Recep Tayyip Erdoğan
Recep Tayyip Erdoğan (prononcé en turc : /ɾeˈd͡ʒep tajˈjip ˈeɾdoan/ ), né le à Beyoğlu, est un homme d'État turc. Cofondateur du Parti de la justice et du développement avec Abdullah Gül, il est Premier ministre de 2003 à 2014 et président de la République de Turquie depuis 2014.
Pour les articles homonymes, voir Erdoğan.
Recep Tayyip Erdoğan | ||
Recep Tayyip Erdoğan en 2018. | ||
Fonctions | ||
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Président de la République de Turquie | ||
En fonction depuis le (8 ans et 6 jours) |
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Élection | 10 août 2014 | |
Réélection | 24 juin 2018 | |
Vice-président | Fuat Oktay | |
Premier ministre | Ahmet Davutoğlu Binali Yıldırım |
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Gouvernement | Erdoğan IV | |
Prédécesseur | Abdullah Gül | |
Premier ministre de Turquie | ||
– (11 ans, 5 mois et 14 jours) |
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Président | Ahmet Necdet Sezer Abdullah Gül |
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Gouvernement | Erdoğan I, II et III | |
Législature | 22e, 23e et 24e | |
Coalition | AKP | |
Prédécesseur | Abdullah Gül | |
Successeur | Ahmet Davutoğlu | |
Député à la Grande Assemblée nationale de Turquie | ||
– (11 ans, 5 mois et 19 jours) |
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Élection | ||
Réélection | 22 juillet 2007 12 juin 2011 |
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Législature | 22e, 23e et 24e | |
Groupe politique | AKP | |
Président général du Parti de la justice et du développement | ||
En fonction depuis le (5 ans, 3 mois et 13 jours) |
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Élection | ||
Prédécesseur | Binali Yıldırım | |
– (13 ans et 13 jours) |
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Élection | 2003 | |
Réélection | ||
Prédécesseur | Parti fondé | |
Successeur | Ahmet Davutoğlu | |
Maire d'Istanbul | ||
– (4 ans, 4 mois et 26 jours) |
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Prédécesseur | Nurettin Sözen | |
Successeur | Ali Müfit Gürtuna | |
Biographie | ||
Date de naissance | ||
Lieu de naissance | Beyoğlu, Istanbul (Turquie)[1] | |
Nationalité | Turque | |
Parti politique | MNP (jusqu'en 1981) RP (1983-1998) FP (1998-1999) AKP (2001-2014) AKP (depuis 2017) |
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Conjoint | Emine Gülbaran (depuis 1978)[2] |
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Enfants | Necmettin Bilal Erdoğan Ahmet Burak Erdoğan Esra Albayrak Sümeyye Bayraktar |
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Entourage | Berat Albayrak (gendre) | |
Diplômé de | Université de Marmara | |
Religion | Islam sunnite | |
Résidence | Palais présidentiel (Ankara) | |
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Premiers ministres turcs Présidents de la République de Turquie |
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Diplômé de la faculté des sciences économiques et commerciales de l'université de Marmara, Erdoğan est joueur de football semi-professionnel de 1969 à 1982. C'est au niveau local qu'il commence son parcours politique, après avoir été élu maire d'Istanbul en 1994. Il perd ce mandat en 1998, lorsqu'il est emprisonné pendant quelques mois pour avoir lu un poème du nationaliste turc Ziya Gökalp dans la province de Siirt. En 2001, il fonde l'AKP, qui devient la première force politique turque en 2002, en obtenant la majorité à la Grande Assemblée nationale.
Nommé Premier ministre en 2003, il amende la Constitution pour que le chef de l'État soit directement élu par les citoyens, prône une intégration de la Turquie au sein de l'Union européenne et tente de réformer l'économie nationale. Populaire lorsqu'il s'engage dans le jeu politique, Recep Tayyip Erdoğan bénéficie d'une solide majorité parlementaire, confirmée lors des scrutins législatifs de 2007 et de 2011. Le régime qu'il a instauré est à partir de cette époque considéré comme étant autoritaire voire dictatorial. Il est également contesté pour des soupçons de corruption pesant sur son entourage politique et personnel. Il ne parvient par ailleurs pas à régler la question kurde et le conflit dans le sud-est du pays reprend sous sa présidence.
En 2014, il devient le premier président de la République élu au suffrage universel direct. L'AKP perd la majorité absolue aux élections législatives de juin 2015, mais la regagne à celles de novembre 2015. Dès le début de sa présidence, une dérive autoritaire du pouvoir est soulignée. La tentative de coup d'État de 2016 renforce la position d'Erdoğan et conduit à des purges avec plus de 50 000 arrestations dont des députés de l'opposition et au licenciement de plus de 100 000 employés du secteur public, ainsi qu'à la mise en place de réformes sécuritaires et à une présidentialisation du régime. Il est réélu à l’issue de l’élection présidentielle anticipée de 2018 et inaugure un régime présidentiel.
Biographie
Origines
Recep Tayyip Erdoğan est né le dans le quartier historique de Kasımpaşa, dans le district de Beyoğlu sur la rive européenne d'Istanbul. Sa mère se prénomme Tenzile[3]. Son père, Ahmet Erdoğan, s'y est installé à l'âge de 13 ans avec sa famille après avoir émigré du district de Güneysu dans la province de Rize, à l'extrême nord-est de la Turquie[4]. Lors d'une visite en Géorgie en août 2004, Recep Tayyip Erdoğan déclare être issu d'une famille géorgienne (plus précisément laze), originaire de Batoumi, et ayant émigré à Rize[5].
Il doit ses deux prénoms à son mois de naissance du calendrier hégirien, rajab, et à son grand-père paternel, nommé Tayyip (que l'on peut traduire littéralement par "bon" ou "bien" en français) ; qui est dans son enfance son prénom d'usage[6]. Troisième de sa fratrie, il est issu d'un milieu qu'il considère lui-même comme modeste, son père est capitaine de navire sur les lignes de transport de passagers du Bosphore[4].
Jeunesse
Le jeune Recep passe son enfance à Rize, où son père était capitaine de navire[7] et membre des garde-côtes turcs. Alors qu'il a 13 ans, sa famille se réinstalle à Istanbul. Il doit vendre des simit, des petits pains en anneau, dans les rues de la métropole. Ses parents l'envoient étudier dans une école religieuse qui forme des imams et des prédicateurs, un lycée İmam hatip. Ce type de lycée est très prisé en Turquie par les familles traditionalistes, même s'il ne se destine pas nécessairement à la carrière d’imam. À 16 ans, Recep Tayyip Erdoğan remplace l'imam à la mosquée pour réciter des prières, pour les naissances ou pour organiser le rituel des décès.
Joueur semi-professionnel de football, Recep Tayyip Erdoğan joue avec son coéquipier Yasoo Aga dans un club, et désire passer au statut de professionnel. Mais il renonce en raison de l'opposition de son père.
Études et polémique
Chacun des candidats présidentiels turcs doit préalablement justifier d'un diplôme d'études supérieures[8], soit après quatre années d'université, ce qui suscite une polémique quant à la véracité des études universitaires que le président Erdoğan aurait réalisées[9]. En effet, il a été remarqué que les différentes biographies, ou propos biographiques, produits par Erdoğan ou ses partisans à ce sujet différaient les uns des autres[10]. Ainsi, Erdoğan affirme avoir obtenu un diplôme après quatre années d’études à la « faculté des sciences économiques et administratives » de l’université de Marmara, à Istanbul, ce que l’établissement en question a confirmé, alors que son recteur était un ancien camarade de classe du président[11],[12]. Cependant, l'opposant Ömer Başoğlu, qui accuse le président de falsification et qui avait également réalisé ses études dans l'établissement à la période concernée, affirme n'y avoir jamais croisé Erdoğan et dévoile une série de photos de classes dans lesquelles ce dernier n'apparait jamais. De son côté, le site officiel du parti AKP, que préside Erdoğan, affirme que le chef de l’État aurait suivi des études à la « faculté de sciences économiques et commerciales », alors même que celle-ci n'existait pas à l'époque et que son intitulé diffère de celui qui figure sur la photo du diplôme publié par l’université de Marmara[10]. Ainsi, trois diplômes aux versions différentes dont on ignore l'authenticité circulent dans les médias[10]. Après la publication de ces accusations, Ömer Başoğlu est victime de pressions et de harcèlement pour être finalement retrouvé mort quelques mois plus tard[13], peut-être de maladie, bien que la thèse d'un assassinat soit également évoquée[10],[11]. Pour cette affaire de diplôme controversé, le président Erdoğan, volontiers procédurier, n'a pas déposé plainte[10].
Ascension politique
Recep Tayyip Erdoğan étudie la politique à Istanbul et travaille comme employé de l'entreprise de transport de la municipalité et en tant qu'entrepreneur indépendant. Au milieu des années 1970, il adhère et devient président de la section stambouliote de l'Organisation de jeunesse du Parti du salut national, le MSP, parti islamiste alors dirigé par Necmettin Erbakan.
Au milieu des années 1970, Erdoğan, écrit, dirige et interprète le rôle principal d'une pièce de théâtre avant-gardiste et conspirationniste intitulée Maskomya (comprendre Mas-Kom-Ya - en turc, Mason-Komunist-Yahudi ou Maçon-Communiste-Juif en français), qui présente la franc-maçonnerie, le communisme et le judaïsme comme des périls menaçant la Turquie[14],[15].
Sa carrière politique est interrompue par le putsch militaire du 12 septembre 1980 et l'interdiction faite aux membres de son parti d'exercer tout mandat, mais dès 1983, Erdoğan redevient actif politiquement dans le Parti du bien-être, dont le chef n'est autre que Necmettin Erbakan, qui était déjà lié à Erdoğan au sein du MSP ; les deux hommes décident de rompre politiquement en 1999.
Après une campagne fouillée et préparée, Erdoğan est élu en 1994 maire d'Istanbul, grâce à une image efficace de porte-parole de l'anti-corruption. Sa priorité est alors de réorganiser la vie chaotique de cette grande mégapole de 12 millions d'habitants. Ses opposants lui concèdent quelques belles réussites : les coupures d'électricité ou d'eau se font rares et ses grands projets d'infrastructures, comme le métro, sont réalisés et mis sur rail. Comme promis dans sa campagne, le maire d'Istanbul s'engage également à réduire la corruption ; il parvient, lors d'une réunion avec des hommes d'affaires corrompus, à révéler un scandale de corruption devant des journalistes qu'il avait invités de façon secrète.[réf. nécessaire]
En mars 1995, les quartiers alévis d'Istanbul sont attaqués par des escadrons de la mort liés à la police. S’ensuivent des manifestations au cours desquelles 22 alévis sont tués[16].
Malgré la popularité du maire, les milieux laïcs - particulièrement les militaires - demeurent cependant très suspicieux quant aux velléités d'islamisation de la municipalité. Ainsi, à partir de 1996, alors qu'Erdoğan est maire de la ville, quelques établissements publics dépendant de la municipalité ne servent plus d'alcool. À une journaliste étonnée de cette dernière mesure, il répond : « Je suis l'imam d'Istanbul »[17].
Le 21 avril 1998, Erdoğan est condamné à une peine de dix mois de prison, pour avoir, lors d'un meeting le 6 décembre 1997 à Siirt dans l'est du pays, repris une citation du poète nationaliste Ziya Gökalp qualifiée d'incitation à la haine : « Les minarets seront nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées seront nos casernes et les croyants nos soldats ». Conduit en prison, de son propre aveu il vit mal son séjour derrière les barreaux. À sa sortie, le 24 juillet 1999, Erdoğan change radicalement de tactique et renonce à affronter les militaires[17].
À l'automne de 1999, Erdoğan quitte le Parti de la vertu (FP), qui a succédé au Parti du bien-être (RP), et se prononce en faveur d'une séparation de la religion et de l'État (en Turquie, les imams sont des fonctionnaires affiliés au directorat des Affaires religieuses, lui-même dépendant directement du Premier ministre).
En 2001, Erdoğan cofonde le Parti de la justice et du développement (AKP), parti conservateur. Le noyau dur de l'AKP est constitué par l'aile modérée du Parti de la vertu, interdit la même année. Erdoğan en prend alors la présidence.
L'AKP sort vainqueur des élections parlementaires de 2002, mais Erdoğan ne peut immédiatement remplir la charge de Premier ministre du fait que le titulaire de la fonction doit être préalablement élu député. Sa candidature aux législatives ayant ainsi été invalidée en septembre 2002[18], sa condamnation de 1998 le privant de toute activité politique pendant cinq ans. Sous prétexte que durant les élections une procédure n'a pas été respectée à Siirt, l'AKP propose de renouveler celle-ci. La Commission suprême des élections donne le feu vert pour le renouvellement des élections à Siirt[19].
N'occupant aucun poste politique hormis celui de président général de l'AKP, il est considéré comme le dirigeant de fait du gouvernement, faisant la tournée des capitales européennes tandis que son bras droit Abdullah Gül occupe le poste de Premier ministre[20]. Pendant ce temps-là, à la Grande Assemblée nationale de Turquie, la majorité change certaines lois et la constitution en faveur d'Erdoğan pour qu'il puisse se présenter en tant que député, en annulant ainsi sa peine d'inéligibilité. L'élection se déroule uniquement dans cette ville et finalement il entre à la Grande Assemblée nationale de Turquie comme député de Siirt et devient chef du gouvernement à partir de mars 2003[21].
Durant ces années de marche vers le pouvoir, Erdoğan et le prédicateur islamique Fethullah Gülen se sont appuyés l’un sur l’autre au fil de leur carrière politique respective « afin de gagner en influence, en pouvoir et en réseau »[22]. Gülen faisait notamment profiter à Erdoğan de son impressionnant empire commercial, de son réseau de médias en Turquie et à l'étranger, de ses banques qui ont facilité le mouvement et le transfert de fonds entre le monde occidental et le Moyen-Orient et finalement des milliers de fidèles qui travaillaient à des postes gouvernementaux en Turquie même. Cette collaboration se poursuivit jusqu'au début des années 2010[23].
Premier ministre
En 2002, l'AKP domine largement le Parlement (363 députés sur 550), à cinq sièges seulement de la majorité des deux tiers qui lui permet d'amender la Constitution. Lors de son premier mandat, l'AKP premier parti à disposer d'une majorité absolue depuis 1987 et, jusqu'en 2007, le seul depuis 1945 à n'avoir qu'une autre force politique en face de lui au Parlement. Cette situation permet au gouvernement Erdoğan de mener la politique qu'il entend sans entrave de l'opposition.
Victoire à la présidentielle de 2014
Il est élu président de la République de Turquie le 10 août 2014, avec 51,8 % des voix au premier tour, à l'issue de la première élection du chef de l'État turc au suffrage universel direct. Il affiche son ambition de renforcer les pouvoirs de la fonction présidentielle en modifiant la Constitution.
L'un des aspects essentiels de la politique menée par Erdoğan est un ancrage du pays dans un conservatisme religieux plus affirmé[24]. Ce rejet d'une partie de l'héritage laïciste kémaliste est marqué par un grand nombre de réformes[25].
Il est renforcé dans son mandat par la victoire aux élections législatives de novembre 2015 de l'AKP, qui rassemble la majorité turco-sunnite et parvient à attirer les Kurdes dévots[26]. Le parti retrouve ainsi la majorité absolue à la Grande Assemblée nationale qu'il avait perdue après le scrutin législatif de juin 2015.
Tentative de coup d'État de 2016
Le , une tentative de coup d'État militaire, finalement repoussée, menace le pouvoir d'Erdoğan. Celui-ci appelle ses partisans à braver le couvre-feu décrété par les putschistes[27]. Quelques jours plus tard, il fait licencier des dizaines de milliers d'employés du secteur public (armée, médias, enseignement, magistrature)[28]. Au 29 juillet, plus de 18 000 personnes ont été placées en détention et 50 000 se sont vu confisquer leur passeport[29]. Ces actions renforcent les accusations de dérive autoritaire du pouvoir turc[30].
Vers un régime présidentiel
Le , un référendum constitutionnel, adopté à une courte majorité, transforme le régime parlementaire en régime présidentiel, en supprimant le poste de Premier ministre et instituant à la place un poste de vice-président. La justice est réformée alors que la constitution de 1982 garantit l'indépendance de celle-ci : dans ce projet de révision constitutionnelle, le président et le Parlement interviendront directement dans la nomination de membres du Haut-Conseil des juges et procureurs (HSYK), chargé de nommer les magistrats[31]. Il réintègre formellement l'AKP le [32],[33]. Ensuite, son parti convoque pour le 21 mai un congrès extraordinaire dans le but de nommer un nouveau président général, poste auquel il est candidat[34]. Candidat unique, il est alors élu[35]. Les épurations reprennent aussitôt après le scrutin, notamment dans les rangs de la police[36], où des poursuites sont engagées contre 11 000 policiers.
En 2018, malgré son côté clivant et les contestations dont il fait l'objet, Recep Tayyip Erdoğan reste souvent considéré comme l'homme politique le plus populaire en Turquie[37]. Il est réélu dès le premier tour de l’élection présidentielle anticipée de 2018, avec 52,6 % des voix[38]. Comme l’opposition[39], l’Union européenne, l’OSCE et le Conseil de l'Europe dénoncent les conditions « inéquitables » de la campagne, notamment en termes d’aides publiques et de traitement médiatique (180 heures d’audience pour Erdoğan contre 37 pour son principal adversaire, Muharrem İnce)[40],[41]. Finalement, Muharrem İnce, arrivé deuxième avec 30,6 % voix, reconnaît sa défaite[42]. Dans le même temps, l'AKP d’Erdoğan remporte une majorité relative aux élections législatives et la majorité absolue avec le MHP dans le cadre de l'Alliance populaire[43]. Recep Tayyip Erdoğan prête serment pour un deuxième mandat le [44].
Le 9 juin 2022, il annonce sa candidature à l'élection présidentielle turque de 2023[45].
Égalité homme-femme
Le 24 novembre 2014, il affirme, « Coran à l'appui, que les femmes ne pouvaient être considérées comme les égales des hommes » et déclare que selon l'islam le rôle des femmes dans la société est de faire des enfants. Il affirme aussi que les féministes ne peuvent pas le comprendre « parce qu'elles n'acceptent pas l'idée même de la maternité ». Il a aussi assuré que « les deux sexes ne pouvaient pas être traités de la même façon parce que c'est contre la nature humaine »[46] et qu'on ne peut pas mettre sur le même plan une femme qui allaite et un homme.
En août de la même année, il suscite la colère des mouvements féministes turcs en tentant de limiter le droit à l'avortement ; il considère que les femmes ayant recours à l'avortement sont des « traitres »[46]. Les associations de défense des femmes turques accusent le gouvernement d'encourager les violences conjugales. Selon elles, « plus de 200 femmes ont été tuées en Turquie par leur mari ou leur compagnon depuis le début de l'année »[47]. En 2019, dans le classement des inégalités hommes-femmes établi par le Forum économique mondial, la Turquie figure à la 130e place[46].
Laïcité
L'arrivée de l'AKP au pouvoir a fait craindre à l'Union européenne, et à beaucoup de Turcs, que la laïcité kémaliste puisse être menacée. Le port du voile dans les universités, après plusieurs tentatives infructueuses (véto de la cour constitutionnelle, menace de dissolution) a été autorisé en février 2008 par la Grande Assemblée nationale de Turquie. Erdoğan estime toutefois qu'il faut introduire en Turquie une plus grande liberté religieuse. Son mandat a aussi été marqué par une loi sur l'adultère, qui devait criminaliser l'infidélité. Ce projet de loi a été vite abandonné sous la pression de l'armée, des médias, et de l'Union européenne[48].
Erdoğan récuse les accusations d'islamisme qui lui sont faites et se déclare « démocrate conservateur » ou « démocrate musulman » (en référence aux démocrates chrétiens européens), il s'affirme respectueux de la démocratie et de la laïcité et relègue la religion à la sphère privée. Erdoğan se dit proche des partis chrétiens-démocrates européens.
Au cours des printemps arabes, Erdoğan se livre à une apologie de la laïcité, qu'il tente d'exporter, notamment en Égypte. Ainsi, le , lors d'un entretien télévisé accordé à Mona El-Shazly[49], il déclare : « Je recommande que l’Égypte ait aussi une constitution laïque. Parce que la laïcité n’est pas ennemi de la religion. N’ayez pas peur de la laïcité. J’espère que le nouveau régime sera laïc en Egypte. J’espère qu’après mes déclarations, le peuple égyptien changera son regard sur la laïcité »[50]. Ces propos suscitent l'énervement des Frères musulmans (qui avaient accueilli triomphalement Erdoğan au Caire plus tôt dans la journée) et notamment de leur porte-parole Mahmoud Ghozlane (ar) qui les dénoncent comme une ingérence étrangère[51],[52].
À partir de 2012, une fois l'élite militaire en prison lors du procès Ergenekon, Erdoğan fait davantage référence à l'Islam, rappelant ses discours télévisés des années 1990.
En 2014 et en 2015, Erdoğan fait voter de nouvelles lois autorisant le port de signes religieux dans l'administration publique pour les fonctionnaires.
La gauche turque, notamment l'opposition laïque du parti créé par Atatürk, le CHP Parti républicain du peuple, récuse une laïcité de façade et dénonce un pouvoir personnel qui aurait pour but d'en finir avec la laïcité. Cette opposition stigmatise une collusion du pouvoir avec des dirigeants religieux comme Fethullah Gülen ; en Turquie, des groupes religieux ont en effet une grande influence dans le milieu éducatif ; ils pointent les manquements de l'éducation nationale, réclament une plus grande place pour la religion à l'école et veulent la promotion du créationnisme musulman.
Le 25 avril 2016, le président du Parlement İsmail Kahraman s'annonce publiquement en faveur d'une constitution islamique, déclarant : « La laïcité ne doit pas figurer dans la nouvelle constitution. Pourquoi éviter le concept de constitution religieuse ? Nous sommes musulmans. Le texte devrait parler de religion ». Face à ces propos, Erdoğan se pose en fervent défenseur de la laïcité et affirme le lendemain, lors d'une visite d'État à Zagreb, que « Le président du Parlement a exprimé ses opinions personnelles sur la nouvelle constitution. En ce qui me concerne, mon avis sur la question a toujours été clair [...] il est mentionné dans le manifeste de l'AKP : c'est la laïcité sur le modèle anglo-saxon et européen »[53].
À la rentrée 2017, les programmes scolaires sont modifiés dans certaines classes (avant d'être étendus à toutes l'année suivante). Ils y introduisent la notion de djihad et suppriment toute référence à la théorie de l'évolution de Charles Darwin. Pour le ministre de l'Éducation nationale İsmet Yılmaz, « le djihad est un élément de notre religion : il en fait partie, et il est donc du devoir du ministère de l'Éducation d'enseigner ce concept de manière appropriée », justifiant également le retrait du darwinisme comme étant « hors de portée des élèves et pas pertinent à ce stade ». Pour Ata Esen, du syndicat de l'éducation Egitim Sen, « on est en train d'assister à un formatage islamo-nationaliste des enfants »[54].
Le 26 octobre 2020, le président turc Recep Tayyip Erdoğan a appelé au boycott des produits français, prenant la tête d'un mouvement de colère dans le monde musulman contre le président Emmanuel Macron après que ce dernier eut défendu, aux lendemains de la décapitation d'un enseignant français, la liberté d'expression, y compris à travers les caricatures du prophète Mahomet[55].
Minorités religieuses
Le Vatican a dénoncé la « christianophobie institutionnelle en Turquie ». Edmond Farhat (en), nonce apostolique à Ankara, a affirmé que la liberté religieuse n'existe que sur le papier dans ce pays. L’Église catholique romaine se plaint notamment de ce qu'aucune reconnaissance juridique ne lui ait été accordée, reconnaissance juridique qu'elle réclame depuis 1970.
L'Église orthodoxe de Constantinople attend toujours la réouverture de son Institut de théologie orthodoxe de Halki, et les églises se voient retarder sans date les autorisations de faire des réparations indispensables sur leurs églises. À ce jour les étudiants grecs étudient toujours sur des photocopies, les livres étant toujours interdits. Les popes n'ont toujours pas le droit de sortir en habit de culte dans les rues.
Le commissaire européen chargé de l'élargissement, Olli Rehn, a d'ailleurs averti par écrit le gouvernement turc que la liberté religieuse appliquée en Turquie ne répondait pas aux critères fixés par l'Union.
Le 13 mai 2010, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan a lancé un appel à ne pas discriminer les non-musulmans. Il a envoyé une lettre publique dans laquelle il appelle explicitement à respecter les droits des minorités chrétiennes et juives, à respecter leur clergé et à éviter les commentaires discriminatoires. « Les non-musulmans sont partie intégrante de l'État turc et ont le droit de préserver leur identité et leur culture. »[56]
En août 2019, il inaugure le chantier de construction d'une église syriaque, première église construite dans le pays depuis 1923[57].
En juillet 2020, le retour de la basilique Sainte-Sophie au culte musulman voulu par Erdoğan suscite des réactions négatives à l'étranger[58].
Politique intérieure
Le début de son mandat est marqué par quelques réformes politiques et économiques telles qu'un élargissement des droits des instances religieuses non musulmanes, la réduction de six à trois ans des peines de prison pour « insulte » aux forces armées et autres piliers de l'État turc, la limitation de leur application aux insultes avec « intention » et le remplacement des peines de prison de la loi relative à la presse par des amendes[59]. Les lois amendées contiennent cependant des dispositions permettant d'envoyer les journalistes en prison[59]. D'autres lois et articles de code répressifs envers la presse sont restés inchangés[59].
La mise en œuvre de ces réformes s'est toutefois heurtée aux résistances de l'appareil d'État et sont fortement remises en question à l'approche des années 2010 par les intellectuels turcs et l'Union européenne, dont l'écrivain et prix Nobel de littérature Orhan Pamuk, le musicien Fazıl Say ou le peintre Bedri Baykam qui voient en Erdoğan un despote qui fait sauter un à un les verrous de la laïcité afin d'instaurer un régime islamiste et personnel.
Restrictions à la liberté de la presse
Au cours des années de pouvoir d'Erdoğan la Turquie n'a cessé d'accentuer le caractère restrictif de sa politique en matière de liberté d'information et a en conséquence soulevé de nombreuses critiques d'ONG internationales[60]. De 72 à 97 journalistes turcs sont en prison en 2012[61],[62], contre 13 fin 2002[59], l'année de l'arrivée au pouvoir de l'AKP. L'organisation Reporters sans frontières qualifie alors la Turquie de « première prison au monde pour les journalistes »[63], ce qui est confirmé l'année suivante par le Comité pour la Protection des Journalistes[64] (bien que le mode de comptabilisation des deux organisations diffère). Cette situation semble continuer à se dégrader[65],[66],[67],[68] puisqu'en 2016, la Turquie n'atteint plus que la 151e place, sur 180 pays évalués, dans le classement annuel de RSF des pays du monde selon leur indice de liberté de presse. En 2019, elle rétrograde encore et se place en 157e position sur 180 au classement mondiale de la liberté de la presse[69]. L'ONG souligne notamment la concentration de la plupart des médias entre les mains de patrons de presse proche du pouvoir, le harcèlement et la multitude de procès intentés pour « insulte » ou « terrorisme », ou encore la saisie par la police de journaux critiques du régime, la chasse à tous les médias critiques, la censure d'internet et des réseaux sociaux, particulièrement depuis la tentative de putsch en 2016[70],[60],[69].
Des intellectuels dénoncent également l'affaire Ergenekon, qui serait un prétexte pour faire taire l'armée, rempart traditionnel contre l'islamisme dans le jeu d'influence politique dans le pays, et pour faire disparaître une opposition laïque journalistique de plus en plus virulente contre le régime. En effet, Erdoğan intente régulièrement des procès à l'encontre des journaux d'opposition[17],[61],[68],[66],[71],[72],[73],[74], si bien que ces journaux sont l'objet de saisies ou sont fortement pénalisés par les amendes. L'opposition de gauche fait surtout les frais de ces procès, comme en 2011 le journal « Aydınlık »[75],[76][réf. nécessaire].
Ce durcissement du gouvernement turc contre la liberté de la presse s'accentue au cours de son mandat. En 2015, 15 chaînes de télévision sont ainsi saisies ou interdites d’émettre par le pouvoir, des centaines de journalistes sont sous le coup de poursuites pour avoir « insulté le président ». En novembre 2015, les journalistes Can Dündar et Erdem Gül sont accusés d'« espionnage » pour avoir publié en mai un article sur les livraisons d'armes des services secrets turcs (MIT) à des groupes rebelles en Syrie[77]. Le journaliste français Loup Bureau est également emprisonné comme « terroriste » en 2017 dans une geôle turque alors qu'il voulait enquêter sur l’offensive des forces kurdes des YPG syriennes[78],[79].
Les procès pour injure envers M. Erdoğan se sont multipliés depuis son élection à la tête de l’État en août 2014. Environ 2 000 procédures judiciaires ont été lancées en Turquie pour ce motif entre août 2014 et avril 2015[80],[81],[82],[66]. En 2017, près de 3 000 journalistes ont perdu leur travail, souvent parce que le média pour lequel ils travaillaient a été interdit[83].
Liberté d'expression
Des organisations de défense de la liberté d'expression pointent le quotidien Yeni Akit, proche d'Erdoğan, l'un des journaux les plus lus de Turquie - et ses déclinaisons télévisuelles - pour avoir incité au meurtre d'une dizaine de journalistes, académiciens et juristes dont le journaliste arménien Hrant Dink abattu en 2006, et continuer de le faire. Ce journal est connu pour ses commentaires ultra-conservateurs sur les sujets de société et pour avoir chanté les louanges d'Oussama Ben Laden lors de sa mort mais « aussi pour son racisme, son antisémitisme et ses appels à la violence, en particulier contre des journalistes ». En décembre 2012, le journal a publié une liste de 60 journalistes en les qualifiant de « terroristes et criminels »[84].
Après la fusillade d'Orlando du 12 juin 2016, « Yeni Akit » a titré son article à propos de cette tuerie de masse perpétrée dans une boîte de nuit gay : « 50 pervers tués dans un bar »[84].
Fin 2021, le maintien des détentions arbitraires d'opposants politiques, en particulier Selahattin Demirtaş et Osman Kavala, porte atteinte au crédit international du régime.
Mesures économiques
La Turquie a affronté la plus grave crise financière de son histoire récente en 2000 et en 2001. Mais les Turcs ont aussi été véritablement marqués par le séisme de 1999 à Izmit, qui leur a montré l'étendue de la corruption dans leur pays. Le gouvernement Erdoğan a promis de faire de la lutte contre la corruption une de ses priorités.
Mais la victoire de l'AKP doit beaucoup à l'exaspération de la classe moyenne, victime de plein fouet du chômage. Pour rééquilibrer les comptes de la Turquie (elle est le deuxième plus gros débiteur du FMI après le Brésil, avec 16 milliards de dollars, sa dette extérieure atteint 30 % de son PIB et sa dette publique est de 80 %), l'AKP suit la politique économique du FMI.
Le passage d'Erdoğan au pouvoir est marqué par la libéralisation de l'économie et la diminution du nombre de fonctionnaires. Sa politique poursuit la politique entreprise par les anciens gouvernements, c’est-à-dire mettre fin au protectionnisme d'État et libéraliser les échanges commerciaux, en abaissant les droits de douane, et en supprimant les quotas sur les importations.
L'environnement institutionnel stable créé par le gouvernement obtient des résultats positifs entre 2002 et 2011 avant de connaître un net ralentissement à partir de 2012. En 2015, l'orientation économique voulue par Erdoğan demeure sujette à interrogations dans un pays qui connaît des déséquilibres macroéconomiques importants, en particulier déficits extérieurs et inflation[85]. La livre turque perd 30 % de sa valeur en 2018[86].
Le taux de chômage atteint 13,1 % en mars 2021[87].
Réformes institutionnelles
Sur le plan institutionnel, Erdoğan s'est prononcé à plusieurs reprises en faveur d'une modification importante de la Constitution de la Turquie, offrant notamment au président de la République une compétence plus élargie et plus importante.
Il propose que l'élection du président se fasse au suffrage universel, alors qu'il est actuellement élu par le Parlement. En 2007, alors qu'une partie de la presse turque et européenne évoquait l'hypothèse d'une candidature d'Erdoğan à la présidence de la République, il déjoue les pronostics en faisant élire un de ses proches, le ministre des Affaires étrangères, Abdullah Gül.
Au cours de la campagne menée pour les élections législatives, en 2011, l'idée d'une nouvelle Constitution a largement été évoquée par Erdoğan, lui-même en campagne.
Le 10 août 2014, il est élu président de la République. Sa victoire est nette (52 % des voix dès le premier tour), des accusations de trucage et de nombreux médias l'annonçant vainqueur dès le début de la campagne. Cette élection lui permet de continuer de diriger le pays, cette fois-ci comme président de la République, malgré les critiques concernant le fait que la Turquie devienne une autocratie. Elle change de facto la Turquie en un régime présidentiel, même si dans les faits, le régime demeure parlementaire ; il faudra attendre 2017 pour modifier la Constitution. Le politologue Baskin Oran écrit : « Erdoğan va instaurer un régime basé sur un seul homme, qui frôle une dictature. Car il a supprimé la séparation des pouvoirs. L'exécutif, c'est lui, le législatif, c'est son parti, la justice est sous sa tutelle, les juges et les procureurs qui ouvrent des enquêtes non désirées sont immédiatement virés. Quant au quatrième pouvoir, les médias sont, en dehors de quelques exceptions, sous son contrôle »[88].
Le , lors de ses vœux du Nouvel-An, il défend le système présidentiel fort qu'il veut instaurer en Turquie en prenant pour exemple l'Allemagne d'Adolf Hitler. Il déclare ainsi « Dans un système unitaire (comme la Turquie) un système présidentiel peut parfaitement exister. Il y a actuellement des exemples dans le monde et aussi des exemples dans l'histoire. Vous en verrez l'exemple dans l'Allemagne d'Hitler. »[89],[90],[91].
Après la victoire du « oui » au référendum d'avril 2017, un régime présidentiel est mis en place.
Politique environnementale
Les associations écologistes turques se mobilisent en 2013 contre la « loi de conservation de la nature et de la biodiversité » qui rendra possible des projets industriels ou d'urbanisation dans les espaces naturels s'ils répondent à un « intérêt public supérieur ». Cette notion, jugée floue, « ouvre la porte à toutes les dérives », selon les associations[92].
En 2013, la construction d'une soixantaine de centrales à charbon est en cours ou en projet. Selon Greenpeace, le gouvernement « ne laisse que très peu de place aux projets d'énergie renouvelable » et les émissions de gaz à effet de serre sont en augmentation[92].
Question kurde
Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré comme une organisation terroriste par la Turquie, l'Union européenne et les États-Unis, après quinze ans de lutte pour l'indépendance et 37 000 morts, avait décrété un cessez-le-feu en 1999 avec l'ancien gouvernement. Le cessez-le-feu est rompu en 2004.
Le , Erdoğan promet de régler le problème kurde avec plus de démocratie. Il a d'ailleurs déclaré lors d'un discours à Diyarbakir : « Le problème kurde n’est pas le problème d’une partie de notre peuple, mais le problème de tous. C’est donc aussi le mien. Nous allons régler chaque problème avec encore plus de démocratie, plus de droits civils, et plus de prospérité, dans le respect de l’ordre constitutionnel, du principe républicain et des principes fondamentaux que nous ont légués les pères fondateurs de notre pays. ».
Puis il a rappelé les trois idéologies que combat l'État turc :
- le nationalisme ethnique ;
- le nationalisme régional ;
- le nationalisme religieux.
Le gouvernement Erdoğan a mis fin à quinze ans d'état d'urgence dans le Sud-Est du pays. Il a également autorisé la diffusion de programmes en langue kurde à la radio et à la télévision et a aussi permis l'ouverture d'instituts privés d'enseignement de la langue kurde. Mais ces réformes et ces actes n'ont pas tous été suivis d'effets.
Les Kurdes réclament également que le gouvernement fasse quelque chose pour sortir la partie kurde de la Turquie de la pauvreté et de la morosité économique. Erdoğan a affirmé que le gouvernement n'y prévoyait pas d'investissements industriels, et il a au contraire encouragé les hommes d'affaires locaux à prendre l'initiative, en profitant des mesures d'incitation récemment mises en place.
Abdullah Öcalan, le chef de l'organisation séparatiste PKK, a échappé à l'exécution qui l'attendait (sa peine a été commuée en réclusion à perpétuité en 2002, lors de l'abolition de la peine de mort). L'Union européenne, qui accuse la Turquie de ne pas lui avoir fait un procès équitable, a demandé au gouvernement turc de rejuger le fondateur du PKK. Cependant, le président turc Abdullah Gül a déclaré que « même en le jugeant cent fois, il recevra le même châtiment »[réf. nécessaire].
Le , Erdoğan inaugure la première chaîne publique turque (TRT 6) en langue kurde et prononce, en direct, quelques phrases en langue kurde. En juillet-août, il annonce sa volonté de réforme, en octroyant plus de droits culturels et linguistiques aux Kurdes, notamment par l'apprentissage de la langue kurde à l'école dès 2012[93]. Cependant, la controverse ressurgit peu d'années plus tard, lorsqu'il donne l'ordre aux gouverneurs, en 2016, de fermer les uniques écoles kurdes de certaines régions[93].
Le Parti de la paix et de la démocratie (BDP), principal parti pro-kurde, ne voit dans ces mesures qu'une ouverture de façade. Selon lui, les citoyens de culture kurde sont toujours tenus pour des citoyens de seconde zone et subissent des discriminations à l'emploi. Les affrontements avec la police et l'armée se sont accrus en 2010 dans les régions de Turquie à population majoritairement kurde.
Le président turc met aussi à profit la guerre civile syrienne et l'expansion puis reflux de l’État Islamique pour affaiblir le mouvement kurde à l'extérieur de la Turquie. Malgré les accusations de nettoyage ethnique qui s'accumuleront contre lui[94], il commandite l'intervention des forces armées turques en Syrie à travers l'opération Bouclier de l'Euphrate (2016-2017), puis l'opération Rameau d'olivier (2018) autour d'Afrine, chef-lieu administratif à population majoritairement kurde jusqu'alors tenu par les YPG, ainsi que de multiples interventions de l'armée turque en zones à peuplement kurde du nord de l'Irak[95].
En , il fait destituer les maires HDP de Diyarbakir, Mardin et Van, élus avec respectivement 63 %, 56 % et 54 % des voix lors des municipales de mars, les accusant d'être « au service de terroristes au lieu de servir la population »[réf. nécessaire].
Il lance le 9 octobre 2019 une troisième opération militaire turque en Syrie, suscitant de vives réserves voire une réprobation au niveau international.
L'échec partiel de l'opération Claw-Eagle 2, menée en février 2021 contre le PKK dans le nord de l'Irak et se traduisant par la mort de treize otages turcs, suscite le débat dans l'opinion publique turque, y compris de la part de l'opposition kémaliste (CHP).
Contestations
En 2013, Erdoğan doit faire face à un vaste mouvement protestataire rassemblant plusieurs millions de personnes dans les rues d'Istanbul et d'autres villes turques, qui manifestent contre un projet immobilier qui aurait détruit le parc Gezi d'Istanbul. Il utilise la force pour réprimer les manifestations, suscitant des critiques qui dénoncent son autoritarisme[96]. Il est également accusé de visées islamistes, illustrées par la reconversion en 2020, quelques jours avant le centième anniversaire du traité de Sèvres, du musée Sainte-Sophie en mosquée[97]. Ses projets architecturaux à Istanbul jugés mégalomaniaques (une mosquée plus grande que celle de La Mecque, un canal sous-marin qui perturbe des fouilles archéologiques, un immense aéroport, un quartier de 24 gratte-ciel) sont également critiqués pour leur dimension ainsi que des soupçons de pots-de-vin ou de blanchiment d'argent qu'ils impliquent[98].
Le , Recep Tayyip Erdoğan procède à un important remaniement ministériel qui affecte dix postes sur vingt-cinq de son gouvernement, à la suite d'opérations judiciaires et policières ayant mis au jour un possible réseau de corruption concernant des membres éminents de l'AKP et leurs proches[99]. Même s'il s'en défend et dénonce un complot de l'étranger, le propre fils du Premier ministre est mis en cause dans ces affaires de corruption. Mais le procureur qui menait l'enquête à son sujet a été dessaisi du dossier, ce qui a provoqué l'indignation du Conseil supérieur des juges et des procureurs, Erdoğan étant accusé de vouloir « étouffer » l'affaire. Ces événements ont également engendré des manifestations, l'effondrement de la livre turque à la Bourse d'Istanbul, et compromettent les chances du Premier ministre à l'approche des élections de 2014 et 2015[100]. Par la suite, six députés démissionnent, une première dans l’histoire du parti, ne manquant pas au passage de critiquer le Premier ministre. Ertugrul Günay, ancien ministre de la Culture, dénonce ainsi « l'arrogance du gouvernement » alors qu'Erdal Bayraktar, jusque-là député d'Ankara, déclare : « Un parti politique ne peut pas être géré comme s'il était la propriété d'une personne, particulièrement de M. Tayyip Erdoğan ». D'autres demandent même sa démission[101]. Des scandales liés à des écoutes sur des secrets d'État ainsi que la volonté du Premier ministre de fermer les réseaux sociaux YouTube et Twitter sont également critiqués comme des atteintes aux droits de l'homme ; Yaman Akdeniz, professeur de droit de l'Internet à l'Université Bilgi d'Istanbul déclare ainsi : « Le pays n'a jamais atteint de tels niveaux de censure »[102].
En juin 2014, un an après le début des manifestations, Amnesty International dénonce le « harcèlement judiciaire et policier » du gouvernement Erdoğan, mettant l'accent sur la partialité de la justice, la violation de la liberté de rassemblement et les violences policières[103]. En décembre 2014, un lycéen turc de 16 ans avait été arrêté et inculpé pour « insulte au président »[104].
Erdoğan est également critiqué pour avoir fait construire un nouveau palais présidentiel de plus de 1000 pièces à Ankara pour un coût plus de 490 millions d'euros[105].
Renvoyé pour un tweet critique à l'égard d'Erdoğan, le journaliste du quotidien turc Milliyet, Kadri Gürsel, analyse début 2016 la cécité dont auraient fait preuve les Occidentaux vis-à-vis de la Turquie. Il note ainsi que celui qu'on a voulu considérer comme un « islamiste modéré » aurait, dans les années 2000, souscrit à certaines réformes demandées par l'UE non pas pour lui donner des gages mais pour mieux évincer le pouvoir militaire afin de renforcer son emprise sur le pays. Il critique par ailleurs le double jeu d'Erdoğan par rapport à l'État islamique, qu'il aurait laissé prospérer afin de précipiter la chute du régime syrien d'Assad afin d'y installer un régime islamiste. Il relève par ailleurs que la crise des migrants aurait ses conséquences dans l'échec de cette politique, l'affrontement entre Daesh et le pouvoir syrien ayant amené à la destruction de nombreuses villes et la fuite de populations qu'Erdoğan laisse pour partie passer vers l'Europe[106]. Il explique qu'Erdoğan a pu donner le change et faire croire qu'il était modéré alors qu'il avait en vue un projet totalitaire qui est la marque d'un homme « portant les marques de l’hubris, la maladie de l’ego, autodétermination messianique, perte du sens des réalités, intolérance à la contradiction et folie des grandeurs[107] ».
Sous couvert de lutte antiterroriste, le président créé par ailleurs une nouvelle police de proximité, les « Bekçi », critiqués car supposés renforcer le contrôle sur la société[108]. En 2018, la Turquie détient le record du monde du nombre d'écrivains et de journalistes en prison[109].
Politique diplomatique
La Turquie est toujours un allié important des États-Unis, et sert de médiateur avec les Palestiniens et les Syriens. Elle effectue un rapprochement avec la Grèce et reste un partenaire économique et politique important de l'Union européenne.
Dès le début de son mandat de Premier ministre, Erdoğan joue la carte de l'adhésion européenne, coupant l'herbe sous les pieds de ses opposants laïcs. Son gouvernement obtient en la promesse de l'Union européenne d'entamer des négociations d'adhésion le . Promesse tenue l'année suivante, malgré l'absence de reconnaissance de la République de Chypre. Cette dernière espère cependant pouvoir tirer de ses négociations la réunification de l'île et le départ des Turcs puisque chaque État doit signer l'accord d'entrée d'un nouveau[110].
Avec le président du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, Erdoğan est à l'origine de la fondation, en 2005, de l'Alliance des civilisations à l'Organisation des Nations unies[111], un projet visant à contrer le terrorisme par des moyens politiques, économiques et sociaux, et non militaires, à l'inverse de la « guerre contre le terrorisme » menée par George W. Bush[112].
La Turquie change de cap diplomatique depuis l'ère de la présidence d'Erdoğan, d'autant plus depuis la venue d'Ahmet Davutoğlu au ministère des Affaires étrangères. Elle s'est ouverte de plus en plus vers le monde musulman, et commence à faire cavalier seul dans le jeu des équilibres géostratégiques. Les prises de position turques sur le nucléaire iranien en 2009, soutenues par le Brésil, montrent un changement de cap radical avec les gouvernements précédents, et commencent à inquiéter les nations occidentales sur les véritables intentions du pouvoir islamo-conservateur. Le gouvernement cherche à projeter ses succès économiques sur le terrain politique dans les anciens territoires de l'Empire ottoman en multipliant les partenariats avec les pays arabes, et en prônant la politique du zéro problème avec les voisins. On appelle cette nouvelle politique, le néo-ottomanisme. Erdoğan annonce aussi, en 2007, la construction de trois centrales nucléaires[113].
Ces prises de positions contradictoires de la nouvelle diplomatie turque témoignent d'un expansionnisme économico-politique qui inquiète les alliés traditionnels de la Turquie.
Le 10 février 2008, lors d'une visite officielle, il déclare, devant 20 000 personnes réunies à Cologne, à propos des Turcs d'Allemagne : « L'assimilation est un crime contre l'humanité »[114]. Ces propos suscitent des sympathies dans la communauté turque, mais provoquent un tollé dans la droite allemande et relancent le débat sur la politique d'intégration des immigrés, alors que l'Allemagne a décidé de réduire les cours de langue turque et de durcir les conditions du regroupement familial[114].
En 2015, Erdoğan initie un rapprochement avec l'Arabie saoudite : il assiste aux funérailles du roi Abdallah à Riyad et proclame un jour de deuil national en Turquie. Il apporte en outre un soutien appuyé à l’intervention militaire saoudienne au Yémen et refuse toute condamnation de l’exécution de l’ayatollah et dissident chiite Nimr Baqr Al-Nimr par les autorités saoudiennes[115]. Les controverses liées à l'assassinat du dissident saoudien Jamal Khashoggi à Istanbul, le 2 octobre 2018, mettent toutefois en lumière les limites de ce rapprochement[réf. nécessaire].
Son évolution récente est plus difficile à lire, avec un aréopage de conseillers hétérogène[116].
Guerre d'Irak
Pendant la guerre en Irak, le gouvernement américain avait demandé la permission de survoler le territoire turc, ainsi que le déploiement de 62 000 soldats américains dans le pays. Un grand débat eut lieu à cette occasion en Turquie, et le gouvernement refusa d'accorder cette autorisation. Pour faire pression, les Américains proposèrent un chèque de 15 milliards de dollars à la Turquie en dédommagement du coût de la guerre. Le gouvernement demanda l'avis de la Grande Assemblée nationale de Turquie, qui également refusa.
Bien qu'hostile à la guerre en Irak, Recep Tayyip Erdoğan, avec le soutien de l'armée, estimait qu'un soutien aux Américains était dans l'intérêt à long terme du pays, notamment pour prendre part aux décisions sur l'avenir des zones kurdes irakiennes[117].
Relations turco-israéliennes
Erdoğan n’a pas changé radicalement la politique de la Turquie vis-à-vis de l'État d'Israël qui reste un allié majeur. Cela n'a pas empêché Erdoğan de dénoncer la politique jugée musclée des gouvernements d'Ariel Sharon et de Benyamin Netanyahou.
En 2004, au lendemain de l'assassinat du Cheikh Ahmed Yassine du Hamas, Tayyip Erdoğan n'hésitait pas à qualifier cette opération d' « acte terroriste » puis il dénonça le « terrorisme d'État » pratiqué par Israël dans la bande de Gaza, avant de rappeler temporairement son ambassadeur à Tel-Aviv et son consul à Jérusalem « pour consultations ».
Lors de l'opération Arc-en-ciel, en mai 2004, qui fut déclenchée dans la ville de Rafah, Erdoğan a dénoncé la « terreur d’État » israélienne. Il déclara également que « les Israéliens traitent les Palestiniens comme ils ont été traités eux-mêmes, il y a cinquante ans ». Mais le partenariat stratégique et notamment militaire entre les deux pays n'est pas menacé par ces déclarations.
Les relations israélo-turques se sont toutefois réchauffées depuis[réf. nécessaire]. Erdoğan a proposé le lors d'un voyage officiel en Israël et dans les territoires palestiniens de servir de médiateur dans le conflit israélo-palestinien. Même si Israël s'est aussitôt opposé à la proposition du Premier ministre turc par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Silvan Shalom, les tensions ont nettement baissé.
Certains événements sont cependant venus troubler le calme relatif. Le , Erdoğan a quitté un débat au Forum économique mondial à Davos (Suisse) après avoir été interrompu lors de son argumentation par le modérateur, à la suite d'un plaidoyer du président israélien, Shimon Peres, en faveur de l'enjeu anti-terroriste de la récente offensive menée par son pays dans la bande de Gaza et qui avait fait plus de 1 330 morts palestiniens. Erdoğan a notamment déclaré : « Je pense que vous devez vous sentir un peu coupable. […] Vous avez tué des gens. Je me souviens des enfants qui sont morts sur des plages. »[118], faisant ainsi allusion à un dommage collatéral controversé sur lequel Israël et l'organisation Human Rights Watch avaient enquêté[119],[120].
Le , le Premier ministre turc déclare que « considérer Jérusalem comme la capitale indivisible de l'État hébreu, comme le font les Israéliens, est une folie. Jérusalem est la prunelle des yeux du monde musulman […] et on ne peut accepter aucune atteinte israélienne à Jérusalem et aux lieux musulmans », lors du Sommet annuel de la Ligue arabe[121].
En 2010 également, à la suite de l'abordage de la flottille pour Gaza, Erdoğan tient un discours très dur à la Grande assemblée nationale, condamnant un acte de « terrorisme d’État », dénonçant une « attaque insolente et irresponsable qui piétine toute vertu humaine ». En 2013, Benyamin Netanyahou présentera ses excuses au chef du gouvernement turc pour la mort de neuf Turcs lors de l'abordage soldant le contentieux lié à cette affaire[122].
En 2017, le président turc exhorte son homologue américain Donald Trump à revenir « sans délai » sur sa décision de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël, après le vote par l'ONU d'une résolution condamnant cette mesure[123]. Durant la même année, il annonce que la Turquie considère Jérusalem-Est comme la capitale de l'État de Palestine, tout en dénonçant à nouveau la décision américaine de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël[124].
En 2020, l'État turc accorde la citoyenneté à des hauts responsables d'une cellule terroriste du Hamas, confirmant l'utilisation du territoire comme base arrière de planification et d'organisation des attentats contre l'État d'Israël[125].
Relations turco-grecques
Fin janvier 2008, à l'occasion du projet de construction du gazoduc Nabucco, le gouvernement turc accueille le Premier ministre grec Kóstas Karamanlís à Ankara. Il s'agit de la première visite officielle du genre depuis 1959. Le Premier ministre turc remercie alors son homologue grec pour le soutien apporté à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Kóstas Karamanlís exprime de son côté « le ferme et réel soutien de la Grèce à la perspective européenne » de la Turquie.
L'AKP cherche activement une solution à la question chypriote, qu'il doit résoudre pour prétendre entrer dans l'Union. Bien que l'ancien ministre des Affaires étrangères, devenu par la suite président de la République, Abdullah Gül, reconnaisse que le dossier « n'est pas totalement dans [ses] mains », les négociations directes actuelles entre les présidents de la République autoproclamée turque de Chypre Nord et la République de Chypre laissent entrevoir un accord sur une réunification de l'île.
En décembre 2017, Erdoğan est en visite officielle en Grèce, ce qui constituait la première visite d'un chef d’État turc depuis 65 ans[126].
Chine et troubles au Xinjiang
Lors des troubles de juillet 2009 au Xinjiang, il dénonce l'action de la République populaire de Chine contre la minorité que sont les Ouïghours. Il affirme que « l'événement survenu en Chine est une sorte de génocide, il n'y a pas d'autre façon de commenter cet événement ». « Il y a là des atrocités, des centaines de personnes sont tuées, et un millier sont blessées. Nous avons du mal à comprendre que la direction de la Chine […] puisse rester spectatrice face à ces événements »[127].
Rapports difficiles avec l'Arménie
Le gouvernement effectue un rapprochement historique avec l'Arménie à l'occasion d'une rencontre de football en 2010. Il était question de rouvrir la frontière entre les pays, mais les relations se sont à nouveau envenimées, les pressions ultra-nationalistes des deux nations bloquant systématiquement toute voie d'ouverture. Le gouvernement ne paraît aujourd'hui pas prêt à une détente avec l'Arménie, comme en témoigne la destruction d'une sculpture monumentale dédiée à la paix avec ce voisin, construite en 2010 dans la région de Van, mais enlevée en 2011, Erdoğan qualifiant cette œuvre de « monstruosité » (ucube en turc)[128].
Aujourd'hui, en Turquie, le génocide arménien n'est pas officiellement reconnu. Erdoğan considère que ce sujet est utilisé par l'Occident comme prétexte pour contrer l'inévitable ascension économique et politique de la Turquie[129]. Il souhaite opposer la vérité historique décrétée par votes dans certaines assemblées nationales à une vérité basée sur des documents et archives historiques et scientifiques. Il encourage les universitaires et scientifiques turcs à inciter plus de personnes à s'intéresser au sujet pour ne pas laisser la place à des propagandes qu'il qualifie de « racistes et populistes ». Erdoğan a lancé plusieurs appels à ouvrir les archives pour permettre l'élaboration de comités scientifiques pour un rapprochement entre les deux pays ; cependant, l'État turc continue d'emprisonner des intellectuels et historiens turcs qui soutiennent la reconnaissance du génocide arménien.
En 2014, pour la première fois depuis 1915, la Turquie, par le biais d'un communiqué officiel publié sur le site du Premier ministre, présente ses condoléances aux Arméniens pour les massacres de 1915[130].
Crise diplomatique avec les Pays-Bas
En pleine campagne en début d'année pour le « oui » au référendum constitutionnel turc de 2017, Erdoğan envoie plusieurs de ses ministres faire des meetings dans l'Union européenne afin d'enjoindre aux Turcs de l'étranger de voter. Cependant, le ministre des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu est prévenu au début du mois de mars que les Pays-Bas considèrent un rassemblement à Rotterdam comme une menace à l'ordre public et qu'ils refusent de le cautionner sans toutefois restreindre le droit des Turcs vivant dans le pays à s'informer sur le référendum et voter à distance. Il assure que les Pays-Bas « paieront le prix fort » s'ils empêchent sa venue ; le Premier ministre néerlandais Mark Rutte affirme faire face à du « chantage » et fait retirer à l'avion du gouvernement turc le droit d'atterrir[131].
Erdoğan qualifie alors le royaume de « nazi » et ses dirigeants de « fascistes ». La ministre de la Famille, Fatma Betül Sayan Kaya, alors en Allemagne, décide le 11 mars d'entrer aux Pays-Bas par la route pour rejoindre le consulat de Rotterdam et tenir un discours depuis son balcon afin de n'en être empêchée en vertu de l'extraterritorialité des missions diplomatiques. À quelques mètres de l'entrée du consulat, la police néerlandaise fait arrêter sa voiture avant de la renvoyer à la frontière avec l'Allemagne d'où elle est venue[132].
Des manifestations prennent alors place à Istanbul et Ankara devant le consulat et l'ambassade des Pays-Bas : divers projectiles sont lancés et la police anti-émeute turque doit protéger les bâtiments bien qu'un homme soit parvenu à monter sur le toit de l'ambassade et décrocher le drapeau qui y était installé[133]. L'ambassadeur néerlandais, hors du pays au moment des faits, est interdit de revenir sur son sol par la Turquie ; diverses personnalités politiques aux Pays-Bas dont Geert Wilders se prononcent en retour pour l'expulsion des diplomates turcs du territoire et une opposition officielle à la candidature turque d'entrée dans l'Union européenne.
Le gouvernement turc demande publiquement des excuses au gouvernement néerlandais quant au traitement de ses ministres, sans lesquelles il affirme que la crise ne prendra pas fin. Les Pays-Bas refusent et sont alors soutenus par plusieurs autres pays européens[134] ; la chancelière allemande Angela Merkel estime notamment qu'il est injuste et infondé de les qualifier de « vestiges du nazisme » — qualificatif qu'elle estime « rhétorique », qu'Erdoğan avait par ailleurs déjà utilisé à son encontre — car cela « banalise la souffrance », « particulièrement aux Pays-Bas qui [en] ont enduré tellement [au cours de la Seconde Guerre mondiale][135] ». Erdoğan accentue sa position de rupture en affirmant quelques jours plus tard que les Pays-Bas sont responsables du massacre de Srebrenica, ce qui est condamné par de nombreux pays et démenti par les faits, l'armée de la République serbe de Bosnie étant reconnue comme auteure des 8 000 morts. Les 400 casques bleus néerlandais stationnés sur place n'ont pas pu empêcher la commission du crime, alors qu'Erdoğan affirme qu'ils ne se seraient intentionnellement pas interposés[136]. Mark Rutte répond que ces propos sont « nauséabonds » : « Le ton devient de plus en plus hystérique. Il continue à gonfler. C’est d’un niveau et d’un manque de style incroyable. Nous n’allons pas nous abaisser à ce niveau. C’est totalement inacceptable. »[137].
À partir du 21 mai 2017 il redevient le président de l'AKP tout en restant le président du pays, ce que la constitution lui interdisait avant sa réforme du mois d'avril 2017[138].
Dans un contexte diplomatique également crispé entre la Turquie et l'Allemagne, portant notamment sur les critiques de Berlin sur l'autoritarisme grandissant du régime turc, Recep Tayyip Erdoğan demande aux Turcs d'Allemagne (3 millions de personnes, dont 1,2 million de binationaux) de ne pas voter pour la CDU, le SPD ou les Verts lors des élections fédérales de 2017, partis qu'il considère comme « ennemis de la Turquie »[139].
Vie personnelle
Erdoğan épouse Emine Gülbaran, née en 1955, le , lors d'une cérémonie religieuse. Il avait rencontré cette dernière au cours d'un meeting du parti islamiste Selamet, alors qu'elle militait au sein d'une organisation féminine proche, l'Association des femmes idéalistes (mouvement proche des ultranationalistes des Loups gris, eux-mêmes proches du MHP), quelques mois plus tôt.
Le couple a quatre enfants : Ahmet Burak (en) (1979), Necmettin Bilal (en) (1981), Esra Albayrak (1983) et Sümeyye (en) Bayraktar (1985). La benjamine Sümeyye joue le rôle de conseillère politique de l'ombre[140].
Distinctions
Doctorat honoris causa
Il a reçu une quarantaine de doctorats honoris causa[11] :
- Université de Saint John ( États-Unis, 2004)[141]
- Université de Sarajevo ( Bosnie-Herzégovine, 2008)[142]
- Université d'Alep ( Syrie, 2009)[143] (retiré en 2013[144])
- Université islamique de Gaza ( Palestine, 2010)[145]
- Université de Pristina ( Kosovo, 2010)[146]
- Université nationale Taras-Chevtchenko de Kiev ( Ukraine, 2011)[147]
- Université Quaid-i-Azam ( Pakistan, 2012)[148]
- Université al-Qods ( Palestine, 2012)[149]
- Université de Marmara ( Turquie, 2013)[150]
- Université Mohammed-V de Rabat ( Maroc, 2013)[151]
- Université d'Alger ( Algérie, 2013)[152]
- Université internationale islamique de Malaisie (en) ( Malaisie, 2014)[153]
- Institut des relations internationales turkmène (en) ( Turkménistan, 2014)[154]
- Université d'Addis-Abeba ( Éthiopie, 2015)[155]
- Université du Qatar ( Qatar, 2015)[156]
- Université Waseda ( Japon, 2015)[155]
- Université Makerere ( Ouganda, 2016)[157]
- Université San Ignacio de Loyola ( Pérou, 2016)[158]
- Université islamique indienne (en) ( Inde, 2017)[154]
- Université de Khartoum ( Soudan, 2017)[159]
Prix et récompenses
- Prix du Courage pour la promotion de la paix entre les cultures du Congrès juif américain (24 janvier 2004)[160]
- Prix Golden Plate de l'American Academy of Achievement (13 juin 2004)[161]
- Prix Quadriga (3 octobre 2004)[162]
- Prix méditerranéen pour les institutions (2 septembre 2005)[163]
- Prix Crans-Montana (26 juin 2009)
- Prix international du roi Fayçal (2010)[164]
- Prix de la paix de la province de Séville (23 février 2010)[165]
- Prix Kadhafi des droits de l'homme (1er décembre 2010)
- Prix de la personnalité islamique de l'année (2011)[166]
- Prix palestinien d'excellence (2011)[167]
- Polish business award (23 janvier 2012)[168]
Décorations
- Médaille du président de la fédération (2 juin 2006)[169] Russie
- Première classe de l'ordre national (26 octobre 2009)[170] Pakistan
- Première classe de l'ordre de la Toison d'Or (18 mai 2010)[171] Géorgie
- Médaille d'or de l'ordre de l'indépendance (4 novembre 2010)[172] Kosovo
- Première classe de l'ordre de Danaker (2 février 2011)[173] Kirghizistan
- Grand-cordon de l'ordre de l'aigle royal (11 octobre 2012)[174] Kazakhstan
- Grand-croix de l'ordre national (9 janvier 2013)[175] Niger
- Grand-cordon de l'ordre de Heydar Aliyev (2 septembre 2014)[176] Azerbaïdjan
- Médaille d'or de l'ordre de Ghazi Amanullah Khan (10 octobre 2014)[177] Afghanistan
- Grand-cordon de l'ordre de l'étoile (25 janvier 2015)[178] Somalie
- Grand-cordon de l'ordre national (13 mai 2015)[179] Albanie
- Grand-cordon de l'ordre de Léopold (5 octobre 2015)[180] Belgique
- Grand-croix de l'ordre national (29 février 2016)[181] Côte d'Ivoire
- Grand-croix de l'ordre national (3 mars 2016)[174] Guinée
- Grand-croix de l'ordre national (25 janvier 2017)[182] Madagascar
- Collier de l'ordre du Cheikh Issa ben Salmane Al Khalifa (12 janvier 2017)[183] Bahreïn
- Collier de l'ordre national (21 mars 2017)[184] Koweït
- Collier de l'ordre national (24 décembre 2017)[185] Soudan
- Grand-cordon de l'ordre de la République (27 décembre 2017)[186] Tunisie
- Grand-croix de l’ordre national du Lion (1 mars 2018)[187] Sénégal
- Grand-croix de l’ordre national (2 mars 2018)[188] Mali
- Collier de l'ordre de la République (18 octobre 2018)[189] Moldavie
- Collier de l'ordre du Mérite (2 décembre 2018)[190] Paraguay
- Grand-cordon de l'ordre du Libérateur (3 décembre 2018)[191] Venezuela
- Grand-croix de l'ordre du Prince Iaroslav le Sage (16 octobre 2020)[192] Ukraine
- Médaille de l'ordre de Coopération d’État (27 novembre 2021) Turkménistan
Notes et références
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Annexes
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- Anne Andlauer, La Turquie d'Erdogan, éditions du Rocher, 2022.
Articles connexes
Liens externes
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