Place fortifiée de Metz

Les forts de Metz constituent deux ceintures fortifiées autour de la ville de Metz en Lorraine[note 1]. Construits selon les théories de Séré de Rivières à la fin du Second Empire et de Hans von Biehler pendant l’annexion allemande, ils valurent à la ville la réputation d’être la première place forte du Reich allemand[1]. Ces fortifications sont particulièrement soignées en raison de la position stratégique de cette ville entre la France et l’Allemagne. Les forts détachés et les groupes fortifiés de l’agglomération messine furent épargnés durant la Première Guerre mondiale, mais prouvèrent tout leur potentiel défensif au cours de la bataille de Metz, à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Contexte historique

Fort de Plappeville : inspection d’Himmler et de Sepp Dietrich le 7 septembre 1940.

Avant l’invention de l’artillerie rayée, la place de Metz était considérée comme imprenable[2]. Au cours du XIXe siècle, les progrès de l’artillerie obligèrent les ingénieurs français à concevoir un nouveau système défensif autour de la place forte de Metz, la première ceinture fortifiée. Pour ces travaux exceptionnels, le maréchal Niel affecte spécialement une somme de douze millions de francs or[2]. Le dispositif est à l’origine composé de quatre forts avancés et détachés, les forts du Saint-Quentin et de Plappeville à l’ouest, et ceux de Saint-Julien et de Queuleu à l’est. Ce dispositif, conçu notamment par le colonel Séré de Rivières, était inachevé en 1870.

Après le traité de Francfort, le système défensif de Metz est complété par les ingénieurs militaires allemands, par la construction de sept autres forts, entre 1871 et 1898. Ces forts, construits selon les théories de Hans von Biehler, constituent la première ceinture fortifiée de Metz. L’objectif de cette première ceinture était de tenir à distance l’assaillant, l’obligeant à s’établir à une distance telle que la ville au cœur du dispositif ne pouvait plus être directement bombardée. Les forts pouvaient en outre appuyer de leurs feux, les mouvements des troupes, lors des manœuvres à l’extérieur de ce camp retranché.

Afin de tenir compte des progrès de l’artillerie, la première couronne de forts fut doublée par une seconde ceinture fortifiée, composée de neuf groupes fortifiés, entre 1899 et 1916. Basés sur de nouveaux concepts défensifs, tels que la dispersion et la dissimulation, les groupes fortifiés devaient constituer, en cas d’attaque, un barrage infranchissable pour les forces françaises. Les fortifications de Metz faisaient partie d’un programme de fortifications plus vaste, appelé « Moselstellung », et englobant des forteresses disséminées entre Thionville et Metz, dans la vallée de la Moselle. L’objectif de l’Allemagne était, d’une part, de se protéger contre une attaque française visant à reprendre l’Alsace et la Moselle à l’Empire allemand. D’autre part, de former un poste avancé dans les défenses françaises, capable de servir de base arrière à une offensive allemande.

Pour ce point stratégique majeur pour la défense de l’empire[note 2], l’état-major allemand poursuivit sans discontinuer les travaux des fortifications jusqu'à la Première Guerre mondiale. L’empereur Guillaume II, qui venait régulièrement à Metz pour inspecter les travaux, déclara à ce propos « Metz et son corps d’armée constituent une pierre angulaire dans la puissance militaire de l’Allemagne, destinée à protéger la paix de l’Allemagne, voire de toute l’Europe, paix que j'ai la ferme volonté de sauvegarder »[3]. Metz intra-muros est alors une ville de garnison allemande animée, où se côtoient des Bavarois aux casques à chenille, des Prussiens et des Saxons aux casques à pointe et aux uniformes vert sombre, ou encore des Hessois aux uniformes vert clair. Cette garnison allemande, qui oscille entre 15 000 et 20 000 hommes au début de la période[4], dépasse 25 000 hommes avant la Première Guerre mondiale[5]. Beaucoup d’officiers allemands, appartenant à l’aristocratie militaire prussienne, s'installent à Metz avec leur famille. Cela explique que plus d’une quarantaine de généraux allemands ont vu le jour à Metz[note 3]. Au hasard des mutations, les plus grands noms de l’armée allemande, comme Göring, Ribbentrop ou Guderian, sont par ailleurs passés par Metz, acquérant la conviction que cette place forte, jugée inexpugnable, était définitivement allemande[6]. À la veille de la Première Guerre mondiale, Metz était donc devenue l'une des premières places fortes au monde[7]. Paradoxalement, la ville fortifiée ne fut que peu touchée par les combats de la Première Guerre mondiale, hormis les bombardements aériens de l'aviation française[8]. Malgré les bombardements dans le quartier de la gare, c'est dans une ville globalement intacte que les troupes françaises feront leur entrée le [9].

Finalement, ces fortifications du XIXe siècle et du début du XXe siècle ne prouveront leur potentiel défensif qu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au cours de la bataille de Metz, les forts de Metz, malgré les outrages du temps, des troupes en sous-effectif, et un manque flagrant en armements, en blindages et en équipements optiques, bloquèrent une puissante armée, bien supérieure à l’armée française de 1914[10].

Conception d'ensemble

Les forts sont généralement composés d’une ou plusieurs « casernes fortes », entourées de casemates ou de blockhaus plus petits. Ces « casernes fortes », enterrées sur trois côtés, tournent le dos aux tirs ennemis, n’offrant aux regards qu’une façade appareillée pour les plus anciennes, ou bétonnée pour les plus récentes. Les casernes ont généralement des murs de plus de deux mètres d’épaisseur et une couverture de plusieurs mètres de terre compactée, souvent renforcée après 1900 par une chape de béton d’un à deux mètres d’épaisseur. Des tunnels souterrains relient souvent les différentes structures entre elles. Les forts les plus anciens sont entourés de larges fossés, véritables douves sèches, dont la profondeur atteint par endroits une dizaine de mètres. À partir de 1900, le béton armé remplace définitivement les façades en pierres de taille. Des casemates de flanquement, armées de canons ou de mitrailleuses, et des observatoires, renforcent souvent le dispositif défensif. Des galeries « de contremines » sont parfois placées en avant des ouvrages. Les groupes fortifiés sont systématiquement dotés de centrales électriques autonomes. Ces forts, déjà entourés de fossés et d'un réseau dense de fils de fer barbelés, ont parfois été renforcés par des pieux antichars, après 1930.

Forts de la première ceinture fortifiée

Fort Gambetta (fort Hindersin), 1879-1881.

Forts de la seconde ceinture fortifiée

Groupe fortifié l’Aisne (Feste Wagner), 1904-1912

Pour un article plus général, voir Moselstellung.

Ouvrages d'infanterie

À partir de 1905, pas moins de onze ouvrages secondaires voient le jour pour renforcer le rideau défensif au nord-ouest de Metz. L’ouvrage Sainte-Anne, l’ouvrage du Wolfsberg (Kellermann), ainsi que les ouvrages de Moscou, Leipzig et Saint-Vincent sont construits entre les groupes fortifiés Lothringen et Kaiserin. Devant la Feste Lothringen, plusieurs autres ouvrages d’infanterie sont construits, l’ouvrage de Fèves, d’Horimont I, II, III (Canrobert), d’Amanvillers et de Vémont (Richepance). Tous ces ouvrages comportent des casemates d’infanterie, et sont entourés de fossés, et de fils barbelés[11]. Au sud-ouest, où l’on attend l’attaque française, pas moins de sept ouvrages secondaires sont construits entre 1912 et 1916, entre les Feste Kaiserin et Kronprinz. En raison de leur vulnérabilité par rapport aux groupes fortifiés de la seconde ceinture fortifiée, ce groupe d’ouvrages est surnommé « The seven Dwarves », les « Sept nains », par les GIs de la IIIe armée américaine, au cours de la bataille de Metz, qui se déroula entre septembre et .

Ouvrages d'artillerie

Des batteries de canons sur affûts cuirassés sont construites entre les forts des première et seconde ceintures fortifiées et à l’est de la seconde ceinture :

Pour protéger le front à l’est de la seconde ceinture fortifiée, quatre ouvrages d’artillerie furent construits entre 1905 et 1909. Du nord au sud, la batterie de Sainte-Barbe (1907-1909) contrôle la route de Bouzonville, la batterie de Silly (1905-1908) et la batterie de Mont (1905-1907) contrôlent la route de Sarrebruck, et la batterie de Sorbey (1905-1908) contrôle la route de Morhange.

  • batteries à l’est de la seconde ceinture fortifiée :
    • batterie de Sainte-Barbe / Batterie Lemmersberg (1907-1909) ;
    • batterie de Silly / Batterie Lemmersberg (1905-1908) ;
    • batterie de Mont /Batterie Mont (1905-1907) ;
    • batterie de Sorbey /Batterie Sorbey (1905-1908).
    • batterie de Landremont.

En plus des constructions fixes, des emplacements pour pièces d'artillerie mobiles ont été aménagés à des endroits stratégiques, à Metz même, mais surtout sur la seconde ceinture fortifiée. Montés sur affuts blindés, les canons pouvaient être déplacés par chemin de fer ou par la route. La plupart de ces pièces rejoindront le front en 1914.

Autres infrastructures militaires

Outre ces forts avancés, de nombreuses casernes de cette époque, comme les quartiers Barbot, Bridoux, Colin, Desvallières, Dupuis, Féraudy, Lattre-de-Tassigny, Lizé, Raffenel, Reymond, Riberpray, Roques, Séré-de-Rivières, Serret, Steinmetz, ou Thomassin, ainsi que de nombreux terrains militaires dans l’agglomération messine et les communes avoisinantes, rappellent le passé militaire de la ville de Metz. Toute une infrastructure routière et ferroviaire a, par ailleurs, été spécialement créée pour desservir les différents sites militaires. Enfin, un réseau téléphonique centralisé reliait l'ensemble de ces sites à l'état-major de la place.

Cartes

Notes et références

Notes

  1. À ne pas confondre avec les ouvrages français de la Région fortifiée de Metz appartenant à la ligne Maginot, plus tardifs.
  2. C’est le terminus de la Kanonenbahn Berlin - Metz, une ligne de chemin de fer stratégique.
  3. Parmi ces généraux et officiers allemands nés à Metz, pour la plupart actifs pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale, on peut citer l’amiral Hans Benda (1877†1951), le général Arthur Kobus (1879†1945), le général Sigmund von Imhoff (1881†1967), le général Günther Rüdel (1883†1950), le général Joachim Degener (1883†1953), le général Wilhelm Baur (1883†1964), le général Hermann Schaefer (1885†1962), le général Otto Schumann (1886†1952), le général Kurt von Falkowski (1886†1953), le général Bodo Zimmermann (1886†1963), le général Walther Kittel (1887-1971), le général Hans von Salmuth (1888†1962), le général Karl Kriebel (1888†1961), le général Hans-Henning von Fölkersamb (1889†1984), le général Friedrich Blaul (1889†1947), le général Eduard Schützek (1890†1979), le général Otto Krueger (1891†1976), le général Arthur von Briesen (1891†1981), le général Eugen Müller (1891†1951), le général Ernst Schreder (1892†1941), le général Ludwig Bieringer (1892†1975), l'intendant général Erich Knitterscheid (1892†1981), le général Josef Gutzeit (1894†1975), le général Edgar Feuchtinger (1894†1960), le général Kurt Haseloff (1894†1978), le général Hans-Albrecht Lehmann (1894†1976), le général Theodor Berkelmann (1894†1943), le général Hans Leistikow (1895†1967), le général Rudolf Schmundt (1896†1944), le général Wilhelm Falley (1897†1944), le général Julius von Bernuth (1897†1942), le général Johannes Hintz (1898†1944), le général Herbert Gundelach (1899†1971), le général Joachim-Friedrich Lang (1899†1945), le général Heinz Harmel (1906†2000), mais aussi les officiers Wilhelm Rohr (1877† 1930), Otto Behrendt (1880†ap.1945), Karl Süpfle (1880-1942), Friedrich Marnet (1882†1915), Ernst Wieblitz (1883†1973), Karl Braun (1885†1945), Kurt Griepenkerl (1888†ap.1944), Friedrich Mühlmann (1890†1939), Rolf von Lilienhoff-Zwowitzky (1895†1956), Joachim von der Lieth-Thomsen (1896†1918), Erich von Brückner (1896†1949), Gerhard von Wrisberg (1898†1986), Bernhard Wintzer (1905†ap.1945), Helmuth Bode (1907†1985), Johannes Mühlenkamp (1910†1986), Wilhelm Loos (1911†1988), Peter-Erich Cremer (1911†1992), Joachim Pötter (1913†1992), Ludwig Weißmüller (1915†1943), ou encore Walter Bordellé (1918†1984).

Références

  1. L’Express, no 2937, du 18 au 24 octobre 2007, dossier « Metz en 1900 ».
  2. Dick de Lonlay, Français et allemands, histoire anecdotique de la guerre de 1870-1871, Neiderbronn, Wissembourg, Frœschwiller, Chalons, Reims, Buzancy, Beaumont, Mouzon, Bazeilles, Sedan, Sarrebrück, Spickeren, La retraite sur Metz, Pont-à-Mousson, Borny, 4 tomes, Garnier, Paris, 1889-1888.
  3. François Roth, « Metz annexée à l’Empire allemand » dans François-Yves Le Moigne, Histoire de Metz, Privat, Toulouse, 1986 (p. 339).
  4. René Bour, Histoire de Metz, 1950, p. 227.
  5. L’Express, no 2937, du 18 au 24 octobre 2007, dossier « Metz en 1900 ».
  6. François Roth, Metz annexée à l’Empire allemand : 1871-1918, (dir. François-Yves Le Moigne), Histoire de Metz, Privat, Toulouse, 1986 (p.362).
  7. François Roth : Metz annexée à l’Empire allemand, in François-Yves Le Moigne, Histoire de Metz, Privat, Toulouse, 1986, (p.350).
  8. Gal. J.C. Laparra : Les fléchettes sur Metz 1914-1915, in Chroniques du Graoully n°18, Société d'Histoire de Woippy, mai 2008 (p.65).
  9. Dommages de Guerre 1914-1918: Les dommages de la guerre 1914-1918 et leurs archives, Archives départementales de la Moselle, 2016.
  10. Clayton Donnell, The German Fortress of Metz 1870-1944, Osprey Publishing, 2008.
  11. Clayton Donnell, The German Fortress of Metz 1870-1944, Osprey Publishing, 2008, p. 13.

Bibliographie

  • Clayton Donnell, The German Fortress of Metz 1870-1944, Osprey Publishing, 2008.
  • Christian Dropsy, Les fortifications de Metz et Thionville, Bruxelles, 1995.
  • Alain Hohnadel, La bataille des Forts - Verdun face à Metz, 1995, (ISBN 2-84048-087-5).
  • Inge et Dieter Wernet, Die Feste Wagner, A.D.F.M., Helios-Verlag, Aachen, 2010.
  • Heye, Festung Metz. – Vierteljahreshefte für Pioniere, 1936, p. 215-22.
  • Heye, Festung Metz und ihre Bedeutung in den August-Kämpfen 1914, Offizier-Bund, Berlin, 1937, 16, p. 36.
  • Heye, Fortifikator-Armierg. der Festung Metz, 1914, Vierteljahreshefte für Pioniere, 1937, 4, p. 155-170.
  • Deutsche Reichsfestung Metz, sonst und jetzt, Militär-Wochenblatt, 60, 1875 p. 1143-1150.
  • Geschwindhammer (capitaine), Études sur des travaux du génie militaire allemand à Metz. Les réseaux allemands télégraphiques et téléphoniques de la place de Metz. Sur quelques ouvrages allemands des fortifications de Metz., in Revue du Génie militaire, 1925.
  • Die Feste Metz Ueberall, numéro 38, Berlin, 1902.
  • Die Festung Metz, Illustrierte Zeitung, volume 55 p. 171

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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