Leucémie aigüe myéloïde

La leucémie aigüe myéloïde (LAM), aussi appelée leucémie aigüe myéloblastique, est un cancer de type hémopathie maligne affectant les cellules hématopoïétiques de la moelle osseuse. Les cellules leucémiques, appelées blastes, sont caractérisées par une incapacité à se différencier en cellules matures et par une prolifération incontrôlée[1]. Ce dysfonctionnement de la moelle osseuse empêche la production normale des cellules sanguines et se traduit par divers syndromes cliniques, parfois très graves (infection, hémorragie, etc.). Les LAM surviennent classiquement chez l'adulte au-delà de 40 ans, en particulier chez le sujet âgé même si elles sont également recensées parmi les cancers pédiatriques. La prise en charge est assurée par des médecins hématologues, majoritairement en milieu hospitalier. Le diagnostic fait appel à la biologie moléculaire pour identifier notamment des mutations génétiques, ce qui permet de déterminer le sous-type de LAM. Ces éléments diagnostics entrent ensuite en ligne de compte pour établir le pronostic de la maladie avec d'autres éléments comme l'âge ou la réponse au traitement. L'association de la chimiothérapie intensive et de l'allogreffe de moelle osseuse permet d'obtenir des rémissions complètes et durables voire des guérisons chez environ 20 à 40 % des patients[2],[3].

Ne doit pas être confondu avec Leucémie myéloïde chronique.

Pour les articles homonymes, voir LAM et LMA.

Leucémie aigüe myéloïde
Leucémie aiguë myéloïde, les flèches indiquent les bâtonnets d'Auer.
Causes radiations, benzène
Symptômes infections, saignements
Complications réaction du greffon contre l'hôte (GvH)
Traitement
Diagnostic hémogramme, myélogramme, cytogénétique
Traitement chimiothérapie anticancéreuse, thérapie ciblée, allogreffe de moelle osseuse
Médicament Idarubicine, mitoxantrone, étoposide, (RS)-cyclophosphamide, daunorubicine, hydrate de thioguanine (d), gemtuzumab ozogamicin, dasatinib monohydraté (d), énasidénib, vénétoclax, doxorubicine, hydroxyurée, cytarabine, évérolimus, azacitidine, méthotrexate, déférasirox, trétinoïne, nivolumab, clofarabine, décitabine, midostaurine, busulfan, sorafénib, ruxolitinib, 6-thioguanine et ponatinib
Spécialité Oncologie et hématologie
Classification et ressources externes
CIM-10 C92.0
CIM-9 205.0
ICD-O M9861/3
OMIM 601626
DiseasesDB 203
MedlinePlus 000542
eMedicine 197802
MeSH D015470
Patient UK Acute-myeloid-leukaemia-pro

Mise en garde médicale

Domaine d'intérêt pour la recherche médicale, des progrès importants ont été accomplis au cours des années 2000 et 2010. L’avènement de nouvelles techniques performantes en hématologie cellulaire, en biologie moléculaire et en cytogénétique a donné accès à une meilleure compréhension des mécanismes impliqués dans le développement des LAM. L'identification de nouvelles cibles thérapeutiques permet de proposer des thérapies ciblées en alternative à la chimiothérapie cytotoxique. Ainsi, pour un sous-type particulier, la leucémie aigüe promyélocytaire, la chimiothérapie classique tend à ne plus être proposée en première ligne de traitement.

Épidémiologie

Incidence

Les LAM peuvent survenir à tout âge mais affectent surtout l'adulte après 50 ans. Durant la décennie 2010, l'âge médian de diagnostic était compris entre 64 et 72 ans selon les pays et les années.

Épidémiologie des LAM
Paramètre France[4] Europe[5],[6] États-Unis[7]
Prévalence (pour 100 000 hab.)11[8]
Incidence (pour 100 000 hab.)2,3 (F) / 3,1 (H) (2018)2 - 33,5 (F) - 5,2 (H) (2012-2016)
Sex ratio (H/F)1,31,21,5
Proportion des hémopathies7,6 %
Proportion des cancers0,9 %1,2 %

La population pédiatrique (0-19 ans) est peu affectée par les LAM : l'incidence est faible avec, en 2017, une incidence de 0,9 %[9]. Ces patients sont davantage touchés par un autre sous-type de leucémie : la leucémie aiguë lymphoblastique qui représente environ 80 % des cas de leucémie de l'enfant contre 20 % pour les LAM[10].

Mortalité

Le taux de mortalité standardisé sur l'âge lié aux LAM est estimé à 1,3 pour 100 000 personnes en 2017 par le Global Burden of Disease[11]. Pour la population pédiatrique (0 à 19 ans) il est plus faible à 0,4 pour 100 000 personnes.

Pathogénie, causes, facteurs de risque

Pathogénie

Les hémopathies malignes, dont les LAM font partie, peuvent être globalement caractérisées par deux attributs : la maturation et la prolifération. Dans les LAM, ces deux caractéristiques sont altérées : les blastes ont perdu leur capacité de différentiation en cellules sanguines matures (polynucléaires, monocytes, plaquettes, globule rouge) et la division cellulaire s'effectue sans contrôle avec une prolifération excessive. Cette maturation et prolifération défaillantes sont liées à un défaut dans le cycle cellulaire : généralement certains gènes chargés de contrôler ces fonctions ont subi des mutations qui perturbent le contrôle physiologique de la division des cellules. L'identification de ces altérations servent de base au diagnostic, à la classification et au traitement des LAM.

Hématopoïèse physiologique et cellules pouvant engendrer une leucémie aigüe myéloïde

Causes

Les cancers et les leucémies n'ont pas de cause unique connue, mais leur développement est cependant associé à certains facteurs environnementaux et/ou anomalies génétiques. Le Centre international de recherche sur le cancer, une agence de l'OMS, est notamment chargé de l'évaluation et classification des agents physiques, chimiques et biologiques en fonction de leur effet cancérogène. Certains d'entre eux favorisent particulièrement l'apparition de leucémies dont les LAM[12],[13]. Globalement, toute exposition pouvant altérer, modifier ou dénaturer l'ADN des cellules est un facteur de risque potentiel. Cependant, des données épidémiologiques et des études des effets cellulaires sont nécessaires pour évaluer, avec un degré raisonnable de confiance, le risque présenté par une telle exposition.

Rayonnements ionisants

Les rayonnements ionisants sont des particules assez énergétiques pour casser les liaisons chimiques entre atomes et donc altérer les molécules. La découverte de la radioactivité et son utilisation croissante au cours du XXe siècle ont fait rapidement apparaître les risques de l'exposition aux radiations pour la santé. Le développement de la radiobiologie a par la suite permis d'établir que radiations provoquent des anomalies au niveau de l'ADN, et augmentent le risque de survenue de cancer et particulièrement de leucémies. Marie Curie et Irène Joliot-Curie sont ainsi décédées de leucémies probablement radio-induites du fait de leur travaux sur la radioactivité[14],[15].

L'étude INWORKS, publiée dans le Lancet Haematology en 2015, portant sur une cohorte d'un peu plus de 300 000 travailleurs du nucléaire dans 3 pays, conclut à une augmentation du risque de leucémie même lors de faibles expositions[16].

Agents chimiques

Des agents chimiques dont des médicaments et en particulier les chimiothérapies cytotoxiques sont identifiés comme pourvoyeurs de leucémies.

L'exposition au benzène est une cause connue de développement de LAM ; il est ainsi classé depuis 1979 comme cancérogène du groupe 1 par le CIRC[17],[18],[19] (cancérogène avéré).

Le glyphosate est classé comme probablement cancérogène pour l’humain (groupe 2A) mais il n'est pas retrouvé de lien avec les LAM avec un fort niveau de preuve[20] ; bien que les données soient limitées, un lien reste suspecté[21],[22].

Médicaments identifiés comme leucémogènes[23] :

Causes biologiques

L'apparition d'une leucémie aigüe myéloïde peut faire suite à la transformation (ou acutisation[alpha 1]) d'une autre hémopathie comme un syndrome myélodysplasique ou un syndrome myéloprolifératif (leucémie myéloïde chronique, etc.). Diverses maladies congénitales constituent un facteur de risque (trisomie 21, syndrome de Klinefelter, anémie de Fanconi, etc.)[25],[26].

Les antécédents d'infection par certains virus ou bactéries ne semblent pas reliés à un risque accru de LAM.

Signes cliniques

Lorsque les blastes prolifèrent excessivement ils envahissent la moelle osseuse et/ou d'autres organes du corps humain et perturbent leur fonctionnement, causant l'apparition des signes cliniques. Cependant, la présentation clinique est généralement peu spécifique et le diagnostic ne peut être posé sur les seuls symptômes [27],[28],[29],[30].

Insuffisance médullaire

L'envahissement de la moelle osseuse par les cellules leucémiques va perturber l'hématopoïèse c'est-à-dire le processus physiologique de création de nouvelles cellules sanguines. Trois types de cellules (ou lignées) sont habituellement produites dans la moelle : les globules rouges (érythrocytes), les globules blancs (notamment les polynucléaires neutrophiles) et les plaquettes (thrombocytes). Le dysfonctionnement de la moelle peut aller de la cytopénie (une seule lignée cellulaire touchée) à l'aplasie médullaire (déficit complet en cellules sanguines des trois lignées). Les symptômes associés dépendent du type de cytopénie. Les cytopénies peuvent être diagnostiquées devant la manifestation de symptômes cliniques ou bien sur un bilan biologique de routine chez un individu asymptomatique.

Atteinte de la lignée rouge

Un déficit quantitatif en globules rouges est objectivé par la concentration totale d'hémoglobine dans le sang et est appelé anémie. La tolérance du patient à l'anémie est généralement liée à la vitesse d'apparition : en cas d'installation à bas bruit, l'organisme s'adapte via des systèmes de compensation les symptômes peuvent être absents. Un déclenchement rapide s'accompagnera au contraire d'un retentissement clinique avec notamment dyspnée, asthénie, pâleur.

Atteinte de la lignée blanche

La diminution des polynucléaires neutrophiles (PNN) pose le principal problème : ces cellules appartiennent au système immunitaire inné et forment la première ligne de défense contre les infections, principalement bactériennes et fongiques. Selon l'importance du déficit on parlera de neutropénie ou d'agranulocytose. Le sujet neutropénique est extrêmement vulnérables aux infections. L'apparition d'une fièvre dans ce contexte est appelée neutropénie fébrile, et constitue une urgence thérapeutique nécessitant le plus souvent une prise en charge en milieu hospitalier avec administration d'un antibiotique.

On peut parler de leucémie « hyperleucocytaire » (c'est-à-dire avec excès de globules blancs) tout en observant une neutropénie : un pourcentage élevé de leucocytes correspond en réalité aux blastes circulant dans le sang avec, parallèlement, une chute du nombre polynucléaires normaux.

Atteinte de la lignée plaquettaire

Purpura pétéchial, possible manifestation d'une thrombopénie

Le diminution du nombre de plaquettes dans le sang expose à un risque de saignements importants ou spontanés. Cliniquement, des signes cutanés comme un purpura, des pétéchies ou des ecchymoses peuvent traduire l'inefficacité de l'hémostase.

Des troubles de la coagulation importants sont en particulier observés lors du stade initial de la leucémie aigüe promyélocytaire. Une consommation des plaquettes et des facteurs de coagulation entraînée par la coagulation intravasculaire disséminée peut aggraver la thrombopénie.

Syndrome tumoral

Le syndrome tumoral est lié à la dissémination des blastes hors de la moelle osseuses et de la accumulation dans les organes. Il peut se traduire cliniquement par[31] :

Hypertrophie gingivale
Splénomégalie (flèches jaunes) visible au scanner chez un patient atteint de leucémie myéloïde chronique

Lorsque la masse tumorale (c'est-à-dire le nombre de blastes) est très importante, un syndrome de lyse tumorale peut se déclencher. Il est lié à la destruction des blastes qu'elle soit spontanée ou liée à un traitement. Le contenu intracellulaire est alors relargué dans le sang ce qui entraîne des perturbations des concentrations sanguines en ions (potassium, phosphate), visibles sur le ionogramme. Cela peut entraîner une hyperkaliémie, délétère pour le rythme cardiaque ou une élévation de l'acide urique (hyperuricémie) pouvant conduire à des atteintes rénales via la formation de cristaux d'urate. La prise en charge du syndrome de lyse vise à rétablir un ionogramme normal par hydratation et administration d'électrolytes ; l'hyperuricémie peut être traitée par rasburicase, une enzyme qui dégrade l'acide urique.

Le syndrome de leucostase est observé en cas d'infiltration massive des organes par les cellules leucémiques. Il se manifeste par une forte concentration des blastes dans le sang (blastose), une fièvre et des symptômes respiratoires et ou neurologiques. Ce syndrome est une urgence thérapeutique dont l'issue peut être fatale par détresse respiratoire.

Diagnostic

L'examen clinique du patient permet surtout de dépister des signes d'hémopathie maligne. Le diagnostic repose essentiellement sur un bilan biologique élargi comprenant : hémogramme (NFS), myélogramme ou biopsie ostéomédullaire, immunophénotypage, caryotype, cytogénétique et séquençage de gènes[32].

Biopsie osétomédullaire (BOM)

L'examen de la moelle osseuse permet de définir l'aspect morphologique des cellules et est la première étape d'orientation du diagnostic. Le diagnostic de leucémie aigüe est posé en présence de plus de 20 % de cellules immatures, les blastes. L'examen de l'expression de divers récepteurs (les CD) par immunophénotypage permet de classifier le stade et la lignée à laquelle les cellules appartiennent.

Caryotype avec hydridation in situ

Le caryotype et l'étude du génome permettent l'identification d'anomalies chromosomiques (délétions, inversions, translocations) ; 50 à 60 % des LAM présentent des anomalies du caryotype. Il est également recherché des mutations génétiques. Ces analyses sont déterminantes pour évaluer le pronostic et les options thérapeutiques.

Avant le développement des techniques de phénotypage et de cytogénétique, le diagnostic des LAM était s'appuyait majoritairement sur la morphologie cellulaire et était guidé par la classification French-American-British (FAB). Les nouvelles techniques d'étude de l'ADN ont permis de constituer la nouvelle classification OMS qui a remplacé la FAB : sa catégorisation est plus fine et s'appuie sur les anomalies chromosomiques et/ou génétiques.

En dehors des classifications, on peut aussi distinguer 3 types de LAM[33] :

Classification

De par les cellules affectées et les mutations en jeu, les leucémies aigües myéloïdes sont un ensemble disparate qui a fait l'objet de catégorisation. La FAB (French-American-British) est la plus ancienne et a été remplacée par la classification OMS parue en 2008. Bien que la FAB soit obsolète, il est encore habituel de rencontrer les termes diagnostics s'y rapportant (LAM0, LAM3, etc.).

Organisation Mondiale de la Santé

La classification OMS des LAM est celle actuellement utilisée pour les diagnostics. Initialement publiée en 2008, elle a été actualisée en 2016 et publiée dans Blood (revue d'hématologie de référence)[34].

Classification OMS 2016 des leucémies aigües myéloïdes et néoplasies liées
Nom Description ICD-O
LAM avec anomalies cytogénétiques récurrentes Multiple
LAM avec anomalies associées aux myélodysplasies Regroupe les LAM associées aux SMD dépourvues des anomalies moléculaires précédemennt citées ; elles sont généralement associées à un pronostic défavorable.
  • LAM avec caryotype complexe
  • Anomalies déséquilibrées
    • LAM avec délétion du chromosome 7 – [-7/del(7q)]
    • LAM avec délétion du chromosome 5 – [del(5q)/t(5q)]
    • LAM avec aberration chromosomique déséquilibrée du chromosome 17 – [i(17q)/t(17p)]
    • LAM avec délétion du chromosome 13 – [-13/del(13q)]
    • LAM avec délétion du chromosome 11 – [del(11q)]
    • LAM avec aberration chromosomique déséquilibrée du chromosome 12 – [del(12p)/t(12p)]
    • LAM avec aberrations in chromosome X – [idic(X)(q13)]
  • Anomalies équilibrées
    • LAM avec translocation entre chromosome 11 et 16 – [t(11;16)(q23;q13.3)]
    • LAM avec translocation entre chromosome 3 et 21 – [t(3;21)(q26.2;q22.1)]
    • LAM avec translocation entre chromosome 1 et 3 – [t(1;3)(p36.3;q21.2)]
    • LAM avec translocation entre chromosome 2 et 11 – [t(2;11)(p21;q23.3)]
    • LAM avec translocation entre chromosome 5 et 12 – [t(5;12)(q32;p12);]
    • LAM avec translocation entre chromosome 5 et 7 – [t(5;7)(q32;q11.2);]
    • LAM avec translocation entre chromosome 5 et 17 – [t(5;17)(q32;p13.2)]
    • LAM avec translocation entre chromosome 5 et 10 – [t(5;10)(q32;q21.1)]
    • LAM avec translocation entre chromosome 3 et 5 – [t(3;5)(q25.3;q35.1)]
M9895/3
LAM post-traitement Groupe incluant les leucémies survenant après chimiothérapie ou exposition aux radiations. M9920/3
LAM, sans autre indication Groupe incluant les sous-types n'entrant pas dans d'autres catégories.
  • LAM avec différentiation minimale
  • LAM sans maturation
  • LAM avec maturation
  • LA myélomonocytaire
  • LA monoblastique / monocytaire
  • LA érythroïde pure
  • LA mégacaryoblastique
  • LAM à composante basophile
  • LA (panmyélose aigüe) avec myélofibrose
Sarcome myéloïde
Proliférations myéloïdes associées à la trisomie 21
  • Myélopoïèse anormale transitoire
  • LA associée à la trisomie 21 constitutionnelle
M9861/3
Leucémie dérivée des cellules dendritiques plasmocytoïdes Autrefois connu sous le nom leucémie/lymphome à cellules NK

Également appelée : néoplasme à cellules dendritiques plasmacytoïdes blastiques (NCDPB)

Leucémies aigües de lignée ambigüe
  • leucémie aigüe indifférenciée
  • leucémie aigüe à phénotype mixte avec t(9;22)(q34.1;q11.2); BCR-ABL1
  • leucémie aigüe à phénotype mixte avec t(v;11q23.3); KMT2A réarrangé
  • leucémie aigüe à phénotype mixte B/myéloïde, SAI
  • leucémie aigüe à phénotype mixte T/myéloïde, SAI

FAB (French-American-British)

La classification FAB (French-American-British, 1976)[35] est l'ancienne classification, aujourd'hui abandonnée. Elle se base sur la morphologie et la quantité de cellules observées sur le myélogramme.

Classification FAB des LAM
LAMDescriptionProportion
LAM 0indifférenciée5 % des cas
LAM 1myéloblastique sans différenciation15 % des cas
LAM 2myéloblastique avec différenciation25 % des cas
LAM 3promyélocytaire10 % des cas
LAM 4myélomonocytaire20 % des cas
LAM 4Eomyélomonocytaire avec éosinophilie5 % des cas
LAM 5monoblastique (sans différenciation : M5a, avec différenciation : M5b)10 % des cas
LAM 6érythroblastique ou érythroleucémie5 % des cas
LAM 7mégacaryoblastique5 % des cas

Cette classification n'a pas d'impact en termes de pronostic ou de traitement à mettre en œuvre à la différence d'une analyse portant sur l'étude des gènes mutés[36].

Traitement

Le traitement curatif des leucémies aigües myéloïdes est la chimiothérapie intensive associée à l'allogreffe de cellules souches hématopoïétiques[37] (à l'exception de la leucémie aigüe (« LA ») promyélocytaire). La prise en charge dépend de nombreux éléments liés à la fois au patient et à la leucémie. L'âge, l'état général, les comorbidités et les souhaits du patient sont notamment des facteurs prépondérants. Le type de leucémie aigüe, les différentes mutations détectées ainsi que les réponses cliniques aux traitements antérieurs déterminent les options de traitement tout au long de la prise en charge. Les décisions thérapeutiques sont prises à l'issues de réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP)[38],[39].

Le traitement classique est une succession de cures de chimiothérapie en plusieurs phases : l'induction, la consolidation puis, si le patient est éligible, l'intensification thérapeutique avec allogreffe de moelle osseuse. La radiothérapie n'est pas un traitement standard des LAM étant donné qu'il n'existe pas de localisation unique de la maladie comme pour une tumeur solide. Elle est cependant utilisée pour prévenir ou traiter une atteinte neuro-méningée, c'est-à-dire lorsque les cellules leucémiques sont retrouvées dans le système nerveux central (cerveau, moelle épinière)[40]. D'autres situations particulières peuvent nécessiter un recours à la radiothérapie (localisation testiculaire, sarcome myéloïde)[41].

Le traitement de la leucémie aigüe promyélocytaire (LAP) est un cas particulier : le rôle de la chimiothérapie cytotoxique classique est moins prépondérant depuis le développement de l'association de l'acide tout-trans rétinoïque (ATRA) et du trioxyde d'arsenic permettant d'atteindre des taux de rémissions supérieurs à 90 %[42].

La prise en charge des leucémies et du cancer est associée à de nombreux soins de supports indispensables[43],[44] : prévention et gestion des effets indésirables des chimiothérapies, support transfusionnel pour pallier les cytopénies, suivi nutritionnel, dépistage de symptômes dépressifs, traitement de la douleur et mise en place des soins palliatifs adaptés si nécessaires.

Induction

L'induction vise à induire une rémission complète (CR) sur les plans clinique et biologique par la chimiothérapie. Le protocole 3+7, à base de cytarabine et d'anthracycline (daunorubicine ou idarubicine), est classiquement prescrit[45] ; ce traitement provoque chez le patient une aplasie médullaire profonde de trois à quatre semaines, durant lesquelles ce dernier doit bénéficier d'une surveillance rapprochée dans un service d'hématologie spécialisé afin de prévenir les risques hémorragiques et infectieux.

En alternative à l'induction classique, d'autres molécules peuvent être employées comme la décitabine[46].

Consolidation

La suite du traitement dépend dans une large mesure du pronostic de la LAM, de la réponse à la chimiothérapie d'induction (obtention d'une rémission complète), du patient (âge, comorbidités, etc.) et de ses souhaits de traitement. Les traitements de consolidation visent à éliminer les cellules leucémique résiduelles et à ainsi prévenir les récidives[47]. L'allogreffe de moelle osseuse est le traitement préférentiel permettant d'atteindre le taux de rémissions durables le plus élevé mais au prix d'une prise en charge assez lourde.

Si l'allogreffe est refusée ou inappropriée, la chimiothérapie standard peut être poursuivie, par exemple par cytarabine haute dose, azacitidine ou clofarabine. Les autres options thérapeutiques sont les thérapies ciblées. L'autogreffe de moelle osseuse est très rare[48].

Allogreffe

L'allogreffe de moelle osseuse est le seul traitement curatif des LAM. L'objectif est de détruire la moelle osseuse pathologique du patient puis d'en reconstituer une nouvelle moelle grâce à des cellules souches hématopoïétiques collectée chez un individu sain. La prise en charge thérapeutique est complexe et requiert un service d'hématologie adapté disposant de chambres protégées ainsi que d'autres infrastructures hospitalières (unité de thérapie cellulaire, unité de préparation des chimiothérapies, etc.)[49].

L'éligibilité à la greffe est évaluée collégialement et décidée en accord avec le patient. Les traitements nécessaires à la greffe possèdent une certaines toxicité et induisent une longue période d'aplasie et d'immunodépression avec un risque de complications et d'infections élevé[50],[51]. L'allogreffe est donc généralement réservée aux sujets « jeunes » (moins de 60 ans) et/ou en très bon état général qui pourront supporter cette prise en charge et tirer un bénéfice à long terme de la greffe[52].

On peut distinguer sommairement 3 étapes[53]. Premièrement, le conditionnement du patient consiste en une irradiation corporelle totale[54], l'administration d'immunosuppresseurs et une chimiothérapie intensive. Il vise à éradiquer les cellules leucémiques ainsi que l'induction d'une immunodépression importante permettant de diminuer au maximum un rejet de greffe. Les cellules souches hétérologues sont ensuite réinjectées. La suite de la prise en charge consiste à gérer l'aplasie médullaire prolongée induite par le conditionnement ainsi que les éventuelles complications et des effets indésirables. À moyen terme, l'hématologue réalise un suivi de la santé du greffon et surveille la disparition effective des cellules leucémiques.

Au niveau immunologique, l'introduction dans l'organisme de cellules étrangères au patient (dites du « non-soi ») peut déclencher une réaction immunitaire dirigée contre les cellules du patient ou la leucémie : ces effets sont respectivement nommés « greffon vs. hôte » (GvH) et « greffon vs. leucémie » (GvL). Le premier est un effet indésirable plus ou moins grave qui peut se manifester en diverses localisations (digestive, cutanée, etc.) et correspond à une attaque des organes de l'hôte par les cellules greffées ; elle peut être aigüe ou chronique. L'effet GvL est au contraire bénéfique puisque les cellules immunitaires du greffon vont attaquer les cellules leucémiques et exercer ainsi un effet anticancéreux[55]. Outre la GvH, les complications de l'allogreffe incluent : infections en lien avec l'immunodépression et l'aplasie, augmentation du risque de cancers secondaires, cytopénies durables nécessitant des transfusions[53], maladie veino-occlusive hépatique ainsi que les autres effets indésirables des chimiothérapies.

Pour les patients fragiles ou âgés ne pouvant supporter une allogreffe standard, il existe des protocoles dits « d'intensité réduite » ou l'étape de conditionnement (chimiothérapie et radiothérapie) comporte des doses diminués : cette solution est un compromis pour préserver le bénéfice de l'allogreffe tout en prenant en compte la moindre tolérance tolérance du patient [56].

En 2016, en France, un peu plus de 700 allogreffes ont été réalisées pour traiter des LAM[48]. En 201, la société européenne pour la transplantation de sang et de moelle (EBMT) a recensé 6943 allogreffes et 293 autogreffes ayant une leucémie aiguë myéloïde pour indication[57].

Thérapies ciblées

Lors du diagnostic, le séquençage du génome des cellules leucémique permet d'identifier les éventuelles mutations présentes. Certaines d'entre elles participent à la prolifération et au défaut de maturation des blastes : elles peuvent, par exemple, mener à la synthèse d'une protéine anormale qui activerait en permanence le cycle cellulaire, entraînant ainsi une division incontrôlée des cellules. L'enrayement de l'action néfaste des gènes mutés ou des protéines altérées constitue donc une cible thérapeutique potentielle : c'est ainsi que certains médicaments agissant spécifiquement sur ces anomalies ont été développés en cancérologie. Ils sont regroupés sous l'appellation thérapies ciblées en opposition à la chimiothérapie cytotoxique classique ; cette désignation inclut également d'autres médicaments au mécanisme d'action différent, par exemple les anticorps monoclonaux ciblant les récepteurs à la surface des cellules (les cluster de différentiation).

En 2016, une revue de la littérature estime que 50 % à 80 % des cas de LAM possèderaient des mutations délétères[58]. Parmi les gènes le plus souvent concernés on peut citer FLT3 ou NPM1[59] (les mutations peuvent être concomitantes). Dans le cadre de la prise charge d'un patient, la connaissance des gènes mutés permet non seulement de catégoriser la leucémie, d'établir un pronostic mais également de prévoir quelles thérapies ciblées pourront être prescrite chez ce malade. Bien qu'il n'existe pas encore une molécule pour contrer chaque gène, quelques-unes ont été développées au cours de la décennie 2010 et ont parfois reçu l'approbation des autorités sanitaires[60]. Par exemple, il a été identifié que des mutations de l'isocitrate déshydrogénase (IDH), une enzyme impliquée dans le métabolisme énergétique cellulaire, peuvent promouvoir la prolifération des cellules leucémiques. Ainsi, il a été développé des inhibiteurs de l'IDH : l'énasidénib (ciblant l'IDH2) et l'ivosidénib (ciblant l'IDH1)[61],[62]. Diverses autres thérapies ciblées peuvent être prescrites ou font l'objet de recherches cliniques comme le glasdegib, le venetoclax, etc.

CibleTypeExemple de thérapie ciblée
FLT3ProtéineMidostaurine[63], giltéritinib (en)[64] quizartinib (en)
IDHProtéineIvosidénib (IDH1), énasidénib (IDH2)
Bcl-2ProtéineVénétoclax
CD33Récepteur membranaireGemtuzumab ozogamicine

L'utilisation d'hormones androgèniques – qui ne sont pas à proprement parler des thérapies ciblées mais relève plutôt de l'hormonothérapie – a été également étudiée en recherche clinique. La noréthandrolone semble notamment améliorer la survie et la rémission des patients âgés[65],[39].

Enfin, certaines chimiothérapies, bien qu'ayant un mécanisme classique interférent avec la synthèse de l'ADN peuvent aussi avoir des propriétés additionnelles ciblées. L'azacitidine possède par exemple une action hypométhylante : elle peut induire un retrait de groupement chimiques méthyles (-CH3) des brins d'ADN et permettre ainsi la ré-expression de certains gènes contrôlant la division cellulaire de la cellule[66].

Autres situations

Les formes récidivantes ou réfractaires des LAM sont traitées par des protocoles spécifiques avec généralement de la chimiothérapie (traitement de rattrapage ou de sauvetage)[38],[39].

Concernant l'immunothérapie, le gemtuzumab ozogamicine, est le seul anticorps monoclonal approuvé dans le traitement des LAM[67]. Les inhibiteurs d'immunocheckpoint (comme l'ipilimumab, le nivolumab) ou les cellules T CAR (lymphocytes modifiés par génie génétique) ne sont pas, en 2020, indiquées dans le traitement des LAM mais sont un sujet d'étude pour la recherche clinique[68],[69],[38].

Survie

Le pronostic est généralement exprimée par la survie globale à 5 ans c'est-à-dire par la proportion de patients toujours en vie 5 années après leur diagnostic en prenant en compte toutes les causes de décès confondues (qu'elles soient liées à la LAM, ses conséqueces, à un autre évènement sans lien comme par ex. un accident de la route). En oncologie, d'autres moyens peuvent être employés pour estimer le pronostic lors de la prise en charge ou dans les essais cliniques : on peut parler en termes de survie sans rechute, survie sans progression ou bien de la réponse au traitement (réponse complète, partielle, etc.).

Chez l'adulte, la survie à 5 ans est estimée à environ 25% [70],[71] et décroit avec l'âge : elle est de 40% avant 65 ans puis de 5% après[72]. En pédiatrie, la probabilité de survie globale à 5 ans a progressé de 50 % dans les années 90 à environ 60-70 % en 2010 (dans les leucémies aigües lymphoblastiques elle atteint 90 % en 2010)[73],[74]. Là aussi, les chances de survie des jeunes enfants sont légèrement supérieure à celles des adolescents[72]

Ces chiffres ne sont pas applicable pour la leucémie aigüe promyélocytaire (ex-LAM 3). Auparavant associée à un pronostic sombre, de nouveaux traitements (association ATRA / ATO) permettent depuis les années 2000 d'obtenir des rémissions à long-terme chez 90% des patients[75].

Histoire

Alfred Velpeau

La première description dans la littérature médicale d'un cas de leucémie remonte à 1827. Alfred Velpeau décrivit le cas d'un fleuriste âgé de 63 ans atteint d'une maladie et présentant fièvre, fatigue, des calculs rénaux et une importante dilatation du foie et de la rate. Il observa que le sang du patient avait une consistance de gruau et postula que cette apparence pouvait être causé par des particules blanches[76]. En 1845, une série de cas de patients décédés avec des rates dilatées et des « changements de couleur de consistence de leur sang » fut rapporté par le pathologiste J.H. Bennett ; il emploie alors le terme « leucocythémie » pour décrire cette affection[77].

Le mot « leucémie » fut employé pour la première fois par Rudolf Virchow, médecin pathologiste allemand, en 1856. Il décrivit, grâce à un microscope, un excès de globules blancs chez des individus présentant les symptômes décrits par Velpeau et Benett. Virchow ne connaissant pas l'origine de cette anomalie, il la nomma par un terme purement descriptif leucémie (en grec : sang blanc)[78].

Notes et références

Notes

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Acute myeloid leukemia » (voir la liste des auteurs).
  1. Anglicisme provenant de acute, « aigu », signifiant le passage d'une maladie chronique à un stade aigu ; le verbe associé est « acutiser » (aiguiser).

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