Groupe Monsun

Le Groupe Monsun (Gruppe Monsun en allemand ou Monsoon Group en anglais) est une force opérationnelle de type Rudeltaktik (meute de loups) composée de sous-marins allemands ayant opéré dans les océans Pacifique et Indien pendant la Seconde Guerre mondiale[1]. Après 1944, les submersibles du Gruppe Monsun ont été placés sous l'autorité du commandement des U-Boote du Sud-est asiatique.

L'U-848 s'apprêtait à rejoindre le groupe Monsun lorsqu'il est photographié par un avion américain attaquant. Il est coulé peu après corps et biens ().

L'océan Indien était le seul théâtre de guerre où les forces allemandes et japonaises ont combattu de manière coordonnée. Afin d'éviter des incidents entre Allemands et Japonais, les attaques sur tout type de sous-marins étaient strictement interdites[2]. Au total, 41 sous-marins de tous types, dont des transports, ont été déployés dans cette zone ; un grand nombre d'entre eux ont toutefois été perdus et seul quelques-uns sont parvenus à rentrer en Europe[3],[4].

Routes commerciales de l'océan Indien

L'océan Indien était considéré comme d'importance stratégique, avec l'Inde et les routes de navigation et les matières premières stratégiques dont les Britanniques avaient besoin pour l'effort de guerre Dans les premières années de la guerre, des navires marchands armés et des cuirassés de poche allemands avaient coulé un certain nombre de navires de commerce dans l'océan Indien. Cependant, au fur et à mesure de la progression de la guerre, il devenait de plus en plus difficile pour eux d'opérer dans la région, et en 1942, la plupart d'entre eux étaient soit coulés ou dispersés. Dès 1941, un déploiement des sous-marins dans cette région est envisagé, mais en raison du succès des premières et secondes période des « temps heureux » allemands, l'envoi de submersibles dans l’océan Indien s'est avéré inutile. Il n’existait pas non plus de bases étrangères dans lesquelles ces unités pourraient opérer et être réapprovisionnées ; celles-ci auraient donc opéré à la limite de leur rayon d'action. En conséquence, les Allemands se sont principalement concentrés sur leur campagne sous-marine dans l'Atlantique Nord.

L'entrée du Japon dans la guerre en 1941 entraîne la capture de colonies européennes du Sud-Est asiatique telles que la Malaisie britannique et les Indes orientales néerlandaises. En mai et , des sous-marins japonais ont commencé à opérer dans l'océan Indien et ont engagé des forces britanniques à Madagascar. Les Britanniques avaient envahi l'île contrôlée par la France vichyste afin d'empêcher qu'elle ne tombe sous les ambitions de l’Allemagne ou entre les mains des Japonais - cependant, le Japon n'a jamais émis le souhait (d'après les évaluations d'après-guerre) d'ajouter Madagascar dans sa propre sphère d'influence.

Matières premières stratégiques pour l'Axe

L'UIT-24 (l'ancien sous-marin italien Comandante Cappellini au Japon en 1944.

L’invasion allemande de l'Union soviétique en 1941 a mis fin à l’utilisation de routes terrestres réservées au transport de matériaux stratégiques en provenance d’Asie du Sud-Est, et peu de navires de l’Axe ont été en mesure d’éviter les patrouilles alliées de l’Atlantique Nord. Le Japon souhaitait échanger des technologies militaires avec l'Allemagne. Le sous-marin japonais I-30 fut le premier sous-marin a transporter des matériaux stratégiques au milieu de 1942 en livrant 1 500 kg de mica et 660 kg de gomme-laque[5],[6]. Les sous-marins japonais conçus pour les grandes distances du Pacifique étaient des moyens de transport plus performants que les sous-marins allemands compacts conçus pour les opérations en Europe côtière ; mais les grands sous-marins italiens s'étaient révélés inefficaces pour les attaques de convois. La marine royale italienne transforma ainsi sept sous-marins italiens opérant de depuis la base sous-marine de Bordeaux en sous-marins de transport afin d'échanger des marchandises convoités avec le Japon. Il s'agit des Bagnolin, Barbarigo, Cappellini (renommé Aquilla III en ), Finzi, Giuliani, Tazzoli et Torelli[7].

Opérations conjointes dans l'océan Indien

L'ancien U-511 sous pavillon japonais renommé IJN RO-500.

L'idée de stationner des sous-marins en Malaisie et dans les Indes orientales pour des opérations dans l'océan Indien a été proposée pour la première fois par les Japonais en . Comme aucun ravitaillement n'était disponible à cet endroit, l'idée a été rejetée, bien qu'un certain nombre de les submersibles opéraient à l'époque autour du cap de Bonne-Espérance[8]. Quelques jours après l'arrivée du Cappellini dans les Indes orientales, l'U-511 est le premier sous-marin allemand à rejoindre l'Asie. Ce bateau transportait l'attaché de la marine japonaise, l'amiral Naokuni Nomura[9] de Berlin à Kure. Le bateau a été donné au Japon sous le nom de RO-500 ; son équipage allemand est transféré à Penang pour fournir du personnel de remplacement à la base principale de sous-marins établie dans une ancienne station d'hydravions britannique sur la côte ouest de la péninsule malaise[10]. Une deuxième base a été établie à Kobe ; de petites bases de réparation étaient également situées à Singapour, Jakarta et Surabaya. Dans le cadre de la dispersion des opérations de sous-marins à la suite de lourdes pertes dans l’Atlantique Nord à la mi-1943, Wilhelm Dommes reçut l’ordre de faire naviguer son U-178 depuis sa zone d’opération au large de l’Afrique du Sud pour prendre le commandement à Penang[11].

Premières patrouilles sous-marines vers Penang

Première vague des sous-marins du Monsun Gruppe

Une fois la base installée, douze sous-marins ont été affectés au Monsun Gruppe et chargés de rejoindre Penang, tout en patrouillant le long des routes commerciales alliées pendant toute la durée de leur voyage.

L'ouverture de la campagne sous-marine dans l'océan Indien coïncide avec la saison de la mousson, nom qui fut donné groupe[3],[4]. Pendant le déroulement de l'opération, l'armistice italien fut signé avec les alliés. Le sous-marin italien Ammiraglio Cagni rejoignit ainsi Durban, en Afrique du Sud, au lieu rejoindre Penang. Les sous-marins cargo italiens convertis ont été capturés par la Kriegsmarine, puis renumérotés avec les préfixes « UIT ».

Une deuxième vague de sous-marins du Monsun Gruppe a été envoyée d'Europe pour compenser les pertes en transit.

Derniers départs d'Europe

Les sous-marins qui tentent d’atteindre l’Europe depuis Penang sont abondamment traqués par les bombardiers dans le golfe de Gascogne, les patrouilles aériennes le long des côtes Atlantiques et autour du cap de Bonne-Espérance, sans compter les sous-marins alliés menant d'intenses patrouilles autour de Penang avec l’aide d'informations d'arrivée et de départ décryptées par la radiographie alliée.

Patrouilles sous-marines à Penang

Les patrouilles sous-marines depuis Penang étaient à l'origine menées le long des routes commerciales lors du transport de matériel stratégique vers l’Europe. Beaucoup d’entre-elles ont été annulées après la hausse des pertes des navires de ravitaillement en carburant dans l’Atlantique Sud.

  • L'I-30 prend la mer le et atteint la France le
  • L'I-8 prend la mer le avec à son bord du tungstène et un équipage supplémentaire pour l' U-1224, et atteint la France à la fin du mois d'[12]
  • L'I-34 prend la mer le et est torpillé par le HMS Taurus le lendemain[26]
  • L'U-178 prend la mer le avec à son bord une cargaison de 121 tonnes d'étain, 30 tonnes de caoutchouc et deux tonnes de tungstène. Il coule le Liberty ship américain Jose Navarro avant d’atteindre la France le [21]
  • L'I-29 prend la mer le avec à son bord une cargaison de caoutchouc, tungstène et deux tonnes d'or. Il arrive en France le [27]
  • L'U-532 prend la mer le avec à son bord une cargaison d'étain, caoutchouc, tungstène, quinine et d'opium. Il coule le Liberty ship américain Walter Camp et deux autres navires avant de retourner à Penang après le naufrage du pétrolier Brake[21]
  • L'U-188 prend la mer le avec à son bord une cargaison d'étain, caoutchouc, tungstène, quinine et d'opium. Il coule sept cargos britanniques avant d'atteindre la France le [21]
  • L'U-168 prend la mer le avec à son bord 100 tonnes d'étain, tungstène, quinine et d'opium. Il coule un cargo grec et le navire de réparation britannique Salviking avant de rentrer à Jakarta après le naufrage du pétrolier Brake[21]
  • Le Comandante Cappellini prend la mer vers la France en configuration cargo sous le nom de UIT-24 avec à son bord environ 130 tonnes de caoutchouc, 60 tonnes de zinc, cinq tonnes de tungstène, 2 tonnes de quinine et 2 tonnes d'opium le . Il retourne cependant à Penang après le naufrage du pétrolier Brake[21]
  • L'U-183 prend la mer le avec à son bord une cargaison d'étain, caoutchouc, tungstène, quinine et d'opium. Il coule le cargo britannique Palma, le pétrolier britannique British Loyalty et le cargo britannique Helen Moller, avant de rentrer à Penang après le naufrage du pétrolier Brake[21]
  • Le Giuliani prend la mer vers la France en configuration cargo sous le nom UIT-23 le avant d'être torpillé trois jours plus tard par le HMS Tally-Ho[21]
  • L'I-52 prend la mer vers la France en configuration cargo le avec à son bord une cargaison comprenant deux tonnes d'or. Il est coulé par Grumman TBF Avengers de l'USS Bogue le [21]
  • L'U-183 prend la mer le et coule un navire avant de retourner à Penang le [13]
  • L'U-1062 prend la mer pour la France le en configuration cargo et est coulé dans l'Atlantique le [13]
  • L'U-168 prend la mer le et est torpillé deux jours plus tard par le HNLMS Zwaardvisch[20]
  • L'U-181 prend la mer le et coule un navire avant de retourner à Jakarta le [21]
  • L'U-537 prend la mer le et est torpillé le lendemain par l'USS Flounder (SS-251)[21]
  • L'U-196 prend la mer le et disparaît en traversant probablement un champ de mines allié[21]
  • L'U-862 prend la mer le et coule deux navires au cours de l'unique patrouille allemande sous-marine du Pacifique avant de revenir à Jakarta le [28]
  • L'U-843 prend la mer pour la Norvège le et est coulé dans le Cattégat par un Mosquito de la RAF le [21]
  • L'U-510 prend la mer pour la Norvège le avec à son bord 150 tonnes de tungstène, d'étain, caoutchouc, molybdène et de caféine. Il coule le cargo canadien Point Pleasant Park avant de se rendre en France[21]
  • L'U-532 prend la mer pour la Norvège le avec à son bord 110 tonnes d'étain, huit tonnes de tungstène, huit tonnes de caoutchouc, quatre tonnes de molybdène et de plus petites quantités de sélénium, de quinine et de cristaux. Il coule le cargo britannique Baron Jedburgh et le pétrolier américain Oklahoma avant de rejoindre Liverpool après la fin de la guerre[21]
  • L'U-861 prend la mer le avec à son bord 144 tonnes de tungstène, d'iode, d'étain et de caoutchouc. Il atteint la Norvège le [21]
  • L'U-195 prend la mer pour la Norvège le en configuration de pétrolier mais revient à Jakarta le après une avarie moteur[21]
  • L'U-183 prend la mer le et est torpillé deux jours plus tard par l'USS Besugo (SS-321)[21]

Prise des navires par les Japonais

Six navires restants sur le territoire japonais ont été repris par la marine impériale japonaise après la capitulation de l'Allemagne en [29].

  • L'U-181 devient l'I-501 et est démoli à Singapour après la capitulation du Japon
  • L'U-862 devient l''I-502 et est démoli à Singapour après la capitulation du Japon
  • L’UIT-24 (à l’origine Comandante Cappellini, puis Aquilla III) devient l'I-503. Il est amarré à Kobe lors de la capitulation du Japon et est sabordé par la marine américaine dans le canal de Kii
  • L’UIT-25 (à l'origine Torelli) devient l'I-504. Il est amarré à Kobe lors de la capitulation du Japon et est sabordé par la marine américaine dans le canal de Kii
  • L'U-219 devient l'I-505 et est démoli à Jakarta après la capitulation du Japon
  • L'U-195 devient l'I-506 et est démoli à Jakarta après la capitulation du Japon

Notes et références

  1. Paterson Lawrence(2004), Hitler's Grey Wolves: U-boats in the Indian Ocean, p. 29
  2. Paterson Lawrence (2006), Hitler's Grey Wolves: U-boats in the Indian Ocean
  3. Fate of the Far Eastern Boats
  4. Monsun boats Evacuation
  5. Blair, Clay Hitler's U-Boat War: The Hunted 1942–1945 (1998) Random House p.231
  6. Paterson (2004), p.33
  7. Klemen, « The U-Boat War in the Indian Ocean » [archive du ], Forgotten Campaign: The Dutch East Indies Campaign 1941-1942, 1999–2000
  8. Pre-Monsun Boats
  9. 伊呂波会, 伊号潜水艦訪欧記 : ヨーロッパへの苦難の航海, 光人社NF文庫, , 315 p. (ISBN 4-7698-2484-X)
  10. Blair, Clay Hitler's U-Boat War: The Hunted 1942–1945 (1998) Random House p.239
  11. Monsun boats
  12. Brice, Martin Axis Blockade Runners of World War II (1981) Naval Institute Press pp.131-133
  13. Blair, Clay Hitler's U-Boat War: The Hunted 1942–1945 (1998) Random House pp.772-775
  14. Lenton, H.T. German Warships of Second World War (1976) Arco p.192
  15. Lenton, H.T. German Warships of Second World War (1976) Arco p.191
  16. Taylor, J.C. German Warships of World War II (1966) Doubleday & Company pp.129-130
  17. Lenton, H.T. German Warships of Second World War (1976) Arco p.222
  18. Blair, Clay Hitler's U-Boat War: The Hunted 1942–1945 (1998) Random House p.747
  19. Taylor, J.C. German Warships of World War II (1966) Doubleday & Company pp.138-141
  20. Taylor, J.C. German Warships of World War II (1966) Doubleday & Company pp.117-118
  21. Brice, Martin Axis Blockade Runners of World War II (1981) Naval Institute Press pp.145-149
  22. Taylor, J.C. German Warships of World War II (1966) Doubleday & Company p.145
  23. Taylor, J.C. German Warships of World War II (1966) Doubleday & Company p.147
  24. Lenton, H.T. German Warships of Second World War (1976) Arco p.190
  25. Taylor, J.C. German Warships of World War II (1966) Doubleday & Company p.121
  26. Brice, Martin Axis Blockade Runners of World War II (1981) Naval Institute Press p.136
  27. Brice, Martin Axis Blockade Runners of World War II (1981) Naval Institute Press pp.136&145
  28. https://sites.google.com/a/aotea.org/don-armitage/Home/great-barrier-island-history/geman-submarine-at-great-barrier-island-1945
  29. Taylor, J.C. German Warships of World War II (1966) Doubleday & Company pp.118-119,140&163

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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