont les Balkans constituent un des points de passage stratégique[217].

Les États baltes et leurs voisins sous haute tension

Les États baltes et leurs voisins
(Population 2016 en millions d'hab. [38])
Pays Pop. Admission % Pop.

russe

EU OTAN
Estonie 1,3 2004 2004 24,8 %
Lettonie 2,0 2004 2004 26,2 %
Lituanie 2,9 2004 2004 5,8 %
Biélorussie 9,5 8,3 %
Pologne 38,0 2004 1999 ε
Finlande 5,5 1995 0,5 %
Suède 9,9 1995 ε

Les trois États baltes deviennent indépendants entre 1918 et 1920. La Russie[note 26] et chacun de ces États signent un traité de paix en 1920[218]. Leur admission à la Société des Nations en 1921 consacre leur reconnaissance par la communauté internationale. Les protocoles secrets du pacte germano-soviétique de 1939 attribuent ces États à l'Union soviétique qui les occupe en . Les États baltes sont annexés à l'Union soviétique et deviennent en des Républiques socialistes soviétiques. Les populations paient un lourd tribut durant la Seconde guerre mondiale et lors de la réoccupation soviétique en 1944 jusqu'à la mort de Staline en 1953. La période d’indépendance, entre 1918 et 1940, occupe toujours une importance considérable dans la conscience de nombreux Baltes. Bien qu'intégrés à l'Union soviétique, ces trois États ressemblent davantage à ceux d’Europe centrale où la soviétisation n'a jamais pris le pas sur l'identité nationale[219].

Profitant de l'implosion de l'Union soviétique, les États baltes proclament leur indépendance en 1990, qui est reconnue par l'Union soviétique en [220], et ne rejoignent pas la CEI. Depuis le retour à l’indépendance, les politiques de ces trois États ont en commun une recherche fondamentale de sécurité et d’intégration à l’économie mondiale[219]. Ils deviennent membres de l'OTAN et de l'UE en 2004. La région n'est pour autant pas devenue un « lac otanien » puisque ni la Finlande ni la Suède n'en sont membres.

La Baltique est une des fenêtres sur la mer de la Russie à laquelle elle accède via Saint-Pétersbourg et l'exclave de Kaliningrad, isolée du reste de son territoire. L'alliance entre la Russie et la Biélorussie permet que les forces militaires russes soient présentes le long des frontières Est des États baltes et de la Pologne. Le réarmement russe depuis 2008 se traduit par un renforcement des capacités et des activités militaires aux portes des États baltes, devenu l'objet du côté occidental de craintes réelles ou supposées[221]. Kaliningrad est redevenue une véritable « forteresse militaire » et abrite des missiles capables d'emporter des têtes nucléaires[222].

Le regain de tensions entre les Occidentaux et les Russes conduit aussi la Finlande et la Suède à réexaminer la question de leur adhésion à l'OTAN depuis la crise ukrainienne[223].

Depuis leur intégration dans l'OTAN en 2004, les États baltes bénéficient du système de défense aérienne de l'OTAN qui inclut une mission de police du ciel assurée par rotation par d'autres États de l'OTAN avec des avions basés en Estonie, Lituanie et Pologne[224]. Faisant suite aux évènements en Ukraine, l'OTAN décide lors du sommet de Varsovie en 2016 de renforcer sa présence avancée de forces terrestres par rotation dans les États baltes et en Pologne[225].

Moscou utilise aussi les ressources du « soft power » pour faire pression sur les États baltes. En particulier, les actions de séduction des minorités russes, importantes en Estonie et en Lettonie, se sont multipliées ces dans les années 2010, faisant craindre leur utilisation comme cheval de Troie[226],[227].

Facteurs défavorables à la stabilité européenne

Population en baisse à l'Est

Les plus fortes variations de population en Europe (1991-2016)[38]
Pays Var. 1991 2016
Millions %
Ukraine -7,0 -13 %
Russie -4,3 -3 %
Roumanie -3,3 -14 %
Bulgarie -1,5 -17 %
Géorgie -1,1 -23 %
Bosnie-Herzégovine -0,9 -20 %

La disparition du rideau de fer et les bouleversements politiques, économiques et sociaux qui s'ensuivent ont des conséquences importantes sur la démographie : ainsi, les pays d'Europe connaissent depuis la fin de la guerre froide des évolutions démographiques très contrastées qui alimentent les tensions intra-européennes, à l'échelle de l'Europe entière ou de l'Union européenne.

Dans un premier groupe de pays au Nord-Ouest de l'Europe, parmi lesquels le Royaume-Uni et la France, la population a progressé d'au moins 10% sous le double effet d'un solde naturel et d'un solde migratoire positifs. Dans un deuxième groupe de pays comprenant principalement l'Allemagne, l'Italie et les pays du Sud, le solde naturel devenu négatif est compensé par un solde migratoire positif. Le troisième groupe comprend la plupart des pays d'Europe de l'Est qui voient leur population décroître sous le double effet négatif d'une natalité en berne et d'une forte émigration[228].

La Russie compte en 2016 plus de 144 millions d'habitants, en diminution de 4,3 millions depuis 1991. Les principaux facteurs en sont un indice de fécondité bas, une espérance de vie parmi les plus faibles en Europe et une faible attractivité migratoire. Toutefois, depuis 2011 la population avait recommencé à croître légèrement, mais cette tendance s'est de nouveau inversée en 2017 conduisant le gouvernement russe à prendre de nouvelles mesures[38],[229],[230],[231].

La Turquie constitue un cas à part : entre 1991 et 2016, sa population a crû de 45 % passant de 45 millions à 80 millions d'habitants, soit à un niveau très proche de l'Allemagne qui comptait déjà 80 millions d'habitants en 1991 et n'en compte que deux de plus en 2016[38].

Les conséquences géopolitiques de ces disparités sont importantes à court terme dans l'Union européenne où le mouvement migratoire de l'Est vers l'Ouest est source de divergences politiques profondes en favorisant les poussées nationalistes et populistes.

L'explosion démographique en Afrique et l'instabilité chronique du Proche-Orient génèrent dans les années 2010 une pression migratoire forte, facteur de désunion politique et de fragilisation de l'Union européenne. La persistance annoncée de ces facteurs devrait continuer de générer une pression migratoire très forte sur l'Union européenne et constituer ainsi un défi majeur à sa cohésion et à sa capacité d'en tirer un parti positif pour son économie et sa place dans le monde.

Progression de l'indice de développement humain partout en Europe

Évolution du niveau de l'IDH de 2000 à 2017[88]
Nombre de pays Année 2000 Année 2017
Niveau
IDH
Europe Monde Europe Monde
Très élevé (> 0,800) 19 30 36 59
Élevé (> 0,700) 16 35 7 53
Moyen (>0,550) 7 57 0 39
Bas 0 50 0 38
Nombre de pays 42 172 43 189

En revanche, l'indice de développement humain, indice composite publié par le PNUD qui prend en compte l'espérance de vie, le niveau d'éducation et le niveau de vie évolue favorablement depuis le début du XXIe siècle. En 2000, la plupart des pays Occidentaux ont un IDH très élevé (valeur > 0,800) ; sur les 30 pays dans le monde entrant dans cette catégorie, 19 sont européens. Mais les pays d'Europe de l'Est ayant appartenu au bloc soviétique durant la guerre froide ont un IDH élevé (valeur > 0,700) et même pour six d'entre eux seulement un IDH moyen (valeur > 0,550). En 2017, cette situation a sensiblement évolué. Plus aucun pays d'Europe n'a un IDH moyen et seuls l'Ukraine, l'Albanie, la Géorgie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine et la Serbie ont un IDH élevé, tous les autres pays ayant un IDH très élevé. Entre Europe et Asie, la Turquie passe de la catégorie IDH moyen à celle d'IDH élevé. La Russie progresse et rejoint le groupe des pays européens à IDH très élevé. Cependant un écart subsiste entre les pays d'Europe de l'Ouest et du Nord qui occupent les premières places du classement européen et figurent en très bonne position dans le classement mondial, et les pays d'Europe du Sud et de l'Est[88].

Facteurs politiques pesant sur la cohésion de l'Europe et de l'UE

Indice de démocratie (The Economist)
(2018)[232],[90]
Pays 2008 2018 Var.
 Union européenne 8,15 7,89 -3 %
Allemagne 8,82 8,68 -2 %
France 8,07 7,80 -3 %
Hongrie 7,44 6,63 -11 %
Pologne 7,30 6,67 -9 %
Roumanie 7,06 6,38 -10 %
Royaume-Uni 8,15 8,53 +5 %
Russie 4,48 2,94 -34 %
Turquie 5,69 4,37 -23 %

L'objectif d'une Europe unie autour de valeurs démocratiques et libérales communes est largement présent dans les discours des dirigeants européens au début du XXIe siècle. Cet objectif s'est éloigné au cours de la deuxième décennie de ce siècle en raison d'un recul de la démocratie en Russie et en Turquie, quantifié par l'indice de démocratie publié par The Economist[232]. Leurs dirigeants s'appuient sur le passé impérial de leur pays pour mobiliser les sentiments nationalistes de la population et asseoir leur pouvoir. En Russie, V. Poutine recueille un large soutien de son opinion publique en faisant vivre un sentiment d'encerclement et d'hostilité de ses voisins européens et des États-Unis hérité de la guerre froide et en prenant le contrôle de la Crimée au nom de la défense des populations russophones. La Turquie s'engage dans des opérations armées en Syrie contre les Kurdes qui pourtant coopèrent étroitement avec ses alliés de l'OTAN. Ces deux États adoptent par conséquent des postures géopolitiques défavorables à l'approfondissement des coopérations intra-européennes[233]. Dans la partie occidentale de l'Europe, la démocratie demeure solide et les pays de cette zone continuent d'occuper sept des dix premières places du classement mondial. Toutefois les scores touchant la culture politique, le fonctionnement des institutions, le processus et le pluralisme électoraux et les libertés individuelles diminuent faiblement mais constamment entre 2015 et 2018. Ce déclin persistant de la qualité de la démocratie accroit le soutien populaire à la lutte contre le « système ». Entre et , des partis anti-système sont entrés au gouvernement en Italie et en Autriche, en raison de la persistance de l’incapacité des partis traditionnels à répondre aux préoccupations et à l’insécurité de larges pans de la population[90].

L'Union européenne fait face à d'importantes difficultés résultant d'une part du vote des Britanniques en en faveur du Brexit et d'autre part des divergences politiques fortes entre ceux de ses États membres qui prônent la poursuite de l'intégration et une économie ouverte et ceux où les élections ont porté au pouvoir en Hongrie, Pologne ou Roumanie particulièrement des gouvernements d'inspiration plus nationaliste et moins démocratique. L'indice de démocratie recule de façon significative depuis 2008 en Hongrie, Pologne, Roumanie et Ukraine[90]. En Hongrie, Viktor Orbán soutient en à l'occasion de sa quatrième investiture en tant que Premier ministre « qu’à la place de la démocratie libérale naufragée nous avons l’intention de bâtir la démocratie chrétienne du XXIe siècle, qui garantit la dignité, la liberté et la sécurité de l’individu, protège l’égalité entre les hommes et les femmes, respecte le modèle familial traditionnel, met un frein à l’antisémitisme, protège notre culture chrétienne et donne sa chance à la pérennité et au développement de notre nation » et « que la migration conduit en fin de compte à la désagrégation des nations et des États »[234]. Ce point de vue est partagé par les trois autres États du Groupe de Visegrád qui s'opposent aux accords européens de délocalisation des migrants.

Les divergences entre une grande majorité des États membres de l'UE et ceux d'Europe de l'Est, rejoints par l'Italie en , qui sont en rupture avec les lignes directrices suivies par l'UE depuis sa création, se traduisent de manière aigüe non seulement sur la politique d'immigration mais aussi sur l'avenir même de l'union économique et monétaire, de la libre circulation au sein de l'UE et in fine sur la capacité de l'UE à rester un acteur de la géopolitique européenne. Le Livre blanc sur l'avenir de l'Europe publié par la Commission européenne en 2017 témoigne de ces incertitudes en présentant cinq scénarios[235].

Affaiblissement prévisible du poids de l'Europe dans le monde

Souvent annoncé, le déclin américain au profit de l'Asie ne résultera que d'une évolution lente : dans les années 2020, les États-Unis resteront la première puissance mondiale en termes politiques, économiques et militaires. En revanche le déclin relatif de l'Europe est une réalité depuis la fin du XXe siècle et les projections réalisées par l'ONU, l'OCDE, l'UE[236] et Pwc[237] prévoient toutes qu'il se poursuivra.

Projections démographiques pessimistes

Projection des populations à l'horizon 2050 (en millions d'habitants)[238],[239]
Région 2015 2050 Variation
 Union européenne 505 500 -5
Russie 144 129 -15
Turquie 78 96 +18
États-Unis 321 390 +69
Chine 1376 1348 -28
Inde 1371 1705 +334
Japon 127 107 -20

La démographie est l'un des principaux moteurs de la croissance économique à long terme. En pourcentage de la population mondiale, l'UE a atteint son apogée après l'élargissement de 2007 à la Bulgarie et à la Roumanie, mais sa part diminuera progressivement à environ 6% de la population mondiale en 2030, soit exactement le même pourcentage qu'avant l'élargissement de 2004[240]. À plus long terme, selon les projections démographiques de l'ONU, la population de l'UE stagnerait autour de 500 millions d'habitants à l'horizon 2050 et diminuerait de 49 millions de personnes en âge de travailler dans la tranche des 20-64 ans, dont 11 millions pour la seule Allemagne. Les populations actives française et britannique continueraient de croître, mais baisseraient aussi en Espagne et en Italie.

La Russie perdrait une quinzaine de millions d'habitants et plus de vingt millions dans la tranche des 20-64 ans. Dans le même temps, la population des États-Unis s'accroîtrait de près de 70 millions d'habitants, celle de la Chine reculerait en conséquence de la politique de natalité de l'enfant unique poursuivie pendant des décennies, et la population indienne continuerait de croître à un rythme rapide ainsi que celle de l'Afrique et de l'Amérique latine[239],[238],[241],[228].

L'analyse statistique des données relatives aux pays occidentaux montre une forte corrélation entre le dynamisme démographique et l'accroissement de la productivité, indicateur clef de performance économique[note 27]. La diminution de la population active et l'accroissement des populations âgées inactives sont des facteurs d'affaiblissement économique de l'Europe dans le monde par érosion de son propre marché intérieur et par manque de main d'œuvre pour relever les défis technologiques d'avenir. La plus touchée serait la Russie dont les ambitions géopolitiques à l'échelle de son immense territoire et de l'Eurasie dans son ensemble seraient entravées par sa chute démographique.

Croissance faible

Projections du PIB 2016-2030
Pays PIB 2016[39] PIB 2030[237] PIB en PPP 2016[note 28] PIB en PPP 2030
Rg. Milliards $ Rg. Milliards $ Rg. Milliards $ Rg. Milliards $
États-Unis 118 624 223 475 218 624 223 475
Chine 211 199 126 499 121 269 138 008
Japon 34 940 45 468 44 932 45 606
Allemagne 43 477 54 347 53 979 74 707
Royaume-Uni 52 647 63 530 92 788 103 638
France 62 465 73 186 102 737 113 377
Inde 72 263 37 841 38 721 319 511
Italie 81 858 102 278 122 221 152 541
Russie 121 283 132 111 63 745 64 736
Turquie 17863 171 705 141 906 122 996

Données géopolitiques et économiques par pays

Délimitation géopolitique de l'Europe

La délimitation de l'Europe ne repose pas sur des critères exclusivement géographiques puisque rien ne la sépare nettement de l'Asie sur ses marges orientales. Des critères de nature politique ou économique sont donc employés pour définir un périmètre européen. Les différentes organisations internationales adoptent chacune des définitions un peu différentes en fonction de leurs membres et de leur périmètre d'activité.

L'ONU situe en Europe 43 de ses États membres, 44 en incluant le Saint-Siège qui est un État non-membre mais qui dispose d'une mission permanente d'observation à l'ONU. Le Kosovo n'est pas un État membre et ne figure pas dans les listes publiées par l'ONU[242]. Les pays du Caucase y compris la Turquie sont classés en Asie occidentale ainsi que Chypre, que l'UNCTAD classe toutefois en Europe[243].

L'agrégat Europe du FMI comprend 40 pays. Par rapport au classement de l'ONU, le FMI n'inclut pas les principautés d'Andorre, du Liechtenstein et de Monaco ainsi que le Vatican. En revanche, il inclut Chypre. Comme l'ONU, il n'inclut pas non plus les pays du Caucase et la Turquie dans sa liste des pays d'Europe.

Fondé en 1949 par 10 pays, le Conseil de l’Europe est la plus ancienne des organisations européennes à but politique. Avec 47 membres depuis 2007, elle est aussi celle qui s'élargit le plus à l'Est aux marges de l'Europe, puisqu'elle accueille entre 1999 et 2001 les trois pays du Caucase, l'Azerbaïdjan, l'Arménie et la Géorgie. La Turquie en est membre depuis 1950 ; cette adhésion précoce vise alors comme celle à l'OTAN en 1952 vise à ancrer la Turquie dans le camp occidental. La Biélorussie n'est pas membre du Conseil de l'Europe.

Agrégats et comparaisons

En 2016, la population de l'Europe représente 10,0 % de la population mondiale. Elle en représentait 19,7 % en 1960.

Données agrégées et comparaisons
Agrégats
[note 8]
IND
(2018)
[89],[90]
Population[38] PIB[39] PIB/hab.
($ PPA)
(2017)
[85]
IDH
(2017)
[88]
Millions
(2016)
% (109 $)
(2017)
%
Total Europe[note 8] 7,22 744 10,0 % 20 226 25,1 % 35 547 0,870
Union européenne 7,89 511 6,9 % 17 282 21,4 % 41 126 0,897
États-Unis 7,96 323 4,3 % 19 391 24,0 % 59 532 0,924
Chine 3,32 1 379 18,5 % 12 238 15,2 % 16 807 0,752
Total monde 5,48 7 444 100,0 % 80 738 100,0 % 16 941 0,728

Données politiques et économiques par pays

Dans le tableau ci-dessous, figurent tous les pays qui soit sont membres du Conseil de l'Europe, soit figurent dans les statistiques démographiques ou économiques du FMI en tant que pays d'Europe. La région d'appartenance de chacun de ces pays dans la nomenclature de l'ONU figure également. Les États membres de l'Union européenne et de la zone euro sont aussi identifiés. Les données démographiques et économiques sont renseignées pour les pays européens de la liste du FMI, seuls ces pays sont inclus dans les données « Total Europe » qui figurent dans le présent article.

Données politiques, démographiques et économiques des 49 pays d'Europe
États
(49)
ONU
(48+1)
[244]
Région
ONU[3]
UE
(27)
Zone
Euro
(19)
Liste
FMI
(40)
[245]
Conseil
Europe

(47+1)
[246]
IND
(2018)
[89],[90]
Hab.
(103)
(2016)
[38]
PIB
(109 $)
(2017)
[39]
PIB/hab.
($ PPA)

(2017)
[85]
IDH
(2017)
[88]
Albanie1955Eur. du Sud1995 5,982 8761312 0210,785
Allemagne1973Eur. de l'Ouest1950 8,6882 4883 67750 6390,936
Andorre1993Eur. du Sud1994
Arménie1992Asie occ.2001 4,79
Autriche1955Eur. de l'Ouest1956 8,298 73141752 3980,908
Azerbaïdjan1992Asie occ.2001
Belgique1945Eur. de l'Ouest1949 7,7811 33949347 8400,916
Biélorussie1945Eur. de l'Est 3,139 5025418 848
Bosnie-Herzégovine1992Eur. du Sud2002 4,983 5171812 8760,768
Bulgarie1955Eur. de l'Est1992 7,037 1285820 3290,813
Chypre1960Asie occ.1961 7,591 1702234 5030,869
Croatie1992Eur. du Sud1996 6,574 1745525 2640,831
Danemark1945Eur. du Nord1949 9,225 72832551 3640,929
Espagne1955Eur. du Sud1977 8,0846 4851 31137 9980,891
Estonie1991Eur. du Nord1993 7,971 3162631 7420,871
Finlande1955Eur. du Nord1989 9,145 49525244 8660,920
France1945Eur. de l'Ouest1949 7,8066 8922 58342 8500,901
Géorgie1992Asie occ.1999 5,50
Grèce1945Eur. du Sud1949 7,2910 77120027 6020,870
Hongrie1955Eur. de l'Est1990 6,639 81413928 1080,838
Irlande1955Eur. du Nord1949 9,154 75033475 6480,938
Islande1946Eur. du Nord1950 9,583352453 1530,935
Italie1955Eur. du Sud1949 7,7160 6271 93539 4270,880
Lettonie1991Eur. du Nord1995 7,381 9603027 5980,847
Liechtenstein1990Eur. de l'Ouest1978
Lituanie1991Eur. du Nord1993 7,502 8684732 0920,858
Luxembourg1945Eur. de l'Ouest1949 8,8158262103 7450,904
Macédoine du Nord1993Eur. du Sud1995 5,872 0811115 2310,757
Malte1964Eur. du Sud1965 8,214371339 5350,878
Moldavie1992Eur. de l'Est1995 5,853 55285 698
Monaco1993Eur. de l'Ouest2004
Monténégro2006Eur. du Sud2007 5,74622518 7650,814
Norvège1945Eur. du Nord1949 9,875 23639961 4140,953
Pays-Bas1945Eur. de l'Ouest1949 8,8917 03082652 5030,931
Pologne1945Eur. de l'Est1991 6,6737 97052629 0260,865
Portugal1955Eur. du Sud1976 7,8410 32521831 6730,847
Roumanie1955Eur. de l'Est1993 6,3819 69921225 8410,811
Royaume-Uni1945Eur. du Nord1949 8,5365 5962 62243 2690,922
Russie1945Eur. de l'Est1996 2,94144 3421 57825 5330,816
Saint-Marin1992Eur. du Sud1988 33262 426
Serbie2000Eur. du Sud2003 6,417 0584115 0900,787
Slovaquie1993Eur. de l'Est1993 7,105 4319631 6160,855
Slovénie1992Eur. du Sud1993 7,802 0654934 8680,896
Suède1946Eur. du Nord1949 9,399 92353850 2080,933
Suisse2002Eur. de l'Ouest1963 9,038 37267964 7120,944
Tchéquie1993Eur. de l'Est1993 7,6910 56621636 3270,888
Turquie1945Asie occ.1950 4,37
Ukraine1945Eur. de l'Est1995 5,6945 0051128 6670,751
Vatican[note 3],[247],[248] 2004 Eur. du Sud 1970 1

Notes

  1. Selon la définition classique d'Yves Lacoste, la géopolitique est « l'étude des rivalités de pouvoir sur les territoires ».
  2. Les territoires dépendants ne figurent pas dans ce tableau (Îles Anglo-Normandes, Îles Féroé, Île de Man, Gibraltar, Groenland). Les États non-membres de l'ONU mais reconnus par une partie de la communauté internationale ne sont pas mentionnés dans ce tableau (Abkhazie, Kosovo, Chypre du Nord, Ossétie du Sud-Alanie).
  3. État non-membre de l'ONU, le Saint-Siège a depuis 2004 le statut d'observateur permanent. Au Conseil de l'Europe, il a le statut d'observateur depuis 1970.
  4. Parmi les États de l'UE, vingt-quatre ont reconnu le Kosovo, cinq y sont opposés.
  5. Le fait que les citoyens puissent intenter une action en justice contre leur État ou les institutions européennes devant la Cour de justice européenne est un indicateur du degré exceptionnel de coopération entre les États et de l'importance accordée à des acteurs tels que le Parlement européen, la Commission ou la société civile.
  6. Les réunions du G7/G8 constituent un cadre de discussion informel où les chefs d’Etat ou de gouvernement discutent d’autant plus librement qu’il n’y a pas de décision à prendre. La Russie est temporairement exclue du G8 depuis 2014 à la suite des évènements de Crimée et d'Ukraine. L’Union européenne participe également aux rencontres du G7, sans toutefois présider ou accueillir le Sommet du G7.
  7. À titre d'illustration, le Conseil OTAN-Russie s'est réuni le 31 mai 2018 pour procéder à un échange sur la situation en Ukraine et alentour, et les questions relatives aux activités militaires. En avril, une réunion s'était au préalable tenue à Bakou entre le commandant suprême des forces alliées en Europe, le général Scaparrotti, et le chef d'état-major russe de la défense, le général Guerassimov.
  8. Les données statistiques « Total Europe » incluent 40 des 43 pays classés par l'ONU dans la région Europe (en excluant Andorre, Liechtenstein et Monaco) plus 1 pays, Chypre, classé en Asie occidentale. La Turquie et les pays du Caucase ne sont donc pas inclus dans les données « Total Europe ». Le Kosovo ne figure pas non plus, n'étant pas reconnu par l'ensemble de la communauté internationale. La Macédoine en revanche est incluse dans ces données.
  9. La politique étrangère de la France ne fait pas exception à cette règle, malgré l'accent mis sur l'indépendance nationale. Vis-à-vis de l'Union soviétique, la France joue la solidarité atlantique à l'occasion de chacune des grandes crises comme à Berlin en 1949 ou à Berlin encore en 1958-1963, ou encore lors de la crise de Cuba en 1962. Depuis 1991, la France s'associe quasi systématiquement aux interventions extérieures menées dans le cadre de l'OTAN (ou de l'UE). L'exception la plus spectaculaire est le refus de la France en 2003 de s'associer à la guerre d'Irak menée par les États-Unis avec le concours du Royaume-Uni et de quelques autres, mais pas de tous, pays européens.
  10. Dans de nombreux domaines, les décisions de l'Union européenne sont prises au moyen de la méthode « communautaire » qui se caractérise par le droit exclusif de la Commission européenne de prendre des initiatives législatives, le droit de codécision du Conseil et du Parlement européen, et le recours au vote à la majorité qualifiée au Conseil. Elle s'oppose au mode de fonctionnement intergouvernemental utilisé principalement en ce qui concerne la politique étrangère et de sécurité commune (PESC / PSDC) et certains aspects de la coopération policière et judiciaire. Cette méthode se caractérise par les principaux éléments suivants: le droit d'initiative de la Commission, soit partagé avec les pays de l'UE, soit limité à certains domaines spécifiques, le rôle souvent important du Conseil européen, explicitement mentionné dans le traité de Lisbonne, le recours général à l'unanimité au Conseil et le rôle purement consultatif du Parlement européen.
  11. Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Moldavie, Ukraine et Biélorussie.
  12. Le document de concept de la politique étrangère de la Russie cite comme instruments du « soft power » l’usage des capacités de la société civile, des méthodes et technologies d'information et de communication, sociales et autres, en plus des méthodes diplomatiques traditionnelles (§ 6 à 9).
  13. Vladimir Poutine est nommé chef du gouvernement russe en août 1999, puis est élu président de la Fédération de Russie en mars 2000. Après la crise des relations entre la Russie et l'Occident en 1998 et 1999, l'arrivée de Poutine permet une relance pragmatique du dialogue entre la Russie et l'UE.
  14. La Turquie est pour 97 % de son territoire en Asie occidentale et possède des frontières terrestres avec trois États clés du Proche-Orient, l'Iran, l'Irak et la Syrie qui concentrent une part importante de l'activité diplomatique et militaire des Occidentaux et des Russes.
  15. Cette coopération se noue le plus souvent soit avec l'UE, soit avec les puissances européennes moyennes dominantes, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni.
  16. Une idée largement répandue est que le président George H. W. Bush et les dirigeants européens ont assuré M. Gorbatchev que l'OTAN « ne s'étendrait pas d'un pouce vers l'Est ». Cette thèse est combattue par ceux qui considèrent que ces propos doivent être replacés dans leur contexte historique de 1990-1991 et que, depuis la disparition de l'Union soviétique, les Occidentaux sont légitimes à accéder à la demande insistante de ses anciens États satellites de rejoindre l'OTAN.
  17. Porte-aéronefs : porte-avions, porte-hélicoptères (déplacement supérieur à 10 000 t.) ; Grands bâtiments de surface : croiseurs, frégates, destroyers (déplacement supérieur à 3 000 t.) ; Sous-marins nucléaires : sous-marins d'attaque à propulsion nucléaire, hors SNLE.
  18. En revanche, le traité New Start de réduction des armes stratégiques demeure en force.
  19. Washington met en avant l'opposition de Moscou aux survols de son enclave de Kaliningrad, ou encore des républiques sécessionnistes en Géorgie.
  20. Slovaquie, Pologne, Tchéquie et Hongrie en 2003, Bulgarie et Roumanie en 2005
  21. La France a réintégré en 2009 l'organisation militaire de l'OTAN et réaffirme régulièrement que sa politique de défense combine volonté d'indépendance nationale et solidarité avec ses alliés au sein de l'UE et de l'OTAN.
  22. La Mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine est une « mission civile non armée [...] qui a pour tâches principales d’observer la situation en Ukraine et d’en rendre compte de manière impartiale et objective, ainsi que de faciliter le dialogue entre toutes les parties à la crise ». Elle déploie sur le terrain un dispositif d'environ 1 200 observateurs.
  23. Adyguée, Daghestan, Ingouchie, Kabardino-Balkarie, Karatchaïévo-Tcherkessie,Ossétie-du-Nord-Alanie,Tchétchénie.
  24. Ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM)
  25. La Serbie adhère et participe toutefois activement depuis 2006 au Programme pour la Paix (PPP) de l'OTAN.
  26. Sous le nom de République socialiste fédérative des Soviets de Russie.
  27. Pour un panel de 23 pays développés, membres de l'OCDE, sur la période 1993-2015, la moyenne des variations annuelles (en %) de la population totale d'une part et la moyenne des variations annuelles (en %) du volume du PIB/habitant sont fortement corrélés statistiquement (droite de régression avec un R2 de 0,42).
  28. PIB en PPP: le produit intérieur brut à parité de pouvoir d'achat est corrigé pour tenir compte des différences de niveau des prix entre les pays et fournit ainsi une meilleure mesure du volume de biens et de services produits dans une économie.

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Ouvrages généraux
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  • Bernard Elissalde, Géopolitique de l'Europe, Paris, Nathan, , 383 p. (ISBN 978-2-09-164938-2).
  • Florent Parmentier (dir.) et Pierre Verluise (dir.), Géopolitique de l’Europe trois décennies après l’ouverture du Rideau de fer, Diploweb, , 143 p. (ISBN 979-10-92676-30-3).
Autres ouvrages
  • Gérard Bossuat, L'Europe occidentale à l'heure américaine : Le plan Marshall et l'unité européenne (1945-1952), Éditions Complexe, coll. « Questions au XXe siècle », , 351 p. (ISBN 978-2870274316)
  • Frédéric Charillon et Célia Belin, Les États-Unis dans le monde, Paris, CNRS Éditions, , 295 p. (ISBN 978-2-271-09251-9)
  • Le Monde diplomatique « Manière de voir » #159, La nouvelle guerre froide, Le Monde diplomatique, (lire en ligne)
  • République française, Revue stratégique 2017 : une analyse lucide et volontariste pour préparer la prochaine loi de programmation militaire, (lire en ligne)
  • Union européenne, Une stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l'Union européenne : Synthèse (texte français), , 42 p. (lire en ligne)
  • Gouvernement russe, Le Concept de politique étrangère de la Fédération de Russie (approuvé par le Président russe Vladimir Poutine le 30 novembre 2016), The Ministry of Foreign Affairs of the Russian Federation, (lire en ligne)
  • Sénat, Union européenne-Russie : une confiance à reconstruire, République française, (lire en ligne)
  • Jean-Baptiste de la Torre, « 30 ans après la chute du mur, où en sont les économies du bloc de l’Est qui ont intégré l’UE? », Le Figaro, (lire en ligne)

Ouvrages en anglais

  • (en) Hal Brands, American Grand Strategy in the Age of Trump, Washington (D.C.), Brookings Institution Press, , 244 p. (ISBN 978-0-8157-3278-5)
  • (en) Hal Brands, Making the unipolar moment : U.S. foreign policy and the rise of the post-Cold War order, Ithaca, Cornell University Press, , 469 p. (ISBN 978-1-5017-0272-3)
  • (en) Amanda Sloat, The West's Turkey Conundrum, The Brookings Institution, , 29 p. (lire en ligne)
  • (en) Munich Security Report 2018, , 88 p. (lire en ligne)
  • (en) Munich Security Report 2017, , 90 p. (lire en ligne)
  • (en) Isabelle Facon (Fondation pour la recherche stratégique, FRS, Paris), Russia’s national security strategy and military doctrine and their implications for the EU, European Parliament's Sub-Committee on Security and Defence, (ISBN 978-92-846-0583-5, lire en ligne)
  • (en) Nicolás De Pedron (Espagne), Panagiota Manoli (Grèce), Sergey Sukhankin (Ukraine), Theodoros Tsakiris (Grèce), Facing Russia’s strategic challenge : Security developments from the Baltic to the Black Sea, European Parliament - Policy Department, Directorate-General for External Policies, , 45 p. (ISBN 978-92-846-2198-9, lire en ligne)
  • (en) CIA, The World Factbook, CIA, (lire en ligne)
  • (en) UK House of Lords, The EU and Russia : before and beyond the crisis in Ukraine, UK Parliament, (lire en ligne)

Compléments

Articles connexes

Liens externes

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